Language of document : ECLI:EU:C:2000:630

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 novembre 2000 (1)

«Pourvoi - Concurrence - Article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) - Amende - Motivation - Imputabilité du comportement infractionnel»

Dans l'affaire C-286/98 P,

Stora Kopparbergs Bergslags AB, établie à Falun (Suède), représentée par Mes A. Riesenkampff et S. Lehr, avocats à Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me R. Faltz, 6, rue Heinrich Heine,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre élargie) du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (T-354/94, Rec. p. II-2111), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall, conseiller juridique, et R. Lyal, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. A. La Pergola, président de chambre, M. Wathelet (rapporteur), D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. J. Mischo,


greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mai 2000,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 juillet 1998, Stora Kopparbergs Bergslags AB a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, StoraKopparbergs Bergslags/Commission (T-354/94, Rec. p. II-2111, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a partiellement annulé la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 - Carton) (JO L 243, p. 1, ci-après la «décision»), et a rejeté le recours pour le surplus.

Les faits

2.
    Par la décision, la Commission a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE).

3.
    Il ressort de l'arrêt attaqué que cette décision faisait suite aux plaintes informelles déposées, en 1990, par la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle représentant la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni, et par la Fédération française du cartonnage, ainsi qu'aux vérifications auxquelles avaient procédé, en avril 1991, sans avertissement préalable, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.

4.
    Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et à la suite de demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition et a, par lettre du 21 décembre 1992, adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées, qui, toutes, ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement.

5.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard - the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennementTampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:

-    dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

-    dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

-    dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

-    dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:

-    se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

-    ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

-    ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

-    se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

-    ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,

-    ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:

a)    par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants;

b)    par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée, une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle de la production seraient promus, facilités ou encouragés

    ou

c)    qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des marchés dans la Communauté.

Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de production de chaque machine.

Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.

Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.

Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel d'échange d'informations.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:

...

xvii)    Stora Kopparbergs Bergslags AB, une amende de 11 250 000 écus;

...»

6.
    Il ressort, en outre, des faits tels qu'énoncés dans l'arrêt attaqué:

«9    Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé 'Groupe d'étude de produit Carton‘ (ci-après 'GEP Carton‘), composé de plusieurs groupes ou comités.

10    Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un 'Presidents Working Group‘ (ci-après 'PWG‘) réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).

11    Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.

12    Le PWG faisait rapport à la 'President Conference‘ (ci-après 'PC‘) à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.

13    À la fin de l'année 1987 a été créé le 'Joint Marketing Committee‘ (ci-après 'JMC‘). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment, des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.

14    Enfin, le comité économique (ci-après 'COE‘) débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.

15    Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.

16    La requérante Stora Kopparbergs Bergslags AB (ci-après 'Stora‘) était déjà propriétaire de Kopparfors, l'un des principaux fabricants européens de carton, lorsqu'elle a acquis, en 1990, le groupe papetier allemand Feldmühle-Nobel (ci-après 'FeNo‘), comprenant la cartonnerie Feldmühle (point 11 des considérants de la décision). À cette date, Feldmühle détenait déjà les Papeteries Béghin-Corbehem (ci-après 'CBC‘).

17    Selon la décision, Feldmühle, Kopparfors et CBC ont participé à l'entente pendant toute la période couverte par la décision. En outre, Feldmühle et CBC auraient participé aux réunions du PWG.

18    Les anciennes cartonneries Kopparfors et Feldmühle ont été ultérieurement intégrées et forment à présent la division Billerud du groupe Stora.

19    Selon le point 158 des considérants de la décision: 'Stora admet être responsable de la participation à l'infraction de ses filiales Feldmühle, Kopparfors et CBC, tant avant qu'après leur acquisition par le groupe‘. En outre, la Commission a considéré que la requérante était, à cause de la participation de Feldmühle et de CBC aux réunions du PWG, l'un des 'chefs de file‘ et portait à ce titre une responsabilité particulière.»

7.
    Seize des dix-huit autres entreprises mises en cause ainsi que quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celui-ci, ont introduit des recours contre la décision (affaires T-295/94, T-301/94, T-304/94, T-308/94 à T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94 et T-352/94, ainsi que affaires jointes T-339/94 à T-342/94).

L'arrêt attaqué

Sur la demande d'annulation de la décision

8.
    À l'appui de sa demande d'annulation de la décision, la requérante a invoqué devant le Tribunal un moyen unique tiré de ce qu'elle ne serait pas le bon destinataire de ladite décision. Elle soutenait notamment que l'infraction ne lui était pas imputable, au motif:

-    d'une part, que la responsabilité de l'infraction concernée ne lui était pas imputable en tant que successeur juridique des sociétés ayant commis l'infraction, car lesdites sociétés existaient toujours;

-    d'autre part, que les conditions pour que lui soit attribuée la responsabilité des infractions commises au sein du groupe, au regard de la pratique décisionnelle de la Commission et de la jurisprudence, n'étaient pas, non plus, remplies. En effet, pendant la période couverte par la décision, Stora n'aurait pas contrôlé de manière effective la politique commerciale des trois sociétés concernées (Kopparfors, Feldmühle et CBC). Stora a également contesté la thèse de laCommission selon laquelle une société mère peut être rendue responsable du comportement anticoncurrentiel d'une filiale au seul motif qu'elle lui appartient à 100 %.

9.
    À cet égard, le Tribunal a répondu:

«78    Ainsi que cela a déjà été constaté, il convient de se rapporter aux renseignements individuels de la communication des griefs afin d'apprécier les motifs ayant conduit la Commission à adresser la décision à la requérante. Il ressort de ces renseignements que le comportement des sociétés Kopparfors, Feldmühle et CBC a été imputé à la requérante en sa qualité de société mère du groupe Stora.

79    Selon une jurisprudence constante, la circonstance que la filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère (voir, notamment, arrêt ICI/Commission, précité, points 132 et 133).

80    En l'espèce, la requérante n'ayant pas contesté qu'elle pouvait influencer de manière déterminante la politique commerciale de Kopparfors, il est, conformément à la jurisprudence de la Cour, superflu de vérifier si elle a effectivement exercé ce pouvoir. En effet, Kopparfors étant une filiale à 100 % de la requérante depuis le 1er janvier 1987, elle suit nécessairement une politique tracée par les organes statutaires qui fixent la politique de sa société mère (voir arrêt AEG/Commission, précité, point 50). En tout état de cause, la requérante n'a invoqué aucun élément de preuve de nature à étayer ses affirmations selon lesquelles Kopparfors aurait exercé son activité sur le marché du carton comme une entité juridique autonome déterminant sa politique commerciale en grande partie par elle-même et aurait possédé son propre conseil d'administration avec des représentants extérieurs.

81    S'agissant de Feldmühle et de CBC, il y a lieu de rappeler que, au cours des années 1988 et 1989, Feldmühle a acquis l'ensemble des actions de CBC, cette dernière société étant devenue une filiale à 100 % de Feldmühle. Il est par ailleurs constant que la requérante a, en avril 1990, conclu des contrats d'achat d'environ 75 % des actions du groupe FeNo auquel appartenait la société Feldmühle, le transfert effectif des actions n'ayant cependant eu lieu qu'en septembre 1990. Enfin, la requérante elle-même a indiqué avoir acquis des actions de petits actionnaires à la fin de l'année 1990, de sorte qu'elle détenait 97,84 % des actions de FeNo.

82    Il n'est ensuite pas contesté par la requérante qu'à la date à laquelle elle a acquis la majorité des actions du groupe FeNo deux sociétés de ce groupe, Feldmühle et CBC, participaient à une infraction à laquelle Kopparfors, filialeà 100 % de la requérante, prenait également part. Le comportement de Kopparfors devant être imputé à la requérante, c'est à bon droit que la Commission a souligné, dans les renseignements individuels de la communication des griefs ... que la requérante n'a pas pu ignorer le comportement anticoncurrentiel de Feldmühle et de CBC.

83    Dans ces conditions, la Commission a pu imputer à la requérante le comportement de Feldmühle et de CBC pour la période précédant et pour la période suivant leur acquisition par la requérante. Il incombait à la requérante, en sa qualité de société mère, de prendre à l'égard de ses filiales toute mesure destinée à empêcher la poursuite de l'infraction dont elle n'ignorait pas l'existence.

84    Cette conclusion n'est en rien infirmée par l'argument de la requérante selon lequel elle n'aurait pas disposé, en vertu de la législation allemande, du pouvoir d'influencer de manière déterminante la politique commerciale de Feldmühle et, partant, de CBC. En effet, la requérante n'a même pas soutenu avoir tenté de faire cesser l'infraction en cause, par exemple en adressant une simple demande à cet effet au conseil d'administration de Feldmühle.

85    Au vu des développements qui précèdent, la Commission a été en droit d'imputer à la requérante le comportement des sociétés en cause. Cette constatation est étayée par le comportement adopté par la requérante lors de la procédure administrative, au cours de laquelle elle s'est présentée comme étant, pour ce qui était des sociétés du groupe Stora, le seul interlocuteur de la Commission au sujet de l'infraction concernée (voir, par analogie, l'arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 6). Enfin, force est de constater que le choix de la requérante comme destinataire de la décision est conforme aux critères généraux retenus par la Commission au point 143 des considérants de la décision ... puisque plusieurs sociétés du groupe Stora ont participé à l'infraction visée par celle-ci.

86    Il s'ensuit que la seconde branche du présent moyen ne saurait être accueillie, de sorte que le moyen doit être rejeté dans son intégralité.»

10.
    Par ailleurs, le Tribunal n'a pas admis les interdictions contenues à l'article 2, premier alinéa, sous b) et c), de la décision, en ce qu'elles visent à empêcher l'échange d'informations purement statistiques n'ayant pas le caractère d'informations individuelles ou individualisables, au motif qu'elles excèdent ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité des comportements constatés. Le Tribunal a, en conséquence, annulé l'article 2, premier à quatrième alinéa, de ladite décision, sauf en ce qui concerne les passages suivants:

«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre deleurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:

a)    par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants.

Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés.»

Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant

11.
    À l'appui de sa demande de suppression ou de réduction de l'amende qui lui a été infligée, la requérante a invoqué devant le Tribunal un moyen tiré de la violation de l'article 15 du règlement n° 17. Ce moyen s'articulait en cinq branches tirées respectivement de la violation de l'obligation de motivation du montant des amendes, de ce que la requérante n'aurait pas dû être considérée comme l'un des «chefs de file» de l'entente, de ce que la Commission aurait commis une erreur d'appréciation concernant les effets de l'entente, de ce que la Commission aurait dû prendre en considération, en tant que circonstance atténuante, le programme d'alignement mis en oeuvre par la requérante et, enfin, de ce que la Commission se serait fondée, pour la détermination du montant de l'amende, sur des «considérations étrangères».

12.
    Ces griefs ont été rejetés par le Tribunal. Compte tenu des moyens avancés dans le pourvoi, il y a lieu de limiter l'exposé des motifs de l'arrêt attaqué, relativement aux première, deuxième et cinquième branches du moyen invoqué par Stora.

Sur la première branche, tirée de la violation de l'obligation de motivation du montant des amendes

13.
    La requérante faisait valoir devant le Tribunal que la Commission aurait dû expliquer, dans la décision, la façon dont le montant des amendes infligées aux diverses entreprises avait été déterminé.

14.
    À cet égard, le Tribunal a répondu:

«117    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellemententachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

118    Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).

119    De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).

120    Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées comme des 'chefs de file‘ de l'entente, alors que les autres entreprises ont été considérées comme des 'membres ordinaires‘ de celle-ci. Enfin, aux points 171 et 172 des considérants, elle indique que les montants des amendes infligées à Rena et à la requérante doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs.

121    Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les 'chefs de file‘ de l'entente et aux autres entreprises. Enfin, la Commission a tenu compte de l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titred'une réduction des deux tiers du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une réduction d'un tiers.

122    Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.

123    Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme des 'chefs de file‘ et à celles considérées comme des 'membres ordinaires‘ ne figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions accordées à Rena et à la requérante, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.

124    En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 264).

125    En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce, déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause, soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité. En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique desdits facteurs.

126    La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant uneconférence de presse tenue le jour même de l'adoption de cette décision par le membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le même sens, arrêt Hilti/Commission, précité, point 136).

127    Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait, au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T-148/89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, Rec. p. II-1057, publication sommaire) et Société des treillis et panneaux soudés/Commission (T-151/89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.

128    Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.

129    Dans les circonstances particulières relevées au point 127 ci-dessus, et compte tenu du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes, l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des amendes infligées.

130    Par conséquent, la première branche du moyen ne saurait être retenue.»

Sur la deuxième branche, tirée de ce que la requérante n'aurait pas dû être considérée comme l'un des «chefs de file» de l'entente

15.
    Devant le Tribunal, Stora reprochait à la Commission d'avoir considéré que l'entente avait largement réussi à atteindre ses objectifs alors même que sa réponse à la communication des griefs contenait un exposé détaillé des conditions du marché et des raisons pour lesquelles les accords sur les augmentations de prix n'avaient eu qu'un effet extrêmement limité sur les prix effectivement appliqués.

16.
    Le Tribunal a répondu:

«137    Selon le point 168, septième tiret, des considérants de la décision, la Commission a déterminé le montant général des amendes en prenant notamment en considération le fait que l'entente a 'largement réussi à atteindre ses objectifs‘. Il est constant qu'une telle considération se réfère aux effets sur le marché de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision.

138    Aux fins du contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur les effets de l'infraction, le Tribunal estime qu'il suffit d'examiner celle portée sur les effets de la collusion sur les prix. En effet, en premier lieu, il ressort de la décision que la constatation relative à la large réussite des objectifs est essentiellement fondée sur les effets de la collusion sur les prix. Si ces effets sont analysés aux points 100 à 102, 115, et 135 à 137 des considérants de la décision, la question de savoir si la collusion sur les parts de marché et celle sur les temps d'arrêt ont eu des effets sur le marché n'y fait, en revanche, l'objet d'aucun examen spécifique.

139    En second lieu, l'examen des effets de la collusion sur les prix permet, en tout état de cause, d'apprécier également si l'objectif de la collusion sur les temps d'arrêt a été atteint, puisque celle-ci visait à éviter que les initiatives concertées en matière de prix soient compromises par un excédent d'offre.

140    En troisième lieu, s'agissant de la collusion sur les parts de marché, la Commission ne soutient pas que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG avaient pour objectif le gel absolu de leurs parts de marché. Selon le point 60, deuxième alinéa, des considérants de la décision, l'accord sur les parts de marché n'était pas figé, 'mais périodiquement adapté et renégocié‘. Au vu de cette précision, il ne saurait donc être reproché à la Commission d'avoir estimé que l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs sans avoir spécifiquement examiné dans la décision la réussite de cette collusion sur les parts de marché.

141    S'agissant de la collusion sur les prix, la Commission en a apprécié les effets généraux.

142    Il ressort de la décision, ainsi que la Commission l'a confirmé lors de l'audience, qu'une distinction a été établie entre trois types d'effets. De plus, la Commission s'est fondée sur le fait que les initiatives en matière de prix ont été globalement considérées comme une réussite par les producteurs eux-mêmes.

143    Le premier type d'effets pris en compte par la Commission, et non contesté par la requérante, consiste dans le fait que les augmentations de prix convenues ont été effectivement annoncées aux clients. Les nouveaux prix ont ainsi servi de référence en cas de négociations individuelles des prix de transaction avec les clients (voir, notamment, points 100 et 101, cinquième et sixième alinéas, des considérants de la décision).

144    Le deuxième type d'effets consiste dans le fait que l'évolution des prix de transaction a suivi celle des prix annoncés. À cet égard, la Commission soutient que 'les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils prenaient également des mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux clients‘ (point 101, premier alinéa, des considérants de la décision). Elle admet que les clients ont parfois obtenu des concessions sur la date d'entrée en vigueur des augmentations ou des rabais ou réductions individuelles, notamment en cas de grosse commande, et que 'l'augmentation nette perçue en moyenne après déduction des réductions, rabais et autres concessions était donc toujours inférieure au montant total de l'augmentation annoncée‘ (point 102, dernier alinéa, des considérants). Cependant, se référant à des graphiques contenus dans une étude économique réalisée, aux fins de la procédure devant la Commission, pour le compte de plusieurs entreprises destinataires de la décision (ci-après 'rapport LE‘), elle affirme qu'il existait, au cours de la période visée par la décision, une 'étroite relation linéaire‘ entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction exprimés en monnaies nationales ou convertis en écus. Elle en conclut: 'Les augmentations nettes des prix obtenues suivaient étroitement les augmentations annoncées, fût-ce avec un certain retard. L'auteur du rapport a lui-même reconnu pendant l'audition qu'il en a été ainsi en 1988 et 1989.‘ (Point 115, deuxième alinéa, des considérants).

145    Il doit être admis que, dans l'appréciation de ce deuxième type d'effets, la Commission a pu à bon droit considérer que l'existence d'une relation linéaire entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction constituait la preuve d'un effet produit sur ces derniers par les initiatives en matière de prix, conformément à l'objectif poursuivi par les producteurs. En fait, il est constant que, sur le marché en cause, la pratique de négociations individuelles avec les clients implique que les prix de transaction ne sont, en général, pas identiques aux prix annoncés. Il ne saurait donc être escompté que lesaugmentations des prix de transaction soient identiques aux augmentations de prix annoncées.

146    En ce qui concerne l'existence même d'une corrélation entre les augmentations de prix annoncées et celles des prix de transaction, la Commission s'est référée à juste titre au rapport LE, celui-ci constituant une analyse de l'évolution des prix du carton pendant la période visée par la décision, fondée sur des données fournies par plusieurs producteurs.

147    Toutefois, ce rapport ne confirme que partiellement, dans le temps, l'existence d'une 'étroite relation linéaire‘. En effet, l'examen de la période de 1987 à 1991 révèle trois sous-périodes distinctes. À cet égard, lors de l'audition devant la Commission, l'auteur du rapport LE a résumé ses conclusions de la manière suivante: 'Il n'y a pas de corrélation étroite, même avec un décalage, entre l'augmentation de prix annoncée et les prix du marché, pendant le début de la période considérée, de 1987 à 1988. En revanche, une telle corrélation existe en 1988/1989, puis cette corrélation se détériore pour se comporter de façon plutôt singulière [oddly] sur la période 1990/1991‘ (Procès-verbal de l'audition, p. 28). Il a relevé, en outre, que ces variations dans le temps étaient étroitement liées à des variations de la demande (voir, notamment, procès-verbal de l'audition, p. 20).

148    Ces conclusions orales de l'auteur sont conformes à l'analyse développée dans son rapport, et notamment aux graphiques comparant l'évolution des prix annoncés et l'évolution des prix de transaction (rapport LE, graphiques 10 et 11, p. 29). Force est donc de constater que la Commission n'a que partiellement prouvé l'existence de l''étroite relation linéaire‘ qu'elle invoque.

149    Lors de l'audience, la Commission a indiqué avoir également pris en compte un troisième type d'effets de la collusion sur les prix consistant dans le fait que le niveau des prix de transaction a été supérieur au niveau qui aurait été atteint en l'absence de toute collusion. À cet égard, la Commission, soulignant que les dates et l'ordre des annonces des augmentations de prix avaient été programmés par le PWG, estime dans la décision qu''il est inconcevable que, dans ces conditions, ces annonces concertées n'aient eu aucun effet sur le niveau réel des prix‘ (point 136, troisième alinéa, des considérants de la décision). Toutefois, le rapport LE (section 3) a établi un modèle permettant de prévoir le niveau de prix résultant des conditions objectives du marché. Selon ce rapport, le niveau des prix, tels que déterminés par des facteurs économiques objectifs durant la période de 1975 à 1991, aurait évolué, avec des variations négligeables, de manière identique à celui des prix de transaction pratiqués, y compris pendant la période retenue par la décision.

150    Malgré ces conclusions, l'analyse faite dans le rapport ne permet pas de constater que les initiatives concertées en matière de prix n'ont pas permis aux producteurs d'atteindre un niveau des prix de transaction supérieur à celui quiaurait résulté du libre jeu de la concurrence. À cet égard, comme l'a souligné la Commission lors de l'audience, il est possible que les facteurs pris en compte dans ladite analyse aient été influencés par l'existence de la collusion. Ainsi, la Commission a fait valoir à bon droit que le comportement collusoire a, par exemple, pu limiter l'incitation pour les entreprises à réduire leurs coûts. Or, elle n'a invoqué l'existence d'aucune erreur directe dans l'analyse contenue dans le rapport LE et n'a pas davantage présenté ses propres analyses économiques de l'hypothétique évolution des prix de transaction en l'absence de toute concertation. Dans ces conditions, son affirmation selon laquelle le niveau des prix de transaction aurait été inférieur en l'absence de collusion entre les producteurs ne saurait être entérinée.

151    Il s'ensuit que l'existence de ce troisième type d'effets de la collusion sur les prix n'est pas prouvée.

152    Les constatations qui précèdent ne sont en rien modifiées par l'appréciation subjective des producteurs sur laquelle la Commission s'est fondée pour considérer que l'entente avait largement réussi à atteindre ses objectifs. Sur ce point, la Commission s'est reportée à une liste de documents qu'elle a fournie lors de l'audience. Or, à supposer même qu'elle ait pu fonder son appréciation de l'éventuelle réussite des initiatives en matière de prix sur des documents faisant état des sentiments subjectifs de certains producteurs, force est de constater que plusieurs entreprises, dont la requérante, ont à juste titre fait référence à l'audience à de nombreux autres documents du dossier faisant état des problèmes rencontrés par les producteurs dans la mise en oeuvre des augmentations de prix convenues. Dans ces conditions, la référence faite par la Commission aux déclarations des producteurs eux-mêmes n'est pas suffisante pour conclure que l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs.

153    Au vu des considérations qui précèdent, les effets de l'infraction relevés par la Commission ne sont que partiellement prouvés. Le Tribunal analysera la portée de cette conclusion dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction en matière d'amendes, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée en l'espèce (voir ci-après point 170).»

Sur la cinquième branche, tirée de ce que la Commission se serait fondée, pour la détermination du montant de l'amende, sur des «considérations étrangères»

17.
    Devant le Tribunal, Stora, après avoir constaté que le montant total de l'amende était le plus élevé que la Commission ait jamais imposé, a considéré que, à défaut d'explications sur ce point dans la décision, il ne pouvait être que supposé que des «considérations étrangères» avaient été retenues.

18.
    À cet égard, le Tribunal a répondu:

«165    La Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant compte de la durée de l'infraction (point 167 des considérants de la décision), ainsi que des considérations suivantes (point 168 des considérants):

    ”-     la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés constituent en soi des restrictions graves de la concurrence,

    -     l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté,

    -     le marché communautaire du carton est un secteur économique important qui totalise chaque année quelque 2,5 milliards d'écus,

    -     les entreprises participant à l'infraction couvrent pratiquement tout le marché,

    -     l'entente a fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du carton dans la Communauté,

    -     des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de documentation concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants étaient dissuadés de prendre des notes; la date et l'ordre des lettres annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon à pouvoir proclamer que ces augmentations 'faisaient suite à d'autres‘, etc.),

    -     l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs”.

166    De plus, le Tribunal rappelle qu'il ressort d'une réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal que des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 ont été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les 'chefs de file‘ de l'entente et aux autres entreprises.

167    Il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, dans son appréciation du niveau général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence sont encore relativement fréquentes et que, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence (voir, notamment, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, MusiqueDiffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, points 105 à 108, et arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, point 385).

168    En second lieu, la Commission a soutenu à bon droit que, en raison des circonstances propres à l'espèce, aucune comparaison directe ne saurait être opérée entre le niveau général des amendes retenu dans la présente décision et ceux retenus dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, en particulier dans la décision Polypropylène, considérée par la Commission elle-même comme la plus comparable à celle du cas d'espèce. En effet, contrairement à l'affaire à l'origine de la décision Polypropylène, aucune circonstance atténuante générale n'a été prise en compte en l'espèce pour déterminer le niveau général des amendes. En outre, l'adoption de mesures visant à dissimuler l'existence de la collusion démontre que les entreprises concernées ont été pleinement conscientes de l'illégalité de leur comportement. Partant, la Commission a pu prendre en compte ces mesures lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, car elles constituaient un aspect particulièrement grave de l'infraction de nature à la caractériser par rapport aux infractions antérieurement constatées par la Commission.

169    En troisième lieu, il convient de souligner la longue durée et le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui a été commise malgré l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, et notamment la décision Polypropylène.

170    Sur la base de ces éléments, il convient de considérer que les critères repris au point 168 des considérants de la décision justifient le niveau général des amendes fixé par la Commission. Rien ne permet, par conséquent, de considérer que la Commission s'est fondée sur des considérations étrangères lors de la détermination du montant des amendes. Le Tribunal a certes déjà constaté que les effets de la collusion sur les prix retenus par la Commission pour la détermination du niveau général des amendes ne sont que partiellement prouvés. Toutefois, à la lumière des considérations qui précèdent, cette conclusion ne saurait affecter sensiblement l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée. À cet égard, le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Partant, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère que les constatations opérées au sujet des effets de l'infraction ne justifient aucune réduction du niveau général des amendes fixé par la Commission.

171    La cinquième branche du moyen ne peut, dès lors, être accueillie.»

Le pourvoi

19.
    Par son pourvoi, la requérante demande l'annulation de l'arrêt attaqué ainsi que de la décision, en ce qu'elle la vise. À titre subsidiaire, elle demande la suppression ou du moins la réduction de l'amende qui lui a été infligée.

20.
    À l'appui de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens tirés:

-    de la violation des articles 85 du traité et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ainsi que des principes généraux de droit communautaire;

-    du défaut de motivation quant au calcul de l'amende;

-    d'une erreur de droit en ce que le Tribunal a jugé que l'appréciation de la gravité de l'infraction ne pouvait être affectée par l'absence des effets allégués sur les prix.

Sur le premier moyen

21.
    La requérante estime que le Tribunal a commis des erreurs de droit en jugeant:

-    que les infractions à l'article 85 du traité commises par sa filiale Kopparfors devaient lui être imputées, sans avoir tenu compte de l'incapacité de la Commission à établir si la requérante avait effectivement exercé une influence sur la politique commerciale de Kopparfors (point 80 de l'arrêt attaqué);

-    que les infractions commises par Feldmühle et CBC avant et après leur acquisition par la requérante devaient être imputées à cette dernière au motif qu'elle ne pouvait ignorer leur participation à l'infraction et n'a pas adopté les mesures appropriées destinées à empêcher la poursuite de l'infraction (point 83 de l'arrêt attaqué).

Sur l'imputation à la requérante du comportement de Kopparfors

22.
    La requérante fait grief au Tribunal de lui avoir imputé le comportement de Kopparfors au seul motif que, en sa qualité de filiale à 100 %, Kopparfors avait nécessairement suivi une politique commerciale déterminée par les organes statutaires de la société mère, sans avoir cherché à vérifier si cette dernière avait effectivement exercé son influence sur sa filiale (voir point 80 de l'arrêt attaqué).

23.
    Cette position méconnaîtrait la jurisprudence de la Cour selon laquelle l'imputation à la société mère du comportement de sa filiale dépendrait toujours de la constatation de l'exercice effectif d'un pouvoir de direction (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, points 132 à 141; du 12 juillet 1979, BMWBelgium e.a./Commission, 32/78 et 36/78 à 82/78, Rec. p. 2435, point 24, et du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C-310/93 P, Rec. p. I-865, point 11). La détention de 100 % du capital de la filiale ne saurait à elle seule suffire à démontrer l'existence d'un tel contrôle par la société mère.

24.
    La requérante fait également grief au Tribunal de s'être mépris, au point 80 de l'arrêt attaqué, sur le sens de l'arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission (107/82, Rec. p. 3151), sur lequel il s'est appuyé pour justifier sa position.

25.
    En tout état de cause, la requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au même point de l'arrêt attaqué, qu'elle n'avait invoqué aucun élément de preuve de nature à étayer son affirmation selon laquelle Kopparfors exerçait son activité comme une entité juridique autonome, fixant en grande partie seule sa politique commerciale et possédant son propre conseil d'administration. En cela, le Tribunal aurait erronément présupposé que la charge de la preuve lui incombait à cet égard.

26.
    À cet égard, il convient de rappeler, ainsi que la Cour l'a jugé à plusieurs reprises, que la circonstance que la filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère (voir, notamment, arrêts ICI/Commission, précité, points 132 et 133; du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, point 44, et du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, point 15).

27.
    En l'occurrence, il est notoire, ainsi que l'a constaté le Tribunal au point 80 de l'arrêt attaqué, que la requérante détenait la totalité du capital de Kopparfors depuis le 1er janvier 1987. Le Tribunal a ajouté que la requérante n'avait pas contesté «qu'elle pouvait influencer de manière déterminante la politique commerciale de Kopparfors» et que, en tout état de cause, elle n'avait «invoqué aucun élément de preuve de nature à étayer ses affirmations» quant à l'autonomie de comportement de sa filiale.

28.
    Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n'a pas considéré que la détention de 100 % du capital permettait à elle seule d'établir la responsabilité de la société mère. Il s'est également fondé sur la circonstance que la requérante n'avait pas contesté avoir été en mesure d'influencer de façon déterminante la politique commerciale de sa filiale, sans avoir, par ailleurs, apporté des éléments de preuve au soutien de ses affirmations sur l'autonomie de celle-ci.

29.
    Il est également inexact de prétendre que le Tribunal a ainsi fait reposer sur la requérante la charge de démontrer l'indépendance de comportement de sa filiale. En effet, en présence d'une détention de la totalité du capital de celle-ci, le Tribunal pouvait légitimement supposer, ainsi que l'a relevé la Commission, que la société mère exerçait effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale,particulièrement après avoir constaté, au point 85 de l'arrêt attaqué, que la requérante s'était présentée lors de la procédure administrative «comme étant, pour ce qui était des sociétés du groupe Stora, le seul interlocuteur de la Commission au sujet de l'infraction concernée». Dans ces conditions, il incombait à la requérante de renverser cette présomption par des éléments de preuve suffisants.

30.
    Il découle de ce qui précède que la première branche du premier moyen repose sur une lecture erronée de l'arrêt attaqué, en sorte qu'elle doit être rejetée.

Sur l'imputation à la requérante des comportements de Feldmühle et de CBC

31.
    En premier lieu, la requérante conteste les affirmations du Tribunal contenues aux points 82 et 83 de l'arrêt attaqué, selon lesquelles, après l'acquisition, en 1990, de FeNo, comprenant Feldmühle, elle-même détenant CBC, la requérante, d'une part, ne pouvait ignorer la participation de ces deux dernières sociétés à l'entente, à laquelle participait également Kopparfors des agissements de laquelle elle était déjà responsable, et, d'autre part, était en mesure de prendre à l'égard de ses filiales toute mesure destinée à empêcher la poursuite de l'infraction.

32.
    À cet égard, il y a lieu de constater que les griefs formulés par la requérante portent sur des appréciations de fait qui, comme telles, ne sont pas susceptibles d'être discutées dans le cadre d'un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C-362/95 P, Rec. p. I-4775, point 42). Ils doivent en conséquence être rejetés comme irrecevables.

33.
    En second lieu, la requérante fait grief au Tribunal de lui avoir imputé le comportement infractionnel de Feldmühle et de CBC pour la période antérieure à l'acquisition de FeNo.

34.
    Elle fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour (voir arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 83 et suivants) et la pratique de la Commission elle-même, les infractions aux règles de la concurrence commises par des entreprises qui ont été, par la suite, acquises par une autre entreprise, sans perdre pour autant leur personnalité juridique, ne peuvent être imputées à cette dernière du simple fait de leur acquisition.

35.
    Il ressort du point 81 de l'arrêt attaqué que ce n'est qu'en avril 1990 que la requérante a «conclu des contrats d'achat d'environ 75 % des actions du groupe FeNo auquel appartenait la société Feldmühle, le transfert effectif des actions n'ayant cependant eu lieu qu'en septembre 1990», et que la requérante «a indiqué avoir acquis des actions de petits actionnaires à la fin de l'année 1990, de sorte qu'elle détenait 97,84 % des actions de FeNo».

36.
    Or, le Tribunal a imputé à la requérante les agissements infractionnels de Feldmühle et de CBC pour la période antérieure à septembre 1990.

37.
    À cet égard, il convient de relever qu'il incombe, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l'entreprise en cause au moment où l'infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l'adoption de la décision constatant l'infraction, l'exploitation de l'entreprise a été placée sous la responsabilité d'une autre personne.

38.
    En l'occurrence, il est constant que Feldmühle et CBC ont continué à exister après leur prise de contrôle par la requérante en septembre 1990, de telle sorte qu'il y avait lieu d'imputer la responsabilité de leurs agissements à la personne morale qui dirigeait leur exploitation pour la période précédant leur acquisition par la requérante.

39.
    La circonstance que la requérante ne pouvait ignorer, au cours de cette période, leur participation à l'entente, du fait qu'elle-même y participait depuis janvier 1987, à travers sa filiale Kopparfors, ne saurait suffire, ainsi que l'a à juste titre relevé M. l'avocat général au point 80 de ses conclusions, à lui imputer la responsabilité des infractions commises par ces sociétés antérieurement à leur acquisition.

40.
    Il y a lieu, en conséquence, d'accueillir, sur ce point, le premier moyen et d'annuler, pour ce motif, l'arrêt attaqué.

Sur le deuxième moyen

41.
    Par son deuxième moyen, la requérante fait grief au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en s'abstenant d'annuler la décision pour défaut de motivation alors qu'il avait lui-même constaté, au point 123 de l'arrêt attaqué, que la décision ne précise pas les facteurs dont la Commission a tenu compte pour calculer l'amende et, au point 125 de l'arrêt attaqué, que la divulgation de ces critères dans la décision aurait permis aux destinataires «de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués».

42.
    Selon la requérante, il est de jurisprudence constante, rappelée par le Tribunal au point 126 de l'arrêt attaqué, que la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et ne saurait, sauf circonstances particulières, être donnée postérieurement. En l'espèce, aucune circonstance de ce type n'aurait été établie, la Commission ayant elle-même reconnu que rien ne l'aurait empêchée de révéler sa méthode de calcul dans la décision (point 126 de l'arrêt attaqué).

43.
    La circonstance que le Tribunal n'aurait lui-même précisé la portée de l'obligation de motivation que dans ses arrêts Tréfilunion/Commission, Société métallurgique deNormandie/Commission et Société des treillis et panneaux soudés/Commission, précités (ci-après les «arrêts treillis soudés»), rappelés au point 127 de l'arrêt attaqué, serait sans pertinence. Selon la requérante, si le Tribunal constate qu'une décision n'est pas suffisamment motivée, ce qu'il aurait fait en l'occurrence, il doit l'annuler sans tenir compte de la question de savoir si la Commission était antérieurement informée de la portée de l'obligation de motivation par un arrêt du Tribunal. La requérante se réfère également à la jurisprudence de la Cour sur les effets dans le temps de ses arrêts interprétatifs rendus en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE).

44.
    Selon la Commission, le Tribunal a considéré, au point 124 de l'arrêt attaqué, que les points 169 à 172 des motifs de la décision contenaient «une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause».

45.
    Aux points 125 à 129 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait simplement affirmé que, dans certaines circonstances, il était souhaitable que la Commission expose en détail dans sa décision le mode de calcul suivi. Ce faisant, le Tribunal n'aurait pas érigé l'absence d'indication à cet égard en défaut de motivation. Tout au plus, la position du Tribunal découlerait-elle du principe de bonne administration dont la violation ne saurait constituer comme telle un motif d'annulation de la décision.

46.
    Enfin, la Commission indique que la portée ainsi dégagée des arrêts treillis soudés a été récemment confirmée par le Tribunal. Selon ce dernier, l'information qu'il est souhaitable que la Commission communique au destinataire d'une décision ne doit pas être considérée comme une motivation supplémentaire, mais uniquement comme la traduction chiffrée de critères énoncés dans la décision, dans la mesure où ces critères sont eux-mêmes susceptibles d'être quantifiés (voir, notamment, arrêt du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T-151/94, Rec. p. II-629, points 627 et 628).

47.
    Il importe, d'abord, d'exposer les différentes étapes du raisonnement tenu par le Tribunal en réponse au moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation concernant le calcul des amendes.

48.
    Le Tribunal a tout d'abord rappelé, au point 117 de l'arrêt attaqué, la jurisprudence constante selon laquelle l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, outre la jurisprudence citée par le Tribunal, arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C-22/94, Rec. p. I-1809, point 39).

49.
    Le Tribunal a ensuite précisé, au point 118 de l'arrêt attaqué, que, s'agissant d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation demotivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions dépend d'un grand nombre d'éléments tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54).

50.
    À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 124 de l'arrêt attaqué,

«que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 264)».

51.
    Toutefois, aux points 125 à 129 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a atténué, non sans ambiguïté, la portée de l'affirmation contenue au point 124.

52.
    En effet, il ressort des points 125 et 126 de l'arrêt attaqué que la décision ne comporte pas l'indication de données précises prises en compte systématiquement par la Commission pour fixer le montant des amendes, qu'elle était pourtant en mesure de divulguer et qui auraient permis aux entreprises de mieux apprécier si la Commission avait commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et si ce montant était justifié par rapport aux critères généraux appliqués. Le Tribunal a ajouté, au point 127 de l'arrêt attaqué, que, selon ses arrêts treillis soudés, il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.

53.
    Il a enfin conclu, au point 129 de l'arrêt attaqué, à une «absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes», qui était justifiée par les circonstances particulières de l'espèce, à savoir la divulgation des éléments de calcul lors de la procédure contentieuse et le caractère novateur de l'interprétation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) contenue dans les arrêts treillis soudés.

54.
    Avant d'examiner, au regard des arguments avancés par la requérante, le bien-fondé des appréciations du Tribunal concernant les conséquences sur le respect de l'obligation de motivation qui pourraient découler de la divulgation des éléments de calcul lors de la procédure contentieuse et du caractère novateur des arrêts treillis soudés, il convient de vérifier si le respect de l'obligation de motivation, prévue à l'article 190 du traité, exigeait de la Commission qu'elle fasse figurer dans la décision, en sus des élémentsd'appréciation lui ayant permis de déterminer la gravité et la durée de l'infraction, un exposé plus détaillé du mode de calcul des amendes.

55.
    À cet égard, il y a lieu de souligner que, s'agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles de concurrence, le Tribunal est compétent à un double titre.

56.
    D'une part, il est chargé de contrôler leur légalité, au titre de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE). Dans ce cadre, il doit notamment contrôler le respect de l'obligation de motivation, prévue à l'article 190 du traité, dont la violation rend la décision annulable.

    

57.
    D'autre part, le Tribunal est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 172 du traité CE (devenu article 229 CE) et 17 du règlement n° 17, le caractère approprié du montant des amendes. Cette dernière appréciation peut justifier la production et la prise en considération d'éléments complémentaires d'information dont la mention dans la décision n'est pas comme telle requise en vertu de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité.

58.
    En ce qui concerne le contrôle du respect de l'obligation de motivation, il convient de rappeler que l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17 prévoit que, «Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci».

59.
    Dans ces conditions, au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 117 et 118 de l'arrêt attaqué, les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction. En l'absence de tels éléments, la décision serait viciée pour défaut de motivation.

60.
    Or, le Tribunal a jugé à bon droit, au point 124 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait satisfait à ces exigences. Il convient, en effet, de constater, ainsi que l'a fait le Tribunal, que les points 167 à 172 des motifs de la décision énoncent les critères utilisés par la Commission pour calculer les amendes. Ainsi, le point 167 concerne notamment la durée de l'infraction; il contient également, ainsi que le point 168, les considérations sur lesquelles la Commission s'est fondée pour apprécier la gravité de l'infraction et le montant général des amendes; le point 169 comporte les éléments pris en compte par la Commission pour déterminer l'amende à infliger à chaque entreprise; le point 170 désigne les entreprises devant être considérées comme les «chefs de file» de l'entente, portant une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises; enfin, les points 171 et 172 tirent les conséquences sur le montant des amendes de la coopération de différents fabricants avec la Commission lors de ses vérifications en vue de l'établissement des faits ou en réponse à la communication des griefs.

61.
    La circonstance que des informations plus précises, telles que les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises ou les taux de réduction retenus par la Commission, ont été communiquées ultérieurement, lors d'une conférence de presse ou au cours de la procédure contentieuse, n'est pas de nature à remettre en cause la constatation contenue au point 124 de l'arrêt attaqué. En effet, des précisions apportées par l'auteur d'une décision attaquée, complétant une motivation déjà en elle-même suffisante, ne relèvent pas à proprement parler du respect de l'obligation de motivation, même si elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge communautaire, en ce qu'elles permettent à l'institution d'expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision.

62.
    Certes, la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d'appréciation. Toutefois, il lui est loisible d'assortir sa décision d'une motivation allant au-delà des exigences rappelées au point 59 du présent arrêt, entre autres en indiquant les éléments chiffrés qui ont guidé, notamment quant à l'effet dissuasif recherché, l'exercice de son pouvoir d'appréciation dans la fixation des amendes infligées à l'encontre de plusieurs entreprises ayant participé, avec une intensité variable, à l'infraction.

    

63.
    En effet, il peut être souhaitable que la Commission use de cette faculté pour permettre aux entreprises de connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée. De façon plus générale, cela peut servir la transparence de l'action administrative et faciliter l'exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, qui doit lui permettre d'apprécier, au-delà de la légalité de la décision attaquée, le caractère approprié de l'amende infligée. Cependant, cette faculté, comme l'a souligné la Commission, n'est pas de nature à modifier l'étendue des exigences découlant de l'obligation de motivation.

64.
    En conséquence, le Tribunal ne pouvait, sans violer la portée de l'article 190 du traité, considérer, au point 128 de l'arrêt attaqué, que «la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision». De même, il ne pouvait, sans se contredire dans les motifs, après avoir constaté, au point 124 de l'arrêt attaqué, que la décision comportait une «indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause», faire état, au point 129 de l'arrêt attaqué, de «l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes».

65.
    Toutefois, l'erreur de droit ainsi commise par le Tribunal n'est pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué dès lors que, compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a valablement rejeté, nonobstant les points 125 à 129 de l'arrêt attaqué, le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation concernant le calcul des amendes.

66.
    Dès lors qu'il n'incombait pas à la Commission, au titre de l'obligation de motivation, d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, il n'y a pas lieu d'examiner les différents griefs formulés par la requérante et qui reposent sur cette prémisse erronée.

67.
    Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le deuxième moyen.

Sur le troisième moyen

68.
    Par son troisième moyen, la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir réduit l'amende infligée par la Commission après qu'il eut constaté que la Commission n'avait pas prouvé tous les effets prétendus de l'infraction (point 151 de l'arrêt attaqué).

69.
    Selon la requérante, en jugeant que l'absence de tout effet négatif sur le niveau de prix de transaction ne pouvait affecter sensiblement son appréciation de la gravité de l'infraction et, partant, entraîner une réduction de l'amende (point 170 de l'arrêt attaqué), le Tribunal a méconnu le principe selon lequel le montant de l'amende doit être proportionnel à la gravité de l'infraction ainsi que le principe d'égalité de traitement.

70.
    Selon la Commission, le troisième moyen est irrecevable, car il tend à ce que la Cour exerce une compétence de pleine juridiction à la lumière des faits, ce qu'il ne lui appartiendrait pas de faire dans le cadre d'un pourvoi (voir arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, point 31).

71.
    La Commission ajoute, quant au fond, que le Tribunal était habilité, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, à se faire sa propre opinion sur le montant approprié de l'amende. Elle indique que, en l'occurrence, une infraction a été constatée et prouvée et que sa gravité ne dépend pas uniquement des effets qu'elle a produits, mais également des intentions des participants de contrôler les marchés et de maintenir les prix à un niveau élevé tout en sachant pertinemment que les mesures qu'ils prenaient étaient illégales et qu'ils couraient le risque de se voir infliger de lourdes amendes.

72.
    Il ressort de l'arrêt attaqué que le Tribunal a d'abord rappelé, aux points 118 et 156 de l'arrêt attaqué, la jurisprudence de la Cour selon laquelle la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54).

73.
    Le Tribunal a ensuite énuméré, au point 165 de l'arrêt attaqué, les considérations contenues dans la décision concernant la gravité de l'infraction, sur lesquelles il a, enfin, exercé son contrôle juridictionnel.

74.
    À cet égard, le Tribunal a jugé que la Commission était fondée à élever le niveau général des amendes par rapport à sa pratique décisionnelle antérieure, afin de renforcer leur effet dissuasif (point 167 de l'arrêt attaqué) et de tenir compte de l'adoption par les entreprises concernées de mesures visant à dissimuler l'existence de la collusion, ce qui constitue «un aspect particulièrement grave de l'infraction de nature à la caractériser par rapport aux infractions antérieurement constatées» (point 168 de l'arrêt attaqué). Le Tribunal a également souligné la longue durée et le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité (point 169 de l'arrêt attaqué).

75.
    Le Tribunal a enfin conclu, au point 170 de l'arrêt attaqué, que, à la lumière des considérations qui précèdent, le fait que la Commission n'avait que partiellement prouvé les effets de la collusion sur les prix ne pouvait «affecter sensiblement l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée». Il a observé, à cet égard, que «le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence».

76.
    Il découle de ce qui précède que le Tribunal a estimé, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, que ses constatations en ce qui concerne les effets de l'infraction n'étaient pas de nature à modifier l'appréciation de la gravité de celle-ci, telle qu'effectuée par la Commission elle-même, ou plus exactement à diminuer la gravité de ladite infraction ainsi mesurée. Le Tribunal a considéré, au regard des circonstances particulières de l'espèce et du contexte dans lequel l'infraction s'est déroulée, tels que pris en compte par la décision et rappelés aux points 70 et 71 du présent arrêt, ainsi que de la portée dissuasive des amendes infligées - autant d'éléments pouvant intervenir, conformément à la jurisprudence de la Cour, dans l'appréciation de la gravité de l'infraction (voir arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 106; ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54, et arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, point 33) -, qu'il n'y avait pas lieu de réduire le niveau de l'amende.

77.
    Il y a lieu, en conséquence, de rejeter comme non fondé le troisième moyen.

78.
    Selon l'article 54, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue.

79.
    En l'absence d'indication dans le dossier sur la part des activités de Feldmühle et de CBC dans le chiffre d'affaires de 1990 de la requérante, il y a lieu de renvoyerl'affaire devant le Tribunal afin qu'il apprécie à nouveau le montant de l'amende, compte tenu des considérations énoncées aux points 37 à 40 du présent arrêt, et de réserver la question des dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    L'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (T-354/94), est annulé dans la mesure où il impute à Stora Kopparbergs Bergslags AB la responsabilité des infractions commises par Feldmühle et les Papeteries Béghin-Corbehem antérieurement au mois de septembre 1990.

2)    Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)    L'affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance.

4)    Les dépens sont réservés.

La Pergola

Wathelet
Edward

Jann

Sevón

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2000.

Le greffier

Le président de la cinquième chambre

R. Grass

La Pergola


1: Langue de procédure: l'anglais.