Language of document : ECLI:EU:C:2000:632

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 novembre 2000 (1)

«Pourvoi - Article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 - Responsabilité solidaire pour le paiement de l'amende»

Dans l'affaire C-294/98 P,

Metsä-Serla Oyj, anciennement Metsä-Serla Oy, établie à Espoo (Finlande),

UPM-Kymmene Oyj, anciennement United Paper Mills Ltd, établie à Helsinki (Finlande),

Tamrock Oy, anciennement Tampella Corporation, établie à Tampere (Finlande),

Kyro Oyj Abp, anciennement Oy Kyro Ab, établie à Tampere,

représentées par Mes H. Hellmann, avocat à Cologne, et H.-J. Hellmann, avocat à Mannheim, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

parties requérantes,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre élargie) du 14 mai 1998, Metsä-Serla e.a./Commission (T-339/94 à T-342/94, Rec. p. II-1727), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. R. Lyal, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me D. Schroeder, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. A. La Pergola, président de chambre, M. Wathelet (rapporteur), D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. J. Mischo,


greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mai 2000,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 juillet 1998, les sociétés Metsä-Serla Oyj, UPM-Kymmene Oyj, Tamrock Oy et Kyro Oyj Abp ont, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Metsä-Serla e.a./Commission (T-339/94 à T-342/94, Rec. p. II-1727, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté les recours dirigés à l'encontre de la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 - Carton) (JO L 243, p. 1, ci-après la «décision»).

Les faits

2.
    Par la décision, la Commission a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE).

3.
    Il ressort de l'arrêt attaqué que cette décision faisait suite aux plaintes informelles déposées, en 1990, par la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle représentant la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni, et par la Fédération française du cartonnage, ainsi qu'aux vérifications auxquelles avaient procédé, en avril 1991, sans avertissement préalable, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.

4.
    Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et à la suite de demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition et a, par lettre du 21 décembre 1992, adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées, qui, toutes, ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement.

5.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard - the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:

-    dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

-    dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

-    dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

-    dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:

-    se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

-    ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

-    ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

-    se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

-    ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,

-    ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

...

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:

...

v)    Finnboard - the Finnish Board Mills Association, une amende de 20 000 000 d'écus, pour laquelle Oy Kyro AB est solidairement responsable avec Finnboard à concurrence de 3 000 000 d'écus, Metsä-Serla Oy à concurrence de 7 000 000 d'écus, Tampella Corp. à concurrence de 5 000 000 d'écus et United Paper Mills à concurrence de 5 000 000 d'écus;

...»

6.
    Il ressort, en outre, des faits tels qu'énoncés dans l'arrêt attaqué:

«9    Les requérantes, destinataires de la décision, sont des fabricants finlandais de carton. Elles commercialisent leurs produits dans la Communauté ainsi que sur d'autres marchés par l'intermédiaire de Finnish Board Mills Association - Finnboard (ci-après 'Finnboard‘). Finnboard est une association professionnelle de droit finlandais qui comptait, en 1991, six sociétés membres, dont les sociétés requérantes.

10    Il ressort du point 174 des considérants de la décision que la Commission a infligé une amende à Finnboard au motif que c'était elle, et non pas les sociétés requérantes, qui avait participé activement et directement à l'entente. Toutefois, elle a considéré les sociétés requérantes comme solidairement responsables avec Finnboard pour le paiement de la partie de l'amende correspondant approximativement aux ventes de carton réalisées pour le compte de chacune d'entre elles par Finnboard.»

7.
    La décision a également fait l'objet de 17 autres recours (T-295/94, T-301/94, T-304/94, T-308/94 à T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94), introduits par tous les autres destinataires de ladite décision, à l'exception de deux. L'affaire T-301/94, Laakmann Karton/Commission a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, à la suite du désistement de la requérante.

L'arrêt attaqué

Sur la demande d'annulation de la décision

8.
    Devant le Tribunal, les requérantes avaient soulevé un moyen unique tiré d'une violation des articles 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et 85, paragraphe 1, du traité.

9.
    Elles faisaient valoir, en substance, que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n'habilitait pas la Commission à adopter une décision imposant à une entreprise la responsabilité du paiement d'une amende à laquelle une autre entreprise avait été condamnée. Cette disposition permettrait seulement d'infliger des amendes aux entreprises ayant elles-mêmes commis l'infraction aux règles de concurrence. Or, la Commission aurait retenu une responsabilité du fait d'autrui, notion distincte de la responsabilité du fait personnel.

10.
    Les requérantes contestaient également que la Commission ait pu les tenir pour solidairement responsables du paiement de l'amende en établissant l'existence d'une unité économique et qu'elle ait pu soutenir que Finnboard avait agi «comme alter ego et dans l'intérêt» des requérantes.

11.
    À cet égard, le Tribunal a répondu:

«42    [L'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17] ne précise pas expressément si une entreprise qui n'est pas directement et formellement tenue pour responsable du comportement infractionnel constaté par la Commission peut être déclarée solidairement responsable avec une autre entreprise, auteur du comportement infractionnel constaté et sanctionnée à ce titre, du paiement d'une amende infligée à cette dernière.

43    Toutefois, il y a lieu de considérer que ladite disposition doit être interprétée en ce sens qu'une entreprise peut être déclarée solidairement responsable avec une autre entreprise du paiement d'une amende infligée à celle-ci, qui a commis une infraction de propos délibéré ou par négligence, à condition que la Commission démontre, dans le même acte, que cette infraction aurait pu être également constatée dans le chef de l'entreprise devant répondre solidairement de l'amende.

44    En l'espèce, si Finnboard est l'entreprise directement et formellement tenue pour responsable de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité (article 1er de la décision), et si l'amende prévue par l'article 3, sous v), de la décision lui est dès lors infligée, chacune des requérantes est cependant déclarée solidairement responsable avec Finnboard du paiement d'une partie de cette amende, la Commission ayant estimé que Finnboard avait agi comme leur 'alter ego‘ et dans leur intérêt (point 174, deuxième alinéa, des considérants de la décision).

45    Il convient donc d'examiner s'il existait entre Finnboard et les requérantes des liens économiques et juridiques tels que la Commission aurait pu tenir chacune de ces dernières pour directement et formellement responsable de l'infraction.

46    À cet égard, il ressort de la décision que la Commission a estimé que les requérantes étaient responsables des actes de Finnboard (point 174, deuxième alinéa, susvisé).

47    Pour apprécier le bien-fondé de cette affirmation, il convient de prendre en considération les principaux renseignements, tels qu'ils ressortent du dossier et, notamment, de la réponse des requérantes aux questions écrites du Tribunal, relatifs aux modalités de fonctionnement de Finnboard et aux relations juridiques et factuelles que Finnboard entretenait avec ses sociétés membres, et notamment les requérantes.

48    Selon ses statuts du 1er janvier 1987 (paragraphe 2), Finnboard est une association qui commercialise le carton produit par les requérantes, ainsi que des produits du secteur papetier produits par d'autres membres.

49    Selon les paragraphes 10 et 11 desdits statuts, chacun des membres nomme un représentant au sein du 'Board of Directors‘, chargé notamment d'adopter les règles de conduite des opérations de l'association, de confirmer le budget, le plan de financement et les principes de la répartition des dépenses entre les sociétés membres et de nommer le 'Managing Director‘.

50    Le paragraphe 20 des statuts précise:

    'Les membres sont conjointement et solidairement responsables des engagements pris au nom de l'association comme s'ils les avaient contractés à titre personnel.

    L'obligation aux dettes et aux engagements est répartie au prorata des facturations nettes des membres pour l'exercice en cours et les deux exercices précédents.‘

51    S'agissant de la vente des produits de carton, il ressort de la réponse des requérantes aux questions écrites du Tribunal qu'elles avaient, à l'époque des faits, donné mandat à Finnboard pour effectuer l'ensemble de leurs ventes de carton, à l'unique exception des ventes internes au groupe de chaque société requérante et des ventes de faibles volumes à des clients occasionnels en Finlande (voir également paragraphe 14 des statuts de Finnboard). De plus, Finnboard fixait et annonçait des tarifs identiques pour les requérantes.

52    Les requérantes expliquent également que, lors des ventes individuelles, les clients passaient leurs ordres auprès de Finnboard en indiquant généralement l'usine préférée, de telles préférences s'expliquant, notamment, par des différences de qualité entre les produits de chacune des requérantes. Dans l'hypothèse où aucune préférence n'était exprimée, les ordres étaient répartisentre les membres de Finnboard, conformément au paragraphe 15 de ses statuts, aux termes duquel:

    'Les entrées de commandes doivent être réparties de manière juste et égale aux fins de la production par les membres, compte tenu de la capacité de production de chacun d'eux ainsi que des principes de répartition fixés par le conseil d'administration.‘

53    Finnboard était autorisée à négocier les conditions de vente, y compris le prix, avec chaque client potentiel, les requérantes ayant établi des lignes directrices générales relatives à ces négociations individuelles. Chaque commande devait toutefois être soumise à la société requérante concernée qui décidait de l'accepter ou non.

54    Le déroulement des ventes individuelles et les principes comptables appliqués pour lesdites ventes sont décrits dans une déclaration du 4 juin 1997 de l'expert-comptable de Finnboard:

    ”Finnboard agit en tant que commissionnaire pour ses commettants, en facturant 'en son nom propre pour le compte de chaque commettant‘.

    1.    Chaque commande est confirmée par l'usine du commettant.

    2.    Au moment de l'expédition, l'usine envoie une facture initiale à Finnboard ('Mill invoice‘). La facture est inscrite dans le compte commettants en tant que créance et dans le registre des achats de Finnboard en tant que dette envers l'usine.

    3.    La facture émise par l'usine (déduction faite des coûts estimés de transport, de stockage, de livraison et de financement) est prépayée par Finnboard dans le délai convenu (10 jours en 1990/1991). Finnboard finance ainsi les stocks étrangers et les créances clients de l'usine sans devenir propriétaire des marchandises expédiées.

    4.    Lors de la livraison au client, Finnboard émet une facture client pour le compte de l'usine. La facture est enregistrée en tant que vente dans le compte commettants, et en tant que créance dans le registre des ventes de Finnboard.

    5.    Les paiements effectués par les clients sont inscrits dans les comptes commettants, et les écarts éventuels entre les prix et les coûts estimés et les prix et les coûts réels (voir point 3) sont soldés par le compte commettants.”

55    Il apparaît ainsi en premier lieu que, même si Finnboard a été autorisée à négocier, avec les clients finals et dans le respect des lignes directrices fixéespar les requérantes, les prix et les autres conditions de vente, aucune vente ne pouvait avoir lieu sans l'approbation préalable du prix et des autres conditions de vente par la société requérante concernée.

56    En second lieu, il est constant que le droit de propriété passait directement de la société requérante concernée au client final.

57    Enfin, le Tribunal constate que les commissions perçues par Finnboard, qui figurent en tant que chiffre d'affaires dans ses rapports annuels, ne couvrent que les frais liés aux ventes qu'elle a effectuées pour le compte de ses sociétés membres, tels que les frais de transport ou de financement. Il s'ensuit que Finnboard n'a eu aucun intérêt économique propre à prendre part à la collusion sur les prix, car les augmentations de prix annoncées et mises en oeuvre par les entreprises réunies au sein des organes du GEP Carton n'ont pu engendrer aucun profit pour elle. En revanche, la participation de Finnboard à cette collusion revêtait un intérêt économique direct pour les requérantes.

58    Dans les circonstances de l'espèce, les liens économiques et juridiques entre Finnboard et chacune des requérantes étaient donc tels que, en commercialisant le carton au profit des requérantes, Finnboard n'a agi qu'en tant qu'organe auxiliaire de chacune de ces sociétés. Au regard de ces liens et du fait qu'elle était tenue de suivre les directives émises par chacune des requérantes et ne pouvait pas adopter sur le marché un comportement indépendant de chacune d'elles, Finnboard constituait en réalité une unité économique avec chacune de ses sociétés membres produisant du carton (voir, par analogie, arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 538 à 540).

59    Dès lors, la Commission a considéré à juste titre, dans les motifs de la décision, que les requérantes étaient responsables des agissements anticoncurrentiels de Finnboard, de sorte qu'il aurait été possible de constater, dans le chef de chacune d'elles, une violation, commise de propos délibéré, de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle a donc pu, au lieu d'infliger une amende directement à chacune des sociétés requérantes, choisir de retenir la responsabilité solidaire de chacune de celles-ci avec Finnboard pour le paiement d'une partie de l'amende infligée à cette association professionnelle.

60    Au vu des considérations qui précèdent, le moyen doit être rejeté.»

Sur les demandes de réduction du montant de l'amende

12.
    Le Tribunal a déclaré irrecevables les demandes de réduction du montant de l'amende présentées par les requérantes au motif que ces dernières n'avaient invoqué aucun moyen au soutien de ces demandes.

13.
    En conclusion, le Tribunal a rejeté les recours.

Le pourvoi

Sur la régularité de l'introduction du pourvoi

14.
    À titre liminaire, la Commission s'interroge sur la recevabilité du pourvoi en constatant que, excepté le cas de la société Kyro Oyj Abp, les extraits du registre du commerce n'ont été produits que sous forme de traduction, que la procuration de Kyro Oyj Abp porte, entre autres signatures, celle d'une personne qui, selon l'extrait du registre du commerce produit, ne serait pas habilitée à signer et que l'autre signataire de cette procuration n'aurait pas le pouvoir de représenter seul la société.

15.
    Il suffit, à cet égard, de constater que l'article 38, paragraphe 5, sous b), du règlement de procédure de la Cour, qui prévoit qu'une personne morale de droit privé doit joindre à sa requête «la preuve que le mandat donné à l'avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet», n'est pas, en vertu de l'article 112, paragraphe 1, du même règlement, qui renvoie aux seuls paragraphes 2 et 3 de l'article 38, applicable aux pourvois.

16.
    Dès lors, le grief d'irrecevabilité soulevé par la Commission doit être rejeté.

Sur le fond

17.
    À l'appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent deux moyens. D'une part, elles font grief au Tribunal de ne pas avoir jugé que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne pouvait pas servir de base juridique à l'engagement de leur responsabilité solidaire pour le paiement d'une amende infligée à une autre entreprise. D'autre part, elles considèrent que c'est à tort que le Tribunal s'est référé aux principes développés par la Cour pour la détermination des amendes à infliger à des entreprises qui forment une unité économique, la Cour n'ayant, selon elles, nullement déduit de ces principes une responsabilité pour le paiement d'une amende infligée à autrui.

Sur le premier moyen

18.
    Les requérantes font valoir que la décision de leur infliger des amendes alors que ni la Commission ni le Tribunal n'ont établi qu'elles avaient enfreint, de propos délibéré ou par négligence, l'article 85, paragraphe 1, du traité ne repose sur aucune base juridique. Il ressortirait, au contraire, de l'article 1er de la décision qu'elles n'auraient pas violé l'article 85, paragraphe 1, du traité.

19.
    Les requérantes relèvent que, au point 43 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu'une entreprise peut être déclarée solidairement responsable avec une autre entreprisedu paiement d'une amende infligée à cette dernière, qui a commis une infraction de propos délibéré ou par négligence, «à condition que la Commission démontre, dans le même acte, que cette infraction aurait pu être également constatée dans le chef de l'entreprise devant répondre solidairement de l'amende». Cette interprétation serait contraire au texte clair de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 qui requiert la constatation d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité dans le chef du destinataire de la décision. Elle serait également contraire au principe élémentaire de la légalité et reviendrait à permettre à la Commission de prononcer des sanctions, au titre de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, à l'encontre d'entreprises sans avoir ni à supporter la charge de la preuve d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité ni à tenir compte du cas particulier de chaque entreprise (et notamment des circonstances atténuantes) dans l'appréciation de la gravité ou de la durée de l'infraction pour la fixation du montant de l'amende. Enfin, l'interprétation du Tribunal contreviendrait au principe de la présomption d'innocence, reconnu en droit communautaire (voir arrêt du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, points 30 à 35).

20.
    La Commission estime que le premier moyen est irrecevable, car il ne ferait que répéter, en grande partie, les arguments de fait et de droit invoqués en première instance.

21.
    Quant au fond, la Commission estime que l'interprétation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 faite par le Tribunal au point 43 de l'arrêt attaqué est conforme au libellé de cette disposition. Une entreprise commettrait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité si le comportement d'une autre entreprise, qui enfreint cette même disposition, peut précisément lui être imputé (voir, notamment, arrêts du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, points 132 et suivants; Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, points 44 et suivants, et du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, points 49 et suivants).

22.
    En outre, il serait inexact que, en suivant l'interprétation du Tribunal, les circonstances particulières aux entreprises pouvant être tenues pour solidairement responsables ne seraient pas prises en considération. Ces entreprises ne peuvent être rendues solidairement responsables que si l'infraction pouvait être constatée également dans leur chef, ce qui impliquerait la prise en considération des circonstances particulières les concernant. Tel aurait été le cas en l'espèce, les requérantes ayant chacune été rendue solidairement responsable de l'amende infligée à Finnboard pour un montant différent. De surcroît, les requérantes n'invoqueraient pas l'existence de circonstances individuelles dont la Commission ou le Tribunal n'auraient pas tenu compte.

23.
    Enfin, le principe de la présomption d'innocence n'aurait pas non plus été méconnu. La Commission aurait fait des constatations ayant justifié l'imposition d'amendes directement aux requérantes, lesquelles ont été destinataires de la communication des griefs et ont donc pu s'en défendre sans aucune restriction.

24.
    À cet égard, il convient, d'abord, de rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé par la Commission. En effet, il ressort de l'exposé qui précède que les requérantes contestent le bien-fondé du point 43 de l'arrêt attaqué en ce qu'il serait entaché d'une erreur de droit.

25.
    Ensuite, il y a lieu de rappeler que, en l'occurrence, Finnboard s'est vu infliger une amende de 20 000 000 écus, pour laquelle chacune des requérantes a été considérée comme solidairement responsable à concurrence d'un certain montant situé entre 3 000 000 et 7 000 000 écus et correspondant approximativement aux ventes de carton pour le compte de chacune d'entre elles par Finnboard (point 10 de l'arrêt attaqué).

26.
    Cela signifie, ainsi que l'a constaté le Tribunal au point 44 de l'arrêt attaqué, que Finnboard a été tenue pour directement responsable de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Mais, la Commission ayant considéré qu'elle avait agi pour le compte et dans l'intérêt des requérantes, de telle sorte que son comportement anticoncurrentiel pouvait leur être imputé, chacune des requérantes a été déclarée solidairement responsable du paiement d'une partie de l'amende.

27.
    Le Tribunal a examiné et confirmé l'imputabilité du comportement de Finnboard aux requérantes aux points 45 à 59 de l'arrêt attaqué. Le raisonnement suivi par le Tribunal à cet égard ne saurait être considéré comme entaché d'une erreur dès lors qu'il est de jurisprudence constante que le comportement anticoncurrentiel d'une entreprise peut être imputé à une autre lorsqu'elle n'a pas déterminé son comportement sur le marché de façon autonome, mais a appliqué pour l'essentiel les directives émises par cette dernière, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissaient (voir, notamment, arrêt AEG/Commission, précité, point 49).

28.
    Dans ces conditions, l'interprétation faite par le Tribunal de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne saurait être considérée comme contraire au principe de légalité, dès lors que les requérantes, auxquelles ont été imputés les agissements anticoncurrentiels de Finnboard, ont été condamnées, au titre de cet article, à une amende pour une infraction qu'elles sont censées avoir commise elles-mêmes du fait de cette imputation. Ceci explique que, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, les circonstances particulières les concernant ont été prises en considération par la Commission, ainsi que l'a constaté d'ailleurs le Tribunal au point 10 de l'arrêt attaqué, et que les requérantes ont été destinataires de la communication des griefs, à l'égard desquels il n'est pas établi qu'elles n'ont pu se défendre.

29.
    Pour ce motif également, le grief tiré de la violation du principe de la présomption d'innocence doit être rejeté.

30.
    Enfin, quant à la question de savoir si les conditions de l'imputabilité étaient effectivement réunies en l'espèce, un tel examen, qui repose sur une appréciation des faits, ne saurait comme tel être contesté dans le cadre d'un pourvoi.

31.
    Il découle de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté en tant que partiellement non fondé et partiellement irrecevable.

Sur le second moyen

32.
    Selon les requérantes, la Cour exigerait toujours, pour qu'une société mère puisse être tenue pour responsable d'une infraction commise par sa filiale, qu'une violation personnelle des règles de la concurrence soit établie à l'encontre de la première et que celle-ci se voie infliger une amende (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, points 37 et 41; ICI/Commission, précité, points 132 à 141; Geigy/Commission, précité, point 45, et du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/89, Rec. p. II-389, points 149 et 153). L'existence d'une unité économique, selon la jurisprudence de la Cour, ne saurait donc être invoquée à l'appui de la responsabilité des requérantes du fait d'autrui pour le paiement d'une amende infligée à Finnboard, alors qu'aucune infraction n'aurait été constatée dans leur chef.

33.
    Les requérantes ajoutent que la position défendue par la Commission ne trouve pas appui dans sa propre pratique administrative qui ne connaîtrait que deux cas de mise en cause de la responsabilité solidaire, lesquels se distingueraient fondamentalement, en droit comme en fait, de la présente affaire en ce que les entreprises, qui avaient commis une infraction en commun, étaient poursuivies comme coauteurs et frappées d'une amende unique [voir les décisions de la Commission 72/457/CEE, du 14 décembre 1972, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité instituant la Communauté européenne (IV/26.911 - ZOJA/CSC - ICI) (JO L 299, p. 51), et 80/1283/CEE, du 25 novembre 1980, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/29.702: Johnson & Johnson) (JO L 377, p. 16, notamment, p. 25)].

34.
    À cet égard, il suffit de constater que l'argumentation des requérantes repose sur une prémisse erronée, selon laquelle aucune infraction n'a été constatée dans leur chef et aucune amende personnelle ne leur a été infligée. Au contraire, il ressort des points 27 à 30 du présent arrêt que les requérantes ont été personnellement condamnées pour une infraction qu'elles sont censées avoir commise elles-mêmes en raison des liens économiques et juridiques qui les unissaient à Finnboard et qui leur permettaient de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché.

35.
    À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que les conditions permettant d'établir l'existence d'une unité économique n'étaient pas réunies en l'occurrence.

36.
    À cet égard, il y a lieu de constater que les points 45 à 58 de l'arrêt attaqué contiennent les motifs au soutien de la conclusion selon laquelle, lors de ses négociations avec les acheteurs de carton, Finnboard était tenue de suivre les directivesémises par chacune des requérantes et ne pouvait pas adopter sur le marché un comportement indépendant de chacune d'elles, de telle sorte qu'elle constituait effectivement une unité économique avec chacun de ses membres produisant du carton.

37.
    De telles considérations reposent sur une série de constatations de nature factuelle qui ne sont pas susceptibles d'être discutées dans le cadre d'un pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve ou de violation de principes généraux et des règles procédurales applicables en matière de charge et d'administration de la preuve, ce que les requérantes ne cherchent pas à établir.

38.
    Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le second moyen.

39.
    Il résulte de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

40.
    Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et ces dernières ayant succombé en l'intégralité de leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le pourvoi est rejeté.

2)    Metsä-Serla Oyj, UPM-Kymmene Oyj, Tamrock Oy et Kyro Oyj Abp sont condamnées aux dépens.

La Pergola

Wathelet
Edward

Jann

Sevón

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2000.

Le greffier

Le président de la cinquième chambre

R. Grass

A. La Pergola


1: Langue de procédure: l'allemand.