Language of document : ECLI:EU:T:2011:707

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

30 novembre 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative SE© SPORTS EQUIPMENT – Marque nationale verbale antérieure SE So Easy – Motif relatif de refus – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑477/10,

SE‑Blusen Stenau GmbH, établie à Gronau (Allemagne), représentée par MO. Bischof, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Pohlmann, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Sport Eybl & Sports Experts GmbH, établie à Wels (Autriche), représentée par Mes M. Pachinger et S. Fürst, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 22 juillet 2010 (affaire R 1393/2009‑1), relative à une procédure d’opposition entre SE-Blusen Stenau GmbH et Sport Eybl & Sports Experts GmbH,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 janvier 2011,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 1er mars 2011,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience à présenter par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 mai 2007, l’intervenante, Sport Eybl & Sports Experts GmbH a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent, notamment, des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières, (non compris dans d’autres classes), malles et valises, sacs à dos, sacs de sport ; parapluies, parasols et cannes » ;

–        classe 25 : « Vêtements de sport et chaussures de sport ; habillement pour cyclistes ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 47/2004, du 29 octobre 2007.

5        Le 17 février 2005, la requérante, SE-Blusen Stenau GmbH, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur l’enregistrement allemand n° 30732258 de la marque verbale SE So Easy visant, notamment, les « cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes », relevant de la classe 18, ainsi que les « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25. Elle était dirigée notamment contre les produits visés au point 3 ci-dessus.

7        Le 22 septembre 2009, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, sur la base de la marque SE So Easy, en ce qui concerne les produits relevant des classes 18 et 25.

8        Le 18 novembre 2009, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 22 juillet 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’opposition à l’égard des produits en cause. Selon elle, il n’est pas contesté que les produits en cause visés par les signes en conflit sont identiques ou très similaires. En revanche, lesdits signes sont globalement tellement différents que tout risque de confusion peut être exclu.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante avance un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

13      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

14      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI − Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 à 33, et la jurisprudence citée].

15      Cette appréciation globale tient compte, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché, ainsi que du degré de similitude des marques et des produits ou des services désignés. À cet égard, elle implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 19).

16      Dans le cas d’espèce, la division d’opposition et, par la suite, la chambre de recours a uniquement fondé sa décision sur l’enregistrement allemand de la marque verbale SE So Easy.

 Sur le public pertinent

17      La chambre de recours a constaté, sans que la requérante le conteste, que les produits en cause étant destinés au grand public, le public pertinent était constitué par le consommateur moyen desdits produits, normalement informé et avisé.

18      Il convient de confirmer cette appréciation.

19      Étant donné que la marque antérieure est un enregistrement national allemand, il convient de considérer comme public pertinent les consommateurs moyens allemands.

 Sur la comparaison des produits

20      La chambre de recours a considéré que les produits visés par les signes en conflit sont identiques ou très similaires.

21      S’agissant des produits relevant de la classe 18, les produits visés par la marque antérieure sont les « cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ». Les produits visés par le signe demandé sont les « cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; sacs à dos, sacs de sport ; parapluies, parasols et cannes ». Dès lors, il convient de constater que les « sacs à dos, sacs de sport » et les produits visés par la marque antérieure sont similaires, et pour le reste, les produits visés par les signes en conflit sont identiques.

22      En ce qui concerne les produits relevant de la classe 25, ainsi que l’OHMI l’a relevé, les « vêtements de sport et chaussures de sport ; habillement pour cyclistes », visés par le signe demandé, sont entièrement compris dans « vêtements, chaussures, chapellerie », visés par la marque antérieure, de sorte que les deux groupes de produits sont identiques.

23      Eu égard à ce qui précède, il convient de confirmer la constatation de la chambre de recours selon laquelle les produits visés par les signes en conflit sont identiques ou très similaires, avec la précision qu’ils sont identiques pour la plupart.

 Sur la comparaison des signes en conflit

24      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

25      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

26      Il a été également jugé que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une identité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects visuel, phonétique et conceptuel [voir arrêt du Tribunal du 2 décembre 2009, Volvo Trademark/OHMI – Grebenshikova (SOLVO), T‑434/07, Rec. p. II‑4415, point 31, et la jurisprudence citée].

 Sur la similitude visuelle

27      Dans le cas d’espèce, le signe demandé est une marque complexe figurative, consistant en les lettres stylisées majuscules « S » et « E », le signe « © » et l’élément verbal « sports equipment ». Ces trois éléments sont de couleurs blanche et grise sur un fond rouge. La marque antérieure consiste en deux éléments verbaux, « se » et « so easy ».

28      La chambre de recours a considéré que les signes en conflit n’ont guère de similitude sur le plan visuel. Selon elle, les éléments linéaires au centre du signe demandé sont si stylisés que « cette représentation ne serait plus englobée dans l’étendue de la protection » de l’élément verbal « se » contenu dans la marque antérieure. En effet, selon elle, les lettres « s » et « e » ne sont pas reconnues par le consommateur dans le signe demandé et, si elles sont reconnues, c’est uniquement en raison de leur correspondance avec les lettres initiales des mots composant l’élément « sports equipment ». Les éléments verbaux « sports equipment » et « so easy » seraient totalement différents. Le symbole « © », signifiant copyright, n’aurait aucune influence sur la comparaison visuelle, étant donné qu’il s’agit d’un signe habituellement contenu dans des marques.

29      La requérante critique cette analyse. Elle estime que les deux signes en cause sont dominés par l’élément verbal « se », de sorte qu’ils sont similaires sur le plan visuel.

30      L’OHMI maintient que les éléments linéaires présents dans le signe demandé « ne relèvent pas du domaine de la protection » de l’élément « se » de la marque antérieure. Il fait valoir que le premier élément linéaire peut aussi être considéré comme le chiffre 5 stylisé, tandis que le second élément linéaire n’a rien en commun avec une lettre ou un chiffre. Ainsi, les signes en conflit seraient différents sur le plan visuel.

31      L’intervenante considère que le groupe de lettres « se » dans le signe demandé présente une configuration graphique marquante, qui déforme les lettres « s » et « e » jusqu’à les rendre méconnaissables et qui ne pourrait plus, en raison de son caractère inhabituel et peu ordinaire, être couverte par la marque verbale antérieure. C’est l’impression résultant de cette configuration inhabituelle qui resterait dans la mémoire du consommateur. Dès lors, les signes en conflit seraient différents sur le plan visuel.

32      En premier lieu, il convient de constater, contrairement à ce qui a été retenu par la chambre de recours, que les éléments linéaires centraux du signe demandé peuvent facilement être identifiés comme un élément verbal composé des lettres majuscules « S » et « E » par le public pertinent, en raison de leur forme et du fait que les deux éléments linéaires ont exactement les mêmes dimensions et caractéristiques typographiques, ce qui amène le consommateur moyen à les percevoir comme deux lettres juxtaposées. En outre, le consommateur moyen est pleinement habitué à ce que les éléments verbaux des marques soient composés de lettres stylisées [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 novembre 2009, Frag Comercio Internacional/OHMI – Tinkerbell Modas (GREEN by missako), T‑162/08, non publié au Recueil, point 38].

33      Dès lors, il convient d’établir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle n’a pas reconnu que l’élément central de la marque demandée constituait un élément verbal, « se », composé des lettres majuscules stylisées « S » et « E ».

34      En deuxième lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel l’élément verbal « se », commun aux deux signes, constitue l’élément dominant dans chacun des signes.

35      S’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, points 34 et 35, et du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, Rec. p. II‑757, point 97].

36      En règle générale, le public ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Weiler/OHMI – IQNet Association – The International Certification Network (Q2WEB), T‑242/07, non publié au Recueil, point 35 et la jurisprudence citée].

37      Le fait qu’un élément d’une marque complexe n’ait qu’un faible caractère distinctif n’implique pas nécessairement que ledit élément ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [arrêts du Tribunal du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, point 20, et du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 54].

38      En ce qui concerne le signe demandée, il convient de constater que le groupe de lettres « se », en tant que tel, ne possède aucune signification en langue allemande, de sorte que cet élément a une capacité distinctive normale. Cependant, dans le signe demandé, reproduit dans une graphie particulière, il attire directement l’attention du consommateur en raison de sa taille, de sa position, de sa police stylisée et par le contraste avec le fond rouge rectangulaire.

39      En revanche, l’élément verbal « sports equipment » a une signification généralement comprise par le grand public allemand, étant donné qu’il appartient au vocabulaire anglais de base et est même compris normalement par la majorité du public ne parlant pas cette langue. En tout état de cause, le terme « sport » fait également partie du vocabulaire allemand. Ainsi, cet élément est descriptif en ce qui concerne les produits demandés. Visuellement, il n’occupe qu’une partie mineure de la surface du signe demandé et est écrit dans une police ordinaire. Sa visibilité est réduite par rapport à celle de l’élément « se », en raison de sa plus petite dimension, de sa position marginale en bas du signe et dans la mesure où il est écrit en lettres grises, tandis que l’élément « se » est blanc.

40      En ce qui concerne le symbole « © », il convient de confirmer qu’il n’a aucune influence sur la comparaison visuelle, étant donné qu’il s’agit d’un signe habituellement contenu dans les marques.

41      La combinaison des couleurs rouge, blanche et grise joue aussi un certain rôle dans l’impression d’ensemble du signe demandé. À cet égard, il convient de noter que le contraste le plus fort présent dans le signe demandé est celui existant entre le fond rouge et l’élément verbal « se ».

42      Sur la base de cette analyse, il convient de constater que l’élément « se » domine l’impression d’ensemble du signe demandé.

43      En ce qui concerne la marque antérieure, il convient de rappeler que l’élément verbal « se » n’ayant aucune signification en allemand, il possède une capacité distinctive intrinsèque normale. L’élément verbal « so easy » a une signification généralement comprise par le grand public allemand, étant donné qu’il appartient au vocabulaire anglais de base et est même compris normalement par la majorité du public ne parlant pas cette langue. En outre, ledit élément revêt un caractère général laudatif ou descriptif, étant donné que sa signification peut être associée à un style de mode libre et décontracté. Il s’ensuit que l’élément « so easy » ne possède qu’une faible qualité distinctive intrinsèque [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 janvier 2008, Inter-IKEA/OHMI – Waibel (idea), T‑112/06, non publié au Recueil, point 51].

44      Il convient, dès lors, de prendre en compte, d’une part, la capacité distinctive intrinsèque de l’élément verbal « se » plus élevée que celle de l’élément verbal « so easy », le fait qu’il occupe la première place dans la marque antérieure, place à laquelle le consommateur accorde généralement plus d’attention [arrêt du Tribunal du 19 mai 2011, Tempus Vade/OHMI – Palacios Serrano (AIR FORCE), T‑81/10, non publié au Recueil, point 36], et, d’autre part, que l’élément « so easy » est plus long. Il ressort de la mise en balance de ces considérations que, contrairement à l’allégation de la requérante, l’élément verbal « se » ne domine pas l’impression d’ensemble de la marque antérieure. Cependant, il possède une importance légèrement plus élevée dans celle-ci que l’élément « so easy ».

45      En troisième lieu, s’agissant de la comparaison visuelle des deux signes, il y a lieu de noter que les éléments verbaux « so easy » et « sports equipment » sont totalement différents.

46      Cependant, il y convient de rappeler que l’élément commun verbal « se » domine l’impression d’ensemble du signe demandé et, dans l’impression d’ensemble de la marque antérieure, joue un rôle légèrement plus important que l’autre élément verbal « so easy ». Toutefois, les éléments graphiques présents dans le signe demandé, en particulier la police inhabituelle de l’élément dominant « se », éloignent les signes en conflit sur le plan visuel.

47      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de constater que, sur le plan visuel, il existe une similitude de degré moyen entre les deux signes. Il en résulte que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a considéré que les signes étaient à peine similaires.

 Sur la similitude phonétique

48      En ce qui concerne la comparaison sur le plan phonétique, la chambre de recours a retenu que les signes en conflit n’étaient que faiblement similaires. En effet, selon elle, le groupe de lettres « se » est très court, de sorte qu’une plus grande importance est accordée aux éléments verbaux supplémentaires qui sont différents. Dans le cas où le consommateur ne percevrait pas les éléments linéaires comme le groupe de lettres « se », les deux signes seraient totalement différents.

49      La requérante considère qu’il existe un degré élevé de similitude entre les signes en conflit, étant donné que le consommateur se référerait aux signes en conflit en mentionnant seulement leur élément dominant « se ».

50      L’OHMI souligne que l’élément verbal « sports equipment » est clairement lisible, de sorte qu’il ne peut pas être négligé lors de la comparaison phonétique. L’élément verbal « so easy » serait aussi toujours prononcé, dès lors qu’il expliquerait l’abréviation « se ».

51      Tout d’abord, il convient de rappeler que le public pertinent peut facilement percevoir que l’élément central de la marque demandée est constitué par l’élément verbal « se », composé des lettres majuscules stylisées « S » et « E » (voir les points 32 et 33 ci-dessus).

52      En outre, il ressort des point 38 et 43 ci-dessus que les éléments « so easy » et « sports equipment » sont laudatifs et/ou descriptifs à l’égard des produits en cause, de sorte qu’ils ne possèdent qu’une faible capacité distinctive intrinsèque, tandis que l’élément verbal commun « se » possède une capacité distinctive intrinsèque normale. L’OHMI n’explique pas pourquoi la correspondance entre le groupe de lettres « se » et les lettres initiales de l’élément verbal « so easy » inciterait le consommateur à toujours prononcer l’ensemble des éléments de la marque antérieure, malgré le fait que l’élément « so easy » est descriptif ou laudatif à l’égard des produits concernés et peut même être considéré, par le consommateur, comme un slogan publicitaire.

53      En outre, en raison du fait que l’élément « se » est court et dénué de signification en allemand, le public pertinent prononcera les deux lettres le composant le plus probablement séparément.

54      Il convient également de tenir compte du fait que le public pertinent accorde généralement plus d’attention à la partie initiale des signes, dans le cas d’espèce à l’élément verbal commun « se », qu’à sa fin [arrêt du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, point 51].

55      Enfin, il est probable que lors d’une conversation entre le consommateur et un vendeur des produits en cause ou dans le cas où un autre consommateur recommande un de ces produits, l’ensemble des signes en conflit, le plus souvent, ne sera pas prononcé, mais seule la partie initiale « se » sera mentionnée. En effet, la mention « so easy » ou « sports equipment » n’ajouterait guère de précision à ladite partie initiale, au moins selon la perception d’une grande partie des consommateurs, vu le caractère laudatif et/ou descriptif de ces éléments.

56      Dès lors, il convient de conclure que, sur le plan phonétique, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré, il existe un niveau moyen de similitude entre les signes en conflit.

 Sur la similitude conceptuelle

57      Pour ce qui est de l’aspect conceptuel de la comparaison, la chambre de recours a considéré que, si les éléments linéaires présents dans le signe demandé ne sont pas perçus par le consommateur comme un groupe de lettre, il n’existe aucune similitude entre les signes en conflit. S’ils l’étaient, il n’existerait pas de similitude non plus, puisque l’élément verbal serait considéré, dans le cas du signe demandé, comme l’abréviation de « sports equipment », et, dans le cas de la marque antérieure, comme celle de « so easy ».

58      La requérante fait valoir que le contenu conceptuel de l’élément « se » doit être examiné séparément par rapport aux autres éléments verbaux et que la similitude conceptuelle est renforcée par le fait que le consommateur peut percevoir les signes en conflit comme des marques du même producteur ajustées à des lignes de produits différentes.

59      Ainsi que le Tribunal l’a déjà constaté aux points 32 et 33 ci-dessus, le public pertinent peut facilement percevoir que l’élément central du signe demandé est constitué par un élément verbal composé du groupe de lettres stylisées « se ».

60      L’OHMI fait valoir que, même si le groupe de lettres stylisées « se » est lisible pour le consommateur, les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel, puisque dans le cas du signe demandé, l’élément commun « se » fait référence à l’élément « sports equipment », tandis que, dans le cas de la marque antérieure, il fait référence à l’élément « so easy ». L’OHMI invoque à cet égard l’arrêt du Tribunal du 7 mai 2009, Klein Trademark Trust/OHMI – Zafra Marroquineros (CK CREACIONES KENNYA) (T‑185/07, Rec. p. II-1323).

61      Premièrement, il y a lieu de relever que le seul fait que l’élément verbal « se », privé de signification, corresponde à l’abréviation des éléments « so easy » et « sports equipment » n’implique pas qu’il puisse automatiquement évoquer la signification de ces deux derniers éléments, de sorte que le contenu conceptuel de l’élément « se » doit être examiné de façon séparée [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 octobre 2007, AMS/OHMI – American Medical Systems (AMS Advanced Medical Services), T‑425/03, Rec. p. II‑4265, point 86].

62      Deuxièmement, s’agissant de l’arrêt CK CREACIONES KENNYA, précité, le Tribunal a souligné que la signification précise de l’élément « creaciones kennya » était incertaine, en ce qu’il pouvait être compris soit comme faisant référence au nom d’un créateur de mode, soit comme étant une expression purement fantaisiste. En tout état de cause, ledit élément possédait un caractère distinctif certain pour les produits visés. De même, le Tribunal a considéré que, dans le cas de la marque antérieure en cause dans ladite affaire, CK faisait référence au fabricant et créateur renommé d’articles de mode Calvin Klein (arrêt CK CREACIONES KENNYA, précité, points 43 et 49). Tel n’est pas le cas dans la présente affaire, les éléments différents des signes en conflit étant descriptif et/ou laudatif, de sorte qu’il n’est pas vraisemblable que le consommateur considère que l’élément « se » renvoie aux autres éléments. Cette différence essentielle séparant le contexte factuel de l’arrêt CK CREACIONES KENNYA, précité, de celui du cas d’espèce empêche la transposition de la solution adoptée dans ledit arrêt à la présente affaire.

63      Troisièmement, s’agissant toujours de l’argument de l’OHMI concernant la correspondance entre les lettres initiales des éléments différents des signes en conflit et leur élément commun « se », il convient de relever que, étant donné le caractère laudatif et/ou descriptif des éléments verbaux « so easy » et « sports equipment », au moins une grande partie des consommateurs peut considérer que ces éléments ont été choisis, notamment, eu égard à leur correspondance, de par leur lettres initiales, à l’élément « se ». En particulier, le consommateur peut considérer que l’élément « so easy » est un slogan publicitaire choisi pour faire écho à l’élément « se », tandis que l’élément « sports equipment » a été conçu pour désigner une ligne d’articles de sport.

64      Quatrièmement, il y a lieu de souligner que, contrairement aux éléments « so easy » et « sports equipment », qui ont une signification laudative et/ou descriptive pour le public pertinent, l’élément commun « se » n’a aucune signification, de sorte que, du point de vue conceptuel, il constitue l’élément dominant des signes en conflit.

65      Par conséquent, il convient de relever que les signes en conflit présentent un degré élevé de similitude sur le plan conceptuel et que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en retenant que les signes étaient différents sur ce plan.

66      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, globalement, il existe au moins un degré moyen de similitude entre les signes en conflit et que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en retenant qu’il n’existait tout au plus qu’un faible degré de similitude entre eux.

 Sur le risque de confusion

67      La chambre de recours a considéré que, dans le cas où le public visé reconnaîtrait le groupe de lettres « se » dans les éléments linéaires de la marque demandée, les signes en conflit auraient de très faibles similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle. Dans le cas où le groupe de lettres « se » ne serait pas identifié dans la marque demandée, les signes en conflit ne seraient pas similaires. Dès lors, selon la chambre de recours, malgré le fait que les produits sont partiellement très similaires et partiellement identiques, il n’existe pas de risque de confusion.

68      La requérante conteste cette appréciation, faisant valoir qu’il existe un risque de confusion en raison de la similitude des signes.

69      L’OHMI, soutenu par l’intervenante, rappelle les raisons avancées par la chambre de recours et ajoute que l’aspect visuel de la comparaison joue un rôle particulier dans le secteur de l’habillement, étant donné que, lors du choix des vêtements, le consommateur peut percevoir visuellement les marques.

70      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

71      À cet égard, il y a lieu d’observer que les produits en cause sont majoritairement identiques et, au demeurant, très similaires et que l’examen effectué ci-dessus quant à la comparaison des signes révèle qu’ils présentent globalement au moins un degré moyen de similitude. L’argument de l’OHMI fondé sur l’importance de l’aspect visuel de la comparaison est privé de pertinence, étant donné que les signes présentent une similitude de niveau moyen aussi sur ce plan. Dès lors, il existe un risque que le public auquel sont destinés les produits en cause puisse croire que ceux-ci proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

72      Cette conclusion est renforcée par le fait qu’il est fréquent que les fabricants de produits d’habillement et de mode mettent sur le marché plusieurs lignes de produits sous des sous-marques distinctes et, par conséquent, le consommateur peut considérer que le signe SE SPORTS EQUIPMENT, dont la seconde partie est descriptive d’une partie des produits visés, a été imaginé pour désigner une ligne de produits commercialisés par la requérante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPA THERAPY), T‑109/07, Rec. p. II‑675, point 32].

73      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

74      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

75      En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 22 juillet 2010 (affaire R 1393/2009‑1) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par SE-Blusen Stenau GmbH.

3)      Sport Eybl & Sports Experts GmbH supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.