Language of document : ECLI:EU:T:2023:702

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

8 novembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un sac – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑113/23,

Papier-Mettler KG, établie à Morbach (Allemagne), représentée par Mes D. Graetsch et M. Bergermann, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Klee, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, I. Gâlea (rapporteur) et T. Tóth, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Papier-Mettler KG, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 décembre 2022 (affaire R 764/2022‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 19 octobre 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe tridimensionnel suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 16, 17, 18 et 22 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Matériel d’emballage en papier ou plastique, y compris les produits suivants : sacs de transport en papier ou en matières plastiques, ces produits étant compris dans la classe 16 » ;

–        classe 17 : « Produits en matières plastiques mi-ouvrées, y compris produits semi-finis pour la fabrication de sacs de transport en matières plastiques, compris dans la classe 17 ; matériel d’emballage, compris dans la classe 17 » ;

–        classe 18 : « Sacs à poignées, dans les matériaux suivants : matières plastiques ou tissus tissés, tous les produits précités compris dans la classe 18 » ;

–        classe 22 : « Sacs [enveloppes, pochettes] en matières textiles pour l’emballage ».

4        Par décision du 4 avril 2022, l’examinatrice a rejeté, au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif, la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 5 mai 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinatrice.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Ayant observé que, en l’espèce, le public pertinent était, pour les produits relevant des classes 16, 18 et 22, le grand public de l’Union européenne et, pour les produits relevant de la classe 17, des fabricants de produits en plastique constituant un public spécialisé, elle a estimé que le secteur était marqué par une diversité de formes de sacs à poignées, conçues notamment en fonction d’exigences fonctionnelles. Elle a également considéré que la forme de sac dont l’enregistrement était demandé ne divergeait pas de manière significative par rapport à la norme et aux habitudes du secteur, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, qu’il s’agisse de sacs en papier, en plastique ou en matière textile, ou des autres produits pour lesquels l’enregistrement de la marque avait été demandé.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, dans l’hypothèse où une audience serait convoquée.

 En droit

9        À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle estime en substance que la marque demandée présente un caractère distinctif suffisant pour être enregistrée.

10      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33, et du 5 février 2020, Hickies/EUIPO (Forme d’un lacet de chaussure), T‑573/18, EU:T:2020:32, point 24, (non publié)].

11      La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final de pouvoir identifier l’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance [voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48, et du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 25, (non publié)].

12      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35, et du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 26 (non publié)].

13      Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, points 45 et 46).

14      Plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition [arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31, et du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 29 (non publié)].

15      Par ailleurs, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services protégés par celle-ci et de les distinguer de ceux d’autres entreprises [arrêts du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 41, et du 14 juillet 2021, Guerlain/EUIPO (Forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique), T‑488/20, EU:T:2021:443, point 20 (non publié)].

16      C’est à la lumière des considérations énoncées aux points 10 à 15 ci-dessus qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en considérant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif eu égard aux produits qu’elle vise.

17      À titre liminaire, il convient de relever que, s’agissant du public pertinent, dont la perception devait être prise en compte, la chambre de recours a estimé, sans que la requérante ne le conteste, que, d’une part, les « sacs de transport » et les « sacs [enveloppes, pochettes] pour l’emballage », relevant des classes 16, 18 et 22, sont destinés au grand public de l’Union et que, d’autre part, les produits semi-finis pour les sacs de transport en matières plastiques, relevant de la classe 17, s’adressent à des fabricants de produits en plastique.

18      À l’appui de son moyen unique, la requérante soulève deux séries d’arguments, tirées, en substance, d’une part, du caractère insuffisant des constatations de la chambre de recours relatives aux normes et aux habitudes du secteur en cause et, d’autre part, du caractère erroné de l’appréciation du caractère divergent de la marque demandée par rapport auxdites normes et habitudes.

 Sur les constatations de la chambre de recours sur la norme et les habitudes du secteur

19      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir analysé de manière insuffisante les normes et les habitudes du secteur en cause. Selon elle, la chambre de recours a supposé, de manière générale et sans se fonder sur des éléments de preuve, qu’il existait une certaine diversité de formes de sacs dictée par des exigences fonctionnelles différentes et que les sacs à poignées seraient toujours appréciés par le grand public de l’Union au regard de leurs aspects fonctionnels et pratiques.

20      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

21      Au point 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que l’examinatrice avait présenté, dans ses objections du 18 novembre 2021, les résultats d’une recherche montrant divers modèles de sacs à poignées. Après avoir reproduit huit exemples de sacs à poignées issus à la fois de ces résultats et d’exemples fournis par la requérante en annexes à ses observations du 28 janvier 2022, la chambre de recours a conclu, au point 18 de ladite décision, que le secteur en cause était caractérisé par une variété de formes de sacs dictée par les différents besoins fonctionnels auxquels un sac pouvait répondre.

22      Sur la base de ces exemples, la chambre de recours a estimé que les sacs à poignées comprenaient essentiellement un corps semblable à un parallélépipède apte à contenir des marchandises et doté d’anses afin de faciliter le transport et qu’il existait des variantes de formes de sacs à poignées en raison de l’existence de différents besoins fonctionnels liés notamment au volume du contenu à transporter ou encore à la possibilité de replier le sac. Elle a également constaté que les sacs à poignées pouvaient notamment présenter une coupe large ou étroite, une forme trapézoïdale sur les faces antérieure et postérieure, un fond rectangulaire, ovale, arrondi ou doté de coins.

23      Par ailleurs, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il était notoire que les sacs à poignées comprenaient souvent un pli au centre de leurs deux parois latérales, formant ainsi des soufflets latéraux, qui permettaient de replier le sac ou d’adapter son volume au contenu transporté. Elle a reproduit, à l’appui de cette assertion, deux exemples de sacs tirés des annexes aux observations de la requérante du 28 janvier 2022.

24      Il ressort de ce qui précède que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a clairement indiqué, sur la base de multiples éléments objectifs contenus dans le dossier de la procédure devant l’EUIPO, que le secteur en cause était caractérisé par une variété de formes de sacs, indépendamment des raisons à l’origine d’une telle variété. En tout état de cause, de tels éléments constituaient une base suffisante permettant à la chambre de recours d’expliquer la variété des formes de sacs dans le secteur en cause, notamment, par la diversité des exigences fonctionnelles.

25      Dès lors, il convient de constater que c’est au terme d’un examen suffisant que la chambre de recours a constaté qu’il existait une certaine diversité de formes de sacs afin d’examiner si la forme de la marque demandée divergeait ou non desdites normes et habitudes.

 Sur la question de savoir si la forme de la marque demandée diverge d’une manière significative de la norme ou des habitudes du secteur

26      La requérante soutient, en substance, que la forme de la marque demandée revêt un caractère distinctif et diffère fondamentalement des autres formes de sacs présentes sur le marché, même s’agissant des variations auxquelles les consommateurs seraient habitués.

27      Elle reproche à la chambre de recours, d’une part, d’avoir commis des erreurs d’appréciation s’agissant des caractéristiques de la forme de la marque demandée et, d’autre part, d’avoir conclu à tort que la marque demandée ne divergeait pas de manière significative des normes et des habitudes du secteur.

 Sur l’appréciation des caractéristiques de la forme de la marque demandée

28      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis des erreurs d’appréciation s’agissant des caractéristiques de la forme de la marque demandée.

29      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

30      Premièrement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir estimé, à tort, que la forme de la marque demandée présentait dans sa conception des soufflets latéraux similaires à ceux présents dans les formes de sacs classiques. Elle fait valoir que les sacs classiques sont conçus avec des soufflets latéraux normalement tournés vers l’intérieur, ayant un avantage fonctionnel, tandis que la forme de la marque demandée ne présente pas un tel pli.

31      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il était courant que les sacs présentent des soufflets latéraux, consistant en une pliure en deux de leurs parois latérales, ces pliures latérales étant elles-mêmes reliées aux coins du fond du sac par un pli donnant l’impression d’une liaison triangulaire avec lesdits coins. Elle a ensuite constaté que la forme de la marque demandée donnait l’impression de soufflets latéraux tournés vers l’extérieur, la liaison entre l’extrémité inférieure de ces soufflets avec les coins du fond du sac étant biseautée et orientée vers le haut, avant d’en déduire que ladite forme comprenait, à l’instar des formes courantes de sacs dotés de soufflets tournés vers l’intérieur, une liaison triangulaire entre les parties latérales et les coins du fond du sac, même si ladite liaison consistait en des triangles inversés, donnant l’impression qu’ils avaient été découpés.

32      À cet égard, il y a lieu de relever que la marque demandée est constituée d’un corps de sac doté de deux anses. Ainsi que cela ressort des figures de la marque demandée reproduites au point 2 ci-dessus, tout d’abord, le corps du sac présente des coins découpés dans sa partie inférieure, de sorte que, vu de face, il forme un hexagone. Ensuite, vu latéralement, il se présente comme un trapèze isocèle duquel un triangle a été retiré de l’extrémité inférieure. Enfin, dans sa vue de trois-quarts, les zones latérales de la zone verticale des axes du corps du sac ressortent vers l’extérieur.

33      Il convient également de constater que les parties latérales de la forme de la marque demandée consistent chacune en deux trapèzes symétriques séparés par une ligne droite verticale, donnant l’impression que lesdites parties latérales comportent en leur centre une pliure dépassant vers l’extérieur.

34      Force est ainsi de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, visuellement, lesdites parties latérales font penser à des soufflets tournés vers l’extérieur et qu’il s’agit d’une caractéristique destinée à élargir la contenance du sac dans ses parties médiane et supérieure, quand bien même lesdites parties latérales ne seraient pas considérées comme des soufflets qui répondent à un besoin fonctionnel et pratique.

35      Dès lors, il convient de constater que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu au point 20 de la décision attaquée que les plis latéraux de la forme de sac constituant la marque demandée pouvaient être assimilés à des soufflets latéraux tournés vers l’extérieur.

36      Deuxièmement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la forme de la marque demandée présentait un fond rectangulaire et donnait l’impression d’avoir les coins inférieurs coupés. D’une part, la forme de la marque demandée présenterait un fond hexagonal. D’autre part, les coins inférieurs du sac seraient effectivement coupés, de sorte qu’il ne s’agirait pas que d’une impression. Ces deux éléments différencieraient la forme de la marque demandée des autres formes de sacs présents sur le marché.

37      S’agissant des coins de la forme du sac constituant la marque demandée, il ressort des appréciations de la chambre de recours figurant au point 15 de la décision attaquée que l’examinatrice avait constaté, en accord avec les explications fournies par la requérante, que le corps du sac présentait des coins découpés qui pouvaient être remarqués tant sur la vue de face que sur la vue latérale. En outre, à supposer que la requérante mette en cause la mention d’une « impression d’un “triangle découpé” », au point 20 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer qu’une partie retirée ou découpée d’un signe tridimensionnel ne peut être perçue qu’à travers l’imagination du public confronté audit signe. Ainsi, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté que la forme de la marque demandée donnait « l’impression d’un “triangle découpé” ».

38      S’agissant du fond de la forme du sac constituant la marque demandée, l’argument de la requérante selon lequel ledit fond serait hexagonal et non rectangulaire ne saurait être accueilli. En effet, d’une part, la partie latérale du sac fait apparaître un triangle qui a été retiré de la partie inférieure, ce qui fait que les coins inférieurs sont orientés vers le haut. D’autre part, le fait que, vu de face, le sac présente une forme hexagonale est de nature à confirmer cette caractéristique.

39      Partant, ces constatations démontrent que le sac dont la forme constitue la marque demandée a été conçu afin de reposer sur le sol sur une base rectangulaire.

40      En tout état de cause, la chambre de recours s’est limitée à une constatation de portée générale, en indiquant qu’un sac comportant un fond rectangulaire peut, en règle générale, être rangé plus facilement et prend moins de place, par exemple, dans un panier de vélo qu’un sac doté d’un fond hexagonal.

41      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en ce qui concerne les coins ou le fond de la forme de sac constituant la marque demandée.

42      Troisièmement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu le fait que la forme de sac constituant la marque demandée ne répond pas à des besoins fonctionnels, mais serait conçue de manière autonome, indépendamment de ces besoins, ce qui la différencierait de manière considérable des conceptions habituelles.

43      À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que, de manière générale, les différentes formes de sacs existant sur le marché répondent à certaines exigences fonctionnelles et pratiques, notamment en fonction de ce qui doit être transporté dans le sac ou des possibilités de rangement de celui-ci et que, en l’espèce, le public pertinent comprendra la forme de la marque demandée comme l’expression de certains besoins concrets auxquels un sac est censé répondre. Partant, les caractéristiques de la forme de la marque demandée, notamment la circonstance que ladite forme ne présente pas de soufflets orientés vers l’intérieur, ne sauraient suffire à établir que celle-ci a été conçue indépendamment des exigences fonctionnelles de manière à la différencier de manière significative des normes et des habitudes du secteur.

44      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur s’agissant du lien entre la conception de la forme de sac constituant la marque demandée et les besoins fonctionnels auxquels un sac est censé répondre.

45      En conséquence, l’argumentation de la requérante tendant à faire valoir que la décision attaquée se fonde sur une appréciation erronée des caractéristiques de la marque demandée ne saurait être accueillie.

 Sur les différences entre la marque demandée et les formes de sacs usuelles dans le secteur en cause

46      La requérante estime que la marque demandée est conçue de manière fondamentalement différente par rapport aux formes de sacs qui sont usuelles dans le secteur. Elle fait valoir que les diverses formes de sacs présentes sur le marché ont une conception de base parallélépipédique avec des soufflets latéraux et que les seules variations qui peuvent être observées se limitent aux différences de taille. Elle considère, dès lors, que la marque demandée est nettement différente des normes et des habitudes du secteur et qu’elle attire immédiatement l’attention, étant ainsi apte à indiquer l’origine commerciale.

47      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

48      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée par la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque possède un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En effet, il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 12 décembre 2019, EUIPO/Wajos, C‑783/18 P, non publié, EU:C:2019:1073, point 25 et jurisprudence citée).

49      Il y a également lieu de rappeler qu’il ne suffit pas que la forme constituant la marque demandée diffère, s’agissant de certaines caractéristiques physiques du produit, d’autres formes disponibles sur le marché pour le même produit, mais qu’il faut encore que ces caractéristiques soient suffisamment marquées pour permettre aux consommateurs de distinguer le produit proposé sous le signe envisagé de ceux d’autres entreprises sur la seule base de sa forme [voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, Brita/EUIPO (Forme d’un robinet), T‑213/18, non publié, EU:T:2019:435, point 63].

50      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les sacs à poignées pouvaient se différencier non seulement par leurs inscriptions et leurs couleurs, mais également par leur forme et qu’il en résultait une certaine diversité, dictée, notamment, par des exigences fonctionnelles. S’agissant de la marque demandée, elle a considéré que le public pertinent en l’espèce comprendrait les caractéristiques de la forme de celle-ci, individuellement et en combinaison, comme l’expression de certains besoins concrets typiques auxquels un sac est censé répondre. Elle a conclu que c’était à juste titre que l’examinatrice avait estimé que la marque demandée ne divergeait pas de manière significative des normes et des habitudes du secteur.

51      Premièrement, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’absence de soufflets latéraux et la forme spécifique des coins reliant le fond et les parties latérales ne représentent pas des caractéristiques suffisamment marquées afin d’attirer l’attention du public pertinent et de lui permettre de déduire l’origine commerciale des produits en cause.

52      En effet, ainsi qu’il a été constaté aux points 33 et 34 ci-dessus, la forme de la marque demandée donne l’impression de comporter, au centre des parties latérales, des pliures dépassant vers l’extérieur, faisant penser à des soufflets inversés tournés vers l’extérieur permettant d’élargir la contenance dans les parties médiane et supérieure du sac. Par ailleurs, dès lors que lesdites pliures latérales sont chacune reliées en leur extrémité inférieure aux deux coins latéraux du fond du sac, ladite forme fait apparaître des liaisons triangulaires, comme c’est le cas des formes courantes de sacs dotés de soufflets tournés vers l’intérieur, même si, en l’occurrence, lesdits triangles sont inversés. Cette caractéristique ne se différencie pas de manière significative des soufflets classiques mais donne simplement l’impression que les soufflets ont été tournés vers l’extérieur. Ainsi, le public pertinent ne saurait être en mesure de percevoir cette caractéristique comme divergeant des habitudes du secteur, dès lors que les soufflets représentent une caractéristique habituelle des sacs auxquels il est régulièrement confronté.

53      Deuxièmement, la requérante ne parvient pas à démontrer en quoi le fait que les caractéristiques de la marque demandée aient été guidées par des besoins autres que fonctionnels signifierait que celle-ci est pourvue d’un caractère distinctif. Ainsi qu’il a été constaté au point 43 ci-dessus, le public pertinent comprendra la forme de la marque demandée comme répondant également à des exigences fonctionnelles de base. Partant, les caractéristiques de ladite forme, notamment la circonstance que celle-ci ne comporte pas de soufflets tournés vers l’intérieur tels que ceux présents sur les autres modèles de sacs auxquels le public est habituellement confronté, ne sauraient suffire à établir qu’il s’agit d’une forme qui diverge de manière significative des normes et des habitudes du secteur.

54      En outre, même à supposer que la forme de la marque demandée soit conçue indépendamment des exigences fonctionnelles de base, cela ne suffirait à signifier que ladite forme diverge de manière significative des normes et des habitudes du secteur. En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 48 et 49 ci-dessus, pour considérer qu’un signe tridimensionnel constitué par la forme du produit en cause présente un caractère distinctif, il faut que ses caractéristiques soient suffisamment marquées pour permettre aux consommateurs de distinguer le produit proposé sous le signe envisagé de ceux d’autres entreprises sur la seule base de sa forme (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, Forme d’un robinet, T‑213/18, non publié, EU:T:2019:435, point 63).

55      Troisièmement, concernant le fond et les coins inférieurs de la forme du sac constituant la marque demandée, la chambre de recours a constaté, en se fondant sur une base suffisante (voir point 24 ci-dessus), que les formes de sacs courantes pouvaient présenter des fonds rectangulaires, ovales ou dotés de coins ou d’arrondis, soulignant ainsi qu’il existait une variété de formes de fonds de sacs et de coins dans le secteur. En outre, les coins inférieurs du sac dont la forme constitue la marque demandée forment des triangles reliant le fond de celui-ci avec ses parties latérales, comme c’est le cas habituellement.

56      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que la forme de sac constituant la marque demandée était semblable à celle d’un sac classique et dotée de soufflets latéraux orientés vers l’extérieur.

57      Il ressort de ce qui précède que la forme de sac constituant la marque demandée reste proche de la forme la plus probable que sont susceptibles de prendre les produits visés par la marque demandée, en présentant des similitudes significatives avec les formes de sacs les plus courantes. Les quelques particularités avancées par la requérante, telles que la forme des coins inférieurs, du fond de sac ou encore des parties latérales, ne sont pas des caractéristiques suffisamment marquées pour considérer que la marque demandée diverge de manière significative de la norme et des habitudes du secteur, mais ne constituent qu’une des variantes des formes de coins inférieurs, de fond de sac ou de parties latérales qui peuvent être relevées dans le secteur. La marque demandée est dès lors dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

58      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

59      En effet, en ce qui concerne la prétendue impossibilité de reconnaître le fabricant du sac d’une autre manière que par la forme de celui-ci, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que, d’une part, les fabricants de sacs restent libres d’apposer des impressions ou étiquettes sur le sac afin d’indiquer l’origine commerciale de leurs produits. Partant, rien n’empêche les fabricants d’identifier leurs produits par le biais d’autres types de marques que les marques de forme. D’autre part, le besoin de reconnaître le fabricant d’un sac à poignées par la forme dudit sac ne se reflète pas dans la perception du public pertinent.

60      Enfin, l’argument selon lequel les concurrents n’auraient pas besoin de disposer de la possibilité d’utiliser la forme de sac dont l’enregistrement est demandé ne peut être accueilli. Dans la mesure où il a été considéré que la forme concernée ne divergeait pas de la norme et des habitudes du secteur, la question de savoir s’il existe ou non besoin de disponibilité est sans pertinence.

61      Dès lors, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens que dans l’hypothèse où une audience serait convoquée. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Spielmann

Gâlea

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.