Language of document : ECLI:EU:T:2023:704

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 novembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale NIVEA SKIN-IDENTICAL Q10 – Marque nationale et enregistrement international d’une marque verbaux antérieurs SKINIDENT – Dénomination sociale antérieure Skinident – Motifs relatifs de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale – Article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 – Proximité sectorielle – Application du droit national par l’EUIPO – Droit d’être entendu – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑665/22,

SkinIdent AG, établie à Freienbach (Suisse), représentée par Me U. Hildebrandt, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Stoyanova-Valchanova et M. E. Markakis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Beiersdorf AG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes V. von Bomhard, J. Fuhrmann et A. Malkmes, avocats,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. R. Norkus et W. Valasidis (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, SkinIdent AG, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 août 2022 (affaire R 1499/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 mars 2019, l’intervenante, Beiersdorf AG, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal NIVEA SKIN-IDENTICAL Q10.

3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 3, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Préparations et cosmétiques non médicamenteux pour soins du corps et soins de beauté ».

4        Le 9 août 2019, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque allemande verbale SKINIDENT, enregistrée le 16 mai 2003, sous le numéro 30317555, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Cosmétiques » ;

–        l’enregistrement international SKINIDENT, avec extension de la protection à l’Autriche, aux pays du Benelux, au Danemark, à l’Espagne, à la Finlande, à la France, au Royaume-Uni, à la Grèce, à la République tchèque, à la Croatie, à la Hongrie, au Portugal, à la Pologne, à la Slovaquie, à la Slovénie, à l’Irlande, à l’Estonie, à la Lituanie, à la Lettonie, à la Bulgarie, à Chypre, à la Roumanie et à la Suède, enregistré le 28 août 2003, sous le numéro 812547, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Produits cosmétiques » ;

–        la dénomination sociale Skinident utilisée dans la vie des affaires en Allemagne pour le développement et la distribution de « produits de soins de beauté » et de « produits cosmétiques », de « biens de consommation/de luxe » dans le domaine des « produits de soins de beauté » et des « produits cosmétiques ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 1er juillet 2021, la division d’opposition a rejeté l’opposition pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

8        Le 31 août 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. S’agissant du motif tiré de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, elle a estimé, en substance, que, compte tenu du faible degré de similitude entre les marques en conflit, il n’existait aucun risque de confusion entre celles-ci, malgré l’identité des produits en cause et le caractère distinctif intrinsèque normal des marques antérieures pour une partie, faible au demeurant, du public pertinent. Concernant l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, et nonobstant la reconnaissance d’une proximité sectorielle entre les activités couvertes par la dénomination sociale antérieure et les produits désignés par la marque demandée, la chambre de recours a considéré qu’il n’existait pas non plus de risque de confusion entre celles-ci, car leurs différences étaient suffisantes pour exclure le risque de perturbation de la fonction d’identification ou de distinction de la dénomination antérieure.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’opposition du 1er juillet 2021 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, dans l’hypothèse où une audience serait organisée.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque, en substance, trois moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, le troisième, enfin, de la violation de son droit d’être entendue.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

14      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a entaché d’erreurs son appréciation de la comparaison des signes en conflit. La chambre de recours aurait dû conclure à un degré élevé, ou, à tout le moins, moyen, de similitude des signes en conflit et, compte tenu de l’identité des produits en cause et du caractère distinctif intrinsèque normal des marques antérieures, à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

15      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii) et iv), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre ainsi que les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union européenne, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

18      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Observations liminaires

20      La requérante ne conteste pas la définition que la chambre de recours donne du public pertinent, à savoir qu’il est composé, pour partie, du grand public et, pour partie, du public professionnel, faisant preuve d’un niveau moyen d’attention lors de l’achat des produits en cause.

21      À cet égard, la chambre de recours a précisé, sans être remise en cause sur ce point, qu’il convenait d’examiner l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit dans l’esprit du public du territoire sur lequel les marques antérieures étaient protégées, à savoir les États membres énumérés au point 5 ci-dessus.

22      La requérante ne conteste pas non plus l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les « préparations et [les] cosmétiques non médicamenteux pour [les] soins du corps et [les] soins de beauté », désignés par la marque demandée, sont identiques aux « cosmétiques » et aux « produits cosmétiques » couverts par les marques antérieures.

23      La requérante ne conteste pas davantage que les marques antérieures, ainsi qu’a estimé la chambre de recours, sont dotées d’un caractère distinctif intrinsèque normal pour une faible partie du public pertinent.

24      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations.

 Sur la comparaison des signes et le risque de confusion

25      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

26      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

27      La chambre de recours a procédé à la comparaison de la marque verbale demandée NIVEA SKIN-IDENTICAL Q10 avec les marques verbales antérieures SKINIDENT.

28      La chambre de recours a, en substance, constaté que les marques en conflit différaient par l’élément verbal « nivea », les quatre lettres « ical », le trait d’union et la combinaison de lettres et de chiffres « q10 », lesquels étaient seulement présents dans la marque demandée.

29      D’une part, la chambre de recours a considéré que l’élément « nivea » était doté d’un caractère distinctif normal, que l’élément « q10 » était descriptif des produits désignés par la marque demandée et que les éléments « skin » et « identical », distinctement séparés l’un de l’autre par un trait d’union dans le composant « skin-identical » de la marque demandée, étaient, pour une grande partie du public pertinent comprenant la langue anglaise, dotés, en substance, d’un faible caractère distinctif , car ils faisaient référence aux caractéristiques des produits désignés par celle-ci. Après avoir relevé que l’élément verbal « nivea » occupait une importance particulière dans la marque demandée, compte tenu de sa position en début de signe, la chambre de recours a, dans ces conditions, et pour l’essentiel, estimé que cet élément occupait une position dominante dans la marque demandée.

30      D’autre part, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal unique « skinident » des marques antérieures était un terme fantaisiste, doté d’un caractère distinctif normal, car il était dépourvu de signification particulière dans l’esprit du public pertinent, dans la mesure où l’élément « skin » était difficilement reconnaissable au sein de l’unité homogène que celui-ci formait avec l’élément « ident », dont il n’était pas séparé. Elle a ajouté que ce terme serait prononcé en un seul mot, avec une seule accentuation, contrairement au composant « skin-identical » de la marque demandée.

31      En conséquence, après avoir relevé que l’élément initial « nivea » de la marque demandée différait à tous égards de l’élément initial « skini » des marques antérieures, la chambre de recours a conclu que la marque demandée ne présentait qu’un faible degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle avec les marques antérieures.

32      Dans ces conditions, compte tenu, en particulier, de la présence au début de la marque demandée du terme « nivea » ainsi que des différences, à tous égards, entre, d’une part, les marques antérieures, et, d’autre part, le composant verbal « skin-identical » de la marque demandée, la chambre de recours a estimé qu’il n’existait aucun risque de confusion entre les marques en conflit, nonobstant l’identité des produits en cause et le caractère distinctif intrinsèque normal des marques antérieures.

33      Pour contester l’appréciation de la chambre de recours, la requérante se prévaut de trois griefs.

–       Sur le premier grief, tiré de l’existence d’une position distinctive autonome de l’élément verbal « skin-identical » dans la marque demandée

34      La requérante estime que l’élément verbal « skin-identical » occupe une position distinctive autonome dans la marque demandée, de sorte que l’élément « nivea », qui serait « incontestablement renommé », ainsi que l’élément « q10 », qui serait descriptif des produits désignés par la marque demandée, ne devraient pas être pris en compte aux fins de l’appréciation d’un risque de confusion entre les marques en conflit. La chambre de recours aurait donc dû procéder à la comparaison du seul composant verbal « skin-identical » avec les marques antérieures SKINIDENT.

35      Il suffit toutefois, à cet égard, de rappeler que la comparaison doit porter sur les signes dans leur ensemble. Lors de l’appréciation de leur identité ou de leur similitude, les signes doivent en effet être comparés dans la forme dans laquelle ils sont protégés, c’est-à-dire dans la forme dans laquelle ils sont enregistrés ou demandés [arrêt du 9 avril 2014, Pico Food/OHMI – Sobieraj (MILANÓWEK CREAM FUDGE), T‑623/11, EU:T:2014:199, point 38].

36      L’appréciation globale du risque de confusion doit ainsi, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants, ainsi qu’il a été précisé au point 25 ci-dessus.

37      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut donc se limiter, contrairement à ce que suggère la requérante, à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 35 et 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42).

38      En l’espèce, l’élément « q10 » occupe certes une place secondaire dans la comparaison des signes en conflit, dans la mesure où, d’une part, il se situe à la fin de la marque demandée, et, d’autre part, le public pertinent reconnaitra ce composant de la marque demandée comme une indication d’un ingrédient des produits de soins de la peau, conférant à cet élément un caractère descriptif des produits désignés par celle-ci [arrêt du 7 septembre 2016, Beiersdorf/EUIPO (Q10), T‑4/15, non publié, EU:T:2016:447, point 31]. Cette circonstance ne saurait cependant suffire, ainsi que le relève à juste titre la chambre de recours, pour considérer que le composant « q10 » serait négligeable dans la perception d’ensemble de la marque demandée.

39      Ensuite, dès lors que l’élément verbal « nivea » de la marque demandée est doté, ainsi que le considère à juste titre la chambre de recours, d’un caractère distinctif au moins normal, un tel élément ne saurait être négligé dans la comparaison des marques en conflit.

40      La requérante ne saurait utilement se prévaloir, à cet égard, de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594).  Selon la jurisprudence issue de cet arrêt, quand bien même un élément commun aux signes en conflit ne saurait être considéré comme dominant l’impression d’ensemble, il doit être pris en compte dans l’appréciation de la similitude de ceux-ci, dans la mesure où il constitue en lui-même la marque antérieure et conserve une position distinctive autonome dans la marque composée notamment de cet élément et dont l’enregistrement est demandé. En effet, dans l’hypothèse où un élément commun conserve une position distinctive autonome dans le signe composé, l’impression d’ensemble produite par ce signe peut conduire le public à croire que les produits ou les services en cause proviennent, à tout le moins, d’entreprises liées économiquement, auquel cas l’existence d’un risque de confusion doit être retenue (arrêt du 22 octobre 2015, BGW, C‑20/14, EU:C:2015:714, point 38).  

41      En tout état de cause, il suffit de relever que l’élément verbal « skin-identical »  de la marque demandée ne constitue pas en lui-même l’une des marques antérieures SKINIDENT. À cet égard, contrairement à ce que prétend la requérante, il ne ressort pas de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594), que la Cour aurait considéré qu’un risque de confusion existerait dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, la marque antérieure serait reprise dans le signe contesté « avec une modification » et conserverait une position distinctive autonome dans le signe ainsi composé.

42      L’arrêt du 18 septembre 2014, Herdade de S. Tiago II/OHMI – Polo/Lauren (V) (T‑90/13, non publié, EU:T:2014:778, point 32), auquel la requérante se réfère également, ne saurait remettre en cause une telle interprétation. L’affaire ayant donné lieu audit arrêt ne concerne pas, en tout état de cause, l’existence d’un risque de confusion dans l’hypothèse où la marque demandée serait composée, ainsi que le prétend la requérante, de la dénomination de l’entreprise d’un tiers et de la marque antérieure modifiée. Le Tribunal n’a pas non plus, dans cette affaire, déduit de l’existence d’une position distinctive autonome de l’élément figuratif commun aux marques en conflit que l’autre élément de la marque demandée ne devait pas être pris en compte aux fins de la comparaison de cette marque avec les marques antérieures.

43      Certes, le Tribunal a pu considérer qu’un risque de confusion pouvait également exister dans l’hypothèse où la marque antérieure n’était pas reproduite à l’identique dans la marque postérieure [voir arrêt du 10 octobre 2012, Bimbo/OHMI – Panrico (BIMBO DOUGHNUTS), T‑569/10, non publié, EU:T:2012:535, point 96 et jurisprudence citée]. La Cour, saisie en pourvoi, n’a cependant pas confirmé explicitement une telle approche. Elle a, au contraire, estimé que le Tribunal n’avait pas conclu à l’existence d’un risque de confusion à partir du seul constat que la marque antérieure modifiée occupait, dans la marque demandée, une position distinctive autonome, mais l’avait déduite d’une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, points 24 à 29).

44      La requérante entend toutefois étayer sa position en se référant à la jurisprudence nationale. Il suffit, à cet égard, de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est autonome et que la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement 2017/1001, de sorte que l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal, ne sont pas tenus de parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire [voir arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 37 et jurisprudence citée].

45      En dehors de l’hypothèse visée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, dans le cadre de laquelle l’EUIPO est tenu de faire application du droit national, y compris la jurisprudence nationale afférente, l’EUIPO ou le Tribunal ne sauraient donc être liés par les décisions des autorités ou des juridictions nationales [arrêt du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 37].

46      Si l’EUIPO n’est pas lié par les décisions rendues par les autorités nationales, ces dernières décisions, sans être contraignantes ou même décisives, peuvent certes être prises en considération par l’EUIPO, en tant qu’indices, dans le cadre de l’appréciation des faits de la cause (voir arrêt du 18 mars 2016, WINNETOU, T‑501/13, EU:T:2016:161, point 36 et jurisprudence citée). Cependant, et en tout état de cause, la requérante n’explique pas en quoi les arrêts du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) dont elle se prévaut à l’appui de son argumentation, sans même les avoir annexés à la requête, seraient pertinents pour l’appréciation des faits de l’espèce.

47      En conséquence, c’est à bon droit que la chambre de recours a tenu compte, dans sa comparaison des marques en conflit, de l’ensemble des composants de la marque demandée, sans que la requérante ne puisse utilement se prévaloir de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594), pour soutenir que l’élément verbal « skin-identical », qui ne constitue pas, en tout état de cause, ainsi qu’il a été relevé au point 41 ci-dessus, l’une des marques antérieures, aurait conservé une position distinctive autonome susceptible d’entraîner un risque de confusion entre celles-ci et la marque demandée.

48      Dès lors, est sans incidence, dans l’appréciation de la comparaison des signes en conflit et l’existence d’un risque de confusion effectuée par la chambre de recours, la circonstance, invoquée par la requérante sur le fondement de la jurisprudence issue l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594), selon laquelle un élément doté d’un  faible caractère distinctif peut néanmoins revêtir, dans une marque composée, une position distinctive autonome (arrêt du 22 octobre 2015, BGW, C‑20/14, EU:C:2015:714, point 40).

49      De même, puisque l’élément « skin-identical » ne constitue pas, en lui-même, l’une des marques antérieures, la circonstance qu’il puisse, à l’inverse, ne pas être doté d’un caractère distinctif faible, pour la partie du public ne comprenant pas le sens des mots anglais « skin » et « identical », ne saurait non plus avoir une quelconque incidence quant à l’application, dans le présent litige, de la jurisprudence issue de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594).

50      En tout état de cause, l’élément « skin-identical », qui se différencie nettement de l’élément verbal « skinident », par l’existence d’un trait d’union et de la terminaison « ical », ainsi qu’a observé à juste titre la chambre de recours au point 40 de la décision attaquée, ne saurait occuper une position autonome au sein de la marque demandée, y compris, au demeurant, pour la partie du public pertinent qui ne connaîtrait pas la langue anglaise. En effet, l’élément « nivea », en raison de sa position en début de signe, revêt une importance particulière et domine, ainsi qu’a pu considérer, à juste titre, la chambre de recours au point 60 de la décision attaquée, l’impression d’ensemble produite par la marque demandée dans l’esprit du public pertinent. Dans ces conditions, la marque demandée ne saurait être perçue autrement que prise dans sa globalité, indépendamment de la compréhension que ce même public aurait de chacun de ses composants.

51      À cet égard, puisque l’élément « skin-identical » ne constitue pas, en lui-même, ainsi qu’il vient d’être dit, l’une des marques antérieures, est sans incidence la circonstance qu’une position distinctive autonome, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594), puisse être reconnue à un élément verbal dans une marque composée dans laquelle un signe renommé, tel que le terme « nivea » en l’espèce, dominerait l’impression d’ensemble produite par la marque demandée.

52      Compte tenu de ce qui précède, le premier grief du premier moyen doit être écarté.

–       Sur le deuxième grief, tiré de l’absence d’incidence du trait d’union dans la marque demandée sur la comparaison des marques en conflit

53      La requérante soutient, en substance, que le trait d’union entre les éléments « skin » et « identical » de la marque demandée ne produit aucun effet distinctif et ne saurait donc accentuer la différence visuelle et phonétique avec les marques antérieures.

54      À cet égard, il convient toutefois de relever que ce signe de ponctuation conduira le public pertinent à décomposer l’élément verbal « skin-identical » en deux termes clairement distincts l’un de l’autre, indépendamment, d’ailleurs, de la compréhension que pourrait avoir ce même public de ces deux termes.

55      L’insertion d’un trait d’union crée en effet une séparation visuelle au sein de la marque demandée et n’a donc pas un simple caractère décoratif. Au demeurant, il constitue une différence importante qui jouera, en l’espèce, un rôle d’autant plus fort dans la perception visuelle des signes en conflit que ceux-ci ont une longueur limitée.

56      La circonstance que certains mots puissent s’écrire avec ou sans trait d’union ne saurait, à cet égard, suffire à établir que les éléments « skin » et « identical » formeraient, dans certaines langues, une combinaison grammaticale qui serait susceptible de s’écrire indifféremment avec ou sans trait d’union, de sorte que ce signe de ponctuation pourrait être purement ignoré.

57      Dans ces conditions, c’est sans erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que l’élément « skin-identical » se différenciait visuellement de l’élément « skinident » par l’emploi d’un trait d’union, la différence visuelle entre ces deux éléments étant d’autant plus nette que le premier de ces éléments comporte quatre lettres supplémentaires par rapport au second.

58      Par ailleurs, à supposer même que le trait d’union ne suffise pas à distinguer l’élément « skin-identical » de la marque demandée des marques antérieures, composées de l’élément unique « skinident », dès lors que les éléments « nivea » – qui, compte tenu de sa position au début du signe, revêt une importance particulière – et « q10 » – qui ne saurait être négligé – de la marque demandée n’ont pas d’équivalents dans les marques antérieures, les différences visuelles entre les signes en conflit suffisent, en tout état de cause, pour confirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle ceux-ci ne présentent qu’un faible degré de similitude visuelle.

59      Du point de vue phonétique, et par voie de conséquence, c’est également à juste titre que la chambre de recours a considéré que la présence d’un trait d’union conduirait le public pertinent à prononcer les éléments « skin » et « identical » de manière nettement distincte. Une telle circonstance est susceptible d’accentuer la différence phonétique entre la marque demandée et les marques antérieures, indépendamment, au demeurant, de la compréhension qu’aurait le public pertinent de ces mêmes éléments.

60      En outre, les différences phonétiques introduites par les éléments « nivea » et « q10 », seulement présents dans la marque demandée, et la terminaison « ical » qui n’a pas d’équivalent dans les marques antérieures, suffisent à confirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit présentent un faible degré de similitude phonétique.

61      Compte tenu de ce qui précède, le deuxième grief du premier moyen doit être écarté.

–       Sur le troisième grief, tiré de l’examen lacunaire de l’élément « identical » et de l’absence de signification de cet élément dans l’esprit d’une partie du public pertinent

62      La requérante soutient que pour la partie du public pertinent non anglophone en Grèce, à Chypre ou en Hongrie, probablement aussi en Finlande, l’élément « identical » apparaîtra comme un terme fantaisiste. Or, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte de cette partie du public lors de son examen. Elle aurait ainsi procédé à un examen lacunaire et commis, en conséquence, une erreur d’appréciation en concluant qu’une grande partie du public pertinent comprendrait la signification de l’élément « identical » comme se référant « à quelque chose de complètement identique ».

63      Il ressort toutefois du point 62 de la décision attaquée que la conclusion de la chambre de recours, telle qu’elle est reprise au point 62 ci-dessus, repose sur la constatation, non contestée par la requérante, selon laquelle l’adjectif anglais « identical » présente une traduction très similaire dans une douzaine de langues de l’Union, ce qui correspond, effectivement, à une grande partie des consommateurs de l’Union. La chambre de recours ne saurait donc avoir commis une erreur d’appréciation en estimant, pour ce motif, qu’« une grande partie des consommateurs des États membres pertinents » associerait un tel adjectif « à quelque chose de complètement identique ».

64      En tout état de cause, il suffit de relever, à l’instar de la chambre de recours, que l’élément « nivea », qui n’a pas de signification particulière, est absent des marques antérieures. Ainsi qu’il a été précisé au point 38 ci-dessus, l’abréviation « q10 » est descriptive des produits en cause, de sorte qu’elle ne jouera pas un rôle décisif dans la comparaison conceptuelle des marques en conflit. Dans ces conditions, et indépendamment de la compréhension par le public pertinent, tant de l’élément « identical » que du mot « skin », il convient de considérer que c’est également sans erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit ne présentaient, tout au plus, qu’un faible degré de similitude conceptuelle.

65      Il en va également ainsi pour la partie du public qui comprendrait l’élément commun aux marques en conflit « skin » comme descriptif des produits en cause, puisque la terminaison « ident » des marques antérieures ne saurait avoir, même pour la partie anglophone du public, une signification claire et déterminée, contrairement à l’élément « identical » dans l’esprit de ce même public. À cet égard, la chambre de recours a pu relever, à juste titre, que cet élément peut tout aussi bien renvoyer conceptuellement à l’idée de « processus d’identification », qui ne saurait ainsi se confondre avec la notion d’identité véhiculée par l’adjectif « identical » ou, s’agissant de certains des produits en cause, au mot « dental », véhiculant, à la différence de l’adjectif « identical » de la marque demandée, l’idée de produits pour « soins dentaires ».

66      Ainsi, alors que l’élément unique « skinident » des marques antérieures ne revêt, pris dans sa globalité, aucune signification déterminée, dans l’esprit du public pertinent, y compris pour la partie de ce public qui comprendrait la signification du mot « skin », l’élément verbal « skin-identical » de la marque antérieure est composé de deux termes distincts qui possèdent, chacun, une signification claire et déterminée dans l’esprit d’une grande partie de ce même public.

67      Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs opposés par la requérante au soutien de son premier moyen ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours effectuée dans le cadre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

68      Dans ces conditions, alors qu’il est constant que les marques antérieures sont dotées d’un caractère distinctif normal, et nonobstant l’identité des produits en cause, la chambre de recours a pu, sans erreur d’appréciation, compte tenu du faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel entre les marques en conflit, considéré qu’il n’existait pas, en l’espèce, de risque de confusion.

69      Il résulte de ce qui précède que le troisième grief du premier moyen doit être écarté, et partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001

70      Aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon la législation de l’Union ou le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe, d’une part, des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque de l’Union européenne et, d’autre part, ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

71      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque non enregistrée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si cette marque non enregistrée remplit cumulativement quatre conditions. La marque non enregistrée doit être utilisée dans la vie des affaires ; elle doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où la marque était utilisée avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, cette marque doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque non enregistrée ou un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, ne peut aboutir [voir arrêt du 24 octobre 2018, Bacardi/EUIPO – Palírna U zeleného stromu (42 BELOW), T‑435/12, EU:T:2018:715, point 43 et jurisprudence citée].

72      La question de savoir dans quelle mesure un signe protégé dans un État membre confère le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente doit être examinée au regard du droit national applicable. À cet égard, il convient de tenir compte, notamment, de la réglementation nationale invoquée et des décisions de justice rendues dans l’État membre concerné. Sur ce fondement, l’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permet d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (voir arrêt du 10 juillet 2014, Peek & Cloppenburg/OHMI, C‑325/13 P et C‑326/13 P, non publié, EU:C:2014:2059, point 47 et jurisprudence citée).

73      À cet égard, selon l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), lorsque l’opposition se fonde sur un droit antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, il appartient à l’opposant d’apporter notamment la preuve de l’étendue de la protection conférée par ce droit, y compris lorsque le droit antérieur est invoqué en vertu du droit d’un État membre, une indication claire du contenu de la législation nationale invoquée en fournissant les publications des dispositions ou de la jurisprudence correspondantes.

74      S’agissant de la législation allemande invoquée par la requérante devant l’EUIPO, l’article 5 du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (Markengesetz) (loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs) du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082, et BGBl. 1995 I, p. 156, ci-après le « Markengesetz ») dispose :

« 1. Les enseignes et les titres d’œuvres sont protégés en tant que dénominations commerciales.

2. Les enseignes sont des signes qui, dans la vie des affaires, sont utilisés en tant que nom commercial, dénomination sociale, ou désignation particulière d’une activité commerciale ou d’une entreprise. Aux désignations commerciales sont assimilés tous signes commerciaux et autres signes particuliers permettant de distinguer une activité commerciale d’autres activités commerciales et qui, au sein du public pertinent, sont considérés comme signes distinctifs d’une entreprise.

[…] »

75      L’article 15, paragraphe 2, du Markengesetz énonce :

« Il est interdit aux tiers d’utiliser sans autorisation, dans la vie des affaires, la dénomination commerciale ou un signe similaire d’une manière pouvant entraîner une confusion avec la dénomination protégée. »

76      L’article 15, paragraphe 2, du Markengesetz établit le risque de confusion en tant que critère essentiel pour l’évaluation de l’étendue de la protection des « dénominations commerciales ». La notion de « risque de confusion » au sens dudit article est structurée de manière semblable à celle du droit harmonisé des marques de l’article 14, paragraphe 2, point 2, du Markengesetz et, par conséquent, à la notion de « risque de confusion » au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 [arrêt du 20 février 2018, Deutsche Post/EUIPO – bpost (BEPOST), T‑118/16, non publié, EU:T:2018:86, point 101].

77      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que la requérante invoquait la dénomination sociale antérieure Skinident protégée en tant que dénomination commerciale en Allemagne. Elle a considéré qu’étaient déterminants pour l’appréciation du risque de confusion au sens du droit allemand applicable, « la similitude des dénominations en conflit et [l]es domaines d’activité pour lesquels les dénominations concurrentes [étaient] utilisées (proximité sectorielle) ».

78      Après avoir constaté qu’il existait « une identité sectorielle » entre les domaines d’activités pour lesquels la dénomination sociale était revendiquée et les produits désignés par la marque demandée, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit n’étaient « à tous égards que d’une similitude lointaine », renvoyant sur ce point à son analyse de la comparaison des signes effectuée au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit, se référant sur ce point à son analyse du risque de confusion effectuée dans le cadre de ce même article 8, paragraphe 1, sous b). Constatant que le droit antérieur invoqué ne remplissait pas l’une des conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, la chambre de recours a rejeté l’opposition présentée sur ce fondement.

79      La requérante considère que la chambre de recours a commis, en substance, une erreur de droit en ce que, aux fins de vérifier si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 étaient remplies, elle n’a pas tenu compte des particularités du droit national et de la jurisprudence nationale pertinents en l’espèce.

80      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

81      En premier lieu, il convient de rappeler que, si la requête peut être étayée et complétée, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, les annexes ont une fonction purement probatoire et instrumentale. Les annexes ne sauraient, dès lors, servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci [voir, par analogie, arrêt du 31 janvier 2019, Thun/EUIPO (Poisson), T‑604/17, non publié, EU:T:2019:42, point 46 et jurisprudence citée]. Ainsi, il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les documents auxquels elles se réfèrent [arrêt du 17 avril 2008, Dainichiseika Colour & Chemicals Mfg./OHMI – Pelikan (Représentation d’un pélican), T‑389/03, non publié, EU:T:2008:114, point 19]. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen [voir arrêt du 9 mars 2018, Recordati Orphan Drugs/EUIPO – Laboratorios Normon (NORMOSANG), T‑103/17, non publié, EU:T:2018:126, point 24 et jurisprudence citée].

82      En l’espèce, la requérante ne précise pas, à l’appui de son moyen, la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) que la chambre de recours aurait, selon elle, méconnue, et se borne à renvoyer « pour plus de détails, [au] mémoire exposant les motifs du recours », arguant « des arguments détaillés » dont elle aurait fait état.

83      Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait, en l’espèce, prendre en compte les arguments que la requérante aurait présentés au cours de la procédure devant l’EUIPO, alors que ceux-ci ne figurent pas au soutien de son moyen [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, Eurol/EUIPO – Pernsteiner (eurol LUBRICANTS), T‑636/21, non publié, EU:T:2022:804, point 20].

84      S’il fallait considérer qu’en invoquant la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) au soutien du deuxième moyen, la requérante ait entendu se prévaloir de la jurisprudence de cette même juridiction invoquée au soutien du premier moyen, il suffit de constater, ainsi qu’il a été relevé au point 46 ci-dessus, qu’elle n’a pas annexé une telle jurisprudence à la requête et n’a pas étayé à suffisance de droit son argumentation sur ce point, contrairement aux exigences de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2018/625.

85      Au surplus et en tout état de cause, en application de l’article 95 du règlement 2017/1001, le contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. Il convient toutefois de relever, à cet égard, qu’il ne ressort pas du recours introduit par la requérante devant la chambre de recours que celle-ci aurait invoqué devant l’EUIPO les arrêts du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) dont elle se prévaut dans la requête, à l’exception, d’une part, de l’arrêt du 11 mai 2006 (I ZB 28/04, Malteserkreuz), d’autre part, de l’arrêt du 28 juin 2007 (I ZR 132/04, INTERCONNECT/ T-InterConnect).

86      Or, concernant, tout d’abord, l’arrêt du 11 mai 2006 (I ZB 28/04, Malteserkreuz), il ressort de son point 23, cité par la requérante, que la juridiction en cause a estimé que la marque contestée présentait un degré élevé de similitude avec la marque figurative antérieure, induit notamment par la concordance, nonobstant certaines différences non significatives, de l’élément figuratif commun composé de la représentation d’une croix à huit branches, et que cet élément occupait une position distinctive autonome au sein de la marque contestée. Elle en a conclu qu’un risque de confusion existait entre les marques en cause. Il ne saurait toutefois être inféré de cette appréciation, ainsi que le suggère la requérante, que la jurisprudence issue de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594), devrait être interprétée en ce sens que, lorsque la marque antérieure serait reprise « avec modification » dans la marque demandée, elle serait susceptible, pour ce motif, d’occuper au sein de la marque demandée une position distinctive autonome, de nature à entrainer un risque de confusion entre celle-ci et la marque antérieure.

87      À cet égard, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a relevé, au point 23 de l’arrêt du 11 mai 2006 (I ZB 28/04, Malteserkreuz), qu’au regard du droit national une position distinctive autonome ne suffisait pas, en substance, à fonder un risque de confusion en l’absence de similitude visuelle des éléments communs aux marques concernées. Au demeurant, la requérante n’explique pas en quoi une jurisprudence relative à des éléments figuratifs serait transposable au cas d’espèce où il s’agit de comparer des éléments verbaux supposément communs aux marques en conflit. En tout état de cause, les différences visuelles introduites par la présence d’un trait d’union et de la terminaison « ical » dans la marque demandée, lesquelles n’ont pas d’équivalents dans les marques antérieures, ne sauraient permettre de conclure à un degré élevé de similitude visuelle entre ces marques, contrairement aux marques en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt dont s’est prévalue la requérante.

88      S’agissant ensuite, de l’arrêt du 28 juin 2007 (I ZR 132/04, INTERCONNECT/ T-InterConnect, point 35), dont il ressortirait qu’un élément, nonobstant son caractère distinctif faible, peut occuper une position distinctive autonome au sein d’une marque composée d’un signe distinctif et d’une marque renommée, comme il conviendrait de conclure en l’espèce, il suffit de relever qu’il ne saurait être déduit du point de cet arrêt cité par la requérante que la position autonome d’un tel signe distinctif au sein de la marque demandée suffirait à entraîner un risque de confusion avec la marque antérieure. Il ressort seulement de cette jurisprudence que « chaque élément distinctif peut en principe disposer d’un caractère distinctif autonome ». En tout état de cause, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours aurait refusé de reconnaître une position distinctive autonome à l’élément verbal « skin-identical » au motif qu’il aurait été doté d’un faible caractère distinctif.

89      Enfin, si la requérante soutient que la chambre de recours a ignoré la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), qui « tien[drait] compte du fait qu’un signe antérieur a déjà fait l’objet d’un usage intensif », elle n’en tire, en tout état de cause, aucune conclusion et ne conteste pas l’analyse effectuée par la chambre de recours aux points 49 à 52 de la décision attaquée, dont il ressort que l’examen des preuves présentées par la requérante lors de la procédure devant l’EUIPO n’avait pas permis d’établir le caractère distinctif accru des marques antérieures.

90      Dans ces conditions, il doit être constaté que la requérante n’a pas, en tout état de cause, démontré que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en considérant que, nonobstant leurs similitudes existantes, les différences entre les signes en conflit pris dans leur ensemble étaient suffisantes pour exclure tout risque de confusion.

91      Compte tenu de tout ce qui précède, le deuxième moyen doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

92      La requérante soutient que la chambre de recours aurait méconnu son droit d’être entendue, car elle n’aurait pas dûment pris en compte les éléments tirés du droit national dont elle se serait prévalue lors de la procédure devant l’EUIPO.

93      Il convient de rappeler que, dans le contexte du droit des marques de l’Union européenne, l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 dispose que les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Un tel article consacre le principe général de protection des droits de la défense, prévu, par ailleurs, à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En vertu de ce principe, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue [voir arrêt du 26 mars 2020, Armani/EUIPO – Asunción (GIORGIO ARMANI le Sac 11), T‑653/18, non publié, EU:T:2020:121, point 25 et jurisprudence citée].

94      Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter [voir arrêt du 13 mai 2020, Clatronic International/EUIPO (PROFI CARE), T‑5/19, non publié, EU:T:2020:191, point 102 et jurisprudence citée].

95      Or, en l’espèce, la requérante ne soutient pas que la décision attaquée aurait été fondée sur un motif dont elle n’aurait pu discuter ni qu’elle n’aurait pas été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue.

96      À cet égard, l’absence alléguée de prise en compte des observations de la requérante ne saurait constituer une violation de ses droits de la défense. En effet, si le respect du droit de la défense exige de l’EUIPO de permettre à la requérante de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut lui imposer d’adhérer à celui-ci. Le caractère utile de l’expression du point de vue de la requérante requiert seulement que ce point de vue puisse être exprimé en temps voulu pour que l’EUIPO puisse en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de l’acte en voie d’adoption [voir arrêt du 14 septembre 2022, Privatbrauerei Eichbaum/EUIPO – Anchor Brewing Company (STEAM), T‑609/21, non publié, EU:T:2022:563, point 35 et jurisprudence citée].

97      Il s’ensuit que les allégations de la requérante selon lesquelles la chambre de recours aurait méconnu son droit d’être entendue pour avoir ignoré certains de ses arguments doivent être écartées.

98      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

100    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens que dans l’hypothèse où une audience serait organisée, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      SkinIdent AG est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Beiersdorf AG.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Norkus

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2023.

 

Signatures      

 

*      Langue de procédure : l’allemand