Language of document : ECLI:EU:T:2019:234

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

10 avril 2019 (*)

« Dumping – Importations de tubes et de tuyaux en fonte ductile originaires de l’Inde – Règlement d’exécution (UE) 2016/388 – Règlement (CE) no 1225/2009 [remplacé par le règlement (UE) 2016/1036] – Marge de dumping – Détermination du prix à l’exportation – Association entre l’exportateur et l’importateur – Prix à l’exportation fiable – Construction du prix à l’exportation – Marge raisonnable pour les frais de ventes, dépenses administratives et autres frais généraux – Marge raisonnable pour le bénéfice – Préjudice de l’industrie de l’Union – Calcul de la sous-cotation du prix et de la marge de préjudice – Lien de causalité – Accès aux données confidentielles de l’enquête antidumping – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑301/16,

Jindal Saw Ltd, établie à New Delhi (Inde),

Jindal Saw Italia SpA, établie à Trieste (Italie),

représentées par Mes R. Antonini et E. Monard, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland et G. Luengo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Saint-Gobain Pam, établie à Pont-à-Mousson (France), représentée par Mes O. Prost, A. Coelho Dias et C. Bouvarel, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2016/388 de la Commission, du 17 mars 2016, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de tubes et de tuyaux en fonte ductile (également dénommée « fonte à graphite sphéroïdal ») originaires de l’Inde (JO 2016, L 73, p. 53), dans la mesure où ce règlement concerne les requérantes,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius, P. Nihoul, J. Svenningsen (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Jindal Saw Ltd, société privée de droit indien, et Jindal Saw Italia SpA, société italienne appartenant à Jindal Saw, sont actives dans la production et la vente, notamment, de tubes et de tuyaux en fonte ductile destinés au marché indien et à l’exportation. Durant la période pertinente en l’espèce, trois sociétés liées sont intervenues pour la commercialisation des produits de Jindal Saw dans l’Union européenne, à savoir, outre Jindal Saw Italia, Jindal Saw España SL et Jindal Saw Pipeline Solutions, UK (dite Jindal Saw UK) (ci-après, prises ensemble, les « entités de vente de Jindal Saw »).

2        Le 10 novembre 2014, Saint-Gobain Pam, Saint-Gobain Pam Deutschland GmbH et Saint-Gobain Pam España S.A. ont, conformément au règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2009, L 343, p. 51), tel que modifié par le règlement (UE) no 37/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2014 (JO 2014, L 18, p. 1) (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21)], introduit une plainte auprès de la Commission européenne, au titre de l’article 5 du règlement no 1225/2009, afin qu’elle engage une enquête antidumping concernant les importations de tubes et de tuyaux en fonte ductile originaires de l’Inde.

3        Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 20 décembre 2014 (JO 2014, C 461, p. 35), la Commission a ouvert une procédure antidumping concernant les importations en cause (ci-après la « procédure antidumping »).

4        Parallèlement, le 26 janvier 2015, Saint-Gobain Pam, Saint-Gobain Pam Deutschland et Saint-Gobain Pam España ont, conformément au règlement (CE) no 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2009, L 188, p. 93), tel que modifié par le règlement no 37/2014 (ci-après le « règlement de base antisubventions ») [remplacé par le règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55)], introduit une plainte auprès de la Commission, au titre de l’article 10 du règlement de base, afin qu’elle engage une enquête antisubventions, concernant également les importations en cause.

5        Par avis publié au Journal officiel le 11 mars 2015 (JO 2015, C 83, p. 4), la Commission a ouvert une procédure antisubventions concernant les importations en cause (ci-après la « procédure antisubventions »).

6        Le 24 juin 2015, Jindal Saw a présenté à la Commission ses observations sur certains aspects de l’analyse du dumping, du préjudice causé à l’industrie de l’Union et de l’intérêt de l’Union. Ces observations couvraient à la fois la procédure antidumping et la procédure antisubventions.

7        Le 18 septembre 2015, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/1559, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de tubes et de tuyaux en fonte ductile (également dénommée « fonte à graphite sphéroïdal ») originaires de l’Inde (JO 2015, L 244, p. 25, ci-après le « règlement provisoire »). Le produit concerné était défini dans ce règlement comme étant les tubes et tuyaux en fonte ductile (également dénommée « fonte à graphite sphéroïdal ») originaires de l’Inde.

8        Le 23 octobre 2015, Jindal Saw a présenté ses observations sur les informations provisoires dans la procédure antidumping, en demandant en même temps l’organisation d’une audition par la Commission.

9        Le 20 novembre 2015, une réunion a été organisée. Le 24 novembre 2015, Jindal Saw a envoyé un courriel à la Commission dans lequel elle confirmait certains éléments abordés lors de cette réunion, notamment ceux portant sur la définition du produit concerné et le calcul de la sous-cotation du prix, et le 27 novembre 2015, elle a soumis à la Commission ses observations consécutives à ladite réunion dans le cadre de la procédure antidumping. Le 9 décembre 2015, elle a communiqué à la Commission certaines observations dans le cadre de la procédure antidumping et dans le cadre de la procédure antisubventions, notamment en ce qui concerne, premièrement, le caractère de subvention de la taxe à l’exportation sur le minerai de fer, deuxièmement, le préjudice, troisièmement, les réponses aux questionnaires faites par les utilisateurs du produit concerné et, quatrièmement, l’exclusion de la définition du produit concerné des tubes qui n’ont ni revêtement interne ni revêtement externe.

10      Le 22 décembre 2015, la Commission a informé Jindal Saw des faits et des considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé d’instituer un droit antidumping définitif sur les importations dudit produit (ci-après l’« information finale ») ainsi que des faits et des considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé d’instituer un droit compensateur définitif sur les mêmes importations. Avant de soumettre ses commentaires, Jindal Saw a, par courriel du 12 janvier 2016, demandé un complément d’information sur quatre points spécifiques.

11      Le 20 janvier 2016, Jindal Saw a présenté ses commentaires sur l’information finale dans le cadre de la procédure antidumping et dans le cadre de la procédure antisubventions.

12      Le 26 janvier 2016, la Commission a envoyé à Jindal Saw une communication d’information finale supplémentaire concernant des corrections apportées à certains éléments intervenant dans le calcul de la marge de dumping dans le cadre de la procédure antidumping. L’échéance du délai pour présenter des commentaires était fixée au 28 janvier 2016.

13      Le 28 janvier 2016, Jindal Saw a assisté à une réunion organisée par la Commission. Cette réunion a notamment porté sur les conclusions quant à la subvention que constitueraient la taxe à l’exportation sur le minerai de fer et le régime de double tarification du fret ferroviaire concernant le minerai de fer, les calculs relatifs à l’ensemble des mesures de subvention, le préjudice causé à l’industrie de l’Union et le dumping. Ce même jour, la Commission a adressé une lettre à Jindal Saw l’informant de certaines corrections apportées aux calculs des indicateurs de préjudice de l’industrie de l’Union dans le cadre de la procédure antidumping et dans le cadre de la procédure antisubventions. L’échéance du délai pour présenter des commentaires était fixée au 1er février 2016.

14      Le 1er février 2016, Jindal Saw a adressé deux courriels à la Commission, exposant ses commentaires relatifs, d’une part, aux corrections apportées à certains indicateurs de préjudice de l’industrie de l’Union et, d’autre part, à la réunion du 28 janvier 2016. Ces courriels contenaient également diverses demandes d’informations.

15      À l’issue de la procédure antidumping et de la procédure antisubventions, la Commission a adopté, respectivement, le règlement d’exécution (UE) 2016/388, du 17 mars 2016, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de tubes et de tuyaux en fonte ductile (également dénommée « fonte à graphite sphéroïdal ») originaires de l’Inde (JO 2016, L 73, p. 53, ci-après le « règlement attaqué »), ainsi que le règlement d’exécution (UE) 2016/387, du 17 mars 2016, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de tubes et de tuyaux en fonte ductile (également dénommée « fonte à graphite sphéroïdal ») originaires de l’Inde (JO 2016, L 73, p. 1), lequel fait l’objet d’un recours en annulation dans l’affaire Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑300/16).

16      Dans le règlement attaqué, le produit concerné a été définitivement défini comme étant « les tubes et tuyaux en fonte ductile (également dénommée “fonte à graphite sphéroïdal”) [...], à l’exclusion des tuyaux ductiles sans revêtement interne et externe [...], originaires de l’Inde, relevant actuellement des codes NC ex 7303 00 10 et ex 7303 00 90 » (ci-après le « produit concerné »).

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juin 2016, les requérantes ont introduit le présent recours. Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés les 27 septembre et 21 novembre 2016 et le 26 janvier 2017.

18      À la suite de la modification de la composition des chambres du Tribunal, l’affaire a été réattribuée à un nouveau juge rapporteur au sein de la première chambre.

19      Des demandes de confidentialité portant sur certaines informations contenues dans la requête, la réplique et la duplique ont été déposées par les requérantes les 11 et 21 novembre 2016 et le 14 février 2017.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2016, Saint-Gobain Pam a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 19 janvier 2017, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention.

21      Le 6 mars 2017, l’intervenante a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en intervention. La Commission et les requérantes ont déposé leurs observations sur ce mémoire les 24 mars et 19 avril 2017.

22      Le 20 juillet 2017, le Tribunal a ordonné à la Commission, au titre de l’article 91, sous b), du règlement de procédure du Tribunal et sous réserve de l’application de l’article 103, paragraphe 1, de ce règlement, de produire les données confidentielles nécessaires pour vérifier la véracité de certaines explications fournies dans le mémoire en défense en ce qui concerne les implications de l’erreur de plume mentionnée au considérant 72 du règlement attaqué (ci-après l’« erreur de plume »).

23      Le 10 août 2017, la Commission a produit, sous forme numérique, les données visées par la mesure d’instruction ordonnée par le Tribunal.

24      Par décision notifiée aux parties le 14 septembre 2017, les avocats représentant les requérantes ont été invités, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, à consulter, sous certaines conditions, lesdites données dans les locaux du greffe du Tribunal. Cette consultation a eu lieu les 26 et 27 septembre 2017.

25      Le 18 octobre 2017, les requérantes ont présenté des observations à la suite de la consultation par leurs avocats des données en cause (ci-après les « observations du 18 octobre 2017 »). À cette même date, elles ont déposé une demande de traitement confidentiel, à l’égard de l’intervenante, quant à certaines desdites données.

26      Le 14 novembre 2017, la Commission a déposé une demande de traitement confidentiel, à l’égard de l’intervenante, quant à certaines données figurant dans les observations du 18 octobre 2017.

27      Le 22 novembre 2017, la Commission a présenté des observations sur les observations du 18 octobre 2017.

28      Le 15 décembre 2017, l’intervenante a présenté des observations sur les observations du 18 octobre 2017 et sur les observations de la Commission.

29      Le 27 avril 2018, le Tribunal a invité les parties principales à répondre, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, à plusieurs questions et à produire certains documents. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis. Elles ont eu l’opportunité de présenter leurs observations sur leurs réponses respectives, ce qui a été fait, également dans les délais impartis.

30      Le 25 juin 2018, à la suite des réponses de la Commission, le Tribunal a invité cette dernière à présenter un calcul corrigé de la marge de dumping, eu égard à une erreur admise par celle-ci, dans le cadre d’une nouvelle mesure d’organisation de la procédure.

31      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il les concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juillet 2018.

 En droit

 Sur la recevabilité des observations du 18 octobre 2017

34      Les observations du 18 octobre 2017 ont été déposées par les requérantes dans le contexte exposé ci-après.

35      Dans la phase finale de la procédure administrative, la Commission a informé les parties intéressées de l’existence de l’erreur de plume. Cette erreur, relative à certains indicateurs de préjudice de l’industrie de l’Union, consistait dans la prise en considération de certaines ventes à l’exportation de l’industrie de l’Union comme des ventes effectuées dans l’Union. En conséquence, la Commission a procédé à la correction des données relatives aux ventes dans l’Union de l’industrie de l’Union ainsi qu’à la révision de données relatives à d’autres indicateurs qui avaient été influencées, par répercussion, par l’erreur de plume.

36      Dans la requête, les requérantes ont soutenu que la Commission n’avait pas effectué toutes les révisions qu’impliquait la correction de l’erreur de plume.

37      Dans le mémoire en défense, la Commission a exposé de manière détaillée que l’erreur de plume s’était produite lors de la transcription de certains chiffres, contenus dans une feuille de calcul informatisée, établie à l’aide d’un tableur, annexée aux réponses au questionnaire d’un producteur de l’Union, dans une feuille de calcul informatisée spécifique et que cette erreur n’avait pas eu d’effet sur les indicateurs autres que ceux qui avaient été corrigés, les autres indicateurs ayant été établis dans des feuilles de calcul informatisées distinctes.

38      Selon la Commission, les seuls indicateurs de préjudice qui avaient été influencés, et qui ont été révisés, étaient ceux pour lesquels des liens automatiques avaient été créés, dans les formules de calcul intégrées dans cette feuille de calcul spécifique, avec les données ayant fait l’objet de l’erreur de plume.

39      La Commission a proposé de mettre les données concernées, qui sont confidentielles au sens de l’article 19 du règlement de base, à la disposition du Tribunal, sous réserve de l’application de l’article 103 du règlement de procédure, pour permettre aux requérantes de vérifier le bien-fondé des explications exposées aux points 37 et 38 ci-dessus.

40      Par suite de la mesure d’instruction ordonnée par le Tribunal, la Commission a déposé au greffe du Tribunal une clé USB contenant les données dont la production avait été visée. Par décision notifiée le 14 septembre 2017, lue conjointement avec ladite mesure d’instruction, les avocats représentant les requérantes ont été invités, sous réserve de la signature d’un engagement de confidentialité, à consulter les documents contenus dans cette clé USB dans les locaux du greffe du Tribunal, exclusivement afin de pouvoir vérifier la véracité de certaines explications fournies dans le mémoire en défense en ce qui concerne les implications de l’erreur de plume.

41      Dans les observations du 18 octobre 2017, déposées à la suite de cette consultation, les requérantes ne contestent pas la véracité desdites explications, mais prétendent avoir découvert dans lesdits documents cinq nouvelles erreurs, lesquelles conforteraient certains de leurs griefs.

42      À titre principal, la Commission soutient que les observations du 18 octobre 2017 sont irrecevables, dès lors qu’elles portent sur des questions étrangères à l’objet de la mesure d’instruction et de la mesure d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal. À titre subsidiaire, elle soutient que la rectification des erreurs identifiées par les requérantes n’aurait pas changé l’analyse qu’elle a faite dans le cadre du règlement attaqué.

43      L’intervenante, dont émanent la plupart des données confidentielles dont il s’agit, fait essentiellement valoir que le règlement de base n’autorise pas la divulgation des données confidentielles transmises par une entreprise aux institutions de l’Union dans le cadre d’une procédure antidumping sans l’autorisation de cette entreprise. Subsidiairement, l’intervenante demande à obtenir un accès plus complet que celui qui lui a déjà été accordé aux données concernées.

44      Il y a lieu de constater, tout d’abord, que les cinq erreurs dont les requérantes font état dans les observations du 18 octobre 2017 sont sans lien avec l’erreur de plume à l’origine de la mesure d’instruction et de la mesure d’organisation de la procédure prises par le Tribunal et, donc, avec l’objet de ces mesures.

45      Ensuite, il convient de rappeler que le règlement de base régit de manière détaillée l’accès des parties intéressées aux données recueillies dans le cadre d’une enquête antidumping. Il prévoit un système complet de garanties procédurales visant, d’une part, à permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts et, d’autre part, à préserver, lorsque cela est nécessaire, la confidentialité des informations utilisées au cours de cette enquête et contient des règles permettant de concilier ces deux exigences (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 96).

46      À cet égard, l’article 19, paragraphe 1, du règlement de base pose le principe selon lequel toute information de nature confidentielle est traitée comme telle par les autorités, dès lors que cette nature est justifiée par des raisons valables. Le paragraphe 5 de cet article fait interdiction, notamment, à la Commission de révéler toute information reçue en application dudit règlement pour laquelle la personne qui l’a fournie a demandé un traitement confidentiel, sans l’autorisation spécifique de cette dernière, et, sauf exception expressément prévue, de divulguer, notamment, les documents internes préparés par les autorités de l’Union.

47      Le règlement de base contient également un certain nombre de dispositions permettant de concilier les exigences liées aux droits des parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts avec celles liées à la nécessité de protéger les informations confidentielles. D’une part, l’accès des parties intéressées aux informations disponibles en vertu de l’article 6, paragraphe 7, et de l’article 20 du règlement de base est limité par le caractère confidentiel de ces informations. D’autre part, l’article 19, paragraphes 2 à 4, du règlement de base prévoit un certain nombre d’aménagements du respect de la confidentialité des informations pour préserver lesdits droits des parties intéressées.

48      En l’occurrence, les documents que les avocats des requérantes ont été autorisés à consulter contiennent exclusivement des données commerciales de deux des trois sociétés constituant, en l’espèce, l’industrie de l’Union. Il s’agit de données de nature confidentielle au sens de l’article 19 du règlement de base, ce que les parties ne contestent pas.

49      Il s’agit donc de documents à la divulgation desquels les requérantes ne pouvaient pas prétendre en application du règlement de base. L’accès à ces documents n’a été conféré qu’à leurs avocats, et ce uniquement afin de permettre la vérification des implications de l’erreur de plume commise par la Commission, dans le cadre d’une décision du Tribunal circonscrivant strictement cet accès, afin d’assurer le respect des droits de la défense des requérantes, ainsi qu’il résulte de la mesure d’instruction et de la mesure d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal.

50      En effet, d’une part, la mesure d’instruction ordonnée par le Tribunal était formulée de manière précise. La Commission ne devait produire que les données qui étaient strictement nécessaires pour vérifier la véracité de certaines explications fournies dans le mémoire en défense en ce qui concerne les implications de l’erreur de plume.

51      D’autre part, la décision notifiée aux parties le 14 septembre 2017 prévoyait, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, un accès aux données en cause uniquement pour assurer le respect des droits de la défense des requérantes, dans le cadre de la présente procédure, quant auxdites explications, et non pour assurer une information des requérantes au-delà des garanties prévues par le règlement de base en faveur des parties intéressées, qui serait contraire au respect de la confidentialité desdites données. Il convient d’ailleurs de souligner que, dans le cadre de la procédure administrative, les droits des requérantes ont été garantis par l’article 6, paragraphe 7, et les articles 19 et 20 du règlement de base.

52      Il résulte de ce qui précède que le cas d’espèce ne peut pas être assimilé à une situation dans laquelle le Tribunal aurait décidé, en vertu de l’article 103, paragraphe 3, du règlement de procédure et au terme de la mise en balance visée au paragraphe 2 de cet article, de porter de façon générale à la connaissance d’une partie principale des renseignements ou pièces confidentiels produits par l’autre partie principale. En effet, en l’espèce, le Tribunal a donné aux avocats des requérantes un accès spécifique aux feuilles de calcul informatisées utilisées par la Commission pour l’établissement des indicateurs litigieux à seule fin de leur permettre de vérifier la véracité de certaines explications fournies dans le mémoire en défense en ce qui concerne les implications de l’erreur de plume, en particulier en ce qui concerne les liens créés dans ces feuilles de calcul. En conséquence, les requérantes ne peuvent pas se prévaloir d’avoir eu un accès général à des informations nouvelles dont la prise de connaissance leur permettrait de faire valoir de nouveaux moyens ou griefs devant être considérés comme recevables en vertu de l’article 84 du règlement de procédure.

53      À cet égard, il convient également d’observer que les requérantes elles-mêmes n’ont pas demandé au Tribunal de leur permettre l’accès aux documents en question pour qu’elles puissent en disposer d’une manière générale. Au contraire, dans la réplique, les requérantes ont demandé explicitement que cet accès leur soit donné dans le seul but de vérifier la véracité de certaines explications fournies dans le mémoire en défense en ce qui concerne les implications de l’erreur de plume.

54      Sur la base de l’ensemble de ces considérations, il convient d’écarter les observations du 18 octobre 2017 comme étant irrecevables.

55      Partant, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de l’intervenante visant à obtenir un accès plus complet aux données concernées.

 Sur le fond

56      À l’appui du recours, les requérantes présentent, en substance, quatre moyens tirés de diverses violations du règlement de base, à savoir :

–        le premier moyen, de la violation de l’article 2, paragraphes 8 et 9, et, par voie de conséquence, de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base ;

–        le deuxième, de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, et, par voie de conséquence, de l’article 3, paragraphe 6, et de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base ;

–        le troisième, de la violation de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 à 8, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base ;

–        le quatrième, de la violation de l’article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement de base et des droits de la défense.

57      Il convient d’examiner en premier lieu le quatrième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement de base et des droits de la défense

58      Le quatrième moyen comporte, en substance, deux branches.

59      Par la première branche, les requérantes font valoir que la Commission a violé l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base et le droit de Jindal Saw d’être entendue en ne transmettant pas à cette dernière un certain nombre d’éléments que celle-ci lui avait demandés dans deux courriels du 1er février 2016.

60      En s’appuyant sur la jurisprudence, les requérantes soulignent que, lorsque les institutions de l’Union jouissent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des droits garantis par l’ordre juridique de l’Union est d’autant plus fondamental et que figure parmi ces droits celui d’être utilement entendu. Or, il ne pourrait pas être entièrement exclu que, si Jindal Saw avait eu la possibilité d’émettre des observations concernant les éléments d’information qu’elle avait demandés en ce qui concerne les indicateurs de préjudice influencés par l’erreur de plume et les coûts de l’industrie de l’Union, y compris les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après les « frais VAG ») des entités de vente du groupe Saint-Gobain Pam, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent et plus favorable pour elle, dès lors que, antérieurement, la Commission aurait déjà révisé son point de vue par suite d’observations qui lui avaient été transmises par les parties intéressées.

61      Par la seconde branche, les requérantes font valoir que la Commission aurait violé l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base ainsi que le droit de Jindal Saw d’être entendue en n’ayant pas accordé à celle-ci suffisamment de temps pour présenter ses observations à la suite de la communication des indicateurs de préjudice modifiés. À cet égard, elles font valoir qu’il ne pourrait pas être entièrement exclu que, si Jindal Saw avait disposé d’un délai conforme aux prévisions de ladite disposition à la suite de la communication des indicateurs de préjudice modifiés, elle aurait pu présenter des observations plus développées susceptibles d’amener la Commission à modifier son point de vue.

62      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste le bien-fondé de ce moyen.

63      À titre liminaire, il convient de relever, en premier lieu, que, lorsque les parties intéressées à une enquête antidumping, notamment les producteurs-exportateurs concernés, souhaitent accéder à des informations concernant des faits et des considérations susceptibles de former la base de mesures antidumping en vue de défendre leurs intérêts, la Commission est tenue de respecter certains principes et garanties procéduraux.

64      À cet égard, il y a lieu de considérer que, d’une part, l’article 20 du règlement de base établit certaines modalités quant à l’exercice du droit des parties concernées d’être entendues, lequel constitue un droit fondamental reconnu par l’ordre juridique de l’Union. Cet article prévoit, à son paragraphe 2, le droit d’être informé des faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’instauration de mesures antidumping définitives. Ledit article dispose en outre, à son paragraphe 4, que, lorsque la Commission envisage de prendre une décision en se fondant sur des faits et considérations différents de ceux communiqués précédemment, elle doit les communiquer dès que possible et, à son paragraphe 5, que les parties concernées doivent disposer, en principe, d’un délai minimal de dix jours pour présenter leurs observations, ce délai pouvant être plus court lorsqu’il s’agit d’une information finale complémentaire.

65      D’autre part, selon une jurisprudence constante, les exigences découlant du respect des droits de la défense s’imposent non seulement dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des sanctions, mais également dans celui des procédures d’enquête précédant l’adoption de règlements antidumping, qui peuvent affecter les entreprises concernées de manière directe et individuelle, et emporter pour elles des conséquences défavorables. En particulier, dans le cadre de la communication des informations aux entreprises intéressées au cours de la procédure d’enquête, le respect de leurs droits de la défense implique que ces entreprises doivent avoir été mises en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 76 et jurisprudence citée).

66      Si, certes, le respect des droits de la défense revêt une importance capitale dans les procédures d’enquête antidumping (voir arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 77 et jurisprudence citée), l’existence d’une irrégularité en ce qui concerne le respect de ces droits ne saurait conduire à l’annulation d’un règlement instaurant un droit antidumping que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la partie concernée (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 107).

67      Toutefois, il convient de rappeler qu’il ne saurait être imposé à cette partie de démontrer que la décision de la Commission aurait été différente, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue, dès lors que ladite partie aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale dénoncée (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 78 et jurisprudence citée).

68      En revanche, il incombe à la partie concernée d’établir concrètement comment elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de ladite irrégularité procédurale, sans pouvoir se limiter à invoquer l’impossibilité de fournir des observations sur des situations hypothétiques (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 145 et jurisprudence citée).

69      En second lieu, il y a lieu de relever que, en l’espèce, dans l’information finale, la Commission a communiqué aux parties intéressées tous les faits et considérations qu’elle estimait essentiels et sur la base desquels elle envisageait d’instaurer un droit antidumping définitif, y compris les chiffres concernant les indicateurs de préjudice et l’analyse des tendances qu’auraient démontrées ces indicateurs. Concrètement, d’une part, la Commission avait relevé que les ventes de l’industrie de l’Union avaient diminué de plus de 6 % et que cette industrie avait perdu environ 2,5 % de parts de marché dans un marché en déclin. D’autre part, s’agissant toujours de cette industrie, elle avait indiqué qu’une rentabilité considérée comme faible couplée à une baisse des ventes et des parts de marché dans l’Union avait placée celle-ci dans une situation économique et financière difficile, et conclu, sur la base d’une analyse globale de tous les indicateurs de préjudice qu’elle estimait pertinents et du fait de cette situation économique et financière considérée comme difficile, que ladite industrie avait subi un préjudice important au sens de l’article 3 du règlement de base.

70      Le premier grief vise une violation, d’une part, de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base, qui doit être lu à la lumière du paragraphe 2 du même article, et, d’autre part, des droits de la défense en raison du défaut de communication d’informations demandées dans les deux courriels de Jindal Saw du 1er février 2016 concernant, premièrement, la communication des indicateurs de préjudice modifiés par suite de la découverte de l’erreur de plume et, deuxièmement, divers coûts de l’industrie de l’Union.

71      En ce qui concerne, en premier lieu, le défaut de communication des informations demandées par Jindal Saw concernant les corrections apportées aux indicateurs de préjudice de l’Union, il convient d’observer que, tout d’abord, dans sa communication écrite du 28 janvier 2016, informant Jindal Saw de certaines corrections apportées aux indicateurs de préjudice de l’industrie de l’Union, la Commission a expressément mentionné quels indicateurs de préjudice avaient fait l’objet de modifications par suite de la découverte de l’erreur de plume, à savoir ceux relatifs, premièrement, à la consommation globale dans l’Union, deuxièmement, à la part de marché des producteurs-exportateurs, troisièmement, à la part de marché de ladite industrie et, quatrièmement, au prix de vente de cette industrie. Ensuite, une annexe jointe à cette communication écrite reprenait les chiffres concernés, présentés sous forme de fourchettes comme dans l’information finale. Enfin, la Commission a expressément indiqué dans ladite communication écrite que ces modifications n’avaient conduit ni à un changement des conclusions concernant les tendances ni à un changement des conclusions finales qui avaient été précédemment communiquées aux parties intéressées.

72      Il résulte de ces constatations que les modifications apportées par la Commission par suite de la correction de l’erreur de plume ne constituaient pas, en elles-mêmes, des faits et des considérations essentiels au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base, car ces modifications n’apportaient pas de changement dans les tendances sur lesquelles l’évaluation du préjudice était fondée. Dès lors, la Commission n’était pas obligée par le règlement de base, en particulier l’article 20, paragraphe 4, dudit règlement, d’informer Jindal Saw desdites modifications ni, a fortiori, contrainte de donner suite à la demande de cette dernière tendant à obtenir des informations complémentaires à ce sujet. Elle n’a dès lors pas violé l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base.

73      S’agissant, par ailleurs, de l’allégation d’une violation du droit d’être entendu, il y a lieu de considérer que, par sa communication écrite du 28 janvier 2016, la Commission avait transmis tous les éléments nécessaires pour permettre à Jindal Saw de faire valoir son point de vue à l’égard des modifications apportées par suite de la correction de l’erreur de plume, ce que Jindal Saw a d’ailleurs fait dans son premier courriel du 1er février 2016. À cet égard, il y a lieu de relever, en outre, que, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, les requérantes n’ont présenté aucune observation nouvelle par rapport à celles qui avaient déjà été présentées à la Commission le 1er février 2016. Il s’impose dès lors de constater que la Commission a adopté le règlement attaqué après que Jindal Saw a pu faire valoir toutes observations utiles et que les requérantes n’ont pas démontré dans le cadre de la présente procédure que Jindal Saw aurait pu mieux assurer sa défense dans le cadre de la procédure administrative.

74      En ce qui concerne, en second lieu, le défaut de communication des informations concernant certains coûts de l’industrie de l’Union, il convient de relever que, certes, il aurait été de bonne administration de la part de la Commission de répondre à cette demande, ne fût-ce que pour faire savoir qu’il s’agissait de données confidentielles auxquelles elle ne pouvait pas donner l’accès à Jindal Saw. Toutefois, l’absence de réponse spécifique à cette demande d’informations n’a pas comme conséquence que la Commission ait violé l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base, lu à la lumière du paragraphe 2 de cet article, car les informations supplémentaires demandées par Jindal Saw ne constituaient pas de nouveaux faits et considérations essentiels.

75      En effet, il ressortait déjà du règlement provisoire, adopté le 18 septembre 2015, que, pour le calcul de la rentabilité de l’industrie de l’Union, la Commission avait pris en compte non seulement les frais VAG des entités de production de cette industrie, mais également les frais des entités de vente de ladite industrie. À cet égard, le considérant 92 du règlement provisoire énonçait que « [l]a Commission a[vait] établi la rentabilité des producteurs de l’Union ayant coopéré en exprimant le bénéfice net avant impôt tiré des ventes du produit similaire à des clients indépendants dans l’Union en pourcentage du chiffre d’affaires généré par ces ventes » et que « [l]a plupart des ventes du produit [similaire] dans l’Union [avaient] été effectuées par les [entités] de vente des producteurs de l’Union ayant coopéré, dont les coûts et la rentabilité ont été pris en compte ».

76      Le fait que Jindal Saw n’ait pas relevé ou correctement saisi la portée de ces explications fournies dans le cadre du règlement provisoire et répétées dans l’information finale, selon lesquelles les coûts des entités de vente de l’industrie de l’Union étaient pris en compte pour le calcul de la rentabilité de cette industrie, ne signifie pas que les clarifications apportées à cet égard par la Commission lors de la réunion du 28 janvier 2016 constituaient de nouveaux faits et considérations essentiels. La Commission n’a dès lors pas violé l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base à cet égard.

77      Il découle également du fait que l’information concernée, relative à la prise en compte des frais des entités de vente de l’industrie de l’Union dans le cadre du calcul de la rentabilité de cette industrie, était en possession de Jindal Saw depuis le 19 septembre 2015, date de la publication au Journal officiel du règlement provisoire, que Jindal Saw a disposé des éléments nécessaires pour faire utilement valoir ses observations quant à ce calcul.

78      Il y a dès lors lieu de rejeter le premier grief comme étant non fondé.

79      Pour ce qui est du second grief, relatif à la violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, en ce que Jindal Saw n’a pas disposé d’un délai de dix jours, ou à tout le moins d’un délai suffisant, pour présenter des commentaires relatifs aux modifications apportées à certains indicateurs de préjudice, il convient de relever qu’il ne résulte pas de cette disposition que la Commission serait obligée d’accorder un délai aux parties intéressées pour formuler des commentaires sur toute modification à laquelle elle procède par suite de leurs observations sur l’information finale. Une telle obligation n’aurait existé que si la communication écrite de la Commission du 28 janvier 2016 avait contenu des faits et considérations essentiels, au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base, ce qui n’était pas le cas.

80      En tout état de cause, il convient d’observer que, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, les requérantes n’ont pas présenté d’autre argument en rapport avec la correction de l’erreur de plume que ceux que Jindal Saw avait déjà avancés dans son premier courriel du 1er février 2016.

81      En conséquence, rien ne permet de considérer que la procédure antidumping aurait pu aboutir à un résultat différent si Jindal Saw avait disposé d’un délai plus long pour présenter ses commentaires à cet égard.

82      De plus, il peut être souligné que, même après consultation des documents contenant les données potentiellement influencées par l’erreur de plume, dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal, les requérantes n’ont avancé aucun argument nouveau en lien avec cette erreur, admettant que la correction de ladite erreur ne nécessitait pas d’autre rectification que celles qui avaient été apportées par la Commission et communiquées à Jindal Saw le 28 janvier 2016.

83      Il y a dès lors lieu de rejeter le second grief comme étant non fondé et, partant, de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base et, par voie de conséquence, de l’article 9, paragraphe 4, du même règlement

84      Le premier moyen s’articule en deux branches.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base

85      La première branche comporte elle-même deux griefs.

86      Par le premier grief, les requérantes font valoir que la Commission a violé l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base en n’utilisant pas les prix à l’exportation réels pratiqués par Jindal Saw pour ses ventes à ses entités de vente et en recourant, à la place, à la construction d’un prix à l’exportation. À cet égard, elles font valoir que, pour la détermination de la marge de dumping, les prix à l’exportation réels peuvent être écartés non pas simplement en raison de l’existence d’une association entre l’exportateur et l’importateur, mais uniquement s’il apparaît que ces prix ne sont pas fiables en raison de cette association, ce que la Commission n’aurait pas démontré.

87      À l’appui de ce grief, les requérantes invoquent, en premier lieu, le libellé de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, dont la modification depuis la création, le 1er janvier 1995, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) démontrerait un changement dans l’approche imposée par cette disposition. Selon elles, bien que les juridictions de l’Union ne se soient pas encore prononcées sur la répartition de la charge de la preuve dans le cadre de l’application de ladite disposition, le point 59 de l’arrêt du 26 novembre 2015, Giant (China)/Conseil (T‑425/13, non publié, EU:T:2015:896), soutient leur interprétation de cette disposition. En outre, elles font référence à un règlement spécifique instituant des droits antidumping, dont il résulterait que la Commission l’a elle-même interprétée en ce sens.

88      En second lieu, les requérantes invoquent le libellé de l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base, relatif à l’établissement de la valeur normale du produit concerné dans le pays exportateur, duquel il ressortirait qu’une association entre les parties à une vente suffit pour écarter les prix pratiqués entre ces deux parties. La différence dans le libellé de ces deux paragraphes du même article démontrerait que le législateur de l’Union a établi une distinction substantielle entre les deux situations.

89      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste le bien-fondé de ce grief.

90      À titre liminaire, il convient d’observer que l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base prévoit que, en principe, le « prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union ». C’est uniquement « [l]orsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers » que l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base permet de construire le prix à l’exportation sur la base du prix auquel les produits importés ont été revendus pour la première fois à un acheteur indépendant.

91      Il ressort donc de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base que la Commission peut considérer que le prix à l’exportation n’est pas fiable dans deux cas, à savoir lorsqu’il existe une association entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers ou en raison d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers. En dehors de ces cas, la Commission est tenue, lorsqu’un prix à l’exportation existe, de se fonder sur celui-ci pour la détermination de l’existence d’un dumping (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, EU:T:2002:280, point 49, et du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 26).

92      En ce qui concerne, en premier lieu, les modifications successives du libellé de la disposition correspondant à l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base, il convient d’observer que le membre de phrase « lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association […] entre l’exportateur et l’importateur », concerné par le présent grief, se retrouve quasi à l’identique dans le libellé de la partie de phrase correspondante figurant, à l’origine, dans l’article 3, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 459/68 du Conseil, du 5 avril 1968, relatif à la défense contre les pratiques de dumping, primes ou subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO 1968, L 93, p. 1, ci-après le « règlement antidumping de 1968 »). La formulation employée dans cette dernière disposition était « […] lorsqu’il apparaît que l’on ne peut faire fond sur le prix à l’exportation par suite de l’existence d’une association […] entre l’exportateur et l’importateur ». Cette formulation reprenait le libellé de l’article 2, sous e), de l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), signé à Genève le 30 juin 1967, entré en vigueur le 1er juillet 1968.

93      Dans ses conclusions dans l’affaire NTN Toyo Bearing e.a./Conseil (113/77, EU:C:1979:39, rec. p. 1212[1253]), M. l’avocat général Warner, après avoir relevé cette similarité, a observé que l’article 2, sous e), de l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VI du GATT était interprétatif de l’article VI du GATT et que les termes de l’article 3, paragraphe 3, du règlement antidumping de 1968 ne se prêtaient pas à une interprétation en ce sens que l’écartement des prix réels n’aurait été autorisé qu’à la condition qu’il eût été constaté qu’il existât des motifs spécifiques de penser que, par suite d’une association entre l’exportateur et l’importateur, ces prix n’étaient pas fiables. Cet avocat général en a conclu que l’existence d’une association entre l’exportateur et l’importateur suffisait pour considérer les prix à l’exportation comme non fiables.

94      L’article 3, paragraphe 3, du règlement antidumping de 1968 a été remplacé par l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement (CEE) no 3017/79 du Conseil, du 20 décembre 1979, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de « dumping » ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO 1979, L 339, p. 1, ci-après le « règlement antidumping de 1979 »), cette dernière disposition étant libellée comme suit :

« Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît qu’il existe une association [...] entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, ou que, pour d’autres raisons, le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers [l’Union] ne peut servir de référence […] »

95      Toutefois, il ne peut pas être considéré que cette modification de libellé a eu pour but de modifier la règle concernant la charge de la preuve relative à la fiabilité ou à l’absence de fiabilité des prix en cas d’association entre l’exportateur et l’importateur. En revanche, elle a eu pour effet d’étendre le spectre des situations dans lesquelles le prix réellement payé pour le produit vendu à l’exportation ne pouvait pas servir de référence (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, EU:C:1990:116, point 30). Cela résulte de l’ajout des mots « pour d’autres raisons », termes qui ne figuraient pas dans le texte du nouvel accord relatif à l’application de l’article VI du GATT. La modification apportée à la structure de la phrase, par rapport à celle de l’article 3, paragraphe 3, du règlement antidumping de 1968, a été nécessaire pour intégrer cet ajout. Partant, la substance de la règle en ce qui concerne la fiabilité du prix à l’exportation pratiqué entre des parties liées est restée inchangée.

96      Le libellé de l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement antidumping de 1979 a été maintenu dans les dispositions correspondantes des réglementations qui ont succédé à ce dernier jusqu’à ce que ce libellé soit, à son tour, remplacé par celui de l’article 2, paragraphe 9, du règlement (CE) no 3283/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1994, L 349, p. 1, ci-après le « règlement antidumping de 1994 »), lequel vise l’hypothèse d’une association par les termes « lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association [...] entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers ». Cette formulation est comparable au libellé original, tel qu’il figurait dans l’article 3, paragraphe 3, du règlement antidumping de 1968, et au libellé de l’article 2.3 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping OMC 1994 »).

97      Il ressort des troisième et cinquième considérants du règlement antidumping de 1994 que la modification des règles communautaires découlait de l’accord antidumping OMC 1994, dont il convenait d’assurer une application appropriée et transparente en en transposant les termes dans le droit communautaire dans toute la mesure du possible.

98      Il est donc manifeste que le législateur communautaire visait à aligner autant que possible le libellé du règlement antidumping de 1994 sur celui de l’accord antidumping OMC 1994. Eu égard, notamment, à l’absence de commentaire quant aux modifications apportées au libellé de la disposition concernée tant dans les considérants et les travaux préparatoires du règlement antidumping de 1979, dans lequel ce libellé a été modifié pour la première fois, que dans ceux du règlement antidumping de 1994, dans lequel ledit libellé a été de nouveau aligné sur la formulation utilisée dans l’accord antidumping OMC 1994, il y a lieu de considérer que ces modifications n’ont pas eu pour but d’apporter une modification en ce qui concerne la charge de la preuve dans le cadre de l’application de la disposition correspondant à l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base.

99      Cette analyse n’est pas infirmée par les autres arguments des requérantes.

100    Premièrement, en tant que les requérantes se réfèrent au point 59 de l’arrêt du 26 novembre 2015, Giant (China)/Conseil (T‑425/13, non publié, EU:T:2015:896), il y a lieu de relever que ce point ne saurait être pris en considération en dehors de son contexte. Or, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal s’est prononcé non pas sur la charge de la preuve concernant l’application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, mais seulement sur une question spécifique différente.

101    Deuxièmement, en ce qui concerne la référence faite par les requérantes au règlement (CE) no 930/2003 du Conseil, du 26 mai 2003, clôturant les procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de saumons atlantiques d’élevage originaires de Norvège et la procédure antidumping concernant les importations de saumons atlantiques d’élevage originaires du Chili et des Îles Féroé (JO 2003, L 133 p. 1), celles-ci invoquent une énonciation, figurant au considérant 84 de ce règlement, qui est également sortie de son contexte spécifique, tel qu’il ressort des considérants 82 à 84 dudit règlement.

102    En second lieu, s’agissant de l’argument tiré par les requérantes de la différence de formulation existant entre l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base et le paragraphe 1, troisième alinéa, du même article, il convient de relever que, contrairement à la première de ces deux dispositions, la seconde ne trouve pas son origine dans l’accord antidumping OMC 1994, de sorte qu’aucun argument a contrario ne saurait être utilement tiré de la différence de libellé entre lesdites dispositions. En effet, n’étant pas contraint de respecter le libellé d’un texte adopté dans le cadre de l’OMC, le législateur de l’Union a pu exprimer, à l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base, la même idée qu’au paragraphe 9 de cet article, mais de façon plus explicite.

103    Il convient donc de rejeter le premier grief comme étant non fondé.

104    Par le second grief, présenté à titre subsidiaire, les requérantes font valoir que, en toute hypothèse, au cours de la procédure administrative, Jindal Saw a démontré que les prix à l’exportation qu’elle avait pratiqués envers ses entités de vente étaient fiables, premièrement, par référence aux prix pratiqués envers des importateurs indépendants dans l’Union, deuxièmement, par référence aux prix pratiqués envers des importateurs indépendants dans des pays tiers et, troisièmement, compte tenu de l’acceptation, par les autorités douanières, desdits prix à l’exportation.

105    En premier lieu, s’agissant des prix à l’exportation fournis par Jindal Saw concernant les ventes directes à des acheteurs indépendants dans l’Union, les requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait pas, d’une part, refuser d’avoir recours à ces prix réels pour l’évaluation de la fiabilité des prix à l’exportation facturés aux entités de vente de Jindal Saw, au motif que les quantités vendues directement à des acheteurs indépendants étaient trop faibles, et, d’autre part, utiliser lesdits prix réels dans le cadre de la construction du prix à l’exportation.

106    En deuxième lieu, s’agissant des prix pratiqués dans le cadre des ventes à des acheteurs indépendants dans des pays tiers, les requérantes font valoir que la Commission ne pouvait pas les écarter pour l’évaluation de la fiabilité des prix à l’exportation pratiqués envers les entités de vente de Jindal Saw au motif que lesdites ventes ne reflétaient pas suffisamment la position économique et le comportement de Jindal Saw sur le marché de l’Union. En effet, selon elles, dès lors que le règlement de base prévoit lui-même, à son article 2, paragraphe 3, le recours aux prix à l’exportation vers des pays tiers pour la construction de la valeur normale, ces prix doivent également être considérés comme suffisamment fiables pour effectuer une comparaison permettant de déterminer si les prix facturés à des importateurs liés dans l’Union sont eux-mêmes fiables. L’argument avancé à cet égard par la Commission dans le règlement provisoire, selon lequel Jindal Saw « vendait en grandes quantités dans l’Union par l’intermédiaire de négociants liés durant la même période », ne serait pas pertinent. Par ailleurs, les institutions auraient déjà utilisé les prix facturés sur les marchés de pays tiers pour vérifier la fiabilité des prix à l’exportation vers l’Union.

107    En troisième lieu, s’agissant de l’acceptation, par les autorités douanières de certains États membres, des prix à l’exportation pratiqués par Jindal Saw envers ses entités de vente, la Commission ne pourrait pas valablement arguer que ces autorités ne remplissaient pas convenablement leur mission au seul motif que le taux des droits à l’importation était de 0 %, en particulier parce que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est calculée sur la valeur en douane, ce qui aurait constitué une raison suffisante pour que lesdites autorités vérifiassent le prix à l’exportation.

108    Selon les requérantes, même à supposer que, pris isolément, ces éléments ne soient pas suffisants pour démontrer que les prix à l’exportation facturés par Jindal Saw à ses entités de vente étaient fiables, pris ensemble et en l’absence d’élément en sens contraire, ils établissent ce fait.

109    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste le bien-fondé de ce grief.

110    À titre liminaire, il importe de rappeler que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elle doit examiner (voir arrêt du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, point 40 et jurisprudence citée). Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur ces appréciations doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence d’un détournement de pouvoir (voir arrêt du 7 février 2013, EuroChem MCC/Conseil, T‑84/07, EU:T:2013:64, point 32 et jurisprudence citée). Il en est ainsi, notamment, en ce qui concerne l’appréciation de la fiabilité des prix à l’exportation communiqués par un exportateur (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, EU:T:2002:280, point 50 et jurisprudence citée).

111    Par ailleurs, ainsi que cela découle de l’examen du premier grief, il résulte de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base que, en cas d’association entre l’exportateur et l’importateur, il existe une présomption selon laquelle les prix pratiqués entre ceux-ci ne sont pas fiables, de sorte que la Commission peut, en principe, construire le prix à l’exportation. Cependant, comme l’admet la Commission, il s’agit d’une présomption réfragable, que les entreprises impliquées peuvent renverser en présentant des éléments qui démontrent que leurs prix sont fiables.

112    En l’espèce, les requérantes soutiennent que, dans le cadre de la procédure administrative, elles ont présenté des preuves propres à démontrer que les prix à l’exportation pratiqués par Jindal Saw envers ses entités de vente étaient fiables.

113    Il ressort du considérant 35 du règlement provisoire que la Commission a considéré a priori que, s’agissant des importations effectuées par des importateurs liés, les prix à l’exportation devaient être construits conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. Ensuite, la Commission a considéré, au considérant 45 de ce règlement, que ni les ventes de Jindal Saw à des parties indépendantes dans l’Union ni ses ventes dans des pays tiers ne pouvaient être utilisées pour vérifier la fiabilité des prix à l’exportation réels pratiqués par Jindal Saw envers ses entités de vente.

114    Les arguments présentés par les requérantes à l’appui de leur allégation selon laquelle elles ont démontré la fiabilité des prix à l’exportation pratiqués par Jindal Saw envers ses entités de vente ne sauraient prospérer.

115    En premier lieu, le fait que la Commission a constaté, au considérant 45 du règlement provisoire, que les ventes de Jindal Saw à des acheteurs indépendants dans l’Union, qui représentaient 1 % de l’ensemble des ventes de Jindal Saw dans l’Union, n’étaient pas suffisantes, en volumes et en valeur, pour être représentatives et servir de référence pour évaluer la fiabilité des prix à l’exportation pratiqués dans le cadre des ventes à ses entités de vente est indépendant de la question de savoir si les prix de ces ventes à des acheteurs indépendants dans l’Union constituaient, pris isolément, des prix fiables pour les transactions individuelles dont il s’agissait. En effet, la Commission a fait valoir non pas que les prix pratiqués par Jindal Saw envers des acheteurs indépendants dans l’Union n’étaient pas fiables en eux-mêmes, mais, par une appréciation exempte d’erreur manifeste, que ces ventes n’étaient pas suffisantes, en volumes et en valeur, pour être représentatives et, donc, pour servir de référence pour évaluer la fiabilité des prix pratiqués pour les 99 % restants des exportations de Jindal Saw vers l’Union, qui correspondaient à des ventes entre parties liées.

116    En deuxième lieu, s’agissant du refus de la Commission d’utiliser les prix à l’exportation pratiqués par Jindal Saw dans le cadre de ses ventes dans des pays tiers comme référence pour vérifier la fiabilité des prix à l’exportation à ses entités de vente, il convient de considérer que la Commission a pu constater, également sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que les marchés de pays tiers sur lesquels Jindal Saw vendait ses produits étaient des marchés assez différents de celui de l’Union et estimer, en substance, qu’il n’était pas établi que la stratégie en matière de prix sur ces marchés fût identique à celle adoptée sur le marché de l’Union.

117    À cet égard, l’argument des requérantes selon lequel le règlement de base prévoit lui-même le recours aux prix à l’exportation vers des pays tiers pour la construction de la valeur normale du produit concerné est dénué de pertinence. En effet, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que le calcul de la valeur normale et le calcul du prix à l’exportation sont des opérations distinctes, reposant sur des méthodes de calcul différentes, prévues respectivement à l’article 2, paragraphes 3 à 7, du règlement de base et à l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1988, Canon e.a./Conseil, 277/85 et 300/85, EU:C:1988:467, point 37). Partant, il ne saurait être raisonné sur la base d’un parallélisme entre les méthodes de détermination du prix à l’exportation et de la valeur normale.

118    Ensuite, à l’instar de la Commission, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, l’utilisation des prix à l’exportation pour le calcul de la valeur normale est permise « à la condition que ces prix soient représentatifs ». Or, les requérantes n’ont prouvé ni pendant la procédure administrative ni devant le Tribunal que les prix à l’exportation vers des pays tiers pratiqués par Jindal Saw étaient représentatifs.

119    Enfin, une fois qu’il a été établi que la valeur normale doit effectivement être construite, la Commission y procède en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base. Ainsi, comme le soutient la Commission, le recours au prix à l’exportation sur des marchés de pays tiers est prévu après qu’il a été décidé de construire la valeur normale, et non pour décider s’il faut ou non construire celle-ci. Dès lors, même à admettre que les procédures pour la détermination de la valeur normale et pour la détermination du prix à l’exportation soient comparables, quod non, un parallèle ne pourrait pas être établi entre la possibilité de recourir aux prix à l’exportation vers des pays tiers pour construire la valeur normale, prévue à un stade ultérieur de la procédure, et la question de savoir si un prix à l’exportation doit ou non être construit conformément à l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base.

120    Par ailleurs, indépendamment du fait que les requérantes ne sauraient placer leur confiance légitime dans le maintien du moyen initialement choisi par une institution lorsque celle-ci dispose d’une marge d’appréciation pour le choix des moyens nécessaires à la réalisation de sa politique (voir arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 120 et jurisprudence citée), l’exemple qu’elles fournissent au soutien de cet argument, selon lequel les institutions ont déjà utilisé des prix à l’exportation vers des pays tiers pour vérifier la fiabilité des prix à l’exportation vers l’Union, n’est pas pertinent. En effet, le règlement d’exécution (UE) no 905/2011 du Conseil, du 1er septembre 2011, clôturant le réexamen intermédiaire partiel concernant les mesures antidumping applicables aux importations de certains types de polyéthylène téréphtalate (PET) originaires de l’Inde (JO 2011, L 232, p. 14), qu’invoquent les requérantes, concernait une situation où les prix à l’exportation vers l’Union n’étaient pas utilisables soit parce qu’il n’y avait aucune exportation vers l’Union durant certains mois, soit parce qu’il existait un engagement de prix au titre duquel l’entreprise en question était contrainte de vendre ses produits sur le marché de l’Union à un prix supérieur à un prix minimal à l’importation fixé chaque mois en vertu d’un engagement préalable.

121    En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû accepter les prix à l’exportation réels facturés par Jindal Saw à ses entités de vente, parce que ces prix avaient été acceptés par les autorités douanières et fiscales de certains États membres, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, la notion de « valeur en douane » au sens, actuellement, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), et la notion de « prix à l’exportation » au sens, dans le cadre de la présente affaire, du règlement de base ne peuvent être assimilées (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1995, Descom Scales/Conseil, T‑171/94, EU:T:1995:164, point 39).

122    L’argument complémentaire des requérantes, relatif à l’utilisation de la valeur en douane comme base de calcul de la TVA doit également être rejeté pour les mêmes motifs.

123    En ce qui concerne l’affirmation des requérantes selon laquelle, même si, pris isolément, les éléments examinés aux points 115 à 122 ci-dessus ne sont pas suffisants pour démontrer que les prix à l’exportation pratiqués par Jindal Saw envers ses entités de vente étaient fiables, pris ensemble, ces éléments doivent être considérés comme suffisants pour démontrer cette fiabilité, il convient de relever que lesdits éléments n’ont qu’une valeur d’indice. Or, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose pour opérer les appréciations qui lui incombent s’agissant du caractère fiable ou non des prix à l’exportation pratiqués entre un exportateur et un importateur associés, ne saurait être considéré comme constitutif d’une erreur manifeste le fait, pour la Commission, d’avoir estimé que ces indices, dans la mesure où ils pouvaient être admis compte tenu des objections qu’elle avait soulevées, n’étaient pas suffisants pour démontrer la fiabilité des prix facturés par Jindal Saw à ses entités de vente.

124    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

–       Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base et, par voie de conséquence, de l’article 9, paragraphe 4, du même règlement

125    La seconde branche du premier moyen est également divisée en deux griefs.

126    Par leur premier grief, en s’appuyant notamment sur les points 6.99 et 6.100 du rapport du groupe spécial de l’organe de règlement des différends de l’OMC adopté le 1er février 2001 dans le différend intitulé « États-Unis – Mesures antidumping visant les tôles d’acier inoxydable en rouleaux et les feuilles et bandes d’acier inoxydable en provenance de Corée » [WT/DS 179/R, ci-après, respectivement, le « différend États-Unis – Acier inoxydable (Corée) » et le « rapport du groupe spécial dans le différend États-Unis – Acier inoxydable (Corée) »], les requérantes soutiennent que la construction des prix à l’exportation vise à établir les prix qui auraient été payés par l’importateur lié si les ventes avaient été effectuées à des conditions commerciales normales. Or, le prix à l’exportation construit par la Commission ne serait pas « fiable », au sens de l’article 2, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement de base.

127    L’absence de fiabilité des prix à l’exportation construits par la Commission serait mise en évidence par le fait que ces prix, en moyenne, ne représenteraient qu’une fraction, parfois même inférieure à la moitié, des prix réels facturés par les entités de vente de Jindal Saw à des acheteurs indépendants dans l’Union et une fraction similaire des prix facturés par Jindal Saw à des acheteurs indépendants sur des marchés de pays tiers, ce qui n’aurait pas été contesté par la Commission. Dans quelques cas, les prix à l’exportation construits seraient même nuls ou négatifs.

128    En outre, les requérantes ont argué dans leurs observations sur les réponses aux mesures d’organisation de la procédure, telles que précisées lors de l’audience, que la non-fiabilité des prix à l’exportation construits en l’espèce est également démontrée par le fait que la Commission a omis d’inclure dans le calcul de ces prix une partie des ventes de Jindal Saw à des acheteurs indépendants dans l’Union. Toutefois, il y a lieu de constater que, lors de l’audience, les requérantes se sont désistées de la contestation qu’elles avaient formulée sur ce point.

129    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste le bien-fondé de ce grief.

130    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement de base, lorsque le prix à l’exportation est construit sur la base du prix au premier acheteur indépendant ou sur toute autre base raisonnable, « des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais [...] intervenus entre l’importation et la revente ainsi que d’une marge bénéficiaire, afin d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière [de l’Union] ». L’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base prévoit que les coûts au titre desquels un ajustement est opéré incluent, notamment, « une marge raisonnable pour les frais [VAG] et le bénéfice ».

131    Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base ne prévoit pas de méthode de calcul ou de détermination de la marge pour les frais VAG et le bénéfice, mais se limite à renvoyer au caractère raisonnable de ladite marge. L’accord antidumping OMC 1994 ne prescrit pas non plus de méthode à cet égard, ainsi qu’il ressort du point 6.91 du rapport du groupe spécial dans le différend États-Unis – Acier inoxydable (Corée).

132    En outre, la détermination de marges raisonnables pour les frais VAG et le bénéfice ne fait pas exception à l’application de la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus, selon laquelle la Commission dispose, dans le domaine des mesures de défense commerciale, d’un large pouvoir d’appréciation, de sorte que le juge de l’Union n’est appelé à exercer qu’un contrôle restreint. En effet, cette détermination comporte nécessairement des appréciations économiques complexes (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 43 et jurisprudence citée).

133    Enfin, il importe de relever que, en cas d’association entre l’exportateur et l’importateur, il appartient à la partie intéressée qui entend contester l’étendue des ajustements opérés sur le fondement de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, en ce que les marges déterminées au titre des frais VAG et du bénéfice seraient excessives, de fournir des éléments de preuve et des calculs concrets justifiant ses allégations et, en particulier, le taux alternatif qu’elle propose le cas échéant (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 44 et jurisprudence citée).

134    En ce qui concerne, plus particulièrement, le premier grief, il convient de relever d’emblée que, contrairement à ce qu’avance la Commission, lorsque le prix à l’exportation est construit, le but est d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière de l’Union, ainsi que cela est précisé à l’article 2, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement de base. Cela ressort également de la jurisprudence des organes de règlement des différends de l’OMC, spécialement du point 6.99 du rapport du groupe spécial dans le différend États-Unis – Acier inoxydable (Corée).

135    S’agissant, en premier lieu, de l’argument des requérantes selon lequel l’absence de fiabilité des prix à l’exportation construits par la Commission serait démontrée par le fait qu’ils ne représentent qu’une fraction des prix pratiqués par les entités de vente de Jindal Saw à des acheteurs indépendants, il ressort du libellé de l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base que le prix payé par le premier acheteur indépendant est un point de départ pour la construction d’un prix à l’exportation. Dès lors, le prix à l’exportation construit correspondra nécessairement à un pourcentage du prix facturé au premier acheteur indépendant, compte tenu des divers ajustements que cette disposition impose d’opérer.

136    S’agissant, en second lieu, des ventes de Jindal Saw à des acheteurs indépendants dans l’Union, comme cela est indiqué aux considérants 33 et 39 du règlement provisoire, ces ventes constituaient environ 1 % de l’ensemble des ventes de Jindal Saw dans l’Union. Or, ainsi qu’il résulte du point 115 ci-dessus, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, la Commission pouvait considérer, sans commettre d’erreur manifeste, qu’un si faible volume de ventes ne pouvait pas être tenu pour représentatif et, donc, que les prix pratiqués par Jindal Saw envers des acheteurs indépendants dans l’Union ne pouvaient pas servir de référence à eux seuls pour évaluer la fiabilité des prix à l’exportation pratiqués pour des ventes entre parties liées. Pour la même raison, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir évalué la fiabilité des prix à l’exportation construits en prenant ces ventes comme point de référence.

137    Partant, dès lors que les deux éléments présentés par les requérantes dans le cadre du premier grief ne sont pas de nature à établir par eux-mêmes que les prix à l’exportation construits par la Commission ne sont pas fiables au sens de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, il y a lieu de rejeter ce grief comme étant non fondé.

138    Par le second grief, les requérantes contestent le caractère « raisonnable », au sens de l’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base, de la marge de frais VAG et de la marge bénéficiaire retenues par la Commission pour les ajustements opérés dans le cadre de la construction des prix à l’exportation sur la base des prix de vente aux premiers acheteurs indépendants.

139    En premier lieu, s’agissant de la détermination des frais VAG à prendre en compte dans le cadre de la construction des prix à l’exportation, en tant que la Commission a fondé ses calculs sur les frais réels des entités de vente de Jindal Saw, les requérantes lui reprochent, premièrement, de ne pas avoir suffisamment pris en considération, en vue de les exclure des ajustements à opérer pour les frais VAG, les frais liés aux activités de transformation exercées par deux de ces entités de vente, à savoir Jindal Saw Italia et Jindal Saw UK, ce qu’elle aurait pu faire en utilisant pour ces deux entités la marge de frais VAG retenue pour la troisième entité de vente, Jindal Saw España, qui n’exerçait pas d’activité de transformation, ou, à tout le moins, en appliquant pour Jindal Saw UK la même marge de frais VAG que pour Jindal Saw Italia.

140    Deuxièmement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir ajusté les frais VAG réels des entités de vente de Jindal Saw de façon à prendre en compte l’effet, sur ces frais, du fait que les ventes dans l’Union de ces entités n’avaient pas encore atteint un niveau normal.

141    Troisièmement, les requérantes soutiennent que le fait que la Commission a utilisé des données réelles relatives aux frais VAG des entités de vente de Jindal Saw pour la construction des prix à l’exportation ne signifie pas que ces données correspondent, par définition, à la notion de marge de frais VAG raisonnable au sens de l’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base.

142    À cet égard, les requérantes font valoir, tout d’abord, que l’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base impose à la Commission non pas d’utiliser une méthode raisonnable pour calculer les frais VAG, mais d’utiliser des frais VAG raisonnables. Ensuite, les requérantes relèvent que cette disposition ne mentionne pas qu’il y a lieu d’utiliser des données réelles pour les frais VAG, contrairement à ce que précise le législateur de l’Union, par exemple, à l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base. Il existerait donc une différence entre l’exigence d’utiliser des données réelles pour les frais VAG et celle d’utiliser une marge raisonnable pour ces mêmes frais. Enfin, même dans l’hypothèse où les frais réels devraient être considérés comme raisonnables, il ne s’agirait pas d’une présomption irréfragable. Or, la Commission n’aurait pas expliqué pourquoi les éléments mentionnés par les requérantes et le niveau très élevé des frais VAG des entités de vente de Jindal Saw, en tant que tels, ne rendaient pas déraisonnable la marge de frais VAG retenue en l’espèce.

143    En deuxième lieu, s’agissant de la marge bénéficiaire théorique prise en compte par la Commission dans le cadre de la construction du prix à l’exportation, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir utilisé une marge bénéficiaire qui serait irrationnelle pour un importateur auquel est appliquée, en même temps, une marge très élevée de frais VAG. Selon elles, si la Commission décide d’appliquer une marge bénéficiaire théorique, elle doit également utiliser une marge de frais VAG théorique raisonnable qui permette d’atteindre ce niveau de bénéfice, car le caractère raisonnable de la marge de frais VAG et celui de la marge bénéficiaire s’apprécieraient également en examinant ces marges l’une par rapport à l’autre.

144    En troisième et dernier lieu, s’agissant de la détermination de la marge de frais VAG à prendre en compte dans le cadre de la construction des prix à l’exportation, les requérantes font valoir que la Commission a, à tort, établi cette marge pour les entités de vente de Jindal Saw sous la forme d’un pourcentage exprimant le rapport entre leurs frais VAG réels et leur chiffre d’affaires réel, lequel correspondait à des pertes. En effet, selon elles, la Commission aurait dû établir cette marge en tenant compte du chiffre d’affaires réel augmenté de la marge bénéficiaire théorique qu’elle a prise en compte par ailleurs.

145    En conclusion, les requérantes soutiennent que, eu égard aux irrégularités influençant l’établissement des prix à l’exportation construits, la marge de dumping retenue par la Commission a été surévaluée, de sorte que le droit antidumping imposé, établi sur la base de cette marge, excéderait la marge de dumping telle qu’elle aurait dû être déterminée, en violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

146    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste le bien-fondé de ce grief.

147    S’agissant, en premier lieu, de l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas utilisé une marge de frais VAG raisonnable pour établir les prix à l’exportation en tant qu’elle a utilisé les frais réels des entités de Jindal Saw pour établir cette marge, il convient d’observer que, tout d’abord, la Commission dispose à cet égard d’une large marge d’appréciation et que la prise en considération des frais réels de l’importateur dont les prix facturés aux premiers acheteurs indépendants servent à l’établissement des prix à l’exportation construits ne peut pas être considérée comme une erreur manifeste d’appréciation, dès lors que ces frais réels constituent a priori les données les plus fiables pour établir les ajustements prévus à cet égard à l’article 2, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement de base. Le fait que cette disposition ne prévoit pas explicitement la possibilité d’établir la marge de frais VAG sur la base de données réelles ne saurait signifier que l’utilisation des frais réels serait déraisonnable.

148    S’agissant, ensuite, de la prise en considération des coûts liés aux activités de transformation de Jindal Saw Italia et de Jindal Saw UK pour l’établissement des frais VAG réels de ces deux entités, il y a lieu de relever que la Commission a exposé en substance, aux considérants 45 à 47 du règlement attaqué, d’une part, qu’une extrapolation sur la base des frais VAG de Jindal Saw España, qui n’avait pas d’activité de transformation, n’était pas compatible avec la méthode qu’elle avait retenue et qu’elle estimait appropriée, consistant à déterminer les frais VAG sur la base des frais réels supportés par chacune des entités de vente de Jindal Saw, et, d’autre part, qu’elle n’avait pas pu procéder à une adaptation des frais VAG de Jindal Saw UK dès lors qu’aucune information quant à la ventilation de ces frais ne lui avait été communiquée après l’adoption du règlement provisoire.

149    Dès lors que, comme il résulte du point 147 ci-dessus, le choix de la Commission de se fonder sur les frais réels des entités de vente de Jindal Saw n’est pas critiquable en soi, il ne peut pas lui être valablement reproché d’avoir refusé de procéder à une extrapolation soit des frais VAG de Jindal Saw España pour tenir compte des frais liés aux activités de transformation des deux autres entités de vente de Jindal Saw, soit des frais VAG de Jindal Saw Italia pour tenir compte des frais liés aux activités de transformation de Jindal Saw UK.

150    Au surplus, comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 133 ci-dessus, il appartient aux parties intéressées, dans la mesure où elles entendent contester une partie des ajustements annoncés, de présenter des éléments chiffrés à l’appui de leur contestation, tels que des calculs concrets justifiant celle-ci.

151    En l’espèce, il ressort du considérant 47 du règlement attaqué que de tels éléments ont été communiqués à la Commission concernant les activités de transformation de Jindal Saw Italia et que la Commission a procédé à une adaptation des frais VAG de cette entité de vente sur la base de ces éléments, sans qu’il soit fait état, devant le Tribunal, de postes de coûts précis qui n’auraient pas été pris en considération lors de cette adaptation. En revanche, de telles données n’ont pas été communiquées en ce qui concerne Jindal Saw UK, sans que les requérantes fournissent d’explication précise à cet égard.

152    Enfin, à supposer que puisse être considérée comme une contestation chiffrée la prétention qu’il soit tenu compte des coûts liés aux activités de transformation de Jindal Saw Italia et de Jindal Saw UK en extrapolant la marge de frais VAG de Jindal Saw España, il a été relevé aux points 148 et 149 ci-dessus que cette prétention avait été valablement écartée par la Commission.

153    S’agissant, enfin, de l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas suffisamment pris en compte l’effet sur les frais VAG réels des entités de vente de Jindal Saw du fait que les ventes dans l’Union de ces entités n’auraient pas encore atteint un niveau considéré comme normal, il convient de noter que cet argument ne saurait prospérer, car il n’a pas, lui non plus, été étayé par des éléments chiffrés concernant les ajustements de la marge de frais VAG que les requérantes estimaient requis pour ce motif.

154    Certes, il ne saurait être exclu qu’une entreprise démontre qu’elle est dans une phase de démarrage sur un nouveau marché et que, pour cette raison, ses ventes n’ont pas encore atteint le niveau auquel elle peut prétendre sur ledit marché et présente des éléments chiffrés quant à l’effet de cette situation. Dans une telle hypothèse, l’exigence de retenir une marge de frais VAG raisonnable impose, en principe, à la Commission d’évaluer ces preuves et d’apporter, en fonction de celles-ci, les ajustements nécessaires. Toutefois, il convient d’observer que les requérantes n’ont aucunement présenté de telles preuves en l’espèce.

155    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’utilisation par la Commission d’une marge bénéficiaire théorique de 3,7 %, celle-ci a exposé en substance, au considérant 50 du règlement attaqué, que, du fait de la situation déficitaire des entités de vente de Jindal Saw, il était impossible de se référer à des données réelles pour établir la marge bénéficiaire de ces entités, de sorte que, en l’absence de tout autre élément de référence raisonnable, un bénéfice moyen avait été retenu.

156    À cet égard, il convient de relever que, si l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base prévoit qu’un ajustement au titre de la marge bénéficiaire doit être opéré, cette disposition ne prévoit pas de méthode de détermination de ladite marge, laquelle doit cependant être raisonnable.

157    Selon la jurisprudence, une telle marge bénéficiaire raisonnable peut, en présence d’une association entre producteur et importateur dans l’Union, être calculée sur le fondement non pas des données émanant de l’importateur affilié, qui peuvent être influencées par cette association, mais de celles émanant d’un importateur indépendant (voir arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 29 et jurisprudence citée).

158    En l’espèce, les entités de vente de Jindal Saw étaient en perte et la Commission avance qu’il n’a dès lors pas été possible pour elle d’utiliser la marge bénéficiaire réelle de ces entités.

159    Quant à la critique fondamentale développée implicitement par les requérantes, selon laquelle, en présence d’un niveau de coûts impliquant un déficit, aucune marge bénéficiaire ne saurait être considérée comme raisonnable au sens de l’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base, il convient de relever d’emblée, à l’instar de la Commission, que le deuxième alinéa dudit paragraphe 9 ne prévoit pas un ajustement pour une marge « déficitaire », mais seulement pour une marge bénéficiaire. Partant, il n’est, en principe, pas possible d’opérer des ajustements pour tenir compte de pertes si une entreprise, comme c’est le cas en l’espèce, est déficitaire. Par ailleurs, comme cela est souligné au point 6.99 du rapport du groupe spécial dans le différend États-Unis – Acier inoxydable (Corée), il peut, en principe, être attendu d’un importateur lié qu’il établisse un prix fondé sur les frais plus les bénéfices. En outre, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 157 ci-dessus, les données d’un importateur lié concernant sa situation, bénéficiaire ou déficitaire, peuvent être influencées par le fait même de son association à un exportateur.

160    Néanmoins, cette question présente un lien avec la situation particulière d’entreprises en phase de démarrage, une telle phase pouvant correspondre à une période déficitaire. Toutefois, comme il a été exposé au point 154 ci-dessus, la prise en considération d’une telle situation dans les ajustements à opérer dans le cadre de la construction des prix à l’exportation devrait intervenir au niveau des frais VAG et sur la base de preuves ainsi que d’éléments chiffrés qui font défaut en l’espèce.

161    Dès lors, les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste en procédant, en l’espèce, à des ajustements pour tenir compte d’une marge bénéficiaire dans le cadre de la construction des prix à l’exportation.

162    En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel, dès lors que la Commission entendait, simultanément, établir la marge de frais VAG sur la base des frais réels des entités de vente de Jindal Saw et retenir une marge bénéficiaire théorique alors que ces entités étaient en perte, elle aurait dû établir la marge de frais VAG sur la base du pourcentage exprimant le rapport entre les frais VAG réels et un chiffre d’affaires théorique correspondant au chiffre d’affaires réel majoré de ladite marge bénéficiaire théorique, il suffit de relever que cette prétention présente, elle aussi, un lien avec le niveau élevé des frais VAG des entités de vente de Jindal Saw du fait de la phase de démarrage dans laquelle elles se seraient trouvées, qui aurait correspondu à une phase déficitaire, et avec la prise en compte par la Commission d’une marge bénéficiaire théorique. Dès lors, comme il a été indiqué au point 160 ci-dessus, cette question relève d’ajustements qu’il y aurait lieu d’opérer sur les frais VAG et sur la base de preuves ainsi que d’éléments chiffrés qui n’ont cependant pas été fournis en l’espèce.

163    Enfin, s’agissant de l’assertion des requérantes selon laquelle, à supposer que chacun des éléments qu’elles ont présentés pour prouver le caractère non raisonnable des marges de frais VAG et de bénéfice retenues pour la construction du prix à l’exportation ne soit pas suffisant, à lui seul, pour prouver cette allégation, ces éléments constitueraient, pris ensemble, un faisceau d’indices qui serait, quant à lui, propre à établir ladite allégation, cette assertion doit également être écartée. En effet, il convient de constater que lesdits éléments sont dénués de fondement, puisque, d’une part, s’agissant de la marge de frais VAG, les prétentions à l’exclusion de frais de transformation supplémentaires et à la prise en compte du caractère exceptionnellement élevé des frais VAG du fait de la phase de démarrage dans laquelle se seraient trouvées les entités de vente de Jindal Saw ne reposent pas sur des preuves et des données chiffrées, et, d’autre part, s’agissant de la marge bénéficiaire, la contestation est, en toute hypothèse, fondée sur des données émanant des entités de vente de Jindal Saw quant à la situation bénéficiaire ou déficitaire de celles-ci, qui, conformément à la jurisprudence, doivent être tenues pour suspectes. Partant, aucun de ces éléments ne saurait être retenu à titre d’indice du caractère non raisonnable des marges de frais VAG et de bénéfice qui ont été déterminées, en l’espèce, par la Commission.

164    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter également le second grief de la seconde branche du premier moyen comme étant non fondé et, partant, cette branche et ce moyen dans leur totalité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et, par voie de conséquence, de l’article 3, paragraphe 6, et de l’article 9, paragraphe 4, du même règlement

165    Dans le cadre du deuxième moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas fondé la détermination de l’existence d’un préjudice de l’industrie de l’Union sur des éléments de preuve positifs et un examen objectif. Elles soutiennent que, pour l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix d’un produit similaire de cette industrie, et plus particulièrement pour la détermination de la sous-cotation du prix du produit concerné par rapport au produit similaire de l’industrie de l’Union, la Commission n’a effectué la comparaison des prix ni au même stade commercial ni à un stade commercial adéquat, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

166    Selon les requérantes, les conclusions tirées du calcul de la sous-cotation du prix du produit concerné ont été utilisées par la Commission pour la détermination du préjudice de l’industrie de l’Union et la constatation du lien de causalité entre les importations de ce produit et ce préjudice de même que pour le calcul de la marge de préjudice. Partant, les erreurs commises dans le calcul de la sous-cotation auraient une incidence sur ces autres éléments du règlement attaqué. En particulier, la détermination de la marge de préjudice à un niveau excessif aurait pour conséquence que le droit antidumping tel que fixé par ce règlement excéderait le droit qui suffirait pour éliminer le préjudice causé à ladite industrie, en violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

167    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste le bien-fondé de ce moyen. Elle fait valoir que l’argumentation des requérantes manque de précision. En outre, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la sous-cotation aurait bien été calculée sur la base d’une comparaison des prix au même stade commercial et à un stade adéquat.

168    La Commission souligne que le règlement de base ne définit pas la façon dont la sous-cotation doit être calculée et que la jurisprudence ne prescrit pas non plus une méthodologie particulière pour le calcul de celle-ci.

169    La Commission rappelle par ailleurs que toutes les données utilisées pour le calcul de la sous-cotation des prix ont été fournies par les parties intéressées.

170    La Commission soutient en outre qu’il ne ressort pas du règlement de base tel qu’interprété par la jurisprudence que le calcul de la sous-cotation devrait être fondé sur des prix réels de manière à tenir compte de la concurrence réelle sur le marché et du point vue du client, comme le soutiennent les requérantes.

171    Enfin, la Commission fait valoir que, en tout état de cause, la sous-cotation du prix des importations en cause n’est qu’un des indicateurs de l’existence d’un préjudice important de l’industrie de l’Union, que les constatations relatives à la sous-cotation en ce qui concerne l’autre producteur-exportateur indien ayant coopéré à l’enquête n’ont pas été contestées et que l’analyse de la causalité entre les importations en cause et le préjudice de ladite industrie est fondée sur des considérations relatives non seulement aux prix, mais aussi aux volumes, ces dernières pouvant elles-mêmes constituer une base suffisante pour conclure à l’existence d’un lien de causalité.

172    Par le présent moyen, les requérantes font valoir de façon précise que la Commission a commis des erreurs dans le cadre du calcul de la sous-cotation du prix qui constitueraient des violations de l’article 3 du règlement de base et affecteraient la validité du règlement attaqué.

173    Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice de l’industrie de l’Union se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur ladite industrie.

174    En ce qui concerne plus particulièrement l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base prévoit l’obligation d’examiner s’il y a bien eu, pour ces importations, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites.

175    Le règlement de base ne contient pas de définition de la notion de sous-cotation du prix et ne prévoit pas de méthode pour le calcul de cette dernière.

176    Le calcul de la sous-cotation du prix des importations en cause est réalisé, conformément à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice. L’obligation de procéder à un examen objectif de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping, inscrite audit article 3, paragraphe 2, impose de procéder à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de ladite industrie lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union. Afin de garantir le caractère équitable de cette comparaison, les prix doivent être comparés au même stade commercial. En effet, une comparaison effectuée entre des prix obtenus à des stades commerciaux différents, c’est-à-dire sans inclure l’ensemble des coûts afférents au stade commercial dont il y a lieu de tenir compte, donnera nécessairement lieu à des résultats artificiels ne permettant pas une appréciation correcte du préjudice de l’industrie de l’Union. Une telle comparaison équitable constitue une condition de la légalité du calcul du préjudice de cette industrie (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46, points 79 et 85).

177    Aux termes du considérant 84 du règlement attaqué, la marge de sous-cotation a, en l’espèce, été calculée de la manière suivante :

« La Commission a établi la sous-cotation des prix durant la période d’enquête sur la base des données présentées par les producteurs-exportateurs et l’industrie de l’Union en comparant :

a)      les prix de vente moyens pondérés facturés pour chaque type de produit des producteurs de l’Union à des clients indépendants sur le marché de l’Union, ajustés au niveau départ usine ; et

b)      les prix moyens pondérés correspondants facturés à l’importation pour chaque type de produit par les producteurs indiens ayant coopéré au premier acheteur indépendant, établis sur une base coût, assurance, fret (CAF) et dûment ajustés pour tenir compte des coûts postérieurs à l’importation. »

178    Par ailleurs, au considérant 93 du règlement attaqué, la Commission a conclu qu’il existait, pour le produit concerné produit par Jindal Saw et vendu dans l’Union, une sous-cotation de 30,9 % sur une base moyenne pondérée, c’est-à-dire que les prix auxquels ce produit était vendu dans l’Union par Jindal Saw étaient de 30,9 % inférieurs au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union.

179    Ainsi, le considérant 84 du règlement attaqué fait apparaître que la comparaison des prix a été faite à un même stade commercial, à savoir en prenant en considération les prix au niveau départ usine pour les ventes de l’industrie de l’Union et les prix CAF pour les ventes de Jindal Saw. Toutefois, à la suite de questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a exposé que, en réalité, avaient été pris en considération dans cette comparaison, d’une part, s’agissant de ladite industrie, soit les prix au niveau départ usine des entités de production, lorsque celles-ci vendaient directement à des acheteurs indépendants, soit les prix au niveau départ usine des entités de vente et, d’autre part, s’agissant de Jindal Saw, les prix CAF, correspondant au prix à l’exportation tel que construit dans le cadre de la détermination de la marge de dumping. Ainsi qu’il résulte de la réponse au premier moyen, ces prix CAF sont basés sur des prix à l’exportation construits tenant compte de divers ajustements notamment destinés à faire apparaître le prix à l’exportation du produit concerné avant toute implication des entités de vente de Jindal Saw.

180    La Commission soutient à cet égard que les ventes effectuées par les entités de vente de l’industrie de l’Union devaient être considérées comme des ventes « équivalent départ usine », de sorte qu’elles avaient correctement été prises en compte comme des ventes « départ usine » du produit similaire de ladite industrie pour le calcul de la sous-cotation. Dès lors, la comparaison des prix aurait bien été effectuée entre des prix correspondant à un même stade commercial.

181    Cette thèse ne saurait être approuvée.

182    Même si la Commission a exposé au considérant 84 du règlement attaqué et lors de l’audience avoir pris en considération, dans le cadre de la comparaison, les prix de l’industrie de l’Union au stade « départ usine », en réalité, elle a comparé les prix des ventes aux premiers acheteurs indépendants de ladite industrie aux prix CAF de Jindal Saw.

183    Or, dès lors que la Commission a utilisé les prix des ventes aux premiers acheteurs indépendants pour le produit similaire de l’industrie de l’Union, l’exigence de comparer les prix au même stade commercial lui imposait de les comparer également, s’agissant des produits de Jindal Saw, avec les prix des ventes aux premiers acheteurs indépendants.

184    En outre, il convient de constater que, d’une part, la commercialisation de produits effectuée non pas directement par le producteur, mais par l’intermédiaire d’entités de vente, implique l’existence de coûts et d’une marge de bénéfice propres à ces entités, de sorte que les prix pratiqués par celles-ci envers des acheteurs indépendants sont généralement supérieurs aux prix pratiqués par les producteurs dans leurs ventes directes à de tels acheteurs et ne peuvent donc pas être assimilés à ces derniers prix. D’autre part, il résulte des considérants 7 et 92 du règlement provisoire que, en l’occurrence, la plupart des ventes dans l’Union de l’industrie de l’Union ont été réalisées par les entités de vente des deux producteurs de l’Union ayant coopéré à l’enquête, lesquels représentent environ 96 % de la production totale de l’Union.

185    Partant, en procédant, pour la comparaison des prix opérée dans le cadre du calcul de la sous-cotation, à l’assimilation, visée au point 180 ci-dessus, entre les prix pratiqués par les entités de vente envers des acheteurs indépendants et les prix pratiqués par les producteurs dans leurs ventes directes à de tels acheteurs, uniquement en ce qui concerne le produit similaire de l’industrie de l’Union, la Commission a pris en considération pour ce produit un prix majoré et, par conséquent, défavorable à Jindal Saw, qui effectuait la majorité de ses ventes dans l’Union par l’intermédiaire d’entités de vente et dont la situation se distinguait à cet égard de celle de l’autre producteur-exportateur ayant coopéré à l’enquête.

186    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne ressort pas de l’arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T‑107/08, EU:T:2011:704), que, s’agissant du produit concerné, elle aurait été tenue de prendre en considération les prix au niveau de la mise en libre pratique, ce qui aurait correspondu, en l’espèce, au prix CAF pour les produits des producteurs-exportateurs indiens.

187    En effet, il résulte des points 62 et 63 de cet arrêt que, dans cette affaire, le Tribunal a considéré que les prix utilisés pour le calcul de la sous-cotation devaient être des prix négociés avec les acheteurs indépendants, à savoir des prix qui avaient pu être pris en compte par ceux-ci afin de décider s’ils achetaient les produits de l’industrie de l’Union ou les produits des producteurs-exportateurs en cause, et non les prix à un stade intermédiaire.

188    Il résulte des considérations qui précèdent que, dès lors que la Commission a pris en considération les prix des ventes réalisées par les entités de vente liées au principal producteur de l’Union pour déterminer le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union tout en ne prenant pas en considération les prix des ventes des entités de vente de Jindal Saw pour déterminer le prix du produit concerné produit par cette dernière, il ne saurait être considéré que le calcul de la sous-cotation a été effectué en comparant des prix au même stade commercial.

189    Or, ainsi qu’il résulte du point 176 ci-dessus, la comparaison de prix au même stade commercial constitue une condition de la légalité du calcul de la sous-cotation du prix du produit concerné. Partant, le calcul de la sous-cotation tel que réalisé par la Commission dans le cadre du règlement attaqué doit être considéré comme contraire à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base.

190    Par conséquent, la contestation, par les requérantes, du calcul de la sous-cotation du prix en ce qui concerne les produits de Jindal Saw est fondée.

191    Il résulte des considérations qui précèdent que l’erreur commise par la Commission dans le cadre du calcul de la sous-cotation du prix du produit concerné en ce qui concerne les produits de Jindal Saw a eu pour effet de prendre en considération une sous-cotation dudit prix dont l’importance, voire l’existence n’ont pas été régulièrement établies.

192    Or, au considérant 124 du règlement attaqué, la Commission a souligné l’importance qu’elle accordait à l’existence d’une sous-cotation. Aux considérants 125 et 126 de ce règlement, elle a considéré que la vente du produit concerné à des prix largement inférieurs à ceux appliqués par l’industrie de l’Union, eu égard à une sous-cotation de plus de 30 %, expliquait, d’une part, une augmentation des volumes de vente et des parts de marché dudit produit et, d’autre part, l’impossibilité pour ladite industrie d’augmenter ses volumes de vente sur le marché de l’Union à un niveau permettant d’assurer un bénéfice durable. Audit considérant 126, elle a constaté en outre que les importations à des prix largement inférieurs aux prix de cette industrie avaient fortement réduit les prix sur le marché de l’Union et, de ce fait, empêché les augmentations de prix qui se seraient produites en l’absence de ces importations et conclu à la simultanéité entre lesdites importations à des prix largement inférieurs aux prix de l’industrie de l’Union et le préjudice subi par cette industrie.

193    Il résulte des considérants du règlement attaqué mentionnés au point 192 ci-dessus que la sous-cotation telle que calculée dans ce règlement est à la base de la conclusion selon laquelle les importations du produit concerné sont à l’origine du préjudice de l’industrie de l’Union. Or, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, l’existence d’un lien causal entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice de l’industrie de l’Union est une condition nécessaire pour l’imposition de droits antidumping.

194    En outre, ainsi que le soutiennent les requérantes dans le cadre du troisième grief de la présente branche, il ne saurait être exclu que, si la sous-cotation du prix avait été calculée correctement, la marge de préjudice de l’industrie de l’Union aurait été établie à un niveau inférieur à celui de la marge de dumping. Or, dans cette hypothèse, conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, le montant du droit antidumping devrait être réduit à un taux qui suffirait à éliminer ledit préjudice.

195    Partant, étant donné que l’erreur constatée dans le calcul de la sous-cotation du prix est susceptible de remettre en question la légalité du règlement attaqué, en invalidant l’ensemble de l’analyse de la Commission relative au lien de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 119 et jurisprudence citée), il y a lieu d’annuler ce règlement en tant qu’il concerne Jindal Saw, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le troisième moyen.

 Sur les dépens

196    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérantes, conformément aux conclusions de celles-ci.

197    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 dudit article supportera ses propres dépens. Dans les circonstances du présent litige, il y a lieu de décider que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le règlement d’exécution (UE) 2016/388 de la Commission, du 17 mars 2016, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de tubes et de tuyaux en fonte ductile (également dénommée « fonte à graphite sphéroïdal ») originaires de l’Inde, est annulé en tant qu’il concerne Jindal Saw Ltd.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par Jindal Saw et Jindal Saw Italia SpA.

3)      Saint-Gobain Pam supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Valančius

Nihoul

Svenningsen

 

      Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2019.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité des observations du 18 octobre 2017

Sur le fond

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement de base et des droits de la défense

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base et, par voie de conséquence, de l’article 9, paragraphe 4, du même règlement

– Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base

– Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base et, par voie de conséquence, de l’article 9, paragraphe 4, du même règlement

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et, par voie de conséquence, de l’article 3, paragraphe 6, et de l’article 9, paragraphe 4, du même règlement

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.