Language of document : ECLI:EU:T:2020:447

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

23 septembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Wave – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑869/19,

Tetra GmbH, établie à Melle (Allemagne), représentée par Me E. Kessler, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl et Mme A. Söder, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Neusta next GmbH & Co. KG, établie à Brême (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 4 octobre 2019 (affaire R 2440/2018‑2), relative à une procédure de nullité entre Neusta next et Tetra,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, J. Passer et Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 novembre 2013, la requérante, Tetra GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Wave.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Lampes d’aquarium ». 

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 4/2014, du 9 janvier 2014, et la marque contestée a été enregistrée le 6 mai 2015 sous le numéro 12324042 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 16 mars 2017, Neusta next GmbH & Co. KG a présenté une demande en nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et d), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et d), du règlement 2017/1001].

6        Par décision du 16 octobre 2018, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

7        Le 13 décembre 2018, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001.

8        Par courrier du 15 juillet 2019, le rapporteur désigné par le président de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a communiqué à la requérante des documents relatifs à l’importance des longueurs d’ondes dans le cadre de l’éclairage des aquariums et à l’utilisation, dans le secteur des aquariums, d’expressions comprenant le mot « onde », telles qu’« effets ondulatoires » et « longueur d’onde » (ci-après les « documents du 15 juillet 2019 »).

9        Par décision du 4 octobre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours a rejeté le recours formé par la requérante, au motif que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Elle a notamment considéré que le public pertinent percevait le mot « wave » non pas comme une indication de l’origine des lampes d’aquarium, mais comme une référence aux longueurs d’ondes électromagnétiques correspondant aux couleurs émises par celles-ci. Elle a ainsi considéré qu’il n’y avait pas lieu d’examiner si la marque contestée avait été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous d), dudit règlement.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        invalider l’annulation de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Elle soutient à cet égard que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif au sens de cette disposition.

13      L’EUIPO fait valoir que le mot « wave » décrit, pour le public pertinent, une caractéristique des lampes d’aquarium, à savoir que ces lampes émettent une lumière correspondant à une longueur d’onde électromagnétique déterminée.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. L’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement énonce que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

15      Selon une jurisprudence constante, une marque a un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lorsque cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 23 et jurisprudence citée).

16      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits ou de ces services (voir arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 24 et jurisprudence citée).

17      Enfin, il ressort de la jurisprudence qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [arrêt du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 39 ; voir, également, arrêt du 14 mai 2019, Eurolamp/EUIPO (EUROLAMP pioneers in new technology), T‑466/18, non publié, EU:T:2019:326, point 19 et jurisprudence citée].

18      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours, selon laquelle le public concerné par la perception du caractère distinctif de la marque contestée est le public de l’Union, d’expression anglophone, composé de possesseurs ou de possesseurs potentiels d’aquariums ayant une bonne connaissance de l’éclairage de ces derniers.

19      En deuxième lieu, il est constant que le mot « wave » signifie vague ou onde. Il peut donc s’agir de toute modification de l’état physique d’un milieu qui se propage à la suite d’une perturbation, qu’il s’agisse d’une vague à la surface de l’eau ou d’une onde électromagnétique, ainsi que le relève, à juste titre, l’EUIPO.

20      En troisième lieu, il convient de constater que la chambre de recours a, d’abord, rappelé que la lumière était un rayonnement électromagnétique et qu’à chaque couleur correspondait une longueur d’onde électromagnétique spécifique. Elle a, ensuite, relevé qu’il était notoire que des effets ondulatoires pouvaient être obtenus par un éclairage « ingénieux » et que le choix de la couleur émise par une lampe d’aquarium était susceptible d’avoir une incidence importante sur le développement des plantes et des poissons. Enfin, elle a considéré que le mot « wave » pouvait être utilisé avec d’« autres indications plus spécifiques » pour signifier au public pertinent que les lampes d’aquarium en cause produisaient des effets optiques ondulatoires ou émettaient une lumière correspondant à une longueur d’onde déterminée. Elle a notamment relevé, en se fondant sur les documents du 15 juillet 2019, que le mot « wave » était largement utilisé dans le secteur des lampes d’aquarium, notamment aux fins de décrire ces dernières.

21      À cet égard, la requérante fait valoir que les documents du 15 juillet 2019 ne concernent que l’utilisation des mots « wave » et « welle » dans des expressions telles qu’« effets ondulatoires » et « longueur d’onde ». Or, selon elle, plusieurs étapes de réflexion sont nécessaires pour établir un lien entre le mot « wave » et ces expressions. Elle considère ainsi que ces documents ne permettent d’apprécier que le caractère distinctif de ces expressions et non celui de la marque contestée. Elle soutient ainsi également que la chambre de recours n’a pas procédé à un « examen concret » du caractère distinctif de cette marque.

22      Il convient de relever que les expressions « effets ondulatoires » et « longueur d’onde », utilisées dans les documents du 15 juillet 2019 et invoquées par la requérante, font respectivement référence à des effets optiques dans l’eau et à des longueurs d’ondes électromagnétiques. Ainsi que le relève, à juste titre, l’EUIPO, d’une part, la requérante ne conteste pas le caractère notoire du fait que les lampes d’aquarium peuvent produire des effets ondulatoires et que la longueur des ondes émises par ces lampes peut avoir de l’importance aux fins du développement des plantes et des poissons. D’autre part, elle ne conteste pas non plus le fait que les documents du 15 juillet 2019 démontrent une large utilisation des expressions « effets ondulatoires » et « longueur d’onde » dans le secteur de ces lampes aux fins de décrire ces dernières.

23      Dans ces conditions, il n’est pas exclu que l’expression « effets ondulatoires » soit susceptible de décrire la destination des lampes d’aquarium et que l’expression « longueur d’onde » soit susceptible de décrire une qualité de ces lampes, pour autant qu’elle fasse référence, pour le public pertinent, à la longueur des ondes électromagnétiques. Par conséquent, les expressions « effets ondulatoires » et « longueur d’onde » pourraient, le cas échéant, chacune être dépourvues de caractère distinctif à l’égard desdites lampes.

24      Toutefois, ainsi que le relève, à juste titre, la requérante, la circonstance, à la supposer établie, que les expressions « effets ondulatoires » et « longueur d’onde » soient susceptibles d’être dépourvues de caractère distinctif ne permet pas, à elle seule, de considérer que le mot « wave » est également dépourvu d’un tel caractère.

25      En effet, ainsi qu’il a été mentionné au point 19 ci-dessus, d’une part, le mot « wave » est susceptible de faire référence à différents types d’ondes, dont les vagues à la surface de l’eau et les ondes électromagnétiques ne constituent que des exemples. D’autre part, le mot « wave » ne désigne, en tant que tel, ni un effet optique ni la longueur d’une onde.

26      Par conséquent, ainsi que le fait valoir, à juste titre, la requérante, plusieurs étapes de réflexion sont nécessaires pour établir un lien entre le mot « wave » et les expressions « effets ondulatoires » et « longueur d’onde » utilisées dans les documents du 15 juillet 2019. S’agissant de l’expression « effets ondulatoires », le public pertinent doit établir un lien d’abord entre le mot « wave » et une vague, puis entre cette vague et un effet optique. S’agissant de l’expression « longueur d’onde », le public pertinent doit établir un lien, d’abord entre le mot « wave » et les ondes électromagnétiques, puis entre ces ondes et la longueur de celles-ci.

27      Dans ces conditions, si, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié par rapport aux produits en cause, conformément à la jurisprudence rappelée au point 16 ci-dessus, la seule circonstance que ces produits sont, en l’espèce, des lampes d’aquarium ne suffit pas, en l’espèce, à établir que le mot « wave » est perçu, par le public pertinent, comme une indication que ces lampes produisent des effets ondulatoires ou émettent une lumière correspondant à une longueur d’onde électromagnétique déterminée.

28      Par conséquent, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, il ne saurait être établi que le mot « wave » décrive, pour le public pertinent, une caractéristique des lampes d’aquarium.

29      Il s’ensuit que la marque contestée doit être regardée comme étant susceptible d’indiquer, au public pertinent, l’origine commerciale des produits en cause, de sorte que la chambre de recours a considéré, à tort, que cette marque était dépourvue du minimum de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus.

30      Il résulte de ce qui précède que le moyen unique de la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, doit être accueilli, de sorte qu’il convient d’annuler la décision attaquée, conformément au premier chef de conclusions de la requérante.

31      Par son second chef de conclusions, la requérante conclut également, en substance, à la réformation de cette décision en ce sens que la demande en nullité soit rejetée.

32      Toutefois, il convient de rappeler que l’exercice du pouvoir de réformation reconnu au Tribunal doit, en principe, être limité aux situations dans lesquelles celui-ci, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

33      Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que la demande en nullité était non seulement présentée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, mais également sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous d), de ce règlement et que la chambre de recours n’a pas statué sur cette demande en nullité pour autant qu’elle était présentée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous d), dudit règlement.

34      Par conséquent, il convient de considérer que les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal ne sont pas réunies, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le second chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

35      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 4 octobre 2019 (affaire R 2440/20182) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO est condamné aux dépens.

Kornezov

Passer

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.