Language of document : ECLI:EU:T:2023:643

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

18 octobre 2023 (*)

 « Aides d’État – Marché belge du transport aérien – Aide accordée par la Belgique à Brussels Airlines dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Recapitalisation – Prêt – Décision de ne pas soulever d’objections – Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État – Mesure destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre – Absence de mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée – Égalité de traitement – Liberté d’établissement – Libre prestation des services – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑14/21,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande), représentée par Mes E. Vahida, F.-C. Laprévote, V. Blanc, S. Rating, I.-G. Metaxas-Maranghidis et D. Pérez de Lamo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, A. Bouchagiar et Mme F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Belgique, représenté par Mmes L. Van den Broeck et C. Pochet, en qualité d’agents, assistées de Mes A. Vallery, F. Louis et É. Bruc, avocats,

par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. P.‑L. Krüger et J. Möller, en qualité d’agents,

et par

Brussels Airlines SA/NV, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes V. Mussche et D. Wouters, avocats,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Kornezov, E. Buttigieg et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

–        à la suite de l’audience du 21 octobre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ryanair DAC, demande l’annulation de la décision C(2020) 5840 final de la Commission, du 21 août 2020, relative à l’aide d’État SA.57544 (2020/N) – Belgique COVID-19 : Aide à Brussels Airlines (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le 20 août 2020, le Royaume de Belgique a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide (ci-après la « mesure en cause »). La mesure en cause était une aide individuelle octroyée par le Royaume de Belgique, par l’intermédiaire de la Société fédérale de participations et d’investissement (SFPI-FPIM), sous la forme d’un prêt à taux d’intérêt bonifié de 287,1 millions d’euros en faveur de SN Airholding SA/NV (ci-après le « prêt subventionné ») et d’une recapitalisation de 2,9 millions d’euros en faveur de Brussels Airlines SA/NV (ci-après la « mesure de recapitalisation »).

3        Le bénéficiaire de la mesure en cause est l’unité économique unique composée de SN Airholding et de sa seule filiale Brussels Airlines (ci-après, dénommées ensemble, le « bénéficiaire » ou le « groupe SN »). Le groupe SN est contrôlé par Deutsche Lufthansa AG (ci-après « DLH »). SN Airholding est une société holding qui n’exerce aucune activité sur le marché.

4        La mesure en cause est fondée sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et la communication de la Commission du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aides d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1) et modifiée le 3 avril 2020 (JO 2020, C 112 I, p. 1), le 8 mai 2020 (JO 2020, C 164, p. 3) et le 29 juin 2020 (JO 2020, C 218, p. 3) (ci-après l’« encadrement temporaire »).

5        Un accord de stabilisation a été conclu entre le bénéficiaire et la SFPI – FPIM en vue de fixer les modalités de l’intervention financière de l’État belge.

II.    Conclusions des parties

6        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

7        La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne et Brussels Airlines, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

8        À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens, tirés, le premier, d’un détournement de pouvoir et d’une application erronée de l’encadrement temporaire, le deuxième, de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, le troisième, de la violation des principes de non-discrimination, de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement, le quatrième, de la violation de ses droits procéduraux et, le cinquième, d’un défaut de motivation.

A.      Sur la recevabilité

9        Premièrement, la requérante fait valoir qu’elle est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), et que, dès lors, elle a qualité pour agir afin de défendre ses droits procéduraux. Deuxièmement, elle soutient que sa position concurrentielle sur le marché a été substantiellement affectée par la mesure en cause et qu’elle est recevable à contester également le bien-fondé de la décision attaquée.

10      La Commission ne conteste pas la recevabilité du recours. Le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne et Brussels Airlines n’ont pas pris position sur ce point.

11      Il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, comme en l’espèce, non seulement elle déclare les mesures en cause compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 42 et jurisprudence citée). Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

12      En l’espèce, la Commission a décidé, à l’issue d’un examen préliminaire, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la mesure en cause, au motif qu’elle était compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Dans la mesure où la procédure formelle d’examen n’a pas été ouverte, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette phase, ont été dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union européenne, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, un recours introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE qui viserait à l’annulation de la décision de ne pas soulever d’objections serait recevable dès lors que l’auteur de ce recours tendrait à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 56 et jurisprudence citée).

13      Au regard de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, une entreprise concurrente de la bénéficiaire d’une mesure d’aide figure parmi les « parties intéressées », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 59).

14      En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante était une concurrente de Brussels Airlines et que, dès lors, elle est une partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, ayant qualité pour agir afin de sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

15      Quant à la qualité de la requérante pour contester le bien-fondé de la décision attaquée, il importe de rappeler que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑244/16 P, EU:C:2018:177, point 39).

16      La décision attaquée, qui a été adressée au Royaume de Belgique, ne constituant pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 56), il appartient au Tribunal de vérifier si la requérante est directement et individuellement concernée par cette décision, au sens de cette disposition.

17      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 22, et du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 53).

18      Ainsi, lorsqu’une partie requérante met en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation d’une aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme « intéressée », au sens du paragraphe 2 de cet article, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a un statut particulier au sens de la jurisprudence rappelée au point 17 ci-dessus. Il en est notamment ainsi lorsque la position de la partie requérante sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 37 et jurisprudence citée).

19      À cet égard, la Cour a jugé que la démonstration, par la partie requérante, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’impliquait pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre elle et les entreprises bénéficiaires, mais nécessitait seulement de la part de la partie requérante qu’elle indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission était susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 57 et jurisprudence citée).

20      Il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’atteinte substantielle à la position concurrentielle de la partie requérante sur le marché en cause résulte non pas d’une analyse approfondie des différents rapports de concurrence sur ce marché, permettant d’établir avec précision l’étendue de l’atteinte à sa position concurrentielle, mais, en principe, d’un constat prima facie que l’octroi de la mesure visée par la décision de la Commission conduit à porter substantiellement atteinte à cette position (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 58 et jurisprudence citée).

21      Il en découle que cette condition peut être satisfaite si la partie requérante apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 59 et jurisprudence citée).

22      S’agissant des éléments admis par la jurisprudence pour établir une telle atteinte substantielle, il convient de rappeler que la seule circonstance qu’un acte soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 60 et jurisprudence citée).

23      La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 61).

24      En outre, la jurisprudence n’exige pas que la partie requérante apporte des éléments quant à la taille ou à l’étendue géographique des marchés en cause ou encore quant à ses parts de marché ou à celles du bénéficiaire de la mesure en cause ou d’éventuels concurrents sur ceux-ci (arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 65).

25      C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si la requérante a apporté des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause était susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné.

26      À cet égard, la requérante fait valoir qu’elle est la concurrente la plus proche et la plus directe du groupe SN. Ainsi, elle aurait été en concurrence directe avec Brussels Airlines sur 46 lignes entre des paires de ville « point d’origine/point de destination » (ci-après les « lignes O&D »), lignes qui seraient, de surcroît, partagées par peu d’autres concurrents. Ces lignes revêtiraient une importance économique considérable, car elles relieraient la Belgique aux plus grandes villes d’Europe. La requérante aurait transporté sur ces lignes 2 476 739 passagers en 2019.En outre, la requérante aurait une position importante sur le marché belge du transport aérien, laquelle serait démontrée, en outre, par la croissance du volume du trafic qu’elle aurait réalisé sur ce marché entre les années 2010 et 2019 et par l’expansion qu’elle envisageait de réaliser sur ce marché dans l’avenir, dont témoignerait la commande de 210 avions Boeing 737 Max. À cet égard, la requérante s’appuie sur les tableaux joints à la requête en tant qu’annexe A.3.2 selon lesquels, en 2019, elle avait une part de 27 % sur le marché belge, le groupe SN avait une part de 31 % sur ledit marché et une autre compagnie aérienne, en tant que troisième opérateur, avait une part de 7 %.

27      Dans le cadre de la seconde branche de son premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a considéré à tort, en appliquant une approche « aéroport par aéroport », que les vols au départ ou à destination de l’aéroport de Bruxelles (Belgique), opérés par Brussels Airlines, n’étaient pas substituables aux vols au départ ou à destination de l’aéroport de Charleroi (Belgique), au nombre desquels comptait la quasi-totalité des vols opérés par la requérante. La Commission aurait ainsi conclu à tort, au paragraphe 83 de la décision attaquée, que 46 % des lignes O&D au départ ou à destination de l’aéroport de Bruxelles étaient exploitées par Brussels Airlines seule. En réalité, selon la requérante, si l’aéroport de Bruxelles était considéré comme substituable à l’aéroport de Charleroi, Brussels Airlines n’aurait alors opéré seule que sur 19 % des lignes en cause.

28      Toutefois, il y a lieu de rappeler qu’il n’est pas nécessaire, au stade de l’examen de la recevabilité du recours, de se prononcer de façon définitive sur la définition du marché des services en cause et donc du caractère substituable de ceux-ci ou encore sur les rapports de concurrence entre la partie requérante et le bénéficiaire. Il suffit, en principe, que la partie requérante démontre que, prima facie, l’octroi de la mesure en cause conduit à porter substantiellement atteinte à sa position concurrentielle (voir jurisprudence citée aux points 19 et 20 ci-dessus).

29      Dès lors, au stade de l’examen de la recevabilité du recours, lorsque la définition du marché en cause est contestée au fond par la partie requérante, comme c’est le cas en l’espèce, il suffit d’examiner si la définition du marché en cause avancée par la requérante est plausible, et cela sans préjudice de l’examen au fond de cette question.

30      En l’espèce, il convient de constater que la substituabilité des aéroports de Bruxelles et de Charleroi, argumentée par la requérante, est prima facie plausible. La requérante et Brussels Airlines se livraient donc potentiellement concurrence sur un nombre important de lignes O&D, ainsi que le démontrent les données produites par la requérante, résumées au point 26 ci-dessus et dont l’exactitude n’est pas contestée par les parties. Les parties ne contestent pas non plus le fait que la requérante était la deuxième plus grande compagnie aérienne, derrière Brussels Airlines, sur le marché belge, qu’elle a connu une croissance importante du volume du trafic sur ce marché de 2010 à 2019 et qu’elle envisageait une expansion accrue sur ce marché dans l’avenir.

31      De surcroît, il ressort du paragraphe 14 de la décision attaquée que, en l’absence de la mesure en cause, le groupe SN aurait rencontré de graves difficultés financières et une pénurie aiguë de liquidité, voire risquait de devenir insolvable.

32      Les éléments relevés aux points 26 à 31 ci-dessus permettent de constater que la requérante a démontré à suffisance de droit que l’octroi de la mesure en cause était prima facie susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position concurrentielle sur le marché, en provoquant notamment un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle mesure (voir jurisprudence citée au point 23 ci-dessus).

33      La mesure en cause étant susceptible d’affecter de façon substantielle sa position concurrentielle sur le marché, la requérante est individuellement concernée par la mesure en cause.

34      Quant à la question de savoir si la requérante est directement concernée par la décision attaquée, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un concurrent du bénéficiaire d’une aide est directement concerné par une décision de la Commission autorisant un État membre à verser celle-ci lorsque la volonté dudit État d’y procéder ne fait nul doute (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 1995, ASPEC e.a./Commission, T‑435/93, EU:T:1995:79, points 60 et 61), comme c’est le cas en l’espèce.

35      Partant, la requérante est recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

B.      Sur le fond

1.      Sur le premier moyen, tiré d’un détournement de pouvoir et d’une application erronée de l’encadrement temporaire

36      Par son premier moyen, qui s’articule en deux branches, la requérante soutient, en substance, que la Commission a commis un détournement de pouvoir et qu’elle a violé plusieurs dispositions de l’encadrement temporaire en ce qui concerne, premièrement, le prêt subventionné et, deuxièmement, la mesure de recapitalisation.

a)      Sur la première branche du premier moyen, tirée d’un détournement de pouvoir et d’une violation de l’encadrement temporaire concernant le prêt subventionné

37      Selon la requérante, le prêt subventionné était en réalité une mesure de recapitalisation, régie par les conditions et par les garanties prévues au point 3.11 de l’encadrement temporaire. Elle souligne, notamment, que, au moment de l’adoption de la décision C(2020) 4372 final de la Commission, du 25 juin 2020, relative à l’aide d’État SA (57153) – Allemagne – COVID 19 – Aide en faveur de Lufthansa (ci-après la « décision DLH »), il était prévu que le Royaume de Belgique accorde au groupe SN une aide de trésorerie de 250 millions d’euros et un prêt de 40 millions d’euros. Ultérieurement, la quasi-totalité du montant de la mesure de recapitalisation aurait été transformée en un prêt, afin de contourner les conditions prévues au point 3.11.6 de l’encadrement temporaire, applicables aux mesures de recapitalisation. En outre, il y aurait d’autres indices selon lesquels une conversion du prêt subventionné en capital aurait été prévue dès l’octroi de la mesure en cause.

38      C’est ainsi que la Commission aurait commis un détournement de pouvoir et aurait appliqué de manière erronée l’encadrement temporaire.

39      La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste les arguments de la requérante.

1)      Sur la violation de l’encadrement temporaire concernant le prêt subventionné

40      Le point 3.3 de l’encadrement temporaire, intitulé « Aides sous forme de taux d’intérêt bonifiés pour les prêts », prévoit les conditions qui régissent ce type de mesures d’aide.

41      Le point 3.11.3 de l’encadrement temporaire, intitulé « Types de mesures de recapitalisation » contient le paragraphe 52, qui énumère les mesures de recapitalisation que les États membres peuvent prendre dans le contexte de la pandémie de COVID-19, à savoir les instruments de fonds propres, en particulier l’émission de nouvelles parts ordinaires ou privilégiées, et les instruments assortis d’une composante fonds propres (dénommés « instruments hybrides »), en particulier les clauses de participation aux bénéfices, les participations tacites et les obligations convertibles garanties ou non garanties.

42      La Commission a précisé notamment au paragraphe 23 de la décision attaquée que le prêt subventionné relevait du champ d’application du point 3.3 de l’encadrement temporaire. Au paragraphe 41 de la décision attaquée, la Commission a constaté que le montant maximal du prêt subventionné était de 287,1 millions d’euros et qu’il devait être remboursé, majoré d’intérêts, au plus tard le 31 juillet 2026. La Commission a relevé au paragraphe 45 de la décision attaquée que le montant du prêt subventionné était prioritaire par rapport aux actions ordinaires et à tous les autres prêts.

43      Il convient de noter que la requérante ne conteste pas ces faits et n’allègue pas que les conditions posées au point 3.3 de l’encadrement temporaire ont été méconnues en l’espèce. Toutefois, elle soutient que ce prêt était, en réalité, une mesure de recapitalisation, laquelle devait, par conséquent, être examinée à la lumière non du point 3.3 de cet encadrement, mais du point 3.11 de celui-ci.

44      Il y a toutefois lieu de relever, ainsi que l’ont soutenu à juste titre la Commission, le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, que le prêt subventionné n’avait ni les caractéristiques, ni la forme d’une mesure de recapitalisation au sens du paragraphe 52 de l’encadrement temporaire, dont la teneur est reprise au point 41 ci-dessus, étant donné que le prêt subventionné était une créance qui devait être remboursée dans son intégralité à l’échéance en 2026 et que ledit prêt n’était pas convertible en fonds propres au moment de l’adoption de la décision attaquée.

45      Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission a examiné le prêt subventionné à la lumière des exigences prévues au point 3.3 de l’encadrement temporaire et non de celles figurant au point 3.11 dudit encadrement.

46      Les autres arguments de la requérante ne remettent pas en cause cette conclusion.

47      Premièrement, pour ce qui concerne l’argument tiré de ce que, au moment de l’adoption de la décision DLH, l’aide d’État envisagée par le Royaume de Belgique en faveur du groupe SN avait une composition différente de celle notifiée à la Commission dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée, il convient de rappeler que, certes, la décision DLH précisait, au paragraphe 6, sous iv), qu’il était prévu, dans le cadre du paquet d’aides accordées aux compagnies aériennes contrôlées par DLH, d’octroyer « un soutien de 250 millions d’euros en liquidités en faveur de Brussels Airlines sous forme de certificats de participation aux bénéfices considérés comme un capital propre selon les normes comptables belges (mais non selon les normes internationales) et un prêt à courte durée de 40 millions d’euros de la Belgique à Brussels Airlines conformément au point 3.3 de l’encadrement temporaire ».

48      Toutefois, ainsi que l’ont relevé à bon droit la Commission, le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, il incombe au Tribunal d’examiner la légalité de la décision attaquée, qui se fonde sur la mesure en cause telle qu’elle a été notifiée. C’est donc à juste titre que la Commission n’a pas tenu compte d’un projet de mesure d’aide d’État qui n’a jamais été notifié ni réalisé en tant que tel. Il convient de constater que l’État qui notifie une mesure d’aide est libre d’arrêter la forme de celle-ci et la Commission entame son examen prévu à l’article 108 TFUE sur le fondement de la mesure notifiée.

49      Deuxièmement, la requérante relève à juste titre que, selon le paragraphe 51 de la décision attaquée, les parties à l’accord de stabilisation conclu dans le cadre de l’octroi de la mesure en cause se sont engagées à entamer de bonne foi des discussions quant à une éventuelle conversion du prêt subventionné en capital. Toutefois, force est de constater que les modalités ainsi que la mise en œuvre éventuelle d’une telle conversion n’avaient pas été convenues au moment de l’adoption de la décision attaquée. Il s’agissait donc d’une perspective hypothétique et incertaine. En effet, ainsi que l’a constaté la Commission audit paragraphe, au moment de l’adoption de celle-ci, le prêt subventionné n’était pas convertible en fonds propres.

50      En outre, il ressort clairement du paragraphe 51 de la décision attaquée que l’option de conversion ne faisait pas partie de la mesure notifiée et que, si cette conversion devait être réalisée, il appartiendrait au Royaume de Belgique de la notifier en tant que nouvelle mesure d’aide à la Commission.

51      Troisièmement, le fait que DLH a donné en garantie du prêt subventionné ses parts dans SN Airholding, au lieu d’autres formes de garanties telles que le nantissement des avions, ne signifie aucunement que le prêt subventionné était en réalité un instrument de recapitalisation au sens de l’encadrement temporaire. En effet, aucune disposition de celui-ci ne régit le choix du type de garantie dont un prêt à taux d’intérêt bonifié peut être assorti. Par ailleurs, Brussels Airlines indique, sans que la requérante le conteste, qu’elle n’est pas propriétaire des avions qu’elle utilise et que ceux-ci ne peuvent donc pas être grevés en tant que garantie du prêt subventionné. En tout état de cause, la forme de la garantie n’est pas déterminante pour la qualification du prêt subventionné de prêt à taux d’intérêt bonifié au sens de l’encadrement temporaire.

52      L’argument de la requérante selon lequel cette forme de garantie ne serait pas appropriée étant donné que son exécution n’interviendrait qu’à la fin d’une échéance de six mois après l’écoulement de la date butoir du remboursement ne convainc pas davantage. En effet, selon la Commission, pendant cette période de six mois, DLH a encore la possibilité de s’acquitter du prêt en lieu et place du groupe SN afin d’éviter l’exécution de la garantie, ce qui réduit les chances de cette exécution et de l’entrée subséquente de l’État belge dans le capital de SN Airholding.

53      En outre, la requérante n’étaye pas l’allégation selon laquelle le prêt subventionné ne sera jamais remboursé et, dès lors, la conversion du prêt en capital à la fin de son échéance est déjà certaine.

54      Quatrièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné de manière conjointe toutes les caractéristiques de la mesure en cause composée du prêt subventionné et de la mesure de recapitalisation.

55      Il convient de relever à cet égard que l’encadrement temporaire comporte des critères distincts pour ce qui concerne, d’une part, l’examen des prêts à un taux d’intérêt bonifié, tels que le prêt subventionné, figurant au point 3.3 de cet encadrement et, d’autre part, l’examen des mesures de recapitalisation figurant au point 3.11 dudit encadrement. Par conséquent, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur de droit, appliquer les dispositions pertinentes de l’encadrement temporaire à chacune des composantes de la mesure en cause.

56      Cela étant, dans la décision attaquée, la Commission a également tenu compte à juste titre de l’impact combiné des deux composantes de la mesure en cause, notamment en vue de l’application du paragraphe 49 de l’encadrement temporaire.

57      En effet, pour déterminer si un bénéficiaire remplit les conditions d’éligibilité pour bénéficier d’une mesure de recapitalisation, prévues au paragraphe 49 de l’encadrement temporaire, il convient de tenir compte de sa situation financière globale. Ainsi, il ressort du libellé du paragraphe 49, sous a), dudit encadrement, notamment, que, « en l’absence d’intervention de l’État, le bénéficiaire cesserait ses activités ou éprouverait de graves difficultés à les poursuivre ». Or, d’une part, pour déterminer si un bénéficiaire cesserait ses activités ou éprouverait de graves difficultés à les poursuivre, il convient de tenir compte de sa situation financière globale et réelle, y compris la nécessité de recourir à une autre forme d’aide, tel qu’un prêt subventionné. D’autre part, la référence à une « intervention de l’État » vise à couvrir toute forme d’intervention étatique.

58      De même, le critère de l’« incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables » aux termes du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire implique une analyse de la situation globale d’un bénéficiaire et donc, le cas échéant, de l’impact combiné d’autres composantes de la mesure d’aide concernée.

59      En revanche, s’agissant des paragraphes de l’encadrement temporaire qui visent des aspects spécifiques et concrets d’une mesure de recapitalisation, tels que son montant ou sa rémunération, le respect de ceux-ci ne peut être examiné que par rapport à la mesure de recapitalisation prise en tant que telle. La requérante ne saurait donc valablement reprocher à la Commission d’avoir vérifié le respect de ces autres règles en tenant compte uniquement de la mesure de recapitalisation. Tel est le cas, notamment, du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire dont le champ d’application est explicitement limité aux mesures de recapitalisation d’un montant supérieur à 250 millions d’euros.

60      L’argument de la requérante ne saurait donc prospérer.

61      Cinquièmement, selon la requérante, le prêt subventionné ne répondait pas à l’objectif recherché par la mesure en cause, conformément au paragraphe 16 de la décision attaquée, de restaurer la viabilité du groupe SN et ne serait motivé que par des raisons pratiques, telles que les contraintes de temps.

62      Il convient de relever, à cet égard, que, selon le paragraphe 26 de l’encadrement temporaire figurant au point 3.3, intitulé « Aides sous forme de taux d’intérêt bonifiés pour les prêts », ce type d’aides vise à « garantir l’accès aux liquidités pour les entreprises devant faire face à une pénurie soudaine ». Ainsi que la Commission l’a relevé au paragraphe 14 de la décision attaquée, la requérante était justement dans une telle situation au moment de la notification de la mesure en cause. Il ne saurait donc être déduit que l’instrument d’un prêt à taux d’intérêt bonifié n’était pas adéquat pour remédier aux difficultés financières de la requérante.

63      Il en est de même pour ce qui concerne la circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle l’instrument du prêt subventionné a été retenu pour des raisons pratiques, telles que les contraintes temporelles. Le Royaume de Belgique a expliqué, à cet égard, qu’une autre composition de la mesure en cause, à savoir une recapitalisation plus importante, aurait été envisageable, mais que sa mise en œuvre aurait nécessité une modification substantielle de la structure de l’actionnariat de Brussels Airlines ainsi qu’une estimation selon les normes comptables de la valeur de cette société, ce qui aurait pris plus longtemps pour mettre en œuvre. Or, eu égard à l’urgence causée par la pandémie de COVID-19, le Royaume de Belgique a opté pour l’octroi d’un prêt subventionné. Ainsi, même si le choix d’octroyer la majeure partie de la mesure en cause sous la forme d’un prêt subventionné s’expliquait, en partie, par des motifs relatifs aux contraintes de temps, cela ne remet pas en cause sa qualification de prêt.

64      En tout état de cause, l’argumentation de la requérante ne suffit pas pour conclure que le prêt subventionné peut être considéré comme une mesure de recapitalisation au sens du paragraphe 52 de l’encadrement temporaire, dès lors qu’il ne correspond à aucun des deux types de mesures de recapitalisation qui y sont définis.

65      Sixièmement, le fait que le groupe SN soit obligé de rembourser l’intégralité du montant prêté ainsi que les intérêts à la fin de l’échéance n’est pas un indice suffisamment probant pour démontrer l’intention de convertir le prêt subventionné en capital. En effet, les contractants au prêt restent libres de déterminer la façon et le moment du remboursement puisque l’encadrement temporaire ne comprend pas de critères à cet égard. En outre, le paragraphe 46 de la décision attaquée prévoit une possibilité de remboursement anticipé du prêt, moyennant un paiement supplémentaire. Le délai de remboursement n’est donc pas pertinent pour la qualification de cette composante de la mesure en cause de prêt au sens de l’encadrement temporaire.

66      Enfin, le grief tiré d’une violation du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire ne saurait prospérer non plus. En effet, ce paragraphe relève du point 3.11.6 consacré aux mesures de recapitalisation. Force est de constater que le prêt subventionné relève du point 3.3 dudit encadrement et non du point 3.11. À cet égard, il convient de renvoyer au point 59 ci-dessus, duquel il ressort que, pour l’application du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, il convient d’examiner la seule mesure de recapitalisation.

67      Partant, la requérante n’établit pas que la Commission a violé les points 3.3 et 3.11 de l’encadrement temporaire du fait qu’elle n’a pas qualifié le prêt subventionné de mesure de recapitalisation au sens dudit encadrement.

2)      Sur le grief tiré d’un détournement de pouvoir prétendument commis par la Commission

68      S’agissant du grief selon lequel la Commission a détourné son pouvoir, dans la mesure où elle n’a pas considéré, dans la décision attaquée, que le prêt subventionné constituait, en réalité, une mesure de recapitalisation soumise, notamment, aux conditions prévues au point 3.11.6 de l’encadrement temporaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt du 15 mai 2008, Espagne/Conseil, C‑442/04, EU:C:2008:276, point 49 et jurisprudence citée).

69      Or,  force est de constater, en l’espèce, et eu égard à l’analyse effectuée aux points 40 à 67 ci-dessus, que la requérante n’a pas démontré, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que, en adoptant la décision attaquée, la Commission cherchait à atteindre des buts autres que celui de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une mesure d’aide qui avait pour objectif de rétablir la viabilité de Brussels Airlines et de remédier à une perturbation grave de l’économie belge. L’argumentation de la requérante relative au détournement de pouvoir ne saurait donc être retenue.

70      Il convient donc de rejeter la première branche du premier moyen.

b)      Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’un détournement de pouvoir et d’une application erronée de l’encadrement temporaire concernant la mesure de recapitalisation

71      La requérante soutient que la Commission a commis un détournement de pouvoir et des erreurs dans l’application de l’encadrement temporaire en ce qui concerne la mesure de recapitalisation. La seconde branche est divisée en six griefs. Premièrement, la Commission n’aurait pas démontré que le groupe SN était éligible à la mesure en cause au sens du paragraphe 49, sous a) à c), de l’encadrement temporaire. Deuxièmement, la Commission aurait omis d’évaluer s’il existait d’autres mesures plus appropriées et moins intrusives au sens du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire. Troisièmement, la Commission n’aurait pas démontré à suffisance de droit que le montant de la mesure de recapitalisation était proportionné et aurait ainsi violé le paragraphe 54 de l’encadrement temporaire. Quatrièmement, la mesure de recapitalisation ne serait pas assortie d’une protection contre une expansion commerciale agressive au sens du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire. Cinquièmement, la Commission n’aurait pas effectué une évaluation de la puissance du groupe SN sur le marché en violation du paragraphe 72 dudit encadrement. Sixièmement, la Commission aurait commis un détournement de pouvoir.

72      La Commission, le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne et Brussels Airlines contestent ces arguments.

1)      Sur le grief tiré d’une violation du paragraphe 49 de l’encadrement temporaire

73      S’agissant du premier grief, la requérante soulève trois arguments concernant l’éligibilité du groupe SN à la mesure de recapitalisation, tirés d’une méconnaissance des conditions prévues au paragraphe 49, sous a) à c), de l’encadrement temporaire.

74      Le paragraphe 49 de l’encadrement temporaire figurant au point 3.11.2, intitulé « Admissibilité et conditions d’entrée », énumère les conditions qu’une mesure de recapitalisation accordée dans le contexte de la pandémie de COVID-19 doit remplir afin que le bénéficiaire éventuel soit considéré comme éligible au bénéfice de celle-ci.

75      En premier lieu, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas démontré que, en l’absence de la mesure de recapitalisation, le groupe SN aurait nécessairement fait faillite ou aurait éprouvé de graves difficultés à poursuivre ses activités au sens du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire. Elle souligne que le montant de la mesure de recapitalisation est minime comparé au montant total de la mesure en cause et aux mesures d’aides octroyées au groupe Lufthansa dans son ensemble. Les paragraphes 18 et 101 de la décision attaquée se borneraient à exposer les besoins généraux de financement du groupe SN au moment de l’octroi de la mesure en cause et ne motiveraient pas la nécessité de la mesure de recapitalisation prise isolément.

76      La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste cette argumentation.

77      Le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire prévoit qu’une mesure de recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID-19 doit remplir diverses conditions et notamment que, en l’absence d’intervention de l’État, le bénéficiaire cesserait ses activités ou éprouverait de graves difficultés à les poursuivre. Conformément au même paragraphe de l’encadrement temporaire, ces difficultés peuvent être démontrées par la détérioration, en particulier, du ratio dette/fonds propres du bénéficiaire ou d’indicateurs similaires.

78      Aux paragraphes 17 et 99 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la détérioration des fonds propres du groupe SN affectait gravement sa liquidité et le menaçait d’insolvabilité à court terme. Cette constatation était basée sur des documents internes, fournis par le gouvernement belge, dont il ressortait une détérioration significative du ratio dette/fonds propres du groupe SN durant les six mois précédant l’adoption de la décision attaquée, par rapport à sa situation à la fin de l’année 2019. En effet, à la suite de l’adoption des restrictions de déplacements de passagers, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, Brussels Airlines s’est vue contrainte d’annuler, en moyenne, 80 à 90 % de ses vols entre le mois de mars et le mois de juin 2020. Le pourcentage d’occupation des rares vols qui n’avaient pas été annulés était tombé de 80-90 % à 50-60 %.

79      En outre, la Commission a exposé, aux paragraphes 13 et 14 de la décision attaquée, que la période à partir de la mi-juin 2020 avait été marquée par une levée de certaines restrictions de déplacement et que la requérante avait commencé à reprendre ses activités. Toutefois, étant donné la situation incertaine et en raison d’une forte baisse de la demande, les vols opérés au mois de juin 2020 représentaient moins de 10 % par rapport aux vols effectués antérieurement à la crise de COVID-19 au même mois et les vols effectués au mois de juillet 2020 correspondaient à un pourcentage compris entre 10 % et 20 % des vols normalement opérés pendant cette période. La reprise des vols long-courriers était prévue au mois d’août 2020, mais n’aurait pas été réalisée. En outre, pendant cette période, la majorité des passagers réservaient leur vol à la dernière minute et échangeaient leurs bons de voyage pour payer leurs billets. Les revenus de la requérante auraient dès lors été limités au moment de l’adoption de la décision attaquée et sa situation financière n’aurait cessé de se dégrader.

80      La Commission en a conclu que la mesure en cause permettait de prévenir l’insolvabilité du groupe SN et que, dès lors, en l’absence d’une augmentation du capital, il aurait cessé ses activités.

81      Or, la requérante ne conteste pas les données factuelles exposées aux points 78 et 79 ci-dessus.

82      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas méconnu le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire.

83      Les arguments de la requérante ne remettent pas en cause cette conclusion.

84      Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel le montant de la mesure de recapitalisation de 2,9 millions d’euros était trop bas pour empêcher la faillite ne saurait être retenu. En effet, ainsi qu’il ressort des points 56 à 58 ci-dessus, il incombait à la Commission d’examiner l’impact combiné des deux composantes de la mesure en cause, à savoir le prêt subventionné et la mesure de recapitalisation. Dès lors, il n’est pas nécessaire que la mesure de recapitalisation seule remédie aux difficultés financières du groupe SN. L’objet des deux composantes de la mesure en cause était de fournir au groupe SN suffisamment de liquidités pour pouvoir poursuivre ses services de transport aérien pendant la période où la pandémie de COVID-19 perturbait gravement l’ensemble de l’économie belge et d’éviter qu’une éventuelle faillite du groupe SN ne perturbe davantage cette économie. Le montant relativement faible de la mesure de recapitalisation ne remet donc pas en cause cette conclusion.

85      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’a pas démontré qu’une autre mesure visant à cibler les manques de liquidité du bénéficiaire ne pouvait être envisagée, notamment la possibilité d’obtenir un financement sur le marché, cet argument se recoupe avec la question soulevée dans le cadre de l’argument tiré de la violation du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, lequel sera examiné ci-après.

86      En deuxième lieu, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir méconnu le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire, en ce qu’elle n’a pas démontré le caractère systémique du groupe SN pour l’économie belge.

87      La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne et Brussels Airlines, conteste cette argumentation.

88      Le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire prévoit que la mesure de recapitalisation doit être dans l’intérêt commun. L’existence d’un tel intérêt commun peut être démontrée si la mesure en cause vise à éviter des difficultés sociales et une défaillance de marché découlant de pertes d’emplois significatives, la sortie du marché d’une entreprise innovante ou d’une entreprise qui revêt une importance systémique, le risque de perturbation d’un service important ou des situations similaires dûment étayées par l’État membre concerné.

89      Au paragraphe 100 de la décision attaquée, la Commission expose que le groupe SN revêtait une importance systémique pour l’économie belge à plusieurs égards, notamment, pour l’emploi, la connectivité et le commerce international et que, dès lors, il était dans l’intérêt commun d’intervenir. En particulier, premièrement, il ressort du paragraphe 83 de la décision attaquée que le groupe SN est un employeur important avec 4 200 salariés, un nombre qui atteint les 10 000 personnes s’il est également tenu compte des employés indirects travaillant pour les fournisseurs et les sous-fournisseurs du groupe SN ou pour des prestataires de services liés à l’activité du groupe SN. Deuxièmement, concernant les vols opérés par Brussels Airlines et son importance pour la connectivité et l’économie de la Belgique, elle assurait 40 % du trafic au départ de l’aéroport de Bruxelles et à destination de cet aéroport et 46 % des liaisons exploitées par Brussels Airlines n’auraient été exploitées par aucun autre transporteur aérien. En outre, Brussels Airlines aurait transporté 10 millions de passagers au départ ou à destination de la Belgique en 2019. Enfin, si Brussels Airlines avait disparu, l’aéroport de Bruxelles aurait perdu son statut de plateforme internationale.

90      Par ailleurs, la Commission a souligné, au paragraphe 36 de la décision attaquée, que Bruxelles était la capitale de la Belgique et le deuxième plus grand centre diplomatique du monde après Washington DC (États-Unis). Pour conserver ce statut, la capitale belge devrait être desservie par une compagnie capable de répondre aux demandes de la clientèle en termes de qualité des services, du nombre et de la fréquence des connexions avec le plus grand nombre de capitales possibles. À cet égard, il ressort du paragraphe 34 de la décision attaquée que, avant la pandémie de COVID-19, Brussels Airlines desservait 112 destinations.

91      Il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas ces données, mais estime, en substance, qu’elles ne suffisent pas pour démontrer l’importance systémique du groupe SN pour l’économie belge. Selon elle, la notion d’« entreprise revêtant une importance systémique » au sens du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire doit être interprétée comme visant les entreprises dont la défaillance entraînerait l’effondrement du secteur entier dans lequel elles opèrent.

92      Toutefois, l’interprétation préconisée par la requérante de la notion d’« importance systémique » ne saurait prospérer. En effet, rien dans le libellé du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire ne suggère que seules les entreprises dont la sortie du marché entraînerait l’effondrement d’un secteur tout entier sont éligibles à l’aide. En outre, une lecture d’ensemble du paragraphe 49, sous b), et notamment des exemples de cas dans lesquels il est dans l’intérêt commun d’intervenir, tels que le risque de difficultés sociales ou de pertes d’emplois significatives ou de perturbation d’un service important, démontrent que l’interprétation avancée par la requérante est trop restrictive.

93      Au soutien de cette interprétation, la requérante fait référence à la pratique décisionnelle de la Commission dans le secteur financier et aux règles en matière d’aides d’État applicables dans ce secteur.

94      À cet égard, il suffit de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T‑387/11, non publié, EU:T:2013:98, point 126 et jurisprudence citée), ni d’ailleurs à l’aune de la communication de la Commission du 30 juillet 2013 concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2013, C 216, p. 1) et de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), citées par la requérante, celles-ci n’étant pas applicables en l’espèce.

95      Les autres arguments de la requérante doivent également être rejetés.

96      Premièrement, contrairement à ce qu’elle soutient, il y a lieu de relever que la Commission n’avait pas l’obligation d’examiner si Brussels Airlines pouvait être facilement remplacée par d’autres compagnies aériennes. Une telle exigence n’est pas prévue au paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire, dont la méconnaissance est alléguée.

97      En tout état de cause, l’argument de la requérante selon lequel la Commission a considéré à tort que 46 % des liaisons au départ ou à destination de l’aéroport de Bruxelles étaient uniquement opérées par Brussels Airlines et a, dès lors, méconnu le caractère substituable des liaisons de celle-ci à celles opérées par d’autres compagnies aériennes, telles que la requérante, au départ et à destination de l’aéroport de Charleroi, ne saurait prospérer. Selon la requérante, si la Commission avait tenu compte également des lignes O&D au départ et à destination de ce dernier aéroport, Brussels Airlines n’opérait seule que 19 % desdites liaisons.

98      Toutefois, à supposer même qu’une partie des lignes opérées par la requérante et par Brussels Airlines était substituable, il n’en reste pas moins qu’une partie considérable des liaisons étaient opérées par Brussels Airlines seule.

99      Deuxièmement, l’analogie avec les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1), par laquelle la requérante cherche à imposer à la Commission une obligation de vérifier si le bénéficiaire avait adopté des mesures internes visant à réduire ses actifs doit également être écartée. En effet, dans le cadre des aides d’État au sauvetage et à la restructuration, l’objectif du soutien étatique est de remédier aux difficultés internes préexistantes du bénéficiaire concerné, lequel est une « entreprise en difficulté ». Ainsi, une aide au sauvetage vise à permettre le maintien à flot dudit bénéficiaire pendant la courte période nécessaire à l’élaboration d’un plan de restructuration ou de liquidation, lequel suppose généralement une réduction de l’activité concernée ou sa cessation (paragraphes 26 à 30 desdites lignes directrices). En revanche, le bénéficiaire d’une aide à la recapitalisation dans le contexte de la COVID-19 n’a joué aucun rôle dans les événements ayant compromis sa viabilité et n’a donc pas forcément besoin d’une restructuration pour surmonter ses difficultés temporaires provoquées par la pandémie de COVID-19.

100    Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire.

101    En troisième lieu, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, en considérant que le groupe SN était dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables et que, à cet égard, elle a omis de tenir compte d’autres possibilités de financement.

102    La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste cette argumentation.

103    Aux termes du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, pour être éligible à une mesure de recapitalisation, le bénéficiaire doit notamment être dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables.

104    Aux paragraphes 18 et 101 de la décision attaquée, la Commission a conclu que cette condition était remplie au motif, notamment, que le groupe SN était dans l’incapacité de se financer sur les marchés dans un délai raisonnable eu égard à l’incertitude sur les marchés financiers causée par les conséquences de la pandémie de la COVID-19 pour le secteur aérien. Il ressort, en outre, du paragraphe 18 de la décision attaquée, dont la teneur a été partiellement expurgée de la version publique de celle-ci, que la Commission a également pris en compte, à cette fin, le fait que certains actifs du groupe SN n’étaient plus disponibles.

105    Ainsi qu’il ressort des points 56 à 58 ci-dessus, il y avait lieu, en vue de l’application du paragraphe 49 de l’encadrement temporaire, d’examiner l’impact combiné des différentes composantes de la mesure en cause. En effet, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas examiné le montant de la seule mesure de recapitalisation de 2,9 millions d’euros pour répondre à la question de savoir si le groupe SN était dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables, étant donné que le groupe SN avait en même temps obtenu le prêt subventionné et était, de ce fait, endetté.

106    En outre, à la différence des circonstances ayant donné lieu à la décision C(2020) 4372 final de la Commission, du 25 juin 2020, concernant le régime d’aides d’État SA.57153 (2020/N) mis à exécution par l’Allemagne, faisant l’objet des affaires jointes enregistrées sous les numéros T‑34/21 et T‑87/21 [Ryanair et Condor Flugdienst/Commission (Lufthansa ; Covid-19)], en l’espèce, d’une part, la société mère du bénéficiaire avait donné des garanties pour obtenir le prêt subventionné en cause et, d’autre part, il n’est pas contesté que le groupe SN ne disposait pas d’avions propres pouvant constituer une garantie supplémentaire en cas de non-remboursement de la mesure de recapitalisation. L’affirmation selon laquelle les créneaux horaires de la requérante pouvaient être mis en gage afin de pouvoir dégager des fonds sur le marché n’est pas suffisamment étayée. Il en est de même pour la remarque de la requérante selon laquelle le montant de 2,9 millions d’euros aurait pu être levé par la voie d’un financement collectif (crowdfunding) en ligne.

107    Le financement sur les marchés était d’autant plus difficile à obtenir que les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de COVID-19 avaient eu pour conséquence inéluctable la détérioration du climat des investissements dans le secteur aérien.

108    En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 78 ci-dessus, Brussels Airlines s’est vue contrainte d’annuler, en moyenne, 80 à 90 % de ses vols entre le mois de mars et le mois de juin 2020. Le pourcentage d’occupation des rares vols qui n’avaient pas été annulés était tombé de 80-90 % à 50-60 %.

109    Enfin, l’allégation selon laquelle d’autres compagnies aériennes se sont financées sur le marché, à supposer qu’elle soit établie, ne remet pas en cause le raisonnement de la Commission, étant donné que la requérante n’établit pas que ces autres compagnies aériennes se trouvaient dans une situation financière comparable à celle du bénéficiaire de la mesure en cause.

110    Partant, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait méconnu les conditions posées au paragraphe 49, sous a) à c), de l’encadrement temporaire.

111    Par conséquent, le présent grief doit être écarté comme étant dépourvu de fondement.

2)       Sur le grief tiré d’une violation du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire

112    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, en ce qu’elle a omis d’examiner si la mesure de recapitalisation était la mesure la plus appropriée et la moins susceptible de fausser la concurrence. Ainsi, la Commission n’aurait pas comparé les instruments de recapitalisation disponibles et n’aurait pas analysé les distorsions de concurrence engendrées par la mesure en cause ou par « d’autres instruments d’aide possibles ».

113    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste l’argumentation de la requérante.

114    Le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire précise ce qui suit :

115    « L’intervention de l’État peut prendre la forme de toute variante [de ces] instruments ou être constituée d’une combinaison d’instruments de fonds propres et d’instruments hybrides […] L’État membre doit faire en sorte que les instruments de recapitalisation choisis et les conditions dont ils sont assortis soient les plus appropriés pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins la concurrence. »

116    Aux paragraphes 18 et 106 de la décision attaquée, la Commission a décrit la mesure de recapitalisation en cause, en expliquant que celle-ci était un instrument hybride sous la forme de certificats de participation aux bénéfices. Elle a relevé que cet instrument permettait au Royaume de Belgique d’intervenir au niveau du capital social de Brussels Airlines afin de contrôler la restructuration prévue de cette dernière, sans qu’il soit besoin de modifier la structure de son actionnariat. La mesure de recapitalisation était donc une précondition nécessaire pour l’octroi du prêt subventionné et visait à assurer la viabilité du groupe SN.

117    En outre, selon le paragraphe 106 de la décision attaquée, le Royaume de Belgique, grâce à l’émission des certificats de participation aux bénéfices, allait jouir d’une certaine marge de contrôle sur la restructuration de Brussels Airlines. En outre, selon le paragraphe 56 de la décision attaquée, le groupe SN et DLH devaient d’abord rembourser entièrement le prêt subventionné avant de pouvoir rembourser les certificats de participation aux bénéfices. Ainsi que la Commission l’a relevé au point 75 de son mémoire en défense, sans être contredite, cet ordre de remboursement encourageait le bénéficiaire à rembourser entièrement le prêt subventionné le plus rapidement possible.

118    En l’espèce, à l’instar de la Commission, il y a lieu de souligner qu’une mesure de recapitalisation et les conditions dont celle-ci est assortie peuvent être considérées comme appropriées pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins possible la concurrence, au sens du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, dès lors qu’elles remplissent les différentes exigences prévues à cette fin dans cet encadrement et relatives au montant de la mesure de recapitalisation, à la rémunération et la sortie de l’État, à la gouvernance et la prévention des distorsions indues de la concurrence et à la stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la mesure de recapitalisation. En effet, la référence, au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, aux « conditions dont [la mesure en cause] est assortie » vise des exigences, telles que celles mentionnées dans la phrase précédente, lesquelles ont pour objet précisément de garantir que la mesure de recapitalisation et les conditions dont elle est assortie ne dépassent pas ce qui est approprié pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins possible la concurrence. Dès lors, si les exigences susmentionnées sont remplies, l’instrument de recapitalisation choisi doit être considéré comme étant conforme au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire.

119    Partant, le présent grief n’a pas un contenu autonome par rapport aux arguments que la requérante soulève dans le cadre des autres griefs de son premier moyen. Ainsi, dans le cadre du troisième grief de la seconde branche dudit moyen, elle soutient que la Commission a violé le paragraphe 54 de l’encadrement temporaire en application duquel la mesure de recapitalisation « ne doit pas dépasser le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire ». Dans le cadre du quatrième grief de la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu le paragraphe 71 de l’encadrement temporaire en ne prévoyant pas de garde-fous contre une expansion commerciale agressive du bénéficiaire. Dans le cadre du cinquième grief de ladite branche, la requérante soutient que la Commission n’a pas non plus veillé au respect du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire en ce que des mesures supplémentaires pour préserver une concurrence effective sur les marchés concernés n’avaient pas été prévues. Le bien-fondé du présent grief est donc tributaire de l’analyse de ces autres griefs.

120    En tout état de cause, premièrement, pour ce qui concerne l’argument selon lequel le contrôle du groupe SN recherché par le Royaume de Belgique, afin d’intervenir et d’orienter la restructuration, aurait pu être réalisé par le biais d’autres mesures, telles que la modification de l’actionnariat de Brussels Airlines, il convient de relever, à l’instar de la Commission au point 73 du mémoire en défense, qu’une telle intervention aurait nécessité l’émission de nouvelles actions et ainsi une évaluation complexe de la valeur de la société. C’est donc à juste titre que la Commission a considéré qu’une telle intervention aurait demandé davantage de temps, alors que l’impact de la pandémie de COVID-19 sur le bénéficiaire exigeait de l’État belge qu’il intervienne avec une certaine urgence.

121    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel les certificats de participation aux bénéfices ne confèrent aucun droit de vote et des accords contractuels auraient également permis au Royaume de Belgique d’obtenir les mêmes droits de gouvernance, force est de relever que la requérante méconnaît le rôle joué par les certificats de participation aux bénéfices en l’espèce.

122    En effet, ainsi que la Commission l’a souligné au paragraphe 123 de la décision attaquée, sans être contredite, le taux d’intérêt afférent aux certificats de participation aux bénéfices augmentait au fil des ans, ce qui rendait ce moyen de financement de plus en plus onéreux et incitait Brussels Airlines, SN Airholding ou DLH à rembourser les certificats de participation aux bénéfices le plus vite possible. Toutefois, ce remboursement était conditionné par le remboursement préalable du prêt subventionné dans son intégralité. En outre, ainsi que la Commission l’a considéré au paragraphe 63 et au paragraphe 64, sous d), de la décision attaquée, le fait que les certificats de participation aux bénéfices restaient en place jusqu’au remboursement du prêt subventionné faisait en sorte que Brussels Airlines, SN Airholding et DLH étaient tenus de respecter les règles comportementales dont la mesure de recapitalisation était assortie. Cette importance desdits certificats n’est pas remise en cause par le fait qu’il aurait pu être convenu contractuellement que DLH désigne deux membres du conseil d’administration de SN Airholding proposés par SFPI-FPIM, comme cela est mentionné dans la note en bas de page no 20 de la décision attaquée. Il en est de même pour la circonstance, à la supposer établie, que les pouvoirs de ces membres étaient symboliques et n’auraient pas d’impact décisif sur les décisions de SN Airholding.

123    Au demeurant, selon la jurisprudence, la Commission n’a pas à se prononcer sur toute mesure d’aide alternative envisageable. En effet, elle n’est pas tenue de démontrer, de manière positive, qu’aucune autre mesure d’aide imaginable, par définition hypothétique, ne serait pas appropriée et ne serait pas moins génératrice de distorsions de concurrence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 94 et jurisprudence citée).

124    Il y a donc lieu d’écarter le présent grief comme étant non fondé.

3)      Sur le grief tiré de la violation du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire

125    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu le paragraphe 54 de l’encadrement temporaire, en ce qu’elle a omis d’examiner si la mesure de recapitalisation permettait d’assurer la viabilité du groupe SN.

126    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste cette argumentation.

127    Aux termes du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire, afin de garantir la proportionnalité de l’aide, le montant des recapitalisations dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ne doit pas dépasser le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire et devrait se limiter à rétablir la structure de capital qui était celle du bénéficiaire avant la flambée de COVID-19, c’est-à-dire la situation au 31 décembre 2019.

128    Or, il convient de constater que l’argumentation de la requérante se fonde sur une lecture erronée du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire. En effet, cette disposition ne pose pas un seuil minimal au montant de la mesure de recapitalisation, nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire, mais uniquement une limite maximale. Le fait que le groupe SN avait, en sus de la mesure de recapitalisation, encore besoin d’autres instruments d’aide afin d’assurer sa viabilité est donc dénué de pertinence.

129    Il y a donc lieu d’écarter le présent grief comme non fondé.

4)      Sur le grief tiré de la violation du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire

130    La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée ne prévoit pas de garde-fous contre une expansion commerciale agressive du bénéficiaire en violation du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire.

131    La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste cette argumentation en reprenant, en substance, les motifs de la décision attaquée.

132    Aux termes du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire, afin de prévenir toute distorsion indue de la concurrence, les bénéficiaires ne doivent pas s’adonner à une expansion commerciale agressive financée par des aides d’État ou rendue possible par une prise de risques excessive. De manière générale, plus la participation de l’État membre est faible et la rémunération élevée, moins grande est la nécessité de prévoir des garde-fous.

133    Au paragraphe 126 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les conditions prévues au paragraphe 71 de l’encadrement temporaire étaient remplies, en indiquant notamment que le plan d’entreprise de Brussels Airlines envisageait un retour prudent et graduel à son volume d’activité standard. La Commission a également examiné le calendrier de ce retour, selon ledit plan d’entreprise, afin de conclure que Brussels Airlines ne reprendrait le niveau de ses activités standard que prudemment et graduellement.

134    Il convient de relever que, dans la mesure où ledit plan est fondé sur les perspectives de développement des activités programmées ou escomptées du bénéficiaire, la Commission pouvait à juste titre fonder son analyse du risque d’une expansion commerciale agressive financée par l’aide sur l’examen dudit plan. Le fait que cette analyse a démontré que le bénéficiaire n’envisageait qu’un retour prudent et progressif au niveau de ses activités avant l’apparition de la pandémie de COVID-19 tend à démontrer que celui-ci n’avait pas planifié de s’adonner à une expansion commerciale agressive financée par l’aide, comme a pu le considérer à juste titre la Commission.

135    En outre, il importe de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, le rythme du rétablissement du groupe SN a été précisé au paragraphe 41 de la décision attaquée, en ce que la date d’échéance finale du prêt subventionné était le 31 juillet 2026. Il est également vrai que le Royaume de Belgique a imposé des règles de conduite au groupe SN, alignées sur l’encadrement temporaire, de nature à empêcher une expansion commerciale agressive. À cet égard, le paragraphe 63 de la décision attaquée indique, par exemple, que le montant de la mesure de recapitalisation ne pouvait pas être utilisé aux fins de campagnes publicitaires commerciales.

136    Enfin, il y a lieu de rappeler que, aux termes du paragraphe 74 de l’encadrement temporaire, tant qu’au moins 75 % des mesures de recapitalisation n’ont pas été remboursées, le bénéficiaire de l’aide ne peut pas acquérir une participation supérieure à 10 % dans les concurrents ou d’autres acteurs dans la même ligne d’activité, ce qui inclut les activités en amont et en aval. Il n’est pas contesté que cette obligation pèse sur le bénéficiaire et qu’elle a également pour objectif d’empêcher que celui-ci s’adonne à une expansion commerciale agressive financée par l’aide.

137    Partant, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait méconnu le paragraphe 71 de l’encadrement temporaire. Son grief doit donc être écarté comme non fondé.

5)      Sur le grief tiré de la violation du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire

138    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire.

139    La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste cet argument.

140    Conformément au paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, si le bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation prise dans le contexte de la crise de COVID-19 d’un montant supérieur à 250 millions d’euros est une entreprise ayant un pouvoir de marché significatif sur au moins un des marchés en cause sur lesquels elle exerce ses activités, les États membres doivent proposer des mesures supplémentaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur lesdits marchés. Lorsqu’ils proposent de telles mesures, les États membres peuvent notamment offrir des engagements structurels ou comportementaux prévus dans la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1) et au règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1).

141    Ainsi qu’il ressort du point 59 ci-dessus, en vue de l’application du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, il y a lieu d’examiner la seule mesure de recapitalisation, prise isolément. Force est de constater que la mesure de recapitalisation concernait un montant inférieur à 250 millions d’euros, de sorte que le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire n’est pas applicable en l’espèce. Il y a donc lieu d’écarter le présent grief.

6)      Sur le grief tiré d’un détournement de pouvoir prétendument commis par la Commission

142    En application de la jurisprudence citée au point 68 ci-dessus et eu égard aux points 73 à 140 ci-dessus, il convient de considérer que la requérante n’a pas démontré, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que, en adoptant la décision attaquée, la Commission avait détourné son pouvoir s’agissant de son examen de la mesure de recapitalisation. Le présent grief doit donc être écarté.

143    Partant, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen et, par voie de conséquence, le premier moyen dans son intégralité.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE

144    La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Le deuxième moyen se divise en deux branches.

145    D’une part, la requérante fait valoir qu’une mesure individuelle en faveur du groupe SN n’est pas appropriée pour remédier à une perturbation grave de l’économie belge. Elle soutient que, à l’exception du secteur bancaire, il existe très peu de décisions autorisant une mesure fondée sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE concernant des entreprises individuelles.

146    D’autre part, la requérante fait valoir que la Commission est tenue de mettre en balance les effets bénéfiques de l’aide quant à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE avec ses effets défavorables sur les conditions des échanges et le maintien d’une concurrence non faussée. La Commission n’aurait pas effectué cette mise en balance et, partant, aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation des faits, qui justifieraient l’annulation de la décision attaquée. Selon la requérante, l’encadrement temporaire ne dispense pas la Commission de réaliser un exercice de mise en balance de la mesure en cause ou de toute autre mesure d’aide individuelle qui lui est notifiée. Au contraire, le point 1.2 de l’encadrement temporaire exigerait que la Commission procède à une telle mise en balance.

147    La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste l’argumentation de la requérante.

a)      Sur la première branche, tirée du caractère inapproprié de la mesure en cause pour remédier à une perturbation grave de l’économie belge

148    En premier lieu, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre peuvent être considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur.

149    L’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il est donc d’interprétation stricte (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T‑150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 146 et jurisprudence citée). L’article 107, paragraphe 1, TFUE précise que les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sont incompatibles avec le marché intérieur « sous quelque forme que ce soit ». Dès lors, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE s’applique aux aides individuelles [voir arrêt du 22 juin 2022, Ryanair/Commission (Finnair II ; Covid-19), T‑657/20, sous pourvoi, EU:T:2022:390, point 28 et jurisprudence citée].

150    Selon la jurisprudence, la Commission ne peut déclarer une aide compatible au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation de l’un des objectifs visés, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché. En d’autres termes, la mesure en cause ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur si elle apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre le but prévu à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à savoir remédier à la perturbation grave de l’économie belge (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, EU:T:2009:2, point 65 et jurisprudence citée).

151    Force est de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que l’aide en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné. En effet, une fois que la Commission constate la réalité d’une perturbation grave de l’économie d’un État membre, ce dernier peut être autorisé, si les autres conditions prévues à cet article sont par ailleurs satisfaites, à octroyer des aides d’État, sous forme de régimes d’aides ou d’aides individuelles, qui contribuent à remédier à ladite perturbation grave. Il pourrait ainsi s’agir de plusieurs mesures d’aide qui, chacune pour leur part, contribuent à cette fin. Dès lors, il ne saurait être exigé qu’une mesure d’aide, pour qu’elle soit valablement fondée sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, remédie en elle-même à une perturbation grave de l’économie d’un État membre [voir arrêt du 22 juin 2022, Ryanair/Commission (Finnair II ; Covid-19), T‑657/20, sous pourvoi, EU:T:2022:390, point 30 et jurisprudence citée].

152    Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir déclaré que la mesure en cause remplissait les conditions prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, au seul motif que cette mesure ne pourrait pas remédier, à elle seule, à la perturbation grave de l’économie de la Belgique occasionnée par la flambée de COVID-19 [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, Ryanair/Commission (Finnair II ; Covid-19), T‑657/20, sous pourvoi, EU:T:2022:390, point 31].

153    Dans la mesure où la requérante soutient que la mesure en cause ne remédiait pas à la perturbation grave de l’économie belge, mais, au contraire, l’aggravait, il y a lieu de vérifier si la Commission a déclaré à juste titre que cette mesure contribuait à la réalisation de l’un des objectifs cités à l’article 107, paragraphe 3, TFUE, conformément à la jurisprudence exposée au point 149 ci-dessus [voir arrêt du 22 juin 2022, Ryanair/Commission (Finnair II ; Covid-19), T‑657/20, sous pourvoi, EU:T:2022:390, point 32 et jurisprudence citée].

154    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 42 de la requête, la requérante ne conteste pas que la pandémie de COVID-19 a entraîné une perturbation grave de l’économie belge ni que le secteur du transport aérien dans son ensemble a été particulièrement touché par la crise causée par cette pandémie.

155    Cela étant, la requérante fait valoir que la part de marché du groupe SN n’était que de 28 % tandis que la sienne était de 24 % en 2019. Son exclusion et celle d’autres compagnies aériennes actives sur le marché belge du champ d’application de la mesure en cause affaiblirait l’efficacité de celle-ci.

156    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 89 ci-dessus, la Commission a établi à suffisance de droit l’importance du groupe SN pour l’économie belge, en tant qu’employeur de 4 200 salariés de manière directe et eu égard aux 10 000 emplois au total, y compris des emplois indirects auprès des fournisseurs et des prestataires de services liés à l’activité de Brussels Airlines. En outre, 40 % du trafic de Brussels Airport était assuré par Brussels Airlines et 46 % des liaisons exploitées par elle au départ et à destination de cet aéroport n’étaient exploitées par aucun autre transporteur aérien. À supposer que les liaisons opérées au départ des aéroports de Bruxelles et de Charleroi soient substituables, il n’en reste pas moins qu’une part considérable de celles-ci était exploitée par Brussels Airlines seule. Il est également constant que Brussels Airlines a transporté 10 millions de passagers depuis la Belgique ou vers ce pays en 2019 et qu’elle est d’une grande importance pour l’aéroport de Bruxelles, capitale de la Belgique et centre diplomatique important.

157    Dans ce contexte, la Commission pouvait considérer à juste titre que la faillite ou la défaillance du groupe SN risquaient de perturber gravement l’économie belge en raison de son rôle majeur pour la connectivité nationale et internationale ainsi que de son poids économique et social pour de nombreux fournisseurs et travailleurs en Belgique et conclure que la mesure en cause contribuait à remédier à une perturbation grave de l’économie de ce pays.

158    En deuxième lieu, la prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission invoquée par la requérante n’est pas susceptible d’infirmer cette conclusion. À cet égard, la requérante se prévaut des précédentes décisions d’autorisation de la Commission au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE concernant des aides individuelles dans les secteurs bancaire et des chemins de fer. Selon la requérante, à la différence d’une banque et d’un gestionnaire du réseau ferroviaire, le groupe SN ne jouait pas un rôle systémique pour l’économie de l’État membre concerné.

159    Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 94 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée, et non à l’aune d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission. En toute hypothèse, le seul fait que la bénéficiaire de l’aide en cause n’est ni une banque ni un gestionnaire de réseau de chemins de fer ne permet pas de considérer que celle-ci n’est pas importante pour l’économie belge ou que la mesure en cause n’est pas de nature à remédier à la perturbation grave de celle-ci [arrêt du 22 juin 2022, Ryanair/Commission (Finnair II ; Covid-19), T‑657/20, sous pourvoi, EU:T:2022:390, point 44].

160    La première branche du deuxième moyen doit donc être écartée.

b)      Sur la seconde branche, tirée du fait que la Commission a omis de mettre en balance les effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions d’échanges et le maintien d’une concurrence non faussée

161    Aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, « [p]euvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur [...] les aides destinées […] à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ». Il résulte du libellé de cette disposition que ses auteurs ont considéré qu’il était de l’intérêt de l’Union tout entière que l’un ou l’autre de ses États membres fût en mesure de surmonter une crise majeure, voire existentielle, qui ne pouvait qu’avoir de graves conséquences sur l’économie de tout ou partie des autres États membres, et donc sur l’Union en tant que telle. Cette interprétation textuelle de la lettre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est confirmée par sa comparaison avec l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, qui concerne « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun », dans la mesure où le libellé de cette dernière disposition comporte une condition, relative à la démonstration d’une absence d’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, qui ne figure pas dans l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, points 20 et 39).

162    Ainsi, pour autant que les conditions posées à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE soient remplies, à savoir, en l’espèce, que l’État membre concerné soit bel et bien face à une perturbation grave de son économie et que les mesures d’aide adoptées pour remédier à cette perturbation soient, d’une part, nécessaires à cette fin et, d’autre part, appropriées et proportionnées, lesdites mesures sont présumées être adoptées dans l’intérêt de l’Union, de sorte qu’il n’est pas requis par cette disposition que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, au contraire de ce qui est prescrit à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. En d’autres termes, une telle mise en balance n’aurait pas de raison d’être dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, son résultat étant présumé positif. Qu’un État membre parvienne à remédier à une perturbation grave de son économie ne peut en effet que bénéficier à l’Union en général et au marché intérieur en particulier [arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (Espagne ; Covid-19), T‑628/20, sous pourvoi, EU:T:2021:285, point 67].

163    Force est donc de constater qu’il n’est pas requis par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, au contraire de ce qui est prescrit par l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, mais seulement qu’elle vérifie si la mesure d’aide en cause est nécessaire, appropriée et proportionnée pour remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné. Il convient par conséquent de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’obligation de mise en balance résulterait du caractère exceptionnel des aides compatibles, y compris celles déclarées compatibles en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Pour les mêmes raisons, elle n’est pas fondée à se prévaloir de l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T‑68/15, EU:T:2018:563, points 210 à 214), dans la mesure où le Tribunal n’y a pas pris en compte les conséquences de la différence de libellé entre l’article 107, paragraphe 3, sous b), et l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, soulignée par la Cour dans l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742, points 20 et 39) [arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (Espagne ; Covid-19), T‑628/20, sous pourvoi, EU:T:2021:285, point 68].

164    La requérante ne saurait non plus invoquer le caractère obligatoire d’une mise en balance sur le fondement de l’encadrement temporaire, en arguant que celui-ci lierait la Commission et fournirait une seconde base distincte à l’obligation de cette dernière à cet égard, car une telle obligation ne figure pas dans l’encadrement temporaire. En particulier, le point 1.2 dudit encadrement auquel la requérante se réfère, relatif à la « nécessité d’une étroite coordination européenne des mesures d’aide nationales », contient un seul paragraphe, le paragraphe 10, qui ne contient aucune prescription à cet égard. Dès lors, la requérante ne saurait s’en prévaloir [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (Espagne ; Covid-19), T‑628/20, sous pourvoi, EU:T:2021:285, point 69].

165    Pour les mêmes raisons, l’argumentation de la Commission, présentée à titre subsidiaire, consistant à soutenir que l’encadrement temporaire lui-même contient une telle mise en balance ne peut qu’être écartée.

166    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’exception d’illégalité soulevée par la requérante à l’encontre de l’encadrement temporaire.

167    Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du deuxième moyen soulevé par la requérante doit être écartée et que le deuxième moyen doit, dès lors, être écarté.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination, de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement

a)      Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de non-discrimination

168    La requérante soutient que la mesure en cause viole le principe de non-discrimination. En particulier, elle fait valoir que la décision attaquée a traité différemment la situation comparable des compagnies aériennes exploitant des lignes au départ et à destination de la Belgique en favorisant le groupe SN sans aucune justification objective. La Commission n’aurait établi ni la nécessité d’octroyer l’aide uniquement au groupe SN ni la proportionnalité de la différence de traitement entre le groupe SN et les autres compagnies aériennes. Elle ajoute que si l’aide était allouée à toutes les compagnies aériennes opérant en Belgique, en fonction de leur part de marché, l’objectif de la mesure serait atteint sans discrimination.

169    La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste ces arguments.

170    Le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 49).

171    Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent en outre être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26).

172    Il convient également de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55].

173    En l’espèce, il n’est pas contesté que les autres compagnies aériennes contribuaient dans une certaine mesure à la connectivité de la Belgique et qu’elles ont été affectées par la pandémie et par les restrictions de déplacement qui en ont découlé. Toutefois, ainsi que le fait valoir la Commission, il n’existe aucune obligation, pour les États membres, d’accorder des aides destinées à remédier à la perturbation grave d’une économie au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Dès lors, le Royaume de Belgique n’était pas tenu d’accorder une aide à toutes les entreprises qui participaient, dans une mesure ou une autre, à la connectivité de son territoire.

174    Par ailleurs, il convient de relever qu’une aide individuelle, telle que celle en cause, ne bénéficie, par définition, qu’à une seule entreprise, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, y compris celles se trouvant dans une situation comparable à celle du bénéficiaire de cette aide. Ainsi, de par sa nature, une telle aide individuelle instaure une différence de traitement, voire une discrimination, laquelle est pourtant inhérente au caractère individuel de ladite mesure. Or, soutenir, comme le fait la requérante, que l’aide individuelle en cause est contraire au principe de non-discrimination revient, en substance, à mettre en cause systématiquement la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide individuelle du seul fait de son caractère intrinsèquement exclusif et par là discriminatoire, alors même que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer des aides individuelles, pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies [voir arrêt du 22 juin 2022, Ryanair/Commission (Finnair II ; Covid-19), T‑657/20, sous pourvoi, EU:T:2022:390, point 138 et jurisprudence citée].

175    En tout état de cause, à supposer que, comme l’affirme la requérante, la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce qu’elle ne bénéficie qu’au groupe SN, puisse être assimilée à une discrimination, il convient de vérifier si elle est justifiée par un objectif légitime et si elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour l’atteindre. De même, pour autant que la requérante fait référence à l’article 18, premier alinéa, TFUE, il convient de souligner que, selon cette disposition, toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités « sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient » est interdite. Partant, il importe de vérifier si cette différence de traitement est permise au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision attaquée. Cet examen implique, d’une part, que l’objectif de la mesure en cause satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de la mesure en cause, à savoir, en l’espèce, le fait que celle-ci ne bénéficie qu’au groupe SN, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

176    S’agissant de l’objectif de la mesure en cause, il convient de constater que la pandémie de COVID-19 a gravement perturbé l’économie belge et qu’elle a eu des effets négatifs majeurs sur le marché belge du transport aérien. Dans ce contexte, pour les raisons exposées aux points 89 et 90 ci-dessus, l’objectif de la mesure, à savoir maintenir la viabilité et les services aériens du groupe SN, était de nature à remédier à la perturbation grave de l’économie belge.

177    La requérante estime toutefois que ces circonstances ne permettent pas de justifier la différence de traitement résultant de la mesure en cause. Elle considère, en effet, que cette différence de traitement n’est pas proportionnée en ce que cette mesure accorde au groupe SN l’intégralité de l’aide alors que la part de cette dernière dans la connectivité de la Belgique serait inférieure à 100 %.

178    À cet égard, compte tenu de son rôle majeur en matière de connectivité internationale et de son poids économique et social en Belgique, surtout eu égard à l’importance de l’aéroport de Bruxelles et au statut de cette ville en tant que l’un des centres mondiaux de la diplomatie, il y a lieu de constater qu’assurer la continuité des activités économiques du groupe SN était davantage susceptible de contribuer à remédier à la perturbation grave de l’économie belge que le fait de maintenir les activités des autres compagnies aériennes qui opéraient essentiellement depuis d’autres aéroports et qui assuraient moins de vols à destination des autres continents.

179    Enfin, en ce qui concerne la question de savoir si la mesure en cause va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé, la Commission a relevé, au paragraphe 47 la décision attaquée, que le montant du prêt subventionné n’excédait pas les coûts salariaux de Brussels Airlines pour l’année 2019. En outre, il ressort du paragraphe 48 de la décision attaquée que le montant du prêt sera complètement utilisé pour couvrir les besoins en liquidités pendant un certain nombre de mois après l’adoption de la mesure en cause. Il n’y a donc pas d’indice démontrant que le montant du prêt est disproportionné, ce que la requérante ne contredit au demeurant pas explicitement. S’agissant de la mesure de recapitalisation, il ressort du point 2 ci-dessus que son montant est de 2,9 millions d’euros, un montant relativement faible par rapport au montant du prêt, de sorte qu’il n’a pas non plus été établi qu’elle était disproportionnée.

180    La requérante ne conteste pas ces faits et se contente de faire valoir que la mesure en cause est disproportionnée, en ce qu’elle vise uniquement le groupe SN et non d’autres compagnies aériennes.

181    À cet égard, il suffit, d’une part, de rappeler qu’il n’existe aucune obligation, pour la Commission, d’examiner si, outre le maintien de la viabilité du groupe SN, le Royaume de Belgique devait élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide dès lors que la décision attaquée établit à suffisance de droit la nécessité de préserver la contribution du groupe SN à l’économie belge.

182    Il s’ensuit que, en toute hypothèse et pour autant que la différence de traitement instituée par la mesure en cause puisse être assimilée à une discrimination, il était justifié d’accorder uniquement le bénéfice de la mesure en cause au groupe SN. La mesure en cause ne viole donc pas le principe de non-discrimination et l’argumentation de la requérante à cet égard doit être écartée.

183    Partant, il convient d’écarter la présente branche comme non fondée.

b)      Sur la seconde branche, tirée d’une violation de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement

184    En substance, la requérante fait valoir que, en ce qu’elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif déclaré de l’aide, la mesure en cause restreint de manière injustifiée la libre prestation des services et la liberté d’établissement, ce qui susciterait des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. À cet égard, la requérante soutient qu’accorder la mesure en cause uniquement au groupe SN entraîne une fragmentation du marché intérieur et, dans le cas des compagnies aériennes, restreint leurs droits de fournir librement des services de transport aérien au sein du marché intérieur tels qu’ils leur sont accordés par le régime des licences européennes d’exploitation prévu par le règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3).

185    La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et Brussels Airlines, conteste cette argumentation.

186    D’une part, il convient de rappeler que les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil (voir arrêt du 6 octobre 2015, Finanzamt Linz, C‑66/14, EU:C:2015:661, point 26 et jurisprudence citée).

187    D’autre part, la libre prestation des services s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre, indépendamment de l’existence d’une discrimination selon la nationalité ou la résidence (arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, point 25). Toutefois, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, la libre prestation des services en matière de transports est régie par les dispositions du titre relatif aux transports, à savoir le titre VI du traité FUE. La libre prestation des services en matière de transports est ainsi soumise, au sein du droit primaire, à un régime juridique particulier (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 36). Par conséquent, l’article 56 TFUE, qui consacre la libre prestation des services, ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne (arrêt du 25 janvier 2011, Neukirchinger, C‑382/08, EU:C:2011:27, point 22).

188    C’est dès lors uniquement sur la base de l’article 100, paragraphe 2, TFUE que des mesures de libéralisation des services de transports aériens peuvent être adoptées (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 38). Or, le législateur de l’Union a adopté le règlement no 1008/2008 sur le fondement de cette disposition qui a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation des services (voir, par analogie, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, points 23 et 24).

189    En l’espèce, il convient de relever que, s’il est vrai que la mesure en cause porte sur une aide individuelle qui ne bénéficie qu’au groupe SN, la requérante n’établit pas en quoi ce caractère exclusif est de nature à dissuader les compagnies aériennes de s’établir en Belgique ou d’effectuer des prestations de services depuis ce pays et à destination de celui-ci. La requérante reste notamment en défaut d’identifier les éléments de fait ou de droit qui feraient que cette mesure produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais qui, ainsi qu’il a été jugé aux points 174 à 181 ci-dessus, sont néanmoins nécessaires et proportionnés pour remédier à la perturbation grave de l’économie belge causée par la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

190    Par conséquent, la mesure en cause ne saurait constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation des services. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de cette mesure avec la liberté d’établissement et la libre prestation des services.

191    Il y a donc lieu d’écarter cette branche et, partant, le troisième moyen dans son intégralité.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE

192    La requérante fait valoir que la Commission aurait dû éprouver des doutes, au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, lors de l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. Ces doutes devaient donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle pouvaient participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement.

193    La Commission, le Royaume de Belgique et Brussels Airlines contestent cet argument.

194    Il convient de constater que ce moyen est dépourvu de contenu autonome. En effet, dans le cadre d’un tel moyen, la partie requérante peut invoquer, aux fins de la préservation des droits procéduraux dont elle bénéficie dans le cadre de la procédure formelle d’examen, uniquement des moyens de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase d’examen préliminaire de la mesure notifiée (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 81), aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 35, et du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59), comme le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire ou l’existence de plaintes provenant de parties tierces. Or, il convient de relever que le quatrième moyen reprend de façon condensée les arguments soulevés dans le cadre des premier à troisième moyens sans mettre en évidence d’éléments spécifiques relatifs à d’éventuelles difficultés sérieuses.

195    Pour ces motifs, il convient de rejeter le quatrième moyen.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

196    La requérante fait valoir, en substance, que le raisonnement de la Commission dans la décision attaquée est soit inexistant, soit incomplet, soit contradictoire. La Commission aurait omis d’apprécier un certain nombre d’éléments essentiels pour déterminer la compatibilité de l’aide avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et l’encadrement temporaire.

197    La Commission, soutenue par le Royaume de Belgique et par Brussels Airlines, conteste ces arguments.

198    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 125 et jurisprudence citée).

199    Premièrement, les considérations exposées aux points 40 à 67 ci-dessus démontrent qu’il n’existait aucune raison pour la Commission de considérer que le prêt subventionné était, en réalité, une mesure de recapitalisation déguisée. Elle n’était donc pas obligée de motiver davantage la décision attaquée à cet égard.

200    Deuxièmement, la Commission a motivé à suffisance de droit, ainsi qu’il résulte des points 77 à 110 ci-dessus, que le groupe SN était éligible à la mesure de recapitalisation au regard du paragraphe 49, sous a) à c), de l’encadrement temporaire. Elle n’était, dans ce cadre, pas tenue d’examiner une éventuelle réduction des effectifs du groupe SN. De même, elle a motivé à suffisance qu’il était impossible pour le groupe SN de se financer sur les marchés financiers à des conditions abordables.

201    Troisièmement, ainsi qu’il résulte des points 115 à 128 ci-dessus, la Commission a expliqué que la mesure de recapitalisation était proportionnée en ce sens qu’elle était conforme aux paragraphes 53 et 54 de l’encadrement temporaire, qui reflètent l’examen de proportionnalité de la mesure de recapitalisation. En outre, la Commission n’était pas tenue d’appliquer le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, étant donné que le montant de la mesure de recapitalisation ne dépassait pas les 250 millions d’euros. Elle n’était donc pas tenue de motiver davantage cet aspect dans la décision attaquée.

202    Quatrièmement, ainsi qu’il a été considéré aux points 150 à 159 ci-dessus, étant donné que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas qu’une aide individuelle remédie, à elle seule, à une perturbation grave de l’économie belge, la Commission n’était pas obligée d’expliquer si la mesure en cause, en ce qu’elle ne bénéficiait qu’au groupe SN, pouvait, à elle seule, remédier à la perturbation grave de l’économie de cet État membre.

203    Cinquièmement, ainsi qu’il a été relevé aux points 160 à 165 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de procéder à une mise en balance entre les effets positifs et négatifs de la mesure en cause. Dès lors, l’absence de motivation à cet égard ne constitue pas un défaut de motivation, étant donné qu’elle n’est exigée ni par le traité, ni par l’encadrement temporaire.

204    Sixièmement, s’agissant de la motivation au regard des principes de non-discrimination, de la libre prestation des services et de libre établissement, il y a lieu de constater, d’une part, que la décision attaquée contient les éléments mentionnés aux points 89, 90 et 177 ci-dessus permettant de comprendre l’importance particulière de Brussels Airlines pour l’économie de la Belgique ainsi que les raisons pour lesquelles le Royaume de Belgique a choisi cette compagnie comme seule bénéficiaire de la mesure en cause. D’autre part, ainsi qu’il résulte des points 188 et 189 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue d’examiner la compatibilité de ladite mesure avec la liberté d’établissement et la libre prestation des services.

205    Par conséquent, il y a lieu d’écarter le cinquième moyen et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

206    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission et de Brussels Airlines, conformément aux conclusions de ces dernières.

207    Par ailleurs, en vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume de Belgique et la République fédérale d’Allemagne supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ryanair DAC est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et par Brussels Airlines SA/NV.

3)      Le Royaume de Belgique et la République fédérale d’Allemagne supporteront leurs propres dépens.

Kornezov

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.