Language of document : ECLI:EU:T:2011:40

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

16 février 2011(*)

« Référé – Membre du Parlement européen – Recouvrement d’indemnités versées au titre du remboursement des frais d’assistance parlementaire et de voyage – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑560/10 R,

Riccardo Nencini, demeurant à Barberino di Mugello (Italie), représenté par MF. Bertini, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Lorenz, A. Caiola et D. Moore, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de plusieurs décisions du Parlement européen ordonnant la restitution d’indemnités parlementaires qui auraient été indûment perçues,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant, M. Riccardo Nencini, était membre du Parlement européen durant la législature allant de 1994 à 1999. En décembre 2006, le Parlement a engagé une procédure de vérification en matière de frais d’assistance parlementaire et de frais de voyage.

2        Le 7 octobre 2010, le secrétaire général du Parlement européen a adopté une décision, notifiée le lendemain par lettre n° 315374, relative à une procédure de recouvrement des sommes correspondant à des frais d’assistance parlementaire et de voyage, qui auraient été indûment perçues par le requérant. Cette décision, que ce dernier a reçue le 13 octobre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), remplace celle du 16 juillet 2010, rédigée en langue anglaise. Aux termes de la décision attaquée, d’une part, un montant total de 455 903,44 euros a été indûment versé au requérant, au cours de son mandat parlementaire et ce en vertu de la réglementation concernant les frais et les indemnités des députés au Parlement européen, et, d’autre part, des instructions ont été données au service compétent afin qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour le recouvrement de cette somme auprès du requérant.

3        Le requérant s’est, en outre, vu adresser la note de débit n° 315363 du directeur général de la direction générale des finances du Parlement, du 13 octobre 2010, portant sur le recouvrement de la somme susmentionnée (ci-après la « note de débit ») et remplaçant celle du 4 août 2010, rédigée en langue anglaise. La note de débit a été reçue par le requérant le 16 octobre 2010.

4        Estimant que l’action du Parlement, intervenue de longues années après la fin de son mandat parlementaire, était frappée de prescription et illégale quant à la forme et quant au fond, le requérant a introduit, le 20 septembre 2010, par requête déposée au greffe du Tribunal, un recours en annulation contre la décision du 16 juillet 2010 et la note de débit du 4 août 2010. Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande en référé tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du 16 juillet 2010 et de la note de débit du 4 août 2010.

5        Par ordonnance du 19 octobre 2010 Nencini/Parlement (T‑431/10 R, non publiée au Recueil), le Président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

6        Le 10 décembre 2010, le requérant a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée, de la note de débit, ainsi que de la décision du 16 juillet 2010 et de la note de débit du 4 août 2010, et de tout autre acte connexe et/ou préalable.

7        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il demande au président du Tribunal, en substance, de surseoir à l’exécution de la décision attaquée, de la note de débit, ainsi que de la décision du 16 juillet 2010 et de la note de débit du 4 août 2010, et de tout autre acte connexe et/ou préalable.

8        Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 20 décembre 2010, le Parlement conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme étant non fondée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

9        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

10      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

11      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

12      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

13      Il convient de relever que, ainsi qu'il ressort des points 2 et 3 ci-dessus, le Parlement européen a indiqué que la décision attaquée et la note de débit remplaçaient, respectivement, la décision du 16 juillet 2010 et la note de débit du 4 août 2010. Sans qu'il soit besoin, pour le juge des référés, de se prononcer sur le point de savoir si, dans les circonstances de l'espèce, ce remplacement équivaut à un retrait pur et simple des mesures initiales, conduisant à l'impossibilité de se prononcer sur un éventuel sursis à exécution les concernant, il suffit, s'agissant des conditions relatives à l'urgence, de faire état des considérations ci-après.

14      Selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du président du Tribunal du 8 juin 2009, Dover/Parlement, T‑149/09 R, non publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée).

15      Dans la présente demande en référé, le requérant indique, au titre de l’urgence, ce qui suit :

16      « [L]e requérant est une personne qui vit de ses propres revenus tirés de son activité politico-institutionnelle. Il ne possède pas d’autres ressources ni actifs particuliers. […] La somme réclamée par le […] Parlement […] dans la décision attaquée est donc considérable, non seulement dans l’absolu, mais aussi par rapport à [sa] situation […]. On rappelle qu’il s’agit en effet de 455 903,44 euros ».

17      À l’appui de son argumentation, le requérant joint son Modello 730/2010 – Redditi 2009 (formulaire 730/2010 – revenus 2009) et celui de son épouse (ci-après, pris ensemble, la « déclaration de revenus »). La déclaration de revenus, qui fait état des revenus imposables bruts du requérant et de son épouse au cours de l’année 2009, se montant, respectivement, à 124 152 euros et à 5 441 euros, ne s’avère pas être une preuve suffisante afin de démontrer qu’il y a urgence à octroyer les mesures de sursis demandées. En effet, le requérant lui-même prend soin de préciser de ne pas avoir la possibilité de restituer la somme contestée, « sauf à recourir à des opérations bancaires nombreuses et complexes, sans qu’il soit certain que les prêts lui soient accordés » Eu égard au caractère strictement exceptionnel de l’octroi de tout sursis à exécution (voir ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée), il peut raisonnablement être exigé du requérant d’accomplir toute démarche, même incommode et gênante, afin de se procurer les fonds nécessaires pour honorer ses dettes. L’absence de tentative du requérant de recourir à ces opérations bancaires empêche donc le juge des référés d’avoir une image fidèle et globale de sa situation financière.

18      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour le requérant, d’avoir établi l’urgence des mesures dont il sollicitait l’octroi, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 16 février 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.