Language of document : ECLI:EU:T:2020:22

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

30 janvier 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale BROWNIE – Marques nationales verbales antérieures BROWNIES, BROWNIE, Brownies et Brownie – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3 du règlement no 207/2009 [devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑598/18,

Grupo Textil Brownie, SL, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes D. Pellisé Urquiza et J. C. Quero Navarro, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno, MM. A. Folliard-Monguiral et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

The Guide Association, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. T. St Quintin, barrister, et Mme M. Jhittay, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 4 juillet 2018 (affaire R 2680/2017‑2), relative à une procédure d’opposition entre The Guide Association et Grupo Textil Brownie,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 octobre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 janvier 2019,

à la suite de l’audience du 6 novembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 avril 2015, M. Juan Morera Morral a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BROWNIE.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 25 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, notamment, à la description suivante :

–        classe 18 : « Malles et valises ; coffres de voyage ; malles ; portefeuilles ; sacs de campeurs ; sacs de sport ; sacs d’alpinistes ; sacs de plage ; filets à provisions ; sacs à roulettes ; fourre-tout ; sacs pour faire des courses ; sachets [enveloppes, pochettes] en cuir pour l’emballage ; sacs à main ; caisses en cuir ou en carton-cuir ; sacs kangourou [porte-bébés] ; cartables ; caisses en cuir ou en carton-cuir ; caisses de voyage ; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits “vanity cases” ; étuis à clés ; écharpes pour porter les bébés ; havresacs ; valises ; mallettes ; mallettes pour documents ; sacs à dos ; sacoches pour porter les enfants ; bourses ; bourses en mailles ; porte-documents ; porte-musique ; sacs-housses pour vêtements pour le voyage » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; manteaux ; layettes ; peignoirs de bain ; espadrilles ; masques pour dormir ; habillement pour automobilistes ; bavettes non en papier ; costumes de bain [maillots de bain] ; bandanas [foulards] ; écharpes ; bandeaux pour la tête [habillement] ; souliers de bain ; sandales de bain ; blouses ; peignoirs ; boas [tours de cou] ; bodys [justaucorps] ; bérets ; chancelières non chauffées électriquement ; brodequins ; bottes ; chaussures de ski ; chaussures de football ; bottines ; culottes [sous-vêtements] ; culottes pour bébés ; chaussettes ; jambières ; chaussures ; chaussures de sport ; chaussures de plage ; caleçons ; chemises ; chemisettes ; maillots de sport ; tee-shirts ; camisoles ; capuchons [vêtements] ; chasubles ; gilets ; châles ; galoches ; vestes ; vestes de pêcheurs ; grosses vestes ; imperméables ; habillement pour cyclistes ; ceintures porte-monnaie [habillement] ; ceintures [habillement] ; casquettes ; combinaisons [sous-vêtements] ; vêtements confectionnés ; combinaisons [vêtements] ; cravates ; corselets ; corsets ; cache-corsets ; cols ; faux cols ; tabliers [vêtements] ; souliers de sport ; costumes de mascarade ; jupons ; étoles [fourrures] ; gaines [sous-vêtements] ; souliers de sport ; costumes de mascarade ; jupons ; étoles [fourrures] ; gaines [sous-vêtements] ; jupes ; jupes-shorts ; foulards ; pardessus ; gabardines [vêtements] ; souliers de gymnastique ; bonnets de bain ; bonnets de douche ; gants de ski ; gants [habillement] ; pulls ; leggins [pantalons] ; sous-vêtements ; livrées, fixe-chaussettes ; jarretelles ; jarretelles ; manchons [habillement] ; manipules [liturgie] ; mantilles ; bas ; bas sudorifuges ; bonneterie ; mitaines ; mitres [habillement] ; couvre-oreilles [habillement] ; pantalons ; collants ; pochettes [habillement] ; foulards de cou ; parkas ; chaussons ; plastrons de chemises ; pèlerines ; pelisses ; robes chasubles ; fourrures [vêtements] ; pyjamas ; costumes de plage ; guêtres ; ponchos ; tricots [vêtements] ; cache-cols ; pull-overs ; manchettes [habillement] ; vêtements en cuir ; vêtements en imitation de cuir ; vêtements de gymnastique ; vêtements en papier ; vêtements de dessus ; sous-vêtements absorbant la transpiration ; sandales ; saris ; sarongs ; caleçons de bain ; slips ; calottes ; chapellerie ; chapeaux ; hauts-de-forme ; chapeaux en papier [habillement] ; soutiens-gorges ; pulls ; jarretelles ; guimpes [vêtements] ; toges ; serre-pantalons ; déguisements ; combinaisons pour ski nautique ; turbans ; uniformes ; voilettes ; robes ; vêtements ; visières [chapellerie] ; chaussures ; sabots [chaussures] ; robes et vêtements confectionnés » ;

–        classe 35 : « Services de vente au détail et en gros dans les commerces ainsi que vente via Internet de vêtements pour dames, ainsi qu’articles, compléments et accessoires vestimentaires ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 106/2015, du 10 juin 2015.

5        Le 2 septembre 2015, l’intervenante, The Guide Association, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée, notamment pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la série de marques du Royaume-Uni verbales antérieures BROWNIES, BROWNIE, Brownies et Brownie (ci-après, prises ensemble, la « marque antérieure »), désignant notamment les produits et les services relevant des classes 6, 18, 25, 26 et 41 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Anneaux de porte-clés » ;

–        classe 18 : « Sacs à dos, sacs à dos de promenade ; sacs pour enfants » ;

–        classe 25 : « Vêtements, exclusivement pour filles » ;

–        classe 26 : « Badges ; écussons ; rubans ; broderies ; noms de patrouilles, motifs de patrouille à rapiécer, tous sous la forme de broderies ; bagues de foulard » ;

–        classe 41 : « Organisation d’activités de groupe dans les domaines de l’éducation, de la culture et du divertissement ; exécution de cours et de stages dans les domaines du camping, du sport, du ménage, du travail du bois ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement 2017/1001] ainsi qu’à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001).

8        Le 19 février 2016, M. Morera Morral a demandé l’inscription au registre des marques de l’Union européenne du transfert à la requérante, Grupo Textil Brownie, SL, de sa demande de marque de l’Union européenne.

9        Le 26 août 2016, la requérante a demandé, au titre de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001), que l’intervenante apporte la preuve que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux.

10      Le 18 janvier 2017, l’intervenante a produit plusieurs documents, consistant en une déclaration sur l’honneur de son directeur des ressources (ci-après la « déclaration sur l’honneur ») et en cinq annexes, à titre de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure (ci-après la « seconde série de documents »).

11      Le 23 octobre 2017, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus et l’a rejetée pour le surplus. En particulier, elle a considéré que l’intervenante avait apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits et les services visés au point 6 ci-dessus. À cet égard, elle s’est fondée non seulement sur les documents produits par l’intervenante le 18 janvier 2017, expressément à titre de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure (voir point 10 ci-dessus), mais également sur des documents, consistant en six annexes, que celle-ci avait déjà produits devant l’EUIPO le 14 avril 2016, conjointement avec les faits, les preuves et les observations à l’appui de son opposition (ci-après la « première série de documents »). En outre, elle a constaté qu’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, existait entre les marques en conflit s’agissant des produits et des services visés au point 3 ci-dessus, lesquels étaient identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’intervenante avait apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. En revanche, en l’absence de similitude entre ces produits et services visés par la marque antérieure et ceux pour lesquels la requérante avait sollicité l’enregistrement de la marque demandée, il n’existait pas de lien entre les marques en conflit s’agissant de ces derniers produits et services, de sorte qu’il y avait lieu de rejeter le motif d’opposition prévu à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

12      Le 18 décembre 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 4 juillet 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, d’une part, elle a considéré que l’intervenante avait apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits et les services visés au point 6 ci-dessus (points 16 à 52 de la décision attaquée). D’autre part, elle a fait siens les motifs indiqués dans la décision de la division d’opposition selon lesquels il y avait lieu d’accueillir l’opposition pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus (point 53 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir le recours et la demande d’enregistrement ;

–        condamner l’intervenante aux dépens.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Considérations liminaires

17      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, la demande de marque de l’Union européenne a été déposée auprès de l’EUIPO le 30 avril 2015 (voir point 1 ci-dessus). Son dépôt est donc intervenu, d’une part, avant la date d’entrée en vigueur du règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement no 207/2009 et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21), le 23 mars 2016 (voir article 4, premier alinéa, du règlement 2015/2424) et, d’autre part, avant la date d’applicabilité du règlement 2017/1001, le 1er octobre 2017 (voir article 212, second alinéa, du règlement 2017/1001).

18      Dans ces circonstances, force est de constater que le présent litige continue à être régi par le règlement no 207/2009, dans sa version antérieure aux modifications apportées par le règlement 2015/2424, à tout le moins en ce qui concerne les dispositions à caractère non strictement procédural (voir, par analogie, ordonnances du 30 mai 2013, Shah et Shah/Three-N-Products, C‑14/12 P, non publiée, EU:C:2013:349, point 2 ; du 13 juin 2013, DMK Deutsches Milchkontor/OHMI, C‑346/12 P, non publiée, EU:C:2013:397, point 2 et jurisprudence citée, et arrêt du 2 mars 2017, Panrico/EUIPO, C‑655/15 P, non publié, EU:C:2017:155, point 2).

19      En outre, il a déjà été jugé que, afin d’apprécier l’existence d’un motif relatif d’opposition, il convient de se placer au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne contre laquelle a été formée opposition en s’appuyant sur une marque antérieure. Ainsi, il convient d’examiner les divers aspects de la marque antérieure tels qu’ils se présentaient au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’encontre duquel cette marque est invoquée [arrêt du 17 octobre 2018, Golden Balls/EUIPO – Les Éditions P. Amaury (GOLDEN BALLS), T‑8/17, non publié, EU:T:2018:692, point 76]. La circonstance que la marque antérieure pourrait perdre le statut de marque enregistrée dans un État membre, au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001] et de l’article 42, paragraphe 3, de ce même règlement, à un moment postérieur au dépôt de la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne contre laquelle a été formée opposition en s’appuyant sur cette marque antérieure, notamment à la suite d’un éventuel retrait de l’État membre concerné de l’Union européenne conformément à l’article 50 TUE sans que des dispositions spécifiques à cet égard aient été prévues dans un éventuel accord conclu au titre de l’article 50, paragraphe 2, TUE, est donc en principe dépourvue de pertinence pour l’issue de l’opposition. L’existence d’un intérêt à agir pour un recours devant le Tribunal contre une décision des chambres de recours de l’EUIPO faisant droit à une telle opposition s’appuyant sur une telle marque nationale antérieure – ou confirmant une décision de la division d’opposition dans ce sens – n’en est en principe pas non plus affectée [voir, par analogie, arrêt du 8 octobre 2014, Fuchs/OHMI – Les Complices (Étoile dans un cercle), T‑342/12, EU:T:2014:858, points 23 à 29].

 Sur le moyen unique

 Sur la portée du moyen unique

20      Au soutien de son recours, la requérante soulève un moyen unique qu’elle affirme tirer d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. À cet égard, elle se limite à faire valoir qu’il n’était pas nécessaire d’aborder la question de l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, dès lors que l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait pas été prouvé par l’intervenante. Comme le soulèvent, à juste titre, l’EUIPO et, en substance, l’intervenante, la requérante n’avance donc pas d’arguments spécifiques qui seraient susceptibles d’étayer un moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

21      Cependant, comme le reconnaissent également l’EUIPO et, en substance, l’intervenante, il ressort sans équivoque de l’ensemble de la requête que la requérante critique l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’intervenante avait bien démontré avoir fait un usage sérieux de la marque antérieure pour les produits et les services visés au point 6 ci-dessus. Le fait que l’EUIPO et l’intervenante ont défendu la décision attaquée notamment à cet égard démontre, en outre, que, au vu de la requête, ils étaient bien en mesure de saisir que la requérante faisait valoir une erreur de la chambre de recours dans l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure. Dans ces circonstances, il serait excessif d’exiger, comme le propose l’intervenante, que la requérante cite expressément les dispositions précises qui sont susceptibles d’être violées par une telle erreur.

22      Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la requérante soulève un moyen unique au soutien de son recours qui est tiré, en substance, d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 et par lequel elle fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a reconnu que l’intervenante avait prouvé l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits et les services visés au point 6 ci-dessus. Lors de l’audience, la requérante a confirmé que la requête devait être comprise en ce sens.

23      À l’appui de son moyen unique, la requérante fait valoir que les éléments de preuve d’usage présentés par l’intervenante à l’EUIPO n’étaient pas suffisants pour établir un usage sérieux de la marque antérieure. À cet égard, elle fait valoir, en substance, cinq arguments.

24      En premier lieu, la plupart des éléments de preuve produits par l’intervenante ne relèveraient pas de la période pertinente.

25      En deuxième lieu, il ne serait pas démontré que les catalogues produits par l’intervenante aient effectivement fait l’objet d’une diffusion suffisante auprès du public pertinent. En outre, il ne serait pas démontré que les pages des catalogues produites correspondent effectivement aux couvertures desdits catalogues, dès lors que ceux-ci n’ont pas été produits intégralement. Le dossier ne contiendrait pas non plus d’élément de preuve indépendant susceptible de confirmer le fait que les dates indiquées sur les catalogues produits sont authentiques.

26      En troisième lieu, certains des éléments de preuve concerneraient un signe qui diffère de la marque antérieure au point d’en altérer le caractère distinctif. En outre, son utilisation serait destinée à des fins de décoration et non de marque.

27      En quatrième lieu, la déclaration sur l’honneur ne serait ni objective ni étayée par des éléments de preuve concordants. En particulier, la seule facture produite à l’appui de la déclaration sur l’honneur serait adressée à The Guide Association Scotland qui serait membre de l’intervenante. Ainsi, cette facture concernerait un usage interne de la marque antérieure et non pas un usage public vers l’extérieur. Par ailleurs, les codes produit figurant sur cette facture ne seraient pas les mêmes que ceux contenus dans les catalogues produits par l’intervenante. Il ne serait donc pas possible de savoir s’il s’agit des mêmes produits.

28      En cinquième lieu, dès lors que les éléments de preuve produits par l’intervenante ne seraient pas susceptibles de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure au cours de la période pertinente, il n’y aurait pas lieu de procéder à une appréciation globale de ces éléments en l’espèce.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante et considèrent que la chambre de recours était fondée à conclure, à l’issue d’une appréciation globale des éléments de preuve soumis par l’intervenante, que ceux-ci étaient de nature à démontrer que l’intervenante avait fait un usage sérieux de la marque antérieure au cours de la période pertinente.

 Appréciation du moyen unique

30      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 du même règlement (devenu considérant 24 du règlement 2017/1001), et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque de l’Union européenne consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 17 janvier 2013, Reber/OHMI – Wedi & Hofmann (Walzer Traum), T‑355/09, non publié, EU:T:2013:22, point 25 et jurisprudence citée].

31      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37].

32      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

33      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 41].

34      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

35      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’analyser les cinq arguments précis avancés par la requérante (voir points 24 à 28 ci-dessus).

–       Sur le premier argument de la requérante

36      La requérante fait valoir, en premier lieu, que la plupart des éléments de preuve produits par l’intervenante ne relèvent pas de la période pertinente.

37      Selon l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, dans sa version applicable ratione temporis en l’espèce, à savoir, antérieure aux modifications apportées par le règlement 2015/2424 (voir point 18 ci-dessus), la période pertinente pour laquelle le titulaire d’une marque nationale antérieure, qui a fait opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, doit apporter la preuve que la marque nationale antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre où elle est protégée correspond aux cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque de l’Union européenne. Comme la publication de la demande de marque de l’Union européenne est intervenue, en l’espèce, le 10 juin 2015 (voir point 4 ci-dessus), la période pertinente est celle allant du 10 juin 2010 au 9 juin 2015, comme l’a constaté, à juste titre, la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée.

38      Dans la mesure où la requérante fait valoir que certains éléments de preuve ne relèvent pas de la période pertinente, il convient d’observer qu’il découle sans équivoque de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 que c’est seulement l’usage sérieux qui doit intervenir au cours de la période pertinente. Pour autant que des éléments de preuve invoqués aux fins de démontrer l’usage sérieux portent sur un usage fait au cours de la période pertinente, il ne saurait être exigé que ces éléments de preuve aient eux-mêmes été établis au cours de cette période pertinente. Par suite, l’argument de la requérante, selon lequel certains éléments de preuve ne relèvent pas de la période pertinente pour le seul motif qu’ils auraient été établis en dehors de ladite période, n’est pas, en tant que tel, susceptible de nier leur caractère probant au regard de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009.

39      S’agissant de la première série de documents, la chambre de recours a relevé, au point 33 de la décision attaquée, que l’annexe 2 contenait notamment l’impression d’une page du site Internet de l’intervenante effectuée le 11 avril 2016 et faisant référence à une campagne menée entre janvier et août 2014 et intitulée « The Big Brownie Birthday » et que l’annexe 5 comprenait notamment deux articles, « South East Brownies celebrate 100th birthday », daté du 18 janvier 2014, et « North West Brownies bid for sleepover world record », en date du 28 septembre 2014. Comme l’a constaté à juste titre, en substance, la chambre de recours, ces documents concernent effectivement des événements ayant eu lieu pendant la période pertinente, ce que la requérante reconnaît par ailleurs. Concernant ces deux annexes, au vu de ce qui a été constaté au point 38 ci-dessus, les arguments de la requérante manquent donc en fait.

40      En ce qui concerne l’annexe 4 de la première série de documents, la chambre de recours a relevé, au point 38 de la décision attaquée, qu’elle contenait notamment une impression faite le 13 avril 2016 d’une page de la boutique en ligne d’un magasin intitulée « Guides, Brownies & Rainbows » sur laquelle sont listés différents articles vestimentaires faisant partie de l’uniforme officiel des « Brownies ». La chambre de recours a également relevé que ladite annexe contenait d’autres impressions similaires de plusieurs boutiques en ligne, faites les 13 et 14 avril 2016, présentant des sacs, des tasses et des articles vestimentaires faisant partie de l’uniforme des « Brownies ».

41      À cet égard, la chambre de recours a, en substance, rappelé à bon droit, au point 39 de la décision attaquée, que des éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente n’étaient pas, a priori, dépourvus de pertinence. En effet, il ressort de la jurisprudence que la prise en considération de tels éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu’elle permet de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque antérieure ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d’autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2012, El Corte Inglés/OHMI – Pucci International (PUCCI), T‑39/10, non publié, EU:T:2012:502, points 25 et 26 ; du 16 juin 2015, Polytetra/OHMI – EI du Pont de Nemours (POLYTETRAFLON), T‑660/11, EU:T:2015:387, point 54, et du 8 avril 2016, Frinsa del Noroeste/EUIPO – Frisa Frigorífico Rio Doce (FRISA), T‑638/14, non publié, EU:T:2016:199, points 38 et 39].

42      Par conséquent, la chambre de recours a pu considérer à bon droit, au point 40 de la décision attaquée, que, bien que ces impressions de pages de boutiques en ligne contenues dans l’annexe 4 de la première série de documents soient postérieures à la période pertinente, elles présentaient des éléments justificatifs supplémentaires de l’usage de la marque antérieure au cours de la période pertinente, vu la proximité temporelle de l’usage auquel elles faisaient référence et puisqu’elles fournissaient des preuves de continuité de l’usage dans le temps. La requérante n’avance aucun argument concret susceptible de remettre en cause la prise en compte de ces impressions de pages Internet en tant qu’éléments permettant de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque antérieure ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de cette période. Elle se limite, en effet, à avancer que ces impressions de pages Internet ne démontrent pas que les produits en cause ont effectivement été proposés à la vente dans les boutiques en ligne au cours de la période pertinente, ce que la chambre de recours n’a cependant pas prétendu.

43      En outre, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé, au point 40 de la décision attaquée, que l’impression d’une page d’une boutique en ligne montrant un t-shirt sur lequel était imprimé l’élément verbal « brownies » dans une police de caractères stylisée mentionnait, expressément, que ce produit y était vendu depuis le 4 mars 2015 et donc depuis une date incluse dans la période pertinente. Dans cette mesure, c’est donc à tort que la requérante affirme de manière générale que ces impressions de pages Internet ne prouvent pas que le public pouvait acheter les produits en cause au cours de la période pertinente.

44      Pour ce qui est, enfin, des autres documents faisant partie de la première série de documents, il suffit de constater que la chambre de recours ne s’est pas fondée sur ceux-ci, de sorte que les critiques de la requérante contre leur prétendue prise en compte sont, en tout état de cause, inopérantes.

45      S’agissant de la seconde série de documents, il ressort des points 34 à 37 de la décision attaquée que la chambre de recours a tenu compte du document principal, à savoir la déclaration sur l’honneur, faite sous la forme d’un « witness statement » (déclaration de témoin) le 12 janvier 2017, ainsi que de ses annexes 1 et 2, soit, d’une part, les copies des pages de couverture ainsi que de certaines pages du contenu des catalogues Guiding Essentials pour les années 2010/11, 2011/12, 2012/13, 2013/14 et 2014/15 (annexe 1) et, d’autre part, une facture datée du 6 octobre 2014 émise par Guide Association Trading Services Ltd et adressée à The Guide Association Scotland (annexe 2).

46      Comme l’admet la requérante elle-même, la déclaration sur l’honneur renvoie à des faits qui se sont déroulés au cours de la période pertinente. Au vu de ce qui a été constaté au point 38 ci-dessus, la valeur probante de ce document ne saurait être écartée en raison de sa date et il convient donc d’en tenir compte. S’agissant des annexes 1 et 2 de la déclaration sur l’honneur, force est de constater qu’elles concernent un usage fait au cours de la période pertinente, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas.

47      Pour ce qui est des autres documents faisant partie de la seconde série de documents, il suffit de constater de nouveau que la chambre de recours ne s’est pas fondée sur ceux-ci, de sorte que d’éventuelles critiques de la requérante contre leur prise en compte sont, en tout état de cause, inopérantes.

48      Dès lors, l’argument de la requérante, selon lequel la chambre de recours a tenu compte d’éléments de preuve qui ne relèvent pas de la période pertinente, doit être rejeté.

–       Sur le deuxième argument de la requérante

49      En deuxième lieu, la requérante soutient qu’il n’est pas démontré que les catalogues produits par l’intervenante aient effectivement connu une diffusion suffisante auprès du public pertinent. En outre, il ne serait pas démontré que les pages produites correspondent effectivement aux couvertures desdits catalogues, dès lors que ceux-ci n’ont pas été produits intégralement. Le dossier ne contiendrait pas non plus d’élément de preuve indépendant susceptible de confirmer le fait que les dates indiquées sur les catalogues sont authentiques.

50      À cet égard, il a, certes, déjà été jugé qu’il est en principe nécessaire de démontrer que du matériel publicitaire mentionnant la marque antérieure dont l’usage sérieux doit être prouvé a connu une diffusion suffisante auprès du public pertinent pour établir le caractère sérieux de l’usage de la marque en cause [voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2012, Arrieta D. Gross/OHMI – International Biocentric Foundation e.a. (BIODANZA), T‑298/10, non publié, EU:T:2012:113, point 68 ; du 2 février 2017, Marcas Costa Brava/EUIPO – Excellent Brands JMI (Cremcaffé by Julius Meinl), T‑686/15, non publié, EU:T:2017:53, point 61, et du 7 juin 2018, Sipral World/EUIPO – La Dolfina (DOLFINA), T‑882/16, non publié, EU:T:2018:336, point 60].

51      Cependant, il résulte également de la jurisprudence rappelée aux points 32 et 34 ci-dessus que, dans le cadre de l’appréciation des preuves de l’usage sérieux d’une marque, il ne s’agit pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Ainsi, même si la valeur probante d’un élément de preuve est limitée, dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si et comment les produits concernés ont été mis sur le marché, et si cet élément n’est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque en cause. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément vient s’ajouter à d’autres éléments de preuve [arrêts du 9 décembre 2014, Inter-Union Technohandel/OHMI – Gumersport Mediterranea de Distribuciones (PROFLEX), T‑278/12, EU:T:2014:1045, points 64 à 69, et du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, point 74].

52      En l’espèce, ainsi qu’il ressort notamment des points 39, 40, 43 et 45 ci-dessus, les catalogues constituaient des éléments parmi d’autres, présentés par l’intervenante aux fins de prouver l’usage sérieux. Par suite, ils pouvaient, en l’espèce, légitimement être pris en compte par la chambre de recours dans le cadre de l’appréciation globale des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure produits par l’intervenante.

53      S’agissant des autres critiques avancées par la requérante concernant les catalogues, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [arrêts du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 42 ; du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 49, et du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 64].

54      À cet égard, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 37 de la décision attaquée, que le style général des pages des catalogues produites par l’intervenante correspondait à celui des couvertures des catalogues produites par l’intervenante. Par suite, il est, a priori, plausible que les pages des catalogues produites constituent effectivement des extraits du contenu des catalogues dont la page de couverture a été produite. Dans ces circonstances, il incombe, en principe, à la requérante d’avancer des arguments étayés susceptibles d’ébranler cette plausibilité. Cependant, en l’espèce, la requérante se borne, en substance, à avancer des supputations sans aucun indice concret à l’appui de son argumentation.

55      En effet, premièrement, la requérante avance que rien ne prouve que les couvertures correspondent aux pages produites puisque les catalogues sont incomplets et qu’il n’existe aucun élément tendant à indiquer que les pages correspondent aux années indiquées sur les couvertures. Par cet argument vague, la requérante ne parvient toutefois pas à priver de plausibilité le fait que les pages des catalogues produites constituent effectivement des extraits du contenu des catalogues pour les années indiquées sur les pages de couverture produites.

56      Deuxièmement, la requérante fait valoir que les extraits des catalogues indiquent que les produits qui y sont mentionnés ne peuvent être achetés que de trois manières différentes : en ligne sur le site Internet de l’intervenante, dans ses boutiques ou par téléphone. Le fait, avancé par la requérante, que les produits en cause étaient également vendus par des boutiques en ligne autres que celle de l’intervenante (voir points 40 à 43 ci-dessus) contredirait donc l’authenticité des catalogues ou, inversement, les catalogues contrediraient le fait que les produits en cause étaient également vendus par des boutiques en ligne autres que celle de l’intervenante. Cependant, au vu des extraits des catalogues produits par l’intervenante, force est de constater qu’il n’y est pas indiqué que les canaux de vente mentionnés par la requérante constituent les seules sources auprès desquelles il est possible de se procurer des articles sur lesquels est apposée la marque antérieure. Les formulations reprises dans les catalogues produits n’excluent en effet pas que d’autres détaillants que l’intervenante vendent également de tels produits. Comme l’observe à juste titre l’EUIPO, il n’est pas anormal que ces autres détaillants ne soient pas mentionnés dans les catalogues de l’intervenante. Interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante n’a pas été en mesure d’identifier une formulation précise dans les catalogues qui indiquerait sans équivoque que les canaux de vente mentionnés dans les catalogues constituent les seules sources auprès desquelles il est possible de se procurer des articles sur lesquels est apposée la marque antérieure. Cet argument de la requérante manque donc en fait, de sorte qu’il ne saurait pas non plus constituer un indice susceptible de priver de plausibilité le fait que les pages des catalogues produites constituent effectivement des extraits du contenu des catalogues dont la page de couverture a été produite.

57      Troisièmement, la requérante insiste sur ce que les codes produit repris dans les catalogues ne correspondent pas à ceux repris dans la facture produite en tant qu’annexe 1 à la déclaration sur l’honneur produite dans le cadre de la seconde série de documents. À cet égard, force est de constater qu’au moins certains des codes produit repris dans ladite facture correspondent à ceux figurant dans le catalogue 2014/15, comme par exemple les codes produit 3141 à 3146 pour des t-shirts à manche courte, les codes produit 3148 à 3150 pour des t-shirts à manches longues, les codes produit 3156 à 3158 pour des pull-overs à capuche avec tirette, le code produit 3169 pour des pantalons, le code produit 2183 pour des bandeaux et le code produit 2187 pour un portefeuille. Interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante n’a pas non plus été en mesure d’identifier les codes produit précis figurant dans les catalogues produits par l’intervenante qui ne correspondraient pas à ceux mentionnés dans la facture susmentionnée. Il s’avère donc que cet argument de la requérante est dépourvu de tout fondement en fait et qu’il n’est pas non plus capable de priver de plausibilité le fait que les pages des catalogues produites constituent effectivement des extraits du contenu des catalogues dont la page de couverture a été produite.

58      Il s’ensuit que le deuxième argument de la requérante doit également être rejeté.

–       Sur le troisième argument de la requérante

59      En troisième lieu, selon la requérante, certains des éléments de preuve concernent un signe qui diffère de la marque antérieure au point d’en altérer le caractère distinctif. En outre, son utilisation serait effectuée à titre de décoration et non à titre de marque.

60      À cet égard, d’une part, il convient de relever que, bien que l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 dans sa version applicable ratione temporis en l’espèce, à savoir antérieure aux modifications apportées par le règlement 2015/2424 (voir point 18 ci-dessus) [devenu article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2017/1001], se réfère uniquement à l’usage d’une marque de l’Union européenne, il doit s’appliquer par analogie à l’usage d’une marque nationale, dans la mesure où l’article 42, paragraphe 3, du même règlement prévoit que le paragraphe 2 de cet article s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, « étant entendu que l’usage dans [l’Union] est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée » [arrêt du 14 juillet 2014, Vila Vita Hotel und Touristik/OHMI – Viavita (VIAVITA), T‑204/12, non publié, EU:T:2014:646, point 24].

61      D’autre part, en ce qui concerne la portée de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du même règlement, il convient de rappeler que, en vertu d’une application combinée de ces dispositions, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de l’Union européenne, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 21].

62      L’objet de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 est d’éviter d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée et de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [arrêt du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, EU:T:2006:65, point 50].

63      Le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir arrêt du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, point 31 et jurisprudence citée].

64      Il convient donc d’examiner si, en l’espèce, les différences entre le signe sous sa forme enregistrée et le signe sous ses formes utilisées sur le marché sont de nature à altérer le caractère distinctif de la marque antérieure dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

65      À cet égard, il y a lieu de rappeler (voir point 6 ci-dessus) que la marque antérieure, telle qu’enregistrée, est une série de marques verbales incluant le signe verbal Brownies. Il ressort du point 48 de la décision attaquée et du dossier de la procédure devant l’EUIPO, transmis au Tribunal, qu’une partie des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure fournis par l’intervenante concernent l’usage de cette marque sous la forme suivante, le cas échéant représentée dans un cadre rectangulaire irrégulier :

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66      Ainsi que la chambre de recours l’a correctement constaté au point 48 de la décision attaquée, le mot « brownies » est clairement lisible dans cette forme d’utilisation de la marque antérieure. C’est également à bon droit que, au même point 48, la chambre de recours a rappelé qu’il ressortait de la jurisprudence que, lorsqu’une marque était composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers étaient, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen ferait plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 22 mai 2008, NewSoft Technology/OHMI – Soft (Presto ! Bizcard Reader), T‑205/06, non publié, EU:T:2008:163, point 54 et jurisprudence citée]. De même, la chambre de recours ne saurait être critiquée pour avoir considéré, au point 49 de la décision attaquée, que les éléments figuratifs de la marque reproduite au point 65 ci-dessus ne jouaient pas un rôle important dans l’impression d’ensemble du signe et n’avaient pas de contenu sémantique intrinsèque qui donnerait à la marque un caractère distinctif ou désignerait les produits concernés. En effet, lesdits éléments figuratifs se limitent à la présentation du mot « brownies » dans une police de caractères stylisée jaune et à celle du point sur la lettre « i » sous la forme d’une fleur ainsi que, le cas échéant, à celle d’un cadre rectangulaire irrégulier.

67      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, en substance, au point 50 de la décision attaquée, que les différences entre, d’une part, la marque utilisée dans la forme rappelée au point 65 ci-dessus et, d’autre part, la marque antérieure dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée n’étaient pas de nature à altérer le caractère distinctif de cette dernière. Au titre de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, l’usage de la marque dans cette première forme doit donc être considéré comme un usage de la marque antérieure.

68      Dans ce contexte, il est sans importance que certains des produits contenus dans les catalogues produits par l’intervenante contiennent des mots représentés dans une stylisation qui est pour l’essentiel identique à celle rappelée au point 65 ci-dessus. Cette circonstance ne change rien au fait que le mot « brownies » demeure l’élément distinctif dans le signe ainsi stylisé et que, par suite, l’usage de la marque dans cette forme est considéré comme usage de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

69      Enfin, dans la mesure où la requérante avance que l’usage du signe antérieur dans la forme stylisée rappelée au point 65 ci-dessus semble être effectué à titre de décoration et non à titre de marque, il y a lieu de rappeler que la fonction essentielle d’une marque est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée (voir point 31 ci-dessus). Étant donné qu’au moins l’élément verbal « brownie » figurant dans la marque stylisée dans la forme rappelée au point 65 ci-dessus possède un certain caractère distinctif, force est de constater que la marque antérieure, telle que stylisée, est en principe capable de remplir cette fonction essentielle. La circonstance que, au vu de sa stylisation particulière, une marque figurative, tout en possédant un certain caractère distinctif, peut également servir à décorer le produit sur lequel elle est apposée est sans incidence sur la capacité d’une telle marque figurative à remplir la fonction essentielle d’une marque. Cela est d’autant plus vrai pour le secteur des vêtements, compris dans un sens large, dans lequel il n’est pas inhabituel d’apposer une forme stylisée d’une marque sur les produits concernés. Par conséquent, même si, en l’espèce, l’apposition de la marque, telle que stylisée, peut également être utilisée à titre de décoration des produits concernés, au vu de son caractère distinctif, elle remplit néanmoins simultanément la fonction essentielle d’une marque.

70      Il s’ensuit que le troisième argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le quatrième argument de la requérante

71      En quatrième lieu, la requérante relève que la déclaration sur l’honneur n’est ni objective ni étayée par des éléments de preuve concordants. En particulier, la seule facture produite à l’appui de la déclaration sur l’honneur serait adressée à The Guide Association Scotland qui serait membre de l’intervenante. Ainsi, cette facture concernerait un usage interne de la marque antérieure et non pas un usage public vers l’extérieur. Par ailleurs, les codes produit figurant sur cette facture ne seraient pas les mêmes que ceux contenus dans les catalogues produits par l’intervenante. Il ne serait donc pas possible de savoir s’il s’agit des mêmes produits.

72      Pour ce qui est de la déclaration sur l’honneur, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001] que les déclarations écrites, faites sous serment ou solennellement, ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites, font partie des mesures d’instruction que l’EUIPO peut notamment prendre.

73      En l’espèce, la déclaration sur l’honneur a été faite sous la forme d’un « witness statement » (déclaration de témoin). Il s’agit donc de la forme décrite par la règle 32.4, paragraphe 1, des Civil Procedure Rules (règles de procédure civile) applicables en Angleterre et au pays de Galles, selon laquelle « [u]ne déclaration de témoin est une déclaration écrite signée par une personne et qui contient un témoignage que cette personne serait autorisée à présenter oralement ».

74      Il y a également lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir point 53 ci-dessus).

75      Dans la mesure où la requérante invoque les directives d’examen de l’EUIPO, d’une part, il y a lieu de rappeler que celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (voir arrêt du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 49 et jurisprudence citée). D’autre part, force est de constater que, au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la valeur probante de déclarations faites par les parties intéressées elles-mêmes ou par leurs employés pesait généralement moins lourd que les preuves émanant d’une source indépendante, ce qui correspond au passage des directives d’examen de l’EUIPO cité par la requérante. Cet argument précis de la requérante est donc, en tout état de cause, inopérant.

76      Comme l’ont rappelé, en substance, à bon droit, la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée ainsi que la requérante, il résulte de la jurisprudence que, lorsque, comme en l’espèce, une déclaration a été établie au sens de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 par l’un des membres du personnel chargés de fonctions d’encadrement de la partie devant démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure, il ne peut être attribué une valeur probante à ladite déclaration que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 9 décembre 2014, PROFLEX, T‑278/12, EU:T:2014:1045, point 51 et jurisprudence citée).

77      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, au point 36 de la décision attaquée, que la déclaration sur l’honneur concernait le chiffre d’affaires annuel réalisé pour les vêtements, sacs, badges, articles de papeterie, tasses et anneaux de porte-clés vendus sur le marché du Royaume-Uni sous la marque antérieure entre 2009 et 2016. La chambre de recours a observé que, selon la déclaration sur l’honneur, les quantités vendues auraient été relativement importantes. Il ressort, en outre, de l’économie de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve qu’elle avait appréciés par la suite, à savoir, premièrement, les catalogues présentés en tant qu’annexe 1 à la déclaration sur l’honneur (point 37 de la décision attaquée ; voir également points 50 à 57 ci-dessus), deuxièmement, les impressions de pages de plusieurs boutiques en ligne figurant dans l’annexe 4 de la première série de documents (points 38 à 40 de la décision attaquée ; voir également points 40 à 43 ci-dessus) et, troisièmement, la facture présentée en tant qu’annexe 2 à la déclaration sur l’honneur (points 41 à 43 de la décision attaquée), corroboraient les informations ressortant de la déclaration sur l’honneur.

78      Pour ce qui est précisément de cette facture, la requérante fait valoir que celle-ci ne saurait être prise en compte dès lors qu’elle concerne un usage interne de la marque antérieure et non pas un usage public vers l’extérieur.

79      À cet égard, l’EUIPO et l’intervenante rappellent, à juste titre, que, dans ses observations du 29 juin 2017 soumises dans le cadre de la procédure devant la division d’opposition, l’intervenante avait soumis des preuves desquelles il découle que la destinataire de la facture en cause, The Guide Association Scotland (également connue sous le nom de Girlguiding Scotland), est une organisation caritative  indépendante écossaise, dotée de ses propres statuts et de son propre conseil d’administration.

80      C’est, certes, à bon droit que la requérante fait valoir que la destinataire de la facture appartient au réseau global Girlguiding UK, ce que l’EUIPO et l’intervenante ne nient d’ailleurs pas. Cependant, la thèse défendue par la requérante, selon laquelle la destinataire de la facture en cause est une association membre de l’intervenante au motif que celle-ci est une association plus large et qu’il s’agit d’une seule et même entité, est contredite par les preuves mentionnées au point 79 ci-dessus, soumises par l’intervenante au cours de la procédure devant l’EUIPO. Le fait que deux organisations caritatives qui sont indépendantes l’une de l’autre sur le plan juridique collaborent dans le cadre d’un réseau dont elles font partie ne signifie pas qu’il s’agit en réalité d’une même entité juridique, comme le prétend la requérante.

81      Cela est d’autant plus vrai s’agissant de la facture en cause, dès lors que celle-ci n’émane pas de l’intervenante elle-même, mais de sa branche commerciale, à savoir la société distincte Guide Association Trading Services.

82      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, lorsque le titulaire d’une marque fait valoir des actes d’usage de cette marque par un tiers au soutien de l’invocation de son usage sérieux, il prétend, implicitement, que cet usage a été effectué avec son consentement, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (voir arrêt du 13 janvier 2011, PINE TREE, T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 62 et jurisprudence citée).

83      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’usage de la marque antérieure étayé par la facture en cause ne saurait être considéré comme étant issu de l’entreprise titulaire de la marque antérieure ou dans un réseau de distribution possédé ou contrôlé par elle.

84      Ainsi, c’est sans commettre d’erreurs d’appréciation que la chambre de recours a considéré, en substance, aux points 41 et 42 de la décision attaquée, que la facture concernait un usage public et vers l’extérieur de la marque antérieure et qu’il convenait donc d’en tenir compte aux fins d’apprécier si l’intervenante avait bien démontré avoir fait un usage sérieux de la marque antérieure.

85      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante tiré de ce que les codes produit figurant sur la facture en cause ne seraient pas les mêmes que ceux contenus dans les catalogues produits par l’intervenante, il y a lieu de renvoyer aux considérations exposées au point 57 ci-dessus, desquelles il découle que cet argument n’est pas fondé.

86      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a pu, à bon droit, considérer que les catalogues présentés en tant qu’annexe 1 à la déclaration sur l’honneur, les impressions de pages de plusieurs boutiques en ligne figurant dans l’annexe 4 de la première série de documents et la facture présentée en tant qu’annexe 2 à la déclaration sur l’honneur constituaient des éléments de preuve corroborant la déclaration sur l’honneur et qu’il y avait donc lieu d’attribuer une valeur probante à ladite déclaration.

87      Il s’ensuit que le quatrième argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le cinquième argument de la requérante

88      En cinquième lieu, selon la requérante, dès lors que les éléments de preuve produits par l’intervenante ne sont pas susceptibles de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure au cours de la période pertinente, il n’y a pas lieu de procéder à une appréciation globale de ces éléments en l’espèce.

89      Eu égard aux considérations du Tribunal présentées aux points 36 à 87 ci-dessus, s’agissant des premier à quatrième arguments de la requérante, force est de constater que, contrairement à ce qu’avance la requérante, l’intervenante a bien soumis des éléments de preuve pertinents pour l’usage sérieux de la marque antérieure au cours de la période pertinente et que la chambre de recours était fondée à les prendre en compte aux fins d’une appréciation globale. Il s’ensuit que le cinquième argument de la requérante doit être rejeté.

90      En tout état de cause, l’appréciation globale des éléments de preuve effectuée par la chambre de recours aux points 51 et 52 de la décision attaquée n’est entachée d’aucune erreur d’appréciation. En effet, celle-ci a considéré, en substance, que la déclaration sur l’honneur était appuyée par divers catalogues, une facture, des pages de boutiques en ligne, des articles et des publications et que ces éléments de preuve établissaient que l’intervenante avait fait un usage sérieux de la marque antérieure pour les produits et les services visés au point 6 ci-dessus. Comme le rappelle, à juste titre, l’EUIPO, les produits de l’intervenante portant la marque antérieure sont destinés principalement à un public de niche spécifique, à savoir des filles âgées de sept à dix ans, membres de l’association Girlguiding UK, dont le nombre s’élève à environ 200 000 selon les données fournies dans la déclaration sur l’honneur. Dans ces circonstances, les chiffres d’affaires dont témoigne la déclaration sur l’honneur doivent être considérés comme relativement importants pour le secteur concerné. Eu égard également au fait que ces chiffres d’affaires sont pour l’essentiel constants au cours de l’ensemble de la période pertinente, la chambre de recours a pu, à bon droit, conclure que, dans l’ensemble, l’intervenante avait démontré avoir fait un usage sérieux de la marque antérieure.

–       Conclusion

91      Aucun des arguments avancés dans la requête par la requérante à l’appui de son moyen unique n’est donc fondé.

92      Dans la mesure où la requérante a, en outre, fait valoir, lors de l’audience, que la décision attaquée ne serait pas conforme à la pratique décisionnelle des chambres de recours de l’EUIPO, il y a lieu d’observer que la requérante n’a pas présenté un tel argument dans la requête, ce qu’elle a reconnu lors de l’audience.

93      Cela étant, il ressort de la jurisprudence que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de « bonne administration ». Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’appréciation de preuves visant à démontrer l’usage sérieux d’une marque antérieure, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. Or, les principes d’égalité de traitement et de « bonne administration » doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne faisant valoir l’absence d’usage sérieux d’une marque antérieure, invoquée à l’appui d’une opposition, ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 76 et jurisprudence citée).

94      En l’espèce, il s’est avéré que, contrairement à ce qui a pu être le cas pour certaines preuves produites devant l’EUIPO dans le cadre d’autres procédures et dans le but de démontrer l’usage sérieux d’une marque antérieure, la chambre de recours était fondée à considérer que les preuves produites par l’intervenante suffisaient à établir que celle-ci avait fait un usage sérieux de la marque antérieure.

95      Dans ces circonstances, la requérante ne peut pas, en tout état de cause, utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO et il n’est donc pas besoin de se prononcer sur la recevabilité de cet argument présenté pour la première fois lors de l’audience.

96      Par suite, il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante, ses conclusions, tant en annulation qu’en réformation, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Grupo Textil Brownie, SL est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 janvier 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.