Language of document : ECLI:EU:T:2023:439

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale MARKT-PILOT – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑22/23,

Markt-Pilot GmbH, établie à Beilstein (Allemagne), représentée par Mes M. Nielen et A. Puff, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Klee, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure), présidente, M. I. Dimitrakopoulos et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Markt-Pilot GmbH, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 novembre 2022 (affaire R 672/2022-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 11 août 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal MARKT-PILOT.

3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant notamment, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 9 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels d’application pour l’exploration de données ; logiciels d’application pour l’exploration de données à des fins de tarification de biens et de services ; logiciels d’application pour l’exploration de données à des fins de tarification de pièces de rechange ; logiciels d’application pour l’exploration de données pour les appareils mobiles ; logiciels d’application pour l’exploration de données pour les appareils mobiles à des fins de tarification de biens et de services ; logiciels d’application pour l’exploration de données pour les appareils mobiles à des fins de tarification de pièces de rechange ; logiciels d’application pour l’informatique en nuage pour l’exploration de données ; logiciels d’application pour l’informatique en nuage pour l’exploration de données à des fins de tarification de biens et de services ; logiciels d’application pour l’informatique en nuage pour l’exploration de données à des fins de tarification de pièces de rechange ; applications mobiles pour l’exploration de données ; applications mobiles pour l’exploration de données à des fins de tarification de biens et de services ; applications mobiles pour l’exploration de données à des fins de tarification de pièces de rechange » ;

–        classe 42 : « Développement de logiciels d’exploration de données ; développement de logiciels d’exploration de données à des fins de tarification de biens et de services ; développement de logiciels d’exploration de données à des fins de tarification de pièces de rechange ; conseils en matière de logiciels liés aux logiciels d’exploration de données ; conseils en matière de logiciels liés aux logiciels d’exploration de données à des fins de tarification de biens et de services ; conseils en matière de logiciels liés aux logiciels d’exploration de données à des fins de tarification de pièces de rechange ; conception de logiciels d’exploration de données ; conception de logiciels d’exploration de données à des fins de tarification de biens et de services ; conception de logiciels d’exploration de données à des fins de tarification de pièces de rechange ; implémentation de logiciels d’exploration de données ; implémentation de logiciels d’exploration de données à des fins de tarification de biens et de services ; implémentation de logiciels d’exploration de données à des fins de tarification de pièces de rechange ».

4        Par décision du 11 mars 2022, l’examinatrice a rejeté, en tant qu’elle visait les produits et les services mentionnés au point 3 ci-dessus, la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 22 avril 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinatrice.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée, d’une part, possédait un caractère descriptif au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et, d’autre part, était dépourvue de caractère distinctif au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse où une audience serait tenue.

 En droit

9        La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

10      La requérante soutient que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque demandée possédait un caractère descriptif au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

11      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

12      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

13      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 27, et du 2 mai 2012, Universal Display/OHMI (UniversalPHOLED), T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 14 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31].

14      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

15      En l’espèce, premièrement, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent est le public de l’Union, composé notamment de professionnels, à savoir de spécialistes de l’informatique et du marketing germanophones. Elle considère toutefois que le public pertinent est également composé du grand public et de professionnels qui ne sont pas des spécialistes de l’informatique ou du marketing.

16      À cet égard, il convient de relever, à la suite de l’EUIPO, que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 s’oppose à l’enregistrement d’une marque lorsqu’une partie non négligeable du public pertinent perçoit le caractère descriptif de cette marque [voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2022, Maternus/EUIPO – adp Gauselmann (WILD), T‑116/21, non publié, EU:T:2022:47, point 27 et jurisprudence citée]. Or, la requérante n’allègue pas que les spécialistes de l’informatique et du marketing constitueraient une partie négligeable de ce public.

17      Par conséquent, il convient de considérer que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la chambre de recours d’avoir examiné le caractère descriptif de la marque demandée au regard des seuls spécialistes de l’informatique et du marketing.

18      Deuxièmement, il y a lieu de relever que la chambre de recours a considéré, sans que cela ne soit contesté par la requérante, que, d’une part, le mot « markt » désignerait, pour le public pertinent, un « espace économique » et que, d’autre part, le mot « pilot » pouvait signifier en allemand « tentative préalable » ou « test visant à détecter ou à clarifier des aspects importants, des problèmes, etc. ».

19      La requérante fait toutefois valoir à cet égard que la signification du mot « pilot » varie selon que celui-ci est utilisé en tant que préfixe ou en tant que substantif. Elle reproche ainsi à la chambre de recours de s’être fondée sur la définition de ce mot lorsque celui-ci est utilisé en tant que préfixe alors qu’il est utilisé en tant que substantif dans la marque demandée. Elle précise ainsi que la chambre de recours aurait dû considérer, en l’espèce, que ledit mot signifiait « personne qui dirige un avion » et qu’il était associé, de façon inhabituelle, au mot « markt », qui a trait à l’économie et non à l’aviation.

20      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour que l’EUIPO oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque et visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services, tels que ceux pour lesquels la demande est présentée, ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition rappelée au point 12 ci-dessus, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32).

21      Il s’ensuit que l’EUIPO n’a pas l’obligation de prouver que la marque demandée figure dans le dictionnaire pour établir son caractère descriptif (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2005, PAPERLAB, T‑19/04, EU:T:2005:247, point 34 et jurisprudence citée).

22      En l’espèce, il ressort certes de l’annexe K.10 de la requête, qui reproduit un extrait du dictionnaire allemand en ligne Duden, que la signification du mot « pilot » sur laquelle s’est fondée la chambre de recours correspond à l’utilisation de celui-ci en tant que préfixe. Il est également constant que le mot « pilot » n’est pas utilisé en tant que préfixe dans la marque demandée.

23      Toutefois, contrairement à ce que suggère la requérante, il résulte de la jurisprudence rappelée au point 21 ci-dessus qu’une telle circonstance ne permet pas, à elle seule, d’exclure qu’une partie du public pertinent percevra la signification du mot « pilot » retenue par la chambre de recours en l’espèce.

24      En outre, il y a lieu de relever que la requérante reconnaît elle-même que le mot « pilot » est susceptible d’être utilisé en tant qu’abréviation d’un substantif dont le préfixe est « pilot ». Elle précise, certes, que tel ne pourrait être le cas qu’en ce qui concerne le substantif « pilotfilm ». Toutefois, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 20 ci-dessus, il y a lieu de considérer, à la suite de la chambre de recours, qu’il ne saurait être exclu que le mot « pilot » puisse également être utilisé comme une abréviation du mot « pilotprojekt », quand bien même il n’aurait pas été établi que ledit mot était effectivement utilisé à cette fin au moment de la demande d’enregistrement.

25      Dans ces conditions, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que le public pertinent était susceptible de comprendre la marque demandée comme signifiant « projet pilote sur le marché ». Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que cette marque est inhabituelle au motif qu’elle associe le mot « markt », qui a trait à l’économie, au mot « pilot », qui a trait à l’aviation.

26      Troisièmement, la chambre de recours a considéré que les produits et les services en cause étaient liés à l’« exploration de données » (data mining), à savoir l’« utilisation de méthodes et d’algorithmes pour l’extraction aussi automatique que possible de liens empiriques entre des objets de planification dont les données sont fournies au sein d’une base de données construite à cet effet ». Elle a ajouté que ces produits et ces services pouvaient être utilisés afin de définir au mieux le positionnement commercial d’un nouveau produit.

27      La requérante relève que l’exploration de données, à laquelle se rapportent les produits et les services en cause, renvoie à une phase d’évaluation qui serait postérieure au « test de marché » auquel ferait, selon la chambre de recours, référence la marque demandée. Elle précise, à cet égard, qu’une tentative préalable ou un test visant à détecter ou à clarifier des aspects ou des problèmes importants n’implique pas nécessairement de collecter des données ni de les évaluer.

28      Toutefois, d’une part, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il a été mentionné au point 12 ci-dessus, une marque est descriptive dès lors qu’elle peut servir, dans le commerce, pour désigner l’une des caractéristiques des produits et des services qu’elle couvre. Il s’ensuit que, contrairement à ce que suggère la requérante, l’EUIPO peut se borner à relever qu’une telle marque décrit la destination de ces produits et services sans devoir démontrer, en outre, que lesdits produits et services seraient les seuls capables d’atteindre l’objectif décrit par ladite marque.

29      D’autre part, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément suggérant que l’exploration de données ne pourrait pas être utilisée en amont de la mise sur le marché d’un projet pilote afin de définir au mieux son positionnement commercial.

30      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque demandée pouvait décrire la destination des produits et des services en cause.

31      Il s’ensuit que le premier moyen de la requérante doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

32      La requérante soutient que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

33      Il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29, et du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI), T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, point 74].

34      Par conséquent, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 30 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le signe présenté à l’enregistrement revêtait un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et que ce motif justifiait à lui seul le refus d’enregistrement contesté, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner le bien-fondé du moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2008, Indorata-Serviços e Gestão/OHMI, C‑212/07 P, non publiée, EU:C:2008:83, point 28).

35      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

36      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

37      Bien que la requérante ait succombé en l’espèce, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens que dans l’hypothèse où une audience serait tenue. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Dimitrakopoulos

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.