Language of document : ECLI:EU:T:2021:189

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

14 avril 2021 (*)

« Aides d’État – Action sociale indépendante – Subventions octroyées aux associations d’un groupement régional d’action caritative – Rejet d’une plainte – Décision de ne pas soulever d’objections au terme de la phase préliminaire d’examen – Recours en annulation – Qualité de partie intéressée – Sauvegarde des droits procéduraux – Affectation substantielle de la position concurrentielle – Recevabilité – Absence de difficultés sérieuses – Absence de modification substantielle d’une aide existante »

Dans l’affaire T‑69/18,

Verband Deutscher Alten- und Behindertenhilfe, Landesverband Niedersachsen/Bremen und Hamburg/Schleswig-Holstein eV, établie à Hanovre (Allemagne),

CarePool Hannover GmbH, établie à Hanovre,

représentées par Me T. Unger, avocat, et M. S. Korte, professeur,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes K. Herrmann et F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Diakonisches Werk evangelischer Kirchen in Niedersachsen eV, établie à Hanovre, représentée par Me A. Bartosch, avocat,

par

Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Hannover eV, établie à Hanovre, représentée par Me C. Jürschik, avocate,

et par

Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Braunschweig eV, établie à Brunswick (Allemagne), et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Mes U. Karpenstein, R. Sangi et C. Johann, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 7686 final de la Commission, du 23 novembre 2017, concernant les régimes d’aides d’État SA.42268 (2017/E) – Deutschland Staatliche Beihilfe zur Förderung wohlfahrtspflegerischer Aufgaben et SA.42877 (2017/E) – Deutschland CarePool Hannover GmbH mis à exécution par l’Allemagne en faveur d’associations caritatives pour des missions d’assistance sociale (JO 2018, C 61, p. 1),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh et Mme T. Pynnä (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        La première requérante, Verband Deutscher Alten- und Behindertenhilfe, Landesverband Niedersachsen/Bremen und Hamburg/Schleswig-Holstein eV, est une association qui exerce ses activités dans les Länder Niedersachsen (Land de Basse-Saxe, Allemagne), Freie Hansestadt Bremen (Land de Brême, Allemagne), Schleswig-Holstein (Land du Schleswig-Holstein, Allemagne) et Freie und Hansestadt Hamburg (Land de Hambourg, Allemagne). Selon la requête, elle représente les intérêts de 160 entreprises qui, elles-mêmes, gèrent ou exploitent des établissements résidentiels d’assistance et de soins ambulatoires et stationnaires aux personnes dépendantes et d’aide aux personnes handicapées, à l’enfance et à la jeunesse.

2        La seconde requérante, CarePool Hannover GmbH, est une société à responsabilité limitée, établie à Hanovre (Allemagne) et membre de la première requérante. Elle est une prestataire de services d’assistance et de soins ambulatoires à domicile aux personnes dépendantes.

3        Par le présent recours, les requérantes demandent l’annulation de la décision C(2017) 7686 final de la Commission, du 23 novembre 2017, concernant les régimes d’aides d’État SA.42268 (2017/E) – Deutschland Staatliche Beihilfe zur Förderung wohlfahrtspflegerischer Aufgaben et SA.42877 (2017/E) – Deutschland CarePool Hannover GmbH mis à exécution par l’Allemagne en faveur d’associations caritatives pour des missions d’assistance sociale (JO 2018, C 61, p. 1, ci-après la « décision attaquée), qui leur a été notifiée le 11 décembre 2017. La décision attaquée concerne diverses mesures nationales par lesquelles le Land de Basse-Saxe apporterait un soutien aux entités, actives sur le territoire de ce Land, appartenant à l’action sociale indépendante.

4        En particulier, ces mesures nationales incluent un soutien financier qui est accordé depuis 1956, sur le fondement de textes législatifs et réglementaires qui ont évolué au fil du temps, à des associations caritatives faîtières indépendantes (ci-après le « soutien financier »). Celles-ci fournissent, par l’intermédiaire d’associations membres, des prestations sociales diverses aux personnes dépendantes et vulnérables, telles que des soins ambulatoires, hospitaliers ou mixtes, de l’aide aux sans-abri et aux réfugiés et de l’aide spirituelle. Les requérantes, des entités privées qui fournissent certaines prestations analogues ou représentent des entreprises qui fournissent de telles prestations, estiment être lésées par le soutien financier.

5        Par la décision attaquée, la Commission européenne a conclu, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, que, pour autant que le soutien financier constituait une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il devait être qualifié d’aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9). Ce faisant, elle a rejeté les plaintes introduites par les requérantes.

I.      Cadre juridique relatif aux mesures nationales visées par la décision attaquée

6        L’action sociale (Wohlfahrtspflege) est définie comme suit par l’article 66, paragraphe 2, de l’Abgabenordnung (code des impôts allemand) :

« L’action sociale consiste à prendre soin des personnes dans le besoin ou en danger de manière planifiée, dans l’intérêt de la collectivité et à des fins non lucratives. Cette assistance peut s’étendre à la santé, au bien-être moral, éducatif ou économique et viser à prévenir ou à remédier à une situation donnée. »

7        Ainsi qu’il ressort de différents textes, l’expression « action sociale indépendante » désigne l’action sociale bénévole d’organismes qui ne relèvent pas de l’État [voir notamment article 1er, paragraphe 5, des statuts de la Bundesarbeitsgemeinschaft der Freien Wohlfahrtspflege eV (confédération fédérale de l’action sociale indépendante) et article 4 du Dritte Verordnung zur Durchführung des Gesetzes über die Ablösung öffentlicher Anleihen (troisième règlement d’application de la loi sur le remboursement des emprunts d’État) du 4 décembre 1926].

8        Le soutien financier des actions d’associations caritatives a été prévu par le Gesetz über das Zahlenlotto (loi sur la loterie), du 27 février 1956 (Nds. GVB1. 1956 IV, p. 9, ci-après la « loi de 1956 sur la loterie »), entré en vigueur le même jour.

9        Conformément à l’article 11, paragraphe 1, et à l’article 12, paragraphe 1, de la loi de 1956 sur la loterie, les associations caritatives faîtières recevaient, aux fins de l’accomplissement de missions sociales, un pourcentage des redevances de concessions versées par les entreprises organisatrices de paris du Land de Basse-Saxe.

10      En 1956, les Richtlinien für die Verwendung der Konzessionsabgabe zur Erfüllung wohlfahrtspflegerischer Aufgaben (lignes directrices relatives à l’utilisation de la redevance sur les concessions aux fins de l’accomplissement de missions sociales), publiées dans le Niedersächsisches Ministerialblatt (Nds. MBl. 1956, p. 855), réglementaient l’utilisation des redevances.

11      La détermination du soutien financier a été modifiée à plusieurs reprises par différentes lois successives. La loi de 1956 sur la loterie a été modifiée le 7 juin 1968 (Nds. GVBl. 1968, p. 91) et le 18 février 1970 (Nds. GVBl. 1970, p. 27). Cette loi a été remplacée en 1997 par le Niedersächsisches Gesetz über das Lotterie- und Wettwesen (loi de Basse—Saxe sur la loterie et les paris) (Nds. GVBl. 1997, p. 289), laquelle a été modifiée en 2003 par le Haushaltsbegleitgesetz (loi d’accompagnement du budget) (Nds. GVBl. 2003, p. 446, ci-après la « loi de 2004 d’accompagnement du budget »), entré en vigueur en 2004. Le montant du soutien financier a été réduit en 2005, augmenté en 2007 par le Niedersächsisches Glückspielgesetz (loi de Basse-Saxe sur les jeux de hasard) (Nds. GVBl. 2007, p. 756, ci-après la « loi de 2007 sur les jeux de hasard »), entré en vigueur en 2008, et modifié à nouveau par une loi adoptée en 2012 et entrée en vigueur en 2013 (Nds. GVBl. 2012, p. 544).

12      La loi de 2007 sur les jeux de hasard a été remplacée par le Niedersächsisches Gesetz zur Förderung der Freien Wohlfahrtspflege (loi du Land de Basse-Saxe relative au soutien de l’action sociale indépendante), du 16 décembre 2014 (Nds. GVBl. 2014, p. 429, ci-après le « WohlFödG »), applicable depuis le 1er janvier 2015. Les lignes directrices relatives à l’utilisation de la redevance sur les concessions aux fins de l’accomplissement de missions sociales ont également fait l’objet de modifications.

13      Le titre de l’article 2 du WohlFödG est intitulé « Aide financière aux associations du secteur caritatif indépendant et à la Landesstelle für Suchtfragen ». L’article 2, paragraphe 1, point 1, du WohlFödG dispose que cette aide financière est accordée aux associations faîtières réunies dans la Landesarbeitsgemeinschaft der Freien Wohlfahrtspflege eV (groupement régional de l’action sociale indépendante, ci-après la « LAG »). L’article 2, paragraphe 2, du WohlFödG prévoit l’examen, par le ministère des Affaires sociales du Land de Basse-Saxe, de l’accomplissement de leurs missions par les associations faîtières et de la nécessité d’une augmentation du soutien financier visée à l’article 2, paragraphe 1, point 1. Quant à l’article 2, paragraphe 3, du WohlFödG, il prévoit que, lorsque les recettes que le Land tire des taxes sur les jeux de hasard dépassent le montant de 146 300 000 euros, ledit Land alloue, en tant que soutien financier supplémentaire, 18,63 % des recettes excédentaires aux associations faîtières réunies dans la LAG et 0,74 % des recettes excédentaires à la Landesstelle für Suchtfragen (Office régional pour les problèmes d’addiction).

14      La LAG, à laquelle le WohlFödG fait référence, est une association enregistrée dont le fondement juridique est constitué par ses statuts. Cette association existait déjà avant l’entrée en vigueur de la loi de 1956 sur la loterie.

15      Dans le préambule de ses statuts, la LAG est définie comme suit :

« La [LAG] est le regroupement des treize fédérations du secteur de l’action sociale indépendante en Basse-Saxe. »

16      Les treize associations faîtières membres de la LAG sont des subdivisions territoriales au niveau du Land de Basse-Saxe des six confédérations ou « familles » du secteur de l’action sociale indépendante en Allemagne que sont l’Arbeiterwohlfahrt (AWO), Caritas, Das Rote Kreuz (Croix-Rouge), Diakonie, Die Jüdische Wohlfahrt (Entraide juive) et Der Paritätische Wohlfahrtsverband.

17      Les membres de la LAG sont identifiés à l’article 2 de ses statuts comme suit :

« 1.      Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Braunschweig eV,

2.      Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Hannover eV,

3.      Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Weser-Ems eV,

4.      Caritasverband für die Diözese Hildesheim eV,

5.      Caritasverband für die Diözese Osnabrück eV,

6.      Landes Caritasverband für Oldenburg eV,

7.      Paritätischer Wohlfahrtsverband Niedersachsen eV,

8.      Deutsches Rotes Kreuz Landesverband Niedersachsen eV,

9.      Deutsches Rotes Kreuz Landesverband Oldenburg eV,

10.      Diakonisches Werk evangelischer Kirchen in Niedersachsen eV,

11.      Diakonisches Werk der Ev.-luth. Kirche in Oldenburg eV,

12.      Diakonisches Werk der Ev.-ref. Kirche,

13.      Landesverband der Jüdischen Gemeinden von Niedersachsen. »

18      L’article 2, paragraphe 2, première phrase, des statuts de la LAG prévoit que d’autres associations faîtières d’action sociale peuvent être admises, pour autant qu’une association faîtière d’action sociale remplisse les conditions suivantes :

« — elle exerce son activité à un niveau interrégional en Basse-Saxe ;

— l’aide effective qu’elle dispense directement englobe en principe l’ensemble des activités relevant de l’action sociale indépendante, et non seulement certaines de ses branches ;

— elle encourage le travail à titre bénévole et non professionnel ;

— elle fédère complètement les organisations et les entités qui sont portées par la même idée ;

— il existe, entre l’association faîtière et les organisations et entités qui en relèvent, un lien d’affiliation ou un lien organique ;

— l’association faîtière offre, globalement et par l’importance des organisations et des entités qu’elle fédère, la garantie d’un travail constant, complet et qualifié, ainsi que d’une gestion fiable ;

— l’organisation poursuit un but d’utilité publique, caritatif ou religieux au sens du code des impôts allemand. »

19      Ainsi qu’il ressort du cinquième tiret des conditions mentionnées au point 18 ci-dessus, les associations faîtières sont liées à des organisations et à des entités prestataires de l’action sociale indépendante. Les statuts de la LAG n’imposent pas une forme particulière s’agissant des modalités de regroupement entre, d’une part, ces associations et, d’autre part, lesdites organisations et entités.

20      En vertu de l’article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, des statuts de la LAG, le bureau de la LAG prend les décisions sur l’adhésion de nouveaux membres. En cas de refus, le réexamen de la décision peut être demandé à l’assemblée des membres.

21      L’article 3, paragraphe 1, du WohlFödG dispose ce qui suit :

« Les aides financières visées à l’article 2, paragraphe 1, point 1, et à l’article 2, paragraphe 3, point 1, doivent être utilisées en vue du soutien des missions du secteur caritatif indépendant […] Il convient de considérer comme servant à des missions sociales toutes les mesures qui visent à offrir une assistance aux personnes qui ont besoin d’aide ou qui en auraient besoin à défaut d’assistance ainsi que les mesures censées mettre en place ou améliorer les conditions organisationnelles et personnelles de la prestation d’assistance […] »

22      Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du WohlFödG, le versement du soutien financier à la LAG est subordonné à la conclusion d’une convention de subvention entre le ministère des Affaires sociales du Land de Basse-Saxe et l’ensemble des associations faîtières réunies dans la LAG (ci-après la « convention de subvention »), laquelle convention est ensuite publiée par le ministère des Affaires sociales dans le Niedersächsisches Ministerialblatt (journal officiel ministériel du Land de Basse-Saxe) et sur Internet. Cette convention doit régir au moins les éléments suivants :

« 1.      la répartition de l’aide financière entre les différentes associations faîtières ou groupes d’associations faîtières,

2.      les missions sociales pour le soutien desquelles l’aide financière doit être utilisée,

3.      s’agissant d’au moins 67 % de l’aide financière visée à l’article 2, paragraphe 1, point 1, les missions devant être soutenues, et ce en précisant, pour chacune d’elle, la part minimale du soutien devant y être consacrée,

4.      la part maximale de l’aide financière qui peut être utilisée pour des tâches administratives,

5.      la preuve de l’utilisation conforme à son affectation de l’aide financière ainsi que des ressources provenant de cette aide, octroyées à des tiers, à apporter par les associations faîtières. »

23      En vertu de l’article 3, paragraphe 3, du WohlFödG, à défaut de conclusion d’une telle convention, le ministère compétent peut régler ces différents aspects par voie d’arrêté ministériel.

24      Une convention relative à l’utilisation de l’aide financière accordée conformément au WohlFödG a été conclue le 8 février 2016 entre le ministère des Affaires sociales, de la Santé et de l’Égalité entre hommes et femmes du Land de Basse-Saxe et les treize associations faîtières réunies au sein de la LAG (Nds. MBl. Nr. 8/2016, p. 244), remplaçant la convention antérieure conclue en 2007 sur le fondement de la loi de 2007 sur les jeux du hasard.

25      Le préambule de cette convention de 2016 prévoit notamment que « [l]es parties contractantes conviennent qu’elles souhaitent contribuer conjointement au développement d’une infrastructure sociale en Basse-Saxe dans le respect de l’indépendance des associations du secteur caritatif indépendant » et que « [c]et objectif est exprimé par la désignation des missions caritatives éligibles à une aide conformément à l’annexe 1 ».

26      L’article 2, paragraphe 2, première phrase, de cette même convention de 2016 dispose que « [l]es associations du secteur caritatif peuvent transférer à leurs membres les fonds mis à leur disposition ».

27      Le 12 mars 2018, une nouvelle convention de subvention a été conclue entre le ministère des Affaires sociales, de la Santé et de l’Égalité entre hommes et femmes du Land de Basse-Saxe et les treize associations faîtières réunies au sein de la LAG (Nds. MBl. Nr. 12/2018, p. 206). Ce document indique, en son troisième considérant, qu’il sera veillé au respect de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3, ci-après la « décision SIEG de 2012 ») et du règlement (UE) no 360/2012 de la Commission, du 25 avril 2012, relatif à l’application des articles 107 et 108 TFUE aux aides de minimis accordées à des entreprises fournissant des services d’intérêt économique général (JO 2012, L 114, p. 8).

II.    Antécédents du litige

28      Les 16 juin et 12 août 2015, la Commission a reçu deux plaintes distinctes, enregistrées sous les références SA.42268 et SA.42877 (ci—après les « plaintes »), visant à faire qualifier d’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur le soutien financier de missions d’aide sociale en Basse-Saxe.

29      Les bénéficiaires de ce soutien financier sont les associations faîtières, mentionnées aux points 15 à 17 ci-dessus, qui fournissent, par l’intermédiaire de leurs associations membres, régionales ou locales, des prestations pouvant être de nature économique, tels des soins ambulatoires, hospitaliers ou mixtes, ou non économique, tels l’aide et l’hébergement des sans-abri, l’aide spirituelle ou l’aide aux réfugiés.

30      Dans les plaintes, les requérantes ont fait valoir qu’elles étaient en concurrence avec les associations caritatives en ce qui concerne notamment des services de soins aux personnes dépendantes. Selon les requérantes, ces associations caritatives bénéficient d’un soutien financier, ce qui leur permettrait de mieux rémunérer leur personnel que les entreprises privées ou de proposer leurs prestations à des tarifs moins élevés que ceux de ces entreprises. Par conséquent, les entreprises privées seraient désavantagées en ce qui concerne le recrutement du personnel. Par ailleurs, lors de négociations avec les caisses d’assurance dépendance et les organismes d’aide sociale, les tarifs proposés par les entreprises privées seraient refusés, car ils seraient considérés comme étant trop élevés par rapport aux tarifs demandés par le secteur caritatif. Cela contraindrait les entreprises privées à proposer leurs prestations à des prix qui ne permettent pas de couvrir correctement leurs coûts de revient.

31      De plus, les requérantes ont soutenu, dans les plaintes, que la loi de Basse‑Saxe sur la loterie et les paris adoptée en 1997 avait modifié de façon substantielle la loi de 1956 sur la loterie, car les associations faîtières se seraient vu allouer un montant forfaitaire, et non plus un pourcentage des redevances de concessions. De même, le WohlFödG aurait également modifié de façon substantielle la loi de 1956 sur la loterie, car le soutien financier des associations caritatives ne proviendrait plus qu’en partie des recettes de la loterie et, en réalité, proviendrait désormais en majeure partie du budget du Land.

32      Outre la question du soutien financier aux associations faîtières par le WohlFödG, la plainte enregistrée sous la référence SA.42877 concernait également deux autres mesures, à savoir, d’une part, de prétendus avantages fiscaux indirects en matière d’impôt sur le revenu à l’égard des collaborateurs bénévoles des associations caritatives et, d’autre part, la fixation de redevances audiovisuelles réduites pour les institutions desdites associations.

33      Par lettres du 30 juillet 2015 et du 8 février 2016, conformément à l’article 10, paragraphe 2, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), et à l’article 12, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, la Commission a adressé des demandes de renseignements aux autorités allemandes, lesquelles ont répondu par lettres du 9 septembre 2015 et des 6 et 7 avril 2016.

34      Le 5 juillet 2016, une réunion s’est tenue entre la Commission et les autorités allemandes, au cours de laquelle la Commission a communiqué oralement son évaluation provisoire du soutien financier et la qualification d’aide existante envisagée. Dans le procès-verbal interne de la Commission relatif à cette réunion, communiqué par celle-ci au Tribunal, il est relevé que les mesures ne répondent pas aux conditions prévues dans la décision SIEG de 2012, notamment en ce qui concerne la comptabilité, la transparence et la manière d’éviter la surcompensation.

35      Les 30 septembre et 16 novembre 2016, les autorités allemandes ont fourni des renseignements supplémentaires.

36      Par lettres du 14 février 2017, la Commission a transmis aux requérantes son évaluation préliminaire des mesures contestées dans les plaintes. Elle a indiqué qu’elle considérait que, pour autant que le soutien financier contesté fût une aide, il s’agirait d’une aide existante. Quant aux deux autres mesures contestées par la seconde requérante, il ne s’agirait pas d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La Commission a par ailleurs informé les requérantes que les autorités allemandes avaient assuré qu’elles appliqueraient, à l’avenir, les dispositions de la décision SIEG de 2012 ou, le cas échéant, si les conditions d’application étaient réunies, celles du règlement no 360/2012. Elle a en outre souligné qu’il s’agissait d’une conclusion provisoire qui s’appliquerait jusqu’à la réception d’éventuelles explications additionnelles de la part des requérantes.

37      Les requérantes ont contesté cette évaluation préliminaire par des lettres des 17 et 20 février et 6 mars 2017. Elles ont développé leurs arguments dans des lettres du 10 mars 2017. Par lettres des 31 août, 5 et 14 septembre 2017, les autorités allemandes ont communiqué des informations supplémentaires à la Commission.

III. Décision attaquée

38      Par la décision attaquée, notifiée aux requérantes le 11 décembre 2017, après avoir examiné les modifications législatives survenues depuis 1956, la Commission a considéré que la mesure en cause n’avait pas été modifiée dans sa substance depuis lors et que, pour autant qu’elle constituait une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, elle devait être qualifiée d’aide existante, au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589. Par ailleurs et en tout état de cause, la Commission a pris acte, dans la décision attaquée, de l’engagement des autorités allemandes de s’assurer, pour le futur, de la compatibilité du soutien financier en cause avec la décision SIEG de 2012. Ainsi, la Commission a rejeté les plaintes dans la mesure où elles visaient le soutien financier en cause.

39      S’agissant des deux autres mesures contestées par la seconde requérante, la Commission a constaté que cette dernière n’avait pas fait connaître son point de vue sur l’évaluation préliminaire de ces deux mesures, telle que présentée par cette institution dans sa lettre du 14 février 2017. Partant, en application de l’article 24, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2015/1589, aux termes duquel, notamment, « [s]i la partie intéressée ne fai[sai]t pas connaître son point de vue dans le délai fixé, la plainte [était] réputée avoir été retirée », la Commission a considéré que la seconde plainte devait être réputée avoir été retirée en ce qu’elle portait sur ces deux autres mesures.

IV.    Procédure et conclusions des parties

40      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2018, les requérantes ont introduit le présent recours.

41      Le 21 avril 2018, la Commission a déposé le mémoire en défense.

42      Le 26 juin 2018, les requérantes ont déposé la réplique.

43      Le 31 août 2018, la Commission a déposé la duplique.

44      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 30 avril et le 4 mai 2018, Diakonisches Werk evangelischer Kirchen in Niedersachsen eV (ci-après « DWEK ») et Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Hannover eV (ci-après « ABH ») ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

45      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 mai 2018, Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Braunschweig eV, Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Weser-Ems eV, Caritasverband für die Diözese Hildesheim eV, Caritasverband für die Diözese Osnabrück, Landes-Caritasverband für Oldenburg eV, Paritätischer Wohlfahrtsverband Niedersachsen eV, Deutsches Rotes Kreuz Landesverband Nierdersachsen eV, Deutsches Rotes Kreuz Landesverband Oldenburg eV et Landesverband der Jüdischen Gemeinden von Niedersachsen KdöR (Judische Wohlfahrt) (ci-après les « troisièmes intervenantes ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

46      Par ordonnance du président de la sixième chambre du 3 octobre 2018, les demandes d’intervention ont été accueillies.

47      Par actes déposés au greffe les 3 et 4 décembre 2018, les intervenantes ont déposé leurs mémoires en intervention, sur lesquels les requérantes et la Commission ont présenté leurs observations respectivement le 23 janvier et le 25 janvier 2019.

48      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la huitième chambre.

49      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal a, au titre de l’article 106, paragraphe 1, de son règlement de procédure, décidé d’ouvrir d’office la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites le 27 janvier 2020. Ces questions portaient sur la recevabilité du recours, en particulier au regard de l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873). Les parties ont répondu à cette mesure d’organisation de la procédure dans le délai imparti.

50      En raison de la crise sanitaire liée à la COVID 19, l’audience, initialement prévue le 17 mars 2020, a été reportée au 5 mai 2020, puis, finalement, à une date ultérieure. À titre de mesure d’organisation de la procédure, les parties ont alors été invitées, le 15 avril 2020, à déposer des observations éventuelles sur les réponses des autres parties aux questions écrites posées par le Tribunal le 27 janvier 2020. Elles ont déféré à cette mesure dans les délais impartis.

51      Au regard des réponses des parties aux questions du Tribunal et de leurs observations sur lesdites réponses, le Tribunal, s’estimant alors suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a, au regard de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, considéré qu’il n’était plus nécessaire de statuer sur le recours à l’issue d’une audience de plaidoiries et, partant, a, le 21 septembre 2020, décidé de clore la phase orale de la procédure.

52      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      annuler la décision attaquée ;

–      condamner la Commission aux dépens.

53      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      rejeter le recours ;

–      condamner les requérantes aux dépens.

54      Les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      rejeter le recours ;

–      condamner les requérantes aux dépens.

V.      En droit

55      À l’appui de leur recours, les requérantes avancent trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de leurs droits procéduraux découlant de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et, le troisième, d’une violation des articles 107 et suivants TFUE.

56      Il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE, doivent être distingués, d’une part, l’examen préliminaire des aides institué par le paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la procédure formelle d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 38 ; du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 27, et ordonnance du 11 avril 2018, Abes/Commission, T‑813/16, non publiée, EU:T:2018:189, point 39).

57      Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union européenne. Pour ces motifs, celui-ci déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette disposition (arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 28 ; du 15 janvier 2013, Aiscat/Commission, T‑182/10, EU:T:2013:9, point 42, et ordonnance du 11 avril 2018, Abes/Commission, T‑813/16, non publiée, EU:T:2018:189, point 40).

58      Tel est également le cas lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission soutient que, pour autant que la mesure contestée constitue une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, celle-ci devrait être qualifiée d’aide existante et, ce faisant, elle refuse implicitement l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Une telle prise de position de la Commission fondée sur les informations fournies par les parties intéressées constitue une décision (arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 26, et du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C 322/09 P, EU:C:2010:701, point 53).

59      Doit dès lors être considéré comme recevable un recours introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, visant à l’annulation de la décision de refus d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à cette disposition, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, ARAP e.a./Commission, C‑321/99 P, EU:C:2002:292, points 61 et 66, et du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 56).

60      En revanche, si la partie requérante met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, premier et deuxième membres de phrase, TFUE et, notamment, qu’elle a un statut particulier au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), ou que la décision d’appréciation de l’aide constitue un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et la concernant directement, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19).

61      En l’espèce, par la décision attaquée, la Commission a rejeté les plaintes, que les requérantes avaient introduites au titre de l’article 24, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement 2015/1589, aux termes duquel « [t]oute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide ».

62      En l’espèce, il doit être considéré que, par la décision attaquée, la Commission, tout en rejetant formellement les plaintes, a refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

63      Il conviendra d’examiner si les moyens avancés par les requérantes ont pour objet de contester la décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen en démontrant que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou aurait pu disposer, lors de l’examen préliminaire, aurait dû susciter des doutes quant à la qualification de l’aide en cause d’aide existante, pour autant qu’il s’agisse d’une aide d’État, ou si, au contraire, les moyens ou certains de ces moyens mettent directement en cause le bien-fondé de l’appréciation de la mesure en cause au regard de l’article 107 TFUE et ont pour objet ou pour conséquence de transformer l’objet du recours et, par conséquent, de modifier les conditions d’appréciation de sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 50).

A.      Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux découlant de l’article 108, paragraphe 2, TFUE

64      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes allèguent une violation des droits procéduraux qu’elles tirent de l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce que, à l’issue du traitement des plaintes, la Commission a, à tort, refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen en ce qui concerne les missions d’assistance sociale. 

1.      Sur la recevabilité

65      La Commission ne remet pas en cause la qualité des requérantes pour agir, en tant que parties intéressées, au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, afin d’invoquer, par leur premier moyen, la violation de leurs droits procéduraux découlant de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, au motif qu’elle n’a pas ouvert la procédure formelle d’examen en ce qui concerne les missions d’assistance sociale.

66      En revanche, ABH et les troisièmes intervenantes soutiennent que les requérantes ont, essentiellement, déjà bénéficié de tous les droits procéduraux que ces dernières se verraient reconnaître dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Ces intervenantes relèvent notamment que les requérantes ont pu prendre connaissance de l’évaluation provisoire de la mesure en cause et présenter des observations qui ont été examinées de manière circonstanciée. Par ailleurs, les requérantes ont reçu copie de la décision attaquée, qui leur a été signifiée.

67      Les requérantes contestent cet argument. Elles font valoir que, par les articles 7 et suivants du règlement 2015/1589, la Commission a le pouvoir de demander des renseignements nécessaires à un autre État membre, à une entreprise ou à une association d’entreprise lorsqu’elle a ouvert la procédure formelle d’examen, afin d’améliorer la qualité des informations reçues, tout en accroissant la transparence et la sécurité juridique. Par ailleurs, les dispositions de ce règlement relatives à la procédure formelle d’examen permettraient de prolonger les délais pour la présentation d’observations par les plaignants et définiraient des obligations de motivation plus étendues.

68      Selon l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, est partie intéressée « tout État membre et toute personne ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».

69      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, si la qualité particulière de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, liée à l’objet spécifique du recours, est reconnue à une partie requérante, elle suffit à l’individualiser, selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, lorsque ledit recours tend à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 48 ; du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 44, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 41).

70      Est, notamment, une partie intéressée toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier les entreprises concurrentes du bénéficiaire de cette aide et les associations professionnelles. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires (arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 16, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 42). Cette disposition n’exclut toutefois pas qu’une entreprise, qui n’est pas une concurrente directe du bénéficiaire de l’aide, soit qualifiée de « partie intéressée », pour autant qu’elle fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide. Ainsi, il importe que cette entreprise démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 à 65 et jurisprudence citée).

71      En l’espèce, les requérantes sont les auteurs des plaintes ayant abouti à la décision attaquée. Elles ont activement participé à la procédure préliminaire d’examen. Par ailleurs, elles ont fait valoir, à plusieurs reprises, qu’elles étaient, pour la première d’entre elles, une association professionnelle défendant les intérêts des entreprises concurrentes des bénéficiaires des aides alléguées et, pour la seconde d’entre elles, une entreprise concurrente de ces bénéficiaires et que leurs intérêts pourraient être affectés par l’octroi de ces aides. Il y a dès lors lieu de considérer, ce qui n’est pas contesté par la Commission, que les requérantes ont établi avoir la qualité de parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, afin de défendre leurs droits procéduraux.

72      Ainsi qu’il ressort du point 66 ci-dessus, ABH et les troisièmes intervenantes soutiennent que les requérantes ont déjà bénéficié de tous les droits procéduraux qu’elles tirent de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

73      À cet égard, il y a lieu de relever que, si le juge de l’Union a, à plusieurs reprises, considéré que la Commission n’avait pas l’obligation d’entendre les plaignants pendant l’examen préliminaire des aides institué par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, mais n’était tenue de mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations que lors de la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêts du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 52, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 59), il ne saurait en être déduit qu’une partie ayant déposé une plainte, rejetée par la Commission après que cette partie a été entendue, n’aurait plus d’intérêt à contester l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

74      En effet, selon l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, lorsque la Commission constate, après un examen préliminaire, qu’une mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

75      Ainsi que le prévoit l’article 7 du règlement 2015/1589, après l’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission peut demander des renseignements à d’autres États membres que l’État membre concerné, à des entreprises ou à des associations d’entreprises.

76      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence visée au point 70 ci-dessus, lorsque l’article 108, paragraphe 2, TFUE prévoit que la Commission met en demeure les intéressés de présenter leurs observations, le texte ne vise pas uniquement les intéressés qui ont déposé une plainte, mais un ensemble indéterminé de personnes, d’entreprises ou d’associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi de l’aide, notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles.

77      Il résulte de ces éléments que, contrairement à ce qu’ont fait valoir ABH et les troisièmes intervenantes, la notion de « droits procéduraux » dont bénéficient des parties intéressées dans le cadre de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne se confond pas avec le droit, pour une partie plaignante, d’obtenir l’ouverture de la procédure formelle d’examen dans le cadre de laquelle, en tant que « partie intéressée », elle pourra déposer des observations au même titre que tout autre opérateur répondant à la définition posée par l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

78      Il s’ensuit que le premier moyen du recours en annulation est recevable en ce qu’il a pour objet l’annulation de la décision attaquée au motif que la Commission aurait violé les droits procéduraux des requérantes en refusant, en réponse à leurs plaintes, d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

2.      Sur le fond

79      Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent que plusieurs éléments indiquent que la procédure d’examen préliminaire a donné lieu à des difficultés sérieuses, qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. L’existence de telles difficultés serait révélée par trois indices, tenant, premièrement, à la durée de la procédure d’examen préliminaire, qu’elles qualifient d’exceptionnellement longue, deuxièmement, au manque de qualité de la motivation fournie par la Commission, qui témoignerait d’un examen insuffisant ou incomplet, et, troisièmement, à l’attitude de cette dernière au cours de ladite procédure.

80      Les requérantes font valoir que la durée totale de la procédure d’examen préliminaire, de 29 mois, est incohérente avec la concision des motifs et de la décision attaquée, qui ne comporte que dix pages. Elles estiment que la Commission a violé son obligation de procéder à un examen diligent de l’affaire dans un délai raisonnable, d’autant plus qu’il ne semble pas en l’espèce qu’elle ait accordé des degrés de priorité ou retardé son examen du soutien financier au bénéfice d’autres affaires.

81      Elles soutiennent également que la motivation de la décision attaquée, tenant sur une seule page, est très succincte et qu’elle est entachée d’« inexactitudes juridiques » et de « lacunes matérielles » qui sont incompatibles avec la durée excessivement longue de la procédure et qui démontrent que la Commission s’est livrée à un examen superficiel. Elles reprochent à la Commission d’avoir omis d’examiner l’objectif d’augmentation de la prévisibilité du niveau de soutien financier fourni aux associations faîtières, poursuivi par les autorités du Land de Basse-Saxe du fait de la suppression progressive du lien entre le soutien du secteur caritatif et les ressources des loteries, qui a eu lieu entre 1997 (ou 2004) et 2015, et ce alors même que la première requérante a cité des passages de l’exposé des motifs des différentes lois en cause. Par ailleurs, elle ne se serait pas prononcée sur la question de savoir si l’évolution croissante des montants du soutien entre 1956 et 2015 respectait le seuil de 20 % prévu par l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement 2015/1589 (JO 2004, L 140, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2282 de la Commission, du 27 novembre 2015 (JO 2015, L 325, p. 1), selon lequel une augmentation du budget initial d’un régime d’aide existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante. En outre, elle ne se serait pas prononcée sur les conséquences du découplage du soutien en une partie fixe et une partie variable, lié à l’évolution de la taxe sur les jeux de hasard. Enfin, les requérantes soulignent que la Commission n’a pas pris position sur les déclarations du Niedersächsischer Landesrechnungshof (Cour des comptes du Land de Basse-Saxe, Allemagne) qu’elle avait en sa possession et desquelles, selon les requérantes, il ressort de manière évidente que le soutien financier constitue une aide nouvelle. Elles reprochent également l’absence d’exposé ou de définitions de ce que constitue une modification substantielle d’une aide.

82      Selon les requérantes, le comportement de la Commission plaide également en faveur du fait qu’elle rencontrait des difficultés sérieuses dans le cadre de la qualification des aides litigieuses sous l’angle des articles 107 et suivants TFUE. Ces difficultés ressortiraient du fait que, au cours de la procédure, plusieurs échanges de courriers et une réunion ont été nécessaires aux fins de l’adoption de la décision attaquée. À cela s’ajouterait la circonstance que, ainsi qu’il découlerait du procès-verbal établi par les autorités allemandes le 8 juillet 2016, à la suite de leur réunion avec la Commission du 5 juillet 2016, celle-ci aurait été préoccupée davantage par le souci de trouver une solution juridique solide pour l’avenir, à savoir l’adaptation du soutien financier à la décision SIEG de 2012, que par la qualification de cette mesure d’aide existante ou d’aide nouvelle.

83      La Commission fait valoir qu’elle ne s’est pas heurtée à des difficultés sérieuses et estime que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la durée de la procédure d’examen préliminaire n’était pas déraisonnable au regard des circonstances de l’affaire. Elle se serait longuement penchée sur les modifications législatives invoquées par les requérantes considérées comme pertinentes, en motivant suffisamment la décision attaquée, sans que les éléments produits par les requérantes pour dénoncer l’attitude de ses services puissent démontrer une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

84      Elle souligne que les requérantes ont déposé deux plaintes distinctes auprès de ses services, les 24 juin et 12 août 2015, et que celle de la seconde requérante visait deux mesures nationales supplémentaires, si bien que la direction générale (DG) de la concurrence a dû enquêter sur trois mesures jusqu’à son évaluation provisoire. Deux demandes de renseignements ont été adressées aux autorités allemandes le 30 juillet 2015 et le 8 février 2016, auxquelles il a été répondu respectivement par de longs courriers du 9 septembre 2015 et des 6 et 7 avril 2016. Après avoir examiné ces informations, la Commission serait parvenue à la conclusion selon laquelle le soutien financier constituait une aide existante. Lors d’une réunion qui a eu lieu le 5 juillet 2016, la Commission aurait fait part de son appréciation aux autorités allemandes et aurait vérifié avec elles si elles étaient disposées à aménager à l’avenir le soutien financier conformément aux règles en matière de contrôle des aides d’État. Par lettre du 16 novembre 2016, les autorités allemandes se seraient engagées à mettre ce soutien financier en conformité avec la décision SIEG de 2012 pour l’avenir. Les deux autres mesures mises en cause par la seconde requérante auraient également été abordées lors de cette réunion et d’autres informations auraient été transmises à la Commission par courrier du 30 septembre 2016. Enfin, la Commission souligne que, à l’issue de l’examen de l’ensemble des mesures visées par les plaintes, elle a transmis, le 14 février 2017, son évaluation provisoire portant sur l’ensemble des mesures dénoncées dans les plaintes.

85      Encore selon la Commission, la durée comprise entre la transmission de ladite évaluation provisoire aux requérantes et l’adoption de la décision attaquée ne serait pas déraisonnable, d’autant moins que cette décision inclut la prise en compte des observations des requérantes présentées par lettres des 17 et 20 février et 6 et 10 mars 2017 ainsi que des informations supplémentaires transmises par les autorités allemandes les 31 août, 5 et 14 septembre 2017.

86      Les troisièmes intervenantes relèvent que l’examen d’aides entrées en vigueur avant le traité CEE impose de remonter plusieurs décennies dans le temps et, parfois, de se livrer à des investigations historiques sur la base d’archives.

87      Selon la Commission, la motivation de la décision attaquée n’atteste pas de l’existence de difficultés sérieuses. Elle soutient avoir examiné suffisamment les explications des requérantes et, notamment, celles présentées par la première d’entre elles le 10 mars 2017 pour réfuter la qualification du soutien financier d’aide existante. Elle observe, à cet égard, que les explications de la première requérante ne dépassaient pas deux pages et se limitaient à décrire les modifications législatives de 1997 et de 2014 sans indiquer en quoi ces modifications auraient entraîné une augmentation du montant du soutien financier. La première requérante n’aurait pas non plus fourni d’informations sur le montant du soutien financier effectivement accordé depuis 1956.

88      À cet égard, la Commission, soutenue par DWEK, fait valoir que l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004 ne prévoit pas qu’une augmentation de plus de 20 % du montant d’une aide suffit à elle seule pour considérer qu’un régime d’aides existant est transformé en une aide nouvelle. En tout état de cause, les données communiquées par les autorités allemandes, tenant compte de l’inflation, n’indiqueraient pas une augmentation des montants de soutien financier qui dépasserait de 20 % le budget initial.

89      S’agissant de la critique de l’attitude des services de la Commission, celle-ci soutient que les affirmations des requérantes reposent sur de pures suppositions. En tout état de cause, l’échange de courriers avec les autorités d’un État membre ferait partie de la procédure d’examen d’une plainte. Quant à la réunion avec les autorités allemandes, elle aurait permis à la Commission de faire part de son appréciation de la mesure et de demander au Land de Basse-Saxe de mettre le soutien financier en conformité, pour l’avenir, avec la décision SIEG de 2012.

90      Selon la jurisprudence, la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut donc s’en tenir à l’examen préliminaire visé à l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché intérieur. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 70 et jurisprudence citée ; arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 30 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, points 52 à 54).

91      En l’espèce, le contrôle de légalité effectué par le Tribunal dans le cadre du traitement du premier moyen a pour objet d’examiner si la procédure d’examen préliminaire a donné lieu à des difficultés sérieuses lors de l’analyse de la mesure contestée et de l’appréciation de la possibilité de la qualifier d’aide existante. Par conséquent, dans le cadre de ce moyen, par lequel les requérantes contestent la violation de leurs droits procéduraux découlant de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, il n’appartient pas au Tribunal de contrôler, en tant que telle, l’appréciation par la Commission de la possibilité de qualifier la mesure contestée d’aide existante ou la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, mais uniquement d’apprécier si, dans cette appréciation, elle avait rencontré des difficultés sérieuses.

92      Le critère des difficultés sérieuses revêtant un caractère objectif, l’existence de telles difficultés doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de la décision de la Commission prise à l’issue de l’examen préliminaire, mais également dans les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission (voir arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 71 et jurisprudence citée ; arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 31).

93      Il s’ensuit que la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou aurait pu disposer (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 71), lors de l’examen préliminaire de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), dudit règlement (arrêts du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 72, et du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 32).

94      Il ressort également de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de l’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 95 et jurisprudence citée ; arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T‑68/15, EU:T:2018:563, point 62).

95      C’est aux requérantes qu’il appartient de prouver l’existence de difficultés sérieuses, preuve qu’elles peuvent fournir à partir d’un faisceau d’indices concordants (arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T‑68/15, EU:T:2018:563, point 63 ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, Pollmeier Massivholz/Commission, T‑89/09, EU:T:2015:153, point 51 et jurisprudence citée).

96      En l’espèce, les requérantes estiment que la Commission a, dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire, rencontré des difficultés sérieuses lors de l’analyse de la mesure contestée et l’appréciation de la possibilité de la qualifier d’aide existante. Elles ont invoqué trois indices, à savoir la durée de la procédure d’examen préliminaire, la motivation de la décision attaquée et l’attitude de la Commission. Il convient d’examiner successivement ces trois aspects.

a)      Sur la durée de la procédure d’examen préliminaire

97      Il convient de constater que 29 mois se sont écoulés entre le dépôt des plaintes, les 16 juin et 12 août 2015, et l’adoption de la décision attaquée, le 23 novembre 2017.

98      La Commission fait valoir que la durée de la procédure d’examen préliminaire, de 29 mois, serait justifiée notamment par les demandes de renseignements aux autorités allemandes, la communication de ces renseignements, la réunion avec ces autorités et leurs engagements. Elle souligne également le temps nécessaire pour examiner les modifications législatives contestées par les requérantes et tenir compte de leurs observations relatives à l’évaluation provisoire qu’elle leur avait transmise le 14 février 2017.

99      À cet égard, si une telle durée peut constituer un indice de l’existence d’un doute en ce qui concerne la qualification d’aide existante de la mesure contestée ou la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, elle ne saurait cependant pas, à elle seule, permettre de conclure que la procédure d’examen préliminaire a donné lieu à des difficultés sérieuses, qui contraignaient la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 32 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑95/03, EU:T:2006:385, point 135).

100    Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure d’examen préliminaire doit s’apprécier en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre et de la complexité de l’affaire (voir arrêt du 14 septembre 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑57/15, non publié, EU:T:2016:470, point 65 et jurisprudence citée).

101    En outre, si le point 47 du code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État (JO 2009, C 136, p. 13) prévoit que « [l]a Commission mettra tout en œuvre pour examiner la plainte dans un délai indicatif de douze mois à compter de sa réception », il précise toutefois que « [c]e délai ne constitue pas un engagement contraignant[ et que, e]n fonction des circonstances du cas d’espèce, l’éventuelle nécessité de demander des renseignements complémentaires au plaignant, à l’État membre ou à des parties intéressées, peut prolonger l’examen de la plainte ».

102    En l’espèce, malgré le caractère particulièrement succinct des plaintes, leur examen nécessitait l’analyse d’un volume important de documents, y compris en raison de l’adoption de différentes lois successives entre 1956 et 2015, de nombreux textes législatifs revêtant une certaine complexité, ainsi que l’identification des montants octroyés aux associations faîtières pendant cette période.

103    Ainsi, à de nombreuses reprises, la Commission a dû demander des explications et des renseignements aux autorités allemandes, qui ont dû effectuer les recherches nécessaires afin de fournir les données requises. À plusieurs reprises, la Commission a invité les requérantes à présenter des observations.

104    Partant, même si la durée de la procédure d’examen préliminaire a été plutôt longue, et manifestement plus longue que le délai indicatif de douze mois mentionné par la Commission dans son code de bonnes pratiques, il ne ressort pas du dossier que cette durée soit due à des difficultés sérieuses rencontrées lors de l’analyse de la mesure contestée et de l’appréciation de la possibilité de la qualifier d’aide existante.

105    En outre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence et du point 48 du code de bonnes pratiques, la Commission dispose du droit d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie (arrêts du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, EU:C:1999:116, point 88, et du 4 juillet 2007, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, T‑475/04, EU:T:2007:196, point 158).

106    Au regard de l’ensemble de ces considérations, il convient de conclure que la durée de la procédure préliminaire ne démontre pas que la Commission ait fait face à des difficultés sérieuses dans le cadre de son appréciation de cette mesure comme constituant une aide existante.

b)      Sur la motivation de la décision attaquée

107    S’agissant de la motivation de la décision attaquée, il ressort de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de l’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêt du 12 septembre 2017, Bayerische Motoren Werke/Commission, T‑671/14, EU:T:2017:599, point 39 et jurisprudence citée). Par la motivation exposée dans une décision de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission rend compte de l’examen du soutien financier auquel elle s’est livrée et, partant, la motivation d’une telle décision peut constituer une indication quant au caractère suffisamment complet ou suffisant dudit examen.

108    À cet égard, dans la décision qu’elle adopte à l’issue de l’examen de la plainte, telle que la décision attaquée, la Commission est tenue d’exposer de manière suffisante au plaignant les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués dans la plainte n’ont pas suffi à démontrer que la mesure litigieuse devait susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. Ainsi, il doit y avoir une corrélation entre les arguments contenus dans la plainte et les explications que la Commission apporte dans la décision de ne pas soulever d’objections ou, comme en l’espèce, de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 96).

109    Toutefois, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 3 mars 2010, Bundesverband deutscher Banken/Commission, T‑36/06, EU:T:2010:61, point 45 et jurisprudence citée). Par ailleurs, elle n’est pas tenue de prendre position sur des éléments invoqués dans une plainte alors qu’ils sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, points 63 et 64, et du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 180).

110    En l’espèce, il y a lieu de constater que, aux points 32 et 33 de la décision attaquée, la Commission a rappelé le texte de la réglementation de l’Union applicable et, plus particulièrement, la définition de la notion d’aide existante. Aux points 34 à 43 de cette décision, elle a décrit les évolutions législatives, de 1956 à 2014, relatives aux mesures en cause, en précisant chaque fois le montant du soutien financier accordé aux associations faîtières et l’origine de cette aide financière. Il ressort de cet exposé que ce soutien financier provenait soit des redevances de concession relatives à la loterie et aux paris sportifs, soit des taxes sur les jeux de hasard, soit à la fois du budget du Land de Basse-Saxe et des taxes sur les jeux de hasard lorsque les recettes de ces taxes dépassaient un certain montant.

111    Au point 47 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la finalité du soutien financier public et les bénéficiaires n’avaient pas été modifiés depuis 1956. Aux points 48 et 49 de ladite décision, la Commission a pris position sur les critiques, relatives aux législations de 1997 et 2014, mentionnées par les requérantes dans leurs plaintes. Selon les requérantes, ces législations contiennent des modifications importantes et sont des aides nouvelles favorisant les associations faîtières grâce à l’octroi de montants forfaitaires qui assurent à ces organisations une sécurité de programmation.

112    S’agissant tout d’abord du passage d’un montant exprimé en pourcentages à un montant forfaitaire qui aurait eu lieu en 1997, la Commission a relevé que cette modification n’était pas intervenue en 1997, ainsi que c’était erronément indiqué dans la plainte, mais en 2004, dans le cadre de la loi de 2004 d’accompagnement du budget. Se référant à la motivation de l’article 11 du projet de cette loi, elle a constaté qu’il n’y avait pas de modification substantielle, car cette modification n’influençait pas le droit fondamental des associations faîtières de se voir allouer un soutien financier public pour les services d’assistance sociale qu’elles fournissaient. Elle a relevé, en outre, que la modification ne concernait que le montant du soutien et qu’elle avait provoqué une diminution du soutien financier aux associations caritatives.

113    S’agissant, par ailleurs, de la suppression alléguée, par le WohlFödG, du lien existant entre le soutien financier au secteur caritatif et les redevances issues des jeux de hasard, la Commission, se référant aux dispositions légales depuis 1956, a estimé que ni la nature ni la source du soutien financier n’avaient été modifiées, puisque les redevances de concession payées par les organisateurs de jeux de hasard avaient toujours été versées au budget du Land de Basse-Saxe.

114    Si la Commission n’a pas expressément pris position sur l’objectif d’une prétendue augmentation de prévisibilité, grâce à l’octroi d’un montant forfaitaire, permettant une meilleure planification des activités sociales des associations caritatives, elle a examiné néanmoins la question de savoir si l’octroi de montants forfaitaires emportait une modification substantielle du régime d’aides et y a répondu par la négative.

115    Quant aux objectifs prétendument poursuivis par les projets de loi cités par les requérantes, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 107 TFUE ne distingue pas les interventions étatiques sur la base de leurs causes ou de leurs objectifs, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 87 et 89, et du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 87). Ainsi, l’analyse des mesures litigieuses faite par la Commission ne devait pas nécessairement tenir compte des objectifs allégués par les requérantes, à supposer même qu’ils aient été les objectifs réels poursuivis par les autorités allemandes dans la modification des mesures litigieuses.

116    S’agissant de la prétendue omission de la Commission de se prononcer sur la question de savoir si l’évolution croissante du soutien financier entre 1956 et 2015 respectait le seuil de 20 % prévu par l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 33 et 50 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les modifications opérées depuis 1956 aux mesures de soutien au secteur caritatif étaient de caractère purement formel ou administratif, indépendamment de l’évolution précise des montants en cause. Partant, une motivation spécifique quant au respect éventuel de ce seuil n’était pas nécessaire.

117    En tout état de cause, il ressort des données financières qui lui ont été communiquées par les autorités allemandes au cours de la procédure administrative que les augmentations du montant du soutien financier n’ont, dans l’ensemble, pas donné lieu à un niveau d’aide excédant de plus de 20 % le montant initial de ce soutien.

118    Enfin, il y a lieu de relever que la Commission n’était nullement liée par les déclarations du Niedersächsischer Landesrechnungshof (Cour des comptes du Land de Basse-Saxe) et, partant, que le fait qu’elle ne s’est pas prononcée sur ces déclarations ne saurait avoir d’incidence sur la question de l’existence de difficultés sérieuses.

119    Il résulte de ces éléments que la motivation de la décision attaquée ne démontre pas que la Commission se soit livrée à un examen superficiel, insuffisant ou encore incomplet de la mesure litigieuse ou qu’elle ait rencontré des difficultés sérieuses dans le cadre de son appréciation de cette mesure comme constituant une aide existante. De même, les requérantes restent en défaut de démontrer que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas utilement traité un argument figurant dans leurs plaintes, autre que ceux secondaires, dépourvus de signification ou hors de propos.

c)      Sur l’attitude de la Commission 

120    S’agissant de l’attitude de la Commission, et, plus particulièrement, de ses contacts avec les autorités allemandes, il ressort de la jurisprudence que le seul fait que des discussions se soient instaurées entre la Commission et l’État membre concerné durant l’examen préliminaire et que, dans ce cadre, des informations complémentaires aient pu être demandées par la Commission sur les mesures soumises à son contrôle ne peut pas, en soi, être considéré comme un indice de ce qu’elle avait fait face à des difficultés sérieuses d’appréciation (arrêt du 10 juillet 2012, TF1 e.a./Commission, T‑520/09, non publié, EU:T:2012:352, point 76).

121    Conformément à la finalité de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, la Commission peut, notamment, engager un dialogue avec l’État concerné ou des tiers afin de surmonter, au cours de l’examen préliminaire, des difficultés éventuellement rencontrées. Or, cette faculté présuppose que la Commission puisse adapter sa position en fonction des résultats du dialogue engagé, sans que cette adaptation doive être a priori interprétée comme établissant l’existence de difficultés sérieuses (arrêts du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, point 71, et du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 35). La Commission peut, partant, légalement adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, une décision par laquelle, tout en constatant l’absence d’une aide d’État, elle prend acte des engagements pris par l’État membre (arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 36 ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, point 72).

122    En l’espèce, eu égard à la nécessité d’analyser la législation en cause ainsi que les relevés relatifs au soutien financier des associations caritatives depuis 1957, le nombre de demandes de renseignements et de correspondances ainsi que l’organisation d’une réunion peuvent attester de l’existence de difficultés matérielles pour appréhender correctement le fonctionnement du dispositif réglementaire en cause, mais ne sauraient a priori être interprétées comme établissant l’existence de difficultés sérieuses relatives à la qualification de la mesure contestée par les requérantes.

123    Quant à la recommandation faite aux autorités allemandes d’adapter le soutien financier à la décision SIEG de 2012, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’un acte qui ne peut être reproché à la Commission, pas plus qu’il ne peut constituer un indice de l’existence de difficultés sérieuses nécessitant l’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

124    En effet, la Commission avait informé les autorités allemandes, au même moment, du fait que, selon elle, le soutien financier pouvait être qualifié d’aide existante et du fait que cette mesure ne respectait pas les conditions prévues dans la décision SIEG de 2012. Il ne ressort pas du dossier que la première appréciation, relative au caractère existant de l’aide, dépendait de la mise en conformité, par les autorités allemandes, du soutien financier avec cette décision.

125    En réalité, le fait pour les autorités allemandes de prendre spontanément les dispositions nécessaires pour rendre l’aide existante conforme à la décision SIEG de 2012 permettait à la Commission d’éviter de devoir proposer, en application de l’article 22 du règlement 2015/1589, l’adoption de mesures utiles.

126    Il résulte de ces éléments que l’attitude de la Commission contestée par les requérantes ne saurait être interprétée comme constituant un indice de l’existence de difficultés sérieuses nécessitant l’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

127    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que l’ensemble des indices examinés, appréciés globalement, n’attestent pas de l’existence de telles difficultés sérieuses.

128    Partant, il convient de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

129    Par leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que la motivation de la décision attaquée est relativement mince et insuffisante, qu’elle ignore des concepts du droit de l’Union, qu’elle décrit de manière tronquée la situation juridique pertinente et qu’elle ne comporte aucune référence jurisprudentielle. Dans leur réplique, elles précisent que la Commission a omis de répondre au grief tiré de la prévisibilité accrue des ressources afin d’améliorer la planification des activités sociales par les associations caritatives.

130    Il y a lieu de constater que les arguments des requérantes, formellement présentés dans le cadre du deuxième moyen, correspondent en réalité à ceux présentés dans le cadre du premier moyen, afin de démontrer que l’insuffisance de motivation de la décision attaquée est un indice de l’existence de difficultés sérieuses nécessitant l’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

131    Ainsi, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 107 à 119 ci-dessus, il y a lieu de constater que la motivation de la décision attaquée était suffisante pour permettre aux requérantes de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission, au regard notamment des éléments invoqués dans les plaintes, considérait que la mesure litigieuse n’avait pas fait l’objet d’une modification substantielle.

132    Par conséquent, le deuxième moyen est rejeté.

C.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 107 et suivants TFUE

1.      Sur la recevabilité

133    Il convient de rappeler que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (voir arrêt du 4 décembre 2019, PGNiG Supply & Trading/Commission, C‑117/18 P, non publié, EU:C:2019:1042, point 26 et jurisprudence citée).

134    Il y a lieu d’examiner le deuxième cas de figure, relatif à l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE.

135    La Commission et les intervenantes soutiennent que la décision attaquée ne saurait être considérée comme constituant un acte réglementaire concernant directement les requérantes, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE.

136    D’une part, la Commission et les intervenantes soutiennent que la décision attaquée n’est pas un acte réglementaire, à défaut d’être de de portée générale, dès lors que le soutien financier établi par le WohlFödG, dont il est question dans la décision attaquée, ne constituerait pas un régime d’aide au sens de l’article 1er, sous d), premier membre de phrase, du règlement 2015/1589. Par conséquent, les principes dégagés dans l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873), ne seraient pas transposables au cas d’espèce.

137    En effet, premièrement, la Commission et les intervenantes font valoir que les bénéficiaires ne sont pas définis de manière générale et abstraite, mais sont identifiables, puisque le soutien financier est accordé aux associations faîtières membres de la LAG, c’est-à-dire aux treize fédérations du secteur de l’action sociale indépendante en Basse-Saxe. Deuxièmement, ces parties font valoir que les dispositions prévoyant ce soutien requièrent des mesures d’application supplémentaires, à savoir la conclusion d’une convention de subvention ou, à défaut, l’adoption d’un arrêté ministériel régissant, notamment, la répartition dudit soutien. Troisièmement, pour autant que le soutien financier puisse être qualifié d’aide d’État, il constituerait un régime d’aide au sens de l’article 1er, sous d), second membre de phrase, du règlement 2015/1589, lequel type de régime concernerait « une ou plusieurs entreprises », et non des entreprises définies d’une manière générale et abstraite.

138    D’autre part, la Commission et les intervenantes font valoir que la décision attaquée n’affecte pas directement les requérantes. À cet égard, les requérantes n’auraient pas démontré les raisons pour lesquelles la décision attaquée serait susceptible de les placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur leur situation juridique. Par ailleurs, la mesure litigieuse aurait eu exclusivement pour objet l’octroi d’un soutien financier aux associations faîtières réunies dans la LAG, et non la distribution ultérieure de moyens financiers aux établissements membres de ces organisations, laquelle distribution serait d’ailleurs du ressort desdites organisations. Or, seule cette distribution serait susceptible d’affecter la situation juridique des requérantes.

139    Les requérantes contestent cette argumentation.

140    À cet égard, il convient de rappeler que, par le traité de Lisbonne, a été ajouté à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE un troisième membre de phrase qui a assoupli les conditions de recevabilité des recours en annulation introduits par des personnes physiques et morales. En effet, ce membre de phrase, sans soumettre la recevabilité des recours en annulation introduits par les personnes physiques et morales à la condition relative à l’affectation individuelle, ouvre cette voie de recours à l’égard des « actes réglementaires », c’est-à-dire tous les actes non législatifs de portée générale, ne comportant pas de mesures d’exécution et concernant une partie requérante directement (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 57, et du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, points 22 et 28).

141    Les conditions prévues par l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE sont cumulatives, si bien que, si l’une d’entre elles fait défaut, le recours en annulation formé contre cet acte doit être considéré comme étant irrecevable.

a)      Sur la qualification d’acte réglementaire de la décision attaquée

142    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 29 et jurisprudence citée).

143    Par ailleurs, la Cour a jugé que, dans le domaine des aides d’État, les décisions de la Commission ayant pour objet d’autoriser ou d’interdire un régime d’aides national revêtent une portée générale. Cette portée générale résulte du fait que de telles décisions s’appliquent à des situations déterminées objectivement et comportent des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 31 et jurisprudence citée).

144    L’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 définit la notion de régime d’aides comme couvrant, dans le cadre d’une première hypothèse définie dans le premier membre de phrase, « toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition », et, dans le cadre d’une seconde hypothèse définie dans le second membre de phrase, « toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou plusieurs entreprises pour une période indéterminée et/ou pour un montant indéterminé ». Il ne ressort ni de cette définition ni de l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873), qu’un régime d’aide susceptible de relever de la seconde hypothèse de la notion de « régime d’aide » prévue à l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 soit dépourvu de portée générale.

145    En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que l’article 1er du WohlFödG dispose que « le secteur caritatif indépendant est soutenu au moyen d’aides financières du Land [de Basse-Saxe] », de sorte que cette mesure législative concerne le secteur caritatif indépendant dans son ensemble et à l’échelle de ce Land.

146    De même, le titre de l’article 2 du WohlFödG énonce que le Land octroie l’aide financière notamment aux associations du secteur caritatif indépendant, indiquant ainsi que les bénéficiaires de l’aide sont l’ensemble des associations du secteur caritatif indépendant du Land de Basse-Saxe, définies d’une manière générale et abstraite. Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 1, point 1, du WohlFödG prévoit que le soutien financier prévu par ce texte est accordé aux associations faîtières membres de la LAG. Ledit texte vise donc une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir des associations faîtières, actives dans le secteur caritatif indépendant du Land de Basse-Saxe et membres de la LAG.

147    Certes, ainsi qu’il ressort du préambule et de l’article 2 des statuts de la LAG, celle-ci constitue le regroupement des treize fédérations faîtières du secteur de l’action sociale indépendante en Basse-Saxe, lesquelles sont membres de la LAG depuis une date antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 1956 sur la loterie. En outre, l’article 3, paragraphe 2, du WohlFödG dispose que le versement du soutien financier est subordonné à la conclusion d’une convention de subvention entre le ministère des Affaires sociales du Land de Basse-Saxe et les associations faîtières réunies dans la LAG, de sorte que l’admission d’une association faîtière additionnelle comme membre de la LAG nécessiterait la conclusion d’une nouvelle convention de subvention.

148    Toutefois, d’une part, ces circonstances n’excluent pas que d’autres associations faîtières deviennent membres de la LAG. En effet, selon l’article 2, paragraphe 2, des statuts de la LAG, celle-ci peut accueillir de nouveaux membres, pour autant qu’une association faîtière candidate remplisse les conditions prévues à l’article 2, paragraphe 2, de ces statuts, lesquelles requièrent notamment que les activités d’une telle association candidate relèvent de l’action sociale indépendante dans un but d’utilité publique, caritatif ou religieux au sens du code des impôts et que l’admission de ladite association soit acceptée par le bureau du LAG. Par ailleurs, il ne ressort pas du libellé du WohlFödG ou du dossier devant le Tribunal que, en cas d’admission d’une association faîtière comme membre de la LAG, il ne serait pas possible, le cas échéant, pour le ministère des Affaires sociales du Land de Basse-Saxe et les associations faîtières réunies dans la LAG de conclure une nouvelle convention de subvention.

149    D’autre part, la nature réglementaire d’un acte n’est pas mise en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte, en relation avec la finalité de ce dernier (arrêt du 11 juillet 1968, Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, 6/68, EU:C:1968:43, p. 605). Dans le même sens, la Cour a déjà jugé que le fait qu’une entreprise donnée était de fait le seul bénéficiaire d’un régime d’aides correspondant à une exonération d’un droit d’accise n’excluait pas que les bénéficiaires de ladite exonération fussent définis de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, ordonnance du 7 décembre 2017, Irlande/Commission, C‑369/16 P, non publiée, EU:C:2017:955, point 39).

150    En deuxième lieu, il convient de relever que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la convention de subvention de 2016 (voir point 24 ci-dessus), les associations faîtières, bénéficiaires directes du soutien financier, peuvent transférer à leurs propres membres les fonds mis à leur disposition, lesquels constituent des bénéficiaires indirects de ce soutien financier. En outre, les associations faîtières pourraient accueillir de nouvelles organisations caritatives comme membres locaux ou régionaux établis dans le Land de Basse-Saxe. Lesdits membres locaux ou régionaux constituent une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

151    En troisième lieu, dans la décision attaquée, la Commission a conclu que, pour autant que le soutien financier en cause constituait une aide, il constituait une aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589. Dans ce cadre, à supposer même que les bénéficiaires de la mesure en cause constituent un cercle restreint, cette décision fait perdurer les effets de la mesure générale et abstraite que constitue ce soutien à l’égard d’un nombre indéterminé de concurrents des bénéficiaires, directs ou indirects, dudit soutien, de sorte que ladite décision s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, points 31, 36 et 38).

152    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la décision attaquée revêt une portée générale et, partant, constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE.

b)      Sur l’affectation directe des requérantes

153    Selon une jurisprudence constante de la Cour, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 42 et jurisprudence citée).

154    S’agissant spécifiquement des règles relatives aux aides d’État, il convient de souligner que celles-ci ont pour objectif de préserver la concurrence. Ainsi, dans ce domaine, le fait qu’une décision de la Commission laisse entiers les effets de mesures nationales dont la partie requérante a, dans une plainte adressée à cette institution, fait valoir qu’elles n’étaient pas compatibles avec cet objectif et la plaçaient dans une situation concurrentielle désavantageuse permet de conclure que cette décision affecte directement sa situation juridique, en particulier son droit, résultant des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, à ne pas subir une concurrence faussée par les mesures nationales en cause (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 43 et jurisprudence citée).

155    En ce qui concerne le premier des deux critères évoqués au point 153 ci-dessus, la Cour a relevé que, s’il n’appartient pas au juge de l’Union, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre une partie requérante et les bénéficiaires des mesures nationales appréciées dans une décision de la Commission en matière d’aides d’État, telle que la décision attaquée, l’affectation directe de la partie requérante ne saurait toutefois être inférée de la seule potentialité d’une relation de concurrence (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 46 et jurisprudence citée).

156    En effet, dans la mesure où la condition relative à l’affectation directe exige que l’acte contesté produise directement des effets sur la situation juridique de la partie requérante, le juge de l’Union est tenu de vérifier si cette dernière a exposé de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission était susceptible de la placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur sa situation juridique (arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 47).

157    En l’espèce, la seconde requérante est une entreprise prestataire de services d’assistance et de soins ambulatoires dans l’agglomération de Hanovre (Allemagne), la capitale du Land de Basse-Saxe, et, dans le cadre de ses activités, elle se trouve en concurrence avec au moins certaines des organisations membres des associations faîtières regroupées dans la LAG et qui se trouvent à proximité de son lieu d’établissement, ce qui n’est pas contesté par la Commission. Or, a priori, ces organisations sont, par le biais de leurs associations faîtières, éligibles à une partie des fonds versés par le Land de Basse-Saxe dans le cadre du soutien financier en cause. De plus, dans la mesure où ce soutien permet de couvrir les frais de fonctionnement des associations faîtières, il bénéficie également à ces organisations en ce qu’elles sont membres desdites associations.

158    Dans la mesure où il n’appartient pas au juge de l’Union, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre une partie requérante et les bénéficiaires du soutien financier en cause, il y a lieu de considérer que la seconde requérante a justifié de façon pertinente que la décision attaquée, qui laisse entiers les effets du soutien financier en cause, est susceptible de la placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et que, partant, cette décision affecte directement sa situation juridique, en particulier son droit à ne pas subir sur ce marché une concurrence faussée par ce soutien financier (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 50).

159    S’agissant d’un seul et même recours, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir de la première requérante (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 31).

160    En ce qui concerne le second des critères évoqués au point 153 ci-dessus, il suffit de relever que, en ce que la Commission a conclu, dans la décision attaquée, que, pour autant qu’elle constitue une aide, la mesure contestée constitue une aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589, cette décision laisse entiers les effets de la mesure en cause et déploie ses effets juridiques de manière purement automatique en vertu de la seule réglementation de l’Union et sans application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 54).

161    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la décision attaquée concerne directement les requérantes.

c)      Sur l’existence de mesures d’exécution

162    Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’expression « qui ne comportent pas de mesures d’exécution », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risque d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne dispose pas d’une voie de recours devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son égard devant les juridictions nationales (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 58 et jurisprudence citée).

163    En revanche, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 59 et jurisprudence citée).

164    Lorsque la mise en œuvre d’un tel acte appartient aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union, les personnes physiques ou morales peuvent introduire un recours direct devant les juridictions de l’Union contre les actes d’application dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et invoquer au soutien de ce recours, en application de l’article 277 TFUE, l’illégalité de l’acte de base en cause. Lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, ces personnes peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de base en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, sur le fondement de l’article 267 TFUE, la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 60 et jurisprudence citée).

165    Par ailleurs, la Cour a jugé que, aux fins d’apprécier si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables. En outre, dans le cadre de cette appréciation, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 61 et jurisprudence citée).

166    En l’espèce, comme le reconnaît d’ailleurs la Commission, la décision attaquée ne comporte pas de mesures d’exécution à l’égard des requérantes.

167    En effet, d’une part, il n’existe pas de mesure d’exécution de la décision attaquée émanant de la Commission ou d’autres institutions de l’Union.

168    D’autre part, les requérantes ne sont pas concernées par les mesures nationales d’exécution éventuellement pertinentes en l’espèce, en l’occurrence la conclusion d’une convention de subvention ou l’adoption d’un arrêté ministériel concernant, notamment, la répartition du soutien financier entre les associations faîtières membres de la LAG. En effet, la situation des requérantes se distingue de celle des bénéficiaires, directs ou indirects, du soutien financier, dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles de devenir membres d’une telle association, ni de la LAG, compte tenu du fait qu’elles ne remplissent pas les conditions prévues à cet effet, en particulier la condition liée à la nature caritative de leurs activités. Dans ces conditions, il serait artificiel d’attendre des requérantes qu’elles doivent contester, devant une juridiction nationale, une convention de subvention, un arrêté ministériel ou toute autre mesure nationale concernant la répartition du soutien financier, afin d’amener cette juridiction à interroger la Cour sur la validité de la décision attaquée relative au soutien financier en cause (voir, par analogie, arrêts du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, points 65 à 67, et du 28 octobre 2020, Associazione GranoSalus/Commission, C‑313/19 P, non publié, EU:C:2020:869, points 38 à 42).

169    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le recours doit être déclaré recevable également en ce qu’il est fondé sur le troisième moyen.

2.      Sur le fond

170    Le troisième moyen comporte deux branches. Par la première branche, les requérantes font valoir que c’est en violation des articles 107 et suivants TFUE que la Commission a considéré que le soutien financier constituait une aide existante, au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589. Par la seconde branche, les requérantes prétendent que cette mesure litigieuse remplit toutes les conditions d’une aide d’État, au sens de l’article 107 TFUE.

a)      Sur la première branche, relative aux erreurs quant à la qualification du soutien financier d’aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589

171    Par la première branche du troisième moyen, les requérantes soutiennent que le soutien financier n’était pas une aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589 et, à titre subsidiaire, à supposer que cette mesure litigieuse puisse avoir constitué une aide existante, que celle-ci aurait été substantiellement modifiée et serait devenue une aide nouvelle, au sens de l’article 108, paragraphe 3, première phrase, TFUE ou de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, du fait de l’entrée en vigueur du WohlFödG.

1)      Sur l’erreur quant à la qualification du soutien financier d’aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589

172    En premier lieu, les requérantes prétendent que, bien qu’il ait été prévu par l’article 12 de la loi de 1956 sur la loterie, ce ne serait vraisemblablement qu’après le 1er janvier 1958, date d’entrée en vigueur du traité CEE en République fédérale d’Allemagne, que le soutien financier aurait été mis à exécution et effectivement versé pour la première fois aux associations faîtières.

173    La Commission fait valoir que les requérantes ne présentent que des hypothèses, sans preuve, et qu’elles n’avaient pas avancé cette argumentation avant l’adoption de la décision attaquée. Par ailleurs, soutenue par les troisièmes intervenantes, elle relève que les requérantes ne contestent pas que le transfert des redevances aux associations faîtières éligibles avait bien eu lieu en 1957, avant l’entrée en vigueur du traité CEE. Se référant à des documents d’archives, DWEK fait également valoir que les premiers versements effectifs des ressources ont très vraisemblablement eu lieu avant l’entrée en vigueur du traité CEE.

174    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le moment de la mise à exécution d’un régime d’aides ou d’une aide individuelle est celui de l’adoption ou de la conclusion de l’acte juridiquement contraignant par lequel l’autorité nationale compétente s’engage, de manière inconditionnelle, à accorder une aide aux bénéficiaires (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2018, BSCA/Commission, T‑818/14, EU:T:2018:33, point 72 et jurisprudence citée).

175    En l’espèce, il est constant que l’acte par lequel était prévu le versement du soutien financier aux associations caritatives faîtières était la loi de 1956 sur la loterie, adoptée le 27 février 1956 et entrée en vigueur le même jour. En outre, ainsi qu’il est indiqué au point 10 ci-dessus, des lignes directrices réglementant l’utilisation des redevances sur les concessions aux fins de l’accomplissement de missions sociales ont été publiées dans le Niedersächsisches Ministerialblatt en 1956. Cette loi et ces lignes directrices ont donc été adoptées avant la date d’entrée en vigueur du traité CEE.

176    Par ailleurs, il ressort du dossier du Tribunal que des montants auraient été accordés aux associations du secteur caritatif en 1956 et en 1957. Ainsi, les requérantes mentionnent elles-mêmes le versement d’un montant de 6,8 millions de marks allemands en 1956, en faisant référence aux comptes budgétaires du Land de Basse-Saxe de 1956 et de 1957, section 13. De plus, outre les documents d’archives présentés par DWEK, il y a lieu de constater que les montants versés en 1956 et en 1957 sont précisés à l’annexe 16 de la communication du gouvernement allemand du 6 avril 2016 contenant les montants des aides allouées à l’action caritative indépendante depuis 1957. Dès lors, des versements effectifs du soutien financier en cause sont également intervenus avant l’entrée en vigueur du traité CEE (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission, T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227, point 201).

177    Il s’ensuit que le soutien financier en cause a été mis à exécution avant l’entrée en vigueur du traité CEE et que la Commission pouvait considérer que cette mesure, pour autant qu’elle constituait une aide, constituait une aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589.

178    En second lieu, les requérantes font valoir qu’un marché de prestations de soins ambulatoires et stationnaires n’existait pas encore en 1956, car la population s’occupait elle-même de la génération vieillissante ou des malades. Elles estiment que le soutien financier est devenu une aide nouvelle en raison d’une modification ultérieure du champ d’activité du secteur caritatif indépendant. Sur ce point, les requérantes ajoutent que cette modification se distinguerait d’une « évolution du marché intérieur » au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589, de sorte que ledit soutien ne saurait constituer une aide existante au sens de cette disposition.

179    Soutenue par les troisièmes intervenantes, la Commission fait valoir que les observations des requérantes sont inopérantes.

180    À cet égard, et ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, pour autant qu’elle constitue une aide, le soutien financier est une aide existante depuis l’entrée en vigueur du traité CEE, relevant du champ d’application de l’article 1er, sous b), i) du règlement 2015/1589. Par conséquent, les arguments relatifs à l’inexistence, en 1956, d’un marché des prestations privées de soins ambulatoires et stationnaires et à l’inapplicabilité de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589 sont dénués de pertinence.

2)      Sur la modification substantielle de la mesure en cause

181    À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que, à supposer que le soutien financé par la taxe sur les jeux de hasard introduit en 1956 puisse avoir constitué une aide existante, celle-ci, du fait de l’entrée en vigueur du WohlFödG, aurait été substantiellement modifiée et serait devenue une aide nouvelle, au sens de l’article 108, paragraphe 3, première phrase, TFUE ou de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, selon lequel constitue une aide nouvelle, notamment, « toute modification d’une aide existante ». Les requérantes présentent cinq arguments. En premier lieu, elles soutiennent que les associations faîtières ont une plus grande influence, dès lors que l’article 3, paragraphe 3, du WohlFödG ne prévoit la possibilité, pour le ministère des Affaires sociales du Land de Basse-Saxe, d’adopter un arrêté ministériel en lieu et place de la convention de subvention que lorsque les négociations sur les modalités d’utilisation du soutien avec les associations caritatives échouent, alors que l’article 16, paragraphe 2, de la loi de 2007 sur les jeux de hasard lui donnait la possibilité d’adopter un règlement unilatéral en lieu et place de la conclusion d’une convention avec les associations faîtières.

182    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le soutien au secteur caritatif ne dépend plus du marché des jeux de hasard, mais du budget du Land de Basse-Saxe, ce qui augmente la prévisibilité en matière de planification.

183    En troisième lieu, elles estiment que « l’encadrement juridique et factuel » relatif aux recettes des jeux de hasard et la gamme d’activités des associations caritatives auraient été substantiellement modifiés, dès lors que les recettes provenant des jeux de hasard ne sont plus jugées utiles, puisqu’elles ne résultent plus d’une activité socialement indésirable. Dans leur réponse aux mémoires en intervention, les requérantes soutiennent, en substance, que l’affaiblissement du lien entre les recettes provenant des jeux de hasard et le soutien de projets sociaux fragilise ce qui fondait la légitimité de la dotation litigieuse.

184    En quatrième lieu, les requérantes font valoir que le caractère substantiel des modifications résulterait d’une analyse globale des modifications législatives intervenues depuis 1956, comprenant, premièrement, le passage, en 2004, du financement du soutien au moyen d’un pourcentage de la taxe sur les jeux de hasard à un financement au moyen d’un montant forfaitaire, alimenté par ladite taxe jusqu’en 2014, puis directement depuis le budget du Land, deuxièmement, la modification des conditions d’utilisation du soutien financier, initialement déterminées à l’aide de lignes directrices du gouvernement fixées unilatéralement par le Land, puis par le biais de négociations entre le Land et les associations faîtières, et, troisièmement, l’évolution considérable du montant de l’aide. Il s’ensuivrait que tant les modifications législatives que le soutien principal existant depuis 1956 devraient, au plus tard à compter de 2015, être qualifiés d’aides nouvelles.

185    En cinquième lieu, les requérantes font valoir que l’article 2, paragraphe 3, du WohlFödG aboutit à une modification substantielle, dès lors qu’il prévoit que les associations faîtières peuvent désormais répartir librement un soutien supplémentaire parmi les domaines d’activités prévus par la convention de subvention. Selon les estimations des requérantes, cela aurait pour conséquence qu’en moyenne 22 % de ressources pour l’année 2015 auraient pu être utilisées librement, si bien que cela aboutirait à une modification substantielle de l’aide existante au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004.

186    La Commission fait notamment valoir que la plupart de ces griefs n’ont pas été formulés lors de la procédure administrative, si bien qu’il n’a pas été possible de prendre position dans la décision attaquée. Pour le surplus, la Commission et les intervenantes contestent ces griefs et considèrent que les modifications invoquées par les requérantes ne sont pas substantielles.

187    À cet égard, il ressort de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589 que la qualification d’aide nouvelle s’applique à toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante ainsi qu’à toute modification d’une aide existante.

188    Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’article 4 du règlement no 794/2004, intitulé « Procédure de notification simplifiée pour certaines modifications d’aides existantes », dispose :

« 1.      Aux fins de l’article 1er, point c), du [règlement no 659/1999], on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante. »

189    Ainsi qu’il ressort de cette disposition, les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la mesure d’aide ne sont pas considérées comme des modifications d’une aide existante. Pour constituer une aide nouvelle, la modification d’une aide existante doit être substantielle (arrêt du 11 juillet 2014, Telefónica de España et Telefónica Móviles España/Commission, T‑151/11, EU:T:2014:631, point 62).

190    Par ailleurs, ce n’est que la modification en tant que telle qui constitue une aide nouvelle. Ce n’est que dans l’hypothèse où la modification affecte le régime d’aide initial dans sa substance même qu’il se trouve transformé en régime d’aide nouveau. En revanche, une modification n’affecte pas le régime initial dans sa substance même lorsque l’élément nouveau est clairement détachable du régime initial (arrêts du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, points 109 à 111 ; du 20 mars 2013, Rousse Industry/Commission, T‑489/11, non publié, EU:T:2013:144, point 55, et du 11 juillet 2014, Telefónica de España et Telefónica Móviles España/Commission, T‑151/11, EU:T:2014:631, point 63).

191    En l’espèce, il convient de vérifier si les évolutions législatives successives ont donné lieu à une modification substantielle du soutien financier établi par la loi de 1956 sur la loterie. Ce faisant, il y a lieu d’examiner si ces modifications ont porté atteinte aux éléments constitutifs de ce régime de financement, tels que le cercle des bénéficiaires, l’objectif du soutien financier et la mission de service public confiée aux bénéficiaires, ainsi que la source de ce soutien et son montant (voir, en ce sens, arrêts du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C‑44/93, EU:C:1994:311, point 29 ; du 20 septembre 2018, Carrefour Hypermarchés e.a., C‑510/16, EU:C:2018:751, point 41, et du 13 décembre 2018, Rittinger e.a., C‑492/17, EU:C:2018:1019, points 60 à 63).

192    Or, il n’est pas contesté par les requérantes que les bénéficiaires du soutien financier actuel sont les mêmes associations faîtières que celles qui ont bénéficié du soutien financé en application de la loi de 1956 sur la loterie. Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’objectif du soutien financier, à savoir d’aider les associations caritatives pour la fourniture de services sociaux, n’a pas été modifié depuis l’établissement de cette loi de 1956 sur la loterie.

193    En ce qui concerne les arguments avancés par les requérantes rappelés aux points 181 à 185 ci-dessus, en premier lieu, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 3, du WohlFödG n’a pas conféré aux associations faîtières une plus grande influence en prévoyant la possibilité, pour le ministère des Affaires sociales du Land de Basse-Saxe, d’adopter un arrêté ministériel en lieu et place de la convention de subvention uniquement lorsque les négociations sur les modalités d’utilisation du soutien avec les associations faîtières échouaient. En effet, le libellé et l’interprétation de cette disposition ne créent pas de différence par rapport à l’article 16, paragraphe 2, de la loi de 2007 sur les jeux de hasard, qui donnait également à ce ministère la possibilité d’adopter un règlement unilatéral en lieu et place de la conclusion d’une convention avec les associations faîtières. Ainsi que l’a relevé DWEK, l’article 16, paragraphe 2, de cette loi de 2007 prévoyait la même habilitation que celle prévue par le WohlFödG.

194    En tout état de cause, l’argument relatif à l’augmentation de l’influence des associations faîtières n’est pas pertinent, dès lors qu’il n’est pas de nature à remettre en cause les constatations selon lesquelles la finalité de l’octroi du soutien financier, la nature des activités et le cercle des bénéficiaires n’ont, en substance, pas évolué depuis l’adoption de la loi de 1956 sur la loterie.

195    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument relatif à la provenance des ressources, il suffit de constater que le fonds accordé dans le cadre du soutien financier provenait toujours du budget du Land de Basse-Saxe, lequel était alimenté par les recettes provenant de la loterie et des jeux de hasard. D’ailleurs, les requérantes n’ont pas contesté le point 49 de la décision attaquée, par lequel la Commission a précisé que la nature et la source de la rémunération n’ont pas été modifiées par l’entrée en vigueur du WohlFödG, dès lors que les entrepreneurs de loteries ont toujours dû verser les redevances de concession et de jeux de hasard au Land.

196    Quant à l’amélioration en termes de prévisibilité du montant octroyé, favorisant la planification, il y a lieu de constater que, au point 48 de la décision attaquée, la Commission a, à juste titre, considéré que le passage d’un montant exprimé en pourcentages à un montant forfaitaire, intervenu par un amendement contenu dans la loi de 2004 d’accompagnement du budget, ne constituait pas une modification substantielle, dès lors qu’elle n’influençait pas le droit fondamental des associations faîtières à un soutien financier public pour les services d’assistance sociale qu’elles fournissent. S’agissant de l’effet de la WohlFödG sur le soutien financier, il ne saurait en aller autrement, si bien que, de même qu’en 2004, il ne s’agissait pas d’une modification substantielle, d’autant plus que ni la loi de 2004 d’accompagnement du budget ni la WohlFödG n’a donné lieu à une augmentation de la subvention par rapport aux montants accordés avant ce passage.

197    En troisième lieu, en ce que les requérantes tirent argument de la disparition du lien entre les recettes provenant des jeux de hasard et le soutien de projets sociaux, il y a lieu de relever que ces éléments constitutifs de la mesure n’ont pas été substantiellement modifiés, dès lors que les recettes provenant des jeux de hasard en 1957 faisaient partie du budget du Land et que les projets sociaux des associations faîtières sont toujours restés essentiellement les mêmes qu’en 1957.

198    En quatrième lieu, il convient de constater que l’analyse globale présentée par les requérantes ne permet pas de conclure à une modification affectant le régime d’aide dans sa substance. En effet, il ressort d’un examen des dispositions législatives pertinentes et de leur évolution entre 1956 et 2016 que les modifications des bases légales étaient de nature purement formelle ou administrative, en ce qu’elles n’ont pas eu pour effet de modifier de façon substantielle les éléments constitutifs de la mesure tels que, notamment, le montant du soutien octroyé aux bénéficiaires. Tel est notamment le cas du WohlFödG, qui n’a pas modifié les bénéficiaires de la mesure, l’objectif du soutien, la provenance de l’aide ni, de façon substantielle, le montant du soutien.

199    Quant aux modifications des conditions d’utilisation de ce soutien, d’une part, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, du WohlFödG, ces conditions sont déterminées par le ministère des Affaires sociales du Land de Basse-Saxe si les « négociations » entre celui-ci et la LAG échouent, de sorte que la situation n’a pas significativement évolué depuis l’époque où, ainsi qu’il ressort du point 10 ci-dessus, le Land de Basse-Saxe fixait unilatéralement lesdites conditions dans des lignes directrices. D’autre part, l’article 3, paragraphe 2, du WohlFödG a pour vocation d’encadrer ces négociations. Partant, il ne ressort pas de l’évolution de la méthode de détermination des conditions d’utilisation dudit soutien que cette évolution ait eu nécessairement pour effet de modifier la substance de ces conditions, ni que celle-ci ait donné lieu à une modification substantielle de la mesure en cause.

200    S’agissant des montants du soutien, ainsi que cela est exposé au point 117 ci-dessus, il ressort des données financières qui ont été communiquées à la Commission par les autorités allemandes au cours de la procédure administrative que les augmentations du montant du soutien financier n’ont, dans l’ensemble, pas donné lieu à un niveau d’aide excédant de plus de 20 % le montant initial de ce soutien. Partant, les adaptations des montants dudit soutien n’ont pas dépassé le seuil indiqué à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004.

201    En cinquième lieu, les requérantes contestent l’article 2, paragraphe 3, du WohlFödG, selon lequel, dans le cas de recettes importantes provenant des taxes sur les jeux de hasard, un soutien financier supplémentaire sera attribué pour partie aux associations faîtières de la LAG et, pour partie, à l’Office régional pour les problèmes d’addiction (voir point 13 ci-dessus). À cet égard, il y a lieu de constater que ce grief relatif à la prétendue flexibilité d’utilisation du soutien supplémentaire n’a pas été invoqué lors de la procédure administrative. En tout état de cause, les requérantes ne démontrent pas que ce soutien supplémentaire modifie la substance du soutien financier ou constitue un élément détachable du soutien principal prévu par l’article 2, paragraphe 1, point 1, de la même loi.

202    De même, il y a lieu de rappeler que l’article 3 du WohlFödG décrit les missions du secteur caritatif indépendant et les conditions imposées aux associations faîtières réunies dans la LAG. L’article 3, paragraphe 1, première phrase, du WohlFödG précise que « [l]es aides financières visées à l’article 2, paragraphe 1, point 1, et à l’article 2, paragraphe 3, point 1, doivent être utilisées en vue du soutien des missions du secteur caritatif indépendant ». Il s’ensuit que le soutien financier supplémentaire contesté par les requérantes ne constitue pas une modification substantielle de la mesure, la transformant en une aide nouvelle au motif que ce soutien supplémentaire pourrait être librement utilisé par les associations faîtières. En effet, tant le soutien principal que le soutien supplémentaire sont uniquement destinés au soutien de missions caritatives éligibles. De plus, le versement du soutien supplémentaire n’est au demeurant pas systématique, puisqu’il dépend de l’existence de recettes excédentaires provenant des jeux de hasard dépassant le montant de 147 300 000 euros.

203    Il résulte de ce qui précède que la mesure en cause n’a pas fait l’objet d’une modification substantielle depuis son instauration en 1956. Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner l’argument de la Commission selon lequel la question d’une telle modification substantielle n’a pas été évoquée durant la procédure administrative, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen comme n’étant pas fondée.

b)      Sur la seconde branche, relative à l’erreur quant à l’absence de qualification du soutien financier d’aide au sens de l’article 107 TFUE

204    Par la seconde branche du troisième moyen, les requérantes prétendent que la mesure litigieuse remplit toutes les conditions pour être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE.

205    La Commission conclut au rejet de cette branche.

206    À cet égard, il y a lieu de constater que, par la seconde branche, les requérantes visent à démontrer que le soutien financier en cause constitue une aide d’État. Or, il importe de relever que la Commission n’a, dans la décision attaquée, procédé à aucune appréciation relative à la qualification d’aide d’État de cette mesure et ne s’est pas prononcée sur la réunion des conditions prévues à l’article 107 TFUE ni sur la compatibilité éventuelle de ladite mesure avec le marché intérieur. Partant, l’argumentation avancée par les requérantes est inopérante. Par conséquent, la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée et, ainsi, le troisième moyen dans son ensemble.

207    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

VI.    Sur les dépens

208    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission et des intervenantes, conformément aux conclusions de ces dernières.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Verband Deutscher Alten- und Behindertenhilfe, Landesverband Niedersachsen/Bremen und Hamburg/Schleswig-Holstein eV et CarePool Hannover GmbH sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, par Diakonisches Werk evangelischer Kirchen in Niedersachsen eV, par Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Hannover eV ainsi que par Arbeiterwohlfahrt Bezirksverband Braunschweig eV et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 avril 2021.

Signatures


Table des matières


I. Cadre juridique relatif aux mesures nationales visées par la décision attaquée

II. Antécédents du litige

III. Décision attaquée

IV. Procédure et conclusions des parties

V. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux découlant de l’article 108, paragraphe 2, TFUE

1. Sur la recevabilité

2. Sur le fond

a) Sur la durée de la procédure d’examen préliminaire

b) Sur la motivation de la décision attaquée

c) Sur l’attitude de la Commission

B. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

C. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 107 et suivants TFUE

1. Sur la recevabilité

a) Sur la qualification d’acte réglementaire de la décision attaquée

b) Sur l’affectation directe des requérantes

c) Sur l’existence de mesures d’exécution

2. Sur le fond

a) Sur la première branche, relative aux erreurs quant à la qualification du soutien financier d’aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589

1) Sur l’erreur quant à la qualification du soutien financier d’aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589

2) Sur la modification substantielle de la mesure en cause

b) Sur la seconde branche, relative à l’erreur quant à l’absence de qualification du soutien financier d’aide au sens de l’article 107 TFUE

VI. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      La liste des autres parties intervenantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.