Language of document : ECLI:EU:T:2019:815

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

27 novembre 2019 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs à une opération navale menée en Méditerranée centrale en 2017 par Frontex – Navires déployés – Refus d’accès – Article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection de l’intérêt public en matière de sécurité publique »

Dans l’affaire T‑31/18,

Luisa Izuzquiza, demeurant à Madrid (Espagne),

Arne Semsrott, demeurant à Berlin (Allemagne),

représentés par Mes S. Hilbrans, R. Callsen, avocats, et M. J. Pobjoy, barrister,

parties requérantes,

contre

Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), représentée par MM. H. Caniard et T. Knäbe, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Wägenbaur et J. Currall, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision CGO/LAU/18911c/2017 de Frontex, du 10 novembre 2017, refusant l’accès aux documents contenant des informations relatives au nom, au pavillon et au type de chaque navire déployé par elle dans la Méditerranée centrale dans le cadre de l’opération conjointe Triton entre le 1er juin et le 30 août 2017,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. P. Nihoul, faisant fonction de président, J. Svenningsen et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après « Frontex ») a été créée en 2004 et est actuellement régie par le règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil, du 14 septembre 2016, relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) no 863/2007 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil et la décision 2005/267/CE du Conseil (JO 2016, L 251, p. 1).

2        Conformément à l’article 1er du règlement 2016/1624, le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, constitué, selon l’article 3 du même règlement, de Frontex et des autorités nationales des États membres chargées de la gestion des frontières, vise à assurer la gestion européenne intégrée des frontières extérieures, ce qui « implique notamment de s’attaquer aux défis migratoires et aux éventuelles futures menaces à ces frontières, en contribuant ainsi à lutter contre les formes graves de criminalité ayant une dimension transfrontalière, afin d’assurer un niveau élevé de sécurité intérieure au sein de l’Union, dans le plein respect des droits fondamentaux, tout en y préservant la libre circulation des personnes ».

3        Frontex aide les agences de gestion des frontières et les garde-côtes des États membres, notamment en coordonnant ces derniers par le biais des « opérations conjointes » menées avec l’État membre hôte et d’autres États membres. Les règles d’engagement, les ressources, le personnel, le matériel et les infrastructures utilisés par les participants sont établis par le plan d’opération propre à chaque opération.

4        Frontex a lancé l’opération Triton au début du mois de novembre 2014, après avoir reçu une allocation budgétaire supplémentaire de la part de la Commission européenne.

5        L’opération Triton visait à améliorer la surveillance et le contrôle de la sécurité des frontières grâce à des patrouilles communes et aux équipements mis à disposition par les États membres. Sa zone opérationnelle couvrait les eaux territoriales de l’Italie et de Malte ainsi que des zones de recherche et de sauvetage propres à ces deux États membres et allant jusqu’à 138 milles nautiques au sud de la Sicile.

6        L’opération Triton 2017, commencée le 1er janvier 2017, s’est terminée le 31 janvier 2018.

7        Aux termes de l’article 74, paragraphe 1, du règlement 2016/1624, « lorsqu’elle traite les demandes d’accès aux documents qu’elle détient, [Frontex] est soumise au règlement (CE) no 1049/2001 [du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43)] ».

8        En outre, l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2016/1624 prévoit ce qui suit :

« L’Agence, de sa propre initiative, entreprend des actions de communication sur les questions qui relèvent de son mandat. Elle met à la disposition du public des informations précises et détaillées sur ses activités.

Ces actions de communication ne peuvent pas nuire aux missions visées au paragraphe 1, notamment par la révélation d’informations opérationnelles qui, si elles étaient rendues publiques, compromettraient la réalisation de l’objectif poursuivi par les opérations. Ces actions de communication sont réalisées sans préjudice de l’article 50 et conformément aux plans de communication et de diffusion correspondants adoptés par le conseil d’administration. »

9        Enfin, l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2016/1624, énonce ce qui suit :

« [Frontex] assure, de sa propre initiative, une communication sur les questions relevant de ses missions. Elle publie les informations utiles, y compris un rapport d’activité annuel […], et veille notamment, […] à ce que le public et toute partie intéressée reçoive rapidement une information objective, complète, fiable et aisément compréhensible concernant ses travaux. Elle procède à cette information sans révéler d’informations opérationnelles qui pourraient nuire à la réalisation de l’objectif des opérations si elles étaient rendues publiques. »

10      Par courriel du 1er septembre 2017, les requérants, Mme Luisa Izuzquiza et M. Arne Semsrott, ont, en application de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), introduit auprès de Frontex une demande d’accès à des documents contenant des informations relatives au nom, au type et au pavillon de tous les navires qu’elle avait déployés entre le 1er juin et le 30 août 2017 en Méditerranée centrale dans le cadre de l’opération Triton.

11      Par courrier du 8 septembre 2017, communiqué aux requérants le même jour, Frontex a refusé l’accès aux documents demandés sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, relatif à la protection de l’intérêt public en matière de sécurité publique.

12      Dans ce courrier, Frontex a indiqué ce qui suit :

« Les informations contenues dans le document demandé permettraient, en combinaison avec des informations tombées dans le domaine public telles que celles disponibles sur le site Internet www.marinetraffic.com, d’avoir connaissance de la position actuelle des navires de patrouille.

S’ils étaient en possession de cette information, des réseaux criminels impliqués dans le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains pourraient avoir connaissance des zones et horaires de patrouille, ce qui leur permettrait d’adapter leur mode opératoire afin de contourner la surveillance des frontières et, partant, de franchir la frontière extérieure et d’accéder de manière irrégulière au territoire d’un État membre de l’Union européenne.

La surveillance des frontières vise à lutter contre la migration illégale et le trafic d’êtres humains et à prévenir toute menace pour la sécurité intérieure des États membres et la sécurité publique. »

13      Par courriel du 29 septembre 2017, les requérants ont, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, déposé une demande confirmative.

14      Dans leur demande confirmative, les requérants ont fait valoir que, premièrement, les nom, pavillon et type de chaque navire impliqué dans l’opération Sophia du SEAE (Service européen pour l’action extérieure) étaient publiés proactivement en ligne et activement médiatisés, deuxièmement, les nom, pavillon et type de chaque navire impliqué dans l’opération Triton 2016 étaient alors accessibles en ligne et, troisièmement, le 12 septembre 2017, Frontex avait proactivement publié sur Twitter une partie des informations demandées.

15      Par courriel du 17 octobre 2017, Frontex a demandé un délai supplémentaire de quinze jours ouvrables sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

16      Par la décision CGO/LAU/18911c/2017 du 10 novembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), Frontex a confirmé le refus de divulguer les documents demandés au motif que « la divulgation de détails sur l’équipement technique déployé dans les opérations actuellement en cours porterait atteinte à la sécurité publique ».

17      Dans la décision attaquée, Frontex a réaffirmé ce qui suit :

–        « [s]ur la base des informations contenues dans les documents demandés, [il pourrait] être possible, en les combinant avec des informations publiquement disponibles sur certains sites Web/outils maritimes, de prendre connaissance de la position actuelle des navires en patrouille »,

–        « [e]n possession de ces informations, les réseaux criminels impliqués dans le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains seraient informés des zones et des horaires de patrouille des navires », ce qui « permettrait à ces réseaux criminels d’adapter leur modus operandi afin de contourner la surveillance des frontières et, partant, de franchir la frontière extérieure et d’accéder de manière irrégulière au territoire d’un État membre de l’Union européenne ».

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2018, les requérants ont introduit le présent recours.

19      Le 27 mars 2018, Frontex a déposé le mémoire en défense.

20      Le 30 mai 2018, les requérants ont déposé la réplique.

21      Le 20 juillet 2018, Frontex a déposé la duplique.

22      Le 1er octobre 2018, Frontex a déposé une demande de huis clos conformément à l’article 109, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Le 24 octobre 2018, les requérants ont déposé leurs observations sur la demande de huis clos.

23      Par décision du 30 avril 2019, le Tribunal a rejeté la demande de huis clos.

24      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites. Celles-ci y ont répondu dans le délai prescrit.

25      Par une mesure d’instruction prévue à l’article 91, sous c), du règlement de procédure, le Tribunal a ordonné à Frontex de produire « tout document contenant des informations sur le nom, le pavillon et le type de navires de tous les navires déployés dans l’opération Triton du 1er juin au 30 août 2017 », tout en précisant que, conformément à l’article 104 du règlement de procédure, ceux-ci ne seraient pas communiqués aux requérants. Frontex a, en réponse à cette mesure d’instruction, fourni un seul document, contenant toutes les données requises, dans les délais prescrits.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 juillet 2019.

27      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        en tout état de cause, condamner Frontex aux dépens.

28      Frontex conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 Sur la recevabilité du recours 

29      Frontex estime que le recours est irrecevable au motif que la demande d’accès aux documents litigieux a été précédée et suivie d’une série de demandes introduites séparément par les requérants (point 33 du mémoire en défense), qui porteraient, au moins en partie, sur les mêmes informations. Par le présent recours, les requérants viseraient en réalité à contourner les délais applicables aux recours, les décisions de refus relatives aux autres demandes étant devenues définitives en raison du fait qu’elles n’auraient pas été mises en cause devant le Tribunal.

30      Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et ordonnance du 2 septembre 2009, E.ON Ruhrgas et E.ON Földgáz Trade/Commission, T‑57/07, non publiée, EU:T:2009:297, point 30).

31      En revanche, un recours en annulation dirigé contre une décision purement confirmative d’une décision antérieure non attaquée dans les délais est irrecevable (voir arrêt du 11 janvier 1996, Zunis Holding e.a./Commission, C‑480/93 P, EU:C:1996:1, point 14 et jurisprudence citée, et ordonnance du 16 mars 1998, Goldstein/Commission, T‑235/95, EU:T:1998:56, point 41 et jurisprudence citée).

32      À cet égard, il importe de relever que, parmi les demandes similaires citées au point 33 du mémoire en défense, seule la demande du 19 juin 2017 a donné lieu à une décision antérieure à la décision attaquée, soit le 30 juin 2017. C’est donc uniquement par rapport à cette décision que la décision attaquée est susceptible de revêtir un caractère confirmatif.

33      La décision attaquée ne présente cependant pas un caractère confirmatif par rapport à celle du 30 juin 2017.

34      En effet, ainsi que le soulignent les requérants, les deux demandes d’accès portent sur des informations différentes. La demande du 19 juin 2017, qui a donné lieu à la décision du 30 juin 2017, concernait l’accès à une liste de navires alors déployés par Frontex dans le cadre des opérations conjointes Triton et Poséidon, contenant des informations détaillées sur la flotte, y compris les noms des navires, leurs indicatifs d’appel, l’identification du service maritime mobile (MSSI), les ports d’attache, les vitesses de croisière, le type de navires et la capacité en carburant, tandis que la demande du 1er septembre 2017, qui a donné lieu à la décision attaquée, portait sur le nom, le type et le pavillon de ces navires pendant la période comprise entre le 1er juin et le 30 août 2017.

35      Si la demande du 19 juin 2017 incluait bien des informations identiques à celles demandées le 1er septembre suivant, à savoir les noms, pavillons et types de navire déployés dans le cadre de l’opération Triton, la période concernée par ces demandes était différente. Alors que les informations demandées le 19 juin 2017 portaient sur les navires déployés à la date de cette demande, la demande du 1er septembre 2017 portait sur les navires déployés au cours de la période comprise entre le 1er juin et le 30 août 2017, et donc achevée au moment de ladite demande. De plus, la première de ces demandes a été introduite par M. Semsrott, alors que la seconde a été introduite par les deux requérants.

36      Dès lors, force est de constater que la demande du 1er septembre 2017 est différente de celle du 19 juin 2017, de sorte que la décision attaquée ne saurait être considérée comme une décision confirmative de celle du 30 juin 2017.

37      En conséquence, le présent recours est recevable.

 Sur le fond

38      Les requérants invoquent cinq moyens.

39      Le premier moyen comporte deux branches. Dans la première branche, les requérants estiment que Frontex a violé l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce qu’elle n’aurait pas examiné si chaque document demandé relevait de l’exception tirée de la sécurité publique, tandis que, dans la seconde branche, les requérants reprochent à Frontex d’avoir violé l’obligation de motivation.

40      Les quatre autres moyens sont tirés respectivement de :

–        la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce que la décision serait fondée sur des faits manifestement inexacts : les navires déployés dans le cadre de l’opération Triton ne pourraient pas faire l’objet d’un suivi par des moyens mis à disposition du grand public pendant les missions ;

–        la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce que la divulgation d’informations au sujet des navires déployés pendant une période passée n’entraînerait pas automatiquement des inconvénients pour la surveillance des frontières ;

–        la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce qu’une partie des informations demandées auraient déjà été publiées ;

–        la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, en ce que l’éventuel risque que des réseaux criminels contournent la surveillance des frontières ne justifierait pas le refus de communiquer les informations relatives au type ou au pavillon des navires concernés.

41      La seconde branche du premier moyen sera examinée en dernier lieu.

 Sur la première branche du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce que Frontex n’aurait pas examiné si chaque document demandé relevait de l’exception tirée de la sécurité publique 

42      Les requérants reprochent à Frontex de ne pas avoir, dans la décision attaquée, procédé à un examen individuel des différents documents contenant les informations demandées afin de déterminer s’ils relevaient de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001.

43      Frontex estime que la première branche du premier moyen n’est pas fondée et souligne que les requérants ont demandé l’accès non pas à des documents particuliers, mais à des données, contenues dans des documents non déterminés.

44      À cet égard, il convient de constater que, dans leur courrier du 1er septembre 2017, les requérants ont demandé à accéder à « des documents contenant des informations » relatives au nom, au type et au pavillon de tous les navires déployés par Frontex entre le 1er juin et le 30 août 2017 en Méditerranée centrale dans le cadre de l’opération Triton 2017.

45      S’agissant d’une telle demande, il importe de rappeler que, selon l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, les demandes d’accès doivent porter sur des documents et que, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement, les demandes d’accès doivent être formulées de manière « suffisamment précise pour permettre à l’institution d’identifier le document [demandé] ».

46      Conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, « si une demande n’est pas suffisamment précise, l’institution invite le demandeur à la clarifier et assiste celui-ci à cette fin, par exemple, en lui donnant des informations sur l’utilisation des registres publics de documents ».

47      La procédure prévue par les articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001 a pour objectif, à titre principal, de permettre un traitement rapide et facile des demandes d’accès à ces documents et, à titre subsidiaire, d’éviter, conformément au principe de bonne administration, que l’institution ne supporte une charge de travail disproportionnée (arrêt du 3 mai 2018, Malte/Commission, T‑653/16, EU:T:2018:241, point 77 ; voir également, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, points 25, 27 et 28).

48      De plus, l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 prévoit que, « [p]our permettre aux citoyens de jouir de manière concrète des droits résultant [dudit] règlement, chaque institution rend accessible un registre de documents ».

49      Dans le cas d’espèce, Frontex n’a pas tenu de registre de documents conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001. Elle n’a pas non plus invité les requérants à préciser davantage leur demande d’accès et ne les a pas assistés pour ce faire. Frontex ne semble pas non plus avoir fourni d’autres moyens susceptibles d’aider les requérants à trouver, décrire ou définir les documents pertinents.

50      En réponse à une mesure d’instruction du Tribunal, Frontex a transmis un document contenant toutes les informations demandées par les requérants. À l’audience, elle a indiqué qu’elle avait extrait ces informations d’une base de données électroniques, avant de les compiler dans le document transmis au Tribunal.

51      À cet égard, la Cour a jugé que, si le droit d’accès aux documents des institutions ne concernait que les documents existants et effectivement en possession de l’institution concernée, la distinction entre un document existant et un document nouveau, en ce qui concernait les bases de données électroniques, devait se faire sur la base d’un critère adapté aux spécificités techniques de ces bases et de manière conforme à l’objectif du règlement no 1049/2001 qui vise, ainsi qu’il ressort du considérant 4 et de l’article 1er, sous a), dudit règlement, à garantir un accès aussi large que possible aux documents (arrêt du 11 janvier 2017, Typke/Commission, C‑491/15 P, EU:C:2017:5, points 31 et 35).

52      Doivent ainsi être qualifiées de document existant toutes les informations qui peuvent être extraites d’une base de données électronique dans le cadre de son utilisation courante à l’aide des outils de recherche préprogrammés, même si ces informations n’ont pas encore été affichées sous cette forme ou n’ont jamais fait l’objet d’une recherche par les agents des institutions (arrêt du 11 janvier 2017, Typke/Commission, C‑491/15 P, EU:C:2017:5, point 37).

53      De cette jurisprudence, il résulte que, contrairement à ce que prétendent les requérants, les institutions, pour satisfaire aux exigences du règlement no 1049/2001, peuvent constituer un document à partir des informations contenues dans une base de données en utilisant les outils de recherche existants (arrêt du 11 janvier 2017, Typke/Commission, C‑491/15 P, EU:C:2017:5, point 38).

54      Lorsqu’un document comportant de telles informations est généré, l’institution ou l’agence concernée n’est pas tenue de procéder à un examen individuel de chacun des documents dont proviennent les données demandées, l’essentiel étant que, comme cela a été le cas en l’espèce, les informations dont il est question aient fait l’objet d’un tel examen.

55      Il y a donc lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce que la décision serait basée sur des faits manifestement inexacts

56      Les requérants contestent que, comme l’a affirmé Frontex dans le courrier du 8 septembre 2017 et dans la décision attaquée, il soit possible de suivre les navires déployés dans le cadre de l’opération Triton grâce à des sites Internet maritimes accessibles au public tels que marinetraffic.com. Les navires déployés dans le cadre de l’opération Triton seraient dotés d’un équipement comportant un système d’identification automatique (SIA) qui permettrait de communiquer, en particulier, leur nom, leur position, leur vitesse et leur route par le biais des transmissions radiophoniques à des stations ou à des satellites. Toutefois, ils ne transmettraient pas leurs données SIA lorsqu’ils sont en mission de manière à éviter de pouvoir se rendre détectables. En raison de cette pratique, les informations relatives à l’identité des navires déployés ne pourraient pas aider les tiers à avoir connaissance de la position ou des habitudes de patrouille de ces navires lorsqu’ils sont en mission, notamment pour surveiller les frontières. Dès lors, selon les requérants, le motif invoqué par Frontex dans la décision attaquée ne correspond pas à la réalité.

57      Frontex estime que l’argument n’est pas fondé.

58      À cet égard, il importe de rappeler que le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 61 ; voir, également, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 34 et jurisprudence citée).

59      Ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêts publics ou privés (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 62, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 35).

60      Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement no 1049/2001 prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 35).

61      Dès lors que de telles exceptions dérogent au principe d’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 63, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 36) de sorte que la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (arrêts du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 64, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 36).

62      En effet, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 que cette institution invoque. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêts du 3 juillet 2014, Conseil/in’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 37).

63      Dans sa jurisprudence, la Cour a développé un régime particulier pour les exceptions prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 relatives à la protection de l’intérêt public, en ce qui concerne la sécurité publique, la défense et les affaires militaires, les relations internationales ainsi que la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre.

64      S’agissant de ces intérêts, la Cour a jugé que la nature particulièrement sensible et essentielle des intérêts publics concernés, combinée au caractère obligatoire du refus d’accès devant, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 être opposé par l’institution lorsque la divulgation au public d’un document portait atteinte auxdits intérêts, conférait à la décision devant ainsi être prise par l’institution un caractère complexe et délicat nécessitant un degré de prudence tout particulier et que, en l’occurrence, une telle décision requérait dès lors une marge d’appréciation (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 35, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 38).

65      Ainsi, le principe d’interprétation stricte des exceptions visées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne s’oppose pas, selon la Cour, à ce que, s’agissant des exceptions relatives à l’intérêt public visées au paragraphe 1, sous a), de cet article, l’institution concernée dispose d’une large marge d’appréciation aux fins de déterminer si la divulgation au public d’un document porterait atteinte aux intérêts protégés par cette disposition et, corrélativement, le contrôle de légalité exercé par le Tribunal en ce qui concerne une décision de refus d’accès à un document, opposée par l’institution au titre de l’une desdites exceptions, doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 64, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 40).

66      Par conséquent, il convient de déterminer en l’espèce si, dans la décision attaquée, Frontex a fourni des explications plausibles quant à la question de savoir de quelle manière l’accès aux documents litigieux pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à la protection de la sécurité publique de l’Union et si, dans les limites du large pouvoir d’appréciation de Frontex au titre des exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, l’atteinte alléguée pouvait être considérée comme raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 41).

67      En l’espèce, le moyen met en cause l’exactitude matérielle de l’affirmation formulée par Frontex dans la décision attaquée selon laquelle, si les informations sollicitées étaient divulguées, elles pourraient être combinées avec des informations accessibles sur certains sites Internet ou outils maritimes pour connaître la position des navires participant à l’opération Triton.

68      Dans ce cadre, les requérants font valoir, de manière spécifique, qu’il n’est pas possible de suivre la position des navires participant à l’opération Triton 2017 sur le site www.marinetraffic.com, cité par Frontex dans son courrier du 8 septembre 2017, car ces navires éteignent leur transpondeur durant leurs missions avec pour conséquence qu’ils n’émettent plus aucun signal qui permettrait de les localiser grâce à ce site.

69      À cet égard, il convient de relever que, selon les déclarations formulées par Frontex à l’audience, les transpondeurs des navires participant aux missions organisées par Frontex ne sont pas éteints, de manière systématique, durant ces périodes.

70      Au contraire, il ressort des déclarations de Frontex que, contrairement à ce qui est indiqué dans la requête, les transpondeurs installés sur les navires sont parfois actifs, la décision de les activer ou de les éteindre appartenant au commandant de chaque navire. C’est à ce dernier qu’il revient, en effet, de déterminer, étant donné les circonstances spécifiques dans lesquelles le navire évolue, s’il est opportun, pour des raisons de sécurité, d’éviter de pouvoir être localisé ou si, au contraire, par exemple pour éviter une collision ou pour sauver des personnes en détresse, que la position du navire apparaisse sur les radars des autres embarcations.

71      De plus, selon Frontex, les informations demandées par les requérants sont suffisantes, même lorsque le système SIA n’est pas utilisé, pour localiser, puis suivre un navire si elles sont combinées, d’une part, avec des moyens de surveillance de faible technicité (low-tech), tels que l’observation des mouvements des navires à partir de la côte ou d’un ou de plusieurs autres navires, ou, d’autre part, avec des moyens de surveillance de haute technicité (high-tech) tels que l’utilisation de drones, l’usage de ces deux types de moyens étant répandu parmi les groupes criminels actifs en haute mer ou dans d’autres zones maritimes.

72      Connaissant la localisation des navires, les trafiquants disposeraient des informations nécessaires pour éviter les contrôles destinés à empêcher l’accès illégal aux frontières.

73      La perspective que de tels navires puissent être localisés par des trafiquants constitue un risque relevant de la sécurité publique, dans un contexte où ces trafiquants n’hésitent pas à attaquer les navires, parfois avec des armes de guerre, ou à engager des manœuvres capables de mettre en danger les équipages et le matériel.

74      Ainsi, il doit être constaté que, malgré les arguments invoqués par les requérants, les explications fournies par Frontex dans la décision attaquée conservent leur plausibilité et démontrent, comme le requiert la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, l’existence d’un risque prévisible, et non simplement hypothétique, pour la sécurité publique, qui justifie l’usage de l’exception mentionnée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001 dans les limites du large pouvoir d’appréciation qui, selon la jurisprudence citée aux points 63 à 65, doit être reconnue à Frontex pour la mise en œuvre de cette exception.

75      En conséquence, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce que la divulgation d’informations au sujet des navires déployés pendant une période passée n’entraînerait pas automatiquement des inconvénients pour la surveillance des frontières

76      Les requérants estiment que Frontex a commis une erreur manifeste d’appréciation en leur refusant les informations demandées parce que ces informations concernaient la période comprise entre le 1er juin et le 30 août 2017, qui était déjà terminée lors du dépôt de leur demande et a fortiori lors de l’adoption de la décision attaquée.

77      Frontex conteste le moyen.

78      En l’espèce, la demande d’accès a été formulée le 1er septembre 2017 et portait sur des informations relatives à la période comprise entre le 1er juin et le 30 août 2017.

79      Certes, la période à laquelle se rapportaient les informations demandées était expirée au moment de la formulation de la demande. Il n’en demeure pas moins qu’elle s’inscrivait dans une durée plus étendue au cours de laquelle l’opération Triton 2017 devait être menée et qui, quant à elle, expirait le 31 janvier 2018.

80      Dès lors que l’opération Triton 2017 était toujours en cours au moment de la demande, le risque que les informations demandées soient utilisées par des criminels afin de localiser les navires participant à cette opération après le 30 août 2017 continuait à exister.

81      À cet égard, il n’y aucune raison de considérer que, comme le suggèrent les requérants, la flotte des navires participant à l’opération Triton 2017 aurait été modifiée entre le 31 août 2017 et le 1er septembre suivant.

82      Frontex n’a donc pas commis à cet égard une erreur manifeste d’appréciation en refusant l’accès aux documents litigieux.

83      En conséquence, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce qu’une partie des informations demandées auraient déjà été publiées

84      Les requérants estiment que Frontex a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne leur accordant pas un accès partiel aux informations demandées alors que ces données avaient déjà été révélées auparavant.

85      À cet égard, les requérants font valoir que, premièrement, le 2 février 2017, la Commission a publié dans le numéro 22 des notes stratégiques du Centre européen de stratégie politique (CESP) les moyens navals ayant servi dans le cadre de l’opération Triton 2016, deuxièmement, la Commission et le SEAE ont, respectivement en 2017 et en 2016, publié, dans le même document, des données relatives aux navires utilisés dans le cadre de l’opération Sophia EUNAVFOR MED et, troisièmement, Frontex a, en 2017, publié sur Twitter le nom, le pavillon et le type de plusieurs navires déployés pour l’opération conjointe Triton 2017.

86      À cet égard, il importe de relever que les données publiées citées par les requérants ne sont pas comparables aux informations qu’ils ont sollicitées le 1er septembre 2017.

87      Tout d’abord, les informations publiées par la Commission le 2 février 2017 dans les notes stratégiques du CESP se rapportaient à l’opération Triton 2016, qui était achevée, alors que les informations demandées par les requérants le 1er septembre 2017 se rapportaient à l’opération Triton 2017, qui était toujours en cours.

88      Ensuite, l’opération Sophia EUNAVFOR MED n’est pas une opération dirigée par Frontex, mais une opération politiquement contrôlée et stratégiquement dirigée par le Comité politique et de sécurité présidé par le SEAE, sous la responsabilité du Conseil de l’Union européenne et du haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

89      En tout état de cause, les données publiées sur cette mission portaient sur des informations concernant l’année 2016.

90      Enfin, s’il est exact que certaines données publiées par Frontex sur Twitter en 2017 concernaient des navires déployés dans le cadre de l’opération Triton 2017, ces données étaient peu nombreuses et se rapportaient à des moments différents, de sorte qu’elles ne peuvent être comparées à l’ensemble de celles qui ont été demandées par les requérants le 1er septembre 2017, qui concernaient l’intégralité de la flotte déployée dans le cadre de l’opération Triton 2017 entre le 1er juin et le 30 août 2017.

91      À cet égard, il importe de rappeler que, si Frontex est tenue, en application de l’article 8, paragraphe 3, et de l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2016/1624, de communiquer avec le public sur les questions relevant de ses missions, elle ne peut révéler d’informations opérationnelles qui pourraient nuire à la réalisation de l’objectif de celles-ci.

92      En l’occurrence, les informations dont se prévalent les requérants ont été publiées par Frontex dans le cadre de son obligation de communication, ce qui implique que, au préalable, il a été vérifié que leur divulgation était compatible avec l’ensemble des tâches qui découlaient de son mandat et que cette éventuelle divulgation a été mise en balance avec les besoins de la sécurité publique.

93      Ainsi, l’envoi, par Frontex, de brefs messages par Twitter contenant certaines informations sélectionnées dans le cadre de ses obligations de communication ne saurait être considéré comme formant un précédent qui la contraindrait à communiquer des informations dont elle estime qu’elles mettent en danger la sécurité publique.

94      Les requérants font en outre valoir que le public pouvait, à partir des données publiées par la Commission sur l’opération Triton 2016, prévoir, de manière exacte, à tout le moins, le nombre et le type de navires déployés au cours de l’année suivante.

95      Cet argument doit être rejeté. Rien ne permettait, en effet, de considérer, au moment où ont été diffusées les informations concernant l’année 2016, que l’opération serait organisée, en 2017, avec le même nombre et le même type de navires. Ainsi, le public n’a pas pu, sur la base des informations diffusées en 2016, détenir des renseignements précis sur la façon dont serait organisée la mission en 2017.

96      De plus, les informations demandées par les requérants ne portaient pas seulement sur le nombre et le type de navires déployés au cours de l’opération Triton 2017, mais également sur leur nom et leur pavillon, qui sont des informations importantes pour l’identification des navires.

97      Il y a donc lieu de considérer que le quatrième moyen n’est pas fondé et de l’écarter.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, en ce que l’éventuel risque que des réseaux criminels contournent la surveillance des frontières ne justifierait pas le refus de communiquer les informations relatives au type ou au pavillon des navires concernés

98      Les requérants considèrent que Frontex a violé l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 en ne leur donnant pas accès aux informations concernant le pavillon et le type des navires déployés dans le cadre de l’opération Triton 2017.

99      En effet, selon les requérants, à supposer que, dans le cas où les informations demandées auraient été divulguées, le risque existe que des réseaux criminels contournent la surveillance des frontières, il ne justifierait pas le refus de communiquer les informations relatives au pavillon et au type des navires concernés. En effet, l’identification de navires sur les sites Internet se ferait par le nom du navire, de sorte que la communication d’informations concernant le pavillon et le type de navires ne permettrait pas de les identifier.

100    À cet égard, il y a lieu de constater qu’il n’est pas contesté que, sur le site www.marinetraffic.com, cité par Frontex dans son courrier du 8 septembre 2017, l’identification des navires se fait par le nom du navire.

101    Dans la duplique, Frontex a cependant fait valoir qu’il existait d’autres moyens de suivre les navires, en particulier des solutions à faible technicité, telles que le simple fait d’observer le mouvement des navires depuis la côte ou d’un ou plusieurs autres navires, ou des moyens de surveillance de haute technicité, tels que l’utilisation de drones.

102    Il est clair que, pour l’utilisation de ces autres moyens, des informations telles que le pavillon et le type de navires constituent également des données utiles.

103    Dans ces conditions, Frontex a pu, dans la décision attaquée, refuser l’accès au nom des navires ainsi qu’aux autres informations demandées, à savoir le pavillon et le type des navires concernés par l’opération Triton 2017.

104    Il y a donc lieu de rejeter le cinquième moyen comme non fondé.

 Sur la seconde branche du premier moyen

105    Les requérants font grief à Frontex de ne pas avoir expliqué, dans la décision attaquée, comment des informations sur le nom, le type et le pavillon d’un navire permettraient à des tiers de le suivre sur certains sites Internet.

106    Frontex estime que la seconde branche du premier moyen n’est pas fondée.

107    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 et jurisprudence citée).

108    La motivation ne doit pas spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 82).

109    En l’espèce, Frontex a, dans la décision attaquée, exposé les motifs pour lesquels les informations demandées ne pouvaient pas être divulguées. À cet égard, elle a fait valoir que, si les informations demandées étaient divulguées, il serait possible, en les combinant avec des informations mises à disposition du public sur certains sites Internet ou outils maritimes, de connaître la position des navires de patrouille et que, en possession de ces informations, les réseaux criminels impliqués dans le trafic de migrants et la traite d’êtres humains seraient informés des zones et des horaires de patrouille des navires, ce qui leur permettrait d’adapter leur modus operandi afin de contourner la surveillance des frontières et, partant, de franchir la frontière extérieure et d’accéder de manière irrégulière au territoire d’un État membre de l’Union.

110    En elles-mêmes, ces explications permettent aux requérants de comprendre les raisons pour lesquelles l’accès aux informations demandées leur a été refusé et au Tribunal d’exercer son contrôle, dès lors qu’elles mettent en évidence comment, combinées avec des renseignements aisément accessibles, les informations demandées peuvent être utilisées par des réseaux de trafiquants pour créer une situation où, de manière raisonnablement prévisible et non purement hypothétique, la sécurité publique serait affectée.

111    Les requérants soutiennent toutefois que, dans la décision attaquée, Frontex devait indiquer comment les informations requises, une fois qu’elles leur auraient été fournies, auraient pu être utilisées, conjointement avec des sites Internet et des outils ou d’autres sources publiquement disponibles, pour déterminer l’emplacement futur probable des navires participant à l’opération Triton.

112    À cet égard, il convient de relever que l’institution ou l’agence défenderesse, lorsqu’elle fait face à une demande visant à divulguer certaines informations, n’est pas tenue, dans les motifs de l’acte attaqué, de dévoiler des éléments qui auraient pour effet, si lesdites informations étaient divulguées, de porter atteinte à l’intérêt public visé par l’exception invoquée par cette institution ou agence (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 114 et jurisprudence citée).

113    Si une telle obligation existait, l’institution ou l’agence, en fournissant ces explications sur l’usage pouvant être fait des informations demandées, créerait elle-même une situation où, par son comportement, la sécurité publique, qu’elle a pour mission, notamment, de protéger, serait mise en danger.

114    Dans ces conditions, il convient de considérer que la décision attaquée satisfait à l’obligation de motivation.

115    La seconde branche du premier moyen doit, dès lors, être rejetée comme étant non fondée.

116    Il y a donc lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

118    Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de Frontex.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Luisa Izuzquiza et M. Arne Semsrott sont condamnés aux dépens.

Nihoul

Svenningsen

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 novembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.