Language of document : ECLI:EU:T:2023:442

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Accès aux documents  Règlement (CE) no 1049/2001  Documents afférents à l’adoption du règlement d’exécution (UE) 2021/348  Refus partiel d’accès – Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles  Exception relative à la protection des avis juridiques  Intérêt public supérieur »

Dans l’affaire T‑662/21,

Troy Chemical Company BV, établie à Delft (Pays-Bas), représentée par Mes D. Abrahams, Z. Romata et H. Widemann, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Ehrbar, K. Herrmann et M. R. Lindenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, M. Sampol Pucurull (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 9 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Troy Chemical Company BV, demande l’annulation de la décision C(2021) 5968 final de la Commission, du 5 août 2021, (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle celle-ci lui a refusé l’accès à certaines parties de quatre documents dont la divulgation était sollicitée dans le cadre d’une demande formée en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société de droit néerlandais qui met sur le marché de l’Union européenne des produits biocides, notamment des produits de protection pour les pellicules et des produits de protection des ouvrages de maçonnerie contenant de la carbendazime.

3        Le 25 février 2021, la Commission européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) 2021/348, du 25 février 2021, approuvant la carbendazime en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans les produits biocides relevant des types de produits 7 et 10 (JO 2021, L 68, p. 174), sous réserve de certaines spécifications et conditions précisées au sein dudit règlement d’exécution.

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2021, la requérante ainsi que Troy Corporation, sa société holding, ont introduit un recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution 2021/348, qui a été enregistré sous le numéro T‑297/21. Au soutien de leur recours, la requérante et Troy Corporation invoquent plusieurs moyens visant principalement à contester la durée de la période d’approbation de la carbendazime en tant que substance active et l’imposition, au sein du règlement d’exécution 2021/348, de conditions spécifiques liées à l’utilisation des produits biocides l’incorporant.

5        Par courriel du 18 mars 2021, la requérante a adressé à la Commission deux demandes d’accès au titre du règlement no 1049/2001 relatives à la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement d’exécution 2021/348.

6        La première demande concernait « toutes les correspondances échangées entre les différentes directions générales (DG) et les services de la Commission au cours du processus d’adoption du règlement d’exécution (UE) 2021/348 approuvant la carbendazime en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans les produits biocides des types de produits 7 et 10, entre le 1 er septembre 2020 et l’adoption finale du règlement le 25 février 2021, y compris tous les documents échangés pendant ou en rapport avec la consultation interservices et toutes les versions du projet de règlement mises à disposition (ainsi que les commentaires y afférents) ».

7        La seconde demande d’accès portait sur « toutes les correspondances échangées entre les différentes directions générales (DG) et les services de la Commission et a[)] la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen et chacun de ses membres individuels ; b[)] l’Agence européenne des produits chimiques ; et c[)] toute partie tierce, à l’exclusion des correspondances de Troy Chemical B. V. ou de Steptoe & Johnson LLP , au cours du processus d’adoption du règlement d’exécution (UE) 2021/348 approuvant la carbendazime en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans les produits biocides des types de produits 7 et 10, entre le 1er septembre 2020 et l’adoption finale du règlement le 25 février 2021, y compris tous les documents échangés pendant ou en rapport avec la consultation interservices et toutes les versions du projet de règlement mises à disposition  (et les commentaires y afférents) ».

8        L ’examen de la première demande d’accès, enregistrée sous la référence GestDem 2021/1797, a été confié à la direction générale (DG) « Santé et sécurité alimentaire » de la Commission. La seconde demande d’accès, enregistrée sous la référence GestDem 2021/1796, ne fait pas l’objet du présent recours.

9        Le 10 mai 2021, la DG « Santé et sécurité alimentaire » a informé la requérante qu’elle avait identifié trois documents concernés par la demande visée au point 6 ci-dessus. Elle lui a également fait part de sa décision de refus d’accès auxdits documents.

10      Par lettre du 19 mai 2021, la requérante a, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, présenté une demande confirmative d’accès aux trois documents identifiés par la Commission dans le cadre de sa demande d’accès, afin que cette dernière révise sa position.

11      Dans la décision attaquée, la Commission a identifié douze documents comme étant couverts par la demande confirmative d’accès. Elle a partiellement refusé l’accès à quatre documents, à savoir les documents nos 1, 10, 12 et 15 (ci-après les « documents litigieux »). Les documents nos 1, 12 et 15 sont des courriels échangés entre la DG « Santé et protection des consommateurs » et le service juridique de la Commission concernant l’élaboration du projet de règlement d’exécution 2021/348. Quant au document no 10, il s’agit d’un projet de présentation réalisé par la DG « Santé et sécurité alimentaire » à destination du comité permanent des produits biocides dans le cadre de la même procédure.

12      Afin de justifier le refus d’accès à certaines parties des documents litigieux, la Commission s’est, d’une part, fondée sur le motif tiré de la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, consacrée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Elle a, d’autre part, invoqué l’exception tirée de la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, consacrée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du même règlement, qui n’est cependant pas contestée dans le cadre du présent recours.

13      S’agissant de la protection des procédures juridictionnelles, la Commission a estimé que la divulgation des documents litigieux porterait gravement atteinte à la capacité de son service juridique à défendre de manière effective la validité du règlement d’exécution 2021/348 devant le juge de l’Union dans le cadre de l’affaire T‑297/21 et méconnaitrait ainsi le principe d’égalité des armes.

14      En ce qui concerne la protection des avis juridiques, la Commission a considéré que les documents nos 1, 12 et 15 pouvaient être qualifiés comme tels, compte tenu de leur substance, et que leur divulgation intégrale serait de nature à porter atteinte à l’intérêt de l’institution à recevoir des avis juridiques sur des sujets complexes et sensibles, notamment des avis préliminaires échangés entre ses services.

15      Enfin, la Commission a exclu l’existence d’un intérêt public supérieur qui puisse justifier une divulgation complète des documents litigieux au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        prendre toute autre mesure supplémentaire que la justice pourrait exiger. 

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

18      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a déclaré se désister de son quatrième chef de conclusions visant à ce que le Tribunal prenne toute autre mesure supplémentaire que la justice pourrait exiger.

19      Le Tribunal, par ordonnance du 4 janvier 2023, a ordonné à la Commission, au titre de l’article 91, sous c), et de l’article 92 de son règlement de procédure, de produire intégralement les documents auxquels elle avait partiellement refusé l’accès, tout en précisant que, conformément à l’article 104 de ce règlement, ceux-ci ne seraient pas communiqués à la requérante. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

 En droit

 Sur la portée du moyen unique

20      À l’appui de son recours, la requérante présente, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

21      La production des documents litigieux, mentionnée au point 21 ci-dessus, a permis au Tribunal d’examiner en connaissance de cause le moyen unique soulevé par la requérante, étant toutefois précisé que, par ce moyen, celle-ci ne s’est pas formellement prévalue de l’inapplicabilité des deux exceptions invoquées par la Commission aux informations occultées dans les documents litigieux. Elle s’est en effet limitée à contester le bien-fondé des motifs figurant dans la décision attaquée visant à établir que la divulgation de ces informations aurait porté atteinte aux intérêts protégés par ces deux exceptions ainsi que l’absence d’un intérêt public supérieur justifiant leur divulgation intégrale (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Jurašinović/Conseil, C‑576/12 P, EU:C:2013:777, points 27 et 28).

22      À cet égard, si l’argumentation de la requérante porte sur le bien-fondé de la motivation fournie par la Commission pour justifier le recours à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, il n’en demeure pas moins que certains arguments avancés à l’appui de son moyen unique concernent plus spécifiquement l’obligation de motivation.

23      Partant, le Tribunal estime que le moyen unique de la requérante se compose, en substance, de deux branches tirées, la première, de la violation de l’obligation de motivation et, la seconde, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.

 Sur la première branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation

24      Par la première branche du moyen unique, la requérante invoque, en substance, une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée. Selon elle, la Commission se borne à soutenir, en des termes vagues et non étayés, que le contenu des passages occultés des documents litigieux concerne les mêmes questions que celles qui seront abordées dans le cadre de sa défense dans l’affaire T‑297/21. En particulier, la Commission n’aurait pas fourni d’explications quant à la manière dont l’accès à ces passages pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à une procédure juridictionnelle en cours et ainsi à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.

25      À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation de motivation est un principe général de droit de l’Union, consacré à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en vertu duquel tout acte juridique adopté par les institutions de l’Union doit être motivé. Cette obligation implique que les institutions de l’Union fassent apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge compétent d’exercer son contrôle (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 19 et jurisprudence citée).

26      Ainsi, dans le contexte de l’application des dispositions du règlement no 1049/2001, il a été jugé que l’obligation pour l’institution de motiver sa décision refusant l’accès à un document a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 20 et jurisprudence citée).

27      Eu égard à son contenu et à sa fonction dans l’ordre juridique de l’Union, l’obligation de motivation a été qualifiée de formalité substantielle qui peut, voire doit, être soulevée d’office par le juge et qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 21 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, tout d’abord, la décision attaquée contient un exposé des raisons pour lesquelles la Commission a estimé que l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 relative à la protection des procédures juridictionnelles était applicable aux documents litigieux.

29      D’une part, il convient de relever que la Commission a justifié de manière circonstanciée le lien pertinent existant entre les éléments occultés des documents litigieux dont la divulgation est demandée et les aspects juridiques du litige pendant dans l’affaire T‑297/21.

30      À cet égard, la Commission a indiqué que les éléments occultés au sein des documents nos 1, 12 et 15 se rapportaient aux questions juridiques qui font l’objet des premier, deuxième et troisième moyens soulevés dans la procédure juridictionnelle pendante dans l’affaire T‑297/21. Elle a ensuite précisé que le document no 10 contenait une analyse plus détaillée portant sur la comparaison de la manière dont des substances similaires à la carbendazime ont été traitées, de sorte que ce document était étroitement lié au grief tiré de la violation du principe de non-discrimination soulevé dans l’affaire T‑297/21.

31      D’autre part, la décision attaquée comporte une description précise et concrète des raisons pour lesquelles la divulgation desdits éléments engendrerait un risque pour l’égalité des armes et la bonne administration de la justice au regard des trois moyens invoqués par la requérante dans l’affaire T‑297/21.

32      À cet effet, la Commission a indiqué qu’une telle divulgation entraverait la préparation de sa défense dans le cadre de l’affaire T‑297/21. En particulier, elle a précisé qu’il lui serait nécessaire de décrire les différentes étapes de l’élaboration du règlement d’exécution 2021/348 et d’examiner en détail la justification des conditions attachées à l’approbation de la carbendazime ainsi que la comparaison effectuée avec d’autres substances actives similaires. Or, ce faisant, la Commission serait donc amenée à traiter précisément des questions abordées dans les éléments occultés des documents litigieux.

33      Ensuite, la décision attaquée expose les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les documents nos 1, 12 et 15 pouvaient être qualifiés d’avis juridiques, protégés au sens de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, en raison de leur auteur et de leur nature. Ainsi, elle a indiqué que les éléments occultés desdits documents constituaient une opinion juridique formulée en interne par son service juridique sur un sujet sensible. Or, la divulgation de ces éléments compromettrait la protection des avis juridiques ainsi que l’intérêt de cette institution de solliciter de tels avis portant sur des sujets complexes et sensibles. De plus, la décision attaquée souligne l’existence d’un risque non purement hypothétique d’atteinte à la capacité de la Commission à se défendre sur un pied d’égalité avec les autres parties dans le cadre de l’affaire T‑297/21, puisque cette affaire concerne en partie la question juridique traitée dans lesdits documents.

34      Enfin, la décision attaquée précise qu’il n’existe pas, en l’espèce, d’intérêt public supérieur justifiant la divulgation des éléments occultés des documents litigieux qui pourrait primer l’intérêt visé par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.

35      Ainsi, il y a lieu de constater que les motifs exposés aux points 31 à 37 ci-dessus constituent une indication suffisante permettant à la requérante de déterminer si la décision attaquée était bien fondée ou si elle était entachée d’un vice permettant d’en contester la validité au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus. En effet, sur la base de ces motifs, la requérante était à même de comprendre les raisons spécifiques pour lesquelles la Commission a considéré, en l’espèce, que les documents litigieux étaient couverts par l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 et qu’il n’existait aucun intérêt public supérieur justifiant la divulgation des éléments occultés desdits documents. C’est donc à suffisance de droit que la Commission a motivé, en l’espèce, le recours à l’exception prévue par cet article.

36      Par ailleurs, la motivation de la décision attaquée permet au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité sur ladite décision.

37      Par conséquent, la première branche tirée d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, tirée de la violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001

 Considérations générales sur le droit d’accès du public aux documents

38      Il y a lieu de rappeler que, conformément à son considérant 1, le règlement no 1049/2001 s’inscrit dans la volonté exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe », dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens (voir arrêt du 22 janvier 2020, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, C‑178/18 P, EU:C:2020:24, point 48 et jurisprudence citée).

39      Cet objectif fondamental de l’Union est également reflété, d’une part, à l’article 15, paragraphe 1, TFUE, qui prévoit, notamment, que les institutions, les organes et les organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture, principe également réaffirmé à l’article 10, paragraphe 3, TUE et à l’article 298, paragraphe 1, TFUE, ainsi que, d’autre part, par la consécration du droit d’accès aux documents à l’article 42 de la Charte (voir arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 74 et jurisprudence citée).

40      À cette fin, le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (voir arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 73 et jurisprudence citée).

41      Ce droit est soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement no 1049/2001 prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (voir arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 29 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 85 ; voir, également, arrêt du 22 janvier 2020, PTC Therapeutics International/EMA, C‑175/18 P, EU:C:2020:23, point 55 et jurisprudence citée).

42      Néanmoins, dès lors que de telles exceptions dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (voir arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 75, et jurisprudence citée).

43      Ainsi, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception au droit d’accès prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (voir arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 51 et jurisprudence citée).

44      En effet, d’une part, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 qu’elle invoque. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 76 et jurisprudence citée).

45      D’autre part, lorsqu’une institution applique l’une des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, il lui incombe de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (voir arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 53 et jurisprudence citée).

46      Enfin, le bien-fondé de l’application de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001 doit se faire au regard des faits existant à la date de l’adoption de la décision refusant l’accès aux documents sur la base de cette exception. En effet, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 36 et jurisprudence citée).

47      C’est à l’aune de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les arguments avancés par la requérante à l’appui de la seconde branche du moyen unique, tirée de la violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Cette branche se décompose en trois griefs tirés, le premier, de l’application erronée de l’exception ayant trait à la protection des procédures juridictionnelles, le deuxième, de l’application erronée de l’exception protégeant les avis juridiques et, le troisième, de l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation intégrale des documents litigieux.

 Sur le premier grief, tiré de l’application erronée de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001

48      Par son premier grief, la requérante fait valoir que, si les documents expurgés ont bien un lien avec une procédure juridictionnelle pendante, les autres éléments nécessaires pour invoquer l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2011 relative à la protection des procédures juridictionnelles ne sont pas remplies ni pour la « motivation spécifique » portant sur la préparation du mémoire en défense, ni pour la « motivation générale » mentionnant tout autre document qui pourrait être présenté par la Commission dans l’affaire T‑297/21.

49      Elle avance plusieurs arguments au soutien de ce grief. Premièrement, elle considère que, dans la mesure où la Commission s’est engagée à divulguer les informations expurgées des documents litigieux à l’occasion de l’affaire T‑297/21, le principe d’égalité des armes ne saurait être mis en péril par la publication intégrale de ces documents dans le cadre d’une demande d’accès fondée sur le règlement no 1049/2001.

50      Deuxièmement, elle estime que le refus de divulguer entièrement les documents litigieux repose exclusivement sur une « objection temporelle ». La Commission aurait ainsi refusé de procéder à la divulgation des éléments occultés au motif que ceux-ci seraient ensuite abordés et exposés dans son mémoire en défense dans l’affaire T‑297/21. Or, selon la requérante, un tel motif ne serait plus pertinent depuis le dépôt dudit mémoire en défense.

51      Troisièmement, selon la requérante, les parties ne se trouveraient pas sur un pied d’égalité dans le cadre d’un recours en annulation contre un acte adopté par la Commission, qui détient des informations internes sur son processus d’adoption que la requérante ignore. En outre, le fait qu’elle n’ait pas joint les documents litigieux lors du dépôt de son mémoire en défense dans l’affaire T‑297/21 constitue une entrave à la bonne administration de la justice que la divulgation d’autres documents n’est pas susceptible de corriger.

52      Quatrièmement, elle soutient que les documents litigieux constitueraient le substrat factuel du processus d’adoption du règlement d’exécution 2021/348, compte tenu du fait qu’ils ont été créés au cours de la période finale de trois mois précédant la publication dudit règlement d’exécution et qu’ils portent sur la légalité et la justification des modifications envisagées lors de son élaboration.

53      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

54      Selon l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document en cause.

55      Il ressort d’une jurisprudence constante que l’expression « procédures juridictionnelles » doit être interprétée en ce sens que la protection de l’intérêt public s’oppose à la divulgation du contenu des documents rédigés aux seules fins d’une procédure juridictionnelle particulière. Ces documents comprennent les mémoires ou actes déposés au cours d’une procédure juridictionnelle, les documents internes concernant l’instruction d’une affaire en cours, les communications relatives à l’affaire entre la direction générale concernée et le service juridique ou un cabinet d’avocats (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, points 51 et 52 et jurisprudence citée). Cette délimitation du champ d’application de l’exception a notamment pour but de garantir la protection du travail interne à la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 62 et jurisprudence citée).

56      En outre, la protection des procédures juridictionnelles implique, notamment, que soit assuré le respect du principe de l’égalité des armes ainsi que celui de la bonne administration de la justice (arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 85). En effet, l’accès aux documents par une partie serait susceptible de fausser l’équilibre indispensable entre les parties à un litige, équilibre qui est à la base du principe d’égalité des armes, dans la mesure où seule l’institution concernée par une demande d’accès à des documents, et non l’ensemble des parties à la procédure, serait soumise à l’obligation de divulgation (voir arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 64 et jurisprudence citée).

57      À cet égard, le Tribunal a jugé que le besoin d’assurer l’égalité des armes devant le juge justifie la protection non seulement des documents rédigés pour les seuls besoins d’un litige particulier, tels que les mémoires, mais aussi des documents dont la divulgation est susceptible de compromettre, dans le cadre d’un litige particulier, l’égalité en question, laquelle constitue un corollaire de la notion même de procès équitable. Toutefois, pour que cette exception puisse s’appliquer, il faut que les documents demandés, au moment de la prise de la décision refusant l’accès auxdits documents, aient un lien pertinent avec un litige pendant devant le juge de l’Union, pour lequel l’institution concernée invoque l’exception, et que leur divulgation, bien que lesdits documents n’aient pas été élaborés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle pendante, porte atteinte au principe d’égalité des armes et potentiellement à la capacité de défense de l’institution concernée dans ladite procédure. En d’autres termes, il faut que les documents divulguent la position de l’institution concernée sur des questions litigieuses soulevées dans la procédure juridictionnelle invoquée (arrêt du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 88).

58      Le Tribunal a précisé que, bien que lesdits documents n’aient pas été élaborés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle particulière, l’intégrité de la procédure juridictionnelle concernée et l’égalité des armes entre les parties auraient pu être sérieusement mises à mal si des parties bénéficiaient d’un accès privilégié à des informations internes d’une autre partie ayant un rapport étroit avec les aspects juridiques d’un litige pendant ou potentiel, mais imminent (voir arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 66 et jurisprudence citée).

59      Enfin, l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 s’oppose à la divulgation des documents seulement aussi longtemps que le risque d’atteinte à une procédure juridictionnelle persiste. Elle est donc limitée dans le temps (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 43 et jurisprudence citée).

60      C’est à l’aune de ces principes qu’il convient de traiter le premier grief.

61      À titre liminaire, il convient de déterminer si les documents litigieux présentaient, à la date d’adoption de la décision attaquée, un lien pertinent avec un litige pendant devant le juge de l’Union au sens de la jurisprudence rappelée au point 61 ci-dessus.

62      Certes, en l’espèce, il y a lieu de relever que les documents litigieux n’ont pas été spécifiquement établis aux seules fins d’une procédure juridictionnelle particulière.

63      Ainsi, il ressort de l’examen desdits documents que, d’une part, les documents nos 1, 12 et 15 sont des documents internes à la Commission relatifs à la légalité et à la justification des conditions et des restrictions d’usage envisagées dans le cadre de l’élaboration du projet de règlement d’exécution 2021/348.

64      D’autre part, le document no 10 constitue une version préliminaire d’une présentation faite par la Commission au comité permanent des produits biocides sur la pratique décisionnelle antérieure de cette institution en ce qui concerne d’autres substances actives approuvées et sur l’opportunité d’imposer des conditions et des restrictions d’usage pour les produits biocides et les articles traités au stade de l’approbation de la substance active dans le cadre de la réglementation sur les produits biocides. En particulier, les diapositives 5 à 8 du document no 10 contiennent un projet de comparaison détaillé avec des décisions d’approbation d’autres substances actives présentant des caractéristiques similaires à la carbendazime, dont une version plus synthétique a été intégrée à la version définitive de la présentation transmise au comité permanent des produits biocides.

65      Il est constant que le document no 10 n’a jamais été transmis au comité permanent des produits biocides dans le cadre de l’examen du projet de règlement d’exécution 2021/348. Il s’agit donc d’un document purement interne à la DG « Santé et sécurité alimentaire » qui n’a été communiqué au service juridique de la Commission qu’en tant que support contextuel de sa demande relative à la légalité et à la justification des conditions et des restrictions d’usages envisagées dans le cadre de l’élaboration du projet de règlement d’exécution 2021/348.

66      Il s’ensuit que les documents litigieux ne contiennent que des éléments se rapportant aux positions juridiques adoptées en interne sur la légalité des différents choix envisagés dans le cadre de l’élaboration du projet de règlement d’exécution 2021/348. Le fait que ces documents aient été créés au cours de la période finale de trois mois précédant la publication dudit règlement n’est pas de nature à remettre en cause un tel constat.

67      Toutefois, il n’est pas contesté que les éléments occultés des documents litigieux présentent un lien pertinent avec une procédure juridictionnelle pendante, à savoir l’affaire T‑297/21, dont l’objet porte précisément sur la légalité des conditions et des restrictions imposées par le règlement d’exécution 2021/348.

68      En effet, d’une part, les éléments occultés des documents litigieux se rapportent étroitement aux questions juridiques soulevées dans le cadre des premier, deuxième et troisième moyens, tirés de la légalité et de la justification, premièrement, de la durée d’approbation de la carbendazime en tant que substance active dans les produits biocides et les articles traités et, deuxièmement, des conditions et des restrictions d’usage imposées à l’autorisation de certains produits biocides et articles traités l’incorporant. D’autre part, les diapositives 5 à 8 du document no 10 portent plus spécifiquement sur le grief tiré du traitement prétendument discriminatoire de la carbendazime par rapport à d’autres substances actives présentant des caractéristiques similaires.

69      Ainsi, la divulgation des documents contenant ce type de positions juridiques serait de nature à obliger, de fait, la Commission à se défendre contre des appréciations de son service juridique et de son propre personnel qui n’ont finalement pas été retenues ou présentées.

70      Or, cette circonstance serait susceptible de rompre l’équilibre entre les parties à une procédure juridictionnelle, dans la mesure où la partie requérante n’aurait pas l’obligation de divulguer des appréciations « internes » de ce type (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 97 et jurisprudence citée, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 73 et jurisprudence citée).

71      Partant, dès lors que les documents litigieux contiennent des positions prises en interne qui présentent un lien pertinent avec l’affaire T‑297/21, leur divulgation au public pourrait compromettre la position de défense de la Commission ainsi que le principe d’égalité des armes, dans la mesure où elle serait tenue de communiquer les positions internes de nature juridique émanant de ses services sur des questions litigieuses alors qu’aucune obligation similaire ne serait imposée à l’autre partie.

72      Un tel constat n’est pas susceptible d’être remis en cause par les arguments suivants invoqués par la requérante.

73      Premièrement, contrairement à ce qu’affirme la requérante sans l’étayer, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission se serait engagée à divulguer les éléments occultés des documents litigieux. En effet, elle s’est bornée à préciser que sa ligne de défense dans le cadre de l’affaire T‑297/21 aborderait les mêmes questions juridiques que celles sur lesquelles portent les documents litigieux. Cet argument doit donc être écarté.

74      Deuxièmement, l’« objection temporelle » invoquée par la requérante n’est pas davantage pertinente en l’espèce.

75      En effet, il convient de rappeler que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 63 et jurisprudence citée).

76      Partant, seule la date du 5 août 2021, à laquelle la décision attaquée a été adoptée, est pertinente en l’espèce afin de déterminer si le recours à l’exception fondée sur l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 était justifié.

77      Il s’ensuit que les arguments de la requérante tirés du dépôt effectif du mémoire en défense de la Commission dans l’affaire T‑297/21 et de la distinction entre la préparation dudit mémoire et tout autre document supplémentaire qui serait ultérieurement présenté devant le Tribunal dans le cadre de cette affaire ne sont pas de nature à priver de motif la décision attaquée.

78      En toute hypothèse, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, bien que limitée dans le temps, comme rappelé au point 63 ci-dessus, a vocation à s’appliquer tout au long de la procédure juridictionnelle en cause, sans distinction entre ses différents stades (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 92, 93 et 130). Cet argument doit donc être écarté.

79      Troisièmement, la requérante affirme qu’il existe une asymétrie dans les informations détenues par les parties en faveur de la Commission, ce qui serait contraire au principe d’ouverture affirmé dans le TUE et le TFUE et rappelé aux points 41 et 42 ci-dessus.

80      À cet égard, l’article 15, paragraphe 1, TFUE, énonce qu'« [a]fin de promouvoir une bonne gouvernance, et d’assurer la participation de la société civile, les institutions, organes et organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture ». De même, l’article 10, paragraphe 3, TUE, également invoqué par la requérante, prévoit que « tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens ».

81      L’ensemble de ces dispositions confirme que le principe d’ouverture, bien qu’il soit d’une importance fondamentale pour l’ordre juridique de l’Union, n’est pourtant pas absolu (arrêt du 25 janvier 2023, De Capitani/Conseil, T‑163/21, EU:T:2023:15, point 56).

82      De plus, il ressort du considérant 11 du règlement no 1049/2001 que ledit règlement organise un régime d’exception autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 44 ci-dessus.

83      Cependant, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 45 ci-dessus, le caractère fondamental du principe d’ouverture implique que les exceptions qui y dérogent soient interprétées et appliquées strictement.

84      Ainsi, le droit d’accès aux documents des institutions peut être soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé dès lors qu’elles respectent les conditions édictées par la réglementation en vigueur.

85      Par conséquent, il doit être admis que les conditions requises pour l’application de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles telle que visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, étaient remplies s’agissant de l’ensemble des documents litigieux sans que cela engendre d’asymétrie contraire au principe d’ouverture. Cet argument doit donc être écarté.

86      Quatrièmement, la requérante soutient que les documents litigieux constitueraient le substrat factuel du processus d’adoption du règlement d’exécution 2021/348.

87      Or, il convient de constater que, d’une part, les documents nos 1, 12 et 15 ne contiennent que des éléments se rapportant aux positions juridiques prises en interne sur la légalité des différents choix envisagés dans le cadre de l’élaboration du règlement d’exécution 2021/348. D’autre part, ainsi qu’il a été indiqué au point 72 ci-dessus, le document no 10 constitue un document interne de la Commission qui n’a jamais été communiqué au comité permanent des produits biocides dans le cadre de son examen du projet dudit règlement d’exécution.

88      Partant, les documents litigieux ne forment pas le substrat factuel de l’exercice de la compétence de la Commission, puisqu’ils ne contiennent pas de considérations factuelles ou scientifiques ayant servi de base à l’adoption du règlement d’exécution 2021/348. Cet argument doit donc être écarté.

89      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier grief doit être rejeté.

 Sur le deuxième grief, tiré de l’application erronée de l’exception relative à la protection des avis juridiques prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001

90      La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur dans l’application de l’exception relative à la protection des avis juridiques aux documents nos 1, 12 et 15. À cet égard, elle estime qu’il existe une confusion entre le motif tiré de la protection des avis juridiques et celui portant sur la protection des procédures juridictionnelles qui sont pourtant distincts. Selon elle, si les éléments occultés desdits documents constituent des avis juridiques, ils forment également une partie essentielle du substrat factuel du processus d’adoption du règlement d’exécution 2021/348.

91      Elle considère, d’une part, que la crainte d’induire un doute sur la légalité de l’acte adopté n’est pas un motif valable pour refuser d’accorder l’accès à l’intégralité des éléments occultés des documents nos 1, 12 et 15. D’autre part, selon elle, le motif ayant trait à la capacité à se défendre de la Commission en cas de divulgation des éléments occultés desdits documents n’est pas, lui non plus, en mesure de justifier une exception au principe de transparence, tel qu’il ressort non seulement du règlement no 1049/2001, mais également de l’article 10, paragraphe 3, TUE, de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 298, paragraphe 1, TFUE ainsi que de l’article 42 de la Charte.

92      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

93      Il y a lieu de constater que l’exception tirée de la protection des avis juridiques au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 n’est invoquée qu’à titre surabondant par la Commission dans la décision attaquée.

94      Or, il convient de rappeler que les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 ne sont pas cumulatives, de sorte qu’il suffit que l’accès au document en cause tombe sous le coup d’une de ces exceptions pour que la Commission puisse à bon droit refuser sa divulgation (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2021, TUIfly/Commission, T‑619/18, non publié, EU:T:2021:627, point 57 et jurisprudence citée).

95      En l’occurrence, dans la mesure où, ainsi qu’il résulte de l’analyse figurant aux points 58 à 101 ci-dessus, l’exception prise de l’atteinte à la protection des procédures juridictionnelles est, à elle seule, suffisante pour justifier le refus de divulgation, le deuxième grief, à supposer même qu’il soit fondé, ne serait pas de nature à permettre l’annulation de la décision attaquée.

96      Dès lors, il convient de rejeter le deuxième grief comme étant inopérant.

 Sur le troisième grief, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1049/2001, en ce qu’un intérêt public supérieur justifierait la divulgation des documents litigieux dans leur intégralité

97      La requérante fait valoir qu’il existe un intérêt public supérieur à la divulgation des éléments occultés des documents litigieux, fondé sur la transparence et l’ouverture du processus législatif, dès lors que le règlement d’exécution 2021/348 constitue un acte de portée générale.

98      Selon elle, le règlement no 1049/2001 n’établirait aucune distinction entre les actes législatifs et les actes d’exécution. À cet égard, les effets des actes d’exécution sur les citoyens de l’Union justifieraient une plus grande transparence.

99      De plus, elle considère qu’il est dans l’intérêt des citoyens de l’Union d’être en mesure de vérifier si la Commission a adopté un règlement d’exécution de manière légale, notamment lorsque les documents en question constituent le substrat factuel de son processus d’adoption.

100    En outre, la requérante fait valoir que l’atteinte à la capacité à se défendre constitue un argument d’ordre général, qui ne peut justifier une exception à la transparence, et ce d’autant plus que la Commission s’était engagée à divulguer les informations contenues dans les éléments occultés des documents litigieux à l’occasion de la procédure dans l’affaire T‑297/21.

101    Au surplus, l’intérêt d’une bonne administration de la justice et l’égalité des armes exigerait que la Commission ne puisse pas dissimuler l’existence d’analyses contradictoires quant à la légalité d’un document faisant l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal.

102    Enfin, le règlement no 1049/2001 requerrait une interprétation stricte des exceptions au principe de transparence.

103    La Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

104    En ce qui concerne, à titre liminaire, l’allégation de la requérante selon laquelle le règlement no 1049/2001 n’établit aucune distinction entre les actes législatifs et les actes d’exécution, il suffit de relever que, même à la supposer exacte, une telle allégation ne saurait avoir d’influence sur la question de savoir si la divulgation desdits documents est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 ni, partant, sur celle de savoir si l’accès sollicité à de tels documents pouvait être valablement refusé par la Commission.

105    En effet, il convient de relever, à cet égard, que l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, s’il prévoit que les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux‑ci devraient être rendus directement accessibles, ajoute toutefois qu’il n’en va de la sorte que sous réserve des articles 4 et 9 de ce même règlement (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 41).

106    Selon une jurisprudence constante, mentionnée au point 48 ci-dessus, il incombe à l’institution qui applique l’une des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible.

107    Ainsi, un intérêt public supérieur peut justifier la divulgation d’un document auquel l’accès est demandé nonobstant le fait qu’une des exceptions visées par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 s’applique.

108    En l’espèce, la requérante fait valoir, en substance, un seul argument tiré de l’existence d’un intérêt public supérieur à la transparence et à l’ouverture du processus législatif.

109    Il y a lieu d’observer que, selon la jurisprudence, l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous-tendent le règlement no 1049/2001 (arrêt du 15 septembre 2016, Herbert Smith Freehills/Conseil, T‑710/14, EU:T:2016:494, point 68).

110    Toutefois, alors qu’il incombe à l’institution concernée de mettre en balance des intérêts divergents, il appartient à la partie requérante d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un tel intérêt public supérieur. L’exposé de considérations d’ordre purement général ne saurait suffire aux fins d’établir qu’un intérêt public supérieur prime les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en cause (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2017, Justice & Environment/Commission, T‑727/15, non publié, EU:T:2017:18, point 53 et jurisprudence citée).

111    Par ailleurs, ces circonstances doivent être de nature à établir que l’intérêt public supérieur présente une acuité particulière qui prime les raisons justifiant le refus d’accès intégral aux documents litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 93 et 94 et jurisprudence citée).

112    Dans ce contexte, la personne qui entend s’opposer à un motif de refus de divulgation doit, d’une part, faire valoir l’existence d’un intérêt public susceptible de primer ce motif et, d’autre part, démontrer précisément que, dans le cas d’espèce, la divulgation des documents concernés contribuerait, de manière concrète, à assurer la protection de cet intérêt public à un point tel que le principe de transparence prime la protection des intérêts ayant motivé le refus de divulgation, à savoir, en l’espèce, la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2017, Justice & Environment/Commission, T‑727/15, non publié, EU:T:2017:18, point 52). Des considérations génériques ne sauraient être de nature à établir que le principe de transparence présente dans un cas précis une acuité particulière primant les raisons justifiant le refus de divulgation des documents litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 158).

113    En l’espèce, la requérante se limite à invoquer des considérations génériques liées à l’importance accrue du principe de transparence du processus législatif en faisant référence aux effets juridiques contraignants des actes d’exécution, à l’intérêt des citoyens de l’Union d’être en mesure d’en vérifier la légalité, aux principes de bonne administration de la justice et d’égalité des armes, ainsi qu’à l’interprétation stricte des exceptions prévues par le règlement no 1049/2001.

114    Or, il ressort de la décision attaquée que la Commission a tout d’abord considéré, à juste titre, que des considérations aussi générales ne pouvaient être de nature à établir que le principe de transparence présentait, en l’espèce, une acuité particulière qui pouvait primer les raisons justifiant les refus d’accès aux documents litigieux. Ensuite, elle a estimé que la requérante n’avait pas indiqué de manière concrète les circonstances particulières qui auraient justifié la divulgation intégrale desdits documents. Enfin, elle a également constaté qu’elle n’avait pas été en mesure d’identifier un intérêt public supérieur capable de justifier la divulgation des éléments occultés des documents litigieux.

115    De plus, la requérante soutient que les documents litigieux auraient en l’occurrence contribué à l’adoption du règlement d’exécution 2021/348. Or, il suffit de relever qu’un tel argument a déjà été écarté dans le cadre de l’analyse du premier grief, aux points 98 à 100 ci-dessus. Partant, cette simple allégation ne permet pas d’établir l’existence de circonstances particulières démontrant précisément que, dans le cas d’espèce, la divulgation des documents litigieux contribuerait, de manière concrète, à assurer la protection du principe de transparence à un point tel qu’il primerait la protection des intérêts ayant motivé le refus de divulgation.

116    En outre, la requérante considère que la raison avancée par la Commission pour refuser l’accès aux éléments occultés des documents litigieux ne peut justifier une exception à la transparence dans la mesure où elle s’était engagée à en divulguer le contenu à l’occasion de la procédure dans l’affaire T‑297/21. Toutefois, ainsi que cela ressort du point 73 ci-dessus, la Commission n’a pas pris un tel engagement.

117    Il s’ensuit que la requérante ne fait valoir aucun argument circonstancié de nature à démontrer que, en ce qui concerne les documents litigieux, l’invocation du principe de transparence présente, au vu des circonstances spécifiques de l’espèce, une acuité particulière.

118    Partant, la requérante n’a pas démontré l’existence d’un intérêt public supérieur qui justifierait la divulgation des documents litigieux, de sorte que le troisième grief doit être rejeté et, par conséquent, la seconde branche du moyen unique dans son ensemble.

119    Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

120    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Troy Chemical Company BV est condamnée aux dépens.

Truchot

Sampol Pucurull

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.