Language of document : ECLI:EU:T:2010:328

ORDONNANCE DU 18.8.2010 – AFFAIRE T-102/09 AJ

ELOSTA / CONSEIL ET COMMISSION

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

18 août 2010(*)

« Mesures restrictives prises à l’encontre de personnes liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Gel des fonds – Recours en annulation – Aide judiciaire – Accord du Conseil de sécurité des Nations unies »

Dans l’affaire T‑102/09 AJ,

Abdelrazag Elosta, demeurant à Pinner (Royaume‑Uni), représenté par M. E. Grieves, barrister, et Mme A. McMurdie, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme E. Finnegan et M. R. Szostak, en qualité d’agents,

et

Commission européenne, représentée par MM. E. Paasivirta et P. Aalto, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande d’aide judiciaire,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2009, M. Abdelrazag Elosta a introduit une demande d’aide judiciaire au titre de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal, en vue d’introduire, contre le Conseil et la Commission, un recours tendant à l’annulation, d’une part, du règlement (CE) nº 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil, interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9), et, d’autre part, du règlement (CE) nº 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008, modifiant pour la cent-troisième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 345, p. 60), pour autant que ces actes le concernent.

2        À l’appui de cette demande, il fait notamment valoir, en produisant certaines pièces justificatives : qu’il perçoit des allocations familiales d’un montant de 82,65 GBP par semaine, des allocations de chômage d’un montant de 62,90 GBP par semaine et des allocations complémentaires (Income Support) d’un montant de 131,40 GBP par semaines ; qu’il a une épouse et deux enfants à charge ; qu’il est financièrement éligible au bénéfice de l’aide judiciaire (Legal Aid) en Angleterre ; et qu’il n’est pas en mesure de faire face aux frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal.

3        En outre, il ressort de la demande d’aide judiciaire que M. Elosta demande que la défense de ses intérêts continue à être assurée, dans le cadre du recours qu’il se propose d’introduire, par les avocats qui l’assistent dans le cadre de cette demande.

4        Quant à l’apparence de fondement de ce recours, au sens de l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure, M. Elosta fait notamment valoir, en se référant à l’arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351) : que les éléments sur la base desquels a été prise la décision de l’inclure dans l’annexe I du règlement n° 881/2002 ne lui ont pas été communiqués ; que la communication de ces éléments serait, en tout état de cause, insuffisante pour lui garantir le droit à un procès équitable; et que les mesures imposées au titre du règlement n° 881/2002 violent les principes généraux de proportionnalité et de sécurité juridique.

5        Par lettre du greffe du 25 mars 2009, le Tribunal a invité les parties défenderesses à déposer des observations sur la demande d’aide judiciaire de M. Elosta.

6        Dans ses observations, déposées au greffe le 7 avril 2009, le Conseil déclare s’en remettre à l’appréciation du Tribunal sur le point de savoir si les renseignements et pièces justificatives fournis par M. Elosta prouvent à suffisance qu’il a besoin de l’aide judiciaire.

7        Quant à la forme de l’aide judiciaire sollicitée, le Conseil estime acceptable la demande de M. Elosta tendant à ce qu’un solicitor et un junior counsel soient désignés pour l’assister.

8        Quant au montant approprié de l’aide judiciaire à octroyer à M. Elosta, le Conseil regrette que celui-ci n’en ait produit aucune estimation. Le Conseil relève par ailleurs, d’une part, que la présent affaire porte sur des questions analogues à celles ayant fait l’objet de l’ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 3 février 2003, Ayadi/Conseil (T‑253/02 AJ, non publiée au Recueil), qui a limité le montant de l’aide judiciaire octroyée à 10 000 euros, et, d’autre part, que le même solicitor représente le requérant dans l’affaire T‑101/09 AJ, Maftah/Conseil et Commission, dont le contexte juridique serait identique à celui de la présente affaire.

9        En conséquence, le Conseil considère que, si l’aide judiciaire devait être octroyée en l’espèce, elle devrait être d’un montant inférieur à 10 000 euros.

10      Dans ses observations, déposées au greffe le 3 avril 2009, la Commission expose qu’elle n’a pas d’objection de principe à l’octroi de l’aide judiciaire demandée, étant entendu que celle-ci devrait être subordonnée à l’obtention par M. Elosta d’une dérogation au titre de l’article 2 bis du règlement n° 881/2002.

11      La Commission relève, par ailleurs, que M. Elosta n’a produit aucune estimation du montant approprié de l’aide judiciaire sollicitée. Elle souligne que la présente affaire présente des similitudes avec les affaires ayant donné lieu aux ordonnances du président de la deuxième chambre du Tribunal Ayadi/Conseil, précitée, et du 3 avril 2006, Hassan/Conseil et Commission (T‑49/04 AJ, non publiée au Recueil).

12      À cet égard, il ressort de l’article 94, paragraphe 1, du règlement de procédure que, pour assurer un accès effectif à la justice, l’aide judiciaire accordée pour les procédures devant le Tribunal couvre, totalement ou en partie, les frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal. Ces frais sont pris en charge par la caisse du Tribunal.

13      En vertu de l’article 94, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure, l’octroi de l’aide judiciaire est subordonné à la double condition que, d’une part, le requérant soit, en raison de sa situation économique, dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal et, d’autre part, que son action ne paraisse pas manifestement irrecevable ou manifestement mal fondée.

14      En vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement de procédure, la demande d’aide judiciaire doit être accompagnée de tous renseignements et pièces justificatives permettant d’évaluer la situation économique du demandeur, tel qu’un certificat d’une autorité nationale compétente justifiant cette situation économique.

15      En vertu de l’article 96, paragraphe 2, du règlement de procédure, la décision sur la demande d’aide judiciaire est prise par le président par voie d’ordonnance, celle-ci devant être motivée en cas de refus.

16      Par mesure d’organisation de la procédure du 23 septembre 2009, le président de la septième chambre du Tribunal a fait savoir aux parties que, au vu des renseignements et pièces justificatives fournis par M. Elosta, et sans opposition du Conseil ni de la Commission, ils se proposait de constater que les conditions relatives à l’octroi de l’aide judiciaire étaient en principe remplies et d’admettre l’intéressé au bénéfice de cette aide, à concurrence d’un montant devant être inférieur à 10 000 euros. Il s’est également proposé, en application de l’article 96, paragraphe 3, du règlement de procédure, de désigner les actuels avocats de M. Elosta, M. E. Grieves et Mme A. McMurdie, pour représenter M. Elosta dans le cadre du recours que celui-ci se propose d’introduire.

17      Le président de la septième chambre du Tribunal a toutefois considéré également que, aussi longtemps qu’il n’aurait pas été statué au fond ou sursis à l’exécution des actes attaqués en l’espèce, les dispositions de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 881/2002, adopté conformément aux résolutions 1267 (1999), 1333 (2000), 1390 (2002) et 1822 (2008) du Conseil de sécurité des Nations unies, interdisaient en principe au Tribunal de verser une quelconque somme d’argent aux avocats de M. Elosta au titre de l’aide judiciaire, à moins qu’il ne soit formellement établi qu’une dérogation lui a été accordée à cette fin au titre de l’article 2 bis du règlement n° 881/2002, adopté conformément à la résolution 1452 (2002) du Conseil de sécurité des Nations unies.

18      En conséquence, le président de la septième chambre du Tribunal a invité M. Elosta à produire, dans un délai dont l’expiration a été fixée par le greffier du Tribunal à la date du 16 octobre 2009, la notification d’une autorité compétente visée à l’article 2 bis, paragraphe 2, du règlement n° 881/2002, établissant qu’il avait introduit une demande de dérogation à l’article 2 de ce règlement, en vue d’obtenir le bénéfice de l’aide judiciaire dans le cadre de la présente procédure, pour un montant devant être inférieur à 10 000 euros, et que cette demande avait été accordée dans le respect des mêmes dispositions.

19      M. Elosta n’a pas produit le document ainsi sollicité dans le délai imparti. Par ailleurs, les représentants de M. Elosta, interrogés par le greffe, n’ont pas été en mesure de confirmer les intentions de celui-ci quant à la production dudit document ni quant à la suite de la procédure. Dans ces conditions, le greffier du Tribunal a fixé un nouveau délai, expirant à la date du 2 avril 2010, pour la production du document en question. Ce délai a expiré sans que ledit document soit produit et sans que les représentants de M. Elosta fournissent une quelconque explication à cet égard. Toutefois, sous couvert d’une lettre enregistrée au greffe le 26 mai 2010, M. Elosta a produit une lettre du HM Treasury du 18 mai 2010, confirmant que cet organisme délivrera prochainement à celui-ci la notification demandée au titre de l’article 2 bis du règlement n° 881/2002. Dans cette même lettre, M. Elosta a néanmoins fait valoir que, au vu de l’arrêt de la Cour du 29 avril 2010, M e.a. (C‑340/08, non encore publié au Recueil), le versement de l’aide judiciaire demandée ne relevait pas de ladite disposition et ne devrait donc pas dépendre de la production du document en question. Enfin, sous couvert d'une lettre enregistrée au greffe le 8 juillet 2010, M. Elosta a produit la notification en question, sous la forme d'une « General Licence » délivrée par le HM Treasury.

20      Il convient, dans ces conditions, d’adopter formellement les mesures visées au point 16 ci-dessus.

21      S’agissant du montant de l’aide judiciaire à octroyer à M. Elosta, il convient de relever que, dans l’ordonnance Ayadi/Conseil, précitée, qui concernait une procédure très semblable à la présente procédure, le président de la deuxième chambre du Tribunal a estimé que, compte tenu de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit ainsi que des difficultés prévisibles de la cause, de l’ampleur prévisible du travail que la procédure contentieuse allait causer aux avocats et de l’intérêt que le litige représentait pour les parties, les débours et honoraires des avocats désignés ne pourraient, en principe, dépasser un montant de 10 000 euros pour l’ensemble de la procédure. Il a été fait application des mêmes principes dans les ordonnances du président de la deuxième chambre du Tribunal Hassan/Conseil et Commission, précitée, et du 27 octobre 2006, Othman/Conseil et Commission (T‑318/01 AJ, non publiée au Recueil).

22      Il convient de relever, par ailleurs, que M. Elosta est représenté par les mêmes barrister et solicitor que ceux qui représentent le requérant dans l’affaire T‑101/09 AJ, Maftah/Conseil et Commission, dont le contexte juridique est identique à celui de la présente espèce, que le barrister représentant M. Elosta représentait déjà M. Hassan dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Hassan/Conseil et Commission, précitée, et que, en règle générale, la représentation d’une partie par plusieurs avocats ne revêt pas un caractère indispensable (voir, en ce sens, ordonnances de la Cour du 6 janvier 2004, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 DEP, Rec. p. I‑1, point 62, et du 15 décembre 2004, Cambridge Healthcare Supplies/Commission, C‑39/03 DEP, non publiée au Recueil, point 33) et ne peut, dès lors, être prise en charge par l’aide judiciaire.

23      Enfin, il convient de relever que le recours en annulation que M. Elosta se propose d’introduire paraît soulever des questions identiques, en substance, à celles tranchées par la Cour dans l’arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité.

24      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les conditions relatives à l’octroi de l’aide judiciaire sont remplies et, en conséquence, d’accorder à M. Elosta le bénéfice de l’aide judiciaire, en réservant la décision finale sur le montant des débours et honoraires, qui sera fixé sur le fondement d’un décompte détaillé soumis au Tribunal à la fin de l’affaire.

25      Compte tenu de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit ainsi que des difficultés prévisibles de la cause, de l’ampleur prévisible du travail que la procédure contentieuse représente pour les parties, il y a toutefois lieu de préciser dès à présent, conformément à l’article 96, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de procédure, que les débours et honoraires des avocats désignés ne pourront, en principe, dépasser un plafond de 6 000 euros.

26      Au vu des mesures restrictives auxquelles M. Elosta est assujetti en vertu du règlement n° 881/2002, en particulier de l’article 2 de celui-ci, imposant un gel de ses fonds et ressources économiques, cette somme sera versée directement aux deux avocats chargés de défendre les intérêts de M. Elosta au cours de la procédure qu’il se propose d’introduire.

27      Quant à la question de savoir si ce paiement doit, par principe, être autorisé par la voie d’une dérogation en vertu de l’article 2 bis du règlement n° 881/2002, il n’y a pas lieu d’y répondre par la voie de la présente ordonnance. Il suffit de prendre acte de ce que M. Elosta a déjà produit une autorisation aux autorités compétentes conformément à la procédure de dérogation prévue audit article 2 bis (voir, également, ordonnance de la Cour du 2 septembre 2009, Ayadi, C‑403/06 P‑AJ, non publiée au Recueil).

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      M. Abdelrazag Elosta est admis au bénéfice de l’aide judiciaire.

2)      M. E. Grieves et Mme A. McMurdie sont désignés comme avocats pour assister M. Elosta.

3)      Un montant de débours et d’honoraires, fixé sur le fondement d’un décompte détaillé soumis au Tribunal à la fin de l’affaire mais ne pouvant excéder, en principe, un maximum de 6 000 euros, est accordé aux avocats désignés.

4)      

5)      Ce montant sera versé directement auxdits avocats.

Fait à Luxembourg, le 18 août 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.