Language of document : ECLI:EU:T:2020:230

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

28 mai 2020 (*) (1)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Article 73 du statut – Réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle – Article 16 – Déclaration de maladie professionnelle – Article 22 – Commission médicale – Refus de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie – Irrégularité de l’avis de la commission médicale »

Dans l’affaire T‑213/19,

AW, représenté par Mes L. Levi et S. Rodrigues, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. T. Lazian et I. Lázaro Betancor, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation des décisions du Parlement du 7 août 2018 rejetant les demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie introduites par le requérant les 15 et 28 juillet 2016,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine et M. L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 février 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, AW, est entré au service du Parlement européen le 1er juillet 2003. Il a été mis en invalidité à compter du 1er mai 2017.

2        Les 15 et 28 juillet 2016, le requérant a introduit, en application des articles 3 et 16 de la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des communautés européennes établie d’un commun accord par les institutions en application de l’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après la « réglementation de couverture »), des demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle de rachialgies et d’une urticaire de stress (ci-après les « demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause »).

3        Le 23 janvier 2017, sur le fondement de l’article 20 de la réglementation de couverture, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a notifié au requérant deux projets de décisions de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause, accompagnés des conclusions du docteur A, médecin désigné par cette autorité en application de l’article 16 de ladite réglementation.

4        Les 22 et 23 mars 2017, en application de l’article 20 de la réglementation de couverture, le requérant a demandé à la commission médicale prévue à l’article 22 de cette réglementation de donner son avis sur les projets de décisions visés au point 3 ci-dessus. Le requérant a désigné le docteur B pour le représenter et a transmis à l’AIPN les rapports de ce médecin précisant les questions médicales contestées.

5        Par courriel du 30 mars 2017, le Parlement a accusé réception de la demande de saisine de la commission médicale. Il a indiqué au requérant que, à compter de cette même date, il n’accepterait plus aucun autre document que ceux transmis pour la saisine de la commission médicale.

6        Sur la base des questions d’ordre médical soulevées par le rapport du docteur B visé au point 4 ci-dessus, le Parlement a établi, conformément à l’article 22, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, les mandats confiés à la commission médicale au titre des demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause. En vertu de ces mandats, la commission médicale était chargée de dresser un rapport motivé, pour chacune des maladies en cause, après avoir pris connaissance de tous les documents soumis à son analyse et avoir recueilli, le cas échéant, toute information complémentaire ainsi que procédé, ou fait procéder, à toute investigation ou examen utile aux fins de l’accomplissement de sa mission.

7        La commission médicale s’est réunie le 10 avril 2018. Elle était composée, en application de l’article 22, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, du docteur B, médecin désigné par le requérant, du docteur A, médecin désigné par l’AIPN, ainsi que d’un troisième médecin, le docteur C, désigné par le président de la Cour de justice de l’Union européenne, faute d’un accord intervenu sur la désignation de ce médecin entre les deux autres médecins.

8        Constatant que l’ensemble des documents initialement transmis par le requérant dans le cadre de ses demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause n’avaient pas été communiqués à la commission médicale, le docteur B a adressé au docteur C, par courrier du 12 avril 2018, les documents qu’il estimait ne pas avoir été transmis.

9        Par courriel du 16 mai 2018, le docteur C a indiqué au docteur B ne pas avoir tenu compte des documents transmis à la commission médicale le 12 avril 2018. Il a expliqué que, conformément aux instructions données par le directeur général du personnel, les documents transmis après le 30 mars 2017 n’avaient pu être pris en considération.

10      Le 27 juin 2018, au terme de ses travaux, la commission médicale a établi deux rapports, en application de l’article 22, paragraphe 3, quatrième alinéa, de la réglementation de couverture.

11      Dans son premier rapport, la commission médicale, représentée par le docteur A et le docteur C, a conclu à l’absence d’origine professionnelle des rachialgies. Le docteur B a, en revanche, conclu à l’origine professionnelle de cette maladie.

12      Dans son second rapport, la commission médicale a consigné le résultat des investigations qu’elle avait menées dans le cadre de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’urticaire de stress déclarée par le requérant (ci-après le « rapport de la commission médicale relatif à la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’urticaire de stress »).

13      Par décisions du 7 août 2018, l’AIPN, en application des articles 18 et 22 de la réglementation de couverture et après avoir pris connaissance des rapports de la commission médicale, a rejeté les demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause (ci-après les « décisions attaquées »).

14      Le 16 octobre 2018, le requérant a introduit, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), une réclamation contre les décisions attaquées.

15      Par décision du 19 février 2019, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant dirigée contre les mêmes décisions (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2019, le requérant a introduit le présent recours.

17      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 15 avril 2019, en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat. Par décision du 6 juin 2019, le Tribunal (deuxième chambre) a fait droit à cette demande.

18      Par décision du 16 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées et la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

20      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

21      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé des questions aux parties, qui y ont répondu dans les délais impartis.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 février 2020.

 En droit

 Sur l’objet du recours

23      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8). En effet, la décision qui rejette une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint, et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (arrêt du 12 septembre 2019, XI/Commission, T‑528/18, non publié, EU:T:2019:594, point 20 et jurisprudence citée).

24      La décision de rejet de la réclamation étant, en l’espèce, dépourvue de contenu autonome, le recours doit être regardé comme tendant à l’annulation des seules décisions attaquées.

 Sur le bien-fondé du recours

25      Le requérant soulève deux moyens.

26      Le premier moyen est tiré de l’existence de vices de procédure affectant les travaux de la commission médicale, en méconnaissance de l’article 22, paragraphe 3, de la réglementation de couverture. Il est articulé en trois branches.

27      Premièrement, le rapport de la commission médicale relatif à la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’urticaire de stress serait entaché d’un défaut de motivation. Deuxièmement, la commission médicale aurait manqué de transparence dans la conduite de ses travaux et, pour ce motif, méconnu le principe de collégialité. Troisièmement, la commission médicale n’aurait pas disposé de l’ensemble des documents susceptibles d’être utiles à l’élaboration de ses conclusions.

28      Le second moyen est tiré du manque d’indépendance de la commission médicale, en violation de l’article 22, paragraphe 3, de la réglementation de couverture et de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

29      Le Parlement conclut au rejet des moyens.

30      Il convient d’examiner, en premier lieu, la troisième branche du premier moyen.

31      Le requérant soutient que de nombreux documents versés dans le cadre des procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause n’ont pas été portés à la connaissance de la commission médicale lors de sa réunion du 10 avril 2018. Il ajoute que, le 12 avril 2018, le docteur B a adressé ces mêmes documents au docteur C, mais que celui-ci a refusé de les transmettre à la commission médicale, se conformant aux « instructions » qu’il aurait reçues du Parlement de ne pas tenir compte des documents transmis après le 30 mars 2017. Or, il revenait, selon le requérant, à la seule commission médicale, et non à l’AIPN, de juger de la pertinence des documents susceptibles de lui être utiles.

32      Dans ces conditions, faute d’avoir été saisie d’un dossier complet regroupant tous les documents versés par le requérant depuis l’ouverture, en juillet 2016, des procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause, la commission médicale n’aurait pas disposé de la totalité des documents disponibles susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations, en méconnaissance de l’article 22, paragraphe 3, premier alinéa, de la réglementation de couverture.

33      Le Parlement fait valoir que, conformément à l’article 22, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, le mandat qu’il était chargé d’établir couvre seulement les questions médicales soulevées par le rapport du médecin représentant l’assuré et d’autres rapports médicaux pertinents. Il lui reviendrait donc, à ce titre, de tenir compte du rapport de ce médecin et de tout autre rapport qu’il estimerait pertinent pour établir le mandat.

34      En outre, l’objet des dispositions combinées de l’article 20, paragraphe 2, de la réglementation de couverture et de l’article 22, paragraphe 2, de cette réglementation serait de documenter ces mêmes questions, aux fins de l’établissement du mandat, et non pas d’apporter un ensemble de documents visant à étayer telle ou telle conclusion, ce qu’il reviendrait à la commission de faire, en demandant tout document complémentaire qu’elle estimerait utile à ses travaux.

35      En conséquence, le Parlement considère qu’il était dans son droit d’écarter du dossier transmis à la commission médicale les documents qu’il estimait ne pas être pertinents au regard de l’article 22, paragraphe 2, de la réglementation de couverture au motif qu’ils auraient fait double emploi ou qu’ils n’auraient apporté aucun élément médical nouveau susceptible d’être utile à l’appréciation de ladite commission, et ce après avoir soumis son choix à l’appréciation du médecin-conseil de l’institution.

36      Enfin, il fait observer que les pièces que le requérant a transmises en annexes à sa réplique pour établir que la sélection des documents par l’institution aurait été arbitraire sont irrecevables. Le requérant ne justifierait pas, conformément à ce qu’exigerait l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, le retard pris dans la présentation de ses offres de preuve.

37      Il convient de rappeler les règles de droit constituant le cadre juridique du présent litige.

38      L’article 73, paragraphe 1, du statut énonce ce qui suit :

« Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des autorités investies du pouvoir de nomination des institutions de l’Union, après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. Il participe obligatoirement, dans la limite de 0,1 % de son traitement de base, à la couverture des risques de la vie privée. »

39      L’article 16 de la réglementation de couverture prévoit :

« 1. L’assuré qui demande l’application de la présente réglementation pour cause de maladie professionnelle doit faire une déclaration à l’administration de l’institution dont il relève dans un délai raisonnable suivant le début de la maladie ou la date de la première constatation médicale […]

La déclaration doit spécifier la nature de l’affection et doit être accompagnée des certificats médicaux ou de toute autre pièce.

[…] »

40      L’article 18 de la réglementation de couverture dispose ce qui suit :

« Les décisions relatives à la reconnaissance de l’origine accidentelle d’un événement […] et les décisions qui y sont liées relatives à la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie […] sont prises par l’[AIPN] suivant la procédure prévue à l’article 20 :

–        sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et

–        si l’assuré le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l’article 22. »

41      L’article 19, paragraphe 1, de la réglementation de couverture précise que « [l]’assuré est tenu d’informer spontanément l’administration de l’évolution de son état de santé, par la présentation de certificats médicaux ».

42      Aux termes de l’article 20 de la réglementation de couverture :

« 1. Avant de prendre une décision en vertu de l’article 18, l’[AIPN] notifie à l’assuré ou à ses ayants droit le projet de décision, accompagné des conclusions du ou des médecins désignés par l’institution […]

2. L’assuré ou ses ayants droit peuvent, dans un délai de soixante jours, demander que la commission médicale prévue à l’article 22 donne son avis. La demande de saisine de la commission médicale doit préciser le nom du médecin représentant l’assuré ou ses ayants droit accompagnée du rapport de ce médecin précisant les questions médicales contestées au médecin ou aux médecins désignés par l’institution aux fins de l’application des dispositions de la présente réglementation.

3. Si, à l’expiration de ce délai, aucune demande de consultation de la commission médicale n’a été déposée, l’[AIPN] prend la décision telle que le projet en a été notifié. »

43      L’article 22 de la réglementation de couverture prévoit :

« 1. La commission médicale est composée de trois médecins désignés :

‐ le premier, par l’assuré ou ses ayants droit,

‐ le deuxième, par l’[AIPN],

‐ le troisième, du commun accord des deux médecins ainsi désignés.

À défaut d’accord sur la désignation du troisième médecin, dans un délai de deux mois à compter de la désignation du deuxième médecin, le troisième médecin est commis d’office par le président de la Cour de justice des Communautés européennes à l’initiative d’une des parties.

Quel que soit son mode de désignation, le troisième médecin doit disposer d’une expertise en matière d’évaluation et de réparation du dommage corporel.

2. L’institution établit le mandat confié à la commission médicale. Ce mandat couvre les questions d’ordre médical soulevées par le rapport du médecin représentant l’assuré ou ses ayants droit et d’autres rapports médicaux pertinents transmis au titre de l’article 20, paragraphe 2.

[…]

3. La commission médicale examine de manière collégiale la totalité des documents disponibles et susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations et toute décision est adoptée à la majorité. Il appartient à la commission médicale de régler sa propre procédure et de fixer les modalités de son fonctionnement. Le troisième médecin est chargé du secrétariat et de la rédaction du rapport. La commission médicale peut demander des examens complémentaires et consulter des experts afin de compléter le dossier ou obtenir des avis utiles pour mener à bien sa mission.

La commission médicale ne peut émettre des avis médicaux que sur les faits qui sont soumis à son analyse ou qui sont portés à sa connaissance.

Si la commission médicale, dont la mission se limite à l’aspect purement médical du dossier, estime qu’elle se trouve en présence d'un litige d’ordre juridique, elle se déclare incompétente.

Au terme de ses travaux, la commission médicale consigne ses conclusions dans un rapport qui est adressé à l’[AIPN].

Sur la base de ce rapport, l’[AIPN] notifie à l’assuré ou ses ayants droit sa décision accompagnée des conclusions de la commission médicale. L’assuré ou ses ayants droit peuvent demander que le rapport complet de la commission soit transmis au médecin de leur choix ou que celui-ci leur soit communiqué.

[…] »

44      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le but poursuivi par les dispositions du statut relatives à la commission médicale saisie dans le cadre de l’article 73 du statut est de confier à des experts médicaux l’appréciation définitive de toutes les questions d’ordre médical (voir arrêts du 4 octobre 1991, Commission/Gill, C‑185/90 P, EU:C:1991:380, point 24 et jurisprudence citée, et du 16 juin 2000, C/Conseil, T‑84/98, EU:T:2000:156, point 43 et jurisprudence citée). La mission qui incombe à la commission médicale de porter en toute objectivité et en toute indépendance une appréciation sur des questions d’ordre médical exige que sa liberté d’appréciation soit entière. Les appréciations médicales proprement dites, formulées par la commission médicale, doivent être considérées comme définitives lorsqu’elles ont été émises dans des conditions régulières. Le juge de l’Union est uniquement habilité à vérifier, d’une part, si ladite commission a été constituée et a fonctionné régulièrement et, d’autre part, si son avis est régulier (voir arrêt du 25 octobre 2017, Lucaccioni/Commission, T‑551/16, non publié, EU:T:2017:751, point 78 et jurisprudence citée).

45      Il résulte de l’article 22, paragraphe 3, première phrase, de la réglementation de couverture que, pour qu’une commission médicale émette un avis médical de manière régulière, elle doit être en mesure de prendre connaissance de la totalité des documents disponibles et susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1997, R/Commission, T‑187/95, EU:T:1997:119, point 49, et du 3 mars 2004, Vainker/Parlement, T‑48/01, EU:T:2004:61, point 132).

46      À cet égard, si l’ensemble des documents soumis dans le cadre de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle relèvent du régime prévu par la réglementation de couverture (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission, C‑283/90 P, EU:C:1991:361, point 25), ni l’article 73 du statut ni la réglementation de couverture qui en procède ne contiennent de dispositions précisant la nature des pièces que doit contenir le dossier de la commission médicale, visé à l’article 22, paragraphe 3, premier alinéa, de cette réglementation.

47      Il résulte, en revanche, des termes mêmes de ce dernier texte que le dossier doit contenir la totalité des documents disponibles et susceptibles d’être utiles à la commission médicale afin de lui permettre de procéder aux appréciations nécessaires à l’élaboration de son rapport.

48      En l’espèce, il est constant que le Parlement n’a pas communiqué à la commission médicale certains documents initialement transmis par le requérant à l’appui de ses demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause.

49      Il ressort du dossier et il n’est pas contesté que les documents non communiqués à la commission médicale sont les documents énumérés, s’agissant de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle des rachialgies, page 45 de l’annexe A 9 et, s’agissant de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’urticaire de stress, page 176 de l’annexe A 10 (ci-après les « documents litigieux »). Les documents litigieux étaient au nombre de 15 s’agissant de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle des rachialgies et de 19 s’agissant de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’urticaire de stress. Ils incluaient, notamment, des rapports médicaux qui concluaient à l’origine professionnelle de ces maladies ainsi que divers accords du régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (RCAM) concernant les traitements suivis par le requérant.

50      Le Parlement expose qu’il a écarté ces documents après avoir estimé qu’ils faisaient double emploi avec des documents précédemment communiqués.

51      Dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure, le Parlement a précisé que certains des documents litigieux étaient identiques à ceux qui étaient déjà en sa possession, d’autres étaient sans lien avec les questions médicales soumises, d’autres, enfin, contenaient des informations similaires, c’est-à-dire que, sans être identiques, ils reprenaient les mêmes informations et conclusions que celles qui étaient déjà en sa possession.

52      S’agissant de cette dernière catégorie de documents, qui auraient, selon le Parlement, une portée médicale liée aux questions soulevées devant la commission médicale, ce dernier a indiqué qu’ils avaient été écartés dans la mesure seulement où ils n’apportaient pas d’éléments médicaux nouveaux par rapport à ceux déjà contenus dans le dossier préparé par l’institution.

53      Il résulte de ces éléments que le Parlement a porté sur les documents transmis par le requérant à l’appui de ses demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause une appréciation de nature médicale consistant à juger que le contenu de certains de ces documents était, de ce point de vue, semblable à celui d’autres pièces du dossier. La nature médicale de cette appréciation est confirmée par le Parlement lui-même, qui a indiqué avoir demandé au médecin de l’institution de confirmer son choix.

54      À cet égard, contrairement à ce que prétend le Parlement, la mission qui lui incombe d’établir le mandat confié à la commission médicale ne l’autorise pas à apprécier la pertinence médicale des documents transmis par l’assuré dans le cadre de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle, lorsque celui-ci demande que la commission médicale donne un avis sur le projet de décision de l’AIPN.

55      En effet, l’institution a pour seule mission, lorsque l’assuré ou ses ayants droit demandent à la commission médicale de donner son avis, d’établir le mandat confié à celle-ci. Ce mandat doit saisir cette commission des questions médicales soulevées tant par le rapport du médecin représentant l’assuré que, le cas échéant, par les autres rapports médicaux pertinents transmis par l’assuré, selon l’article 22, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, au titre de l’article 20, paragraphe 2, de cette réglementation. Les rapports médicaux transmis à ce titre, et établis éventuellement par d’autres médecins que le médecin représentant l’assuré au sein de la commission médicale, précisent les questions médicales que ces médecins entendent soulever pour contester le projet de décision de l’AIPN pris sur la base des conclusions du médecin de l’institution. La référence, opérée par l’article 22, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, aux rapports médicaux pertinents transmis au titre de l’article 20, paragraphe 2, de cette même réglementation ne peut être interprétée comme conférant à l’institution chargée d’établir le mandat confié à la commission médicale le droit de distinguer, aux fins de leur communication à cette commission, les seuls rapports qu’elle jugerait pertinents des autres rapports, sauf à priver d’effet utile l’article 22, paragraphe 3, première phrase, de la réglementation de couverture. Les rapports médicaux pertinents transmis, selon l’article 22, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, au titre de l’article 20, paragraphe 2, de cette réglementation, sont, en effet, ceux que l’assuré ou ses ayants droit ont estimé utile de communiquer au médecin ou aux médecins désignés par l’institution aux fins de l’application des dispositions de la réglementation de couverture. Il revient, dès lors, au seul assuré ou à ses ayants droit de porter une appréciation sur le caractère pertinent des rapports médicaux en cause.

56      En conséquence, en se prononçant sur des questions d’ordre médical en vue de l’établissement du dossier soumis à la commission médicale, le Parlement a excédé les limites de sa compétence et porté atteinte à la régularité des travaux de la commission médicale.

57      Dans ces conditions, la commission médicale ne peut être regardée comme ayant été en mesure d’examiner la totalité des documents disponibles et susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations, au sens de l’article 22, paragraphe 3, de la réglementation de couverture, tel qu’interprété dans la jurisprudence, ainsi qu’il a été rappelé au point 45 ci-dessus.

58      Il s’ensuit que la commission médicale a exercé sa mission dans des conditions irrégulières, de sorte que les rapports qu’elle a adressés à l’AIPN au terme de ses travaux sont viciés.

59      À cet égard, il n’est pas contesté que ceux des documents litigieux qui, selon le Parlement, contenaient des informations semblables à celles déjà transmises à la commission médicale étaient disponibles lors des travaux de celle-ci. Il n’est pas davantage contesté que de tels documents consistaient, notamment, en des rapports médicaux émanant de différents médecins ayant conclu à l’origine professionnelle des maladies en cause et en divers accords du RCAM concernant les traitements suivis par le requérant. Dans la mesure où de tels documents avaient manifestement un lien avec les pathologies du requérant, il n’est pas exclu que, si la commission médicale avait été en mesure d’examiner ces documents et, le cas échéant, d’en tenir compte, ses conclusions auraient pu être différentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1997, R/Commission, T‑187/95, EU:T:1997:119, point 57).

60      Les décisions attaquées ayant été adoptées sur la base des rapports de la commission médicale, elles sont entachées d’un vice de procédure de nature à justifier leur annulation.

61      Compte tenu de tout ce qui précède, la troisième branche du premier moyen doit être accueillie.

62      La troisième branche du premier moyen étant de nature à fonder l’annulation des décisions attaquées dans leur intégralité, celles-ci doivent être annulées, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres branches du premier moyen, ni sur le second moyen.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions du Parlement européen du 7 août 2018 rejetant les demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies de AW en date des 15 et 28 juillet 2016 sont annulées.

2)      Le Parlement est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Reine

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.