Language of document : ECLI:EU:T:2003:77

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

19 mars 2003(1)

«Fonctionnaires - Recevabilité - Promotion - Examen comparatif des mérites entre fonctionnaires de services différents»

Dans les affaires jointes T-188/01, T-189/01 et T-190/01,

Vassilios Tsarnavas, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me N. Lhoëst, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Martin, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d'annulation des décisions de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au titre des exercices 1998, 1999 et 2000,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, R. M. Moura Ramos et H. Legal, juges,

greffier: Mme Blanca Pastor, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 15 janvier 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique et faits à l’origine du litige

1.
    L’exercice annuel de promotion des fonctionnaires de la Commission de la catégorie A et du cadre LA se déroule selon une procédure énoncée dans le Guide pratique de la procédure de promotion des fonctionnaires à la Commission des CE. Celle-ci se décompose en cinq étapes.

2.
    La première étape prévoit la publication par l’administration de la liste des fonctionnaires susceptibles d’être promus, comprenant tous les fonctionnaires qui remplissent les conditions d’ancienneté prévues par l’article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»). Cette publication permet aux fonctionnaires intéressés de signaler à l'administration des erreurs ou omissions éventuelles.

3.
    Dans une deuxième étape, chaque directeur général procède à un examen comparatif préalable des mérites des fonctionnaires de son service et communique ses propositions, classées par ordre de priorité, au comité de promotion. Lorsquele fonctionnaire appartient à une «petite unité», à savoir un service comportant un faible nombre de fonctionnaires, il est établi une liste des propositions de promotion pour ces petites unités.

4.
    Dans la troisième étape, ce comité procède à l’établissement d’un projet de liste des fonctionnaires les plus méritants en comparant, notamment à l’aide des rapports de notation, les mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus selon une méthode d’appréciation adaptée au grade en cause.

5.
    Lors de cette étape, les fonctionnaires ayant, notamment, fait, tel le requérant, l’objet d’une mobilité voient leur situation préalablement examinée par un groupe paritaire restreint qui présente audit comité un rapport sur les cas qui lui sont soumis.

6.
    Dans la quatrième étape, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») adopte, avec ou sans modifications, le projet de liste du comité et publie la liste des plus méritants.

7.
    La cinquième et dernière étape relève du membre de la Commission responsable du personnel, qui prend une décision de promotion à partir de cette dernière liste et qui signe, ensuite, les décisions individuelles.

8.
    Le requérant est fonctionnaire de la Commission depuis le 1er avril 1981. Recruté au grade LA 7, il est fonctionnaire de grade A 5 depuis le 1er novembre 1992.

9.
    Par décision du 21 juin 1995, le requérant a été détaché dans l’intérêt du service, avec effet au 24 février 1995, de la direction générale «Concurrence» (DG IV) vers la direction générale «Personnel et administration» (DG IX), à laquelle il a été affecté pour la durée des fonctions lui incombant dans le cadre du comité du personnel en tant que vice-président de la section locale de Bruxelles.

10.
    Par décision du 2 juillet 1997, l’AIPN l’a réaffecté, avec effet rétroactif au 1er mai 1997, à sa direction générale d’origine, la DG «Concurrence».

11.
    La date d’affectation prise en considération pour l’exercice de promotion 1998 étant fixée au 5 mai 1997, le requérant dépendait donc, pour cet exercice, non plus de la DG «Personnel et administration», mais de la DG «Concurrence».

12.
    Le requérant n’a pas été inclus dans la liste des propositions de promotion de la DG Concurrence pour l’exercice 1998.

13.
    Dans le courant de l’année 1998, le requérant a invité l’administration à revoir la date de prise d’effet de la décision de réaffectation à la DG «Concurrence» le concernant afin qu’elle coïncide, sinon avec la date de réaffectation réelle, le 21 octobre 1997, du moins avec la date de prise de décision, le 2 juillet 1997.

14.
    N’ayant pas reçu de réponse à cette demande, le requérant a introduit une réclamation le 13 janvier 1999.

15.
    Ne recevant pas non plus de réponse à cette réclamation, le requérant a introduit le 6 août 1999 un recours en annulation auprès du Tribunal (affaire T-180/99).

16.
    Le 13 septembre 1999, l’AIPN a adopté une réponse explicite à cette réclamation du requérant dans laquelle, d’une part, elle a fixé au 2 juillet 1997 la date de réaffectation du requérant à la DG «Concurrence» et, d’autre part, elle l’a placé en sixième rang sur la liste des propositions de promotion pour les petites unités et, par conséquent, ne l’a pas promu lors de l’exercice 1998.

17.
    Le requérant a maintenu son recours en annulation dans l’affaire T-180/99. Toutefois, un accord a été conclu ultérieurement entre les parties dans cette affaire. Aux termes de cet accord, que le Tribunal a entériné dans une ordonnance de radiation prononcée le 13 avril 2000, il a été convenu que:

—    la Commission retirerait sa décision du 13 septembre 1999 en ce qu’elle classe le requérant en sixième position sur la liste des propositions de promotion pour les petites unités pour l’exercice 1998;

—    la Commission procéderait à un réexamen de la situation du requérant pour l’exercice de promotion 1998 à l’occasion de l’exercice de promotion 2000;

—    la composition des groupes et du comité participant à l’exercice de promotion serait celle de l’exercice de promotion en cours.

18.
    En ce qui concerne l’exercice de promotion 1998 vers le grade A 4 (mis en cause dans l’affaire T-188/01), la Commission a informé le requérant, le 13 juin 2000, que, conformément à l’accord intervenu devant le Tribunal, sa situation concernant l’exercice de promotion 1998 avait été réexaminée dans le cadre des petites unités, catégorie à laquelle il appartenait au titre de la représentation du personnel relevant de la DG «Personnel et administration», en vertu de la décision du 13 septembre 1999 (voir point 16 ci-dessus). Au terme de ce réexamen au titre de la deuxième étape de la procédure, mentionnée ci-dessus au point 3, il a été classé en sixième position sur la liste des propositions de promotion vers le grade A 4 pour les petites unités, position non accompagnée de points de priorité pour la promotion. Une telle position ne lui permettait cependant pas, a priori, d'être promu.

19.
    Le 23 juin 2000, le requérant a contesté cet ordre de proposition.

20.
    Le 29 juin 2000, le groupe paritaire restreint a examiné la situation du requérant au titre de l’exercice 1998. Il a considéré qu’il n’y avait pas lieu de réserver unesuite favorable à sa contestation. Le comité de promotion A est arrivé aux mêmes conclusions.

21.
    Le 21 septembre 2000, l’AIPN a décidé de ne pas ajouter le nom du requérant à la liste des fonctionnaires de grade A 5 jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au titre de l’exercice 1998 et, par conséquent, de ne pas le promouvoir au grade A 4 au titre de cet exercice.

22.
    Le 27 décembre 2000, le requérant a introduit une réclamation contre cette dernière décision.

23.
    Le requérant n'a pas reçu de réponse explicite à cette dernière réclamation dans les délais statutaires.

24.
    Le 26 septembre 2001, la Commission a adopté une décision explicite de rejet de la réclamation du requérant à l’encontre de la décision du 21 septembre 2000.

25.
    En ce qui concerne l’exercice de promotion 1999 vers le grade A 4 (mis en cause dans l’affaire T-189/01), le nom du requérant ne figurait ni sur la liste des propositions de promotion, ni sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion, ni sur la liste des fonctionnaires promus.

26.
    Le 12 novembre 1999, le requérant a déposé une réclamation à l’encontre de la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice 1999, en raison du fait que son nom n’y figurait pas.

27.
    Cette dernière réclamation n’ayant fait l’objet d’aucune réponse, le requérant a introduit un recours en annulation et en indemnité auprès du Tribunal le 14 juin 2000 (affaire T-161/00).

28.
    Le 20 juin 2000, la Commission a informé le requérant qu’elle avait décidé d’annuler la décision de non-promotion vers le grade A 4 pour l’exercice 1999 le concernant et que le comité de promotion réexaminerait son cas.

29.
    Par ordonnance du 6 juillet 2001, le Tribunal a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation du requérant dans l’affaire T-161/00 et que le recours était, pour le reste, irrecevable (Tsarnavas/Commission, RecFP p. I-A-155 et II-721).

30.
    Le 29 juin 2000, le groupe paritaire restreint a considéré que les éléments relatifs à la situation administrative du requérant au terme de l’exercice de promotion 1998 n’étaient pas de nature à modifier l’appréciation qui avait été faite en son temps lors de l’exercice 1999. Le comité de promotion A est ensuite arrivé aux mêmes conclusions.

31.
    Le 22 septembre 2000, l’AIPN a décidé de ne pas ajouter le nom du requérant à la liste des fonctionnaires de grade A 5 jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au titre de l’exercice 1999 et, par conséquent, de ne pas le promouvoir au grade A 4 au titre de cet exercice.

32.
    Le 27 décembre 2000, le requérant a introduit une réclamation contre cette dernière décision.

33.
    Le requérant n'a pas reçu de réponse explicite à cette dernière réclamation dans les délais statutaires.

34.
    Le 26 septembre 2001, la Commission a adopté une décision explicite de rejet de la réclamation du requérant à l’encontre de la décision du 22 septembre 2000.

35.
    En ce qui concerne l’exercice de promotion 2000 vers le grade A 4 (mis en cause dans l’affaire T-190/01), le nom du requérant ne figurait pas sur la liste des propositions de promotion.

36.
    Le requérant a saisi le 8 juin 2000 le groupe paritaire restreint d’une contestation contre le fait que son nom ne figurait pas sur la liste des propositions de promotion vers le grade A 4 au titre de l’exercice 2000.

37.
    Le 29 juin 2000, le groupe paritaire restreint s’est réuni et a considéré que la contestation du requérant ne devait pas être accueillie, ce qui a été entériné par le comité de promotion A lors de sa réunion plénière du 18 juillet 2000.

38.
    Le 14 août 2000, a été mis en ligne sur l’intranet de la Commission, dans les Informations administratives, la liste des fonctionnaires promus vers le grade A 4 sur laquelle le nom du requérant ne figurait pas.

39.
    Par lettre du 29 septembre 2000, le secrétaire général de la Commission, en sa qualité de président du comité de promotion, a informé le requérant que ni le groupe paritaire restreint ni le comité de promotion n’avaient réservé une suite favorable à sa demande, introduite le 8 juin 2000, concernant sa promotion au titre de l’exercice 2000.

40.
    Le 27 décembre 2000, le requérant a introduit une réclamation contre la décision contenue selon lui dans la lettre mentionnée au point précédent.

41.
    Le requérant n'a pas reçu de réponse explicite à cette dernière réclamation dans les délais statutaires.

42.
    Le 26 septembre 2001, la Commission a adopté une décision explicite de rejet de la réclamation du requérant à l’encontre de la décision du 29 septembre 2000.

Procédure et conclusions des parties

43.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 5 août 2001, le requérant a introduit les présents recours en annulation à l’encontre de la décision du 21 septembre 2000 relative à l’exercice de promotion 1998, enregistré sous le numéro T-188/01, à l’encontre de la décision du 22 septembre 2000 relative à l’exercice de promotion 1999, enregistré sous le numéro T-189/01 et à l’encontre de la décision du 29 septembre 2000 relative à l’exercice de promotion 2000, enregistré sous le numéro T-190/01.

44.
    Par ordonnance du 27 mai 2002, les parties ayant été entendues, le président de la deuxième chambre a joint les affaires T-188/01, T-189/01 et T-190/01 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

45.
    En raison de la modification de la composition des chambres du Tribunal à partir du 1er octobre 2002, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre et les présentes affaires ont été, par conséquent, attribuées à cette chambre.

46.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, il a invité les parties à répondre à plusieurs questions écrites et à produire certains documents. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

47.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 15 janvier 2003.

48.
    En ce qui concerne l’affaire T-188/01, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission du 21 septembre 2000 en ce qu’elle porte non-inscription du requérant sur la liste des fonctionnaires de grade A 5 jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au titre de l’exercice 1998 et non-promotion du requérant au grade A 4 au titre de cet exercice;

—    pour autant que de besoin, annuler la décision portant rejet implicite de la réclamation à l’encontre de la décision du 21 septembre 2000;

—    par conséquent, dire pour droit que la procédure de promotion vers le grade A 4 pour l’exercice 1998 est annulée en ce qui concerne le requérant.

49.
    En ce qui concerne l’affaire T-189/01, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission du 22 septembre 2000 en ce qu’elle porte non-inscription du requérant sur la liste des fonctionnaires de grade A 5 jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au titre del’exercice 1999 et non-promotion du requérant au grade A 4 au titre de cet exercice;

—    pour autant que de besoin, annuler la décision portant rejet implicite de la réclamation à l’encontre de la décision du 22 septembre 2000;

—    par conséquent, dire pour droit que la procédure de promotion vers le grade A 4 pour l’exercice 1999 est annulée en ce qui concerne le requérant.

50.
    En ce qui concerne l’affaire T-190/01, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission du 29 septembre 2000 de ne pas réserver une suite favorable à la contestation introduite par le requérant à l’encontre de la liste des fonctionnaires proposés à la promotion vers le grade A 4 au titre de l’exercice 2000 en ce que son nom n’y figurait pas, ainsi que la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade A 4 au titre de l’exercice 2000;

—    annuler toute décision connexe et/ou subséquente;

—    pour autant que de besoin, annuler la décision portant rejet de la réclamation à l’encontre de la décision du 29 septembre 2000;

—    par conséquent, dire pour droit que la procédure de promotion vers le grade A 4 pour l’exercice 2000 est annulée en ce qui concerne le requérant.

51.
    Dans toutes les affaires, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal condamner la Commission aux dépens.

52.
    En ce qui concerne les affaires T-188/01 et T-189/01, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours comme non fondé.

53.
    En ce qui concerne l’affaire T-190/01, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé.

54.
    Dans toutes les affaires, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal statuer comme de droit sur les dépens.

Sur la recevabilité du recours dans l’affaire T-190/01

Arguments des parties

55.
    La Commission fait valoir que le recours dans l’affaire T-190/01 est irrecevable eu égard à l’introduction tardive de la réclamation l’ayant précédé.

56.
    Elle estime que la lettre du 29 septembre 2000 du secrétaire général de la Commission, en sa qualité de président du comité de promotion, ne constitue pas un acte ou une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts d’un fonctionnaire, en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique. Cette lettre se serait limitée à informer le requérant que tant le groupe paritaire restreint que le comité de promotion avaient estimé non fondée sa contestation contre la mesure préparatoire que constituait la liste des fonctionnaires proposés pour la promotion vers le grade A 4.

57.
    Le seul acte faisant grief au requérant au titre de l’exercice de promotion 2000 serait la décision de l’AIPN de promouvoir vers le grade A 4 les fonctionnaires dont le nom apparaît sur la liste des fonctionnaires promus. Elle signale que cette liste a été publiée dans les Informations administratives du 14 août 2000.

58.
    La défenderesse estime que, le délai pour attaquer cet acte ayant expiré le 14 novembre 2000, la réclamation du requérant, datée du 27 décembre, est tardive.

59.
    En outre, la Commission souligne qu’aucune autre décision connexe et/ou subséquente à la lettre du 29 septembre 2000 susmentionnée n'a été prise.

60.
    La Commission conteste en particulier que le comité de promotion ait adopté une décision concernant la promotion du requérant, en rappelant que la lettre du 29 septembre 2000 énonce seulement que le comité de promotion a adopté la proposition du groupe paritaire de ne pas réserver une suite favorable à sa contestation.

61.
    Elle remarque à ce propos que, en vertu de l’article 45 du statut, seule l’AIPN est compétente pour adopter les décisions de promotion. Elle indique que, dans le cadre de l’affaire T-188/01, le requérant a précisément introduit une réclamation contre la décision de l’AIPN concernant la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice 1998 publiée aux Informations administratives.

62.
    En ce qui concerne l’argument du requérant tiré du fait que la liste des fonctionnaires promus n’aurait pas été publiée de manière conforme à l’article 90, paragraphe 2, du statut, la Commission souligne que, le 8 juin 2000, le requérant a introduit une contestation devant le groupe paritaire restreint contre le fait que son nom ne figurait pas sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion vers le grade A 4 au titre de l’exercice de promotion 2000. D’après la défenderesse, cette liste a été publiée uniquement sur le site intranet de la Commission et n’a pas été distribuée personnellement à chaque fonctionnaire. Elle ajoute que la disposition mentionnée, qui se réfère à la publication de mesures de caractère général, viserait également la publication sur le site intranet de laCommission. Enfin, elle affirme que les Informations administratives sont également portées à la connaissance des fonctionnaires par voie d’affichage sur les tableaux installés à cet effet dans les bâtiments où ils travaillent.

63.
    Pour ce qui est de l’argument du requérant selon lequel il était en congé le 14 août 2000, quand la liste a été publiée sur le site intranet, la Commission remarque qu’il est rentré de congé le 20 août 2000. Elle estime qu’à cette date, à tout le moins, il a pu prendre connaissance de la décision de l’AIPN.

64.
    Le requérant fait valoir, tout d’abord, que, conformément à ses conclusions, son recours n’est pas dirigé seulement contre la décision contenue dans la lettre du secrétaire général de la Commission du 29 septembre 2000.

65.
    En outre, le requérant conteste la thèse selon laquelle sa réclamation était tardive.

66.
    D’une part, il fait valoir que la lettre que lui a adressée le secrétaire général de la Commission le 29 septembre 2000 constitue une décision et non une simple information sans aucun effet juridique ou ne lui causant aucun grief.

67.
    Il soutient que cette lettre fait suite à la contestation qu’il a formée le 8 juin 2000 devant le groupe paritaire restreint en raison du fait que son nom ne figurait pas sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion vers le grade A 4 au titre de l’exercice 2000.

68.
    Il fait valoir que, selon les propos mêmes de la Commission (point 45 du mémoire en défense de la Commission dans l’affaire T-189/90), lorsque le groupe paritaire restreint et le comité de promotion sont saisis d’un recours de fonctionnaire en raison du fait que son nom ne figure pas sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion, ces organes examinent le recours et statuent eux-mêmes sur celui-ci.

69.
    En outre, le requérant indique que la lettre du 29 septembre 2000 précise que le comité de promotion a «adopté» la proposition du groupe paritaire concernant la contestation du requérant, ce qui confirme que le comité de promotion a pris une décision relative au requérant, laquelle a été portée à sa connaissance par cette lettre. Par conséquent, par cette lettre, le requérant aurait appris que ses chances d’être promu au titre de l’exercice 2000 étaient définitivement écartées.

70.
    D’autre part, le requérant allègue que la mise en ligne sur un site intranet ne constitue pas une publication au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, qui vise seulement l’impression sur papier et sa distribution au personnel. À ce propos, il signale qu’il était en congé le 14 août 2000 et qu’il n’a pris connaissance de sa non-promotion que lors de la réception de la lettre du 29 septembre 2000.

71.
    Enfin, le requérant soutient que, dès lors que, le 14 août 2000, date indiquée par la Commission comme étant celle de la publication des Informations administratives, il n’avait pas reçu de réponse à la contestation qu’il avait déposée le 8 juin 2000et qu’une décision finale sur sa promotion n’avait pas encore été adoptée, la Commission ne peut pas prétendre que le délai pour le dépôt d’une réclamation avait déjà commencé à courir.

Appréciation du Tribunal

72.
    Conformément à une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci. Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (voir arrêts du Tribunal du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 39, et du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T-187/98, RecFP p. I-A-195 et II-885, point 28).

73.
    Ainsi, la procédure de promotion s’achève par l’établissement de la liste des fonctionnaires promus. Cette décision finale identifie les fonctionnaires qui sont promus à l’occasion de l’exercice de promotion en cours. Dès lors, c’est au moment de la publication de cette liste que les fonctionnaires qui s’estimaient en mesure d’être promus prennent connaissance, d’une manière certaine et définitive, de l’appréciation de leurs mérites et que leur position juridique est affectée (arrêt du Tribunal du 21 novembre 1996, Michaël/Commission, T-144/95, RecFP p. I-A-529 et II-1429, point 30).

74.
    En l’espèce, il y a lieu de constater que, tel que rappelé précédemment, le requérant a saisi le 8 juin 2000 le groupe paritaire restreint d’une contestation contre le fait que son nom ne figurait pas sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion vers le grade A 4 au titre de l’exercice 2000.

75.
    Le 29 juin 2000, le groupe paritaire restreint s’est réuni et a considéré que la contestation du requérant ne devrait pas être accueillie, ce qui a été entériné par le comité de promotion A lors de sa réunion plénière du 18 juillet 2000. Le 14 août 2000 a été mis en ligne sur l’intranet de la Commission, aux Informations administratives, la liste des fonctionnaires promus vers le grade A 4.

76.
    Par lettre du 29 septembre 2000, le secrétaire général de la Commission, en sa qualité de président du comité de promotion, a communiqué au requérant que ni le groupe paritaire restreint ni le comité de promotion n’avaient réservé une suite favorable à sa contestation, introduite le 8 juin 2000, concernant sa promotion.

77.
    Le 27 décembre 2000, le requérant a introduit une réclamation contre la décision communiquée par la lettre du secrétaire général mentionnée au point précédent.

78.
    Or, il convient d’observer que, si les décisions du groupe paritaire restreint et du comité de promotion de ne pas accueillir une contestation d’un fonctionnaire contre le fait que son nom n’est pas inclus dans la liste des fonctionnaires proposés à la promotion sont de nature à influer sur la décision de promotion, elles ne constituent pas des décisions définitives de la part de l’administration, mais des actes préparatoires ne constituant donc pas des actes faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

79.
    Il s’ensuit que, en l’espèce, seule la liste des fonctionnaires promus vers le grade A 4 au titre de l’exercice 2000, mise en ligne sur l’intranet de la Commission, aux Informations administratives le 14 août 2000, a fixé définitivement la position de l’AIPN de ne pas promouvoir le requérant au titre de cet exercice de promotion et, par conséquent, constitue la décision qui fait grief au requérant.

80.
    La lettre du secrétaire général de la Commission du 29 septembre 2000, qui agissait comme président du comité de promotion, se limite à informer le requérant d’une décision préparatoire, qui est antérieure, en termes de procédure et de chronologie, à la décision définitive mise en ligne sur l’intranet. En effet, cette lettre a informé le requérant que le groupe paritaire restreint et le comité de promotion avaient rejeté sa contestation contre le fait de ne pas figurer sur la liste des fonctionnaires proposés pour la promotion vers le grade A 4. Par conséquent, cette lettre n’exclut pas que l’acte que le requérant aurait dû attaquer, c’est-à-dire celui qui lui faisait grief, était la liste des fonctionnaires promus. En outre, le requérant ne pouvait s’attendre à une décision de l’AIPN qui lui soit adressée personnellement, comme dans les procédures précontentieuses relatives aux affaires T-188/01 et T-189/01. En effet, contrairement à ces dernières procédures, il n'était pas question d'un réexamen de la situation du requérant dans le cadre d'un précédant exercice de promotion, mais de l'exercice normal de promotion concernant l'année en cours.

81.
    Conformément à l’article 90, paragraphe 2, et à l’article 91, paragraphe 2, du statut, la réclamation du requérant ayant été introduite le 27 décembre 2000, plus de quatre mois après la publication de l’acte attaquable, elle est tardive et, pour cette raison, le recours est irrecevable.

82.
    Enfin, le requérant ne saurait invoquer une violation de l’article 90, paragraphe 2, du statut, en vertu du fait que les Informations administratives ont été mises en ligne sur l’intranet et non distribuées en version imprimée.

83.
    À cet égard, la mise à disposition des fonctionnaires, sur le réseau informatique interne de l’institution, des informations relatives à l’adoption d’une mesure de portée générale doit, en l’état actuel de la pratique administrative, être admise comme valant «publication» de cette mesure au sens du statut, à l’égard des fonctionnaires qui bénéficient sur leur poste de travail d’un accès direct et facile à ce réseau.

84.
    Or, tel est le cas en l’espèce, comme le confirme clairement le fait que le requérant avait précédemment introduit un recours administratif contre la liste des fonctionnaires proposés à la promotion pour le même exercice, qui, elle aussi, a été mise en ligne sur l’intranet de la Commission et n’a pas été distribuée personnellement aux fonctionnaires.

85.
    En outre, il n’y a aucune raison de penser qu’en l’espèce le requérant n’a pas pu avoir un accès facile à l’intranet de la Commission. À cet égard, en ce qui concerne son argument selon lequel il était en congé le 14 août 2000, quand la liste des promus a été mise sur l’intranet, il convient de souligner que, tel que la Commission le relève, en tout état de cause, il est rentré de congé le 20 août 2000 et, au moins à cette date, il a pu prendre connaissance de la décision de l’AIPN.

86.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours dans l’affaire T-190/01 est irrecevable.

Sur le fond dans les affaires T-188/01 et T-189/01

87.
    À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque trois moyens tirés, premièrement, de la violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, de la violation des articles 26, 43 et 45 du statut et des principes d’égalité de traitement et de bonne administration et, troisièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation. Dans l’affaire T-189/01, le requérant invoque également le non-respect de la procédure de promotion.

88.
    Il convient d’analyser le deuxième moyen du requérant, en ce qu’il invoque la violation de l’article 45 du statut dans la mesure où la Commission n’aurait pas procédé à un examen comparatif des mérites des candidats. À défaut d’indication particulière, les arguments exposés ci-après se réfèrent aux deux affaires.

Arguments des parties

89.
    Le requérant fait valoir que le groupe paritaire restreint, le comité de promotion A et l’AIPN n’ont pas consulté ses rapports de notation ni comparé ceux-ci avec ceux des autres fonctionnaires susceptibles d’être promus.

90.
    Il indique que, d’une part, les décisions de l’AIPN du 21 et du 22 septembre 2000 de ne pas le promouvoir au grade A 4 au titre, respectivement, des exercices 1998 et 1999 se limitent à préciser que l’AIPN a eu la «possibilité de consulter les dossiers individuels de tous les fonctionnaires susceptibles d’être promus». Ces décisions ne préciseraient pas que les dossiers individuels, et donc les rapports de notation de tous les fonctionnaires susceptibles d’être promus, ont été dûment examinés et comparés. En outre, si ces décisions déclarent faire suite à un examen comparatif des mérites, elles ne diraient mot de l’examen comparatif des rapports.

91.
    D’autre part, le requérant fait référence au «compte rendu des travaux du groupe paritaire restreint chargé de l’examen des recours et des problèmes liés à la mobilité et du comité de promotion A pour examiner le cas de M. Tsarnavas au titre des exercices de promotion 1998, 1999 et 2000 vers A 4», daté du 28 juillet 2000 (ci-après le «compte rendu»). Il estime qu’il ne découle pas du fait que ce document affirme que les dossiers personnels des fonctionnaires étaient à la disposition du groupe paritaire restreint et du comité de promotion que ces derniers aient effectivement procédé à un examen comparatif des rapports de notation de tous les fonctionnaires. À son avis, s’ils avaient fait un tel examen, ils l’auraient mentionné explicitement.

92.
    La Commission soutient que l’argument du requérant tiré de l’absence d’examen comparatif est erroné en fait.

93.
    D’une part, elle fait valoir que la référence dans les décisions attaquées au fait que l’AIPN a eu la «possibilité de consulter les dossiers individuels de tous les fonctionnaires» signifie qu’elle a effectivement exercé cette possibilité. Cette interprétation serait confirmée par les autres considérants de cette décision et par les termes du compte rendu.

94.
    D’autre part, elle rappelle que, des termes de ce compte rendu, il s’ensuit que les dossiers individuels de tous les fonctionnaires susceptibles d’être promus ont bien été examinés et comparés par le groupe paritaire restreint, le comité de promotion et l’AIPN.

95.
    De plus, elle rappelle que, tant ce compte rendu que les décisions attaquées indiquent explicitement que l’analyse du dossier du requérant s’est faite sur la base de l’examen comparatif des mérites.

Appréciation du Tribunal

96.
    Il convient de rappeler que l’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut dispose:

«La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet.»

97.
    En outre, conformément à une jurisprudence constante, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation,celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (voir arrêts du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. I-A-257 et II-739, point 66, et du 5 mars 1998, Manzo-Tafaro/Commission, T-221/96, RecFP p. I-A-115 et II-307, point 16). Cependant, le pouvoir discrétionnaire ainsi reconnu à l’administration est limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des mérites avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement. En pratique, cet examen doit être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’informations et de renseignements comparables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 novembre 1993, Tsirimokos/Parlement, T-76/92, Rec. p. II-1281, points 20 et 21; voir également arrêt du Tribunal du 21 septembre 1999, Oliveira/Parlement, T-157/98, RecFP p. I-A-163 et II-851, point 35).

98.
    De plus, il ressort expressément des termes de l’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut que, dans le cadre d’une procédure de promotion, l’AIPN est tenue d’effectuer son choix sur la base d’un examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des fonctionnaires promouvables. À cette fin, elle dispose du pouvoir statutaire de procéder à un tel examen selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la plus appropriée, conformément à une jurisprudence bien établie (voir arrêts de la Cour du 1er juillet 1976, de Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167, point 17, et du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP p. I-A-195 et II-603, point 20).

99.
    Le Tribunal a déjà jugé qu’un examen préalable des dossiers des fonctionnaires promouvables, au sein de chaque direction générale, n’est pas susceptible de faire échec à un examen bien compris de leurs mérites et participe, au contraire, du principe de bonne administration (voir arrêt Rasmussen/Commission, précité, point 21, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, X/Commission, T-130/95, RecFP p. I-A-603 et II-1609, point 67).

100.
    Toutefois, le Tribunal a également jugé qu’un tel examen préalable au sein des directions générales ne saurait avoir pour effet de se substituer à l’examen comparatif qui doit ensuite être effectué par le comité de promotion. Chaque fonctionnaire susceptible d’être promu est donc en droit d’attendre que ses mérites soient comparés à ceux des autres fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade concerné (voir arrêts du Tribunal du 16 septembre 1998, Rasmussen/Commission, T-234/97, RecFP p. I-A-507 et II-1533, point 24, et Cubero Vermurie/Commission, précité, point 61 et, en ce sens, point 84).

101.
    En l’espèce, tout d’abord, il convient de constater que la Commission a déclaré avoir procédé effectivement à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports les concernant.

102.
    Or, dans ces conditions, il y a normalement lieu de considérer qu’un tel examen comparatif a véritablement été fait, à défaut d’indices de preuve en sens contraire.

103.
    En effet, d’une part, en ce qui concerne les deux décisions de ne pas promouvoir le requérant pour les exercices 1998 et 1999, elles énoncent que l’AIPN «a procédé à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus» et qu’elle «a tenu compte de l’ensemble des éléments à prendre en considération pour la promotion». Le fait que le même paragraphe mentionne également que l’AIPN «a eu la possibilité de consulter les dossiers individuels de tous les fonctionnaires» doit, en principe, être interprété en ce sens qu’elle a effectivement exercé cette possibilité.

104.
    De la même manière, dans la mesure où, pour évaluer les mérites des fonctionnaires, il est logiquement nécessaire d’examiner leurs rapports de notation, il doit être considéré, à défaut d’autres éléments qui mettraient en doute ce fait, que, quand l’AIPN déclare qu’elle a procédé à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires, cette déclaration signifie qu’elle a également procédé à un examen de leurs rapports de notation.

105.
    En outre, les deux décisions attaquées expliquent que le groupe paritaire restreint et le comité de promotion ont adopté leurs positions à la suite d’un examen comparatif des mérites des fonctionnaires.

106.
    D’autre part, le compte rendu de la réunion du groupe paritaire restreint et du comité de promotion, qui ont examiné la situation du requérant, confirme la déclaration selon laquelle ces deux organes ont adopté leurs décisions sur la base d’un examen comparatif des mérites des fonctionnaires en question. Ainsi, quand le même compte rendu indique que les dossiers personnels des fonctionnaires étaient à la disposition de ces deux organes, en principe, il doit être conclu que les mérites et les rapports de notation des fonctionnaires ont fait l’objet d’un examen comparatif.

107.
    Cependant, il résulte du dossier que, lors des exercices de promotion 1998 et 1999, l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires a été réalisé uniquement en ce qui concerne, respectivement, les autres fonctionnaires des petites unités ou du service du requérant (ci-après l’«examen comparatif restreint»), mais qu’il n’a pas été effectué en ce qui concerne les fonctionnaires promouvables des autres services (ci-après l’«examen comparatif élargi»).

108.
    En effet, en ce qui concerne, premièrement, l’exercice de promotion de 1998, la décision attaquée déclare, notamment, qu’elle fait suite au rejet par le comité de promotion de la contestation du requérant contre la décision qui l’avait placé sixième sur la liste de propositions des petites unités, ce comité ayant maintenu son nom à cette place et ne l’ayant pas ajouté à la liste des fonctionnaires les plus méritants.

109.
    En outre, la Commission a fait valoir que la motivation de la décision de ne pas promouvoir le requérant a été fournie dans la duplique de l’affaire T-180/99, qui concernait également l’exercice de promotion 1998. Elle a, en particulier, soutenu que les éléments de motivation inclus dans ce mémoire remplissaient l’obligation de motivation qui incombait à la Commission. Or, ce mémoire se limite à expliquer les raisons qui ont amené la Commission à placer le requérant en sixième position sur la liste de propositions des petites unités. Il ne se réfère guère à l’examen comparatif des mérites entre le requérant et les fonctionnaires promouvables des autres services.

110.
    De plus, les documents fournis par la Commission à la demande du Tribunal confirment l’idée que le requérant n’a pas été promu dans l’exercice de promotion 1998 en raison du seul fait qu’il avait été placé sixième sur la liste des petites unités et que, donc, l’examen comparatif des mérites du requérant s’était limité aux seuls fonctionnaires promouvables des petites unités.

111.
    En ce qui concerne, deuxièmement, l’exercice de promotion 1999, le Tribunal a demandé à la Commission de lui fournir les documents contenant les éléments faisant ressortir l’examen comparatif des mérites fait par l’AIPN, ou par les instances administratives responsables, qui est mentionné dans la décision attaquée et dans le compte rendu de la réunion du groupe paritaire restreint et du comité de promotion, tels des tableaux comparatifs ou d’autres éléments d’analyse.

112.
    Les documents fournis par la Commission à la suite de cette demande font état du fait que le requérant n’a pas été promu parce que, en premier lieu, le groupe paritaire restreint et le comité de promotion ont considéré que les éléments relatifs à la situation administrative du requérant au terme de l’exercice de promotion 1998 n’étaient pas de nature à modifier l’appréciation portée après l’examen comparatif des mérites fait en son temps par ces deux organes lors de l’examen initial de l’exercice de promotion 1999. Par conséquent, toujours conformément à ces documents, après réexamen, le nom du requérant n’a pas été ajouté à la liste de propositions de la DG «Concurrence» et ne figure donc pas sur la liste des fonctionnaires les plus méritants, ni sur la liste des promus.

113.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne cet examen initial, ces documents indiquent que le requérant n’a pas été promu parce que le niveau de son rapport de notation 1995/1997 était inférieur à la moyenne de ceux de sa direction générale notatrice et qu’il y avait une différence entre les mérites du requérant et ceux des autres fonctionnaires proposés par la DG «Concurrence». En particulier, la Commission a présenté au Tribunal un tableau comparatif des notations du requérant et de celles des fonctionnaires qui ont été proposés à la promotion par cette direction générale. Ce tableau indique que, contrairement au requérant, les autres fonctionnaires proposés à la promotion (sauf un, à l’égard duquel les indications ne sont pas claires) avaient des notations supérieures à la moyenne de leur direction générale notatrice. Pourtant, il n’y a pas de documents quipermettraient de conclure qu’un examen comparatif des mérites du requérant a été fait en ce qui concerne les fonctionnaires promouvables des autres services.

114.
    Il y a lieu de considérer que tous ces indices démontrent, a priori, que, lors des exercices de promotion 1998 et 1999, la Commission a effectué un examen comparatif des mérites restreint aux autres fonctionnaires des petites unités ou du service du requérant, mais n’a pas effectué un examen comparatif des mérites élargi aux fonctionnaires promouvables des autres services.

115.
    À cet égard, il convient de rappeler que, si l’AIPN jouit, en matière de promotion, d’un large pouvoir d’appréciation, l’exercice de ce pouvoir suppose un examen attentif des dossiers qui doivent être l’objet d’un examen comparatif. Toutefois, en présence d’un faisceau d’indices suffisamment concordants venant étayer l’argumentation du requérant relative à l’absence d’un véritable examen comparatif des mérites, c’est à l’institution défenderesse qu’il incombe de rapporter la preuve, par des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, qu’elle a respecté les garanties accordées par l’article 45 du statut aux fonctionnaires ayant vocation à la promotion et procédé à un tel examen comparatif (arrêt du Tribunal du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T-25/90, Rec. p. II-63, point 25).

116.
    Or, la défenderesse, bien qu’invitée par le Tribunal à le faire, n’a pas apporté de preuve qu’un examen comparatif élargi a été effectué.

117.
    À l’audience, la Commission a insisté sur le fait qu’un examen comparatif des mérites élargi a été effectivement réalisé et a fait valoir que, en cas contraire, les représentants du personnel auprès des organes de la procédure de promotion auraient protesté. Toutefois, elle n’a pas été en mesure de fournir un quelconque document ou d’indiquer d’autres indices qui pourraient corroborer sa thèse.

118.
    Il convient de constater que ces affirmations, énoncées de façon purement abstraite, ne sont pas étayées par une quelconque pièce figurant dans le dossier produit devant le Tribunal et sont, en outre, contredites par plusieurs indices, tels que ceux indiqués ci-dessus. Partant, elles ne peuvent être considérées comme suffisantes pour démontrer que l’AIPN a réellement procédé, en l’espèce, à un examen comparatif des mérites du requérant par rapport aux fonctionnaires promouvables des autres services.

119.
    Dans ces conditions, il ne peut être que considéré que l’existence d’un examen comparatif des mérites du requérant et des autres fonctionnaires promouvables des autres services n’a pas été établie.

120.
    Or, d’une part, la Commission était tenue de réaliser un tel examen.

121.
    Il y a lieu de rappeler que l’exigence d’un examen comparatif élargi découle directement de l’article 45 du statut, dans une interprétation confirmée par lajurisprudence indiquée ci-dessus, au point 100. L’exigence établie par cette disposition de faire un «examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet» entraîne qu’un tel examen soit élargi à tous les fonctionnaires promouvables, y compris ceux des autres services. En effet, une telle exigence est l’expression à la fois du principe d’égalité de traitement des fonctionnaires et de celui de leur vocation à la carrière. Or, il serait porté atteinte à ces principes en restreignant cet examen aux seuls fonctionnaires susceptibles d’être promus au sein d’une même direction générale.

122.
    Dans l’hypothèse inverse, il pouvait s’avérer qu’un fonctionnaire ne soit pas promu malgré le fait que ses mérites sont supérieurs à ceux de fonctionnaires d’autres services. Un tel résultat condamnable serait atteint pour autant qu’il y ait dans son service d’autres fonctionnaires plus méritants que lui, qu’il ne soit pas proposé à la promotion par son directeur général et non promu, à ce titre, par l’AIPN et que, en même temps, ses mérites soient supérieurs à ceux d’un autre fonctionnaire d’une autre direction générale, lequel serait proposé à la promotion par son directeur général, et promu à ce titre par l’AIPN, en raison du fait qu’il n’existait pas dans son service d’autres fonctionnaires plus méritants.

123.
    D’autre part, il y a lieu de souligner que, en l’absence de tout élément concernant le contenu de l’examen comparatif des mérites du requérant élargi aux fonctionnaires promouvables des autres services, le Tribunal n’est pas en mesure d’effectuer un contrôle des décisions attaquées.

124.
    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen invoqué par le requérant tiré de la violation de l’article 45 du statut doit être accueilli.

125.
    Par conséquent, les décisions attaquées dans les affaires T-188/01 et T-189/01 doivent être annulées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par le requérant à l’appui de ses recours.

Sur les dépens

126.
    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l’article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

127.
    En l’espèce, la Commission ayant succombé en ce qui concerne les affaires T-188/01 et T-189/01, elle supportera l’ensemble des dépens de ces affaires. Dans l’affaire T-190/01, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Les décisions de la Commission de ne pas promouvoir le requérant lors des exercices de promotion 1998 et 1999 sont annulées.

2)     Le recours dans l’affaire T-190/01 est rejeté comme irrecevable.

3)     Dans les affaires T-188/01 et T-189/01, la Commission est condamnée aux dépens.

4)     Dans l’affaire T-190/01, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Moura Ramos

Legal

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français