Language of document : ECLI:EU:T:2019:433

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

19 juin 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale MASTER SMOKY – Marque nationale figurative antérieure MASTERS COLORS PARIS – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑179/16 RENV,

L’Oréal, établie à Paris (France), représentée par Mes T. de Haan et P. Péters, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Guinot, établie à Paris, représentée par Me A. Sion, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 23 février 2016 (affaire R 2905/2014-5), relative à une procédure d’opposition entre Guinot et L’Oréal,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 février 2013, la requérante, L’Oréal, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque verbale MASTER SMOKY.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits de maquillage pour les yeux ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 52/2013, du 14 mars 2013.

5        Le 24 mai 2013, l’intervenante, Guinot, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque française figurative antérieure reproduite ci-après, déposée et enregistrée en France le 14 décembre 2010 sous le numéro 103790207, avec une description des couleurs (rouge : Pantone 186C, or : Pantone 872C), pour les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Savons, parfums, cosmétiques, maquillages, huiles essentielles, préparations et crèmes non médicamenteuses pour le soin de la peau, du visage et du corps, lotions pour les cheveux » :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Par décision du 23 septembre 2014, la division d’opposition a fait droit à l’opposition dans son intégralité et refusé l’enregistrement de la marque demandée.

9        Le 17 novembre 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 23 février 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

11      En particulier, la chambre de recours a considéré, en substance, au point 11 de la décision attaquée, que le public pertinent était le grand public français faisant preuve d’un degré d’attention moyen à élevé. Elle a relevé que les parties ne contestaient pas la conclusion selon laquelle le territoire pertinent était la France et les produits en cause étaient identiques.

12      La chambre de recours a rappelé, aux points 12 à 14 de la décision attaquée, la jurisprudence de la Cour relative à l’appréciation globale des marques, et notamment à l’impression d’ensemble (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, points 42 et 43). Elle a, aux points 16 à 21 de la décision attaquée, examiné les éléments des signes en conflit, reprenant à cet égard les appréciations de la division d’opposition. Elle a notamment relevé que la marque demandée ne présentait pas d’élément pouvant être manifestement considéré comme plus distinctif ou plus dominant que ses autres éléments et que, en ce qui concerne la marque antérieure, le terme « masters » était l’élément dominant en raison de sa position et de sa taille. S’agissant des éléments figuratifs de la marque antérieure, la chambre de recours a considéré, tout comme la division d’opposition, qu’ils étaient peu distinctifs du fait de leur nature essentiellement décorative et que le public pertinent n’accordera pas autant d’attention à ces éléments qu’à l’élément restant le plus distinctif de la marque antérieure, à savoir le terme « masters ».

13      La chambre de recours a ajouté qu’il était de jurisprudence constante que « la détermination de l’élément dominant se fait autour de l’élément qui, dans une marque complexe, est visuellement plus dominant et dont les autres éléments sont négligeables ».

14      En outre, la chambre de recours a rappelé, au point 22 de la décision attaquée, que « les chambres de recours ont pour habitude de restreindre la notion d’élément dominant à l’impact visuel produit par les éléments d’un signe, c’est-à-dire de l’utiliser exclusivement pour signifier que ces éléments sont “visuellement remarquables” et de laisser toute autre considération pour l’appréciation globale ». En conséquence, pour la chambre de recours, le caractère dominant d’un composant ou d’un signe est principalement déterminé par sa position, sa taille, sa dimension ou l’utilisation des couleurs, dans la mesure où ces aspects ont une incidence sur l’impact visuel qu’il produit.

15      Compte tenu de ces éléments, la chambre de recours a estimé, au point 23 de la décision attaquée, que l’élément verbal « masters » était l’élément dominant de la marque antérieure. En effet, les autres éléments verbaux et la couleur de cette marque produiraient une impression négligeable, secondaire par rapport à l’élément verbal « masters ». Quant à la marque demandée, il n’existerait aucun élément dominant, puisque les deux éléments verbaux sont de taille identique et que, dès lors, l’élément « smoky », dont le caractère distinctif doit être considéré comme faible, n’a pas de position secondaire par rapport à l’élément « master ».

16      La chambre de recours a ensuite procédé à la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

17      Par ailleurs, la chambre de recours a considéré, au point 43 de la décision attaquée, que la marque antérieure, appréciée dans son ensemble, n’avait de signification en rapport avec aucun des produits en cause, du point de vue du public pertinent. Dès lors, elle a, en substance, estimé que le caractère distinctif de la marque antérieure devait être considéré comme moyen, malgré la présence de certains éléments non distinctifs ou faiblement distinctifs dans la marque.

18      S’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a rappelé, au point 44 de la décision attaquée, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal relative à la prise en considération de l’interdépendance entre les facteurs pertinents [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74]. Au point 45 de la décision attaquée, elle a soutenu que le terme « masters » de la marque antérieure était l’élément dominant au sein de cette marque et que les autres éléments tant verbaux que figuratifs ainsi que la couleur rouge étaient présents comme éléments de fond du signe et étaient négligeables dans l’impression d’ensemble qu’il produisait pour le public pertinent.

19      Au point 46 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit coïncidaient dans les lettres « m », « a », « s », « t », « e » et « r » qui constituaient le début des signes. Elle a rappelé que les consommateurs avaient généralement tendance à se concentrer sur le premier élément lorsqu’ils étaient confrontés à une marque. Au point 47 de cette décision, elle a considéré que les différences entre les éléments verbaux et figuratifs des signes en conflit n’étaient pas susceptibles de contrecarrer l’importante similitude des signes. Au point 48 de ladite décision, elle a ajouté que, « de plus, les éléments “master” et “masters” constituent, contrairement aux éléments “colors” ou “paris”, des éléments distinctifs et indépendants des signes ». Sur le plan conceptuel, elle a estimé que, pour une partie du public, ils renvoyaient à la même notion d’« expertise, de maîtrise ». Au point 49 de la même décision, la chambre de recours a noté que l’élément « smoky » de la marque demandée présentait un faible caractère distinctif par rapport aux produits désignés par les signes en conflit et qu’il devait être considéré comme non distinctif.

20      En réponse à l’argument de la requérante tiré du caractère distinctif prétendument faible de la marque antérieure en raison du nombre élevé des marques composées du mot « master » existant dans les registres nationaux et de l’Union européenne, la chambre de recours a, au point 51 de la décision attaquée, confirmé la décision de la division d’opposition selon laquelle les marques enregistrées ne permettaient pas de démontrer que les consommateurs avaient été exposés à un usage très répandu de marques comprenant l’élément « master » et qu’ils s’étaient accoutumés à de telles marques. Au point 52 de cette décision, la chambre de recours a, par ailleurs, confirmé que le caractère distinctif de la marque antérieure devait être considéré comme moyen.

21      Au point 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que les produits désignés par les signes en conflit étaient identiques, que ce type de produits était surtout acheté après un examen visuel et que les éléments visuels revêtaient une importance non négligeable dans la comparaison des signes. Les produits de maquillage seraient pris sur les étalages de grands magasins ou des chaînes spécialisées directement par les consommateurs. Dès lors, la similitude visuelle des signes jouerait, ainsi que le Tribunal l’aurait confirmé à plusieurs reprises dans sa jurisprudence, un rôle fondamental.

22      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la chambre de recours a estimé, au point 54 de la décision attaquée, que le public pertinent pourrait être amené à penser que les produits désignés par la marque demandée provenaient de la même entreprise que ceux désignés par la marque antérieure ou d’entreprises économiquement liées. Ainsi, la marque demandée pourrait être perçue comme une variante de la marque antérieure, servant à distinguer une nouvelle gamme de produits. Compte tenu des principes « du souvenir imparfait » et de l’interdépendance des facteurs, la chambre de recours a conclu, au point 55 de la décision attaquée, que la similitude importante des signes en conflit était de nature à susciter un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent pour des produits tels que ceux de l’espèce.

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 avril 2016, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée pour violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 75 dudit règlement (devenu article 94 du règlement 2017/1001). Elle a fait valoir, en substance, que la chambre de recours avait conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

24      Par ordonnance du 26 juin 2017, L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER SMOKY) (T‑179/16, non publiée, ci-après l’« ordonnance initiale », EU:T:2017:445), le Tribunal a rejeté le recours et condamné la requérante aux dépens. En substance, le Tribunal a considéré que le terme « masters » constituait l’élément dominant de la marque antérieure et que l’élément commun « master », situé au début des signes en conflit, constituait leur élément le plus distinctif. Le public pertinent étant susceptible de se concentrer davantage sur le premier élément des signes en conflit, le Tribunal a conclu que les différences entre les signes ne compensaient pas leur importante similitude sur le plan visuel résultant de la présence dudit élément.

25      Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 août 2017, la requérante a formé un pourvoi contre l’ordonnance initiale et demandé à la Cour d’annuler ladite ordonnance. À l’appui du pourvoi, elle a soulevé deux moyens, tirés, le premier, d’une dénaturation des faits et de son argumentation par le Tribunal et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

26      Par arrêt du 30 mai 2018, L’Oréal/EUIPO (C‑519/17 P et C‑522/17 P à C‑525/17 P, non publié, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2018:348), la Cour a annulé l’ordonnance initiale.

27      En substance, la Cour a constaté que la motivation de l’ordonnance initiale était équivoque et incomplète et n’avait permis ni à la requérante de connaître les justifications de la décision prise à son égard ni à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel.

28      Plus particulièrement, la Cour a constaté, au point 70 de l’arrêt sur pourvoi, que la requête déposée devant le Tribunal contenait une liste d’utilisations du terme « master » pour des produits et des services relatifs au maquillage, présentées à titre de preuve du caractère banal, laudatif et non distinctif de ce terme. Au point 73 de cet arrêt, elle a indiqué que la motivation de l’ordonnance initiale était d’autant plus nécessaire qu’il existait une jurisprudence selon laquelle, lorsque les éléments de similitude entre deux signes tenaient au fait qu’ils partageaient un composant présentant un caractère distinctif faible, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion était lui-même faible [voir arrêt du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée].

29      Sur la base de cette appréciation, la Cour a annulé l’ordonnance initiale, en considérant qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la seconde branche du second moyen présenté dans le cadre du pourvoi, laquelle visait à établir que le point 36 de l’ordonnance initiale était entaché d’une contradiction.

30      À la suite de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a décidé de ne pas déroger à la pratique en vigueur consistant à attribuer, dans la mesure du possible, les affaires sur renvoi après annulation au juge rapporteur ayant initialement instruit l’affaire. L’affaire a été attribuée à la première chambre du Tribunal.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

31      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 6 et 27 juillet 2018, l’EUIPO, la requérante et l’intervenante ont fait valoir leurs observations sur la suite de la procédure, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

32      Dans ses observations, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés au cours de la procédure qui s’est déroulée devant la chambre de recours et ceux afférents à la procédure devant le Tribunal (T‑179/16 et T‑179/16 RENV) et la Cour (C‑522/17 P).

33      Dans leurs observations, l’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

34      À l’appui du recours, la requérante avance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 75 dudit règlement. Elle fait valoir, en substance, que la chambre de recours a conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion dans la décision attaquée.

35      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

36      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

37      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 44 et jurisprudence citée].

38      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 septembre 2016, SUN CALI, T‑512/15, EU:T:2016:527, point 45].

39      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a estimé à juste titre qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le public pertinent et son niveau d’attention

40      Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, en l’espèce, la marque antérieure a fait l’objet d’un enregistrement en France. Par ailleurs, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que le public pertinent était le grand public français faisant preuve d’un niveau d’attention moyen à élevé. La requérante n’a pas contesté cette analyse.

 Sur la comparaison des produits

41      La chambre de recours a relevé à juste titre, au point 9 de la décision attaquée, que la conclusion de la division d’opposition selon laquelle les produits en cause étaient identiques n’avait pas été remise en cause par les parties.

 Sur la comparaison des signes

42      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30, et du 10 décembre 2008, MIP Metro/OHMI – Metronia (METRONIA), T‑290/07, non publié, EU:T:2008:562, point 41].

43      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

 Sur les éléments distinctifs et dominants

44      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation de la similitude entre deux signes ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’un signe complexe et à le comparer avec un autre signe. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les signes en cause, considérés chacun dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée).

45      Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (voir arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43 et jurisprudence citée).

46      En l’occurrence, la requérante ne conteste pas l’analyse de la chambre de recours quant à l’absence d’élément dominant au sein de la marque demandée. Néanmoins, elle soutient que les éléments « masters » et « master » des signes en conflit sont peu distinctifs concernant les produits en cause et qu’ils seront perçus par le public pertinent comme des termes ordinaires et laudatifs. Elle ajoute que le terme « masters » ne saurait être considéré comme participant à l’impression d’ensemble de la marque antérieure à tel point que les autres éléments verbaux et la couleur de ce signe seraient négligeables. Selon elle, la chambre de recours a omis de prendre en compte tous les éléments de la marque antérieure, laquelle est dominée par ses éléments figuratifs, à savoir un grand carré rouge bordé d’or.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

48      S’agissant de la marque antérieure, il convient de relever qu’il ressort clairement du point 23 de la décision attaquée que la chambre de recours a utilisé le terme « négligeable » au sens de « secondaire ». Comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, la chambre de recours s’est livrée à une appréciation de tous les éléments qui composaient les signes en conflit, qu’elle a analysés dans leur ensemble. Par conséquent, elle n’a pas considéré que les autres éléments de la marque antérieure n’étaient pas susceptibles de retenir l’attention du public à ce point que la comparaison des signes ne puisse se faire que sur la base du seul élément dominant « masters ».

49      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du 23 octobre 2002, MATRATZEN, T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35, et du 8 février 2007, Quelle/OHMI – Nars Cosmetics (NARS), T‑88/ 05, non publié, EU:T:2007:45, point 57].

50      En l’espèce, il n’est pas contesté qu’une partie du public pertinent comprend l’anglais ou l’étymologie des termes « master » et « masters » figurant dans les signes en conflit et que, pour cette partie du public pertinent, ces termes font référence, pour les produits en cause, à la signification anglaise ou étymologique de ces termes qui renvoie, au singulier ou au pluriel, à la notion de maîtrise ou d’expertise. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 17 de la décision attaquée, que, pour la partie du public pertinent qui reconnaîtrait les éléments « master » ou « masters » des signes en conflit comme une référence aux termes « maître » ou « expert », au singulier ou au pluriel, lesdits éléments seraient susceptibles d’être perçus comme étant laudatifs et dotés d’un faible caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2015, Primagaz/OHMI – Reeh (PRIMA KLIMA), T‑195/14, non publié, EU:T:2015:681, point 42 et jurisprudence citée].

51      En revanche, pour la partie non-négligeable du public pertinent qui ne connaît ni l’anglais ni l’étymologie, les éléments « master » et « masters » des signes en conflit ne seront pas perçus comme des termes laudatifs ou descriptifs par rapport aux produits en cause et leur caractère distinctif sera moyen.

52      En effet, comme l’a relevé à bon droit la chambre de recours, au point 33 de la décision attaquée, en se référant au dictionnaire français en ligne Larousse, le terme « master », au singulier, désigne aujourd’hui, en français, un grade universitaire entre la licence et le doctorat, sanctionnant cinq années d’études après le baccalauréat, et le terme « masters », au pluriel, une grande compétition regroupant les meilleurs spécialistes d’une discipline, sportive ou autre, ou un grand tournoi de golf ou de tennis. En outre, l’anglicisme « master class » a été intégré dans la langue française pour désigner un cours magistral donné par un artiste ou un individu de renom. Les éléments « master » et « masters » des signes en conflit ne seront donc pas perçus, par la partie non-négligeable du public pertinent qui ne connaît que le langage français courant, comme des termes laudatifs ou descriptifs par rapport aux produits en cause.

53      Par ailleurs, la liste d’utilisations du terme « master » pour des produits et des services relatifs au maquillage, présentée par la requérante, ne suffit pas à établir que l’ensemble du public pertinent est en mesure, indépendamment de sa connaissance générale de l’anglais ou de l’étymologie, de comprendre les termes « master » et « masters » comme signifiant, au singulier ou au pluriel, un « maître » ou un « expert ». En effet, des exemples particuliers de l’emploi d’un terme sur des sites Internet ne suffisent pas à établir la fréquence de son usage et, par conséquent, ne permettent pas de présumer que ce terme et son sens étymologique ou sa signification dans une langue étrangère sont connus par le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Fidelio/OHMI (Hallux), T‑286/08, EU:T:2010:528, point 47].

54      Ainsi, la chambre de recours a à juste titre considéré, en l’espèce, que la partie non-négligeable du public pertinent qui ne comprenait ni l’anglais ni l’étymologie, ne percevrait pas les éléments « master » et « masters » des signes en conflit comme étant laudatifs par rapport aux produits en cause ou descriptifs de ceux-ci. Il s’ensuit que, par rapport à cette partie du public pertinent, lesdits éléments doivent être considérés comme ayant un caractère distinctif moyen.

55      En outre, il convient de relever que, malgré son faible caractère distinctif, un élément d’une marque est susceptible d’attirer l’attention du public pertinent en raison de sa longueur et de sa position au début de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, McNeil/OHMI – Alkalon (NICORONO), T‑580/11, non publié, EU:T:2013:301, point 63]. Le faible caractère distinctif d’un élément d’une marque n’implique pas nécessairement que ce dernier ne sera pas pris en considération par le public pertinent. Ainsi, il ne saurait être exclu que, en raison notamment de sa position dans le signe ou de sa dimension, un tel élément occupe une position autonome dans l’impression globale produite par la marque concernée dans la perception du public pertinent [arrêt du 10 juillet 2012, Clorox/OHMI – Industrias Alen (CLORALEX), T‑135/11, non publié, EU:T:2012:356, point 35].

56      En l’espèce, le terme « masters » de la marque antérieure est positionné dans la partie supérieure de cette marque et, comme indiqué par la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, « au début [des éléments verbaux] du signe ». En outre, il possède une taille plus importante que les autres éléments verbaux de cette marque.

57      À cet égard, la chambre de recours a considéré, sans que la requérante le conteste, que le terme « colors » sera compris par le public pertinent comme une référence à « couleurs » et donc à une caractéristique des produits en cause, et que le terme « paris » sera compris comme une référence à la capitale de la France et, par conséquent, comme une indication possible de l’origine géographique des produits en cause.

58      Selon la jurisprudence, le public ne considérera pas, en règle générale, un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément dominant de celle-ci [voir arrêts du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 49 et jurisprudence citée, et du 16 janvier 2014, Investrónica/OHMI – Olympus Imaging (MICRO), T‑149/12, non publié, EU:T:2014:11, point 50 et jurisprudence citée].

59      Il en découle que, parmi les éléments verbaux de la marque antérieure, l’élément « masters » sera considéré par le public pertinent comme l’élément qui participe le plus à l’impression d’ensemble produite par cette marque, compte tenu, en particulier, de sa taille, de sa position au sein du signe et de son caractère distinctif. À cela s’ajoute le fait que, quand bien même le terme « masters » ne possèderait qu’un faible caractère distinctif du point de vue d’une partie du public pertinent, les autres éléments verbaux de la marque antérieure, à savoir les éléments « colors » et « paris », sont dépourvus de tout caractère distinctif dès lors qu’ils décrivent une caractéristique des produits en cause ou constituent une indication possible de leur origine géographique. Le caractère distinctif de ces éléments est donc inférieur à celui de l’élément « masters ».

60      Par ailleurs, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque est, en principe, plus distinctif que l’élément figuratif, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif [voir arrêt du 14 juillet 2017, Massive Bionics/EUIPO – Apple (DriCloud), T‑223/16, non publié, EU:T:2017:500, point 62 et jurisprudence citée].

61      En l’espèce, il y a lieu de constater que la chambre de recours a estimé sans commettre d’erreur que les éléments figuratifs de la marque antérieure étaient essentiellement décoratifs et ne jouaient qu’un rôle secondaire par rapport à ses éléments verbaux. En effet, compte tenu du nombre limité de couleurs utilisées, à savoir le rouge et l’or, du caractère banal de l’agencement des formes autour des éléments verbaux de la marque antérieur et de l’absence de caractère distinctif particulier de celles-ci, les éléments figuratifs de la marque antérieure ne sont pas susceptibles de s’imposer davantage à la perception du consommateur que les éléments verbaux de cette marque et, en particulier, que l’élément « masters » qui est son élément le plus distinctif et participe le plus à l’impression d’ensemble produite par cette marque [voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2013, Premiere Polish/OHMI – Donau Kanol (ECOFORCE), T‑361/12, non publié, EU:T:2013:630, point 35].

62      S’agissant de la marque demandée, il y a lieu de constater que le terme « smoky » est descriptif, ou à tout le moins particulièrement peu distinctif, pour les produits en cause. Comme le souligne à juste titre la chambre de recours dans le point 25 de la décision attaquée, bien qu’il s’agisse d’un mot tiré de la langue anglaise, le terme « smoky » est fréquemment utilisé dans le vocabulaire courant français pour définir un type de maquillage des yeux. En effet, l’expression « smoky eyes » est largement répandue pour évoquer un maquillage sombre. Dès lors, le terme « smoky » est dépourvu de caractère distinctif au regard des produits en cause. Le caractère distinctif de cet élément de la marque demandée est donc inférieur à celui de l’élément « master » de cette marque qui n’a pas de signification spécifique pour une partie non négligeable, voire substantielle, du public pertinent, lorsqu’il est utilisé en rapport avec des « produits de maquillage pour les yeux ».

63      Partant, la chambre de recours a considéré à bon droit que le terme « masters » était l’élément le plus distinctif de la marque antérieure et participait le plus à l’impression d’ensemble produite par cette marque et que le terme « master » était l’élément le plus distinctif de la marque demandée.

 Sur la comparaison visuelle

64      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, sans que la requérante le conteste, que les signes en conflit coïncidaient par la présence des lettres « m », « a », « s », « t », « e » et « r » et qu’ils différaient par la présence de la lettre finale « s » au sein du terme « masters » de la marque antérieure, ainsi que par les éléments verbaux « colors » et « paris » et les éléments figuratifs de la marque antérieure, d’une part, et par l’élément « smoky » de la marque demandée, d’autre part.

65      Dans ses écritures, la requérante se contente de faire référence à ses arguments relatifs à une appréciation erronée des éléments distinctifs et dominants des signes en conflit aux fins de faire valoir que la chambre de recours aurait dû conclure que les signes étaient visuellement différents.

66      Compte tenu du raisonnement suivi aux points 44 à 63 ci-dessus, concluant au rejet des arguments de la requérante relatifs à une appréciation erronée des éléments distinctifs et dominants des signes en conflit, et dans la mesure où le premier élément de la marque antérieure est presque intégralement inclus dans la marque demandée qui est uniquement constituée de la combinaison de deux éléments, la chambre de recours a estimé à bon droit, aux points 27 à 29 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient similaires sur le plan visuel.

 Sur la comparaison phonétique

67      En ce qui concerne la similitude phonétique, il convient de relever que la chambre de recours s’est, en substance, fondée sur les mêmes considérations que celles figurant au point 64 ci-dessus. Elle a indiqué, aux points 30 et 31 de la décision attaquée, que les signes différaient partiellement par la lettre finale « s » du terme « masters » de la marque antérieure, par ses éléments « colors » et « paris » et par le terme « smoky » de la marque demandée. Cette appréciation n’a, au demeurant, pas été contestée par la requérante.

 Sur la comparaison conceptuelle

68      La chambre de recours a considéré, au point 37 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient similaires sur le plan conceptuel, à tout le moins pour la partie du public pertinent qui attribuera la même signification aux éléments « masters » de la marque antérieure et « master » de la marque demandée. En revanche, elle a estimé que, pour la partie du public pertinent qui n’attribuera pas une même signification auxdits éléments, les signes en conflit ne présentaient pas de similitude sur le plan conceptuel.

69      D’une part, la requérante soutient que, dans le cadre de son appréciation de la similitude des signes en conflit sur le plan conceptuel, la chambre de recours n’a pas examiné la similitude des marques prises chacune dans son ensemble, mais a tiré des conclusions sur la base d’une comparaison des seuls éléments « masters » de la marque antérieure et « master » de la marque demandée. D’autre part, elle fait valoir que les concepts auxquels les signes en conflit renvoient sont manifestement très différents, notamment en ce qu’aucune signification particulière ne saurait être attribuée à l’un ou l’autre des signes.

70      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

71      À cet égard, il convient tout d’abord de relever qu’il ressort des points 32 à 38 de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à une comparaison des signes fondée sur leur impression d’ensemble en tenant compte de tous leurs éléments.

72      Ensuite, il convient de constater que, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours dans la décision attaquée, les éléments « master » et « masters » des signes en conflit seront perçus, par une partie du public pertinent, comme des termes possédant une même signification.

73      En outre, ainsi qu’il ressort des points 57 et 62 ci-dessus, les éléments « colors », « paris » et « smoky » sont descriptifs des produits en cause, de sorte que, bien qu’ils renvoient à des concepts différents, ils ne retiendront pas davantage l’attention du public pertinent que l’élément commun « master » ou « masters » des signes en conflit.

74      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, l’élément commun « master », situé au début des signes en conflit et constituant l’un des deux termes de la marque demandée, jouera un rôle important dans la perception qu’aura le public pertinent des signes en conflit sur le plan conceptuel.

75      Pour la partie du public pertinent qui attribuera une même signification aux éléments « masters » et « master », les autres éléments verbaux des signes en conflit, qui seront compris comme étant purement descriptifs soit de certaines caractéristiques des produits, soit de leur lieu d’origine, ne seront pas aptes à contrebalancer la similitude conceptuelle entre les signes en conflit qui résulte de l’élément commun « master ».

76      Partant, il y a lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit sont similaires sur le plan conceptuel, à tout le moins pour la partie du public pertinent qui attribuera la même signification aux termes « masters » et « master ». Pour la partie non-négligeable du public pertinent qui n’attribuera aucune signification aux éléments « master » et « masters » ou leur attribuera une signification différente, il convient de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

77      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

78      En l’espèce, après avoir notamment relevé que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure devait être considéré comme moyen, la chambre de recours a conclu, au point 55 de la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Elle a fondé cette conclusion sur la similitude des signes en conflits sur les plans visuel, phonétique et conceptuel et sur l’identité des produits en cause.

79      La requérante soutient que la seule présence de l’élément commun « master » ne permet pas de conclure à l’existence d’un risque de confusion. Selon elle, dès lors que ledit élément est dépourvu de caractère distinctif, les différences visuelles et conceptuelles entre les signes sont de nature à contrecarrer leurs éléments de similitude, de sorte qu’il n’y aurait aucun risque de confusion aux yeux du public pertinent.

80      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

81      Il convient d’indiquer que, selon la jurisprudence, dans l’appréciation globale du risque de confusion, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids. L’importance des éléments de similitude ou de différence des signes peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que les marques en conflit désignent. Ainsi, si les produits désignés par les marques en conflit sont normalement vendus dans des magasins en libre-service où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance [voir arrêt du 8 mars 2017, Rafhaelo Gutti/EUIPO – Transformados del Sur (CAMISERIA LA ESPAÑOLA), T‑504/15, non publié, EU:T:2017:150, point 59 et jurisprudence citée].

82      Par ailleurs, l’importance de certaines différences visuelles peut être amoindrie par le fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques en conflit et doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire [voir arrêts du 4 juin 2013, i-content/OHMI – Decathlon (BETWIN), T‑514/11, EU:T:2013:291, point 74 (non publié) et jurisprudence citée, et du 8 mars 2017, CAMISERIA LA ESPAÑOLA, T‑504/15, non publié, EU:T:2017:150, point 65 et jurisprudence citée].

83      Or, en l’espèce, il résulte de l’analyse ci-dessus, d’une part, que les produits en cause sont identiques et, d’autre part, ainsi qu’il ressort des points 42 à 76 ci-dessus, que les signes en conflit, pris dans leur ensemble, sont similaires sur les plans visuel et phonétique ainsi que, pour une partie non négligeable du public pertinent, sur le plan conceptuel.

84      Ainsi que la Cour l’a rappelé, au point 73 de l’arrêt sur pourvoi, il existe une jurisprudence du Tribunal, selon laquelle, lorsque les éléments de similitude entre deux signes tiennent au fait qu’ils partagent un composant présentant un caractère distinctif faible, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible [voir arrêt du 22 février 2018, TRIPLE TURBO, T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée ; arrêt du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 79]. Cependant, cette jurisprudence n’a, jusqu’à présent, pas été appliquée dans les situations où l’élément commun était laudatif par rapport aux produits en cause. Cette jurisprudence ne saurait donc valoir dans tous les cas et doit être lue à la lumière des circonstances qui prévalaient dans cette affaire, dans laquelle les signes en conflit différaient sur leurs éléments les plus distinctifs.

85      En l’espèce, à supposer même qu’une partie non négligeable du public pertinent associe les éléments « master » ou « masters » des signes en conflit à la notion de « maîtrise » ou d’« expertise », et leur attribue une connotation laudative, il convient de relever que les signes en conflit diffèrent sur des éléments qui ne sont pas plus distinctifs ou dominants que celui sur lequel ils convergent. Il ne saurait donc, en l’espèce, être fait application du raisonnement qui sous-tend l’arrêt du 22 février 2018, TRIPLE TURBO (T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73), lequel vise à empêcher la monopolisation d’éléments descriptifs.

86      Par ailleurs, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure possède un caractère distinctif moyen.

87      À cet égard, il convient de préciser que la reconnaissance du caractère faiblement distinctif d’une marque antérieure n’empêche pas, en soi, de constater l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, points 42 à 45). En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant dans cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêts du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, EU:T:2005:102, point 61 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

88      Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, et dans la mesure où le public pertinent fera preuve d’un degré d’attention moyen à élevé à l’égard des produits en cause, il y a lieu de conclure que la similitude des signes sur les plans visuel et phonétique, et pour une partie non-négligeable du public pertinent, sur le plan conceptuel, liée à la présence de l’élément commun « master », ne sera pas compensée par les différences constatées entre les signes en conflit en raison de leurs autres éléments.

89      Partant, la chambre de recours a conclu à juste titre qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, et ce même pour la partie dudit public à l’égard de laquelle la marque antérieure ne serait susceptible de posséder qu’un faible caractère distinctif. En tout état de cause, selon la jurisprudence, le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement de marque [voir arrêt du 20 novembre 2017, Stada Arzneimittel/EUIPO – Urgo recherche innovation et développement (Immunostad), T‑403/16, non publié, EU:T:2017:824, point 50 et jurisprudence citée].

90      Les arrêts dont la requérante se prévaut dans ses écritures ne sauraient remettre en cause cette conclusion dès lors qu’ils concernent des marques différentes des signes en conflit. En effet, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. L’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77).

91      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

92      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

93      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Oréal est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

      S. Gervasoni


*      Langue de procédure : le français.