Language of document : ECLI:EU:T:2022:23

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

26 janvier 2022 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin représentant un purificateur d’eau – Motif de nullité – Non-respect des conditions de protection – Article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci – Article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 – Déclaration de nullité »

Dans l’affaire T‑325/20,

Unger Marketing International, LLC, établie à Bridgeport, Connecticut (États-Unis), représentée par Me C. Schulte, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. S. Hanne, D. Hanf et J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Orben Wasseraufbereitung GmbH & Co. KG,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 26 février 2020 (affaire R 740/2018‑3), relative à une procédure de nullité entre Orben Wasseraufbereitung et Unger Marketing International,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 10 septembre 2020,

vu l’ordonnance du 18 mars 2021 rejetant la demande d’intervention introduite par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours en application de l’article 173, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,

à la suite de l’audience du 20 octobre 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Unger Marketing International, LLC, est titulaire du dessin ou modèle communautaire déposé le 10 octobre 2014 pour des « Purificateurs d’eau » auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et enregistré le même jour sous le numéro 25554250002, en vertu du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle contesté est représenté dans les vues suivantes :

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3        Les produits pour lesquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué relèvent de la classe 23.01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Purificateurs d’eau ».

4        Le 28 septembre 2016, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO a introduit, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, une demande en nullité relative au dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 6/2002. Elle soutenait, notamment, que l’ensemble des caractéristiques du dessin ou modèle contesté étaient imposées uniquement par leur fonction technique et concluait que, eu égard à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ledit dessin ne pouvait bénéficier d’aucune protection.

5        Par décision du 16 avril 2018, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, et de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

6        Le 18 avril 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, tendant à l’annulation de la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 26 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a confirmé la décision de la division d’annulation et a rejeté le recours. En substance, la chambre de recours a considéré que le dessin ou modèle contesté conférait des droits sur des caractéristiques exclusivement imposées par la fonction technique du produit auquel il était destiné à s’appliquer, à savoir des purificateurs d’eau, de sorte que ledit dessin ou modèle devait être déclaré nul en vertu de l’application conjointe de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

II.    Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner aux dépens l’EUIPO ainsi que l’autre partie à la procédure, si cette partie est autorisée à intervenir.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

10      La requérante soulève deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, le second, de la violation de l’article 65, paragraphe 1, sous f), du même règlement.

11      L’EUIPO fait valoir, à titre liminaire, que les documents joints à la requête dans les annexes A.8, A.14 à A.18 ont été produits par la requérante pour la première fois devant le Tribunal. Il considère qu’ils sont susceptibles de modifier l’objet du litige devant la chambre de recours et sont, par conséquence, irrecevables, en vertu de l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal. Sur le fond, l’EUIPO conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

A.      Sur la recevabilité des pièces produites pour la première fois devant le Tribunal 

12      Il ressort de la jurisprudence que, eu égard aux termes de l’article 61 du règlement no 6/2002, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens introduits devant lui ou de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’examen de ces nouveaux moyens et l’admission de ces preuves seraient contraires à l’article 188 du règlement de procédure, selon lequel les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Viejo Valle/OHMI – Établissements Coquet (Tasse et sous-tasse avec des stries et assiette creuse avec des stries), T‑566/11 et T‑567/11, EU:T:2013:549, point 63].

13      Interrogée lors de l’audience sur la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO, la requérante a confirmé que les annexes A.8, A.14 à A.18 avaient été produites pour la première fois devant le Tribunal.

14      Il convient donc d’écarter les pièces produites pour la première fois devant le Tribunal, telles qu’identifiées au point 11 ci-dessus, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 24].

B.      Sur le bien-fondé du recours

15      Si la requérante soulève, formellement, au titre de son premier moyen, la violation du seul article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, il convient de comprendre, compte tenu de l’argumentation de la requête, présentée dans le cadre d’un litige relatif à une procédure de nullité, que celle-ci entend soulever le moyen tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, du même règlement

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avecl’article 8, paragraphe 1, du même règlement

16      À l’appui de son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours, dans son application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, a entaché la décision attaquée d’erreurs de droit et d’appréciation pour ne pas avoir suivi la méthode, ni appliqué correctement les critères définis par la Cour dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172).

17      Elle articule son moyen en quatre branches.

18      La chambre de recours aurait, tout d’abord, commis une erreur de droit pour avoir considéré, à tort, en méconnaissance du considérant 10 du règlement n° 6/2002, que les caractéristiques de l’apparence du produit auquel était destiné le dessin ou modèle contesté devaient, pour être protégées, être le résultat de considérations esthétiques, alors qu’il suffirait, selon la jurisprudence issue de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), que l’aspect visuel ait joué un certain rôle lors du choix de ces dernières.

19      Ensuite, la chambre de recours aurait, en substance, commis une erreur de droit dans la mesure où elle aurait considéré que la circonstance que l’ensemble des caractéristiques du dessin ou modèle contesté auraient été mentionnées dans la description détaillée de la demande de brevet international nº PCT/US2015/025386 déposée par la requérante (ci-après la « demande de brevet »), aurait suffi pour exclure le dessin ou modèle contesté de la protection en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002.

20      La chambre de recours aurait ainsi procédé de manière automatique, alors qu’elle aurait dû tenir compte des circonstances de l’espèce et de l’ensemble des éléments de preuve pertinents. À cet égard, l’examen de la chambre de recours aurait dû porter, en particulier, sur les explications avancées dans le cadre de la demande de brevet, mais également sur l’existence de dessins alternatifs ou sur l’intention du créateur.

21      En outre, dans le cadre de son examen, la chambre de recours aurait commis une erreur de droit pour avoir, erronément, fait peser la charge de la preuve sur la requérante.

22      Enfin, la chambre de recours aurait commis des erreurs dans l’appréciation des faits de l’espèce.

23      D’une part, la chambre de recours aurait, à tort, considéré que les cinq caractéristiques de l’apparence du produit en cause qu’elle a retenues, à savoir celles d’un sac rempli, de forme plus ou moins circulaire, dans les vues du dessus et du dessous, et elliptique avec un fond plat dans les vues latérales, fermé par des lacets, lesquels créent de nombreux plis, auraient été imposées exclusivement par la fonction technique dudit produit.

24      D’autre part, la chambre de recours aurait omis de tenir compte d’une sixième caractéristique dans son appréciation de l’apparence du produit en cause, à savoir celle de la couture séparant la partie inférieure du sac de la partie supérieure de celui‑ci.

25      Les arguments de la requérante ayant été brièvement rappelés, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 de ce règlement.

26      L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

27      Au regard de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, le considérant 10 dudit règlement précise ce qui suit :

« L’innovation technologique ne devrait pas être entravée par l’octroi de la protection des dessins ou modèles à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique. De même, l’interopérabilité de produits de fabrications différentes ne devrait pas être entravée par l’extension de la protection aux dessins ou modèles des raccords mécaniques. Par conséquent, les caractéristiques d’un dessin ou modèle qui sont exclues de la protection pour ces motifs ne devraient pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques de ce dessin ou modèle remplissent les conditions d’obtention de la protection. »

28      La Cour, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 31), a, notamment, conclu que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 excluait la protection, au titre du droit des dessins ou modèles communautaires, des caractéristiques de l’apparence d’un produit lorsque des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce même s’il existe d’autres dessins ou modèles permettant d’assurer cette même fonction.

29      La Cour a précisé que, pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit étaient exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y avait lieu d’établir que cette fonction était le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’étant pas déterminante à cet égard (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32).

30      Selon la Cour, l’appréciation de la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence d’un produit relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être effectuée au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce. Cette appréciation doit, notamment, être effectuée au regard du dessin ou modèle en cause, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37).

31      En outre, il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, du considérant 10 dudit règlement et de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), que l’appréciation d’un dessin ou modèle au regard de la disposition susvisée comporte les étapes suivantes : en premier lieu, il convient de déterminer la fonction technique du produit concerné, en deuxième lieu, d’analyser les caractéristiques de l’apparence dudit produit au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et, en troisième lieu, d’examiner, au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes, si ces caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné, en d’autres termes, si la nécessité de remplir cette fonction technique est le seul facteur ayant déterminé le choix par le créateur de ces caractéristiques, des considérations d’une autre nature, en particulier celles liées à l’aspect visuel dudit produit, n’ayant joué aucun rôle lors du choix de ces caractéristiques [arrêt du 24 mars 2021, Lego/EUIPO – Delta Sport Handelskontor (Élément de construction d’une boîte de jeu de construction), T‑515/19, non publié, EU:T:2021:155, point 98].

32      Enfin, afin de déterminer si les caractéristiques concernées de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il incombe au juge de tenir compte de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce et il n’y a pas lieu, à cet égard, de se fonder sur la perception d’un « observateur objectif » (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 38).

33      C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’apprécier les arguments invoqués par la requérante.

a)      Sur les trois premières branches du premier moyen, relatives à des erreurs de droit dans l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002

34      Le Tribunal estime nécessaire d’examiner, en premier lieu, la troisième branche du premier moyen, relative à la charge de la preuve, rappelée au point 21 ci-dessus.

1)      Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la charge de la preuve 

35      Conformément à l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, dans une action en nullité, l’examen de la chambre de recours est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

36      En vertu de la jurisprudence rappelée au point 30 ci-dessus, l’appréciation par la chambre de recours de la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence d’un produit relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être effectuée au regard des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsque le demandeur en nullité invoque le motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, il lui incombe de fournir les éléments de nature à démontrer que le dessin ou modèle contesté ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 de ce règlement (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 60).

38      Dans ces conditions, lorsque l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 est invoqué dans le cadre d’une action en nullité, il revient à la chambre de recours d’examiner les éléments de preuve apportés par le demandeur en nullité, puis de les confronter, le cas échéant, aux éléments contraires apportés par le titulaire du dessin ou modèle en cause et d’apprécier ainsi la fiabilité de l’ensemble des éléments de preuve apportés par chaque partie à la procédure, afin de conclure sur la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence du produit en cause sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

39      En l’espèce, après avoir relevé qu’il n’était pas contesté entre les parties que le produit en cause était un sac filtrant contenant des agents de purification et qu’il était utilisé dans des systèmes d’eau pure, la chambre de recours a précisé que la fonction d’un tel sac était de permettre d’introduire facilement des agents de purification pour le traitement de l’eau dans un système d’eau pure et d’atténuer les fuites ou les flux d’eau non traitée.

40      En se fondant sur les éléments de preuve et les observations produites par les parties lors de la procédure, la chambre de recours a estimé, au point 22 de la décision attaquée, que l’apparence du produit en cause présentait cinq caractéristiques, à savoir que le sac était rempli, qu’il était de forme plus ou moins circulaire dans les vues du dessus et du dessous, et de forme elliptique avec un fond plat dans les vues latérales, que son haut était fermé par des lacets et que ces lacets créaient de nombreux plis.

41      Puis, après avoir procédé, aux points 24 à 27 de la décision attaquée, à l’examen de ces caractéristiques, sur le fondement de la demande de brevet, qui avait été fournie par l’autre partie à la procédure à l’appui de la demande en nullité, la chambre de recours a conclu, au point 28 de ladite décision, qu’« [é]tant donné que les éléments de preuve fournis expliquent pour chaque caractéristique de l’apparence [du produit] sa fonction technique, il aurait incombé à la titulaire du dessin [contesté]de démontrer les considérations esthétiques qui ont influencé le choix des caractéristiques au-delà de cette fonction technique ».

42      À cet égard, la chambre de recours a procédé, aux points 29 à 30 de la décision attaquée, à l’analyse des arguments et des éléments de preuve apportés par la requérante, avant de confirmer, à l’issue de son examen, au point 32 de la décision attaquée, sa conclusion selon laquelle les caractéristiques du dessin ou modèle contesté étaient toutes exclusivement imposées par la fonction du produit auquel ce dessin ou modèle était destiné. Se fondant sur un tel constat, la chambre de recours a déclaré, au point 33 de la décision attaquée, la nullité du dessin ou modèle contesté.

43      Il ressort d’une telle motivation que la chambre de recours, tout au long des différentes étapes de son appréciation, dans l’ordre défini au point 31 ci-dessus, s’est prononcée sur la question de savoir si les caractéristiques du sac filtrant relevaient de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 au regard de l’ensemble des circonstances objectives pertinentes du cas d’espèce, conformément à l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), cité au point 30 ci-dessus, en fondant son appréciation sur les éléments de preuve apportés par les parties, en examinant d’abord, conformément à l’administration de la charge de la preuve définie par la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus, les éléments de preuve apportés par l’autre partie à la procédure, puis en les confrontant aux arguments de la requérante.

44      Dans ces conditions, et conformément à l’examen défini au point 38 ci-dessus, la chambre de recours a forgé sa conviction selon laquelle, ainsi qu’elle l’a indiqué au point 23 de la décision attaquée, et l’a confirmé au point 32 de cette décision, toutes les caractéristiques du produit en cause étaient imposées par sa fonction technique après avoir permis à la requérante de contester utilement les éléments de preuve apportés par l’autre partie et dont il ressortait que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 1, étaient remplies. En précisant ainsi qu’il appartenait à la requérante d’apporter des éléments de preuves de nature à remettre en cause une telle conclusion, la chambre de recours n’a pas fait supporter la charge de la preuve à la requérante, mais a simplement tiré les conséquences qui s’imposaient, selon elle, à l’issue de son examen de la fiabilité des éléments de preuve apportés par les deux parties à la procédure. La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours un renversement de la charge de la preuve à son détriment.

45      Compte tenu de ce qui précède, la troisième branche du premier moyen, doit être écartée.

2)      Sur la première branche du premier moyen, tirée de la prise en compte de l’absence de caractère esthétique, en méconnaissance du considérant 10 du règlement n° 6/2002, tel qu’interprété par la Cour

46      Ainsi qu’il a été rappelé au point 18 ci-dessus, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, à tort, que le dessin ou modèle contesté devait revêtir un aspect esthétique pour pouvoir être enregistré alors qu’il suffisait que l’aspect visuel ait pu jouer un certain rôle.

47      Selon le considérant 10 du règlement n° 6/2002, il ne résulte pas de l’exclusion de la protection prévue à l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique. Il n’est donc pas nécessaire que l’apparence du produit concerné revête un aspect esthétique pour pouvoir être protégée en vertu du même règlement (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 23).

48      En l’espèce, il ressort des points 28, 29 et 30 de la décision attaquée, ainsi que l’observe la requérante, que la chambre de recours, pour considérer que les caractéristiques de l’apparence du produit en cause étaient exclusivement imposées par leur fonction technique, a opposé à la requérante la circonstance qu’elle n’avait pas démontré que « des considérations esthétiques » avaient influencé le choix des caractéristiques au-delà de leur fonction technique.

49      Lors de l’audience, interrogé par le Tribunal sur ce point, l’EUIPO a précisé que les considérations esthétiques dont a tenu compte la chambre de recours visaient à « renforcer l’aspect visuel du produit et de la création », de sorte que les notions de « considération esthétique » et « d’aspect visuel » étaient interchangeables. 

50      Cela étant précisé, il convient, tout d’abord, de constater que la motivation adoptée par la chambre de recours, telle que rappelée au point 48 ci-dessus, était d’abord destinée à réfuter l’argumentation de la requérante présentée devant elle et qui a consisté, précisément, à se prévaloir des caractéristiques prétendument esthétiques du dessin ou modèle contesté pour justifier la protection qu’elle avait sollicitée.

51      La requérante a ainsi fait valoir, ainsi qu’il ressort du point 11, deuxième tiret, de la décision attaquée, sans que cela soit contesté, qu’elle avait demandé « la protection du dessin ou modèle possédant les meilleures caractéristiques esthétiques », et soutenu, ainsi qu’il était souligné au point 13, troisième tiret, de la décision attaquée, que la décision de retenir les caractéristiques du dessin ou modèle contesté montrait « un excédent esthétique, parce que le créateur d[evait] faire son choix parmi différentes formes, dont certaines [auraient été ] même plus efficaces sur le plan technique ».

52      Ensuite, il y a lieu de relever que, au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a fait valoir que la requérante n’avait pas démontré qu’il existait d’autres considérations que des considérations techniques qui auraient pu jouer un rôle dans l’apparence de ces caractéristiques. Au point 31 de cette décision, la chambre de recours s’est prévalue de l’existence de formes alternatives de sacs remplis, qu’elle a estimées toutes également imposées par leur seule fonction technique.

53      Enfin, au point 32 de la même décision, la chambre de recours, au soutien de son appréciation, s’est référée à la déclaration du créateur du produit en cause, dont elle a considéré qu’elle révélait que le créateur avait parfaitement connaissance de la fonction technique de chacune des caractéristiques du dessin ou modèle contesté.

54      Dans ces conditions, il ressort de la motivation de la décision attaquée que la chambre de recours a tenu compte de l’absence de considérations esthétiques pour rejeter les arguments dont la requérante s’était elle-même prévalue lors de la procédure, mais n’a pas refusé la protection du dessin ou modèle contesté au motif qu’il n’aurait pas présenté de caractère esthétique.

55      La chambre de recours, ainsi que l’EUIPO l’a confirmé lors de l’audience, a en effet vérifié, dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, si des considérations autres que techniques, en particulier celles liées à leur aspect visuel, avaient pu jouer un rôle lors du choix des caractéristiques de l’apparence du produit en cause. À cet égard, la chambre de recours a conclu, au point 32 de la décision attaquée, qu’« il ne fai[sai]t aucun doute que toutes les caractéristiques du [dessin ou modèle] contesté [avaient] été exclusivement conçues pour obtenir des effets techniques, et que les seules considérations qui [avaient] présidé à leur processus de développement par le créateur [avaient] été de nature technique, sans que l’aspect visuel entre en ligne de compte ».

56      En concluant ainsi que l’aspect visuel n’avait pas été pris en compte dans le processus de création du dessin ou modèle contesté, la chambre de recours n’a donc pas considéré, en méconnaissance du considérant 10 du règlement n° 6/2002, qu’il était nécessaire que l’apparence du sac filtrant revête un caractère esthétique pour pouvoir être protégée en vertu de ce règlement. La chambre de recours ne saurait donc avoir appliqué « une méthode incorrecte se rapportant à des considérations esthétiques plutôt qu’à l’aspect visuel ». Il en va d’autant plus ainsi que les considérations esthétiques, si elles n’en épuisent pas le contenu, sont liées à l’aspect visuel de l’apparence du produit auquel est appliqué le dessin ou modèle en cause.

57      Compte tenu de tout ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être écartée.

3)      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’un défaut d’examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce

58      La requérante soutient, pour l’essentiel, ainsi qu’il a été précisé aux points 19 et 20 ci-dessus, que la chambre de recours n’a pas examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce et des preuves pertinentes pour exclure le dessin ou modèle contesté de la protection en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002. Elle part de la prémisse selon laquelle la chambre de recours aurait procédé de manière automatique pour avoir refusé d’accorder la protection au dessin ou modèle contesté au seul motif que l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit en cause étaient mentionnées dans la demande de brevet.

59      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 41 et 42 ci-dessus, la chambre de recours a commencé son analyse des caractéristiques de l’apparence du produit en cause en se fondant sur les explications et les représentations graphiques figurant dans la demande de brevet, fournie par l’autre partie à la procédure à l’appui de sa demande en nullité, puis a examiné les arguments de la requérante fournis dans le cadre de la procédure. Elle a notamment tenu compte, lors de son appréciation, ainsi qu’il ressort du point 30 de la décision attaquée, de l’argument de la requérante selon lequel le dessin ou modèle contesté avait été choisi en raison de son élégance et de sa simplicité, et a examiné la déclaration sous serment de son créateur invoquée par la requérante au soutien de son argumentation. Ainsi qu’elle a procédé au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a également répondu à l’argument de la requérante tiré de l’existence de plusieurs dessins alternatifs au dessin ou modèle contesté.

60      Après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments des parties, la chambre de recours, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 42 ci-dessus, a considéré, en substance, que ceux de la requérante n’étaient pas de nature à remettre en cause la constatation à laquelle elle était parvenue après l’examen des explications de la demande de brevet, et en a conclu, ainsi qu’il résulte des points 23 et 32 de la décision attaquée, que les caractéristiques de l’apparence du produit en cause étaient toutes exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit.

61      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas, contrairement à ce que fait valoir la requérante, procédé de manière automatique, en se fondant uniquement sur les informations contenues dans la demande de brevet, mais a examiné les circonstances de l’espèce et l’ensemble des preuves et arguments des parties, et notamment l’existence de dessins ou modèles alternatifs ainsi que l’intention du créateur du dessin ou modèle contesté, avant de déclarer, au point 33 de la décision attaquée, la nullité du dessin ou modèle contesté, en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002.

62      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que la requérante aurait obtenu un brevet européen qui protégerait les caractéristiques techniques du système d’eau pure dont ferait partie le produit auquel est destiné le dessin ou modèle contesté. À supposer même que cette circonstance soit de nature à éviter « le risque que le [dessin ou modèle contesté] contourne les exigences du droit des brevets », elle est, en tout état de cause, sans incidence sur l’appréciation de l’application que la chambre de recours a pu faire, en l’espèce, de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002.

63      Compte tenu de tout ce qui précède, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée.

b)      Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de l’existence d’erreurs dans l’appréciation des faits de l’espèce

64      La requérante soutient, ainsi qu’il a été indiqué au point 23 ci-dessus, que la chambre de recours a entaché d’erreurs son appréciation des cinq caractéristiques de l’apparence du produit en cause et a omis de tenir compte d’une sixième caractéristique lors de son examen, ainsi qu’il a été précisé au point 24 ci-dessus.

65      Il est constant et il n’est pas contesté, ainsi qu’il a été précisé au point 40 ci-dessus, que les caractéristiques identifiées par la chambre de recours sont celles d’un sac rempli, de forme plus ou moins circulaire, dans les vues du dessus et du dessous, de forme elliptique avec un fond plat dans les vues latérales, et dont le haut est fermé par des lacets qui créent de nombreux plis. La requérante se prévaut toutefois d’une sixième caractéristique consistant en la couture séparant la partie inférieure du sac de la partie supérieure de celui‑ci.

1)      Sur l’appréciation de la première caractéristique de l’apparence du produit en cause, à savoir celle d’un sac rempli

66      Il résulte des points 23 et 24 de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que le sac rempli exerçait exclusivement une fonction technique au motif que, conformément à la demande de brevet, il contenait un matériau à l’état comprimé (par exemple, un agent de purification) qui sert à filtrer l’eau et forme un joint hermétique permettant de réduire les flux d’eau non traitée entre la paroi extérieure du sac et la paroi intérieure du système d’eau pure.

67      Pour contester cette appréciation, la requérante se prévaut, en substance, de l’existence de dessins ou modèles alternatifs, qui concerneraient le bord du sac filtrant, l’état de l’agent de purification, et invoque l’existence de « modes alternatifs de réalisation » de sacs en résine.

68      Il convient, toutefois, de rappeler à cet égard que, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, la protection des caractéristiques de l’apparence d’un produit, au titre du droit des dessins ou modèles communautaires, est exclue lorsque des considérations d’une autre nature que la nécessité pour le produit auquel s’applique le dessin ou modèle en cause de remplir sa fonction technique n’ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce même s’il existe d’autres dessins ou modèles permettant d’assurer cette même fonction.

69      En effet, si la seule existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction que celle du produit concerné était suffisante pour écarter l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, il ne pourrait être exclu qu’un opérateur économique fasse enregistrer, en tant que dessin ou modèle communautaire, plusieurs formes concevables d’un produit incorporant des caractéristiques de l’apparence de celui-ci qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Cela permettrait à un tel opérateur de bénéficier, à l’égard d’un tel produit, d’une protection en pratique exclusive et équivalente à celle offerte par un brevet, sans être soumis aux conditions qui sont applicables à l’obtention de ce dernier, et serait de nature à empêcher les concurrents d’offrir un produit incorporant certaines caractéristiques fonctionnelles ou limiterait les solutions techniques possibles et priverait ainsi ledit article 8, paragraphe 1, de son effet utile (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 30).

70      Dès lors, la simple circonstance qu’il existerait des « modes alternatifs de réalisation » du sac rempli, caractérisant l’apparence du produit en cause, ne saurait, par elle-même et à elle seule, suffire pour infirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle une telle caractéristique est exclusivement imposée par la fonction technique dudit produit.

71      Cette conclusion ne saurait pas davantage être remise en cause par la déclaration sous serment du créateur dont l’intention, en choisissant parmi différentes options possibles, celle du dessin ou modèle contesté en raison de son « apparence simple et élégante », alors même qu’un tel dessin ou modèle n’aurait pas été le plus efficace pour filtrer l’eau, révélerait, selon la requérante, que des considérations visuelles auraient joué un certain rôle dans le choix de cette caractéristique.

72      À cet égard, il y a d’abord lieu de souligner que les énonciations d’une déclaration écrite faite sous serment par une personne liée, de quelque manière que ce soit, à la société qui l’invoque doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve [arrêt du 18 novembre 2015, Liu/OHMI – DSN Marketing (Étui d’ordinateur portable), T‑813/14, non publié, EU:T:2015:868, point 29]. Or, en l’espèce, pour démontrer que des considérations autres que techniques auraient joué un rôle dans le choix de la caractéristique du sac rempli, la requérante ne se prévaut, à l’appui d’une telle déclaration, que de la seule circonstance de l’existence de dessins ou modèles alternatifs, laquelle n’est pas, ainsi qu’il vient d’être constaté, par elle-même de nature à confirmer une telle démonstration. La déclaration sous serment du créateur ne saurait, en l’absence d’éléments probants à son soutien, suffire pour établir que la caractéristique du sac rempli aurait été choisie autrement que pour sa seule fonction technique.

73      En tout état de cause, le simple fait qu’une telle caractéristique n’offrirait pas la solution la plus efficace de purification de l’eau ne signifie pas qu’elle aurait été choisie pour son aspect visuel.

74      À cet égard, la qualification d’élégance retenue par son créateur pour caractériser le dessin ou modèle contesté est une allégation purement subjective et n’est pas de nature à rendre compte des circonstances objectives révélatrices des motifs qui auraient présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit en cause. S’agissant de telles circonstances objectives, la simplicité du sac rempli, invoquée par le créateur, ne saurait suffire pour établir que l’aspect visuel d’un tel sac, somme toute banal, aurait joué un rôle quelconque dans le choix de le retenir, alors qu’il pourrait être constaté, ainsi que le note à juste titre l’EUIPO, de même de presque n’importe quel objet simple.

75      Il en va d’autant plus ainsi que le créateur lui-même a expliqué au point 8 de sa déclaration que le dessin ou modèle contesté avait été mis au point pour « simplifier le rechargement ou le remplacement des agents filtrants par les laveurs de vitres et créer dans le même temps un dessin ou modèle fonctionnel et dernier cri », après que la requérante lui avait indiqué que le remplacement ou le rechargement des cartouches rigides et la résine mobile étaient considérés comme trop complexes, difficiles et chronophages. Une telle déclaration souligne ainsi les considérations techniques qui ont présidé au choix d’un tel dessin ou modèle.

76      Enfin, la chambre de recours, conformément à l’examen défini au point 38 ci-dessus, a tenu compte de l’ensemble des arguments de la requérante, notamment ceux relatifs à l’existence de dessins ou modèles alternatifs et la déclaration sous serment et, ainsi qu’il a été indiqué au point 60 ci-dessus, a conclu que les éléments de preuve et les arguments de la requérante, ainsi qu’il résulte des points 23 et 32 de la décision attaquée, n’étaient pas de nature à remettre en cause la conclusion à laquelle elle était parvenue après l’examen des explications de la demande de brevet, fournie par l’autre partie à la procédure. Dès lors, la requérante ne saurait prétendre que la chambre de recours n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle a estimé que les aspects visuels n’avaient pas joué de rôle dans le choix des caractéristiques de l’apparence du produit en cause.

77      Compte tenu de tout ce qui précède, le premier grief tiré de l’erreur d’appréciation de la première caractéristique de l’apparence du produit en cause, à savoir celle d’un sac rempli, doit être écarté.

2)      Sur l’appréciation de la deuxième et de la troisième caractéristique de l’apparence du produit en cause, à savoir celle, d’une part, de sa forme plus ou moins circulaire dans ses vues de dessus et de dessous, d’autre part, de sa forme elliptique avec un fond plat dans les vues latérales

78      En l’espèce, la chambre de recours, en se fondant sur le contenu de la demande de brevet, a estimé, au point 25 de la décision attaquée, que la forme plus ou moins circulaire du sac rempli, dans ses vues de dessus et de dessous, et elliptique avec un fond plat, dans ses vues latérales, était une conséquence directe de la présence d’un sac élastique et tubulaire. Elle en a conclu qu’elles étaient imposées par la fonction technique du sac filtrant qui, une fois rempli, est de former un joint hermétique avec la surface intérieure du réservoir et d’atténuer ainsi les fuites ou les flux d’eau non traitée entre la dimension extérieure du sac et la surface intérieure du réservoir, ainsi qu’entre la partie inférieure du sac et la surface de la première plaque de diffusion de ce même réservoir.

79      À cet égard, la requérante se prévaut, tout d’abord, des arguments qu’elle a invoqués pour contester l’appréciation de la première caractéristique de l’apparence du produit en cause. Se bornant sur ce point à un simple renvoi, sans apporter d’éléments complémentaires, de tels arguments doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.

80      Contrairement, ensuite, à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours a automatiquement conclu qu’une caractéristique était exclusivement imposée par la fonction technique du produit en cause dès lors qu’elle constatait que cette caractéristique remplissait une telle fonction.

81      Ainsi qu’il ressort de son analyse des arguments des parties à la procédure, telle que rappelée aux points 41 à 43 et 60 ci-dessus, ce n’est qu’après avoir constaté que la requérante n’avait pas produit d’arguments de nature à remettre en cause son appréciation des éléments de preuve fournis par l’autre partie à la procédure, dont elle a déduit qu’ils expliquaient pour chaque caractéristique de l’apparence du produit en cause sa fonction technique, que la chambre de recours a conclu, compte tenu de l’intégralité des éléments de preuve, que les caractéristiques de l’apparence du produit en cause étaient toutes exclusivement imposées par la fonction technique du sac filtrant. La chambre de recours n’a donc pas exclu de la protection les caractéristiques en cause au seul motif qu’elles remplissaient une fonction technique, mais après avoir également constaté que la requérante n’avait pas été en mesure d’établir que des considérations autres que techniques avaient pu jouer un rôle dans le choix de ces mêmes caractéristiques.

82      À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, le simple fait que la chambre de recours ait indiqué, au point 32 de la décision attaquée, que le créateur du dessin ou modèle contesté avait parfaitement connaissance de la fonction technique de chacune des caractéristiques ne saurait remettre en cause une telle conclusion et suffire à établir que la chambre de recours aurait exclu de la protection les caractéristiques en cause au seul motif qu’elles remplissaient une fonction technique.

83      Compte tenu de ce qui précède, le deuxième grief, tiré de l’erreur d’appréciation des deuxième et troisième caractéristiques de l’apparence du produit en cause doit être écarté.

3)      Sur l’appréciation des quatrième et cinquième caractéristiques, à savoir celle du haut d’un sac fermé par des lacets, formant de nombreux plis, et sur l’absence de prise en compte d’une sixième caractéristique, à savoir celle d’une couture séparant la partie inférieure du sac de sa partie supérieure

84      Se fondant sur la demande de brevet, la chambre de recours a estimé, au points 26 et 27 de la décision attaquée, que le système de fermeture par le haut à l’aide de lacets permettait, initialement, d’ouvrir le sac pour le remplir d’un agent de purification et que les nombreux plis formés par les lacets n’étaient que la conséquence directe de ce système de fermeture qui permettait, une fois le sac rempli, de le fermer hermétiquement. Pour ces raisons, elle a considéré que de telles caractéristiques, ainsi qu’il ressort du point 23 de la décision attaquée, étaient, elles aussi, exclusivement imposées par la fonction technique du sac filtrant.

85      À cet égard, la requérante se prévaut, tout d’abord, des « mêmes arguments », sans préciser de quels arguments elle a entendu se prévaloir. Dans l’hypothèse où il conviendrait de comprendre que la requérante invoque l’ensemble des arguments présentés à l’appui de sa contestation de l’appréciation des trois premières caractéristiques du dessin ou modèle contesté, il conviendrait, en l’absence de précisions complémentaires, de les écarter pour les mêmes motifs que ceux retenus pour écarter ces trois premiers griefs.

86      Ensuite, la requérante souligne que, conformément à ce qui est indiqué dans la demande de brevet, le système de fermeture en cause peut correspondre à tout dispositif de fermeture, lequel peut être formé de différentes manières, à savoir, à l’aide d’un ou de plusieurs serres-câbles, mais également de nœuds, d’agrafes métalliques, de coutures soudées ou cousues, de fermetures à glissière, de panneaux supplémentaires cousus dessus, ou encore de bandes auto-adhésives ainsi que de toute combinaison de ces différents éléments.

87      Toutefois, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 28 et 29 ci-dessus, et complétée au point 69 ci-dessus, le simple fait qu’il existerait des formes alternatives pour fermer le sac filtrant ne saurait suffire pour écarter l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002. Faute pour la requérante d’apporter des éléments de preuve susceptibles de démontrer que des considérations autres que techniques auraient pu jouer un rôle dans le choix du système de fermeture à lacets, il convient de conclure que la chambre de recours a pu estimer à bon droit, alors qu’il ressortait des explications de la demande de brevet que ce système permettait d’assurer l’étanchéité du sac filtrant en le fermant hermétiquement, que les quatrième et cinquième caractéristiques étaient exclusivement imposées par la fonction technique du produit en cause.

88      En outre, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la couture qui séparerait la partie inférieure du sac filtrant, ne possédant pas de plis, de sa partie supérieure, dont la forme est tubulaire, lorsqu’elle est ouverte, et parcourue de nombreux plis de forme circulaire, lorsqu’elle est fermée par les lacets. La couture constituerait ainsi un aspect visuel majeur du dessin ou modèle contesté et l’effet visuel protégé résulterait de ce que « en réalité, dans le véritable produit, les deux parties [seraient] faites dans des matériaux différents ».

89      À cet égard, il ressort du dossier que la requérante a invoqué, pour contester le motif pris de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, l’existence d’une sixième caractéristique du dessin ou modèle contesté pour la première fois devant le Tribunal. Elle n’a pas remis en cause, aux fins de l’application de ladite disposition, la constatation faite entre les parties, lors de la procédure devant l’EUIPO, selon laquelle le dessin ou modèle contesté était composé des cinq caractéristiques rappelées au point 40 ci-dessus.

90      Il ressort en effet de la décision attaquée, en particulier de ses points 11 et 15, que la requérante ne s’est prévalue de l’existence d’une couture entre la partie inférieure et la partie supérieure du dessin ou modèle contesté que dans le cadre de sa contestation du motif de nullité invoqué par l’autre partie sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 6/2002, lu ensemble avec l’article 3, sous a), du même règlement. Elle n’a d’ailleurs pas remis en cause, ainsi qu’il ressort du point 11 de la décision attaquée, l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle le produit en cause n’étant pas une structure solide, la ligne horizontale qui traverse son centre pouvait se déplacer et ne pas être aisément visible dans certaines des vues représentant le produit en cause sous des angles différents.

91      En outre, lors de l’audience, l’EUIPO a confirmé que la requérante n’avait pas invoqué cette sixième caractéristique lors de la procédure devant l’EUIPO, sans que la requérante le conteste.

92      Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 12 ci-dessus, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens ou arguments introduits devant lui.

93      Dès lors, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur son bien-fondé, l’argument tiré de l’absence de prise en compte de l’existence d’une couture séparant la partie inférieure et la partie supérieure du produit en cause aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 doit être écarté comme irrecevable.

94      Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des arguments de la requérante n’est susceptible d’établir l’existence d’erreurs dans l’appréciation de la chambre de recours dans son application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002.

95      Compte tenu de tout ce qui précède, la quatrième branche du premier moyen doit être écartée et, en conséquence, l’ensemble du premier moyen.

2.      Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 65, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 6/2002

96      La requérante soutient que la chambre de recours a méconnu l’article 65, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 6/2002 au motif qu’elle n’aurait pas considéré la déclaration sous serment du créateur du dessin ou modèle contesté comme un élément de preuve.

97      L’EUIPO considère que le moyen de la requérante est irrecevable, car il ne serait ni suffisamment précis ni suffisamment clair pour en apprécier le bien-fondé.

98      Conformément à l’article 65, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 6/2002, peuvent être prises dans toute procédure devant l’EUIPO, au titre de mesures d’instructions, les déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites.

99      Les déclarations visées à l’article 65, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 6/2002 font partie des mesures d’instruction auxquelles l’instance compétente de l’EUIPO est susceptible de charger l’un de ses membres de procéder, conformément au paragraphe 2 de ce même article. Cette disposition ne concerne donc pas les déclarations qu’une partie à la procédure serait amenée à produire, au cours de la procédure devant l’EUIPO, de sa propre initiative. Le second moyen est donc inopérant.

100    Au surplus, il résulte du point 30 de la décision attaquée que la chambre de recours a tenu compte et a analysé la déclaration sous serment du créateur du dessin ou modèle contesté, produite pour la première fois devant elle, en précisant expressément, à cet égard, qu’il était « justifié d’accepter les nouveaux éléments de preuve à ce stade de la procédure, dès lors qu’ils complét[ai]ent les éléments de preuve déjà produits lors de la procédure en nullité et paraiss[ai]ent à première vue pertinents pour le résultat du présent litige ». Le fait que la chambre de recours a apprécié de manière différente de la requérante cet élément de preuve ne saurait signifier que la chambre de recours n’aurait pas pris en considération un tel élément.

101    Compte tenu de ce qui précède, le second moyen doit être écarté et par suite, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

103    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Unger Marketing International, LLC est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 janvier 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais