Language of document : ECLI:EU:T:2020:184

Demande de décision préjudicielle présentée par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (Hongrie) le 8 septembre 2014 – WebMindLicenses Kft. / Nemzeti Adó- és Vámhivatal Kiemelt Adó- és Vám Főigazgatóság

(Affaire C-419/14)

Langue de procédure: le hongrois

Juridiction de renvoi

Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság

Parties dans la procédure au principal

Partie requérante: WebMindLicenses Kft.

Partie défenderesse: Nemzeti Adó- és Vámhivatal Kiemelt Adó- és Vám Főigazgatóság

Questions préjudicielles

Dans le cadre de l’application de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de l’article 24, paragraphe 1, et de l’article 43 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «directive TVA») 1 , lorsqu’il s’agit d’établir, aux fins de la TVA, la personne du prestataire de services, est-il pertinent pour l’interprétation, lors de l’examen du caractère purement artificiel, dépourvu de réalité économique et commerciale d’une transaction qui aurait été effectuée à la seule fin d’obtention d’un avantage fiscal, que, dans l’affaire au principal, le gérant de la société donneuse de licence et son actionnaire à 100 % soit la personne physique qui a créé le savoir-faire par ailleurs transféré par le contrat de licence en question?

En cas de réponse affirmative à la première question, est-il pertinent, dans le cadre de l’application de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de l’article 24, paragraphe 1, et de l’article 43 de la directive TVA, et de la constatation d’une pratique abusive, que cette personne physique ait ou puisse avoir une influence informelle sur la manière dont la société preneuse de licence exploite la licence ainsi transmise, ainsi que sur ses décisions commerciales ? Dans ce contexte, peut-il être pertinent pour l’interprétation que le créateur du savoir-faire participe ou puisse participer directement ou indirectement, en ayant par ailleurs une activité de consultant et en donnant des conseils sur le développement ou l’exploitation du savoir-faire, aux décisions commerciales se rapportant à la fourniture du service qui repose sur le savoir-faire en question?

Dans les circonstances de l’affaire au principal – compte tenu de la deuxième question – s’agissant d’établir, aux fins de la TVA, la personne du prestataire de services, est-il pertinent, en plus de l’examen de la transaction contractuelle sous-jacente, de savoir si le créateur du savoir-faire, en tant que personne physique, exerce une influence, voire une influence dominante ou un contrôle sur les modalités de la fourniture du service qui repose sur le savoir-faire en question?

En cas de réponse affirmative à la troisième question, quels sont, lors de la détermination du degré d’influence ou de contrôle, les éléments ou critères susceptibles d’être pris en compte pour établir que le créateur du savoir-faire exerce une influence déterminante sur la fourniture du service et que le contenu économique réel de la transaction sous-jacente a été mis en œuvre pour le compte de la société donneuse de licence ?

Dans la situation au principal, lors de l’examen de l’obtention d’un avantage fiscal, est-il pertinent, aux fins de l’appréciation des rapports entre les personnes et opérateurs économiques concernés par la transaction, que les contribuables qui sont parties à la transaction à laquelle on reproche de viser un but d’évasion fiscale soient des personnes morales, alors que l’administration fiscale nationale impute à une personne physique la prise des décisions stratégiques et opérationnelles afférentes à l’exploitation [du savoir-faire] et, si oui, importe-t-il de savoir quel est l’État membre sur le territoire duquel la personne physique en question a pris ces décisions? Dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, s’il s’avère que le statut contractuel des parties n’est pas déterminant, est-il pertinent pour l’interprétation que la gestion des transactions financières, du personnel et des moyens techniques nécessaires à la fourniture du service ici litigieux, basé sur Internet, soit assurée par des sous-traitants?

À supposer que l’on constate que les clauses du contrat de licence ne reflètent pas un contenu économique réel, la requalification des clauses contractuelles et le rétablissement de la situation telle qu’elle aurait été en l’absence de la transaction constitutive d’une pratique abusive impliquent-t-ils que l’administration fiscale de l’État membre peut dès lors déterminer différemment l’État membre du lieu de la prestation de services et, partant, le lieu de l’obligation fiscale, y compris dans le cas où le preneur de licence a par ailleurs satisfait à son obligation fiscale dans l’État membre dans lequel il a son siège, conformément aux conditions prévues par la législation dudit État?

Faut-il interpréter les articles 49 et 56 TFUE en ce sens qu’est contraire à leurs dispositions, et que peut être qualifié d’abus de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, le fait d’élaborer une configuration contractuelle telle que celle en cause au principal, dans laquelle une entreprise assujettie établie dans un État membre donne en location à une entreprise assujettie établie dans un autre État membre, par le biais d’un contrat de licence, le savoir-faire et le droit d’exploitation afférents à la fourniture d’un service interactif au contenu classé X qui repose sur une technologie de la communication basée sur Internet, dans un cas de figure où l’imposition au titre de la TVA du service ainsi transféré est plus avantageuse dans l’État dans lequel le preneur de licence a son siège?

Dans des circonstances telles que celles de la présente espèce, quelle importance convient-il d’accorder aux considérations d’ordre commercial qui, outre la perspective d’obtenir un avantage fiscal, ont guidé l’entreprise donneuse de licence et, dans un tel contexte en particulier, est-il pertinent pour l’interprétation que le gérant et actionnaire à 100 % de la société donneuse de licence soit la personne physique qui a initialement créé le savoir-faire?

Lors de l’examen du comportement abusif, peut-on accorder de l’importance et, si oui, laquelle, à des circonstances similaires à celles qui ont été examinées au principal, telles que celles liées aux aspects techniques et à l’infrastructure nécessaires à la mise en place et au fonctionnement du service faisant l’objet de la transaction litigieuse, ainsi qu’à la compétence et au personnel du donneur de licence pour fournir le service en question?

Sur la base des faits de la présente affaire, faut-il interpréter l’article 2, paragraphe 1, sous c), l’article 24, paragraphe 1, l’article 43 et l’article 273 de la directive TVA, compte tenu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, et de l’article 325 TFUE, en ce sens que, afin d’assurer l’effectivité de l’obligation des États membres relative à la perception efficace et exacte de l’intégralité de la TVA et d’éviter les pertes budgétaires liées à la fraude et à l’évasion fiscale transfrontalières, l’administration fiscale d’un État membre, pour pouvoir, dans le cas d’une transaction portant sur une prestation de services, établir quelle est la personne du prestataire de services, a le droit, lors de la procédure de preuve intervenant au cours de la procédure fiscale (administrative), de reprendre, à l’occasion de la recherche des faits, des données, informations et moyens de preuve obtenus – par le service d’enquête de l’administration fiscale dans le cadre de la procédure pénale – à l’insu de l’assujetti, par exemple des procès-verbaux d’interceptions, ainsi que de les exploiter et d’en tirer des conséquences juridiques, et que la juridiction administrative qui contrôle la décision administrative rendue par l’administration fiscale de l’État membre a quant à elle le droit de les apprécier dans le cadre des preuves, par la même occasion qu’elle contrôle la légalité des preuves ?

Sur la base des faits de la présente affaire, faut-il interpréter l’article 2, paragraphe 1, sous c), l’article 24, paragraphe 1, l’article 43 et l’article 273 de la directive TVA, compte tenu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, et de l’article 325 TFUE, en ce sens que, afin d’assurer l’effectivité de l’obligation de l’État membre relative à la perception efficace et exacte de l’intégralité de la TVA, c’est-à-dire d’assurer la mise en œuvre de l’obligation de l’État membre de garantir le respect des obligations mises à la charge des assujettis, que la marge de manœuvre octroyée aux États membres en ce qui concerne la manière d’utiliser les moyens à la disposition de l’administration fiscale nationale inclut le droit de celle-ci d’utiliser des moyens de preuve initialement obtenus dans un but pénal afin de lutter contre les comportements d’évasion fiscale, y compris lorsque le droit national, en soi, ne permet pas de recueillir clandestinement des données dans le cadre de la procédure administrative afin de lutter contre les comportements d’évasion fiscale, ou qu’il subordonne le recueil clandestin de données effectué dans le cadre de la procédure pénale à des garanties qui ne sont pas prévues dans la procédure fiscale administrative, mais que, par ailleurs, l’administration fiscale peut, en vertu du droit national, se fonder sur le principe de liberté de la preuve dans le cadre de ses procédures?

L’article 8, paragraphe 2, de la CEDH exclut-il, compte-tenu de l’article 52, paragraphe 2, de la Charte, que l’on reconnaisse à l’administration fiscale d’un État membre la compétence évoquée aux questions 10 et 11 ci-dessus, ou peut-on, dans les circonstances de la présente affaire, considérer que l’utilisation dans le cadre de la procédure fiscale, aux fins de la lutte contre l’évasion fiscale, des résultats du recueil clandestin de données, est justifiée, aux fins de la perception efficace de l’impôt, en raison du «bien-être économique du pays»?

Dans la mesure où il ressort de la réponse donnée aux questions 10 à 12 que l’administration fiscale de l’État membre, dans le cadre de la procédure administrative, peut utiliser de tels moyens de preuve, l’administration fiscale nationale a-t-elle, afin de garantir l’effectivité des droits de la défense et du droit à une bonne administration, une obligation absolue – sur le fondement des articles 7, 8, 41 et 48, et compte tenu l’article 51, paragraphe 1, de la Charte – d’entendre l’assujetti au cours de la procédure administrative, de lui assurer l’accès aux résultats obtenus grâce aux méthodes clandestines de recueil de données, ainsi que de respecter la finalité à laquelle est subordonnée l’obtention des données figurant dans ces moyens de preuve, ou bien faut-il considérer qu’à ce titre, justement, la finalité pénale exclusive des méthodes clandestines de recueil de données exclut d’emblée l’utilisation de tels moyens de preuve?

Dans le cas de moyens de preuve obtenus et utilisés en violation des articles 7, 8, 41 et 48 de la Charte – compte tenu de l’article 47 de la Charte – faut-il considérer que satisfait au droit à un recours effectif une réglementation nationale en vertu de laquelle un recours juridictionnel en contestation de la légalité, quant à la procédure, de décisions rendues dans des affaires fiscales, ne peut prospérer et conduire à l’annulation de la décision que lorsqu’il est concrètement envisageable, au regard des circonstances de l’espèce, que la décision attaquée aurait été différente sans le vice de procédure, et que ce vice de procédure affecte en outre une position juridique matérielle du requérant, ou les vices de procédure ainsi commis doivent-ils pouvoir entraîner l’annulation dans une mesure plus importante, indépendamment de l’incidence de l’irrégularité procédurale, contraire à la Charte, sur l’issue de la procédure?

L’effectivité de l’article 47 de la Charte suppose-t-elle que, dans une situation procédurale telle que celle ici en cause, la juridiction administrative qui procède au contrôle juridictionnel de la décision de l’administration fiscale de l’État membre puisse contrôler la légalité de l’obtention de moyens de preuve recueillis clandestinement, à des fins pénales, dans le cadre de la procédure pénale, en particulier lorsque le contribuable parallèlement impliqué dans une procédure pénale n’a pas pu prendre connaissance de ces documents, ni en contester la légalité devant la juridiction?

Au regard également de la question 6, faut-il interpréter le règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée 2 – au regard notamment de son septième considérant, selon lequel, afin de collecter la taxe due, les États membres devraient coopérer afin de contribuer à l’assurance de l’établissement correct de la TVA et, par conséquent, doivent non seulement contrôler l’application correcte de la taxe due sur leur propre territoire mais devraient également aider les autres États membres à veiller à l’application correcte de la taxe relative à une activité exercée sur leur propre territoire mais due dans un autre État membre –, en ce sens que, en présence de faits tels qu’en l’espèce, l’administration fiscale qui découvre l’existence d’une dette fiscale a l’obligation d’adresser sa demande à l’administration fiscale de l’État membre dans lequel l’assujetti faisant l’objet du contrôle fiscal a déjà satisfait à son obligation de s’acquitter de l’impôt?

S’il est répondu par l’affirmative à la question 16 : si une juridiction constate, suite à leur contestation, que des décisions rendues par l’administration fiscale de l’État membre sont illégales quant à la procédure en raison de l’omission du recueil d’informations et d’une demande adressée aux autorités compétentes d’un autre État membre, quelle conséquence la juridiction qui procède au contrôle des décisions rendues par l’administration fiscale de l’État membre doit-elle appliquer, compte tenu également de la question 14 ?

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1 JO L 347, p. 1.

2 JO L 268, p. 1.