Language of document : ECLI:EU:T:2008:47

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

19 février 2008 (*)

« Référé – Demande de sursis à exécution – Présentation de la demande – Irrecevabilité – Association – Préjudice financier – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑444/07 R,

Centre de promotion de l’emploi par la micro-entreprise (CPEM), établi à Marseille (France), représenté par Me C. Bonnefoi, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. L. Flynn et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la note de débit n° 3240912189, du 17 décembre 2007, relative à la décision C (2007) 4645 de la Commission, du 4 octobre 2007, supprimant le concours octroyé par le Fonds social européen (FSE) en faveur du CPEM par la décision C (1999) 2645, du 17 août 1999,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        La subvention à l’origine du présent litige a été versée au titre du Fonds social européen (FSE) qui est, aux termes de l’article 159, premier alinéa, CE, l’un des fonds à finalité structurelle dont l’administration incombe, en vertu de l’article 147 CE, à la Commission.

2        Le cadre juridique régissant les fonds structurels pour la période de programmation allant de 1994 à 1999, pertinente en l’espèce, est constitué, notamment, du règlement (CEE) no 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), tel que modifié par le règlement (CE) no 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5), ainsi que du règlement (CEE) no 4255/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement no 2052/88 en ce qui concerne le Fonds social européen (JO L 374, p. 21), tel que modifié par le règlement (CE) no 2084/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 39), et du règlement (CEE) no 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement no 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents Fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20).

3        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 4255/88, intitulé « Assistance technique, projets pilotes et de démonstration », le FSE « peut financer […] des actions […] dans les États membres ou au niveau communautaire ».

4        Le règlement no 4255/88 a été abrogé par l’article 11 du règlement (CE) no 1784/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 1999, relatif au FSE (JO L 213, p.5), dont l’article 9 renvoie aux dispositions transitoires prévues à l’article 52 du règlement (CE) no 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1). En vertu de cette réglementation, les règlements no 4255/88 et no 4253/88 continuent à s’appliquer aux concours approuvés sur la base du règlement no 4255/88.

5        L’article 24 du règlement no 4253/88, intitulé « Réduction, suspension et suppression du concours », prévoit :

« 1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure ne semble justifier qu’une partie du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas […]

2. [À la suite de] cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité […]

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission [...] »

 Faits à l’origine du litige

6        Le Centre de promotion de l’emploi par la micro-entreprise (CPEM) est une association sans but lucratif établie à Marseille. Il s’agit d’une plate-forme d’initiative locale faisant partie de l’organisation France initiative réseau, qui accompagne et soutient les porteurs de projets de création de très petites entreprises sur le territoire de la Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole. Parmi ses membres figurent la Ville de Marseille, la Caisse des dépôts et consignations, la Fédération du Crédit mutuel méditerranéen, le Crédit agricole, la Caisse d’épargne, EDF, Gaz de France distribution Marseille, la Société des eaux de Marseille, la Régie des transports de Marseille et Marseille parc auto.

7        Le 21 juillet 1998, la Commission a lancé un appel à proposition pour la mise en œuvre d’une action pilote intitulée « capital local à finalité sociale ». La Commission y a défini les orientations pour l’octroi à des organisations intermédiaires de subventions globales destinées à soutenir les personnes qui réaliseront des microprojets favorisant l’emploi et la cohésion sociale.

8        Par la décision C (1999) 2645, du 17 août 1999, la Commission a octroyé au requérant un concours du FSE à hauteur de 1 000 000 euros pour le financement d’un projet pilote sous forme de subvention globale.

9        À la suite de l’octroi de la subvention globale, le requérant a conclu une convention pour la mise en œuvre du projet pilote avec le Centre de formation professionnelle et de promotion sociale, devenu Marseille service développement (MSD). Le 7 octobre 2002, la Commission a reçu de MSD le rapport final relatif au projet pilote en cause et la demande de paiement final. Après avoir versé le montant total de 1 000 000 euros, la Commission a, en août 2004, effectué un audit auprès de MSD qui a conduit à un recouvrement de 4 472,30 euros.

10      À la suite d’une plainte déposée auprès de la Commission, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a, en mai 2005, diligenté une enquête externe auprès du requérant et auprès d’autres personnes ayant un rapport direct avec le projet pilote litigieux. Le 4 octobre 2006, l’OLAF a adopté son rapport final, dans lequel il a, eu égard à la constatation de plusieurs irrégularités sérieuses, proposé la suppression du concours communautaire et la récupération d’un montant de 995 527,70 euros. Ce rapport a été transmis au requérant le 20 octobre 2006. Le 18 janvier 2007, la Commission a notifié au requérant son intention d’engager la procédure prévue à l’article 24 du règlement n° 4253/88. Par lettre du 19 mars 2007, le requérant a contesté le rapport final de l’OLAF.

11      Ayant considéré que ces observations du 19 mars 2007 n’apportaient aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions du rapport final de l’OLAF, la Commission a, le 4 octobre 2007, adopté la décision C (2007) 4645 supprimant le concours octroyé par le FSE en faveur du CPEM par la décision C (1999) 2645, du 17 août 1999. En vertu de l’article 2 de cette décision, le requérant est redevable à la Commission de la somme de 995 527,70 euros, majorée, le cas échéant, d’intérêts de retard et due au plus tard à la date limite de paiement figurant sur la note de débit qui lui sera adressée (voir point 13 ci-après). La décision du 4 octobre 2007 a été notifiée au requérant le 5 octobre 2007.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2007, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation de la décision du 4 octobre 2007.

13      Le 17 décembre 2007, la Commission a émis la note de débit no 3240912189 pour un montant de 995 527,70 euros. Cette note de débit a été reçue par le requérant le 28 décembre 2007.

14      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 16 janvier 2008, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de la note de débit émise en application de la décision du 4 octobre 2007, et ce jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours en annulation susmentionné.

15      Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 29 janvier 2008, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        déclarer la demande en référé irrecevable ou, le cas échéant, non fondée et la rejeter ;

–        condamner le requérant aux dépens de l’instance.

16      Le 31 janvier 2008, le requérant a répondu par écrit aux observations de la Commission.

 En droit

17      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe l, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, étant précisé que l’article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal subordonne la recevabilité de toute demande de sursis à l’exécution d’un acte à ce que le demandeur ait attaqué ce même acte dans un recours au principal.

18      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et la jurisprudence citée).

19      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

20      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur la recevabilité de la demande en référé

21      Selon la Commission, la demande en référé est irrecevable dès lors qu’elle n’énonce pas les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi des mesures provisoires auxquelles elle conclut. Il ne suffirait pas, à cet effet, de renvoyer simplement aux moyens exposés dans la requête au principal, sans détailler les moyens effectivement invoqués dans la demande de mesures provisoires. Or, en l’espèce, l’allégation de l’existence d’un fumus boni juris se limiterait à de tels renvois, et il serait impossible de comprendre les griefs du requérant sans examiner la requête au principal.

22      Le requérant conteste que sa demande en référé se borne à renvoyer aux moyens exposés dans la requête au principal. En effet, cette demande contiendrait, au point 13, une présentation claire, brève et concise des moyens de contestation quant au fond, et ce de façon organisée, déroulée, classée et parfaitement compréhensible. Ainsi, elle serait conforme au point 69 des Instructions pratiques du Tribunal aux parties (JO 2007, L 232, p. 7), qui impose que l’objet du litige ainsi que les moyens de fait et de droit soient indiqués « d’une manière extrêmement brève et concise ». Par ailleurs, la Commission ne serait pas fondée à invoquer une « impossibilité de comprendre les griefs du requérant », étant donné qu’elle suit le dossier litigieux depuis longtemps et qu’elle connaît parfaitement les griefs soulevés par le requérant, d’autant plus que ce dernier l’a prévenue, dès octobre 2007, qu’il introduirait un recours visant à l’annulation de la décision du 4 octobre 2007.

23      À cet égard, il y a lieu de constater, d’abord, que le recours au principal est dirigé contre la décision du 4 octobre 2007, alors que la présente demande en référé vise à obtenir le sursis à l’exécution de la note de débit du 17 décembre 2007. Il n’en reste pas moins que les objectifs respectifs du recours au principal et de la demande en référé sont unis par un lien de cause à effet tel que la demande vise un acte impliqué par l’acte attaqué dans le recours (ordonnance du président de la première chambre de la Cour du 8 avril 1965, Gutmann/Commission, 18/65 R, Rec. p. 195, 197). Par conséquent, il convient d’interpréter la présente demande en référé comme visant au sursis à l’exécution tant de la décision du 4 octobre 2007 que de la note de débit du 17 décembre 2007 (ci-après dénommées ensemble la « décision attaquée »).

24      Ensuite il importe de rappeler que, aux termes de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, les demandes relatives à des mesures provisoires doivent spécifier « les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent » et que, en vertu du paragraphe 3 de cet article, une telle demande doit être présentée « par acte séparé et dans les conditions prévues aux articles 43 et 44 » du même règlement.

25      Une jurisprudence bien établie en a conclu qu’une demande en référé doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé (ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34 ; du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52 ; du 25 juin 2003, Schmitt/AER, T‑175/03 R, RecFP p. I‑A‑175 et II‑883, point 18, et du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37).

26      En l’espèce, s’agissant de la condition relative au fumus boni juris, il y a lieu de constater que la demande en référé se borne à exposer ce qui suit :

« [L]a note de débit est adressée au CPEM alors que les bordereaux de paiement étaient adressés à MSD. Selon la similitude des formes c’est celui qui a reçu les bordereaux de règlement qui doit recevoir les bordereaux de remboursement.

[L]a Commission Européenne et le rapport final d’OLAF à la base de la décision [attaquée] reposent en partie sur l’inexistence de la connaissance pratique par la Commission Européenne du fonctionnement du consortium CPEM-MSD considéré comme critiquable, ce qui paraît d’autant plus curieux lorsque l’on constate que la Commission a pris une décision attributive de subvention le 17 août 1999 […] au bénéfice du CPEM mais a versé les subventions à MSD. En ce sens OLAF dans le cadre de son rapport final s’étonne des articulations des rôles entre CPEM et MSD, en tirant griefs pour assurer sa position […], alors que ces articulations des rôles étaient connus et acceptés par la Commission européenne puisqu’elle payait directement MSD.

[L]’importance des erreurs de procédure lors de l’instruction et des éléments d’erreurs quant au fond soulevées dans la requête T‑444/07 contre la décision de redressement. »

27      Ensuite, la demande en référé reproduit, sur plus de trois pages, une sorte de table des matières qui se présente, par extraits, comme suit :

« A. Sur la forme de la procédure utilisée : violation des principes généraux du droit et des droits fondamentaux de la défense.

A-1 La confiscation du principe de présomption d’innocence: une enquête menée à charge, dans sa forme.

A-2 La confusion entre procédure de contrôle administratif, procédure pénale et procédure de lutte contre la fraude ; confusion dans la procédure l’OLAF, entre les procédures du règlement n° 2185/96 et les procédures d’enquêtes du règlement n° 2988/95.

A-2-1 Saisine d’un OPJ qui fait uniquement les photocopies.

A-2-2 Utilisation sur place, et en permanence, de la notion de ‘fraude’.

A-2-3 Utilisation mélangée des mots enquête et contrôle dans la même procédure […]

B. Sur le fond de la décision

B-1 Confusion par l’OLAF, et donc par la Commission dont la décision suit le rapport de l’OLAF, entre le droit des ASBL et le droit des associations en France ; méconnaissance grave de la notion française d’‘organisme à but non lucratif’.

B-2 Méconnaissance par OLAF de la notion de mise à disposition en droit français.

B-3 L’OLAF, service instructeur, oppose au CPEM la supériorité d’un Guide ‘du promoteur’ par rapport au contenu d’un règlement communautaire […] »

28      Au vu de ce qui précède, le juge des référés estime que l’argumentation développée par le requérant dans sa demande en référé ne permet pas d’apprécier le caractère à première vue fondé des moyens d’annulation invoqués dans le recours au principal.

29      Cette absence d’explication suffisante, dans la demande en référé, des motifs du recours au principal, constitutifs d’un fumus boni juris, ne saurait être compensée ni par les annexes volumineuses jointes à cette demande ni par la requête au principal déposée au greffe du Tribunal.

30      En effet, si la demande en référé peut être étayée et complétée sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande (voir, en ce sens, ordonnance Aden e.a./Conseil et Commission, précitée, point 52). En effet, il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes ou dans la requête au principal qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet la disposition du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance Stauner e.a./Parlement et Commission, précitée, point 37).

31      Si le requérant soutient que la Commission comprend parfaitement les griefs qu’il soulève en l’espèce, étant donné qu’elle instruit le dossier litigieux depuis longtemps, il convient toutefois de rappeler que le texte de la demande en référé doit, à lui seul, permettre, non seulement à la partie défenderesse de préparer utilement ses observations en défense, mais aussi au juge des référés de statuer en connaissance de cause sur ladite demande (voir point 25 ci-dessus). Or, ainsi qu’il vient d’être relevé, l’argumentation figurant dans la demande en référé ne permet pas au juge des référés de se prononcer, avec la célérité requise en la matière, sur la condition relative au fumus boni juris. Par conséquent, l’argument avancé par le requérant ne saurait être retenu.

32      Enfin, s’il est vrai que le point 69 des Instructions pratiques du Tribunal aux parties impose au requérant de rédiger la demande en référé d’une manière extrêmement brève et concise, il est non moins vrai que le point 68 des mêmes Instructions prévoit que « [l]a demande […] doit être compréhensible par elle-même, sans qu’il soit nécessaire de se référer à la requête dans l’affaire au principal ». Le requérant ne saurait donc utilement prétendre que la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus est en contradiction avec les Instructions pratiques aux parties.

33      Il résulte de ce qui précède que la présente demande en référé doit être déclarée irrecevable en ce que l’exposé des motifs qu’elle contient n’est pas conforme aux exigences de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure et ne permet pas au juge des référés de se prononcer sur la condition relative au fumus boni juris.

34      Dans les circonstances particulières du cas d’espèce, il y a toutefois lieu d’examiner, à titre surabondant, si, sur le fond, la condition relative à l’urgence apparaît remplie.

 Sur l’urgence

35      Renvoyant à des attestations établies par son trésorier, son expert-comptable et un commissaire aux comptes, le requérant fait valoir que sa trésorerie ne lui permet pas de rembourser la somme réclamée par la décision attaquée sans mettre en péril sa propre existence. L’exécution de la note de débit du 17 décembre 2007 conduirait donc à la cessation de l’activité de l’association requérante. Selon le requérant, la condition de l’urgence est ainsi remplie.

36      Selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T‑346/06 R, non encore publiée au Recueil, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 188, et du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 86].

37      Il est également de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Dans un tel cas de figure, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, le requérant se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure au principal (voir ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 84, et la jurisprudence citée).

38      Il a cependant été jugé que l’insolvabilité éventuelle d’une entreprise n’implique pas nécessairement que la condition relative à l’urgence soit remplie. En effet, dans le cadre de l’examen de la viabilité financière d’une entreprise, l’appréciation de sa situation matérielle peut être effectuée en prenant en considération, notamment, les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat, ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l’urgence n’est pas remplie malgré l’état d’insolvabilité prévisible de l’entreprise [voir ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑232/02 P(R), Rec. p. I‑8977, point 56, et la jurisprudence citée].

39      Dans ce contexte, il s’agit d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave au regard, notamment, du chiffre d’affaires et des caractéristiques du groupe auquel appartient l’entreprise concernée [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 23 mai 1990, Comos-Tank e.a./Commission, C‑51/90 R et C‑59/90 R, Rec. p. I‑2167, point 26, et du président du Tribunal du 19 juillet 2007, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07 R, non encore publiée au Recueil, points 196 et 203, et la jurisprudence citée].

40      Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui la contrôlent. Le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié également par rapport à la situation financière des personnes qui contrôlent l’entreprise. Cette coïncidence des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité (ordonnance HFB e.a./Commission, précitée, point 62 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 40, et du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T‑192/01 R, Rec. p. II‑3657, point 55).

41      Il convient d’ajouter que, lorsqu’un litige concerne une infraction aux règles de concurrence qui s’est réalisée à travers la décision d’une association d’entreprises et que, dans ce contexte, il est constaté que les intérêts objectifs de l’association ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui y adhèrent, l’intérêt de l’association à survivre ne peut être apprécié, par le juge des référés saisi d’une demande de sursis à l’exécution d’une décision de la Commission infligeant une amende à cette association, indépendamment de celui desdites entreprises. Admettre la thèse contraire reviendrait, en pratique, à faire systématiquement bénéficier d’un sursis à exécution toute association d’entreprises qui introduit un recours en annulation à l’encontre d’une décision de la Commission lui infligeant une amende calculée par rapport au chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des entreprises qui en sont membres. Or, une telle approche ne saurait être avalisée [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 23 mars 2001, FEG/Commission, C‑7/01 P(R), Rec. p. I‑2559, points 42 à 44].

42      En l’espèce, il est constant que le requérant n’est pas une entreprise exposée au libre jeu de la concurrence, mais une association sans but lucratif. La jurisprudence mentionnée aux points 39 et 41 ci-dessus ne saurait donc trouver une application directe. Il n’en reste pas moins que l’idée sous-jacente de cette jurisprudence est pertinente également pour les relations existant entre une association sans but lucratif et ses membres.

43      Il convient donc d’examiner si les intérêts objectifs, pécuniaires ou moraux, de l’association requérante, qui s’attachent à sa survie jusqu’à la clôture de la procédure au principal, présentent un caractère autonome par rapport à ceux de ses membres.

44      À cet égard, il y a lieu de constater que l’association requérante a pour objet de déceler et de favoriser l’initiative créatrice d’emplois par la création ou la reprise de petites entreprises et qu’elle apporte son soutien, notamment, par l’octroi d’aides financières sans garantie ni intérêt. À cette fin, elle ne dispose pas de patrimoine immobilier, son patrimoine mobilier étant constitué de mobilier courant de bureaux. Parmi les membres de l’association requérante figurent, notamment, des collectivités territoriales et des organismes financiers.

45      D’une part, il s’avère donc que l’association requérante ne possède pas de patrimoine propre qui, eu égard à son importance, pourrait mériter une protection indépendante de celle des intérêts patrimoniaux de ses membres. S’agissant des activités exercées, l’association requérante accomplit plutôt les fonctions d’une « antenne » des collectivités territoriales ou des organismes financiers, membres de l’association requérante, et rien ne semble s’opposer à ce que ces fonctions puissent être réalisées par l’un ou l’autre de ces membres ou, après une éventuelle dissolution du requérant, par une autre association qui serait à nouveau créée par les membres.

46      D’autre part, le requérant n’a produit aucun élément permettant de constater qu’il serait dépositaire, en tant qu’association, d’un intérêt moral particulier, qui serait digne d’une protection spécifique, distincte de celle des intérêts de ses membres.

47      Il y a donc lieu de conclure que, en présence d’une telle association « transparente », il existe une coïncidence objective d’intérêts entre ladite association et ses membres. Par conséquent, pour apprécier si, en cas d’exécution immédiate de la décision attaquée, le préjudice que subirait le requérant serait grave et irréparable, il convient de prendre également en considération la situation desdits membres.

48      Or, s’il est vrai que, aux termes de l’article 10 des statuts du requérant, dans leur rédaction du 29 juin 2006, le patrimoine de l’association requérante répond seul des engagements contractés au nom de celle-ci, sans qu’aucun des membres puisse être personnellement tenu responsable de ces engagements, cette clause limitative de responsabilité ne s’oppose pas à ce qu’il soit tenu compte, pour apprécier l’urgence au sens de la jurisprudence citée aux points 36 à 41 ci-dessus, de la situation financière des membres, notamment celle des organismes financiers, aux fins d’assurer la survie du requérant, soit en lui accordant des crédits, soit en fournissant des sûretés destinées à garantir le remboursement de tels crédits. À cet égard, force est de constater que le requérant n’a évoqué ni la possibilité ni la volonté de ses membres de s’engager financièrement en sa faveur.

49      L’intérêt des membres de l’association requérante au sort de cette dernière semble d’ailleurs, prima facie, assez faible, ainsi que le démontre notamment le fait que ceux-ci ne se soient jusqu’à présent pas réunis en assemblée générale pour discuter des conséquences à tirer de la décision du 4 octobre 2007. À cet égard, il y a lieu de relever que, dans son ordonnance FEG/Commission, précitée (point 46), le président de la Cour a jugé que même un refus unilatéral d’assistance exprimé par les membres d’une association d’entreprises ne saurait suffire à exclure la prise en compte de la situation financière de ces derniers. L’étendue du dommage allégué ne saurait en effet dépendre de la volonté unilatérale des membres de l’association qui sollicite le sursis à exécution, dans une situation où les intérêts de l’association et ceux des membres se confondent.

50      Du reste, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, le président du Tribunal a déjà jugé, dans l’ordonnance Aden e.a./Conseil et Commission, précitée (point 118), que le préjudice qui serait constitué par le fait pour une association de devoir cesser son activité ne saurait être considéré comme grave, dès lors que cette association est dépourvue de tout but lucratif. Ce raisonnement était manifestement fondé sur le caractère non lucratif des activités exercées par l’association en cause. Contrairement à la thèse défendue par le requérant, il ne saurait être cantonné au contexte spécifique de l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance, à savoir le gel de fonds dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international.

51      Enfin, si le requérant se prévaut du préjudice que subiraient, en cas de fermeture, ses employés, au nombre de huit, et les 200 porteurs de projets qu’il soutient, il est de jurisprudence bien établie que, afin d’établir que la condition relative à l’urgence est remplie, le requérant est obligé de démontrer que le sursis à exécution demandé est nécessaire à la protection de ses intérêts propres. En revanche, pour établir l’urgence, un requérant ne saurait invoquer une atteinte portée à un intérêt qui ne lui est pas personnel, telle, par exemple, une atteinte aux droits de tiers (voir ordonnance du président du Tribunal du 10 novembre 2004, Wam/Commission, T‑316/04 R, Rec. p. II–3917, point 28, et la jurisprudence citée). Dès lors, le préjudice subi par les employés du requérant et les porteurs de projets ne saurait utilement être invoqué pour étayer le caractère urgent du sursis à exécution demandé. En effet, il ne s’agit pas d’atteintes portées à des intérêts personnels du requérant [voir, en ce qui concerne le risque d’une perte d’emplois, ordonnances du président du Tribunal du 2 août 2006, Aughinish Alumina/Commission, T‑69/06 R, non publiée au Recueil, point 81, et Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, précitée, points 147 et 168].

52      Il résulte de tout ce qui précède que le requérant ne démontre pas, en l’état actuel, qu’il subirait un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution demandé n’était pas octroyé.

53      En conséquence, la demande en référé doit également être rejetée sur le fond pour défaut d’urgence.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 19 février 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.