Language of document : ECLI:EU:T:2003:73

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 mars 2003(1)

«Fonctionnaires - Décision d'ouverture d'une procédure disciplinaire - Décision portant rejet d'une demande de transfert à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies»

Dans l'affaire T-166/02,

José Pedro Pessoa e Costa, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Lisbonne (Portugal), représenté par Mes J.-N. Louis, É. Marchal et A. Coolen, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, assistés de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d'annulation, d'une part, de la décision de la Commission du 3 juillet 2001 d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant et, d'autre part, de la décision de la Commission du 23 juillet 2001 portant rejet de la demande du directeur de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies tendant au transfert du requérant vers cet organe,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 8 janvier 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 87 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«L'autorité investie du pouvoir de nomination peut prononcer la sanction d'avertissement et la sanction de blâme, sans consultation du conseil de discipline, sur proposition du supérieur hiérarchique du fonctionnaire ou de sa propre initiative. L'intéressé doit être préalablement entendu.

Les autres sanctions sont infligées par l'autorité investie du pouvoir de nomination après accomplissement de la procédure disciplinaire prévue à l'annexe IX. Cetteprocédure est engagée à l'initiative de l'autorité investie du pouvoir de nomination, l'intéressé ayant été préalablement entendu.»

2.
    L'article 88, cinquième alinéa, du statut se lit comme suit:

«[.] lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales pour [des] faits [dont il est allégué qu'ils constituent une faute grave], sa situation n'est définitivement réglée qu'après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive.»

Antécédents du litige

3.
    Le requérant, fonctionnaire de catégorie A à la Commission, a été nommé le 6 juillet 1990 à l'unité 3 «Régions du Portugal» de la direction B «Interventions dans les régions en retard de développement (Objectif n° 1): Grèce, Irlande, Irlande du Nord, Portugal» de la direction générale (DG) «Politique régionale» de la Commission.

4.
    Le 21 mars 2000, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a décidé de l'affecter à l'unité 2 «Portugal» de la direction D «Interventions en Autriche, Belgique, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal» de la DG «Politique régionale».

5.
    Le 9 juin 2000, le requérant a bénéficié d'un congé de convenance personnelle (ci-après le «CCP») pour la période comprise entre le 16 juillet 2000 et le 31 janvier 2001, destiné à lui permettre d'exercer des fonctions au sein du ministère de la Science et de la Technologie portugais. Ce CCP a été renouvelé, par décision de l'AIPN du 2 mars 2001, pour la période comprise entre le 1er février et le 30 juin 2001.

Antécédents relatifs au refus de transfert du requérant

6.
    Le 22 février 2001, l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) a publié l'avis de vacance OEDT/A5/2001/01 en vue de pourvoir au poste de coordinateur des activités de support administratif. Le requérant a posé sa candidature pour ce poste.

7.
    Le 7 mai 2001, le directeur de l'OEDT a informé le requérant que sa candidature avait été retenue et l'a invité à se présenter le 8 juin 2001 pour un entretien de sélection.

8.
    Le 5 juillet 2001, le directeur de l'OEDT a informé le requérant que celui-ci avait été «choisi comme la personne jugée la plus apte à occuper l'emploi [de coordinateur des activités de support administratif]» et que l'OEDT prendrait contact avec la Commission pour compléter la procédure de transfert.

9.
    Le 6 juillet 2001, le directeur de l'OEDT a informé le directeur général de la DG «Personnel et administration» de la Commission de sa décision d'offrir le poste concerné au requérant et lui a demandé de procéder au transfert de ce dernier à l'OEDT.

10.
    Le 23 juillet 2001, le directeur général de la DG «Personnel et administration» a répondu à la lettre du 6 juillet 2001 du directeur de l'OEDT en ces termes:

«[.]

Je suis au regret de ne pas pouvoir accéder à cette demande. En effet, en date du 3 juillet 2001, la Commission a ouvert une procédure disciplinaire à l'encontre de M. Pessoa e Costa. Cette décision faisait suite à la transmission par les autorités judiciaires portugaises des résultats d'une enquête judiciaire le concernant.

Je suis convaincu de pouvoir compter sur votre compréhension quant au fait qu'un transfert ne peut pas être envisagé tant que cette procédure disciplinaire reste ouverte.»

11.
    Le même jour, le requérant, ayant eu connaissance des objections émises par l'AIPN à l'égard de son transfert à l'OEDT, a écrit au directeur général de la DG «Personnel et administration» pour lui faire part de ses préoccupations à ce sujet.

12.
    Le 26 juillet 2001, le directeur général de la DG «Personnel et administration» a répondu au requérant en ces termes:

«J'ai bien reçu votre lettre du 23 juillet qui a retenu toute mon attention. Je vous assure de ma compréhension pour la situation difficile dans laquelle vous vous retrouvez.

À ce stade, je ne peux pas encore me prononcer sur votre lettre dans sa substance et je ne suis pas en mesure de vous recevoir.

Ceci dit, je peux vous informer que l'existence d'une procédure disciplinaire à votre égard ne me permet pas de donner mon accord à la demande de transfert de l'OEDT à ce stade. J'ai informé l'Observatoire de ce fait.

Votre CCP ayant expiré le 30 juin dernier, mes services ont pris note de votre souhait d'être réintégré sur un poste à la Commission. Les modalités prévues à l'article 40, paragraphe 4 d, du statut sont donc applicables [.]»

13.
    Par lettre du 30 août 2001, le directeur de l'OEDT a informé le requérant que, compte tenu du refus opposé à sa demande de transfert par le directeur général de la DG «Personnel et administration», il se voyait dans l'obligation de retirer l'offre d'emploi qui lui avait été présentée.

Antécédents relatifs à la procédure disciplinaire ouverte à l'encontre du requérant

14.
    En avril 1992, la Commission a été saisie d'une demande des autorités portugaises tendant à l'obtention d'un concours financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) pour un projet intitulé «Études et projets d'installation du complexe touristique Vale de Sonhos» (ci-après le «projet Vale de Sonhos»). Le requérant a été chargé de l'étude de ce dossier.

15.
    Par décision du 7 octobre 1992, la Commission a accordé un concours financier du FEDER d'un montant de 1 738 453 écus pour le projet Vale de Sonhos.

16.
    En 1996, l'unité de coordination de la lutte anti-fraude (UCLAF) de la Commission a procédé à un contrôle du projet Vale de Sonhos. À la suite de ce contrôle, la Commission a conclu à l'existence d'irrégularités et a demandé le remboursement de l'intégralité des sommes perçues au titre du concours FEDER pour le projet Vale de Sonhos.

17.
    Le 28 février 2001, le ministère public du district judiciaire de Lisbonne (Portugal) a émis une «ordonnance de classement/accusation» (ci-après l'«ordonnance du ministère public portugais»), dans laquelle le requérant est accusé, avec sept autres personnes physiques, de délit de fraude dans l'obtention de subsides et de délit de falsification de documents.

18.
    Le 7 mars 2001, l'ordonnance du ministère public portugais a été adressée au directeur du FEDER.

19.
    Dans un mémoire déposé le 2 avril 2001 au Tribunal d'instruction criminelle de Lisbonne, le requérant a nié les faits qui lui sont reprochés dans cette ordonnance.

20.
    Au début du mois d'avril 2001, l'ordonnance du ministère public portugais a été communiquée à l'unité 9 «Procédures disciplinaires et administratives» de la direction B «Droits et obligations; politique et actions sociales» de la DG «Personnel et administration» (ci-après l'«unité ADMIN B.9»).

21.
    Par lettre du 27 juin 2001, le chef de l'unité ADMIN B.9 a suggéré au directeur général de la DG «Personnel et administration» d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant pour les griefs de fraude et de falsification de documents.

22.
    Le 3 juillet 2001, le directeur général de la DG «Personnel et administration» a adressé au requérant une lettre libellée en ces termes:

«Je vous informe que, suite à l'acte d'inculpation du ministère public [du] district judiciaire de Lisbonne concernant le projet 'Vale de Sonhos' financé avec des fonds du FEDER, j'ai décidé de vous entendre au titre de l'article 87 du statut. J'aidésigné Mme de Solà, chef de l'unité ADMIN B.9 ('Procédures disciplinaires et administratives') qui vous entendra à cette fin.

Les griefs qui vous sont reprochés concernent la fraude et la falsification de documents qui vous ont conduit au manquement à vos obligations énoncées à l'article 11, premier alinéa, et qui ont [porté] atteint[e] à la dignité de vos fonctions, mentionnée à l'article 12, premier alinéa, du statut.

Je vous prie de bien vouloir prendre contact avec Mme Sagüès, fonctionnaire du service de Mme de Solà [.], dans les meilleurs délais, afin de fixer un rendez-vous pour votre audition, vous donner accès à votre dossier et vous informer de vos droits de défense, dans le cadre de cette procédure.»

23.
    Le 16 juillet 2001, le requérant a accusé réception de la lettre visée au point précédent.

24.
    Le 24 juillet 2001, le requérant a été entendu au titre de l'article 87 du statut.

25.
    Le 25 octobre 2001, le directeur général de la DG «Personnel et administration» a informé par écrit le requérant de sa décision de suspendre, conformément à l'article 88, cinquième alinéa, du statut, la procédure disciplinaire ouverte à son égard jusqu'à ce que la décision rendue par la juridiction nationale concernée soit devenue définitive.

Procédure précontentieuse

26.
    Le 16 octobre 2001, le requérant a introduit, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision de la Commission du 3 juillet 2001 relative à l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son égard et contre la décision de la Commission s'opposant à son transfert à l'OEDT.

27.
    La réclamation du requérant a fait l'objet d'une décision explicite de rejet le 12 février 2002.

Procédure

28.
    C'est dans ce contexte que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mai 2002, le requérant a introduit le présent recours.

29.
    Le 16 octobre 2002, le requérant a informé le Tribunal qu'il renonçait au dépôt d'un mémoire en réplique et a formulé une demande de traitement prioritaire en application de l'article 55, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

30.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédureprévues à l'article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties. Celles-ci ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

31.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 8 janvier 2003.

Conclusions des parties

32.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de l'AIPN du 3 juillet 2001 portant ouverture d'une procédure disciplinaire à son égard;

-    annuler la décision de l'AIPN rejetant la demande de transfert du requérant du 6 juillet 2001 émanant du directeur de l'OEDT;

-    condamner la partie défenderesse aux dépens.

33.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable en ce que celui-ci tente de remettre en cause sa décision du 3 juillet 2001 portant ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant et, en toute hypothèse, comme non fondé dans son intégralité;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur la recevabilité

34.
    La Commission soulève l'irrecevabilité du recours en ce que celui-ci est dirigé contre sa décision du 3 juillet 2001 portant ouverture d'une procédure disciplinaire contre le requérant. En substance, elle fait valoir que cette décision est un acte préparatoire, qui ne peut être attaqué que de manière incidente dans le cadre d'un recours dirigé contre la décision disciplinaire finale. Le requérant rétorque que la décision du 3 juillet 2001 affecte directement sa situation juridique et est donc un acte faisant grief au sens des articles 90 et 91 du statut étant donné que, d'une part, cette décision repose sur une allégation susceptible d'aboutir à une sanction disciplinaire et que, d'autre part, l'opposition de l'AIPN à son transfert à l'OEDT est motivée par l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son égard.

35.
    Le Tribunal rappelle que, en vertu de la jurisprudence, constituent des actes faisant grief au sens de l'article 91 du statut, susceptibles d'un recours en annulation, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (voir, notamment, arrêts du Tribunaldu 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T-586/93, Rec p. II-665, point 28, et du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T-562/93, RecFP p. I-A-247 et II-737, point 23).

36.
    Tel n'est pas le cas d'une décision, telle que celle en cause, portant ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire. Le but de cette décision est en effet de permettre à l'AIPN d'examiner la véracité et la gravité des faits reprochés au fonctionnaire concerné et d'entendre celui-ci à ce sujet, conformément à l'article 87 du statut, en vue de se forger une opinion, d'une part, quant à l'opportunité soit de clore sans suite la procédure disciplinaire soit d'adopter une sanction disciplinaire à l'encontre du fonctionnaire et, d'autre part, le cas échéant, quant à la nécessité de le renvoyer ou non, avant l'adoption de cette sanction, devant le conseil de discipline selon la procédure prévue à l'annexe IX du statut.

37.
    La décision de l'AIPN d'ouvrir une procédure disciplinaire n'est donc qu'une étape procédurale préparatoire. Elle ne préjuge pas la position finale de l'administration et ne saurait dès lors être regardée comme un acte faisant grief au sens de l'article 91 du statut (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 14 décembre 1993, Calvo Alonso-Cortès/Commission, T-29/93, Rec. p. II-1389, point 43). Elle ne peut par conséquent être attaquée que de façon incidente dans le cadre d'un recours dirigé contre une décision disciplinaire finale faisant grief au fonctionnaire (voir arrêt Kotzonis/CES, cité au point 35 ci-dessus, point 29) ou dans le cadre d'un recours dirigé contre un acte faisant grief puisant sa motivation en elle. À cet égard, il convient de souligner que l'irrecevabilité d'une demande d'annulation dirigée contre un acte ne faisant pas grief au sens de l'article 91 du statut n'interdit pas d'invoquer, à l'appui de conclusions dirigées contre une décision attaquable, l'illégalité éventuelle de cet acte (voir arrêt Kotzonis/CES, cité au point 35 ci-dessus, point 32).

38.
    Il s'ensuit que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'AIPN du 3 juillet 2001 portant ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant doivent être déclarées irrecevables. Le recours doit être jugé recevable pour le surplus.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du transfert du requérant à l'OEDT

39.
    Ces conclusions reposent sur trois moyens, pris, respectivement, de l'illégalité du fondement de la décision de l'AIPN portant refus de transférer le requérant à l'OEDT (ci-après la «décision de refus de transfert»), d'un défaut de motivation et d'un détournement de pouvoir.

Sur le premier moyen, pris de l'illégalité du fondement de la décision de refus de transfert

40.
    Dans le cadre de ce premier moyen, le requérant soutient que la décision de refus de transfert est illégale, étant donné qu'elle est fondée sur une décision illégale, à savoir la décision de l'AIPN du 3 juillet 2001 d'ouvrir une procédure disciplinaire le concernant. La Commission rétorque que cette dernière décision n'est entachée d'aucune illégalité, de sorte que le premier moyen doit être écarté.

41.
    À titre liminaire, le Tribunal relève qu'il ressort des lettres adressées par le directeur général de la DG «Personnel et administration», respectivement, le 23 juillet 2001 au directeur de l'OEDT (voir point 10 ci-dessus) et le 26 juillet 2001 au requérant (voir point 12 ci-dessus) que la décision de refus de transfert a été motivée par l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'égard du requérant à la suite des allégations de fraude et de falsification de documents contenues dans l'ordonnance du ministère public portugais communiquée à l'AIPN en avril 2001.

42.
    Dans ces conditions, s'il devait s'avérer que la décision d'ouverture de la procédure disciplinaire est entachée de l'une ou de l'autre des illégalités alléguées par le requérant, il y aurait lieu de conclure que la décision de refus de transfert repose sur un élément de justification affecté d'une illégalité et est dès lors elle-même illégale.

43.
    Il convient par conséquent d'examiner les arguments formulés par le requérant à l'encontre de la décision d'ouverture de la procédure disciplinaire. Ces arguments sont au nombre de cinq.

44.
    Le premier argument est pris d'une violation de l'article 88, cinquième alinéa, du statut. Le requérant soutient que cette disposition fait obstacle à l'ouverture d'une procédure disciplinaire lorsqu'une procédure pénale portant sur les mêmes faits est en cours.

45.
    Le Tribunal relève toutefois que la thèse du requérant repose sur une lecture erronée de l'article 88, cinquième alinéa, du statut. Il ressort en effet sans équivoque des termes mêmes de cette disposition, tels que ceux-ci ont été confirmés par l'arrêt du Tribunal du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission (T-74/96, RecFP p. I-A-129 et II-343, point 34), qu'il est interdit à l'AIPN de régler définitivement, sur le plan disciplinaire, la situation du fonctionnaire concerné en se prononçant sur des faits faisant concomitamment l'objet d'une procédure pénale, aussi longtemps que la décision rendue par la juridiction répressive saisie n'est pas devenue définitive.

46.
    En revanche, l'existence de poursuites pénales au plan national n'empêche pas l'AIPN d'ouvrir concomitamment une procédure disciplinaire portant sur les mêmes faits. En effet, ainsi qu'il a été exposé au point 36 ci-dessus, l'ouverture d'une procédure disciplinaire vise à permettre à l'AIPN d'enquêter sur les faits litigieux et d'entendre le fonctionnaire sur ces faits en vue de décider de la suite de la procédure. Elle ne préjuge en rien de la position finale de l'AIPN et ne constitue pas un règlement définitif de la situation du fonctionnaire sur le plan disciplinaire.Elle n'est pas, par conséquent, de nature à affecter la position du fonctionnaire en cause dans le cadre des poursuites pénales dont il fait parallèlement l'objet.

47.
    Ainsi que le souligne à juste titre l'AIPN dans sa décision de rejet de la réclamation, cette interprétation est confortée par le fait que, aux termes de l'article 7, deuxième alinéa, de l'annexe IX du statut, le conseil de discipline peut, en cas de poursuite devant un tribunal pénal, décider s'il y a lieu de surseoir à émettre son avis jusqu'à ce que soit intervenue la décision de ce tribunal. De cette disposition, il découle que le conseil de discipline peut, au titre de son pouvoir discrétionnaire, décider de rendre son avis en dépit de poursuites pénales en cours contre le fonctionnaire concerné. À plus forte raison, l'existence de telles poursuites ne saurait faire obstacle à l'ouverture d'une procédure disciplinaire par l'AIPN dont relève ce fonctionnaire.

48.
    L'obligation découlant pour l'AIPN de l'article 88, cinquième alinéa, du statut consiste uniquement à faire en sorte qu'un règlement définitif de la situation du fonctionnaire concerné n'intervienne pas au niveau disciplinaire aussi longtemps qu'une décision définitive n'a pas été rendue par les autorités répressives nationales sur les faits litigieux. En l'espèce, l'AIPN s'est conformée à cette obligation en suspendant, le 25 octobre 2001, la procédure disciplinaire ouverte à l'égard du requérant dans l'attente de la décision finale des autorités pénales portugaises (voir point 25 ci-dessus).

49.
    Il s'ensuit que l'allégation du requérant tirée d'une violation de l'article 88, cinquième alinéa, du statut doit être écartée.

50.
    Le deuxième argument est tiré d'une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut. Le requérant fait valoir que, contrairement à l'exigence énoncée par cette disposition, l'AIPN ne lui a pas communiqué par écrit et sans délai sa décision d'ouvrir une procédure disciplinaire à son égard.

51.
    Toutefois, à supposer que pèse sur l'administration une obligation de communiquer au fonctionnaire mis en cause sa décision d'ouverture d'une procédure disciplinaire motivée, le Tribunal relève que, si, certes, la lettre du 3 juillet 2001 adressée par le directeur général de la DG «Personnel et administration» au requérant et reçue par ce dernier le 16 juillet 2001 (voir points 22 et 23 ci-dessus) ne fait pas formellement allusion à une décision d'ouverture de la procédure disciplinaire, le requérant, qui fait lui-même constamment état dans ses écritures, notamment dans ses conclusions (voir point 12 ci-dessus), de la décision de l'AIPN du 3 juillet 2001 relative à l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son égard, a bien compris que les indications, contenues dans cette lettre, concernant la décision de l'AIPN de l'entendre prochainement au titre de l'article 87 du statut traduisaient une décision d'ouvrir une procédure disciplinaire à son égard.

52.
    Il convient d'ajouter que l'ordonnance du ministère public portugais contenant les allégations de fraude et de falsification de documents est parvenue à l'unitéADMIN B.9 en avril 2001 (voir point 20 ci-dessus). Au vu des griefs formulés dans cette ordonnance, le chef de ladite unité a, par lettre du 27 juin 2001, suggéré au directeur général de la DG «Personnel et administration» d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'égard du requérant (voir point 21 ci-dessus). La communication faite à ce dernier par la lettre du 3 juillet 2001 ne souffre, dans ces circonstances, aucune critique en termes de délai.

53.
    Il s'ensuit que l'argument tiré d'une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut doit être écarté.

54.
    Le troisième argument consiste à soutenir que la décision de l'AIPN d'ouvrir une procédure disciplinaire à son égard constitue une violation du principe de la présomption d'innocence au motif qu'elle repose exclusivement sur les accusations contenues dans un acte unilatéral du ministère public portugais, que le requérant a formellement contestées et qui n'ont, à ce jour, abouti à aucune mesure d'instruction judiciaire. En outre, l'AIPN n'aurait pas ouvert d'enquête à la suite du rapport rédigé par l'UCLAF en 1996.

55.
    Le Tribunal estime cependant que le principe de la présomption d'innocence, dont jouit toute personne aussi longtemps que sa culpabilité n'a pas été établie, ne saurait être considéré comme ayant été violé du simple fait que l'AIPN a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire portant sur les mêmes faits que ceux reprochés au requérant dans l'ordonnance du ministère public portugais.

56.
    Une violation du principe de la présomption d'innocence pourrait être constatée en présence d'éléments de nature à démontrer que l'AIPN avait décidé, dès le début de la procédure disciplinaire, d'infliger en tout état de cause une sanction disciplinaire au requérant, indépendamment des explications fournies par lui et de l'issue de la procédure pénale en cours au Portugal (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2002, Zavvos/Commission, T-21/01, non encore publié au Recueil, point 341). Toutefois, le requérant n'a fourni aucun élément de cette nature. Il s'ensuit que son argument selon lequel la décision d'ouverture de la procédure disciplinaire viole le principe de la présomption d'innocence doit être écarté.

57.
    Le quatrième argument est pris de violations de l'article 87 du statut, de la conclusion des chefs d'administration n° 103J/77 et des droits de la défense. Ces violations découleraient du fait que l'AIPN n'a pas entendu le requérant sur les accusations contenues dans l'ordonnance du ministère public portugais avant de décider d'ouvrir une procédure disciplinaire à son égard.

58.
    Le Tribunal souligne toutefois qu'il ressort sans équivoque de l'article 87 du statut que l'AIPN est tenue d'entendre le fonctionnaire concerné avant de prononcer une sanction d'avertissement ou de blâme, ou, dans l'hypothèse où elle envisagerait une sanction plus sévère, avant d'engager la procédure prévue à l'annexe IX du statut par un rapport saisissant le conseil de discipline. En revanche, l'exigence d'uneaudition du fonctionnaire préalable à la décision de l'AIPN d'ouvrir une procédure disciplinaire à son égard ne peut être déduite ni du libellé de l'article 87 du statut ni du droit fondamental reconnu à tout justiciable d'être entendu par les institutions communautaires au cours des procédures qui sont ouvertes contre lui et qui sont susceptibles d'aboutir à un acte lui faisant grief (arrêt du Tribunal du 17 février 1998, E/CES, T-183/96, RecFP p. I-A-67 et II-159, point 27).

59.
    Il importe, à cet égard, de rappeler qu'une décision d'ouverture d'une procédure disciplinaire ne constitue pas un acte faisant grief, de sorte que le principe du respect des droits de la défense ne saurait être utilement invoqué par le requérant pour critiquer le fait qu'il n'a pas été entendu avant que l'AIPN décide d'ouvrir une procédure disciplinaire à son égard.

60.
    Quant à la conclusion des chefs d'administration n° 103J/77, il convient de relever qu'elle concerne l'audition prévue à l'article 87 du statut. Il en ressort en effet que «[l]es chefs d'administration concluent à la possibilité pour l'AIPN d'autoriser la présence d'un défenseur du fonctionnaire lors de l'audition préalable prévue à l'article 87 du statut» (annexe 24 à la requête). Son invocation n'est donc d'aucune pertinence pour contester la légalité de la décision d'ouverture de la procédure disciplinaire.

61.
    À titre surabondant, le Tribunal constate que le requérant se borne à invoquer une violation de la conclusion visée au point précédent, sans s'expliquer sur les motifs de cette prétendue violation. Ainsi que la Commission le souligne à juste titre dans ses écritures, le requérant n'a fourni aucun élément de nature à démontrer qu'il a demandé à être assisté de son conseil pendant son audition du 24 juillet 2001 par l'AIPN et que cette requête a été rejetée.

62.
    Il s'ensuit que l'argument pris de violations de l'article 87 du statut, de la conclusion des chefs d'administration n° 103J/77 et des droits de la défense doit être écarté.

63.
    Le cinquième argument est tiré de violations du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude. Le requérant expose que, pour des raisons tenant à l'organisation judiciaire du district de Lisbonne, une décision définitive des autorités portugaises ne doit pas être attendue avant dix ans, ce qui, compte tenu de l'article 88, cinquième alinéa, du statut, est de nature à affecter, de manière inacceptable, sa carrière pendant une période excessivement longue. Il ajoute que, bien qu'il ait posé sa candidature à plus de 30 emplois de son grade correspondant à ses aptitudes, sa candidature n'a jamais été retenue. Parfois, il n'aurait même pas été donné suite à son acte de candidature.

64.
    À cet égard, le Tribunal constate que l'AIPN a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'égard du requérant à la suite de la communication de l'ordonnance du ministère public portugais comportant des éléments de nature à jeter la suspicion sur la probité du requérant. Le principe de bonne administration commandait de toute évidence que, en présence de tels éléments, l'AIPN entendevérifier le bien-fondé des griefs formulés à l'égard du requérant en ouvrant une procédure disciplinaire à son encontre.

65.
    S'agissant du devoir de sollicitude de l'administration à l'égard de ses agents, il ressort d'une jurisprudence constante que ledit devoir, qui reflète l'équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l'autorité publique communautaire et les agents du service public communautaire, implique notamment que, lorsqu'elle statue à propos de la situation d'un fonctionnaire, l'autorité prenne en considération l'ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l'intérêt du service, mais aussi de l'intérêt du fonctionnaire concerné (arrêt de la Cour du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes, 321/85, Rec. p. 3199, point 18; arrêts du Tribunal du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T-133/89, Rec. p. II-245, point 27, et du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T-33/89 et T-74/89, Rec. p. II-249, point 96).

66.
    Toutefois, en l'espèce, bien qu'il soit vrai que la décision d'ouverture de la procédure disciplinaire place le requérant dans une situation d'attente et d'incertitude, notamment quant à son avenir professionnel, cette décision ne saurait pour autant être regardée comme violant le devoir de sollicitude. L'intérêt des Communautés commandait en effet que, face à des allégations jetant le doute sur la probité d'un de ses fonctionnaires, la Commission prenne les mesures qui s'imposent afin de s'assurer du caractère irréprochable de la conduite professionnelle de celui-ci.

67.
    La circonstance, alléguée par le requérant, tirée de la longueur de l'incidence sur sa carrière professionnelle relève de pures conjectures, et il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas l'avoir prise en compte lors de l'adoption de la décision d'ouverture de la procédure disciplinaire. Il convient d'ajouter que l'origine de cette circonstance éventuelle serait à rechercher, non pas dans la décision d'ouverture de la procédure disciplinaire, mais dans la combinaison de deux autres éléments, à savoir, d'une part, le prétendu arriéré existant au Portugal dans le traitement des affaires pénales, dont la Commission ne saurait, de toute évidence, être tenue pour responsable, et, d'autre part, la décision de suspension de la procédure disciplinaire intervenue le 25 octobre 2001 conformément à l'article 88, cinquième alinéa, du statut, et dont la légalité n'est pas mise en cause dans cette affaire.

68.
    Quant à l'allégation du requérant tirée de rejets multiples de sa candidature en raison de l'existence d'une procédure disciplinaire ouverte à son égard, il convient de relever que le document joint à la requête à ce sujet ne permet pas d'étayer cette allégation. En effet, la liste, contenue dans ce document, des emplois auxquels le requérant se serait porté candidat après l'ouverture de la procédure disciplinaire à son égard n'est accompagnée d'aucune pièce justificative. En outre, elle ne comporte aucune indication sur les motifs des différents rejets de candidature allégués.

69.
    En tout état de cause, il eût été loisible au requérant de poursuivre l'annulation de ces prétendus rejets de candidature s'il estimait que ceux-ci avaient été, à tort, basés sur l'existence d'une procédure disciplinaire en cours à son égard. En revanche, quel que puisse être son bien-fondé, l'allégation du requérant mentionnée au point précédent ne saurait, pour les motifs exposés au point 66 ci-dessus, permettre de conclure à une violation du devoir de sollicitude en l'espèce.

70.
    Il convient donc de rejeter les allégations du requérant relatives à la non-conformité de la décision d'ouverture de la procédure disciplinaire au principe de bonne administration et au devoir de sollicitude.

71.
    Au terme de l'analyse qui précède (points 44 à 70), il y a lieu de conclure que le requérant n'a pas établi le caractère illégal de la décision de l'AIPN d'ouvrir une procédure disciplinaire à son égard.

72.
    Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, pris d'un défaut de motivation

73.
    Dans le cadre du deuxième moyen, le requérant soutient que la décision de refus de transfert est entachée d'un défaut de motivation.

74.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver une décision a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non bien fondée et, d'autre part, de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision (arrêt du Tribunal du 2 avril 1998, Apostolidis/Cour de justice, T-86/97, RecFP p. I-A-167 et II-521, point 73).

75.
    S'agissant d'une matière dans laquelle l'AIPN jouit d'un large pouvoir d'appréciation, la motivation doit faire ressortir les éléments essentiels ayant guidé l'administration dans sa décision, de manière à permettre à l'intéressé de connaître les justifications de la mesure prise et au juge communautaire d'opérer son contrôle (voir arrêt de la Cour du 14 juillet 1983, Nebe/Commission, 176/82, Rec. p. 2475, point 21; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T-13/95, RecFP p. I-A-167 et II-503, point 74).

76.
    En l'espèce, il convient de souligner que le statut ne confère aucun droit à un transfert interinstitutionnel, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être transférés (arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, Gutiérrez de Quijano y Llorens/Parlement, T-140/94, RecFP p. I-A-241 et II-689, point 57). L'administration dispose par conséquent d'un large pouvoir d'appréciation lors de l'examen d'une demande de transfert d'un de ses fonctionnaires, de sorte que le contrôle du juge communautaire est limité à la question de savoir si elle s'est tenue dans des limites non critiquables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée.

77.
    À la lumière de la jurisprudence mentionnée aux points 74 et 75 ci-dessus, le Tribunal considère que, lorsque l'administration prend une décision portant, comme dans la présente affaire, refus de réserver une suite favorable à une demande de transfert d'un fonctionnaire, elle doit indiquer les éléments essentiels justifiant ce refus et, à ce titre, rendre visible la mise en balance des intérêts en présence à laquelle elle doit avoir procédé pour l'adoption d'une telle mesure et ce afin qu'il puisse être vérifié si, dans cet exercice de pondération, elle est demeurée dans des limites non critiquables et n'a pas usé de son pouvoir d'appréciation de manière manifestement erronée.

78.
    En l'espèce, par sa lettre du 26 juillet 2001 adressée au requérant (voir point 12 ci-dessus), le directeur général de la DG «Personnel et administration» a informé celui-ci du fait que «l'existence d'une procédure disciplinaire à [son] égard ne [lui] permet[tait] pas de donner [son] accord à la demande de transfert de l'OEDT à ce stade.» Dans la décision de rejet de la réclamation, l'AIPN a fait valoir que, «compte tenu de la transmission par les autorités judiciaires portugaises de poursuites pénales concernant M. Pessoa e Costa et eu égard à l'ouverture d'une procédure disciplinaire» à son égard, elle estimait ne pas pouvoir faire droit à la demande de l'OEDT.

79.
    De telles indications, par lesquelles la Commission se borne à invoquer l'ouverture envers le requérant d'une procédure disciplinaire consécutive aux poursuites pénales dont celui-ci fait l'objet au Portugal, ne satisfont pas aux exigences de l'obligation de motivation (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C-76/00 P, non encore publié au Recueil, point 86; voir également arrêt Kyrpitsis/CES, cité au point 75 ci-dessus, points 69, 72 et 73). En effet, elles ne comportent aucun élément d'explication de nature à permettre au requérant et au juge communautaire de savoir si, et dans quelle mesure, le refus opposé à la demande de transfert adressée par l'OEDT à la Commission repose sur une évaluation des différents intérêts en présence.

80.
    Certes, dans la lettre mentionnée au point 78 ci-dessus, le directeur général de la DG «Personnel et administration» affirme que les préoccupations exprimées par le requérant dans sa lettre du 23 juillet 2001 ont retenu toute son attention et l'assure de sa compréhension pour la situation difficile traversée par celui-ci (voir point 12 ci-dessus). Toutefois, de telles indications sont trop vagues pour permettre de vérifier dans quelle mesure les intérêts du requérant ont été effectivement pris en compte lors de l'adoption de la décision de refus de transfert.

81.
    Certes, il est également constant entre les parties qu'un entretien téléphonique a eu lieu le 20 juillet 2001 entre le requérant et le chef de l'unité ADMIN B.9, au cours duquel ce dernier a informé le premier de l'intention de l'AIPN de s'opposer à la demande de transfert formulée par l'OEDT. Toutefois, le dossier ne contient aucune indication sur le contenu de cet entretien, qui puisse éclairer le point de savoir si et comment les intérêts personnels du requérant ont été mis en balance avec ceux que l'AIPN entend préserver dans cette affaire. Il convient d'ajouter qu'ilressort de la lettre mentionnée au point 78 ci-dessus que le directeur général de la DG «Personnel et administration» a estimé à l'époque ne pas être en mesure de recevoir le requérant (voir point 12 ci-dessus), ce qui n'aide pas à la clarification du point susvisé.

82.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, ainsi qu'à l'audience, la Commission a exposé que la raison principale pour laquelle l'existence d'une procédure pénale et disciplinaire à l'égard du requérant l'a conduite à s'opposer à la demande de transfert de l'OEDT tient à son souci de conserver son autorité disciplinaire dans cette affaire étant donné que les faits allégués dans l'ordonnance du ministère public portugais se seraient produits alors que le requérant était à son service.

83.
    Toutefois, le Tribunal constate que cette justification du lien établi par l'AIPN entre l'existence d'une procédure pénale et disciplinaire à l'égard du requérant et le refus opposé à la demande de transfert de l'OEDT n'a été rendue visible qu'au stade de la procédure judiciaire. En outre, sans contester la légitimité de la préoccupation de l'AIPN, il relève que les indications visées au point précédent éclairent, certes, sur les intérêts de l'institution que l'AIPN a entendu sauvegarder en s'opposant à la demande de transfert de l'OEDT, mais elles ne permettent pas de vérifier si, et de quelle manière, lesdits intérêts ont été mis en balance avec ceux du requérant, dont la situation professionnelle est - à la différence de celle du fonctionnaire en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Apostolidis/Cour de justice (cité au point 74 ci-dessus) - susceptible d'être irrémédiablement affectée par la décision de refus de transfert en ce que celle-ci a pour effet de le priver de l'offre ferme qui lui fut faite en juillet 2001 d'occuper le poste de coordinateur des activités de support administratif de l'OEDT, alors que les griefs formulés dans l'ordonnance du ministère public portugais, bien que graves, n'ont à ce stade fait l'objet d'aucune instruction visant à en vérifier le bien-fondé.

84.
    Par ailleurs, le fait que, dans sa lettre du 23 juillet 2001 adressée au directeur de l'OEDT, le directeur général de la DG «Personnel et administration» s'est dit «convaincu de pouvoir compter sur [la] compréhension [de celui-ci] quant au fait qu'un transfert ne [pouvait] pas être envisagé tant que cette procédure disciplinaire rest[ait] ouverte» (voir point 10 ci-dessus) ne permet pas de savoir si et dans quelle mesure les intérêts de l'OEDT, auteur de la demande de transfert, ont été pris en compte lors de l'adoption de la décision de refus de transfert. Aucun élément du dossier ne fait en outre ressortir que l'envoi de la lettre susvisée a été précédé d'un contact entre l'AIPN et l'OEDT qui puisse éclairer sur la manière dont les intérêts de ce dernier ont, le cas échéant, été évalués dans cette affaire.

85.
    Les éléments fournis par la Commission en réponse à la question écrite du Tribunal font, certes, apparaître que celle-ci, estimant que la prudence lui imposait de ne pas se limiter à informer l'OEDT des accusations graves pesant sur le requérant, a «cru devoir prendre ses responsabilités envers l'OEDT» en refusant le transfert de l'intéressé. Toutefois, outre le fait qu'ils n'ont été rendus visibles par l'AIPN qu'au stade de la procédure judiciaire, ils ne permettent pas de vérifier si,et dans quelle mesure, l'AIPN a, au moment de prendre la décision de refus de transfert, pris en compte l'intérêt de l'OEDT à disposer de la personne jugée la plus apte, au terme de la procédure de sélection organisée par celui-ci, à occuper le poste concerné (voir point 8 ci-dessus).

86.
    Il ressort de l'analyse qui précède (points 78 à 85) que, ni au cours de la procédure administrative ni durant la procédure devant le Tribunal, la Commission n'a fourni les explications suffisantes pour permettre au requérant et au juge communautaire de vérifier si la décision de refus de transfert repose sur une mise en balance équilibrée des différents intérêts en présence et si l'AIPN a pu, sans excéder les limites de son pouvoir d'appréciation ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que ladite décision constituait la mesure la plus appropriée compte tenu de ces différents intérêts.

87.
    La décision de refus de transfert ne satisfait dès lors pas à l'obligation de motivation et il y a lieu, dans ces conditions, d'accueillir le deuxième moyen.

88.
    Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres arguments soulevés par le requérant, il convient par conséquent d'annuler la décision de refus de transfert.

Sur les dépens

89.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

90.
    En l'espèce, le requérant a succombé en ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'AIPN du 3 juillet 2001 portant ouverture d'une procédure disciplinaire à son égard, mais il a obtenu gain de cause sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de transfert.

91.
    Dans ces conditions, le Tribunal fera une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera, outre ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par le requérant et que ce dernier supportera l'autre moitié de ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 23 juillet 2001 portant rejet de la demande du directeur de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies tendant au transfert du requérant vers cet organe est annulée.

2)    Le recours est rejeté comme étant irrecevable pour le surplus.

3)    La Commission supportera, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par le requérant.

4)    Le requérant supportera la moitié de ses dépens.

Lenaerts
Azizi

Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mars 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: le français.