Language of document : ECLI:EU:T:2003:76

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

19 mars 2003 (1)

«Concurrence - Accord entre membres d'une conférence maritime et compagnies maritimes indépendantes - Taxes et surtaxes - Base juridique - Règlement (CEE) n° 4056/86 - Règlement (CEE) n° 1017/68 - Marché pertinent - Preuve de l'infraction - Prescription - Amende»

Dans l'affaire T-213/00,

CMA CGM, établie à Marseille (France),

Cho Yang Shipping Co. Ltd, établie à Séoul (Corée du Sud),

Evergreen Marine Corp. Ltd, établie à Taipei, Taiwan (Chine),

Hanjin Shipping Co. Ltd, établie à Taipei,

Hapag-Lloyd Container Linie GmbH, établie à Séoul,

Kawasaki Kisen Kaisha Ltd, établie à Tokyo (Japon),

Malaysia International Shipping Corporation Berhad, établie à Kuala Lumpur (Malaisie),

Mitsui OSK Lines Ltd, établie à Tokyo,

Neptune Orient Lines Ltd, établie à Singapour (Singapour),

Nippon Yusen Kaisha, établie à Tokyo,

Orient Overseas Container Line Ltd, établie à Wanchai (Hong-kong),

P & O Nedlloyd Container Line Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

Senator Lines GmbH, venant aux droits de DSR-Senator Lines GmbH, établie à Brême (Allemagne),

Yangming Marine Transport Corp., établie à Taipei,

représentées initialement par Mes J. Pheasant, C. Barlen, M. Levitt, D. Waelbroeck et U. Zinsmeister, puis par Mes Pheasant, Levitt, Waelbroeck et Zinsmeister, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. P. Oliver et E. Gippini Fournier, puis par M. Oliver, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 2000/627/CE de la Commission, du 16 mai 2000, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE [affaire IV/34.018 - Far East Trade Tariff Charges and Surcharges Agreement (FETTCSA)], (JO L 268, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 2 mai 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), s'appliquait, à l'origine, à l'ensemble des activités couvertes par le traité CEE. Toutefois, considérant que, dans le cadre de la politique commune des transports, et compte tenu des aspects spéciaux de ce secteur, il se révélait nécessaire d'arrêter une réglementation de la concurrence différente de celle prise pour les autres secteurs économiques, le Conseil a adopté le règlement n° 141/62, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement n° 17 au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751).

1. Règlement n° 1017/68

2.
    Le 19 juillet 1968, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 1017/68 portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1).

3.
    L'article 1er du règlement n° 1017/68 prévoit que ce dernier s'applique, dans le domaine des transports par voie de chemin de fer, par route et par voie navigable, aux accords, décisions et pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet «la fixation des prix et conditions de transport, la limitation ou le contrôle de l'offre de transport, la répartition des marchés de transport, l'application d'améliorations techniques ou la coopération technique, le financement ou l'acquisition en commun de matériel ou de fournitures de transport directement liés à la prestation de transport pour autant que cela soit nécessaire pour l'exploitation en commun d'un groupement d'entreprises de transport par route ou par voie navigable tel que défini à l'article 4 ainsi qu'aux positions dominantes sur le marché des transports». En vertu de cette même disposition, le règlement n° 1017/68 s'applique également «aux opérations des auxiliaires de transport qui ont le même objet ou les mêmes effets que ceux prévus ci-dessus».

4.
    Selon l'article 2 du règlement n° 1017/68:

«Sous réserve des dispositions prévues aux articles 3 à 6, sont incompatibles avec le marché commun et interdits, sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet, tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à:

a)    fixer de façon directe ou indirecte les prix et conditions de transport ou d'autres conditions de transaction,

[...]»

5.
    L'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1017/68 prévoit toutefois:

«L'interdiction édictée par l'article 2 ne s'applique pas aux accords, décisions et pratiques concertées qui ont seulement pour objet et pour effet l'application d'améliorations techniques ou la coopération technique par:

[...]

c)    l'organisation et l'exécution de transports successifs, complémentaires, substitutifs ou combinés ainsi que l'établissement et l'application de prix et conditions globaux pour ces transports, y compris les prix de concurrence;

[...]

g)    l'établissement de règles uniformes concernant la structure et les conditions d'application des tarifs de transport pour autant qu'elles ne fixent pas les prix et conditions de transport.»

6.
    Aux termes de l'article 5 du règlement n° 1017/68:

«L'interdiction de l'article 2 peut être déclarée inapplicable avec effet rétroactif,

-    à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

-    à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises,

-    à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent

-    à améliorer la qualité des services de transport, ou

-    à promouvoir, sur les marchés qui sont soumis à de fortes fluctuations dans le temps de l'offre et de la demande, une meilleure continuité et stabilité dans la satisfaction des besoins de transport, ou

-    à augmenter la productivité des entreprises, ou

-    à promouvoir le progrès technique ou économique

en prenant en considération, dans une mesure équitable, les intérêts des utilisateurs de transport et sans

a)    imposer aux entreprises de transport intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

b)    donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle du marché de transport en cause, d'éliminer la concurrence.»

7.
    Le règlement n° 1017/68 détermine également les modalités d'application des règles de fond susvisées. Ce règlement permet, en particulier, aux entreprises de conclure et d'appliquer des accords sans avoir à les notifier à la Commission, en les exposant au risque de nullité rétroactive au cas où ces accords viendraient à être examinés sur la base d'une plainte ou d'une saisine d'office de la Commission, mais sans préjudice de la possibilité pour ces accords d'être déclarés licites rétroactivement dans l'hypothèse d'un tel examen a posteriori (article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1017/68). Les entreprises qui désirent se prévaloir des dispositions de l'article 5 peuvent toutefois, en vertu de l'article 12 du règlement n° 1017/68, adresser une demande en ce sens à la Commission.

2. Règlement (CEE) n° 4056/86

8.
    Le 22 décembre 1986, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4056/86 déterminant les modalités d'application des articles [81] et [82] du traité aux transports maritimes (JO L 378, p. 4).

9.
    L'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 précise que ce dernier «ne vise que les transports maritimes internationaux au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté [...]».

10.
    L'article 2, paragraphe 1, dudit règlement prévoit toutefois:

«L'interdiction édictée par l'article [81], paragraphe 1, du traité ne s'applique pas aux accords, décisions et pratiques concertées qui ont seulement pour objet et pour effet de mettre en oeuvre les améliorations techniques ou la coopération technique par:

[...]

c)    l'organisation et l'exécution de transports maritimes successifs ou complémentaires ainsi que la fixation ou l'application de prix et conditions globaux pour ces transports;

[...]

f)    l'établissement ou l'application de règles uniformes concernant la structure et les conditions d'application des tarifs de transport.»

11.
    Au septième considérant du règlement n° 4056/86, le Conseil expose que ces accords, décisions et pratiques concertées de caractère technique peuvent être soustraits à l'interdiction des ententes «parce qu'ils ne sont pas, en règle générale, restrictifs de concurrence».

12.
    L'article 3 du règlement n° 4056/86 prévoit, par ailleurs, une exemption par catégorie en faveur des «accords, décisions et pratiques concertées de tout ou partie des membres d'une ou de plusieurs conférences maritimes, ayant comme objectif la fixation des prix et des conditions de transport». Par conférence maritime, il faut entendre, selon l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, «un groupe d'au moins deux transporteurs exploitants de navires qui assure des services internationaux réguliers pour le transport de marchandises sur une ligne ou des lignes particulières dans des limites géographiques déterminées et qui a conclu un accord ou un arrangement, quelle qu'en soit la nature, dans le cadre duquel ces transporteurs opèrent en appliquant des taux de fret uniformes ou communs et toutes autres conditions de transport concertées pour la fourniture des services réguliers».

13.
    Le règlement n° 4056/86 permet aux entreprises de conclure et d'appliquer des accords sans devoir les notifier à la Commission, en les exposant au risque de nullité rétroactive au cas où ces accords viendraient à être examinés sur la base d'une plainte ou d'une saisine d'office de la Commission, mais sans préjudice de la possibilité pour ces accords d'être déclarés licites rétroactivement dans l'hypothèse d'un tel examen a posteriori (article 11, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86). Les entreprises qui désirent se prévaloir des dispositions de l'article 81, paragraphe 3, du traité peuvent toutefois, en vertu de l'article 12 du règlement n° 4056/86, adresser une demande à la Commission en ce sens.

Faits à l'origine du litige

14.
    Les requérantes sont des compagnies maritimes qui ont participé au Far East Trade Tariff Charges and Surcharges Agreement (ci-après le «FETTCSA» ou l'«accord FETTCSA»). Le FETTCSA est un accord entre compagnies desservant les routes maritimes entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, daté du 5 mars 1991, entré en vigueur le 4 juin 1991 et auquel il a été mis fin le 10 mai 1994. Le FETTCSA n'a pas été notifié à la Commission.

15.
    Le FETTCSA regroupait à l'origine, d'une part, quatorze membres de la Far Eastern Freight Conference (ci-après la «FEFC»), à savoir la conférence maritime active entre l'Europe du Nord et l'Asie du Sud-Est et de l'Est, en cause dans la décision 94/985/CE de la Commission, du 21 décembre 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CE (IV/33.218 - Far Eastern Freight Conference) (JO L 378, p. 17) ayant fait l'objet de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission (T-86/95, Rec. p. II-1011), et, d'autre part, six compagnies maritimes indépendantes de la FEFC.

16.
    Les membres de la FEFC parties au FETTCSA étaient Ben Line Container Holdings Ltd, Compagnie générale maritime (ci-après «CGM»), East Asiatic Company, Hapag-Lloyd AG, Kawasaki Kisen Kaisha (ci-après «K Line»), A.P. Møller-Maersk Line (ci-après «Maersk»), Malaysia International Shipping Corporation Bhd (ci-après «MISC»), Mitsui OSK Lines Ltd (ci-après «MOL»), Nedlloyd Lijnen BV (ci-après «Nedlloyd»), Neptune Orient Lines Ltd (ci-après «NOL»), Nippon Yusen Kaisha (ci-après «NYK»), Orient Overseas Container Line Ltd (ci-après «OOCL»), P & O Containers Ltd (ci-après «P&O») et Polish Ocean Line (ci-après «POL»). Les compagnies indépendantes parties au FETTCSA étaient Cho Yang Shipping Co. Ltd (ci-après «Cho Yang»), Deutsche Seereederei Rostock (ci-après «DSR»), Evergreen Marine Corp (Taiwan) Ltd (ci-après «Evergreen»), Hanjin Shipping Co. Ltd (ci-après «Hanjin»), Senator Linie GmbH & Co. KG (ci-après «Senator Lines») et Yangming Marine Transport Corp. (ci-après «Yangming»).

17.
    Selon son article 2, le FETTCSA avait pour objet:

-    la définition par les parties de normes sectorielles pour le calcul et la fixation des taxes et surtaxes au moyen de procédures communes,

-    l'utilisation d'un mécanisme commun pour le calcul et la fixation des taxes et surtaxes autres que celles couvrant le transport maritime et l'acheminement terrestre.

18.
    Les taxes et les surtaxes visées par le FETTCSA sont des suppléments tarifaires s'ajoutant au fret maritime facturés par les compagnies maritimes aux chargeurs pour couvrir certains coûts, notamment ceux résultant de la fluctuation des taux de change ou du prix du combustible et ceux liés à la manutention de conteneurs dans les ports ou les terminaux. Il est constant que les taxes et surtaxes représentent une partie significative du prix total du transport maritime, pouvant atteindre jusqu'à 60 % de celui-ci sur le trafic ouest-est.

19.
    Le 1er mars 1991, le secrétariat de la FEFC a informé la Commission de la réunion qui devait se tenir à Singapour le 5 mars 1991 entre des représentants de la FEFC et des compagnies maritimes indépendantes de celle-ci en vue de la conclusion du FETTCSA.

20.
    Le 25 mars 1991, le secrétariat de la FEFC a confirmé à la Commission qu'un accord de principe «au sujet d'un mécanisme uniforme pour le calcul et la fixation des taxes et surtaxes autres que celles couvrant le transport maritime et l'acheminement intérieur» avait été conclu le 5 mars 1991.

21.
    Le 15 juillet 1991, le Conseil des chargeurs européens («the European Shippers' Councils», ci-après l'«ESC») a déposé plainte à l'encontre de l'accord FETTCSA auprès de la Commission.

22.
    Le 28 septembre 1992, la Commission a fait part au secrétariat du FETTCSA de son appréciation juridique préliminaire au sujet de l'accord FETTCSA du 5 mars 1991. La Commission a exprimé le point de vue selon lequel cet accord tombait sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, CE et ne constituait pas une entente technique au sens de l'article 2 du règlement n° 4056/86. Elle a dès lors suggéré aux parties au FETTCSA de lui notifier cet accord en vertu de l'article 12 du règlement n° 4056/86.

23.
    Le 19 avril 1994, la Commission a adressé aux parties au FETTCSA une communication des griefs qui conclut que le FETTCSA, d'une part, ne relève pas de la notion d'entente technique telle que définie à l'article 2 du règlement n° 4056/86 et à l'article 3 du règlement n° 1017/68 et, d'autre part, est contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 2 du règlement n° 1017/68, en ce qu'il contient les accords restrictifs de concurrence suivants: un accord interdisant les rabais, un accord sur le taux de change, un accord concernant le calcul des taxes et surtaxes et un accord d'échange d'informations. La communication des griefs conclut, par ailleurs, que ces accords restrictifs de concurrence ne peuvent être exemptés ni collectivement au titre de l'article 3 du règlement n° 4056/86, ni individuellement au titre de l'article 81, paragraphe 3, CE ou de l'article 5 du règlement n° 1017/68. En l'absence de notification, la communication des griefs annonce, en outre, l'intention de la Commission d'infliger des amendes.

24.
    Le 16 septembre 1994, les parties au FETTCSA ont transmis à la Commission leur réponse à la communication des griefs. Cette réponse contient en annexe le texte définitif d'une déclaration d'adhésion reprenant la liste des principes de droit de la concurrence pertinents en l'espèce que les parties au FETTCSA ne contestent pas. Parallèlement, les parties au FETTCSA ont poursuivi diverses démarches auprès de la Commission en vue d'une clôture éventuelle de la procédure.

25.
    Le 24 mars 1995, la Commission a envoyé au représentant du FETTCSA une demande d'informations en vue d'obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant les années 1993 et 1994.

26.
    Le 8 août 1995, en raison des divergences de vue subsistant avec les parties au FETTCSA au sujet des faits pertinents, la Commission a informé le représentant du FETTCSA de son intention d'adopter une décision formelle. Dans ce contexte, la Commission a demandé au représentant du FETTCSA si les parties au FETTCSA étaient disposées à ne pas contester les allégations factuelles retenues contre elles.

27.
    Il est constant que, à la suite de cette dernière demande de la Commission, plus aucune correspondance écrite n'a été échangée entre la Commission et les parties au FETTCSA avant le 30 juin 1998, date à laquelle la Commission a adressé au représentant du FETTCSA une nouvelle demande de renseignements visant à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant l'année 1997.

28.
    Le 11 octobre 1999, la Commission a adressé au représentant du FETTCSA une demande de renseignements visant à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant l'année 1998.

29.
    Le 16 mai 2000, la Commission a arrêté, sur la base des règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86, la décision 2000/627/CE, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE [IV/34.018 - Far East Trade Tariff Charges and Surcharges Agreement (FETTCSA)] (JO L 268, p. 1, ci-après la «décision» ou la «décision attaquée»).

Décision attaquée

30.
    Aux termes de la décision attaquée, il est reproché aux parties au FETTCSA d'avoir conclu un accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taux publiés de taxes et surtaxes (ci-après, également, les «suppléments»), que ceux-ci soient publiés dans le cadre d'un tarif de la FEFC ou par un transporteur à titre individuel (considérant 133 de la décision attaquée). Selon la Commission, ledit accord est consigné dans le compte rendu de la réunion des parties au FETTCSA qui s'est tenue le 9 juin 1992 (considérants 33 à 39 de la décision attaquée).

31.
    Les taxes et surtaxes visées par l'accord sont décrites à l'annexe II de la décision (voir, également, considérants 28 à 30, 37, 42 à 53 et 126 à 130). Les principales taxes et surtaxes en cause sont les suivantes:

-    le coefficient d'ajustement de soutage («Bunker Adjustment Factor», ci-après le «BAF»): il est constant que le BAF comprend les ajustements du prix pratiqués par le transporteur pour refléter l'écart entre le prix courant du combustible et un niveau de base incorporé au taux de fret;

-    le coefficient d'ajustement monétaire («Currency Adjustment Factor», ci-après le «CAF»): il est constant que le CAF est une pondération applicable à chacune des monnaies constituant le panier CAF, qui comprend les monnaies dans lesquelles chaque compagnie perçoit ses revenus et supporte ses dépenses, et dont l'objet est de compenser les fluctuations de taux de change entre la monnaie dans laquelle le transporteur facture le transport au chargeur et les monnaies dans lesquelles il encourt ses coûts;

-    les taxes de manutention au terminal («Terminal Handling Charges», ci-après les «THC»): l'annexe II de la décision décrit les THC comme les taxes payées par les chargeurs pour a) la réception et le stockage, par le transporteur, des marchandises conteneurisées destinées à l'exportation ou des marchandises destinées à être mises en conteneur au terminal, ainsi que leur remise pour chargement sur le navire, b) la réception, par le transporteur, des marchandises conteneurisées importées se trouvant sur les navires, leur stockage au terminal ou leur sortie du terminal et c) les documents relatifs aux opérations citées aux points a) et b);

-    les taxes de mise en conteneur de groupage («Less-than-Container-Load Service Charges», ci-après les «LCLSC»): il est constant que les LCLSC sont les taxes payées par les chargeurs pour a) la réception, par le transporteur, au centre de groupage, des marchandises exportées occupant moins d'un conteneur et devant être regroupées par conteneur, puis leur stockage et leur manutention conformément aux instructions du transporteur, b) la réception, par le transporteur, de marchandises importées en conteneur de groupage, ainsi que leur stockage et leur manutention avant remise au transporteur routier et c) les documents relatifs aux opérations citées aux points a) et b);

-    les taxes d'immobilisation: l'annexe II de la décision les décrit comme les taxes imposées pour l'immobilisation des marchandises et/ou des équipements au-delà de la période de franchise autorisée pour la réception des marchandises au port, au terminal ou au parc à conteneurs;

-    les surestaries: l'annexe II de la décision les décrit comme les taxes payées par les chargeurs lorsqu'ils conservent les conteneurs ou les châssis du transporteur au-delà de la période de franchise prévue.

32.
    Les autres taxes et surtaxes qui font l'objet de l'accord visé par la décision incluent la prime pour équipements spéciaux, la surtaxe pour risques de guerre, les taxes pour levage hors normes, les destinations optionnelles, le déroutement, la modification des conditions de livraison et les colis d'une valeur supérieure au montant normal de l'indemnité payable par le transporteur selon le connaissement (considérant 37 de la décision attaquée).

33.
    En ce qui concerne les règles de concurrence applicables, la décision constate que les taxes et les surtaxes en cause concernent des services de transport maritime qui relèvent du champ d'application du règlement n° 4056/86, des services de transport terrestre par chemin de fer, par route et par voie navigable (ou des services annexes) qui relèvent du règlement n° 1017/68 et des services qui ne relèvent ni de l'un ni de l'autre de ces deux règlements et auxquels est, par conséquent, applicable le règlement n° 17 (considérants 123 et 126 à 130 de la décision attaquée).

34.
    La Commission expose dès lors qu'elle a appliqué, en l'espèce, les procédures en vigueur en vertu des règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86 (considérant 124 de la décision attaquée). Ainsi, la Commission indique que, même dans l'hypothèse où elle n'aurait pas identifié correctement le ou les règlement(s) applicable(s) à chacune des taxes et surtaxes, les parties ont bénéficié des garanties procédurales offertes par tous les règlements éventuellement applicables (considérant 124 de la décision attaquée).

35.
    Selon la Commission, le marché à prendre en considération aux fins de l'évaluation de l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais conclu par les parties au FETTCSA (ci-après également, l'«accord en cause») est celui «des services réguliers de transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient» (considérant 55 de la décision attaquée).

36.
    Au terme de son analyse quant au fond, la Commission conclut que l'accord en cause restreint la concurrence par les prix en infraction à l'article 81, paragraphe 1, sous a), CE et à l'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68, même si les parties ne s'entendent pas sur le niveau de leurs prix publiés (considérants 131 à 144 de la décision attaquée).

37.
    La Commission constate également que les activités auxquelles les parties se sont livrées dans le cadre du FETTCSA allaient au-delà de ce qui est compatible avec la notion d'«entente technique», au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86 et de l'article 3 du règlement n° 1017/68, et que l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais n'était pas une entente technique (considérants 145 à 161 de la décision attaquée).

38.
    En ce qui concerne l'application de l'article 81, paragraphe 3, CE, la Commission conclut que l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 n'est pas applicable, car ni le FETTCSA proprement dit ni l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais ne sont des accords ou des arrangements dans le cadre desquels les parties opèrent en appliquant des taux uniformes ou communs. En conséquence, les parties ne constituent pas une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86 (considérant 162 de la décision attaquée).

39.
    Quant à la possibilité d'une exemption individuelle, en dépit du fait qu'aucun accord convenu dans le cadre du FETTCSA n'a fait l'objet d'une demande d'exemption individuelle, la Commission examine, eu égard à l'obligation qui lui incombe en application de l'article 11, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86 et de l'article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1017/68, si les conditions de son octroi sont remplies. Au terme de son examen, elle conclut toutefois que l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais ne remplit pas les conditions prévues par l'article 81, paragraphe 3, CE (considérants 163 à 174 de la décision attaquée) et que le FETTCSA ne remplit pas les conditions prévues par l'article 5 du règlement n° 1017/68 (considérant 175 de la décision attaquée).

40.
    L'infraction constatée ayant, selon la décision attaquée, été commise de propos délibéré, cette dernière inflige une amende à chacune des parties au FETTCSA, en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 et de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 (considérants 176 à 207 de la décision attaquée).

41.
    Le dispositif de la décision se lit comme suit:

«Article premier

L'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes, conclu entre les entreprises qui étaient signataires du [...] (FETTCSA) et qui sont destinataires de la présente décision, constitue une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 2 du règlement [...] n° 1017/68.

Article 2

Les conditions d'applicabilité de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE et de l'article 5 du règlement [...] n° 1017/68 ne sont pas remplies.

Article 3

Les entreprises destinataires de la présente décision sont tenues de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou de toute pratique concertée ayant un objet ou un effet identique ou similaire à l'infraction visée à l'article 1er.

Article 4

Les amendes dont le montant est indiqué ci-dessous sont infligées aux entreprises destinataires de la présente décision.

CMA CGM SA

134 000 EUR

Hapag-Lloyd Container Linie GmbH

368 000 EUR

Kawasaki Kisen Kaisha Limited

620 000 EUR

A.P. Møller-Maersk Sealand

836 000 EUR

Malaysia International Shipping Corporation

Berhad

134 000 EUR

Mitsui O.S.K. Lines Ltd

620 000 EUR

Neptune Orient Lines Ltd

368 000 EUR

Nippon Yusen Kaisha

620 000 EUR

Orient Overseas Container Line Ltd

134 000 EUR

P&O Nedlloyd Container Line Ltd

1 240 000 EUR

Cho Yang Shipping Co., Ltd

134 000 EUR

DSR-Senator Lines GmbH

368 000 EUR

Evergreen Marine Corp. (Taïwan) Ltd

368 000 EUR

Hanjin Shipping Co., Ltd

620 000 EUR

Yangming Marine Transport Corp.

368 000 EUR»

Procédure et conclusions des parties

42.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2000, les requérantes ont introduit le présent recours en annulation.

43.
    Faisant suite à une demande des requérantes datée du 28 mars 2001, le Tribunal les a invitées, par lettre du 4 avril 2001, à déposer des observations écrites complémentaires au sujet de la pertinence de l'arrêt de la Cour du 15 février 2001, Autriche/Commission (C-99/98, Rec. p. I-1101). Les requérantes ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations le 25 avril 2001. Les observations de la Commission à cet égard figurent dans son mémoire en duplique.

44.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, invité les parties à produire certaines pièces et à répondre à des questions écrites. Les parties ont déféré à ces demandes.

45.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 2 mai 2002.

46.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision dans sa totalité ou, à titre subsidiaire, à tout le moins dans la mesure où elle a été adoptée sur le fondement des règlements n° 17 et n° 1017/68;

-    annuler les amendes qui leur ont été infligées ou, à titre subsidiaire, réduire le montant de celles-ci;

-    condamner la Commission aux dépens.

47.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner les requérantes aux dépens.

En droit

48.
    Les requérantes avancent six moyens à l'appui de leur recours. Le premier moyen est tiré d'une base juridique de la décision attaquée erronée et d'une violation des droits de la défense sur ce point. Le deuxième moyen est tiré d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68. Le troisième moyen est tiré d'une absence ou d'une erreur de définition des marchés concernés. Le quatrième moyen est relatif aux amendes. Le cinquième moyen est tiré de la prescription. Le dernier moyen est tiré de la violation de l'obligation de motivation sur certains des points évoqués dans certains autres moyens.

1. Sur le moyen tiré d'une erreur de base juridique de la décision attaquée et d'une violation des droits de la défense sur ce point

49.
    Les requérantes allèguent que, dans la mesure où elle a été adoptée sur la base des règlements n° 17 et n° 1017/68, la décision attaquée est fondée sur une base juridique erronée. Elles font également valoir que leurs droits de la défense sur ce point ont été violés.

Sur la base juridique de la décision attaquée

a) Arguments des parties

50.
    Les requérantes estiment que la décision attaquée contient une interprétation erronée des règlements sur la base desquels elle a été adoptée. Elles soutiennent que les taxes et surtaxes faisant l'objet de la décision attaquée relèvent intégralement du règlement n° 4056/86 et que c'est, dès lors, à tort que la Commission s'est fondée cumulativement sur les règlements n° 4056/86, n° 1017/68 et n° 17.

51.
    Les requérantes font valoir, tout d'abord, que le FETTCSA constituait un accord portant uniquement sur les taxes et surtaxes maritimes. Le FETTCSA n'habiliterait pas les parties à discuter des taxes et surtaxes relatives à des opérations terrestres.

52.
    Les requérantes exposent, par ailleurs, que la notion de «transports maritimes» à laquelle se réfère l'article 1er, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 4056/86 n'exclut nullement l'application du règlement à certaines opérations terrestres. Ainsi, elles font observer que l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86 vise des accords relatifs à certaines opérations terrestres lorsqu'il se réfère à «a) l'établissement ou l'application uniforme de normes ou de types pour [...] les installations fixes»; «b) l'échange ou l'utilisation en commun, pour l'exploitation des transports, [...] d'installations fixes»; «e) le groupement d'envois isolés». Les requérantes se réfèrent, en outre, à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86, qui prévoit que les tarifs doivent énoncer les conditions relatives au chargement et au déchargement et préciser les services couverts par toute redevance autre que le fret maritime.

53.
    En conséquence, les requérantes estiment que, sauf en ce qui concerne le BAF, pour lequel la Commission a conclu, à juste titre, qu'il relève du règlement n° 4056/86, l'analyse effectuée par la Commission au sujet de la réglementation applicable à chacune des autres taxes et surtaxes en cause est erronée pour les raisons exposées ci-après.

54.
    En premier lieu, en ce qui concerne le CAF, les requérantes estiment que la Commission a conclu à tort qu'il relève des règlements n° 4056/86, n° 17 et n° 1017/68, dans la mesure où il est appliqué au prix, respectivement, du transport maritime, des services portuaires et de l'acheminement intérieur. Les requérantes soulignent que, pendant la période où le FETTCSA était en vigueur, elles n'ont appliqué le CAF qu'à leurs taux maritimes. Les requérantes attirent en outre l'attention sur le fait que, par définition, un CAF ne peut être appliqué qu'à des taxes facturées dans la monnaie dans laquelle sont libellés les tarifs maritimes, à savoir le dollar des États-Unis (USD). Or, le transport terrestre et les services portuaires étant facturés en monnaie locale, aucun CAF ne pourrait leur être appliqué, puisqu'il n'y a, dans ce cas, aucune fluctuation de taux de change susceptible d'être compensée.

55.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les THC, les requérantes allèguent que la Commission conclut erronément qu'elles ne relèvent pas du règlement n° 4056/86, mais du règlement n° 17 ou du règlement n° 1017/68.

56.
    S'agissant des faits, les requérantes soulignent tout d'abord que, contrairement à ce qu'indique la décision attaquée, les THC ne recouvrent pas la réception des marchandises destinées à être mises en conteneur, le stockage des conteneurs et la sortie des conteneurs du terminal. En effet, alors que la première opération relèverait des LCLSC, la seconde serait, après l'écoulement d'une certaine période, frappée de surestaries. Les requérantes expliquent ensuite qu'elles ont uniquement appliqué des THC sur des opérations effectuées dans la zone portuaire en rapport avec le chargement des marchandises sur le navire ou leur déchargement de celui-ci. En outre, pour la fixation du niveau des THC, le coût de l'acheminement terrestre ne serait pas pris en considération. Enfin, le niveau des THC ne varierait pas selon que le transporteur maritime fournit ou non le transport terrestre.

57.
    S'agissant du droit, les requérantes soutiennent que, dans la mesure où les THC couvrent des activités «connexes» à la prestation de service de transport maritime et «indispensables» à cette prestation, il résulte de l'arrêt du Tribunal du 6 juin 1995, Union internationale des chemins de fer/Commission (T-14/93, Rec. p. II-1503), qu'elles relèvent exclusivement du règlement n° 4056/86. La Commission elle-même aurait d'ailleurs reconnu, dans le cadre de procédures parallèles (affaire Compagnia di navigazione marittima, C-339/95, radiée, et arrêt Compagnie générale maritime e.a./Commission, cité au point 15 ci-dessus) que le chargement et le déchargement de navires est un élément essentiel du transport maritime et qu'il fait partie intégrante de ce dernier. La décision attaquée serait dès lors entachée d'erreurs de droit en ce que: premièrement, elle n'identifie pas les activités «connexes et indispensables» au transport terrestre sur lesquelles les THC porteraient; deuxièmement, elle conclut que les opérations de manutention ne relèvent pas du règlement n° 4056/86 au motif qu'il ne s'agit pas de «services de transport maritime à proprement parler» (considérant 128) alors que la taxation par une compagnie maritime d'une opération de manutention relève nécessairement, sans qu'il convienne d'avoir égard à la nature du service concerné, de la fourniture de transport maritime; troisièmement, elle se réfère à tort à la décision 98/190/CE de la Commission, du 14 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article [82] du traité (IV/34.801 FAG - Flughafen Frankfurt/Main AG) (JO L 72, p. 30), dans la mesure où la question de l'offre de services de piste aux transporteurs aériens, pour lesquels la Commission a conclu qu'ils relevaient du règlement n° 17, est distincte de la question de la couverture du coût de ces services au moyen de taxes et redevances à payer au transporteur par le passager ou le propriétaire de la cargaison.

58.
    En troisième lieu, en ce qui concerne les LCLSC, les requérantes considèrent que la Commission a erronément conclu qu'elles étaient susceptibles de relever des règlements n° 17 et n° 1017/68, mais non du règlement n° 4056/86. Selon les requérantes, l'analyse de la Commission est entachée des mêmes erreurs de droit que celles affectant l'analyse des THC. En particulier, les requérantes répètent qu'il importe peu que les opérations auxquelles se rapportent les LCLSC ne constituent pas des services maritimes «à proprement parler», dès lors que les opérations en question sont connexes et indispensables aux prestations de services de transport maritime. Or, les activités de groupage constituent un élément essentiel du transport maritime par conteneur. Sachant que les coûts de la manutention et du chargement ou du déchargement des marchandises au port auraient, depuis le début du système des conférences, toujours été couverts par des taxes fixées en commun par les compagnies et inclus dans les tarifs des conférences, il y aurait lieu de considérer un accord relatif aux coûts de la mise en oeuvre d'activités équivalentes en vue d'un transport conteneurisé comme faisant partie intégrante des opérations maritimes relevant du règlement n° 4056/86. Selon les requérantes, si une taxe de mise en conteneur de groupage peut, comme le reconnaît la Commission, relever du règlement n° 1017/68 dans la mesure où elle est appliquée au transport terrestre, elle devrait également être susceptible de relever du règlement n° 4056/86 dans la mesure où elle est appliquée au transport maritime. Les requérantes soulignent, à cet égard, que l'article 2, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 4056/86, retient dans son champ d'application les accords entre transporteurs concernant le «groupement d'envois isolés».

59.
    Quatrièmement, en ce qui concerne les taxes d'immobilisation et les surestaries pour lesquelles la Commission a conclu à l'application éventuelle des règlements n° 17 et n° 1017/68, mais non du règlement n° 4056/86, les requérantes relèvent, en premier lieu, que la décision attaquée confond ces deux types de taxes. Les requérantes précisent que la surestarie est une taxe imposée au destinataire du conteneur pour non-enlèvement de ce dernier au port ou au terminal dans les délais convenus, tandis que la taxe d'immobilisation est une taxe imposée au chargeur et/ou au destinataire du conteneur pour la détention de conteneurs qui lui ont été délivrés dans ses locaux, au-delà des délais convenus pour le chargement ou le déchargement. Ces taxes ne correspondraient donc pas à un service ou à une opération fournie par le transporteur mais seraient destinées à compenser les coûts ou les pertes subis par le transporteur à la suite du retard pris par le client pour prendre livraison des marchandises ou restituer le conteneur. En conséquence, il serait dépourvu de pertinence de soutenir, comme le fait la Commission, que ces taxes ne se rapportent pas à des services de transport maritime «à proprement parler». Les requérantes concluent que, par définition, ces taxes se rapportent directement au transport maritime et à la livraison des marchandises, de sorte qu'elles relèvent nécessairement du règlement n° 4056/86.

60.
    Selon les requérantes, l'utilisation d'une base juridique erronée justifie en tant que telle que la décision attaquée soit annulée - dans sa totalité ou en partie - sans qu'il soit nécessaire d'avoir égard aux éventuelles conséquences pratiques découlant de l'erreur commise par la Commission. Il ressortirait des arrêts de la Cour du 28 mai 1998, Parlement/Conseil (C-22/96, Rec. p. I-3231), et du 5 octobre 2000, Allemagne/Parlement et Conseil (C-376/98, Rec. p. I-8419), dans lesquels la Cour a annulé les directives contestées en raison de leur base juridique erronée, que l'existence de «conséquences pratiques» ne serait nullement une condition requise pour l'annulation d'un acte adopté sur une base légale erronée. À cet égard, l'arrêt Union internationale des chemins de fer/Commission, cité au point 57 ci-dessus, invoqué par la Commission, ne serait pas pertinent, étant donné que, dans cet arrêt, le Tribunal, bien que se référant aux conséquences procédurales négatives résultant du choix d'une base légale erronée, n'aurait pas jugé que lesdites conséquences sont une condition nécessaire à l'annulation de l'acte entaché de ce vice. Par ailleurs, l'arrêt rendu par la Cour sur pourvoi le 11 mars 1997, Commission/UIC (C-264/95 P, Rec. p. I-1287), n'indiquerait nullement que la Cour aurait considéré la base juridique erronée retenue par la Commission comme ne constituant pas un vice suffisant justifiant l'annulation.

61.
    En tout état de cause, les requérantes estiment que le choix erroné de la base juridique de la décision attaquée a entraîné des conséquences pratiques négatives pour elles.

62.
    Premièrement, elles relèvent que la décision attaquée leur a infligé des amendes sur la base des règlements n° 1017/68 et n° 17. Or, dans la mesure où la décision attaquée se fonderait erronément sur ces règlements, les amendes qu'elle inflige seraient dépourvues de toute base juridique. Il importerait peu à cet égard que la décision attaquée soit également fondée sur le règlement n° 4056/86. En effet, les requérantes estiment que, si la Commission s'est trompée en concluant que l'accord en cause relève des règlements n° 17 et/ou n° 1017/68, il en découle que chaque disposition de la décision attaquée prise en vertu de ces règlements est dépourvue de base légale. En conséquence, lesdits règlements ne donneraient pas de base légale aux dispositions de la décision attaquée, incluant la constatation d'infractions, l'injonction d'y mettre fin et l'application d'amendes, en ce qui concerne les taxes et les surtaxes pour lesquelles la Commission a conclu erronément qu'elles relèvent des règlements n° 17 et/ou n° 1017/68. Selon les requérantes, les amendes infligées doivent être annulées au moins dans cette mesure et il est sans importance que la Commission fonde d'autres parties de la décision attaquée sur le règlement n° 4056/86.

63.
    Deuxièmement, les requérantes font observer que, si la décision attaquée devenait un élément de l'acquis communautaire, les opérateurs de transport maritime de ligne ne pourraient plus se prévaloir de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86 pour leurs accords sur les taxes et surtaxes et seraient ainsi dans l'obligation de les notifier en vue d'une exemption individuelle conformément aux règlements n° 17 et n° 1017/68.

64.
    Troisièmement, les requérantes soutiennent que, dans la mesure où les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86 traduisent des orientations différentes en matière de politique économique et de législation, il ne peut être présumé que l'évaluation d'un accord au regard des règlements n° 1017/68 ou n° 17 inclut une juste appréciation de l'ensemble des éléments pertinents pour une analyse de l'accord au regard du règlement n° 4056/86 et de son contexte économique et pratique.

65.
    Pour l'ensemble de ces raisons, les requérantes affirment que les articles 1er et 2 de la décision attaquée doivent être annulés dans leur totalité ou, à tout le moins, partiellement dans la mesure où ils sont fondés sur les règlements n° 17 et n° 1017/68. Dans ce dernier cas, les requérantes sollicitent, en outre, l'annulation des amendes qui leur sont infligées par la décision attaquée, dans la mesure où elles l'ont été en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68. En effet, selon les requérantes, l'annulation du fondement juridique sur lequel repose l'application d'une amende doit conduire à l'annulation de cette amende, puisque celle-ci est alors dépourvue de base juridique. Étant donné qu'il ressortirait de la décision attaquée que les amendes ont été infligées en application des trois règlements conjointement, probablement à parts égales, les requérantes estiment qu'il convient d'annuler ces amendes à hauteur des deux tiers de leur montant.

66.
    À titre individuel, Senator Lines expose encore que l'erreur de droit commise par la Commission justifie en soi l'annulation de la décision attaquée. Elle fait valoir que la Commission a violé le principe de légalité des sanctions inscrit à l'article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et consacré par la jurisprudence communautaire (notamment, arrêt de la Cour du 25 septembre 1984, Könecke, 117/83, Rec. p. 3291).

67.
    La Commission conclut au rejet de l'argumentation des parties tirée d'une erreur de la base juridique.

b) Appréciation du Tribunal

68.
    Il convient, tout d'abord, de rappeler que, aux termes de son préambule, la décision attaquée a été adoptée sur le fondement du règlement n° 17, notamment de son article 3, paragraphe 1, et de son article 15, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68, notamment de son article 11, paragraphe 1, et de son article 22, paragraphe 2, et du règlement n° 4056/86, notamment de son article 11, paragraphe 1, et de son article 19, paragraphe 2.

69.
    Il y a lieu de relever, ensuite, que, au considérant 123 de la décision attaquée, la Commission expose que «les taxes et les surtaxes couvertes par le FETTCSA concernent des services de transport maritime qui relèvent du champ d'application du règlement [...] n° 4056/86, des services de transport terrestre par chemin de fer, par route et par voie navigable (ou des services annexes) qui relèvent du champ d'application du règlement [...] n° 1017/68 et des services qui ne relèvent ni de l'un ni de l'autre de ces deux règlements et auxquels est par conséquent applicable le règlement n° 17».

70.
    Enfin, il convient de constater que, aux considérants 125 à 130 de la décision attaquée, la Commission examine dans quelle mesure les différents règlements pertinents s'appliquent aux principales taxes et surtaxes en cause. Les conclusions de la Commission à cet égard sont les suivantes:

-    «comme le BAF concerne le transport maritime, tout accord restrictif s'y rapportant relève du champ d'application du règlement [...] n° 4056/86» (considérant 126);

-    «dans la mesure où un CAF est appliqué aux prix du transport maritime, des services portuaires et de l'acheminement intérieur, tout accord restrictif dont il fait l'objet relève respectivement du règlement [...3] n° 4056/86, du règlement [...] n° 17 et du règlement [...] n° 1017/68» (considérant 127);

-    «tout accord restrictif concernant [la THC] relève [...], au moins en partie, du champ d'application du règlement n° 17 et non du règlement [...] n° 4056/86. Dans la mesure où un accord portant sur la [THC] a pour objet ou pour effet la fixation des taux et conditions applicables à l'acheminement terrestre, c'est le règlement [...] n° 1017/68 qui sera applicable et non le règlement n° 17» (considérant 128);

-    «tout accord restrictif [se rapportant à la LCLSC] relève [...] du champ d'application du règlement n° 17 et non du règlement [...] n° 4056/86. Dans la mesure où un accord portant sur la [LCLSC] a pour objet ou pour effet la fixation des taux et conditions applicables à l'acheminement terrestre, c'est le règlement [...] n° 1017/68 et non le règlement n° 17 qui sera applicable» (considérant 129);

-    «tout accord restrictif dont [les taxes d'immobilisation et les surestaries] font l'objet relève [...] du champ d'application du règlement n° 17 et non du règlement [...] n° 4056/86. Dans la mesure où un accord portant sur les taxes d'immobilisation et les surestaries a pour objet ou pour effet la fixation des taux et conditions applicables à l'acheminement terrestre, c'est le règlement [...] n° 1017/68 et non le règlement n° 17 qui sera applicable» (considérant 130).

71.
    Les requérantes font valoir que la décision attaquée devait exclusivement être fondée sur le règlement n° 4056/86, et non cumulativement sur ce dernier et les règlements n° 17 et n° 1017/68, parce que chacune des taxes et surtaxes précitées relève du seul règlement n° 4056/86. Selon les requérantes, le recours erroné aux règlements n° 17 et n° 1017/68 en tant que base juridique de la décision attaquée doit entraîner l'annulation de cette dernière.

72.
    Il y a lieu d'observer que, pour définir le règlement applicable aux taxes et surtaxes couvertes par l'accord en cause visé par la décision attaquée, il convient de déterminer le règlement applicable aux services faisant l'objet desdites taxes et surtaxes. Les taxes et les surtaxes relèvent en effet du champ d'application des règlements qui sont susceptibles de s'appliquer aux services auxquels lesdites taxes et surtaxes se rapportent. C'est dès lors à juste titre que, au considérant 123, la Commission a constaté que les taxes et les surtaxes qui concernent des services de transport maritime relèvent du champ d'application du règlement n° 4056/86, celles qui concernent des services de transport terrestre par chemin de fer, par route et par voie navigable ou des services annexes relèvent du règlement n° 1017/68 et celles qui concernent des services qui ne relèvent ni de l'un ni de l'autre de ces deux règlements relèvent du règlement n° 17.

73.
    En vue de déterminer le règlement applicable aux services faisant l'objet des taxes et surtaxes en cause, il importe d'examiner lesdits services à la lumière des dispositions délimitant le champ d'application des règlements concernés (arrêt Compagnie générale maritime e.a./Commission, cité au point 15 ci-dessus, point 260).

74.
    En l'espèce, dès lors que les requérantes allèguent que les taxes et surtaxes couvertes par l'accord en cause relèvent toutes intégralement du champ d'application du règlement n° 4056/86, et non des règlements n° 17 et n° 1017/68, il convient de déterminer la mesure dans laquelle la décision attaquée exclut l'application du règlement n° 4056/86 aux taxes et surtaxes en cause puis d'examiner si, en excluant l'application du règlement n° 4056/86 à celles-ci, la Commission a commis une erreur de droit.

75.
    S'agissant de l'application du règlement n° 4056/86 aux taxes et surtaxes en cause, il convient d'abord d'observer qu'il est constant entre les parties que le BAF relève du champ d'application dudit règlement.

76.
    Il importe ensuite de relever, s'agissant du CAF, que, si la décision attaquée envisage, aux termes du considérant 127, l'application éventuelle des règlements n° 17 et n° 1017/68 dans la mesure où le CAF s'applique aux prix, respectivement, des services portuaires et des services de transport terrestre, la Commission conclut, par ailleurs, aux termes dudit considérant, que le CAF relève du règlement n° 4056/86 dans la mesure où il est appliqué aux prix du transport maritime. Il en résulte que, quand bien même la Commission a supposé une application distributive des règlements concernés, elle a formellement envisagé l'application du règlement n° 4056/86 au CAF. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'avoir égard aux critiques des requérantes concernant l'application erronée des règlements n° 17 et n° 1017/68 au CAF, il convient de constater que l'erreur éventuellement commise par la Commission sur ce point ne saurait être de nature à vicier la décision attaquée.

77.
    Enfin, contrairement à ce que soutient la Commission, s'agissant des THC, il ne saurait être déduit de l'affirmation, au considérant 128 de la décision attaquée, selon laquelle tout accord restrictif concernant cette taxe relève, «au moins en partie, du champ d'application du règlement n° 17 et non du règlement [...] n° 4056/86», que ladite décision consacre l'application partielle du règlement n° 4056/86 auxdits suppléments. En effet, il ressort à l'évidence de ce passage de la décision attaquée que l'expression «en partie» se réfère non à l'application du règlement n° 4056/86, mais à celle du règlement n° 17. Cette interprétation est confirmée par la phrase suivante du même considérant, laquelle indique que, dans la mesure où l'accord sur les THC a pour objet ou pour effet la fixation des taux et conditions applicables à l'acheminement terrestre, «c'est le règlement [...] n° 1017/68 qui sera applicable et non le règlement n° 17».

78.
    Par conséquent, il ressort des considérants 126 à 130 de la décision attaquée que la Commission a exclu l'application du règlement n° 4056/86 uniquement en ce qui concerne les THC, les LCLSC, les taxes d'immobilisation et les surestaries.

79.
    Il convient dès lors de vérifier si, en excluant l'application du règlement n° 4056/86 à ces taxes et surtaxes, la Commission a commis une erreur de droit.

80.
    À cet égard, il convient de rappeler que le choix de la base juridique d'un acte ne peut dépendre seulement de la conviction d'une institution quant au but poursuivi, mais doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel (arrêt de la Cour du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p. 1493, point 11, et arrêt du Tribunal du 7 juillet 1999, Wirtschaftsvereinigung Stahl/Commission, T-106/96, Rec. p. II-2155, point 109). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la Commission a l'obligation, en vertu de l'article 253 CE, de motiver ses décisions individuelles afin de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité et de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

81.
    En l'espèce, il y a d'abord lieu de relever qu'il ressort du considérant 125 de la décision attaquée que la Commission n'a pas défini le règlement applicable pour toutes les taxes et surtaxes couvertes par l'accord en cause, mais uniquement pour les principales d'entre elles. En effet, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, la décision attaquée ne décrit l'application des règlements pertinents qu'en ce qui concerne six taxes et surtaxes couvertes par l'accord en cause, à savoir le BAF, le CAF, les THC, les LCLSC, les taxes d'immobilisation et les surestaries. Or, aux termes de la décision attaquée, l'accord en cause, constitutif d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, ne se limite pas à interdire l'octroi de rabais spécifiquement sur les six taxes et surtaxes précitées, mais sur toutes les taxes et les surtaxes appliquées par les requérantes sur les trafics entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. À cet égard, il ressort des considérants 28 et 29 de la décision attaquée, ce dernier renvoyant à son annexe II, que l'accord en cause visait également d'autres taxes et surtaxes telles que la prime pour équipements spéciaux, la surtaxe pour risque de guerre, ainsi que des taxes supplémentaires relatives aux destinations optionnelles, au déroutement, à la modification des conditions de livraison et au transport de colis d'une valeur supérieure au montant normal de l'indemnité payable par le transporteur selon le connaissement.

82.
    Force est de constater que, si la décision attaquée décrit, à l'annexe II, l'objet de chacune des taxes et surtaxes précitées, elle n'identifie, en revanche, pas les règlements qui sont applicables à certaines d'entre elles. Or, il ressort des considérants 126 à 130 de la décision attaquée que, s'agissant des six taxes et surtaxes qui y sont traitées, plusieurs règlements distincts sont susceptibles de s'appliquer, le cas échéant, cumulativement.

83.
    Ensuite, s'agissant des THC, LCLSC, taxes d'immobilisation et surestaries, il y a lieu de relever que la décision attaquée se borne à indiquer que le règlement n° 4056/86 n'est pas applicable au motif que les services couverts par ces suppléments ne sont pas des services de transport maritime à proprement parler. À cet égard, la décision attaquée expose, tout au plus, en ce qui concerne les deux premières, qu'elles concernent des services de manutention fournis à l'intérieur du port ou du terminal et, en ce qui concerne les deux suivantes, qu'elles concernent des opérations s'assimilant, respectivement, à des services d'entreposage et à des services de location d'équipement.

84.
    Force est, toutefois, de constater que ces affirmations de nature générale n'expliquent pas les raisons précises pour lesquelles, eu égard aux termes de l'article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4056/86, les taxes et surtaxes en cause ne relèvent pas du champ d'application dudit règlement tel que défini par ces dispositions. Or, au considérant 142 de la décision attaquée, la Commission indique elle-même que les services portuaires, les services de transport terrestre et la manutention constituent des services annexes au transport maritime. Dans ces circonstances, il incombait d'autant plus à la Commission d'expliquer, dans la décision attaquée, les motifs pour lesquels de tels services annexes à la prestation de transport maritime, services qui sont par ailleurs facturés par des transporteurs maritimes dans le cadre du tarif maritime, ne constituent pas des services de transport maritime relevant du règlement n° 4056/86.

85.
    Eu égard à l'absence d'indication dans la décision attaquée quant à la base juridique retenue pour certaines taxes et surtaxes couvertes par l'accord en cause et quant aux raisons justifiant la non-application du règlement n° 4056/86 aux THC, LCLSC, taxes d'immobilisation et surestaries, le Tribunal ne saurait dès lors exclure que la Commission a effectué, dans la décision attaquée, une application erronée des règlements n° 17 et n° 1017/68 aux taxes et surtaxes couvertes par l'accord en cause. Toutefois, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur cette question à ce stade, il convient d'abord de déterminer si l'erreur de base juridique, le cas échéant commise par la Commission, a entraîné des conséquences négatives pour les requérantes. En effet, dans les circonstances de l'espèce, dès lors que la décision attaquée est fondée sur trois bases juridiques dont une n'est pas contestée par les requérantes, c'est uniquement en présence de telles conséquences négatives pour les requérantes que l'erreur commise par la Commission serait de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Union internationale des chemins de fer/Commission, cité au point 57 ci-dessus, point 58).

86.
    Or, il y a lieu de rappeler qu'il ressort du considérant 124 de la décision attaquée que, en l'espèce, la Commission a appliqué cumulativement les procédures en vigueur en vertu des règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86. Il est en effet constant que, avant d'adopter la décision attaquée, la Commission a respecté toutes les formalités procédurales prévues par les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86. Ainsi, la Commission a notamment, d'une part, consulté les trois comités consultatifs en matière d'ententes et de positions dominantes institués par les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86 et, d'autre part, attendu qu'un délai de 20 jours au moins se soit écoulé après que ces derniers ont émis leur avis, conformément à l'article 17 du règlement n° 1017/68. En conséquence, c'est à juste titre que la Commission a constaté, au considérant 124 de la décision attaquée, que, même dans l'hypothèse où elle n'aurait pas identifié correctement le ou les règlement(s) applicable(s) à chacune des taxes et surtaxes, les parties ont bénéficié des garanties procédurales offertes par tous les règlements éventuellement applicables. Dans cette mesure, le recours erroné aux règlements n° 17 et n° 1017/68 en tant que base juridique de la décision attaquée n'apparaît pas de nature à porter préjudice aux requérantes.

87.
    Les requérantes avancent, cependant, que l'erreur de base juridique commise par la Commission a entraîné pour elles des conséquences négatives de trois ordres, de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée.

88.
    En premier lieu, elles relèvent que la décision attaquée leur inflige des amendes sur la base des règlements n° 17 et n° 1017/68. La Commission ne disposant du pouvoir d'infliger des amendes que sur la base des règlements d'application de l'article 81 CE et non directement sur la base de cette dernière disposition, les amendes qu'elle inflige seraient, dès lors qu'elle fonde erronément l'infraction constatée sur ces règlements, dépourvues de toute base juridique, au moins partiellement à concurrence de deux tiers.

89.
    La thèse des requérantes se fonde sur la prémisse selon laquelle la décision attaquée devrait s'analyser comme un faisceau de décisions individuelles distinctes dont chacune viserait l'une des taxes ou surtaxes en cause. Dans ces circonstances, chaque décision fondée erronément sur le règlement n° 17 ou n° 1017/68 serait dépourvue de base juridique en ce qu'elle inflige des amendes et, en conséquence, devrait être annulée.

90.
    Force est toutefois de constater que cette thèse ne trouve aucun appui dans la décision attaquée.

91.
    Premièrement, il importe de relever que ladite décision constate, notamment au considérant 133, que les requérantes ont enfreint l'article 81 CE non du fait de l'existence de plusieurs accords distincts dont chacun aurait pour objet d'interdire les rabais sur une taxe ou une surtaxe déterminée, mais du fait de l'existence d'un accord unique visant à interdire l'octroi de rabais sur toutes les taxes et les surtaxes facturées par les compagnies maritimes parties au FETTCSA. Aux termes des considérants 35 et 36 de la décision attaquée, ledit accord est consigné dans un seul document, à savoir le compte rendu d'une réunion du FETTCSA tenue le 9 juin 1992.

92.
    Deuxièmement, il convient de souligner que les amendes sanctionnant l'infraction constatée dans la décision attaquée l'ont été en raison de l'objet de l'accord en cause visant à restreindre la concurrence, sans égard à ses effets sur le niveau des prix des services faisant l'objet des taxes et surtaxes en cause. En particulier, il ressort des considérants 176 et 179 de la décision attaquée que les amendes ont été infligées sur la base des trois règlements pris cumulativement. Or, les requérantes ont admis à l'audience ne pas être en mesure d'identifier le moindre indice ou élément dans la décision attaquée susceptible d'étayer l'existence d'une ventilation du montant de l'amende en fonction de l'effet de l'accord en cause sur chacun des services relevant des règlements pertinents.

93.
    Troisièmement, il convient d'observer que la décision attaquée a été adoptée au terme d'une procédure administrative unique dans le respect des exigences prévues par chacun des trois règlements applicables. En particulier, il n'est pas contesté que chacun des trois comités consultatifs institués par les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86 a été consulté sur l'ensemble des taxes et surtaxes visées par la décision attaquée.

94.
    Dans ces circonstances, dans la mesure où les requérantes admettent elles-mêmes que le règlement n° 4056/86 constitue une base juridique appropriée à la décision attaquée, force est de conclure que, même si certaines taxes et surtaxes couvertes par la décision attaquée ne relevaient pas des règlements n° 17 et n° 1017/68, l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 suffit à fonder le pouvoir de la Commission d'infliger l'intégralité des amendes sanctionnant la conclusion de l'accord en cause.

95.
    En second lieu, les requérantes font observer que, si la décision attaquée devenait un élément de l'acquis communautaire, les opérateurs de transport maritime de ligne ne pourraient plus se prévaloir de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86 pour leurs accords sur les taxes et surtaxes et seraient ainsi dans l'obligation de les notifier en vue d'une exemption individuelle conformément aux règlements n° 17 et n° 1017/68.

96.
    À cet égard, il convient, toutefois, de rappeler qu'il est constant entre les parties que le FETTCSA n'est pas une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86 et que les compagnies maritimes signataires de l'accord en cause ne peuvent donc pas se prévaloir de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement en faveur de certains accords de fixation de prix. En conséquence, contrairement à la thèse des requérantes, la décision attaquée ne saurait avoir vocation à devenir un élément de l'acquis communautaire susceptible de s'imposer en tant que tel aux conférences maritimes. En effet, quelle que soit la teneur des constatations effectuées par la Commission aux considérants 123 à 130 de la décision attaquée au sujet de l'application du règlement n° 4056/86 aux taxes et surtaxes visées par l'accord en cause, il suffit d'observer, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé desdites constatations, que les requérantes demeurent libres de ne pas notifier à la Commission les accords qu'elles concluent au sein de conférences maritimes en vue de fixer le montant des taxes et des surtaxes si elles estiment qu'ils relèvent de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86. Par ailleurs, elles conservent, en tout état de cause, le droit de contester devant le Tribunal toute appréciation future éventuelle que la Commission pourrait être amenée à effectuer à cet égard.

97.
    Enfin, en troisième lieu, les requérantes soutiennent que, dans la mesure où les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86 traduisent des orientations différentes en matière de politique économique et de législation, il ne peut être présumé que l'évaluation d'un accord au regard des règlements n° 17 ou n° 1017/68 inclut une juste appréciation de l'ensemble des éléments pertinents pour une analyse de l'accord au regard du règlement n° 4056/86 et de son contexte économique et pratique.

98.
    Il convient, à cet égard, d'admettre que le règlement n° 4056/86 a été institué, aux termes de son cinquième considérant, dans le souci de tenir compte de la nécessité, d'une part, de prévoir des règles d'application permettant à la Commission d'assurer que la concurrence n'est pas indûment faussée dans le marché commun et, d'autre part, d'éviter une réglementation excessive du secteur. Ainsi, le Tribunal a déjà souligné que l'article 3 du règlement n° 4056/86 prévoit une exemption par catégorie tout à fait exceptionnelle en faveur des accords horizontaux de fixation des prix du transport maritime conclus par les membres de conférences maritimes en raison du rôle stabilisateur de ces dernières (arrêt Compagnie générale maritime e.a./Commission, cité au point 15 ci-dessus, point 254). Dans ces circonstances, il ne saurait dès lors, en principe, être exclu, ainsi que les requérantes le soutiennent à juste titre, que l'appréciation d'un accord ou d'une pratique dans le cadre du règlement n° 4056/86 pourrait, du moins à certains égards, être différente de celle qui serait effectuée dans le cadre des règlements n° 17 ou n° 1017/68.

99.
    En l'espèce, force est, toutefois, de constater que, si les requérantes évoquent la possibilité que leur accord aurait pu faire l'objet d'une appréciation différente s'il avait été examiné exclusivement sur la base du règlement n° 4056/86, elles ne précisent nullement en quoi cette appréciation aurait pu être différente et elles n'avancent aucun élément de nature à étayer leur allégation.

100.
    Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans le cas présent, l'infraction constatée dans la décision attaquée consiste en un accord interdisant l'octroi de rabais sur les taxes et les surtaxes conclu entre les membres d'une conférence maritime, la FEFC, et des compagnies indépendantes. Pour les raisons qui seront exposées dans le cadre du moyen tiré d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68, un tel accord doit être considéré comme un accord horizontal de fixation collective des prix. Or, il y a lieu de rappeler que les ententes horizontales prévoyant la fixation des prix, outre qu'elles sont explicitement interdites par l'article 81, paragraphe 1, sous a), CE et l'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68, constituent des infractions patentes au droit communautaire de la concurrence (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Montedipe/Commission, T-14/89, Rec. p. II-1155, point 265, et du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec. p. II-1063, point 109). Tel est également le cas dans le cadre du règlement n° 4056/86, puisque, l'accord de fixation de prix en cause ayant été conclu entre les membres d'une conférence maritime et des compagnies indépendantes, il porte atteinte à la concurrence effective exercée par les compagnies maritimes hors conférences alors que, aux termes du huitième considérant du règlement n° 4056/86, l'existence d'une concurrence effective de la part des services réguliers hors conférence constitue l'une des principales justifications de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement. Ainsi, aux termes de l'article 7, paragraphe 2, sous b), i), du règlement n° 4056/86, tout acte d'une conférence entraînant l'élimination d'une concurrence effective ou potentielle extérieure à la conférence est susceptible de justifier le retrait de l'exemption par catégorie par la Commission.

101.
    Il y a dès lors lieu de considérer que les requérantes n'ont pas démontré en quoi le recours aux règlements n° 17 et n° 1017/68 plutôt qu'au règlement n° 4056/86 comme base juridique de la décision attaquée à l'égard de certaines taxes et surtaxes en cause a été de nature à entraîner une appréciation différente de l'accord en cause.

102.
    Il en résulte qu'aucune des conséquences négatives alléguées par les requérantes ne sauraient être retenues.

103.
    En conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner si la Commission a commis une erreur de droit en fondant la décision attaquée sur les règlements n° 17 et n° 1017/68, le moyen des requérantes tiré d'une erreur de base juridique doit être rejeté, dès lors que l'erreur alléguée n'a pas privé les requérantes des garanties procédurales prévues par les règlements de procédure pertinents et n'a entraîné aucune conséquence négative sur leur situation juridique.

Sur la violation des droits de la défense

a) Arguments des parties

104.
    Les requérantes font grief à la Commission de n'avoir, à aucun moment de la procédure administrative, procédé à un examen approfondi de la réglementation applicable aux différentes taxes et surtaxes faisant l'objet de la décision attaquée.

105.
    Les requérantes font valoir que, dans un premier stade, la Commission a estimé que le FETTCSA relevait dans son intégralité du champ d'application du règlement n° 4056/86. Ainsi, elle aurait informé les parties, dans sa lettre du 28 septembre 1992, que, à moins de notifier le FETTCSA en vue de demander une exemption individuelle conformément au règlement n° 4056/86, les requérantes courraient le risque de se voir infliger des amendes. La Commission aurait ensuite modifié sa position dans la communication des griefs du 19 avril 1994, dans laquelle elle affirme que les taxes et surtaxes couvertes par le FETTCSA relèvent à la fois des règlements n° 4056/86, n° 1017/68 et n° 17, sans indiquer la réglementation applicable à chacune des taxes ou surtaxes pour lesquelles il est fait grief de ne pas avoir accordé de rabais. Ce ne serait que dans la décision attaquée, aux considérants 123 à 130, que la Commission procéderait, pour la première fois, à une analyse spécifique de la réglementation applicable à chacune des taxes et surtaxes en cause.

106.
    En conséquence, les requérantes estiment que leurs droits de la défense ont été violés en ce qu'elles n'ont pas eu la possibilité de commenter ou de contester les raisons du choix de la Commission de fonder sa décision sur les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86. Il résulterait de la jurisprudence que la communication des griefs doit contenir non seulement les principaux éléments de fait, mais également les principaux éléments de droit servant de support et nécessaires pour rendre compréhensible le raisonnement qui a déterminé la Commission (arrêts de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 131, et du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661).

107.
    À titre individuel, Senator Lines souligne qu'il résulte de la jurisprudence de la commission européenne des droits de l'homme sur le fondement de l'article 6, paragraphe 3, de la CEDH, qu'un accusé a le droit d'être informé non seulement de la cause de l'accusation, c'est-à-dire des faits matériels qui lui sont imputés et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la nature de celle-ci, c'est-à-dire de la qualification juridique des faits matériels. Or, en l'espèce, la Commission n'aurait pas exposé tous les arguments juridiques sur lesquels elle entendait fonder sa décision.

108.
    La Commission conclut au rejet du grief tiré de la violation des droits de la défense.

b) Appréciation du Tribunal

109.
    Il convient de rappeler que la communication des griefs doit, selon une jurisprudence constante, contenir un exposé des griefs libellés dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n'est en effet qu'à cette condition que la communication des griefs peut remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises et associations d'entreprises pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n'adopte une décision définitive (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mo Och Domsjö/Commission, T-352/94, Rec. p. II-1989, point 63, et Enso Española/Commission, T-348/94, Rec. p. II-1875, point 83). Il est, par ailleurs, de jurisprudence constante que cette exigence est respectée dès lors que la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l'exposé des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, cité au point 106 ci-dessus, points 26 et 94).

110.
    En l'espèce, il convient, d'abord, d'observer que, si la Commission, dans la décision attaquée, a retiré trois des quatre griefs précédemment envisagés, il est constant qu'elle n'en a ajouté aucun et qu'elle n'a pas retenu d'autres preuves que celle mentionnée dans la communication des griefs, à savoir le compte rendu du 9 juin 1992. Par ailleurs, les requérantes ne contestent pas qu'elles ont été en mesure de prendre connaissance par ladite communication de l'infraction constatée dans la décision attaquée, à savoir la conclusion d'un accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taux publiés de taxes et surtaxes. Cette infraction est mentionnée, notamment, aux points 20 à 24, 47, 78 à 81, 119, 124 et 128 de la communication des griefs. Dans ces circonstances, il ne saurait dès lors être contesté que la communication des griefs a permis aux requérantes de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur étaient reprochés par la Commission.

111.
    Ensuite, s'agissant plus particulièrement du choix de la base juridique, il y a lieu de souligner que la communication des griefs indique explicitement, au point 5, que, du point de vue de la Commission, le FETTCSA relève des règlements n° 4056/86, n° 1017/68 et n° 17. De plus, au point 97 de la communication des griefs, la Commission explique que les taxes et surtaxes en cause concernent des services de transport maritime relevant du règlement n° 4056/86, des services de transport terrestre relevant du règlement n° 1017/68 ainsi que des services portuaires relevant du règlement n° 17. Ce point trouve son équivalent au considérant 123 de la décision attaquée. Enfin, aux points 144 à 149, la communication des griefs envisage l'application des articles 2, 3 et 5 du règlement n° 1017/68 ainsi que l'application du règlement n° 17 aux taxes et surtaxes en cause. Ces points trouvent leur équivalent aux considérants 144, 161 et 163 à 175 de la décision attaquée. Il y a dès lors lieu de constater que la communication des griefs indiquait clairement la base juridique sur laquelle la Commission se proposait d'adopter la décision attaquée.

112.
    Les requérantes font toutefois valoir que la Commission n'a pas, dans la communication des griefs, procédé à un examen approfondi de la réglementation applicable aux différentes taxes et surtaxes faisant l'objet de la décision attaquée. Elles reprochent ainsi à la Commission le caractère nouveau, par rapport à la communication des griefs, des considérants 125 à 130 de la décision attaquée, lesquels indiquent la mesure dans laquelle les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86 s'appliquent aux taxes et surtaxes en cause.

113.
    Il convient toutefois de souligner que les considérants 125 à 130 de la décision attaquée ont été insérés dans ladite décision précisément à la suite de l'observation des requérantes, formulée dans la réponse à la communication des griefs, selon laquelle, en l'absence d'identification dans la communication des griefs des services relevant de chaque règlement, elles n'étaient pas en mesure de contester le raisonnement de la Commission à cet égard. Or, la prise en compte d'un argument avancé par une entreprise au cours de la procédure administrative, sans qu'elle ait été en mesure de s'exprimer, à cet égard, avant l'adoption de la décision finale, ne saurait constituer, en tant que telle, une violation de ses droits de la défense (arrêt du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T-228/97, Rec. p. II-2969, point 34, confirmé par ordonnance de la Cour du 10 juillet 2001, Irish Sugar/Commission, C-497/99 P, Rec. p. I-5333, point 24).

114.
    Par ailleurs, force est de constater que les requérantes n'expliquent pas en quoi le raisonnement ayant conduit la Commission à appliquer les règlements pertinents à chacune des principales taxes et surtaxes en cause serait de nature à leur faire grief. Or, premièrement, il a déjà été constaté ci-dessus que, s'agissant d'une infraction patente aux règles communautaires de concurrence, la base juridique choisie par la Commission pour fonder l'adoption de sa décision n'a pu avoir aucun effet sur l'appréciation de l'accord au regard de l'article 81 CE. Deuxièmement, les requérantes considèrent elles-mêmes que le règlement n° 4056/86 constitue une base juridique appropriée à la décision attaquée. Or, il a été jugé que ledit règlement suffit à fonder les griefs de la Commission. Dans ce contexte, le raisonnement ayant conduit la Commission à appliquer les règlements n° 17 et n° 1017/68 ne saurait donc leur faire grief. Tout au contraire, il a déjà été constaté ci-dessus que le recours aux règlements n° 17 et n° 1017/68 a conduit la Commission à accorder aux requérantes des garanties procédurales supplémentaires dès lors que les trois comités consultatifs institués par les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86 ont été consultés et que la Commission a attendu l'expiration d'un délai d'au moins 20 jours après ces consultations avant d'adopter la décision attaquée. Enfin, troisièmement, dès lors que les requérantes étaient informées des bases juridiques sur lesquelles la Commission se proposait de fonder sa décision, rien ne les empêchait de contester, dans leur réponse à la communication des griefs, le choix des règlements n° 17 et n° 1017/68 en tant que bases juridiques de l'intervention de la Commission. Il apparaît ainsi que les développements consacrés par la décision attaquée à la base juridique sont étrangers à tout nouveau grief, ne portant pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les entreprises s'étaient déjà expliquées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, LVM e.a./Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, point 103).

115.
    Par conséquent, le grief des requérantes tiré d'une violation des droits de la défense est non fondé.

Conclusion sur le moyen

116.
    Il découle de ce qui précède que le moyen tiré d'une erreur de base juridique de la décision attaquée et d'une violation des droits de la défense sur ce point doit être rejeté dans son intégralité.

2. Sur les moyens tirés d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 et d'un défaut de motivation sur ce point

Arguments des parties

117.
    Les requérantes allèguent que la Commission a méconnu l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 2 du règlement n° 1017/68 en considérant, à l'article 1er de la décision attaquée, que les parties au FETTCSA ont enfreint ces dispositions par la conclusion d'un «accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes».

118.
    En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit en déduisant du compte rendu de la réunion du 9 juin 1992 que les parties au FETTCSA ont conclu un accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes figurant dans leurs tarifs. Les requérantes reconnaissent que la formulation du compte rendu se prête à une telle interprétation. Elles allèguent cependant que l'objet de l'accord visé dans ce compte rendu consistait uniquement en l'engagement de chaque compagnie maritime partie à l'accord à renoncer au système des taux forfaitaires nets, afin désormais de mentionner séparément, dans leurs offres de prix aux chargeurs et dans les factures, les différentes taxes et surtaxes applicables. L'objectif des parties au FETTCSA aurait été, dès lors, par cet accord non pas d'interdire l'octroi de rabais sur les taxes et les surtaxes, mais de permettre aux chargeurs de comparer les éléments respectifs des différents taux globaux, en particulier en ce qui concerne le montant des taxes et des surtaxes demandées par chaque compagnie maritime.

119.
    Les requérantes font valoir que cette interprétation est étayée par plusieurs éléments.

120.
    Premièrement, cette interprétation ressortirait du texte même du compte rendu, ce dernier se référant explicitement au fait que certains contrats ont été conclus dans le passé sur une base forfaitaire nette, ce qui signifie que les éléments constitutifs des taux offerts aux chargeurs ne sont pas ventilés. Cette référence démontrerait que l'objet de l'accord conclu par les parties au FETTCSA au cours de la réunion du 9 juin 1992 était simplement de mentionner séparément, dans leurs offres de prix aux chargeurs et dans leurs factures, les différents suppléments applicables.

121.
    Deuxièmement, de par sa connaissance du secteur des transports maritimes, la Commission ne pouvait, selon les requérantes, ignorer la crainte des transporteurs maritimes à cette époque de voir l'offre de taux forfaitaires aboutir à la facturation de prix inférieurs aux coûts. Ce serait dans ce contexte que les membres de la FEFC ont institué, le 1er janvier 1990, un nouveau tarif en cinq parties, le NT 90, dans lequel les suppléments sont clairement spécifiés et indiqués séparément du fret maritime et du fret intérieur. La Commission aurait reconnu les avantages de telles dispositions dans sa décision 94/985. En outre, la question des taux forfaitaires et l'interdiction d'appliquer des prix inférieurs aux coûts auraient également fait l'objet de discussions avec la Commission dans le cadre des procédures relatives au «Trans Atlantic Agreement» (voir, à cet égard, ordonnance du président du Tribunal du 22 novembre 1995, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-395/94 R II, Rec. p. II-2893) et au «Trans-Atlantic Conference Agreement» (affaire IV/37.396).

122.
    Troisièmement, les requérantes soulignent que la lettre du secrétariat du FETTCSA à la Commission du 19 octobre 1992 expliquait de manière détaillée qu'un nouveau tarif divisé en cinq parties avait été institué en 1990 par la FEFC afin de rendre les tarifs plus transparents et de faire apparaître clairement et individuellement les différents éléments du tarif de fret.

123.
    Enfin, quatrièmement, l'objet même du FETTCSA viserait, selon les termes de l'accord du 5 mars 1991, à éliminer tout caractère arbitraire aux taxes et surtaxes ainsi qu'à établir ou à appliquer des règles uniformes concernant la structure et les conditions d'application des tarifs de transport. L'objet du FETTCSA n'était donc pas, selon les requérantes, d'établir des taux communs, mais une méthode commune pour le calcul des taxes et des surtaxes.

124.
    À la lumière de ces éléments, les requérantes considèrent que le compte rendu de la réunion du 9 juin 1992 ne saurait constituer une preuve suffisante des allégations de la Commission quant à l'existence d'un accord contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 2 du règlement n° 1017/68. Dans la mesure où le compte rendu en cause se prêterait à plusieurs interprétations, et compte tenu du fait que l'interprétation alternative des parties serait plausible, l'interprétation de la Commission ne pourrait être maintenue qu'en présence d'un faisceau d'indices sérieux, précis et concordants (arrêts de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, dit «Pâte de bois II», C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307). La Commission n'apporterait pas de tels éléments. En outre, il résulterait de l'arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission (T-41/96, Rec. p. II-3383), que, en l'absence de document écrit probant, il appartient à la Commission d'établir l'existence d'une concordance de volontés concernant l'infraction alléguée.

125.
    Enfin, en toute hypothèse, les requérantes soutiennent que, dans la mesure où la décision attaquée se borne, au considérant 36, à indiquer que, «vu la formulation du compte rendu, la Commission n'est pas convaincue par l'interprétation de l'accord donnée par les parties», elle serait entachée d'un manque de motivation.

126.
    En second lieu, les requérantes allèguent que la Commission a commis une erreur de droit en considérant qu'un accord interdisant l'octroi de rabais a pour objet de restreindre la concurrence de manière sensible, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68.

127.
    Les requérantes soulignent que les parties au FETTCSA ne se sont pas entendues sur le niveau des taxes et surtaxes à facturer. En dépit de l'accord conclu le 9 juin 1992, les compagnies indépendantes restaient en effet en droit, selon les requérantes, de continuer à publier leurs propres tarifs en concurrence avec ceux publiés par les membres de la FEFC. En outre, la Commission n'aurait pas prouvé que les parties au FETTCSA seraient convenues de ne pas réduire le niveau de leurs taxes et surtaxes. En conséquence, l'accord en cause ne constituerait pas une entente classique de fixation de prix. De l'avis des requérantes, il appartenait dès lors à la Commission de démontrer que les parties à l'accord en cause avaient l'intention réelle de restreindre la concurrence ou que l'accord en cause avait un tel effet.

128.
    En troisième lieu, les requérantes font valoir que la décision attaquée semble envisager, aux considérants 136 et 137, qu'un accord prévoyant de renoncer aux taux forfaitaires nets pour appliquer des taux désagrégés dans un souci de clarté à l'égard des chargeurs restreindrait la concurrence de manière appréciable, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68.

129.
    Selon les requérantes, loin de restreindre la concurrence, un tel accord permet aux chargeurs d'identifier plus sûrement le transporteur compétitif sur le plan tant du fret maritime que du fret intérieur. En toute hypothèse, les requérantes estiment que, dans la mesure où la Commission considérerait qu'un accord de renonciation aux taux forfaitaires nets est contraire au droit communautaire de la concurrence, la décision attaquée serait insuffisamment motivée.

130.
    La Commission conclut au rejet de l'ensemble des arguments avancés par les requérantes à l'appui de ce moyen.

Appréciation du Tribunal

a) Sur la preuve de l'infraction et la motivation de la décision attaquée sur ce point

131.
    En vue d'examiner si, en l'espèce, la Commission a prouvé à suffisance de droit l'infraction reprochée aux requérantes, il convient, d'abord, d'identifier précisément les contours de l'infraction constatée par la décision attaquée ainsi que les éléments probants utilisés par la Commission à l'appui de cette constatation et de vérifier ensuite si ces éléments étaient suffisants pour permettre à la Commission de conclure à l'existence de ladite infraction.

132.
    S'agissant, en premier lieu, des contours de l'infraction en cause, il ressort de l'article 1er de la décision attaquée que la Commission a constaté que les requérantes ont commis une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 en concluant, au sein du FETTCSA, un accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes. Le FETTCSA regroupant, à l'origine, outre des membres de la conférence FEFC, des compagnies maritimes indépendantes de ladite conférence, la Commission précise à cet égard, au considérant 17 de la décision attaquée:

«Les membres de la FEFC s'entendent également sur les niveaux des taxes et des surtaxes qui faisaient l'objet du FETTCSA. La présente décision ne concerne que l'extension aux compagnies indépendantes de la décision des compagnies membres de la FEFC de ne pas accorder de rabais sur le[s] taxes et les surtaxes. Dans la mesure où les taxes et surtaxes de la FEFC concernent les services de transport maritime, elles relèvent de l'exemption par catégorie en faveur des conférences maritimes [...]»

133.
    S'agissant, en second lieu, de la preuve de l'accord en cause, il ressort de la décision attaquée que la Commission considère que ledit accord est consigné dans le compte rendu de la réunion tenue par les parties au FETTCSA le 9 juin 1992. Ledit compte rendu, qui est reproduit au considérant 35 de la décision attaquée, expose:

«Conformément aux dispositions du FETTCSA, la date à laquelle les taxes et surtaxes seront mises en vigueur doit être fixée d'un commun accord. Le président déclare qu'il est tenu de rapporter, conformément au FETTCSA, que les dirigeants des compagnies membres de la FEFC ont décidé que tous les suppléments, y compris les coefficients d'ajustement monétaire et d'ajustement de soutage, seraient facturés intégralement, selon le tarif FEFC, à compter du 1er juillet 1992. Il existe, certes, des contrats qui ont été conclus sur une base forfaitaire nette (‘net all-in basis’) et ne peuvent malheureusement être modifiés à court terme, mais tous les nouveaux contrats comprendront l'ensemble des suppléments. Il est proposé que toutes les parties au FETTCSA facturent intégralement les suppléments sur la base de leurs propres tarifs pour le trafic vers l'est et vers l'ouest.

Cette proposition est adoptée à l'unanimité par les compagnies FETTCSA présentes.»

134.
    Au considérant 36, la Commission expose qu'elle déduit de ce compte rendu que «les compagnies membres du FETTCSA qui étaient présentes à la réunion (c'est-à-dire toutes celles qui étaient parties au FETTCSA à l'exception de Ben Line Container Holdings et POL) étaient convenues qu'à compter du 1er juillet 1992 elles n'accorderaient plus de rabais sur les taux des ‘suppléments’ figurant dans leurs tarifs».

135.
    Par ailleurs, au considérant 135 de la décision attaquée, la Commission admet qu'elle ne fait valoir «aucun élément concernant le niveau effectif des prix». Elle rappelle toutefois que, «pour que l'article 81, paragraphe 1, soit applicable, il suffit [...] que l'accord ait pour objet de restreindre la concurrence» et qu'«il n'est pas nécessaire de démontrer qu'un tel accord a été mis en vigueur».

136.
    Il en résulte que le seul élément probant utilisé par la Commission pour démontrer l'existence de l'accord entre les requérantes prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes est le compte rendu de la réunion des parties au FETTCSA du 9 juin 1992. Il convient dès lors d'examiner si, en se fondant sur ce seul document, la Commission a prouvé à suffisance de droit l'existence dudit accord.

137.
    Il y a lieu, à cet égard, de souligner d'emblée que les requérantes ne contestent ni le fait qu'une réunion des dirigeants du FETTCSA a eu lieu le 9 juin 1992 ni le contenu et les termes du compte rendu de cette réunion.

138.
    Or, force est de constater qu'il résulte de la combinaison du second paragraphe et de la dernière phrase du premier paragraphe de ce compte rendu que les parties au FETTCSA présentes à la réunion du 9 juin 1992 ont adopté à l'unanimité la proposition selon laquelle «toutes les parties au FETTCSA facturent intégralement les suppléments sur la base de leurs propres tarifs pour le trafic vers l'est et vers l'ouest».

139.
    En outre, il apparaît clairement à la lecture de ce compte rendu que ladite proposition fait suite à la décision des dirigeants des compagnies membres de la FEFC, rapportée par le président du FETTCSA, prévoyant que «tous les suppléments [...] seraient facturés intégralement, selon le tarif FEFC, à compter du 1er juillet 1992». À cet égard, le compte rendu précise encore que, si les contrats conclus par les membres de la FEFC sur une base forfaitaire nette ne peuvent pas être modifiés à court terme, «tous les nouveaux contrats comprendront l'ensemble des suppléments».

140.
    Il ressort dès lors des termes mêmes du compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 que, d'une part, celui-ci fait état de l'existence d'un accord entre les parties au FETTCSA prévoyant de facturer intégralement les taxes et les surtaxes et, d'autre part, ledit accord fait suite à un accord identique conclu antérieurement au sein de la FEFC entre les dirigeants des compagnies membres de la FEFC.

141.
    Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre que la Commission était en droit de considérer que le compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 constituait une preuve documentaire directe de l'existence d'une volonté commune des parties au FETTCSA de facturer intégralement les taxes et les surtaxes à leur clientèle et d'étendre ainsi aux parties au FETTCSA qui n'étaient pas membres de la FEFC la décision identique adoptée par cette dernière dans le cadre de la conférence maritime y afférente. Les requérantes elles-mêmes ont d'ailleurs admis explicitement, tant dans leur réponse à la communication des griefs que dans leurs écrits devant le Tribunal, que la formulation du compte rendu en question se prête à l'interprétation que lui donne la Commission.

142.
    Les requérantes estiment toutefois qu'à la lumière des explications qu'elles ont avancées au cours de la procédure administrative le compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 ne saurait constituer une preuve suffisante de l'infraction constatée dans la décision attaquée. Dans leur réponse à la communication des griefs, elles ont en effet expliqué que l'objet de l'accord consigné dans le compte rendu était non d'interdire les rabais sur les taxes et les surtaxes, mais de renoncer au système des taux forfaitaires nets afin de mentionner séparément, dans leurs offres de prix aux chargeurs et dans les factures, les différentes taxes et surtaxes applicables. Les requérantes ont répété ces mêmes explications dans leurs écrits devant le Tribunal ainsi qu'au cours de l'audience.

143.
    Au soutien de leur interprétation, les requérantes invoquent, en premier lieu, le fait que le compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 se réfère, explicitement, aux contrats qui ont été conclus sur une base forfaitaire nette.

144.
    Il y a, en effet, lieu d'admettre que le compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 se réfère, à la troisième phrase de son premier paragraphe, au système des taux forfaitaires nets pour constater que les contrats existants élaborés sur cette base ne pourront pas être modifiés à court terme, en dépit de la décision des dirigeants des compagnies membres de la FEFC de facturer intégralement les taxes et les surtaxes à compter du 1er juillet 1992.

145.
    Les requérantes ne sauraient toutefois se prévaloir de cette simple référence aux contrats conclus sur une base forfaitaire nette pour soutenir que le compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 consacre non pas un accord de facturation intégrale des taxes et des surtaxes, mais un accord de renonciation aux taux forfaitaires nets. En effet, loin d'indiquer que les parties au FETTCSA ont décidé de mentionner «séparément» les taxes et les surtaxes en cause, le compte rendu expose à trois reprises au sein du même paragraphe l'idée selon laquelle les suppléments devront désormais être facturés sans que des rabais puissent être accordés. En effet, il y est indiqué que «tous les suppléments [...] ser[ont] facturés intégralement», que «tous les nouveaux contrats comprendront l'ensemble des suppléments» et qu'«il est proposé que toutes les parties au FETTCSA facturent intégralement les suppléments». Si l'on peut admettre que l'expression «intégralement» puisse, au terme d'une interprétation extensive, se référer à l'obligation de mentionner «séparément» les suppléments, en ce sens que chaque supplément devrait être intégralement mentionné dans le tarif, il demeure, en revanche, que la référence à la «facturation» des suppléments indique que tous les suppléments devraient être facturés. L'emploi du terme «facturation» est dès lors difficilement conciliable avec l'interprétation extensive soutenue par les requérantes et tend, au contraire, à confirmer l'existence d'un accord interdisant d'accorder des rabais sur ces suppléments.

146.
    Il convient d'observer que l'interprétation du compte rendu donnée par les requérantes serait davantage plausible si, en dépit de ce que ses termes indiquent pourtant clairement, la décision des dirigeants de la FEFC rapportée par le président du FETTCSA au cours de la réunion du 9 juin 1992 prévoyait non de facturer intégralement les taxes et les surtaxes, mais de renoncer aux taux forfaitaires nets. Dans la mesure où la décision attaquée constate que, par l'accord en cause conclu au sein du FETTCSA, les requérantes ont étendu aux compagnies indépendantes parties au FETTCSA une décision identique conclue antérieurement par la FEFC, la portée et le contenu de cette dernière décision constituent en effet autant d'éléments pertinents pour l'interprétation de l'accord en cause.

147.
    Toutefois, ni au cours de la procédure administrative ni au cours de la procédure devant le Tribunal les requérantes n'ont cherché à contester le fait que les membres de la FEFC avaient adopté une décision prévoyant de facturer intégralement les taxes et les surtaxes à partir du 1er juillet 1992. Bien au contraire, elles ont, en réponse à une question écrite du Tribunal, produit des documents qui attestent de l'existence d'une telle décision.

148.
    À l'initiative du Tribunal, les requérantes ont en effet été invitées à fournir, en vue de l'audience, tout document relatif à la décision de la FEFC prévoyant, selon les termes du compte rendu de la réunion du 9 juin 1992 reproduit au considérant 35 de la décision attaquée, que «tous les suppléments, y compris les coefficients d'ajustement monétaire et d'ajustement de soutage, seraient facturés intégralement, selon le tarif FEFC, à compter du 1er juillet 1992».

149.
    En réponse à cette invitation, les requérantes ont d'abord expliqué que l'enquête qu'elles avaient effectuée ne leur avait pas permis d'identifier le moindre document relatif, selon leurs termes, à la «décision apparemment prise» par la FEFC en vue de facturer intégralement les taxes et les surtaxes. Peu avant l'audience, elles ont toutefois produit une lettre du président de la FEFC, datée du 28 avril 1992, adressée à certains membres de la FEFC. Or, cette lettre indique en termes clairs que, «à Hong Kong, les dirigeants ont affirmé avec force qu'ils appliqueraient intégralement tous les suppléments avec effet immédiat (THC, CAF, BAF, etc.)» avant de conclure, s'agissant du trafic vers l'est, que «l'objet de l'attention [alors était] la mesure dans laquelle les suppléments [pouvaient] être rétablis et les taux améliorés à partir du 1er juillet, la date clef prévue à cet effet» et de proposer, en vue d'une prochaine réunion des dirigeants de la conférence, le programme suivant:

«Un agenda simple pour cette réunion des dirigeants serait de débattre et de convenir de méthodes permettant d'assurer la confiance entre les compagnies en vue de:

[...]

b.    imposer tous les suppléments.»

150.
    Les requérantes ont également produit le compte rendu de ladite réunion, laquelle s'est tenue à Londres le 8 juin 1992 entre les dirigeants de la FEFC. Aux termes de son premier paragraphe, ce document constate:

«1.    Le Président a ouvert la réunion en se référant à sa lettre du 28 avril [1992] dans laquelle il soulignait la situation décevante du trafic en dépit des discussions tenues plus tôt dans l'année et au cours desquelles des initiatives avaient été convenues en vue de facturer intégralement les suppléments et de suivre un programme de rétablissement des taux.»

151.
    Après avoir souligné l'absence de «confiance» («trust») existant entre les compagnies membres de la FEFC, le document indique, aux paragraphes 8.1 et 9.3, que les dirigeants de la FEFC sont convenus d'un plan d'action qui a été inscrit dans deux déclarations d'engagements («Declaration of Commitment»).

152.
    La première de ces déclarations, qui est relative au trafic vers l'est («Eastbound»), prévoit:

«Les engagements suivants ont été conclus et convenus sans réserve par les dirigeants des compagnies membres de la FEFC soussignées au cours de la réunion des dirigeants de la FEFC tenue à Londres le 8 juin 1992:

1.    En ce qui concerne le trafic vers l'est à partir de l'Europe du Nord vers le Moyen-Orient:

    [...]

    b)    Tous les suppléments, en ce compris le CAF et le BAF, etc., seront facturés à partir du 1er juillet 1992 et il n'y aura aucune réduction correspondante du fret maritime.»

153.
    Quant à la seconde de ces déclarations, qui est relative au trafic vers l'ouest («Westbound»), elle prévoit:

«Les engagements suivants ont été conclus et convenus sans réserve par les dirigeants des compagnies membres de la FEFC soussignées au cours de la réunion des dirigeants de la FEFC tenue à Londres ce jour:

1.    Accord sur les taux entre l'Europe et l'Asie relatifs au trafic vers l'ouest

    (a)    Facturation de tous les suppléments, en ce compris le CAF et le BAF, etc.

    (b)    Aucune réduction correspondante des taux à partir de ce jour.»

154.
    Eu égard au fait que ces déclarations de la FEFC ont été adoptées lors d'une réunion tenue le 8 juin 1992, soit le jour précédant la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 faisant l'objet du compte rendu reproduit au considérant 35 de la décision attaquée, force est de constater que lesdites déclarations contiennent la décision des compagnies dirigeantes de la FEFC qui, aux termes de ce compte rendu, a été rapportée, le 9 juin 1992, par le président du FETTCSA aux requérantes avant de leur soumettre la proposition visant à facturer intégralement les suppléments sur la base de leurs propres tarifs pour le trafic vers l'est et vers l'ouest. Les requérantes ont d'ailleurs elles-mêmes reconnu, dans leurs réponses aux questions du Tribunal:

«Eu égard à la proximité dans le temps de cette réunion avec celle des parties au FETTCSA le 9 juin 1992 et à la similitude des termes pertinents contenus, respectivement, dans les notes de la FEFC et dans le compte rendu du FETTCSA, il semblerait qu'il s'agisse de l'accord des dirigeants de la FEFC auquel se réfère le compte rendu de la réunion du FETTCSA tenue à cette date.»

155.
    Or, force est de constater que ni les déclarations de la FEFC jointes au compte rendu de la réunion du 8 juin 1992 ni la lettre du président de la FEFC du 28 avril 1992 ne prévoient la renonciation, par les membres de la FEFC, aux accords forfaitaires nets. Tout au contraire, il ressort clairement des termes utilisés par ces documents et du contexte dans lequel ils ont été rédigés que les dirigeants de la FEFC sont convenus de facturer intégralement les taxes et surtaxes à partir du 1er juillet 1992 afin de restaurer la «confiance» entre les membres de la conférence et de lutter contre l'érosion des taux.

156.
    Dans la mesure où il est constant que le compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 fait état d'un accord conclu par les parties au FETTCSA visant à étendre à ces dernières une décision identique adoptée antérieurement par les membres de la FEFC, les documents précités corroborent dès lors l'interprétation de la Commission selon laquelle les parties au FETTCSA sont convenues de facturer intégralement les taxes et les surtaxes.

157.
    Dans leurs réponses aux questions du Tribunal, les requérantes ont toutefois soutenu que ni le compte rendu de la réunion de la FEFC du 8 juin 1992 ni la lettre du président de la FEFC du 28 avril 1992 ne se réfèrent au FETTCSA ou à la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992. Cette circonstance est toutefois sans aucune pertinence dès lors que le compte rendu de la réunion du FETTCSA se réfère, pour sa part, à la décision antérieure de la FEFC.

158.
    Les requérantes ont également soutenu que le contenu d'une note interne d'Hapag Lloyd datée du 21 juin 1991 reflétait en termes clairs ce qui pouvait être conclu au sein du FETTCSA. Cette note interne indique notamment que le FETTCSA «créera un mécanisme commun pour le calcul et l'établissement de ces suppléments». Un tel document n'est toutefois pas de nature à remettre en cause les conclusions qui précèdent. D'une part, il s'agit d'un document interne rédigé unilatéralement par l'une des requérantes. D'autre part, ce document est antérieur de près d'un an au compte rendu de la réunion du 9 juin 1992. Les requérantes ne sauraient donc s'en prévaloir pour interpréter utilement ce compte rendu. En tout état de cause, il ressort des termes de la note d'Hapag Lloyd que celle-ci se rapporte non à l'accord en cause prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes, mais à l'accord FETTCSA conclu le 5 mars 1991, lequel n'est pas l'objet de la constatation d'infraction à l'article 1er de la décision attaquée.

159.
    Il résulte dès lors de ce qui précède que les documents produits par les requérantes en réponse aux questions du Tribunal, loin d'étayer les explications alternatives des requérantes visant à démontrer que l'accord en cause prévoyait uniquement la renonciation aux taux forfaitaires nets, confirment, tout au contraire, que les parties au FETTCSA sont convenues, aux termes de l'accord en cause, de facturer intégralement les taxes et les surtaxes et d'étendre ainsi à leurs relations l'accord identique conclu par les membres de la FEFC.

160.
    Il convient toutefois encore de vérifier si les autres circonstances invoquées par les requérantes sont de nature à remettre en cause cette constatation.

161.
    En deuxième lieu, les requérantes avancent, au soutien de leur explication alternative, que la Commission était informée de l'importance de la problématique des effets néfastes sur les tarifs des taux forfaitaires nets, illustrée par l'adoption par les membres de la FEFC du tarif NT 90 qui introduit un tarif divisé en cinq parties identifiant séparément chaque supplément.

162.
    Toutefois, la circonstance que la FEFC aurait, le cas échéant, adopté un tarif tel que le tarif NT 90 qui prévoit la ventilation des taxes et surtaxes pour remédier aux effets néfastes des taux forfaitaires nets ne réfute en rien le fait que les membres de la FEFC ont pu, dans le cadre du FETTCSA, décider de conclure un accord différent du tarif NT 90, visant à interdire les rabais sur les taxes et les surtaxes.

163.
    Au demeurant, ainsi qu'il a déjà été exposé, il ressort des documents produits par les requérantes en réponse à une question du Tribunal que le compte rendu de la réunion du 9 juin 1992 se réfère non au tarif NT 90, dont l'entrée en vigueur a eu lieu le 1er janvier 1990, mais à une décision adoptée par la FEFC le 8 juin 1992 prévoyant la facturation intégrale des taxes et surtaxes par les membres de la FEFC à partir du 1er juillet 1992.

164.
    En troisième lieu, les requérantes font valoir que l'objectif du FETTCSA était d'établir non des taux communs, mais une méthode commune pour le calcul des suppléments.

165.
    Force est cependant de constater que l'objectif déclaré du FETTCSA est sans pertinence dès lors que l'infraction alléguée concerne non l'accord FETTCSA en tant que tel, mais un accord distinct conclu ultérieurement en son sein.

166.
    Enfin, en quatrième lieu, les requérantes exposent qu'elles ont expliqué à la Commission, dans une lettre du 19 octobre 1992 concernant le FETTCSA, le fonctionnement du nouveau tarif de la FEFC.

167.
    Les explications fournies à la Commission au sujet du nouveau tarif de la FEFC sont toutefois sans pertinence dès lors que ces explications concernent la portée de l'accord FETTCSA, et non l'accord en cause. Au demeurant, lesdites explications ont été formulées avant que la Commission ne soulève de grief à l'encontre de l'accord en cause.

168.
    Pour ces raisons, il convient de conclure que les requérantes n'ont pas apporté d'éléments de nature à remettre en cause l'interprétation du compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 telle qu'elle résulte des propres termes de celui-ci et telle qu'elle a été retenue par la Commission dans la décision attaquée. Bien au contraire, les documents relatifs à la FEFC qu'elles ont produits en réponse à une question écrite du Tribunal confirment cette interprétation.

169.
    Sans qu'il soit besoin de s'interroger sur les motifs pour lesquels la Commission n'a pas cherché, au cours de la procédure administrative, à obtenir lesdits documents alors que le seul élément de preuve de nature à établir l'infraction y fait référence, il peut dès lors être admis que la Commission a prouvé à suffisance de droit l'infraction alléguée en se fondant sur les seuls termes du compte rendu de la réunion des parties au FETTCSA qui s'est tenue le 9 juin 1992.

170.
    Dans ces circonstances, la Commission a également pu, sans commettre de défaut de motivation, rejeter l'interprétation alternative du compte rendu proposée par les requérantes, en se bornant à constater, au considérant 36 de la décision attaquée et dans des termes similaires, au considérant 136, qu'elle n'était «pas convaincue par l'interprétation de l'accord donnée par les parties».

b) Sur le caractère restrictif de l'accord en cause

171.
    Il est constant que l'infraction constatée par la Commission dans la décision attaquée concerne un accord par lequel les requérantes ont, au sein du FETTCSA, décidé de facturer intégralement les taxes et les surtaxes dont elles fixent elles-mêmes le montant dans le cadre de leurs propres tarifs, à savoir, s'agissant des parties aux FETTCSA qui ne sont pas membres de la FEFC, leurs tarifs individuels et, s'agissant des parties au FETTCSA qui sont membres de la FEFC, le tarif de la conférence.

172.
    Aux termes de la décision attaquée, notamment au considérant 131, la Commission considère que, par un tel accord, les requérantes sont convenues de ne pas accorder de rabais sur les taux publiés des taxes et des surtaxes. Au considérant 133, elle conclut qu'«un accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les prix publiés restreint la concurrence par les prix, en infraction à l'article 81, paragraphe 1, [sous] a), même si les parties à l'accord en question ne s'entendent pas expressément sur le niveau de leurs prix publiés».

173.
    Les requérantes allèguent, en premier lieu, que l'accord constaté dans la décision attaquée ne restreint pas la concurrence de manière sensible et ne relève donc pas de l'interdiction prévue par les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE ou de l'article 2 du règlement n° 1017/68 parce qu'il n'empêche pas les parties à cet accord de modifier le montant des taxes et des surtaxes à facturer et, en particulier, d'en réduire le niveau afin de se livrer concurrence par les prix.

174.
    Cet argument ne saurait prospérer. L'article 81, paragraphe 1, sous a), CE, interdit explicitement les accords entre entreprises qui ont pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun et notamment ceux qui consistent à «fixer de façon directe ou indirecte les prix [...] de vente ou d'autres conditions de transaction». L'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68 prévoit une interdiction identique en ce qui concerne les accords de fixation des prix de transport.

175.
    Un accord, tel que celui en l'espèce, qui prévoit l'interdiction, pour les requérantes, d'octroyer des rabais à leur clientèle sur les taux publiés des taxes et des surtaxes a pour objet, en fixant indirectement les prix, de restreindre la concurrence, au sens de l'article 81, paragraphe 1, sous a), CE, ou de l'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68, dès lors qu'en raison dudit accord les parties au FETTCSA ont renoncé mutuellement à la liberté d'accorder à leur clientèle des rabais sur les tarifs publiés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 10, et arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49, points 84 à 86).

176.
    À cet égard, il ressort du dossier devant le Tribunal que, avant la conclusion de l'accord en cause, les requérantes se faisaient concurrence en ce qui concerne la facturation des taxes et des surtaxes, certaines d'entre elles renonçant à facturer intégralement ces suppléments, et que l'accord en cause a précisément été conclu afin d'éliminer cette source de concurrence. Ainsi, il y a lieu de constater que, dans une lettre du 28 avril 1992 produite par les requérantes en réponse à une question écrite du Tribunal, le président de la FEFC expose en termes clairs qu'«il y a eu une détérioration marquée tant en termes de réduction des taux de fret maritime que de non-facturation des suppléments», avant de proposer la facturation intégrale des taxes et des surtaxes aux dirigeants de la FEFC. Ces déclarations effectuées dans le cadre de la FEFC, qui traduisent l'intention de cette dernière de restreindre la concurrence, sont pertinentes en l'espèce aux fins de l'appréciation de l'objet restrictif de l'accord en cause conclu au sein du FETTCSA. En effet, d'une part, la plupart des parties au FETTCSA étaient membres de la FEFC et, d'autre part, l'accord en cause avait pour objet, ainsi qu'il a déjà été constaté ci-dessus, d'étendre aux parties au FETTCSA une décision identique adoptée par la FEFC. Il en résulte que l'accord en cause a manifestement un objet anticoncurrentiel.

177.
    Contrairement à la thèse des requérantes, la circonstance que ledit accord n'interdit pas aux requérantes de modifier, individuellement, dans le cas des compagnies indépendantes, ou collectivement, dans le cas des membres de la FEFC, le tarif des suppléments ou du fret n'est pas de nature à priver la restriction de concurrence en cause de son caractère sensible.

178.
    Il est en effet constant que les taxes et les surtaxes en cause peuvent représenter une partie substantielle du coût total du transport. Ainsi, les requérantes ont reconnu, aux termes d'une lettre du 19 octobre 1992 adressée par le secrétariat du FETTCSA à la Commission, que les taxes et les surtaxes pouvaient, en ce qui concerne le trafic ouest-est, atteindre jusqu'à 60 % du prix total du transport. Au considérant 134 de la décision attaquée, la Commission a ainsi constaté qu'«[i]l arrive que le fret maritime et l'acheminement terrestre représentent moins de la moitié du prix payé par les chargeurs, ce qui réduit les possibilités d'accorder des rabais sur le prix total». Dans ces circonstances, force est donc de constater que, en interdisant aux requérantes l'octroi de rabais sur les taxes et les surtaxes, l'accord en cause a pour objet de les priver de leur autonomie en matière de fixation des prix pour une partie importante de celui-ci.

179.
    En outre, au considérant 92 de la décision attaquée, la Commission a constaté, sans être contredite par les requérantes, que les parties au FETTCSA assuraient, au moment des faits, environ 86 % de l'ensemble du trafic régulier ouest-est entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

180.
    Enfin, il convient de tenir compte du fait que, en l'espèce, la concurrence par les prix entre les requérantes est déjà fortement réduite eu égard au fait que, dans le cadre du régime d'exemption par catégorie institué par le règlement n° 4056/86, les parties au FETTCSA qui sont membres de la FEFC appliquent, en tant que compagnies membres d'une conférence maritime, au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), dudit règlement, un tarif uniforme ou commun. Dans ce contexte, l'atteinte supplémentaire à la concurrence résultant de l'accord en cause est d'autant plus sensible qu'elle est de nature à porter atteinte au maintien d'une concurrence effective, notamment de la part de compagnies maritimes hors conférence. Or, l'existence d'une telle concurrence constitue, aux termes du huitième considérant du règlement n° 4056/86, l'une des raisons principales justifiant l'exemption par catégorie prévue en faveur des conférences maritimes, et les actes des conférences de nature à porter atteinte à cette concurrence sont susceptibles, en vertu de l'article 7, paragraphe 2, sous b), i), dudit règlement, de conduire au retrait de ladite exemption.

181.
    C'est dès lors à juste titre que la Commission a constaté, au considérant 134 de la décision attaquée, qu'un «accord entre les parties prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les tarifs publiés réduit sensiblement la capacité des compagnies de se faire concurrence sur le prix final facturé aux chargeurs», de sorte que «la concurrence par les prix s'en trouve fortement restreinte».

182.
    Dans ces conditions, la circonstance que les parties au FETTCSA ne se sont pas entendues sur le niveau des taxes et des surtaxes est sans incidence sur l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE ou de l'article 2 du règlement n° 1017/68.

183.
    Dès lors que l'accord en cause a pour objet de restreindre la concurrence et que cette restriction est sensible, la Commission ne doit pas, contrairement à ce que soutiennent, en second lieu, les requérantes, prouver l'intention des parties de restreindre la concurrence ou les effets anticoncurrentiels de l'accord. En effet, selon une jurisprudence constante, un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence relève de l'article 81, paragraphe 1, CE sans qu'il y ait lieu d'avoir égard à ses effets (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II-917, point 30, confirmé par arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, points 14 et 15). Par conséquent, un accord est susceptible d'enfreindre l'article 81, paragraphe 1, CE, ou l'article 2 du règlement n° 1017/68, même si ses termes n'ont pas été respectés en pratique (arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 15).

184.
    C'est dès lors à juste titre que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu, au considérant 133, qu'un «accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les prix publiés restreint la concurrence par les prix en infraction à l'article 81, paragraphe 1, [sous] a), même si les parties à l'accord en question ne s'entendent pas expressément sur le niveau de leurs prix publiés».

185.
    Il en résulte que les arguments des requérantes visant à mettre en cause le caractère sensible de la restriction de concurrence en cause doivent être rejetés.

c) Sur l'accord de renonciation aux taux forfaitaires nets

186.
    Aux fins d'examiner le bien-fondé de l'argumentation selon laquelle un accord prévoyant de renoncer aux taux forfaitaires nets ne restreint pas la concurrence de manière sensible, il convient de vérifier si la décision attaquée constate, aux termes de son dispositif, que les parties au FETTCSA ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE ou l'article 2 du règlement n° 1017/68 en concluant un tel accord ou si une telle constatation est le soutien nécessaire du dispositif de la décision attaquée. En effet, selon la jurisprudence, quels que soient les motifs sur lesquels repose un acte faisant grief, seul son dispositif est susceptible de produire des effets juridiques et, par voie de conséquence, de faire grief. Quant aux appréciations formulées par la Commission dans les motifs de la décision attaquée, elles ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l'objet d'un recours en annulation, à moins que, en tant que motifs d'un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire de son dispositif (arrêt du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T-138/89, Rec. p. II-2181, point 31).

187.
    En l'espèce, il ressort du dispositif de la décision attaquée, en particulier de son article 1er, que la Commission ne constate une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE qu'en ce qui concerne l'«accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes conclu entre les entreprises qui étaient signataires du [FETTCSA]». Selon la décision attaquée, ledit accord est consigné dans le compte rendu de la réunion des parties au FETTCSA qui s'est tenue le 9 juin 1992.

188.
    Le dispositif de la décision attaquée ne constate, en revanche, aucune infraction du fait que les parties au FETTCSA auraient conclu un accord prévoyant de renoncer aux taux forfaitaires nets. Ainsi qu'il a déjà été exposé ci-dessus, ce sont les requérantes qui, au cours de la procédure administrative, ont soutenu que l'objectif des parties au FETTCSA était de mettre un terme à la pratique des taux forfaitaires nets dans un souci de transparence vis-à-vis des chargeurs, de sorte que c'est en ce sens qu'il convenait d'interpréter les termes du compte rendu de la réunion du 9 juin 1992.

189.
    C'est en réponse à cette argumentation que la Commission constate, au considérant 136 de la décision attaquée, que «le fait qu'il existait [des] taux forfaitaires [nets], au sujet desquels les parties admettent s'être entendues pour éviter de les offrir à l'avenir, apporte en soi la preuve qu'une concurrence s'exerçait sur le niveau des taxes et des surtaxes» et qu'elle expose, au considérant 137, que, «[e]n outre, tout accord prévoyant de renoncer aux taux forfaitaires nets a pour effet d'augmenter la transparence des prix au détriment de la concurrence» car «[i]l est plus difficile de surveiller les prix d'un concurrent lorsqu'il offre des taux forfaitaires que lorsqu'il propose des taux désagrégés».

190.
    Aux termes de ces considérants, la Commission indique ainsi aux requérantes que, même si elle retenait leur explication alternative concernant la portée du compte rendu de la réunion des parties au FETTCSA du 9 juin 1992, l'accord qu'elles auraient alors conclu, à savoir un accord de renonciation aux taux forfaitaires nets, n'en aurait pas moins certains effets négatifs sur la concurrence par les prix.

191.
    Force est toutefois de constater que la Commission ne conclut pas, aux considérants 136 et 137 de la décision attaquée, qu'un accord de renonciation aux taux forfaitaires nets est interdit par l'article 81, paragraphe 1, CE ou par l'article 2 du règlement n° 1017/68, mais qu'elle se borne à y observer qu'un tel accord augmente la transparence au détriment de la concurrence en rendant plus facile la surveillance des prix des concurrents. Par ailleurs, il ressort clairement des considérants 36 et 136 de la décision attaquée que la Commission rejette l'explication alternative fournie par les requérantes. Par conséquent, la Commission n'ayant pas constaté que les requérantes ont conclu un accord de renonciation aux taux forfaitaires nets, elle n'a pu conclure à l'existence d'une infraction de ce chef.

192.
    En tout état de cause, les appréciations effectuées par la Commission aux considérants 136 et 137 ne font aucunement grief aux requérantes. D'une part, elles ne figurent pas, ainsi qu'il a déjà été constaté, dans le dispositif de la décision attaquée. D'autre part, elles n'en constituent pas le soutien nécessaire. En effet, dès lors que la Commission a constaté, au considérant 134, que l'accord en cause prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes réduisait sensiblement la capacité des compagnies de se faire concurrence sur le prix final facturé aux chargeurs de sorte que la concurrence par les prix s'en trouve fortement restreinte, elle ne pouvait que conclure que ledit accord a pour objet de restreindre la concurrence, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE ou de l'article 2 du règlement n° 1017/68, quelle que soit l'appréciation faite par elle au sujet d'un éventuel accord de renonciation aux taux forfaitaires nets dont, au demeurant, elle rejette l'existence.

193.
    Il en résulte que les appréciations figurant aux considérants 136 et 137 de la décision attaquée, même si elles ne correspondent pas à la thèse des requérantes, ne sont pas susceptibles, en tant que telles, de produire des effets juridiques et, partant, de faire grief aux requérantes. En conséquence, le recours des requérantes, pour autant qu'il vise à l'annulation de la décision attaquée en ce qu'elle interdit un accord prévoyant de renoncer aux taux forfaitaires nets, doit être rejeté comme irrecevable.

Conclusions sur les moyens

194.
    Pour l'ensemble des raisons exposées ci-dessus, les moyens des requérantes tirés d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE ou de l'article 2 du règlement n° 1017/68 et d'un défaut de motivation sur ce point doivent dès lors être rejetés.

3. Sur les moyens tirés d'une absence ou d'une erreur de définition des marchés concernés ainsi que d'un défaut de motivation sur ce point

Arguments des parties

195.
    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée est dépourvue de motivation suffisante en ce que, après avoir constaté que l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes concernait des services portuaires qui relèvent du règlement n° 17 et des services de transport terrestre qui relèvent du règlement n° 1017/68, la Commission a conclu que ledit accord était contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 et qu'il ne pouvait pas bénéficier de l'application de l'article 81, paragraphe 3, CE et de l'article 5 du règlement n° 1017/68, sans définir les marchés des services auxquels s'appliquent les règlements n° 17 et n° 1017/68. La décision attaquée se bornerait à définir, aux considérants 55 à 122, le seul marché des services de transport maritime régulier de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

196.
    En premier lieu, les requérantes allèguent que, en l'absence de définition des marchés des services relevant des règlements n° 17 et n° 1017/68, la Commission n'a pas procédé aux appréciations qui constituent les préalables nécessaires à l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 aux services qui relèvent, respectivement, des règlements n° 17 et n° 1017/68. Dès lors, la décision attaquée serait dépourvue de motivation en ce qu'elle constate que l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et surtaxes concernant des services de transport terrestre et des services portuaires constitue une restriction sensible de la concurrence sur ces marchés ou a un effet sensible sur les échanges entre États membres.

197.
    En réponse à l'argument de la Commission, selon lequel il résulte de l'arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission (T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, Rec. p. II-3141), qu'elle n'a pas l'obligation de définir le marché en cause lorsque la restriction de concurrence est patente, les requérantes font valoir que, en l'espèce, l'infraction alléguée n'est pas patente, puisqu'elle repose sur un document unique et ambigu qui est tout au plus relatif à un accord non entré en vigueur et dont les effets ne sont pas démontrés. Selon les requérantes, la Commission était dès lors légalement tenue de définir les différents marchés concernés par l'accord en cause, ce qu'elle a d'ailleurs fait de manière exhaustive pour le marché des services de transport maritime.

198.
    En second lieu, les requérantes estiment que la décision attaquée est également dépourvue de motivation en ce qu'elle n'expose pas les raisons pour lesquelles l'accord en cause ne remplit pas les conditions d'application de l'article 5 du règlement n° 1017/68 et de l'article 81, paragraphe 3, CE. Selon les requérantes, les conclusions tirées par la Commission au stade de l'examen de l'application de l'article 81 CE et du règlement n° 4056/86 à l'accord en cause en ce qu'il se rapporte aux services de transport maritime ne peuvent être transposées telles quelles à d'autres marchés non définis pour lesquels ni les parts de marchés ni les autres conditions de concurrence n'ont fait l'objet du moindre examen.

199.
    En ce qui concerne l'octroi d'une exemption individuelle, les requérantes font encore grief à la Commission de ne pas s'être acquittée de son obligation d'examiner si l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et surtaxes concernant les services de transport terrestre était susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle sur la base de l'article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1017/68. Les requérantes estiment que le considérant 175 de la décision attaquée n'envisage cette possibilité qu'en ce qui concerne l'accord FETTCSA, mais non en ce qui concerne l'accord en matière de rabais conclu au sein du FETTCSA faisant l'objet de la décision attaquée.

200.
    La Commission considère que les moyens des requérantes doivent être déclarés non fondés.

Appréciation du Tribunal

201.
    En vue d'examiner le bien-fondé des présents moyens tirés d'une absence ou d'une erreur de définition des marchés en cause et d'un défaut de motivation sur ce point, il convient d'emblée de souligner que, aux termes du considérant 55 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le marché à prendre en considération aux fins de l'appréciation de l'accord en cause prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes est celui des services réguliers de transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. Dans ce cadre, aux considérants 56 à 122 de la décision attaquée, la Commission a décrit en détail les raisons pour lesquelles certains modes de transports alternatifs n'étaient pas substituables aux services réguliers de transport maritime de fret conteneurisé, ainsi que les conditions de concurrence prévalant sur le marché de ces services. Par ailleurs, il convient de relever que, aux considérants 126 à 130 et à l'annexe II, la décision attaquée décrit les taxes et les surtaxes faisant l'objet de l'accord en cause.

202.
    Il y a lieu également de rappeler que, au stade de l'appréciation juridique de l'accord en cause, la Commission a estimé, aux termes des considérants 123 à 130 de la décision attaquée, que les taxes et les surtaxes couvertes par l'accord en cause concernent des services de transport maritime qui relèvent du règlement n° 4056/86, des services de transport terrestre qui relèvent du règlement n° 1017/68 et des services portuaires qui relèvent du règlement n° 17. Ensuite, aux considérants 131 à 144 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les requérantes ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, sous a), CE et l'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68 en convenant de ne pas accorder de rabais sur les tarifs publiés pour les taxes et les surtaxes en cause. S'agissant de l'application de cette dernière disposition, la Commission expose, au considérant 144 de la décision attaquée, que «les raisons invoquées aux considérants 132 à 143 en ce qui concerne l'applicabilité de l'article 81, paragraphe 1, valent [...] également pour l'article 2 du règlement [...] n° 1017/68». Enfin, aux considérants 162 à 175 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l'accord en cause ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 81, paragraphe 3, CE et par l'article 5 du règlement n° 1017/68 pour l'octroi d'une exemption individuelle. S'agissant de l'application de cette dernière disposition, la décision attaquée précise, au considérant 175 de la décision attaquée, que «[l]es raisons pour lesquelles le FETTCSA ne remplit pas les conditions d'exemption prévues à l'article 81, paragraphe 3, qui sont énoncées aux considérants 163 à 174, valent également pour la question de l'exemption individuelle au titre de l'article 5 du règlement [...] n° 1017/68».

203.
    Il ressort ainsi de la décision attaquée que la Commission a appliqué l'article 81 CE et l'article 2 du règlement n° 1017/68 à l'accord en cause en ce qu'il couvre des taxes et des surtaxes concernant des services portuaires relevant du règlement n° 17 et des services de transport terrestre relevant du règlement n° 1017/68, sans avoir défini préalablement les marchés desdits services, mais en se fondant sur les éléments retenus par la décision attaquée aux considérants 132 à 143 en ce qui concerne l'examen du caractère restrictif de concurrence de l'accord en cause, et aux considérants 163 à 174 en ce qui concerne l'examen du respect des conditions d'octroi d'une exemption individuelle.

204.
    Il appartient dès lors au Tribunal d'examiner si, comme les requérantes le soutiennent, la Commission ayant appliqué les règlements n° 17 et n° 1017/68 à l'accord en cause, elle était tenue de définir préalablement les marchés des services relevant desdits règlements aux fins de conclure à l'application de l'article 81 CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 audit accord ou si c'est à bon droit qu'elle a pu se fonder à cette fin sur les éléments retenus aux considérants 132 à 143 et 163 à 174 de la décision attaquée.

205.
    À cet égard, il y a lieu d'abord d'observer que, si elles estiment que la Commission aurait dû définir les marchés concernant les services relevant des règlements n° 17 et n° 1017/68, les requérantes ne contestent pas, en revanche, la description et la définition du marché des services en cause effectuée aux considérants 55 à 122. Il en résulte que, comme le fait observer à juste titre la Commission, les requérantes admettent, implicitement mais certainement, que la Commission a défini correctement le marché des services de transport maritime en cause et qu'elle était en droit de considérer ledit marché comme un marché pertinent aux fins de l'appréciation de l'accord en cause au regard du droit communautaire de la concurrence.

206.
    Ensuite, il convient de rappeler que, dans le cadre de l'application de l'article 81 CE, c'est pour déterminer si un accord est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun qu'il faut, le cas échéant, définir le marché en cause (arrêts du Tribunal du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289, point 74, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, point 1093). Par conséquent, l'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 81 CE s'impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêt European Night Services e.a./Commission, cité au point 197 ci-dessus, points 93 à 95 et 103, et arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62/98, Rec. p. II-2707, point 230).

207.
    Enfin, il y a lieu de souligner que, selon une jurisprudence constante, un accord échappe à l'interdiction édictée par l'article 81, paragraphe 1, CE, lorsqu'il ne restreint la concurrence ou n'affecte le commerce entre États membres que d'une manière insignifiante (voir, notamment, arrêts de la Cour du 30 juin 1966, Société technique minière, 56/65, Rec. p. 337, du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295, point 7, et du 28 avril 1998, Javico, C-306/96, Rec. p. I-1983, points 12 et 17).

208.
    À la lumière de la jurisprudence précitée, il convient dès lors de déterminer si, en l'espèce, la Commission était en mesure de conclure que l'accord en cause restreint la concurrence et est susceptible d'affecter le commerce entre États membres de manière sensible en ce qui concerne les services de transport maritime, les services de transport terrestre et les services portuaires fournis dans le cadre d'un transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, sans délimiter le ou les marchés en cause.

209.
    S'agissant, en premier lieu, de l'atteinte à la concurrence, il y a lieu de souligner que, comme il vient d'être constaté dans le cadre du moyen tiré d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68, c'est à bon droit que la Commission a conclu, au considérant 133 de la décision attaquée, que l'accord en cause prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes a pour objet de restreindre la concurrence par les prix. Or, il est constant que ledit accord a été conclu entre des compagnies maritimes qui sont directement concurrentes sur le marché du transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

210.
    Il y a lieu de rappeler que les ententes horizontales prévoyant la fixation des prix, outre qu'elles sont explicitement interdites par l'article 81, paragraphe 1, sous a), CE et par l'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68, constituent des infractions patentes au droit communautaire de la concurrence (arrêts Montedipe/Commission, cité au point 100 ci-dessus, point 265, et Tréfilunion/Commission, cité au point 100 ci-dessus, point 109). Tel est également le cas dans le cadre du règlement n° 4056/86, puisque, l'accord de fixation de prix en cause ayant été conclu entre les membres d'une conférence maritime et des compagnies indépendantes, il porte atteinte à la concurrence effective exercée par les compagnies maritimes n'appartenant pas à une conférence alors que, aux termes du huitième considérant du règlement n° 4056/86, l'existence d'une concurrence effective de la part des services réguliers hors conférence constitue l'une des principales justifications de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement. Ainsi, aux termes de l'article 7, paragraphe 2, sous b), i), du règlement n° 4056/86, tout acte d'une conférence entraînant l'élimination d'une concurrence effective ou potentielle extérieure à la conférence est susceptible de justifier le retrait de l'exemption par catégorie par la Commission. Par conséquent, il y a lieu de tenir pour établi que l'accord en cause constitue une infraction patente au droit communautaire de la concurrence.

211.
    Il convient également de rappeler qu'il est constant, comme le relève la décision attaquée au considérant 133, que les taxes et les surtaxes peuvent constituer une part considérable du prix total payé par les chargeurs pour le transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. Au considérant 32 de la décision attaquée, la Commission a ainsi indiqué, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que les taxes et les surtaxes faisant l'objet de l'accord en cause peuvent représenter jusqu'à 60 % du prix total du transport maritime de fret conteneurisé sur le trafic ouest-est. Par conséquent, ainsi qu'il a été constaté dans le cadre du moyen tiré d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68, c'est à juste titre que la Commission a conclu, au considérant 134 de la décision attaquée, que le fret maritime et l'acheminement terrestre représentant parfois moins de la moitié du prix payé par les chargeurs, l'accord en cause réduit sensiblement la capacité des compagnies maritimes à se faire concurrence sur le prix final facturé aux chargeurs de sorte que la concurrence par les prix s'en trouve fortement restreinte.

212.
    Enfin, il y a lieu de souligner que, au considérant 92 de la décision attaquée, la Commission a relevé, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que celles-ci assuraient, en 1991, environ 86 % de l'ensemble du trafic régulier ouest-est entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

213.
    Dans ces circonstances, même si la décision attaquée n'identifie pas explicitement, aux considérants 132 à 143, la nature des services à propos desquels la concurrence par les prix est susceptible d'être restreinte par l'accord en cause, il y a lieu de considérer que la Commission était en droit, eu égard aux éléments qui précèdent, d'estimer que ledit accord avait pour objet de restreindre sensiblement la concurrence, que ce soit pour la fourniture des services de transport maritime ou pour la fourniture des services de transport terrestre et des services portuaires dans le cadre d'un transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

214.
    Au demeurant, la Commission ayant conclu, au considérant 134 de la décision attaquée, que l'accord en cause réduit sensiblement la capacité des compagnies à se faire concurrence sur le prix final facturé aux chargeurs parce que le fret maritime et l'acheminement terrestre représentent parfois moins de la moitié du prix payé par les chargeurs, il y a lieu d'admettre qu'elle a implicitement mais certainement constaté que l'accord avait pour objet de restreindre la concurrence par les prix en ce qui concerne l'ensemble des services facturés par les compagnies maritimes, en ce compris les services de transport terrestre et les services portuaires fournis dans le cadre d'un transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. Cette conclusion est encore renforcée par le fait que, au considérant 142, la décision attaquée indique explicitement que les effets de l'accord en cause sur la fourniture de services de transport maritime «se sont probablement aussi répercutés sur la prestation de services annexes au transport maritime, qui comprennent notamment les services fournis par les transitaires, les services portuaires, les services de transport terrestre et la manutention», et ce en raison de l'altération des flux de services de transport entre États membres produite par l'accord en cause. Même si cette constatation a été effectuée dans le cadre de l'examen de l'affectation du commerce entre États membres, il y a lieu de lire la décision attaquée dans son ensemble. Dès lors, la considération qui sous-tend la constatation effectuée au considérant 142, à savoir l'altération des flux de services de transport produite par l'accord en cause, est également de nature à établir que ledit accord restreint la concurrence dans le domaine des services de transport terrestre et des services portuaires fournis dans le cadre d'un transport maritime de fret conteneurisé.

215.
    Par conséquent, il convient de conclure que la Commission a pu, sans définir tous les marchés de services en cause, considérer à bon droit que l'accord en cause avait pour objet de restreindre la concurrence dans le domaine des services réguliers de transport maritime, des services de transport terrestre et des services portuaires fournis dans le cadre du transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient et que cette restriction de concurrence était sensible. En particulier, s'agissant de l'application de l'article 2 du règlement n° 1017/68, la Commission a pu valablement renvoyer, au considérant 144, à l'analyse effectuée aux considérants 132 à 143 de la décision attaquée.

216.
    Il ressort également de ce qui précède que les considérants 132 à 143, et en particulier le considérant 142, de la décision attaquée contiennent une motivation suffisante des conclusions de la Commission sur ce point.

217.
    Tel est d'autant plus le cas en l'espèce que, au moment de l'adoption de la décision attaquée, les activités des requérantes avaient déjà fait l'objet de nombreuses procédures d'application de l'article 81 CE. En particulier, il ressort de la décision 94/980/CE de la Commission, du 19 octobre 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CE (IV/34.446 - Trans Atlantic Agreement) (JO L 376, p. 1), de la décision 94/985, de la décision 1999/243/CE de la Commission, du 16 septembre 1998, relative à une procédure d'application des articles [81] et [82] du traité CE (IV/35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement) (JO 1999, L 95, p. 1), et de la décision 1999/485/CE de la Commission, du 30 avril 1999, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CE (IV/34.250 - Europe Asia Trades Agreement) (JO L 193, p. 23), que les services offerts par les requérantes et les conditions dans lesquelles la concurrence s'exerce à cet égard y sont amplement décrits. Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu des requérantes qui leur permettait de comprendre la portée de cette décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C-294/95 P, Rec. p. I-5863, points 34 à 37, et arrêts du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T-78/96 et T-170/96, RecFP p. I-A-239 et II-745, point 141, et du 30 janvier 2002, max.mobil/Commission, T-54/99, Rec. p. II-313, point 79). En conséquence, le moyen tiré d'une motivation insuffisante de la décision attaquée en ce qui concerne la définition des marchés en cause dans la perspective d'apprécier une restriction de la concurrence ne saurait être retenu.

218.
    S'agissant, en deuxième lieu, de l'affectation du commerce entre États membres, il convient de relever, ainsi qu'il vient d'être indiqué ci-dessus, que la décision attaquée mentionne explicitement, au considérant 142, que les effets de l'accord en cause sur la fourniture de services de transport maritime se sont probablement aussi répercutés sur la prestation de services annexes au transport maritime, qui comprennent notamment les services fournis par les transitaires, les services portuaires, les services de transport terrestre et de manutention fournis dans le cadre du transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. Il ressort dès lors explicitement de la décision attaquée que la Commission a examiné les effets potentiels de l'accord en cause sur le commerce entre États membres à l'égard tant des services de transport maritime que des services de transport terrestre et des services portuaires.

219.
    Certes, la Commission n'a pas, à cette fin, défini le marché de tous les services en cause. Toutefois, il convient de souligner que l'accord en cause est un accord conclu entre des compagnies maritimes dont plusieurs sont établies dans la Communauté, portant sur les conditions de vente de services de transport régulier de fret conteneurisé, maritime et terrestre, à des chargeurs établis dans différents États membres de la Communauté. Or, comme il vient d'être constaté, la Commission a dûment démontré, dans la décision attaquée, qu'un tel accord avait pour objet de restreindre la concurrence à laquelle pouvaient se livrer ces compagnies sur les prix facturés pour l'ensemble des services qu'elles offrent. Par ailleurs, il a également été constaté qu'un tel accord constitue une infraction patente au droit communautaire de la concurrence.

220.
    Dans ces circonstances, il convient de considérer que la décision attaquée montre à suffisance de droit que l'accord en cause est intrinsèquement de nature à affecter de manière sensible le commerce entre États membres en ce qui concerne non seulement les services de transport maritime, mais également les autres services auxquels se rapportent les taxes et les surtaxes en cause, à savoir les services de transport terrestre et les services portuaires fournis dans le cadre d'un transport maritime de fret conteneurisé.

221.
    Par conséquent, il y a lieu d'admettre que la définition préalable des marchés de services en cause n'était pas, dans le cas présent, nécessaire aux fins de constater que l'accord en cause était susceptible d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres concernant les services de transport maritime, de transport terrestre et les services portuaires fournis dans le cadre d'un transport maritime de fret conteneurisé.

222.
    Il ressort également de ce qui précède que les considérants 140 à 143 de la décision attaquée contiennent une motivation suffisante des conclusions de la Commission en ce qui concerne la définition des marchés en cause dans la perspective d'apprécier l'affectation du commerce entre États membres, et ce d'autant plus que, pour les raisons exposées au point 217 ci-dessus, la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu des requérantes qui leur permettait de comprendre la portée de cette décision.

223.
    Il résulte ainsi de l'ensemble de ce qui précède que, eu égard à la nature de l'infraction en cause et aux circonstances de l'espèce, l'application faite par la Commission de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 n'exigeait pas, dans le cas présent, une définition préalable de tous les marchés de services en cause.

224.
    Les requérantes font encore valoir que la définition préalable de tous les marchés de services en cause était requise aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 3, CE et de l'article 5 du règlement n° 1017/68 en vue de l'octroi d'une exemption individuelle.

225.
    Toutefois, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence susvisée, c'est uniquement pour déterminer si un accord est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun qu'il faut, le cas échéant, définir le marché en cause (arrêts SPO e.a./Commission, cité au point 206 ci-dessus, point 74, et Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 206 ci-dessus, point 1093).

226.
    En revanche, la délimitation précise de tous les marchés en cause n'est pas nécessairement indispensable pour déterminer si un accord remplit les quatre conditions d'octroi d'une exemption individuelle édictées par l'article 81, paragraphe 3, CE et par l'article 5 du règlement n° 1017/68. Certes, la vérification du respect de la quatrième condition prévue par l'article 81, paragraphe 3, sous b), CE et par l'article 5, sous b), du règlement n° 1017/68 requiert que la Commission examine si l'accord en cause est susceptible d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle, respectivement selon les dispositions applicables, des produits en cause ou du marché de transport en cause. Toutefois, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les quatre conditions d'octroi d'une exemption sont cumulatives (voir, notamment, arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429) et il suffit dès lors qu'une seule de ces conditions ne soit pas remplie pour que l'exemption doive être refusée (arrêt SPO e.a./Commission, cité au point 206 ci-dessus, point 267).

227.
    En conséquence, dès lors que, en l'espèce, la Commission a constaté, aux termes des considérants 162 à 174 de la décision attaquée, que les trois premières conditions d'octroi d'une exemption individuelle ne sont pas remplies et qu'il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la quatrième condition, il y a lieu d'admettre que la Commission n'avait pas l'obligation, dans le cas présent, de définir préalablement tous les marchés en cause en vue de vérifier si l'accord en cause était susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle en vertu de l'article 81, paragraphe 3, CE ou de l'article 5 du règlement n° 1017/68. En effet, en vue de déterminer si les trois premières conditions sont remplies, il convient d'avoir égard aux avantages qui découlent de l'accord non spécifiquement sur le marché en cause, mais pour tout marché sur lequel l'accord en cause pourrait produire des effets bénéfiques. Ainsi, tant l'article 81, paragraphe 3, CE que l'article 5 du règlement n° 1017/68 envisagent la possibilité d'une exemption en faveur, notamment, des accords qui contribuent à promouvoir le progrès technique ou économique, sans exiger un lien particulier avec le marché en cause (arrêt Compagnie générale maritime e.a./Commission, cité au point 15 ci-dessus, point 343).

228.
    Par ailleurs, il y a lieu d'observer, ainsi qu'il ressort du considérant 169 de la décision attaquée, que la Commission a estimé, en l'espèce, que les trois premières conditions d'octroi d'une exemption n'étaient pas remplies au motif, en substance, que l'accord en cause était de nature à entraîner une plus grande transparence entre fournisseurs et consommateurs qui ne profiterait pas à ces derniers, eu égard à l'affaiblissement de la concurrence par les prix qui accompagne cette transparence. Or, ainsi qu'il vient d'être souligné ci-dessus, cette dernière constatation est applicable non seulement aux services de transport maritime en cause, mais également aux services de transport terrestre et aux services portuaires fournis dans le cadre d'un transport maritime de fret conteneurisé.

229.
    Par conséquent, c'est à bon droit que la Commission a pu constater, sans définir préalablement tous les marchés de services concernés, que les conditions d'octroi d'une exemption n'étaient pas remplies par l'accord en cause. En particulier, s'agissant de l'application de l'article 5 du règlement n° 1017/68, la Commission a pu valablement renvoyer, au considérant 175, à l'analyse effectuée aux considérants 163 à 174 de la décision attaquée.

230.
    Il résulte également de ce qui précède que les considérants 163 à 175 de la décision attaquée contiennent une motivation suffisante en ce qui concerne la définition des marchés en cause dans la perspective d'apprécier les conditions d'octroi d'une exemption. Tel est d'autant plus le cas en l'espèce que, pour les raisons qui ont été exposées au point 216 ci-dessus, la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu des requérantes qui leur permettait de comprendre la portée de cette décision. En conséquence, le grief des requérantes tiré d'une motivation insuffisante de la décision attaquée sur ce point ne saurait être retenu.

231.
    Enfin, toujours en ce qui concerne les conditions d'octroi d'une exemption, les requérantes allèguent que la Commission n'aurait pas, en violation de l'article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1017/68, examiné si l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes concernant les services de transport terrestre fournis dans le cadre d'un transport maritime de fret conteneurisé était susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle.

232.
    À cet égard, force est d'admettre que, aux termes du considérant 175 de la décision attaquée, la Commission se borne à exclure le bénéfice de l'exemption individuelle prévue par l'article 5 du règlement n° 1017/68 au seul FETTCSA sans envisager explicitement la situation de l'accord en cause.

233.
    Toutefois, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, il convient d'interpréter le considérant 175 de la décision attaquée à la lumière et dans le contexte de ladite décision. Or, ainsi qu'il a déjà été relevé dans le cadre du moyen tiré d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68, il ressort de l'article 1er de la décision attaquée que celle-ci ne constate aucune infraction du fait de la conclusion de l'accord FETTCSA, mais la constate uniquement du fait de la conclusion de l'accord en cause. La décision attaquée n'ayant pas constaté que l'accord FETTCSA prévoyant la définition de normes et l'utilisation d'un mécanisme commun pour le calcul et la fixation des taxes et surtaxes constituait en lui-même une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE ou à l'article 2 du règlement n° 1017/68, elle ne saurait dès lors envisager l'octroi d'une exemption en faveur dudit accord FETTCSA. Par ailleurs, il convient de rappeler que, pour l'analyse de l'accord en cause au regard de l'article 5 du règlement n° 1017/68, le considérant 175 renvoie aux considérants 163 à 174, lesquels traitent explicitement de la possibilité d'exemption de l'accord en cause.

234.
    En conséquence, l'argumentation des requérantes sur ce point doit être rejetée.

235.
    Pour l'ensemble des raisons exposées ci-dessus, il y a lieu de conclure que les moyens tirés d'une absence ou d'une erreur dans la définition des marchés et d'un défaut de motivation sur ce point doivent être déclarés non fondés dans leur totalité.

4. Sur les moyens relatifs au montant des amendes et à un défaut de motivation sur ce point

236.
    Par la première branche des présents moyens, les requérantes font valoir que les amendes infligées par la Commission sont excessives, eu égard à la gravité et à la durée de l'infraction, à certaines circonstances atténuantes, à leur coopération avec la Commission ainsi qu'à la durée de la procédure devant la Commission. À titre individuel, Senator Lines invoque, en outre, la confiance légitime qu'elle a fondée sur le comportement de la Commission, le fait qu'elle n'a pas retiré de bénéfices de l'infraction et le fait que l'amende infligée affecte sa capacité financière étant donné sa situation déficitaire. Les requérantes considèrent, en outre que la décision attaquée est insuffisamment motivée sur certains de ces points.

237.
    Par la deuxième branche des présents moyens, les requérantes soutiennent que la méthodologie suivie par la Commission consistant à les répartir en quatre groupes pour calculer le montant des amendes est dépourvue de motivation, discriminatoire et incohérente. Les requérantes sollicitent dès lors du Tribunal qu'il annule les amendes infligées ou, à tout le moins, qu'il réduise leur montant au niveau qu'il estime adéquat, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

238.
    Enfin, par la troisième branche des présents moyens, P & O Nedlloyd Container Line Ltd (ci-après «P & O Nedlloyd») reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, au stade de la détermination du montant des amendes, de la fusion intervenue entre-temps entre P & O et Nedlloyd.

239.
    Avant d'examiner ces arguments, il convient de préciser, à titre préliminaire, le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les amendes infligées en l'espèce aux requérantes.

Observations préliminaires sur le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les amendes infligées aux requérantes

240.
    Aux termes des considérants 176 à 207 de la décision attaquée, la Commission inflige des amendes à toutes les requérantes du fait de l'infraction constatée à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 2 du règlement n° 1017/68. Il ressort du considérant 179 de la décision attaquée que ces amendes ont été infligées en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 et de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86.

241.
    Il convient d'observer que, même si la décision attaquée ne se réfère pas explicitement aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices»), il ressort des considérants 176 à 207 que la Commission a déterminé le montant des amendes infligées aux requérantes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices. En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a confirmé cette application dans le cadre de la décision attaquée.

242.
    Bien que les lignes directrices ne visent formellement que les amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, il convient, en raison de l'identité des termes des dispositions pertinentes des règlements n° 4056/86 et n° 1017/68, d'admettre que la Commission puisse se fonder par analogie sur les lignes directrices aux fins de calculer des amendes dans le cadre de l'application des règlements n° 4056/86 et n° 1017/68. Le Tribunal a d'ailleurs déjà admis que la jurisprudence relative à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 était transposable à l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86, dès lors que leurs termes sont identiques (arrêt du Tribunal du 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, dit «CEWAL», T-24/93 à T-26/93 et T-28/93, Rec. p. II-1201, point 233).

243.
    Selon la méthode définie dans les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ pour le calcul du montant des amendes à infliger aux entreprises concernées un montant de base déterminé en fonction de la gravité de l'infraction. L'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les «infractions peu graves», pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 million d'écus, les «infractions graves», pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 million et 20 millions d'écus et les «infractions très graves» pour lesquelles le montant des amendes envisageables va au-delà de 20 millions d'écus (point 1 A, premier à troisième tiret). À l'intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites «graves» et «très graves», l'échelle des sanctions retenues permet de différencier le traitement qu'il convient d'appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises (point 1 A, troisième alinéa). Il est en outre nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

244.
    Ensuite, il peut être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent, la plupart du temps, d'infrastructures suffisantes pour posséder des connaissances juridiques et économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence (point 1 A, cinquième alinéa).

245.
    À l'intérieur de chacune des trois catégories d'infraction ainsi définies, il peut convenir, selon la Commission, de pondérer, dans certains cas, le montant déterminé, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature et d'adapter en conséquence le point de départ général du montant de base retenu selon le caractère spécifique de chaque entreprise (ci-après le «point de départ spécifique») (point 1 A, sixième alinéa).

246.
    Quant au facteur relatif à la durée, les lignes directrices établissent une distinction entre les infractions de courte durée (en général, inférieures à un an), pour lesquelles le montant retenu pour la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut subir jusqu'à 50 % de majoration, et les infractions de longue durée (en général, au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré pour chaque année de 10 % (point 1 B, premier alinéa, premier à troisième tiret).

247.
    Ensuite, les lignes directrices citent, à titre d'exemple, une liste de circonstances aggravantes et de circonstances atténuantes qui peuvent être prises en considération pour augmenter ou diminuer le montant de base puis elles se réfèrent à la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans des affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la «communication sur la coopération») (points 2 et 3).

248.
    En tant que remarque générale, les lignes directrices précisent que le résultat final du calcul du montant de l'amende selon ce schéma (montant de base affecté de pourcentages d'aggravation et d'atténuation) ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial des entreprises, conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 [point 5, sous a)]. De plus, les lignes directrices prévoient qu'il convient, selon les circonstances, après avoir effectué les calculs décrits ci-dessus, de prendre en considération certaines données objectives telles que le contexte économique spécifique, l'avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction, les caractéristiques propres des entreprises en cause ainsi que leur capacité contributive réelle dans un contexte social particulier, pour adapter, in fine, le montant des amendes envisagé [point 5, sous b)].

249.
    En l'espèce, au considérant 181 de la décision attaquée, la Commission a considéré, au regard de la gravité de l'infraction, que l'infraction, s'agissant d'un accord horizontal visant à restreindre la concurrence par les prix entre conférences et compagnies indépendantes, est «particulièrement grave dans le secteur des transports maritimes de ligne, où l'existence d'une concurrence effective ou potentielle de compagnies indépendantes est l'une des principales justifications de l'exemption par catégorie». Toutefois, eu égard au fait qu'un accord prévoyant de ne pas accorder de rabais est moins grave qu'un accord fixant le niveau général des prix et étant donné l'absence de preuve quant aux effets de l'infraction sur les niveaux des prix, la Commission a estimé que l'infraction devait être considérée comme «grave» et qu'il convenait «de fixer le montant de base des amendes au niveau le plus bas de l'échelle des amendes applicables aux infractions graves». En application de ces considérations, la Commission a fixé le montant de base de l'amende pour la plus grande des parties au FETTCSA, à savoir Maersk, à 1 300 000 euros.

250.
    Aux considérants 182 et 183 de la décision attaquée, la Commission a exposé que, pour tenir compte de la capacité effective des entreprises concernées à causer un dommage important et de la nécessité de faire en sorte que le montant de l'amende ait un caractère suffisamment dissuasif, elle a, vu les différences de tailles considérables qui existent entre les parties au FETTCSA, réparti les requérantes en différents groupes en fonction de leur chiffre d'affaires mondial afférent aux services de transport ayant pour objet le transport de fret conteneurisé et comportant un élément maritime. Au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée, la Commission a identifié quatre groupes par rapport à la taille relative de l'entreprise ayant le chiffre d'affaires le plus élevé, en l'occurrence, Maersk. Ces quatre groupes sont constitués par le «grand transporteur», les «transporteurs moyens à grands», les «transporteurs petits à moyens» et les «petits transporteurs». Au tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée, la Commission a appliqué à chacun de ces groupes un montant de base s'élevant, respectivement, à 1 300 000, 1 000 000, 650 000 et 325 000 euros. Aux termes des considérants 187 à 195 et du tableau 7 du considérant 206 de la décision attaquée, ces montants de base ont ensuite été réduits de 20 %, 10 % et 100 000 euros en faveur de toutes les entreprises pour tenir compte, respectivement, des circonstances atténuantes, de la coopération des requérantes et de la durée de la procédure administrative devant la Commission.

251.
    C'est dans ce contexte qu'il convient d'apprécier si, comme l'allèguent les requérantes, les amendes infligées à l'article 4 de la décision attaquée sont excessives et ont été déterminées sur la base d'une méthodologie erronée.

252.
    Dans ce cadre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59). En vertu de l'article 17 du règlement n° 17, de l'article 24 du règlement n° 1017/68 et de l'article 21 du règlement n° 4056/86, le Tribunal statue toutefois avec une compétence de pleine juridiction au sens de l'article 229 CE sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende et peut, en conséquence, supprimer, réduire ou majorer l'amende infligée.

Sur la première branche, tirée du caractère excessif du montant des amendes

253.
    Afin de souligner le caractère excessif du montant des amendes, les requérantes avancent, selon le cas, en commun ou à titre individuel, un certain nombre de griefs et d'arguments concernant la gravité de l'infraction, la durée de l'infraction, l'existence de circonstances atténuantes, la coopération avec la Commission, la durée de la procédure devant la Commission, la confiance légitime fondée sur le comportement de la Commission, l'absence de bénéfices retirés de l'infraction et leur situation financière.

a) Sur la gravité de l'infraction

Arguments des parties

254.
    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit en retenant que l'accord en cause constitue une infraction «grave» au sens des lignes directrices. Elles allèguent qu'un accord horizontal est susceptible de constituer une infraction peu grave au sens des lignes directrices lorsque, par opposition à une infraction «dont l'application est plus rigoureuse», «[son] impact sur le marché reste limité» [point 1, sous a), des lignes directrices]. Tel serait le cas en l'espèce, puisque l'accord n'aurait pas été mis en oeuvre. Les requérantes soulignent à cet égard que, en vertu de l'accord FETTCSA, les parties avaient simplement la faculté de mettre en oeuvre les accords conclus entre elles. Par ailleurs, la Commission ne disposerait d'aucune preuve de la mise en vigueur de l'accord en cause ou des effets qu'il aurait éventuellement produits sur le marché, notamment sur la concurrence par les prix entre les compagnies maritimes.

255.
    Les requérantes font également grief à la Commission de ne pas avoir motivé à suffisance de droit l'application à Maersk, la plus grande entreprise membre du FETTCSA, d'un montant de base de l'amende de 1 300 000 euros, alors qu'elle constate, au considérant 181, qu'il convient de fixer le montant de base des amendes «au niveau le plus bas de l'échelle des amendes applicables aux infractions graves». Elles font observer que, aux termes des lignes directrices, le montant de base le plus bas pour les infractions graves est de 1 million d'euros. Dès lors, les requérantes estiment que, si le Tribunal devait confirmer l'appréciation de la Commission selon laquelle l'infraction en cause est grave, le montant de base de l'amende infligée à Maersk ne saurait être supérieur à 1 million d'euros.

256.
    La Commission considère que la décision attaquée a conclu à bon droit que l'infraction en cause est «grave», étant donné qu'elle constitue une infraction en matière de prix, que la part de marché des entreprises concernées est importante et que l'accord implique l'extension des mesures adoptées par une conférence à des compagnies indépendantes de la conférence.

257.
    En réponse à l'argumentation des requérantes tirée des termes des lignes directrices, la Commission souligne que celles-ci doivent s'interpréter de manière souple, en ce sens qu'elles ne contiennent pas des dispositions légales rigides, mais plutôt des indications générales.

258.
    Quant à la circonstance, soulignée par les requérantes, selon laquelle l'accord en cause n'aurait pas été mis en oeuvre ou n'aurait pas produit d'effets anticoncurrentiels sur le marché concerné, elle serait sans pertinence s'agissant d'un accord horizontal en matière de prix qui, par nature, doit être considéré comme une infraction grave. Pour la même raison, le fait que l'adhésion à l'accord FETTCSA ait été purement volontaire serait également sans pertinence.

259.
    S'agissant de l'allégation relative à un défaut de motivation, la Commission explique, en réponse à une question écrite du Tribunal, que les lignes directrices prévoient que les infractions graves devraient donner lieu à une amende dont le montant varie entre 1 million et 20 millions d'euros. Dans le cas présent, au vu de l'absence de preuve quant aux effets de l'infraction sur le niveau des prix, la Commission aurait considéré qu'il était approprié de fixer le montant de base de l'amende au niveau le plus bas des amendes applicables aux infractions graves.

260.
    Selon la Commission, afin de suivre scrupuleusement ses propres lignes directrices ainsi que la pratique développée depuis l'adoption de celles-ci, il était approprié de fixer les montants de base des amendes appliqués au «grand transporteur» et aux «transporteurs moyens à grands» à un niveau qui ne soit pas inférieur au minimum prévu par les lignes directrices pour les infractions graves, à savoir 1 million d'euros. Par ailleurs, au vu de la différence de taille considérable entre, d'une part, l'entreprise la plus grande figurant dans le groupe des «transporteurs moyens à grands» et, d'autre part, la seule entreprise composant le groupe du «grand transporteur», la Commission explique qu'il était approprié de fixer le montant de base de l'amende appliqué à cette dernière à un niveau quelque peu supérieur, à savoir, 1 300 000 euros. La Commission fait enfin observer que, afin de ne pas pénaliser les plus petites parties au FETTCSA, le montant de base des amendes pour les «transporteurs petits à moyens» et les «petits transporteurs» a été établi à un niveau inférieur à celui prévu par les lignes directrices.

Appréciation du Tribunal

261.
    S'agissant du premier grief relatif à la nature de l'infraction retenue dans la décision attaquée, laquelle qualifie l'infraction de grave, il ressort de l'examen du moyen tiré d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 que l'accord en cause prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes restreint de manière sensible la concurrence par les prix entre des compagnies maritimes qui sont directement concurrentes pour le transport maritime de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

262.
    Or, les ententes horizontales en matière de prix ont toujours été considérées comme faisant partie des infractions les plus graves au droit communautaire de la concurrence (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T-202/98, T-204/98 et T-207/98, Rec. p. II-2035, point 103). C'est dès lors à juste titre qu'elles sont qualifiées de «très graves» par les lignes directrices.

263.
    En l'espèce, la gravité de l'infraction est, en outre, renforcée par le fait que, l'accord de fixation de prix en cause ayant été conclu entre les membres d'une conférence maritime et des compagnies indépendantes, il porte atteinte à la concurrence effective exercée par les compagnies maritimes hors conférences alors que, aux termes du huitième considérant du règlement n° 4056/86, l'existence d'une concurrence effective de la part des services réguliers hors conférence constitue l'une des principales justifications de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement.

264.
    Dans ces circonstances, la qualification de l'accord en cause d'infraction grave, en raison de l'absence de preuve quant à l'effet sur le niveau des prix et de la courte durée probable des effets nuisibles éventuels de l'infraction, représente déjà une qualification atténuée par rapport aux critères appliqués pour la détermination du niveau des amendes en cas d'accords horizontaux en matière de prix.

265.
    Il ne saurait dès lors être reproché à la Commission d'avoir conclu, au considérant 181 de la décision attaquée, que, eu égard aux éléments qui précèdent, l'infraction constatée dans ladite décision était grave.

266.
    Quant à l'allégation des requérantes selon laquelle, au point 1 A, premier tiret, des lignes directrices, la Commission admettrait que les infractions peu graves puissent inclure des restrictions horizontales «dont l'impact sur le marché reste limité», il suffit de constater que, à cet endroit, les lignes directrices indiquent explicitement que les infractions peu graves visent des restrictions «le plus souvent verticales» qui concernent une «partie substantielle mais relativement étroite du marché communautaire». Or, en l'espèce, dès lors que l'accord en cause est un accord horizontal conclu entre des compagnies maritimes dont plusieurs sont établies dans la Communauté, prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes à des chargeurs établis notamment dans différents États membres de la Communauté, il ne saurait être soutenu que ledit accord est susceptible de relever de la catégorie des infractions peu graves au sens des lignes directrices.

267.
    Partant, le premier grief des requérantes doit être rejeté.

268.
    S'agissant du deuxième grief, tiré d'un défaut de motivation, il y a lieu d'observer que, au considérant 181 de la décision attaquée, la Commission considère qu'il convient, pour les raisons citées au point 264 ci-dessus, de «fixer le montant de base des amendes au niveau le plus bas de l'échelle des amendes applicables aux infractions graves». La Commission poursuit, à la phrase suivante du même considérant, en indiquant que, «[c]ompte tenu des circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer le montant de base de l'amende, pour la plus grande des parties au FETTCSA, à 1 300 000 euros».

269.
    Il est constant que, dans la décision attaquée, la Commission a déterminé les montants de base des amendes infligées aux requérantes en suivant la méthode définie dans les lignes directrices, ce qu'elle a, au demeurant, explicitement confirmé en réponse à une question écrite du Tribunal. Par ailleurs, les lignes directrices indiquent expressément que, pour les infractions graves, le montant des amendes envisageable le plus bas est de 1 million d'euros. Il est également constant que, en l'espèce, ce dernier montant correspond au montant de base au sens des lignes directrices (gravité + durée) du fait de l'absence de coefficient multiplicateur au titre de la durée de l'infraction.

270.
    Dans ces circonstances, il convient de vérifier si, comme le soutiennent les requérantes, la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation en ce que la Commission, au considérant 181, applique à Maersk un montant de base plus élevé que le montant le plus bas prévu par les lignes directrices pour les infractions graves, alors qu'elle affirme, au même considérant, qu'il convient de fixer le montant de base des amendes au niveau le plus bas de l'échelle du montant des amendes applicable aux infractions graves.

271.
    À cet égard, il y a lieu d'observer que, dès lors que la Commission décide d'appliquer au cas d'espèce la méthode énoncée dans les lignes directrices, elle est tenue, eu égard à l'engagement contracté lors de la publication de celle-ci, de s'y conformer lors du calcul du montant des amendes, sauf à expliciter spécifiquement les motifs qui justifient, le cas échéant, de s'en écarter sur un point précis. Il convient dès lors d'examiner si, en l'espèce, la décision attaquée contient une telle motivation.

272.
    Force est, toutefois, de constater que, sous réserve de l'expression «compte tenu des circonstances de l'espèce» figurant au considérant 181, la décision attaquée ne contient aucune explication quant à la raison pour laquelle il convient d'appliquer à Maersk un montant de base de 1 300 000 euros plutôt que le montant de 1 million d'euros, montant le plus bas prévu par les lignes directrices pour les infractions graves. Or, il ressort à l'évidence dudit considérant 181 de la décision attaquée que l'expression «compte tenu des circonstances de l'espèce» qui y figure vise non les circonstances justifiant l'application d'un montant de base plus élevé que le minimum prévu par les lignes directrices, mais les circonstances justifiant que, en dépit du fait qu'il s'agit d'un accord de prix horizontal, lequel type d'accord constitue normalement une infraction «très grave», la Commission a estimé que l'accord ne devait être qualifié que d'infraction «grave».

273.
    À l'audience, la Commission a expliqué, en réponse à une question du Tribunal, qu'il lui avait paru approprié, dans le cas présent, de prévoir, d'une part, que le montant de base des amendes appliqué aux groupes «grand transporteur» et «transporteurs moyens à grands» ne soit pas inférieur au minimum prévu par les lignes directrices pour les infractions graves, à savoir 1 million d'euros, et, d'autre part, que, au vu de la différence de taille considérable entre l'entreprise la plus grande figurant dans le groupe des «transporteurs moyens à grands» et la seule entreprise composant le groupe du «grand transporteur», le montant de base des amendes appliqué à cette dernière soit établi à un niveau quelque peu supérieur, à savoir 1 300 000 euros.

274.
    Sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé de cette explication, force est de constater que celle-ci a été formulée pour la première fois à l'audience et qu'elle ne figure pas dans la décision attaquée, ce que, au demeurant, la Commission a admis à l'audience en réponse à une question du Tribunal.

275.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que l'application à Maersk d'un montant de base de l'amende supérieur à celui prévu par les lignes directrices est insuffisamment motivé. Partant, le deuxième grief des requérantes doit être accueilli.

b) Sur la durée de l'infraction

Arguments des parties

276.
    Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit et de fait en considérant que l'accord en cause a duré trois mois, du 9 juin 1992, date de la conclusion de cet accord, au 8 septembre 1992, date de la dernière réunion, alors que ledit accord n'a jamais été mis en vigueur. Les requérantes relèvent que, en appliquant à une infraction qui n'a pas été commise le régime prévu par les lignes directrices pour les infractions d'une durée d'un an, la Commission effectue une application stricte des lignes directrices, alors qu'elle reconnaît, par ailleurs, qu'il convient d'en appliquer les dispositions avec souplesse en tenant compte des circonstances propres à chaque affaire.

277.
    Pour ces raisons, les requérantes considèrent que le montant de base de l'amende infligée à la plus grande partie au FETTCSA ne pourrait excéder 1 million d'euros et devrait même être purement «symbolique» (1 000 euros) ou «nominal» (10 000 euros), étant donné l'absence de preuve quant à la mise en vigueur de l'accord en cause. À titre subsidiaire, même s'il était prouvé que l'accord a eu une durée de trois mois, étant donné l'absence de preuve quant aux effets de cet accord sur le marché, les requérantes postulent que le montant de l'amende imposé à l'entreprise la plus grande ne peut excéder 250 000 euros (montant proportionnel à un quart d'année).

278.
    La Commission estime que les arguments des requérantes concernant la durée de l'infraction sont non fondés.

Appréciation du Tribunal

279.
    En substance, les requérantes font grief à la Commission d'avoir considéré que l'infraction a eu une durée de trois mois alors que l'accord en cause n'aurait jamais été mis en vigueur.

280.
    Toutefois, dès lors que la Commission n'a pas prouvé les effets de l'accord en cause et qu'elle n'avait pas l'obligation de le faire, l'accord en cause ayant un objet restrictif de concurrence, le fait que l'accord en cause ait été ou non mis en vigueur est sans pertinence pour le calcul de la durée de l'infraction. Pour calculer la durée d'une infraction dont l'objet est restrictif de concurrence, il convient en effet uniquement de déterminer la durée pendant laquelle cet accord a existé, à savoir la période s'étant écoulée entre la date de sa conclusion et la date à laquelle il y a été mis fin.

281.
    En l'espèce, la Commission a estimé, au considérant 180, que l'accord en cause prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes a été conclu le 9 juin 1992, date du compte rendu prouvant l'infraction. Aux termes du même considérant, la Commission a admis que, même si l'accord FETTCSA n'a été formellement résilié que le 26 mai 1994, l'accord en cause a pris fin le 28 septembre 1992, date de l'envoi de la lettre de la Commission contenant l'appréciation juridique préliminaire de celle-ci au sujet du FETTCSA, peu de temps après la dernière réunion du FETTCSA du 8 septembre 1992.

282.
    Sans qu'il soit besoin de distinguer entre les dates du 8 ou du 28 septembre 1992, il en résulte que c'est dès lors à bon droit que la Commission a considéré que l'accord en cause a eu une durée de trois mois.

283.
    En tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir réduit le montant de base de l'amende en raison de la durée très courte de l'infraction. Le fait que l'infraction soit de courte durée n'affecte en effet en rien sa gravité telle qu'elle résulte de sa nature propre, à savoir, en l'espèce, une restriction horizontale en matière de prix. C'est dès lors à juste titre que la Commission a considéré, conformément au point 1 B, premier alinéa, premier tiret, de ses lignes directrices, que la durée très courte de l'infraction, à savoir une durée inférieure à un an, justifiait uniquement qu'aucun montant additionnel ne soit imputé au montant déterminé en fonction de la gravité de l'infraction.

284.
    En conséquence, les arguments des requérantes quant à la durée de l'infraction doivent être rejetés.

c) Sur les circonstances atténuantes

Arguments des parties

285.
    Les requérantes considèrent que la Commission a commis une erreur de droit en ne retenant pas la non-application de l'accord en cause comme circonstance atténuante, alors que les lignes directrices citent cet exemple à ce titre.

286.
    La Commission conclut au rejet de l'argumentation des requérantes.

Appréciation du Tribunal

287.
    Il y a lieu de rappeler que, aux termes du considérant 188 de la décision attaquée, la Commission a accepté de réduire le montant des amendes de 20 % au titre des circonstances atténuantes en raison de la dissolution présumée de l'accord après la réception par les requérantes de la lettre de la Commission du 28 septembre 1992.

288.
    Ce faisant, la Commission a pris en compte l'une des raisons qui, aux termes de ses lignes directrices, justifie une réduction du montant de base des amendes au titre des circonstances atténuantes, à savoir la «cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission» (point 3, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices).

289.
    Il y a toutefois lieu de relever que, aux termes du point 3, premier alinéa, deuxième tiret, des lignes directrices, la non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles est également spécifiquement mentionnée par la Commission en tant que circonstance atténuante de nature à entraîner une diminution du montant de base des amendes.

290.
    Or, il est constant, par ailleurs, que la Commission n'a pas, en l'espèce, recueilli de preuve quant à la mise en oeuvre de l'accord en cause.

291.
    Il convient dès lors d'examiner si cette circonstance a été prise en compte par la Commission dans le cadre de la détermination du montant des amendes.

292.
    À cet égard, force est de constater qu'il ressort du considérant 181 de la décision attaquée que, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, la Commission a tenu compte du fait qu'elle n'avait recueilli aucune preuve quant aux effets de l'infraction sur le niveau des prix pour qualifier l'infraction de grave, alors que les accords horizontaux sur les prix sont normalement considérés comme des infractions très graves. Or, il convient d'observer que la qualification de l'infraction de très grave aurait eu pour conséquence, aux termes des lignes directrices, que le point de départ général du calcul du montant de l'amende au titre de la gravité aurait dû, en principe, excéder 20 millions d'euros, alors que, en l'espèce, en raison de la qualification de l'infraction de grave, le montant de base de l'amende appliqué à la plus grande des parties au FETTCSA par la décision attaquée s'élève à 1 300 000 euros.

293.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la Commission a dûment pris en compte la non-application de l'accord aux fins de la détermination du montant des amendes. À cet égard, il est sans pertinence que la prise en compte de cet élément n'ait pas eu lieu spécifiquement dans la partie de la décision relative à l'examen des circonstances atténuantes, mais au stade de l'examen de la gravité de l'infraction, dès lors que, en tout état de cause, la prise en compte de cet élément dans le cadre de la détermination du montant des amendes a eu pour effet de réduire le montant de base des amendes, conformément au point 3, premier alinéa, deuxième tiret, des lignes directrices.

294.
    En conséquence, il convient de conclure que la Commission n'a pas effectué une application erronée de ses lignes directrices.

d) Sur la coopération

Arguments des parties

295.
    Les requérantes estiment que la Commission n'a pas suffisamment tenu compte du fait que les parties ont coopéré avec elle dès la conclusion de l'accord FETTCSA et bien avant l'adoption de la communication des griefs. Selon les requérantes, une telle coopération justifie, dans le cadre de la communication sur la coopération, une réduction du montant de l'amende nettement supérieure à 10 %.

296.
    Les requérantes font en outre valoir que la Commission aurait dû prendre en compte la coopération des parties ne rentrant pas dans le champ d'application de la communication sur la coopération, et en particulier le fait que les parties se sont adressées à la Commission immédiatement après la réception de la communication des griefs et ultérieurement à deux autres reprises afin de déterminer la base sur laquelle la Commission pouvait mettre fin à la procédure, notamment, à la suite de l'adhésion des parties à certains principes de droit. Les requérantes sont d'avis que ces éléments justifient une réduction du montant de l'amende nettement supérieure à 20 %.

297.
    La Commission considère que les requérantes n'ont pas droit à une réduction supplémentaire du montant de l'amende au titre de la coopération.

Appréciation du Tribunal

298.
    S'agissant, premièrement, de l'application par la Commission de sa communication sur la coopération, il y a lieu de rappeler que, dans ladite communication, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente peuvent être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de l'amende qu'elles auraient autrement dû acquitter (point A 3 de la communication sur la coopération).

299.
    Ainsi, la Commission indique qu'une réduction de 10 à 50 % peut être accordée lorsque, avant l'envoi de la communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents et d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise ou lorsque, après l'envoi de la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations (point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération).

300.
    En l'espèce, les requérantes estiment que la Commission a fait une application erronée de sa communication sur la coopération en ne tenant pas suffisamment compte du fait qu'elles ont coopéré avec elle dès la conclusion de l'accord FETTCSA et bien avant l'adoption de la communication des griefs.

301.
    Il convient, toutefois, d'observer que, au terme de son dispositif, la décision attaquée constate une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 uniquement en ce qui concerne l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes. La décision attaquée ne constate, en revanche, aucune infraction en ce qui concerne l'accord FETTCSA en tant que tel ou les autres activités exercées par les requérantes dans le cadre de cet accord.

302.
    Dans cette mesure, la circonstance selon laquelle les requérantes auraient, à un stade avancé de la procédure, informé la Commission de la conclusion de l'accord FETTCSA est sans pertinence aux fins d'apprécier le degré de leur coopération dans le cadre de la présente affaire, laquelle concerne uniquement l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais. Le fait que, au considérant 190, la Commission a tenu compte des démarches des requérantes concernant l'accord FETTCSA constitue déjà, dès lors, un traitement plus favorable que celui auquel la communication sur la coopération fait référence.

303.
    En outre, il ressort du dossier devant le Tribunal que le compte rendu de la réunion du 9 juin 1992 duquel la Commission a pu déduire à suffisance de droit l'existence de l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes n'a été communiqué à la Commission qu'en réponse à la demande de renseignements du 14 juillet 1992. Or, une coopération à l'enquête qui ne dépasse pas ce qui résulte des obligations qui incombent aux entreprises en vertu de l'article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17 ne justifie pas une réduction de l'amende (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Weig/Commission, T-317/94, Rec. p. II-1235, point 283).

304.
    De surcroît, au cours de la procédure administrative devant la Commission, les requérantes ont constamment nié l'existence de l'accord allégué dans la communication des griefs. Or, il convient de souligner que, lorsqu'une entreprise conteste les allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs, elle ne contribue pas à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles de concurrence (arrêt Mo Och Domsjö/Commission, cité au point 109 ci-dessus, points 395 et 396).

305.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que, en l'espèce, la Commission n'a commis aucune erreur de droit ou de fait dans l'application de sa communication sur la coopération.

306.
    S'agissant, deuxièmement, de la circonstance selon laquelle les parties au FETTCSA ont soumis à deux reprises après l'envoi de la communication des griefs la même déclaration d'adhésion à certains principes de droit, circonstance qui constituerait, selon elles, un cas de coopération ne rentrant pas dans le champ d'application de la communication sur la coopération, il convient de constater qu'une telle circonstance ne saurait justifier une réduction supplémentaire de l'amende au titre de la coopération avec la Commission. En effet, dès lors que les parties au FETTCSA continuaient de contester la matérialité des faits qui leur étaient reprochés, cette déclaration n'était pas de nature à faciliter la tâche de la Commission en ce qui concerne la constatation de l'infraction, puisque les principes juridiques admis par les parties au FETTCSA concernaient des faits dont elles nient par ailleurs l'existence. Ainsi, au point 4 de ladite déclaration, la reconnaissance qu'un accord interdisant les rabais entre membres d'une conférence et des compagnies indépendantes est susceptible d'enfreindre l'article 81, paragraphe 1, CE était dépourvue de toute portée effective en l'espèce, ce que les requérantes ont, au demeurant, elles-mêmes admis à l'audience en réponse à une question du Tribunal.

307.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la déclaration de principe invoquée par les requérantes, dès lors qu'elle n'a aucun effet utile, ne constitue pas un acte de coopération de nature à justifier une réduction de l'amende.

308.
    En conséquence, c'est à bon droit que la Commission n'a pas tenu compte de ladite déclaration aux fins d'accorder aux requérantes une réduction supplémentaire du montant des amendes au titre de la coopération.

e) Sur le délai raisonnable

Arguments des parties

309.
    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit en réduisant le montant des amendes pour dépassement du délai raisonnable uniquement de 100 000 euros, alors que la durée de la procédure en l'espèce s'est révélée manifestement excessive. À cet égard, les requérantes ne partagent pas l'avis de la Commission selon lequel l'écoulement d'un laps de temps n'est une raison pour ne pas infliger des amendes que lorsque cet intervalle excède le délai de prescription prévu par le règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1).

310.
    Les requérantes soulignent en particulier que l'étape de la procédure qui a donné lieu en l'espèce à l'écoulement d'un délai déraisonnable et excessif se situe dans le laps de temps intervenu entre la réponse des parties à la communication des griefs, le 16 septembre 1994, et l'adoption de la décision, le 16 mai 2000. Selon les requérantes, une telle durée est excessive eu égard à l'enjeu du litige, à la complexité de l'affaire, au comportement des parties et au comportement de la Commission. Dans ce cadre, les requérantes relèvent en particulier que:

-    l'affaire présentait un enjeu considérable pour elles eu égard au risque d'amende qu'elles encouraient;

-    l'affaire n'était pas, en revanche, d'une grande complexité, puisque la Commission devait uniquement examiner les comptes rendus de trois réunions; en outre, la Commission n'aurait pas fondamentalement modifié son analyse de la notion d'entente technique, telle qu'exprimée dans sa lettre du 28 septembre 1992 et la communication des griefs;

-    les parties ont coopéré étroitement avec la Commission dès le début de la procédure;

-    la Commission ne motive nullement le retard pris par la procédure, alors que ce dernier lui est entièrement imputable.

311.
    Les requérantes estiment que ces éléments justifient une réduction du montant de l'amende nettement supérieure à 100 000 euros, spécialement à la lumière de la décision 2000/117/CE de la Commission, du 26 octobre 1999, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE [Affaire IV/33.884 - Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied en Technische Unie (FEG et TU)] (JO 2000, L 39, p. 1), dans laquelle la Commission a accepté de réduire le montant de l'amende de 100 000 euros en raison du délai déraisonnable de la procédure alors que le retard était imputable aux parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

312.
    Les requérantes précisent encore que cette réduction du montant des amendes s'impose même si la violation du principe du délai raisonnable n'entraîne pas, en l'espèce, une violation de leurs droits de la défense. Selon les requérantes, cette exigence tenant aux droits de la défense ne vaut que pour justifier l'annulation de la décision et non pour la réduction du montant des amendes.

313.
    À titre individuel, Senator Lines allègue que la durée excessive de la procédure justifie, notamment sur le fondement de l'article 6 de la CEDH, l'annulation des amendes infligées par la Commission ou la réduction de leur montant.

314.
    Cette requérante souligne, en particulier, que la durée excessive de la procédure a affecté sa capacité à se défendre effectivement, dans la mesure où ni les documents pertinents ni le personnel responsable au cours de la période considérée ne sont plus présents au sein de la compagnie. À cet égard, la requérante relève que, selon le code de commerce allemand, la conservation des documents commerciaux se limite à six ans.

315.
    À cet égard, la requérante précise qu'il importe peu qu'elle n'ait pas cherché à présenter des témoins des faits au moment de la procédure administrative devant la Commission. Rien ne saurait en effet priver les parties d'invoquer devant le Tribunal des arguments qui n'ont pas été soulevés au cours de la procédure administrative. La requérante fait en outre observer que son comportement au stade de la procédure administrative était conditionné par le fait que la Commission ne semblait pas avoir l'intention d'infliger des amendes. Elle souligne enfin que la présentation de témoins est d'autant plus indiquée en l'espèce qu'il ressort de la décision attaquée que la Commission se fonde sur un seul document dont les termes sont ambigus.

316.
    La Commission estime que les arguments des requérantes tirés de la violation du délai raisonnable doivent être rejetés comme non fondés.

Appréciation du Tribunal

317.
    Il ressort de la jurisprudence que le respect par la Commission d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit communautaire qui se rattache au principe de bonne administration (arrêts du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 56, et du 9 septembre 1999, UPS Europe/Commission, T-127/98, Rec. p. II-2633, point 37). Ainsi, le Tribunal a déjà jugé que la Commission ne peut pas repousser sine die sa prise de position et que, pour garantir la sécurité juridique et une protection juridictionnelle adéquate, la Commission est tenue de prendre une décision ou d'adresser une lettre administrative, dans le cas où une telle lettre a été sollicitée, dans un délai raisonnable (arrêt SCK et FNK/Commission, précité, point 55).

318.
    Selon la jurisprudence, le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit s'apprécier en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l'enjeu de l'affaire pour les différentes entreprises intéressées et de son degré de complexité (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit «PVC II», T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 126).

319.
    En l'espèce, il convient d'observer que, aux termes du considérant 180 de la décision attaquée, la Commission a estimé que l'infraction a pris fin le 28 septembre 1992. Il convient, en outre, de rappeler que, au terme de son enquête, la Commission a adressé aux requérantes une communication des griefs en date du 19 avril 1994. Les requérantes ont répondu à cette communication des griefs le 16 septembre 1994. La décision attaquée ayant été adoptée le 16 mai 2000, il en résulte que 68 mois se sont écoulés entre la réponse des requérantes à la communication des griefs et l'adoption de la décision attaquée. Or, il est constant entre les parties que, au cours de cette période, la Commission n'a accompli aucun acte d'instruction, sous réserve de l'envoi, le 24 mars 1995, le 30 juin 1998 et le 11 octobre 1999, de demandes de renseignements visant uniquement à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des requérantes.

320.
    En réponse à une question du Tribunal à l'audience, le représentant de la Commission a exposé que le retard pris dans l'adoption de la décision attaquée s'expliquait par le manque de ressources humaines dont souffrait l'institution. La Commission a, par ailleurs, reconnu, au point 45 de son mémoire en défense, que «la procédure s'est prolongée plus que de raison». De même, aux termes du considérant 195 de la décision attaquée, la Commission admet que «la durée de la procédure a été considérable en l'espèce».

321.
    Toutefois, il convient de constater que, même si, eu égard au contexte de l'affaire, de son enjeu pour les entreprises intéressées et de son degré de complexité, la durée de la procédure en l'espèce apparaît, du moins à première vue, excéder un délai raisonnable, les requérantes se bornent à invoquer la violation du principe du délai raisonnable non aux fins d'obtenir l'annulation de la décision attaquée, mais à l'appui de leur moyen visant à l'annulation des amendes infligées par la décision attaquée ou à la réduction de leur montant. Or, si le dépassement d'un délai raisonnable, en particulier lorsqu'il entraîne la violation des droits de la défense des intéressés, justifie l'annulation d'une décision constatant une infraction aux règles de la concurrence, il ne saurait en être de même lorsqu'est contesté le montant des amendes infligées par cette décision dès lors que le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes est régi par le règlement n° 2988/74, lequel a institué à cet égard un délai de prescription.

322.
    En effet, il y a lieu d'observer qu'il ressort du deuxième considérant du règlement n° 2988/74 que le principe de la prescription a été introduit pour assurer la sécurité juridique. Selon ce même considérant, «une réglementation à cet effet, pour être complète, doit s'appliquer tant au pouvoir d'infliger des amendes ou sanctions qu'au pouvoir d'exécuter les décisions par lesquelles des amendes, sanctions ou astreintes sont infligées; [...] une telle réglementation doit fixer les délais de prescription, la date à partir de laquelle la prescription court et les mesures par lesquelles la prescription est interrompue ou suspendue, [et] à cet égard, il faut tenir compte, d'une part, des intérêts des entreprises et associations d'entreprises et, d'autre part, des exigences de la pratique administrative».

323.
    Ainsi, s'agissant du pouvoir d'infliger des amendes, l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2988/74 prévoit que le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes est soumis à un délai de prescription de cinq ans en ce qui concerne les infractions aux règles communautaires de la concurrence. En vertu de l'article 1er, paragraphe 2, dudit règlement, la prescription court à compter du jour où l'infraction a été commise ou, pour les infractions continues ou continuées, à compter du jour où l'infraction a pris fin. La prescription est toutefois susceptible d'être interrompue et suspendue, conformément, respectivement, aux articles 2 et 3 du règlement n° 2988/74. En vertu de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/74, la prescription court à nouveau à partir de chaque interruption, la prescription étant toutefois acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que la Commission ait prononcé une amende ou sanction.

324.
    Il en résulte que le règlement n° 2988/74 a institué une réglementation complète régissant en détail les délais dans lesquels la Commission est en droit, sans porter atteinte à l'exigence fondamentale de la sécurité juridique, d'infliger des amendes aux entreprises faisant l'objet de procédures d'application des règles communautaires de la concurrence. À cet égard, il convient de souligner, en particulier, que l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/74 prévoit que la prescription est, en tout état de cause, acquise après dix ans lorsque la prescription est interrompue conformément à l'article 2, paragraphe 1, de ce règlement, de sorte que la Commission ne saurait, sous peine que la prescription ne soit acquise, retarder indéfiniment sa décision quant aux amendes. En présence de cette réglementation, toute considération liée à l'obligation pour la Commission d'exercer son pouvoir d'infliger des amendes dans un délai raisonnable doit être écartée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, points 46 à 49, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, points 20 à 22, et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C-74/00 P et C-75/00 P, Rec. p. I-7869, points 139 à 141).

325.
    Le fait que la Commission a néanmoins décidé, au considérant 195 de la décision attaquée, de réduire le montant de l'amende de 100 000 euros, au motif qu'elle s'estime liée par le principe général de droit communautaire imposant le respect d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de concurrence, n'est pas de nature à infirmer cette conclusion. Même si la Commission n'était pas tenue de réduire le montant des amendes en raison de la durée considérable de la procédure, il lui était loisible, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation lors de la fixation du montant des amendes, de procéder à une telle réduction pour des motifs d'équité.

326.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l'argumentation des requérantes tirées de la violation du délai raisonnable doit être rejetée.

f) Sur le principe de confiance légitime

Arguments des parties

327.
    Senator Lines soutient, à titre individuel, que l'adoption de la décision attaquée plus de six ans après l'envoi de la communication des griefs a violé le principe de confiance légitime. Elle souligne que la Commission a soudainement changé d'avis après avoir laissé entendre aux parties qu'elle était disposée à clôturer la procédure, notamment si les parties au FETTCSA s'engageaient à adhérer à certains principes de droit pertinents en l'espèce. La requérante souligne également la longue passivité dont a fait preuve la Commission après l'envoi de la communication des griefs. Or, il résulterait d'un principe général de droit communautaire que les institutions sont liées par leurs déclarations concernant le comportement futur qu'elles entendent adopter, dans la mesure où de telles déclarations peuvent fonder une confiance légitime dans le chef des opérateurs économiques concernés (arrêts de la Cour du 5 juin 1973, Commission/Conseil, 81/72, Rec. p. 575, point 10, et du 19 septembre 1985, Finsider/Commission, 63/84 et 147/84, Rec. p. 2857, points 20 et 21). Il résulterait également de la jurisprudence de la Cour que l'écoulement du temps est de nature à faire naître des attentes légitimes (arrêt de la Cour du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617).

328.
    Selon cette requérante, la confiance légitime née du comportement de la Commission doit faire obstacle à ce que des amendes soient infligées en l'espèce (arrêt de la Cour du 12 novembre 1987, Ferriere San Carlo/Commission, 344/85, Rec. p. 4435, point 13).

329.
    Cette requérante ajoute que, pour les raisons déjà exposées, le comportement de la Commission a, de surcroît, entravé la capacité effective de Senator Lines de se défendre.

330.
    La Commission soutient que les arguments de cette requérante doivent être rejetés.

Appréciation du Tribunal

331.
    Il ressort du dossier que, dès le 28 septembre 1992, la Commission a explicitement informé les parties au FETTCSA du risque de se voir infliger des amendes si ces parties ne notifiaient pas leur accord en vue de l'octroi d'une exemption. En dépit de cet avertissement, les requérantes ont explicitement informé la Commission, dans leur courrier du 19 octobre 1992, qu'elles ne procéderaient pas à la notification de leur accord. Par ailleurs, aux points 157 et 158 de la communication des griefs du 19 avril 1994, la Commission a explicitement indiqué aux requérantes son intention de leur infliger des amendes en raison des infractions qui résultent de la conclusion, dans le cadre du FETTCSA, de certains accords restrictifs, dont l'accord en cause, prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes.

332.
    Au vu de ces circonstances, la requérante ne saurait valablement soutenir que la Commission a changé d'avis et que la décision de lui infliger des amendes a enfreint sa confiance légitime quant à l'issue de la procédure.

333.
    Le fait que, à la suite de l'envoi de la communication des griefs, les requérantes ont, à deux reprises, par lettres des 26 octobre 1994 et 28 juillet 1995, soumis des propositions à la Commission en vue de convenir d'un règlement à l'amiable n'est pas de nature à modifier cette conclusion. Tout au contraire, ces démarches, dont le but était précisément de tenter d'échapper à des amendes, démontrent que les requérantes, dont Senator Lines, étaient conscientes du risque de se voir infliger des amendes.

334.
    En tout état de cause, à aucun moment, la Commission n'a pu donner l'impression aux requérantes qu'elle était disposée à clore l'examen du dossier de manière informelle sur la base de leurs propositions. Dans sa lettre du 4 novembre 1994, la Commission indique clairement qu'elle ne peut prendre position sur ces propositions tant que l'examen de la réponse à la communication des griefs n'est pas terminé. De même, dans sa lettre du 8 août 1995, la Commission souligne explicitement qu'elle n'est pas en mesure de clôturer le dossier sans adopter une décision formelle, à moins, le cas échéant, que les parties au FETTCSA admettent les faits qui leur sont reprochés. Il est constant que les requérantes n'ont jamais donné suite à cette proposition. Elles contestent, d'ailleurs, dans le cadre du présent recours, l'ensemble des faits qui leur sont reprochés par la Commission dans la décision attaquée.

335.
    Tout au plus ressort-il d'une note interne du conseil des requérantes du 17 mai 1994 faisant suite à une réunion avec les services de la Commission tenue le 16 mai 1994 que ces derniers auraient envisagé la possibilité de ne pas adopter de décision formelle ou de ne pas infliger des amendes. Toutefois, outre que ce document rédigé par le conseil des requérantes est, en raison de sa nature unilatérale, sujet à caution, il convient de relever qu'il mentionne lui-même le fait que la Commission n'a pu prendre aucun engagement ferme à cet égard. Par ailleurs, le contenu de cette note n'a pu fonder aucune confiance légitime dans le chef de Senator Lines dès lors que, ultérieurement, la Commission a, à deux reprises par les lettres susvisées, rejeté leurs démarches en vue d'un règlement amiable.

336.
    Il doit dès lors être constaté que Senator Lines n'avance aucun élément de nature à démontrer que la Commission lui a fourni des assurances précises qui auraient fait naître dans son chef des espérances fondées quant à la clôture de la procédure sans que des amendes soient infligées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T-127/99, T-129/99 et T-148/99, Rec. p. II-1275, point 231).

337.
    Par voie de conséquence, le grief tiré de la violation de la confiance légitime doit être rejeté.

g) Sur l'absence de bénéfice retiré de l'infraction

Arguments des parties

338.
    À titre individuel, Senator Lines fait valoir que la Commission n'a pas, au stade de la détermination du montant de l'amende, tenu compte de sa situation financière. La requérante souligne qu'elle a subi des pertes substantielles au cours de la période durant laquelle l'infraction a été commise. Ces pertes se seraient élevées à plus de 55 millions de USD pour l'ensemble des activités de la compagnie et à plus de 15 millions de USD pour le marché en cause. Dans cette mesure, la requérante n'aurait pas été en mesure de tirer le moindre avantage économique de l'infraction, ce qui aurait dû conduire la Commission à ne pas infliger d'amende ou, à tout le moins, à en réduire le montant.

339.
    La Commission conclut au rejet de l'argumentation de la requérante.

Appréciation du Tribunal

340.
    Il convient de rappeler que, si le montant de l'amende infligée doit être proportionné à la durée de l'infraction et aux autres éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité de l'infraction, parmi lesquels figure le profit que l'entreprise concernée a pu retirer de ses pratiques (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229/94, Rec. p. II-1689, point 127), le fait qu'une entreprise n'a retiré aucun bénéfice de l'infraction ne saurait, selon la jurisprudence, faire obstacle à ce qu'une amende soit infligée, sous peine de faire perdre à cette dernière son caractère dissuasif (arrêt Ferriere Nord/Commission, cité au point 183 ci-dessus, point 53).

341.
    Il s'ensuit que, contrairement à la thèse de Senator Lines, la Commission n'est pas tenue, en vue de fixer le montant des amendes, d'établir que l'infraction a procuré un avantage illicite aux entreprises concernées, ni de prendre en considération, le cas échéant, l'absence de bénéfice tiré de l'infraction en cause (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 206 ci-dessus, point 4881).

342.
    Il est vrai que, dans ses lignes directrices, la Commission expose, au point 5, sous b), qu'il convient, selon les circonstances, de prendre en considération, pour fixer le montant de l'amende, l'avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction. Elle se réfère à cet égard à son XXIe Rapport sur la politique de concurrence, dans lequel elle précise que «chaque fois que la Commission pourra évaluer ce gain illicite, fût-ce approximativement, c'est de là qu'elle partira pour calculer l'amende» (point 139). Ainsi, lorsqu'une telle estimation est objectivement possible, la Commission explique, aux termes de ses lignes directrices (point 2, premier alinéa, cinquième tiret), qu'elle pourra, au titre des circonstances aggravantes, majorer la sanction afin de dépasser le montant des gains illicites réalisés grâce à l'infraction.

343.
    Il a déjà été jugé que de telles indications ne signifient toutefois pas que la Commission se soit désormais imposée la charge d'établir, en toutes circonstances, aux fins de la détermination du montant de l'amende, l'avantage financier lié à l'infraction constatée. Elles traduisent uniquement sa volonté de prendre davantage en considération cet élément et de le retenir comme base de calcul du montant des amendes, pour autant qu'elle ait été en mesure de l'évaluer, fût-ce approximativement (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 206 ci-dessus, point 4885).

344.
    Or, en l'espèce, il ressort des considérants 181 à 186 de la décision attaquée que la Commission a déterminé le montant des amendes selon la nature de l'infraction tel que modulé en fonction des différences de tailles qui existent entre les parties au FETTCSA, taille ayant été déterminée sur la base de leur chiffre d'affaires mondial dans le domaine du transport maritime de ligne.

345.
    Il ne résulte, en revanche, pas de la décision attaquée que la Commission se serait fondée sur l'existence d'un bénéfice lié à l'accord en cause pour accroître la gravité de l'infraction. Bien au contraire, il convient d'observer que, au considérant 181, la Commission a requalifié l'infraction en cause de «très grave» au lieu de «grave» au motif qu'elle n'a recueilli aucune preuve quant aux effets de l'infraction sur le niveau des prix et qu'il est probable, en tout état de cause, que les effets nuisibles existants de l'infraction aient été de courte durée.

346.
    Dans ces circonstances, les griefs des requérantes quant à la prétendue absence de prise en compte du bénéfice retiré de l'infraction pour déterminer le montant des amendes doivent être rejetés.

h) Sur la situation financière et la capacité de paiement de Senator Lines

Arguments des parties

347.
    À titre individuel, Senator Lines soutient que la Commission n'a pas tenu compte de sa situation financière déficitaire. Outre les pertes déjà mentionnées, qu'elle continue d'enregistrer, la requérante avance qu'elle ne dispose plus en propre de navires depuis la fin de 1996. Or, il ressortirait de la jurisprudence communautaire que cette circonstance constitue un critère important pour évaluer la capacité économique effective d'une compagnie maritime, dont il conviendrait de tenir compte au stade de la fixation du montant de l'amende.

348.
    La requérante estime que sa situation est analogue à celle de la Compagnie maritime zaïroise (ci-après «CMZ»), entreprise concernée par la décision 93/82/CEE de la Commission, du 23 décembre 1992, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CEE (IV/32.448 et IV/32.450: Cewal, Cowac, Ukwal) et de l'article [82] du traité CEE (IV/32.448 et IV/32.450: Cewal) (JO 1993, L 34, p. 20), qui ne s'était pas vu infliger d'amende par la Commission pour ce motif. À cet égard, il importerait peu que la requérante utilise des navires dont elle n'a pas la propriété, car tel était également le cas de CMZ. Senator Lines observe, en outre, que CMZ détenait une plus grande part des revenus de la conférence CEWAL que Senator Lines des revenus de la conférence FEFC.

349.
    Senator Lines considère, par ailleurs, que l'amende infligée par la décision attaquée est de nature à compromettre sa capacité de paiement. La requérante fait valoir que la Commission n'a pas tenu compte de sa situation financière actuelle, alors que les pertes de la compagnie pour l'année 1999 se seraient chiffrées à plus de 100 millions de marks allemands (DEM).

350.
    La Commission estime que les arguments de la requérante relatifs à sa situation déficitaire doivent être déclarés non fondés.

Appréciation du Tribunal

351.
    S'agissant, en premier lieu, de la situation financière de Senator Lines, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la Commission n'est nullement obligée de tenir compte de la situation déficitaire d'une entreprise aux fins de la détermination du montant de l'amende, dans la mesure où la reconnaissance de pareille obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 55; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T-310/94, Rec. p. II-1043, point 76; du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141/94, Rec. p. II-347, point 630, et du 19 mai 1999, BASF/Commission, T-175/95, Rec. p. II-1581, point 158).

352.
    Selon les circonstances, la Commission peut certes considérer qu'il convient de ne pas infliger d'amende ou d'en réduire le montant en raison des difficultés financières que connaît l'entreprise concernée (arrêt Thyssen Stahl/Commission, cité au point 351 ci-dessus, point 628). Au point 5, sous b), de ses lignes directrices, la Commission indique ainsi qu'elle pourra prendre en compte un contexte économique spécifique, les caractéristiques propres des entreprises en cause ainsi que leur capacité contributive réelle dans un contexte particulier pour adapter, in fine, les montants des amendes envisagés. Tel n'ayant pas été le cas en l'espèce, la requérante ne saurait toutefois faire grief à la Commission, conformément à la jurisprudence précitée, de ne pas avoir tenu compte de sa situation déficitaire aux fins de réduire le montant de l'amende.

353.
    Quant à la circonstance alléguée par la requérante selon laquelle sa situation financière en l'espèce serait analogue à celle de la compagnie maritime CMZ en cause dans la décision 93/82, il y a lieu de rappeler que le fait que la Commission a considéré dans sa pratique décisionnelle antérieure que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l'amende n'implique pas qu'elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347/94, Rec. p. II-1751, point 368).

354.
    Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'analogie établie par la requérante avec une affaire antérieure traitée par la Commission, il convient de conclure que la Commission a pu, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, considérer qu'il convenait, en l'espèce, de ne pas tenir compte des difficultés financières de Senator Lines.

355.
    S'agissant, en second lieu, de la capacité de paiement de Senator Lines, il suffit de relever que la Commission a, sans être contredite par cette requérante, produit en annexe à son mémoire en défense des documents attestant que, en 1999, Senator Lines a réalisé, en dépit de pertes accumulées, un chiffre d'affaires de 1 000 millions de USD. Force est de constater qu'une entreprise réalisant un tel chiffre d'affaires dispose de la capacité de payer l'amende de 368 000 euros infligée par la décision attaquée.

356.
    Pour l'ensemble de ces raisons, l'argumentation de Senator Lines tirée d'un défaut de prise en compte de sa situation financière et de sa capacité de paiement doit dès lors être rejetée.

Sur la deuxième branche, relative à la répartition en groupes des requérantes aux fins de la détermination du montant des amendes et à un défaut de motivation sur ce point

a) Arguments des parties

357.
    Les requérantes estiment que le fait pour la Commission d'avoir divisé les compagnies parties au FETTCSA en quatre groupes aux fins du calcul du montant des amendes est contraire au principe d'évaluation individuelle, au principe d'égalité de traitement, au principe de transparence et n'est pas motivé à suffisance de droit.

358.
    S'agissant du principe d'évaluation individuelle, les requérantes relèvent que la méthodologie retenue par la Commission est contraire à ce principe en ce qu'elle a pour résultat que la Commission établit le montant de l'amende par groupe sans tenir compte de la taille individuelle de chaque entreprise au sein de chaque groupe. Les requérantes soulignent en outre que la méthode retenue par la Commission conduit à ne tenir compte, pour calculer le montant des amendes, que du facteur relatif au chiffre d'affaires, à l'exclusion d'autres facteurs pertinents.

359.
    S'agissant du principe d'égalité de traitement, les requérantes font valoir que des armateurs de tailles très différentes figurent dans chacun des quatre groupes retenus par la Commission et que les compagnies se situant aux limites inférieure et supérieure de deux groupes voisins, et dont les tailles sont similaires, sont traitées de manière différente alors que les compagnies se situant aux limites supérieure et inférieure d'un groupe donné, et dont les tailles sont différentes, sont traitées de manière similaire.

360.
    S'agissant du principe de transparence, les requérantes relèvent que la Commission n'explique ni la raison pour laquelle elle considère qu'il convient de diviser les parties au FETTCSA en quatre groupes, ni le critère en vertu duquel la Commission a défini les différents groupes. Les requérantes soutiennent, en outre, que la Commission n'explique pas les raisons pour lesquelles, après avoir retenu un montant de base de 1 300 000 euros pour le groupe du «grand transporteur», elle fixe le montant de base des trois autres groupes à, respectivement, 1 million d'euros, 650 000 et 325 000 euros (considérant 186 et tableau 6 de la décision attaquée).

361.
    Enfin, s'agissant de l'obligation de motivation, les requérantes allèguent que la Commission n'a pas motivé la raison pour laquelle elle a divisé les parties au FETTCSA en quatre groupes. Selon les requérantes, dans la mesure où la Commission a calculé la taille relative de chacune des parties au FETTCSA par rapport à celle de Maersk en 1994, elle aurait dû fixer le montant de l'amende infligée à chacune des parties au FETTCSA en fonction de leur taille respective et non diviser, sur une base arbitraire, lesdites parties en quatre groupes. Par ailleurs, pour autant que la classification effectuée par la décision attaquée vise à tenir compte des dommages et avantages découlant de l'accord en cause, les requérantes considèrent que la Commission n'a pas identifié ces dommages et avantages.

362.
    À titre individuel, NYK allègue que la Commission a commis une erreur de droit en tenant compte, pour la fixation du montant de l'amende qui lui est infligée par la décision attaquée, de son chiffre d'affaires afférent au transport maritime réalisé au niveau mondial plutôt qu'à sa taille sur le marché géographique en cause.

363.
    Cette requérante soutient que, sur la base du chiffre d'affaires réalisé sur le marché géographique en cause, elle aurait occupé non la deuxième place, mais la cinquième place des compagnies maritimes concernées, représentant non plus 58 % de la taille de Maersk, mais seulement 43,6 % de celle-ci. De même, la requérante relève qu'elle n'occuperait que le sixième rang des compagnies maritimes concernées en termes de conteneurs transportés vers l'ouest et le septième rang en termes de conteneurs transportés vers l'est.

364.
    La requérante considère dès lors que la Commission l'a injustement sanctionnée pour avoir réalisé un chiffre d'affaires important sur des routes ne présentant aucun lien avec l'Europe. Ce faisant, la Commission aurait totalement méconnu le principe selon lequel les amendes ne sauraient procéder d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825).

365.
    En réponse aux arguments de la Commission, la requérante conteste que la méthode qu'elle propose conduise à la classer également dans la deuxième catégorie des «moyens à gros transporteurs». La requérante fait en effet observer que, si la Commission avait utilisé le critère du chiffre d'affaires afférent au transport maritime de ligne sur le marché géographique en cause pour déterminer la taille de tous les destinataires de la décision attaquée, l'importance relative de chacun, et non pas uniquement celle de NYK, en aurait été modifiée. Par ailleurs, en l'absence de toute explication de la Commission au sujet de la définition des quatre groupes d'entreprises, il n'est pas certain que la Commission aurait utilisé les mêmes catégories ou qu'elle aurait classé NYK dans le groupe des «transporteurs moyens à grands» si elle avait adopté la méthode préconisée par NYK.

366.
    Pour ces raisons, les requérantes considèrent qu'il n'y a pas lieu de leur infliger des amendes dès lors que ces amendes ont été calculées sur la base de la méthodologie en cause.

367.
    À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent qu'il y a lieu, à tout le moins, de réduire le montant des amendes de manière significative. Les requérantes font valoir à cet égard que, si le Tribunal, d'une part, accueille la thèse de la Commission selon laquelle il convient d'infliger des amendes d'un montant plus élevé aux grandes parties au FETTCSA qu'aux plus petites d'entre elles et, d'autre part, s'il juge que le montant de base infligée à la plus grande des parties au FETTCSA doit correspondre à un montant se situant entre 250 000 euros et 1 million d'euros plutôt qu'à un montant inférieur ou égal à 250 000 euros, il y a lieu pour le Tribunal de recalculer le niveau des amendes en fonction, premièrement, du nouveau montant de base de l'amende infligée à Maersk (soit 1 million d'euros) et, deuxièmement, de la taille relative des parties au FETTCSA telle que calculée au tableau 5 de la décision attaquée, et non en fonction de la répartition des parties par la Commission en quatre groupes.

368.
    La Commission soutient que, selon la nouvelle méthode définie par les lignes directrices, le montant des amendes ne correspond plus à un pourcentage du chiffre d'affaires des entreprises concernées, mais s'obtient à partir d'un chiffre absolu choisi en fonction de la gravité de l'infraction. Cette approche permettrait de tenir compte d'un grand nombre d'éléments, tels que l'avantage tiré de l'infraction et le dommage causé par celle-ci, afin de conférer à l'amende un véritable caractère dissuasif, y compris à l'égard des petites entreprises.

369.
    La Commission précise, par ailleurs, que, s'agissant d'une restriction horizontale en matière de prix, elle ne doit pas prouver l'existence d'un dommage réel ou d'un avantage réel pour les parties concernées.

370.
    Il serait dès lors erroné de vouloir calculer le montant des amendes de manière purement arithmétique sur la base du seul chiffre d'affaires des entreprises concernées. À cet égard, la Commission relève que l'argumentation des requérantes est contradictoire avec celle développée par NYK, selon laquelle la Commission a accordé une importance excessive au chiffre d'affaires dans le calcul du montant des amendes.

371.
    La Commission considère que, en l'espèce, la classification effectuée dans la décision attaquée (considérant 183, tableau 5) reflète la taille de chacune des compagnies en cause sur le marché en 1994, sur la base de leurs parts de marché respectives. Quant à la répartition des entreprises en quatre groupes, elle était nécessaire afin de tenir compte de la capacité effective de chacune des entreprises à causer des dommages importants et de conférer à l'amende un caractère dissuasif. À la lumière de cet objectif, et compte tenu de l'impossibilité de recourir à une formule arithmétique, la Commission estime que le critère choisi aux fins d'effectuer cette répartition relève de son pouvoir d'appréciation.

372.
    En réponse aux arguments de NYK, la Commission précise qu'elle n'a pas calculé le montant des amendes sur la base du chiffre d'affaires afférent à l'ensemble des produits et services réalisé au niveau mondial par les parties ou même sur la base de leur chiffre d'affaires global en matière de transport maritime, mais uniquement sur la base du chiffre d'affaires afférent au transport maritime de ligne à l'échelle mondiale.

373.
    La Commission estime que cette approche est correcte, car elle permet de comparer la taille relative des entreprises en termes de ressources et d'importance réelle (arrêt CEWAL, cité au point 242 ci-dessus, point 233).

374.
    Selon la Commission, la méthode proposée par la requérante n'aurait en outre aucune incidence pratique, puisque, même selon cette approche, NYK ferait toujours partie, si elle représentait 43,6 % de la taille de Maersk, du groupe des «transporteurs moyens à grands» et le montant de l'amende aurait été identique.

375.
    En tout état de cause, la Commission précise que, dans la décision attaquée, elle ne s'est pas uniquement fondée sur le chiffre d'affaires des parties pour déterminer le montant des amendes.

b) Appréciation du Tribunal

376.
    Il convient de rappeler que, aux termes du considérant 182 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, pour tenir compte de la capacité effective des entreprises concernées à causer un dommage important et de la nécessité de faire en sorte que le montant de l'amende ait un caractère suffisamment dissuasif, il convenait, vu les différences de taille considérables qui existent entre les parties au FETTCSA, d'infliger des amendes plus élevées aux plus grandes d'entre elles qu'aux plus petites.

377.
    Dans ce cadre, la Commission a divisé les parties au FETTCSA en quatre groupes en fonction de leur taille. Au considérant 183, la décision attaquée explique que la taille de chaque partie au FETTCSA a été déterminée sur la base de son chiffre d'affaires de 1994 afférent au transport maritime de ligne à l'échelle mondiale, car ce chiffre d'affaire permet d'apprécier les ressources et l'importance réelles des entreprises concernées.

378.
    Le tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée indique les quatre groupes ainsi constitués et la taille relative de chacune des parties au FETTCSA en 1994 par rapport à Maersk, la plus importante des parties au FETTCSA. Il ressort de ce tableau que les quatre groupes et la taille relative des parties au FETTCSA qui les composent sont établis de la manière suivante: le «grand transporteur» [Maersk (100)], les «transporteurs moyens à grands» [NYK (58), MOL (55), P & O (52), K Line (49), Nedlloyd (46) et Hanjin (41)], les «transporteurs petits à moyens» [Hapag-Lloyd (34), Evergreen (30), NOL (28), DSR-Senator (23) et Yangming (23)] et les «petits transporteurs» [Cho Yang (17), MISC (14), OOCL (11) et CGM (6)].

379.
    Le tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée indique les montants de base des amendes applicables aux transporteurs selon leur appartenance à chacun des quatre groupes, compte tenu des facteurs mentionnés aux considérants 179 à 185 de la décision attaquée, à savoir la nature de l'infraction et la taille des parties au FETTCSA. Ces montants s'élèvent à, respectivement, 1 300 000 euros pour le «grand transporteur», 1 million d'euros pour les «transporteurs moyens à grands», 650 000 euros pour les «transporteurs petits à moyens» et 325 000 euros pour les «petits transporteurs».

380.
    Il convient d'examiner si, comme les requérantes l'allèguent, cette méthode de détermination du montant de base pour le calcul du montant des amendes, d'une part, enfreint les principes d'évaluation individuelle et d'égalité de traitement et, d'autre part, respecte le principe de transparence et est motivée à suffisance de droit.

Sur le principe d'évaluation individuelle

381.
    Les requérantes reprochent d'abord à la méthodologie retenue par la Commission d'avoir pour résultat que le montant de l'amende est établi par groupe sans tenir compte de la taille individuelle de chaque entreprise au sein de chaque groupe. Elles font ensuite grief à la Commission de ce que, en l'espèce, cette méthode conduit à ne tenir compte, pour calculer le montant des amendes, que du facteur constitué par le chiffre d'affaires, à l'exclusion d'autres facteurs pertinents.

382.
    Par leur premier grief, les requérantes contestent la forfaitisation du montant de base des amendes par groupe d'entreprises, telle qu'elle résulte du tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée. C'est en effet cette forfaitisation qui conduit la Commission à ignorer, au sein de chaque groupe, les différences pouvant exister entre chaque entreprise appartenant à un même groupe.

383.
    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (arrêt Martinelli/Commission, cité au point 252 ci-dessus, point 59). Tout au plus, le montant de l'amende infligée doit être proportionné aux éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, cité au point 262 ci-dessus, point 106).

384.
    Or, force est de constater que la répartition par groupes en fonction de la taille des entreprises concernées contribue à l'objectif consistant à sanctionner plus sévèrement les grandes entreprises, puisque, dans le cadre de cette méthode, les entreprises relevant des groupes d'entreprises de plus grande taille se voient infliger des amendes d'un montant supérieur à celui des amendes infligées aux entreprises relevant des groupes d'entreprises de plus petite taille, et aucune entreprise de grande taille ne se voit appliquer un montant de base inférieur à une entreprise de taille plus petite.

385.
    Il est vrai que cette méthode conduit à faire coïncider les montants de base de toutes les entreprises relevant d'un même groupe et, de ce fait, revient à ignorer les différences de taille entre entreprises d'un même groupe. Toutefois, la Commission n'est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, d'assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23/99, Rec. p. II-1705, point 278). Ainsi, la Cour a déjà admis la licéité d'une méthode de calcul selon laquelle la Commission détermine d'abord le montant global de l'amende à infliger, pour répartir ensuite ce total entre les entreprises concernées en classant celles-ci en groupes constitués sur la base de l'importance de leurs activités dans le secteur concerné (arrêt IAZ e.a./Commission, cité au point 351 ci-dessus, points 48 à 53).

386.
    En conséquence, il y a lieu de considérer que la Commission n'a pas commis d'erreur de fait ou de droit en procédant, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, à la répartition des requérantes en groupes.

387.
    Par leur second grief, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir individualisé le calcul du montant des amendes en tenant compte d'autres critères que celui du chiffre d'affaires.

388.
    Il ressort de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 et de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 que la gravité de l'infraction et la durée de l'infraction sont les seuls critères que la Commission doit prendre en compte pour la fixation du montant des amendes infligées pour infraction aux règles communautaires de la concurrence.

389.
    Dans la mesure où, en l'espèce, la durée retenue de l'infraction est la même pour toutes les entreprises, il convient dès lors d'examiner si la Commission était en droit, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, de fixer un montant de base des amendes sans tenir compte, à ce stade, d'autres circonstances individuelles propres à chaque entreprise que son chiffre d'affaires.

390.
    Il ressort de la jurisprudence que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54, et arrêt Ferriere Nord/Commission, cité au point 183 ci-dessus, point 33). Selon une jurisprudence constante, parmi les éléments d'appréciation de la gravité d'une infraction, peuvent, selon le cas, figurer le volume et la valeur des produits faisant l'objet de l'infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l'entreprise (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, cité au point 364 ci-dessus, point 120, et IAZ e.a./Commission, cité au point 351 ci-dessus, point 52).

391.
    Eu égard au fait que les termes de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 et de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 sont identiques à ceux de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, cette jurisprudence établie dans le cadre de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 est transposable à la détermination du montant des amendes dans le cadre des règlements n° 1017/68 et n° 4056/86.

392.
    En l'espèce, il ressort de la décision attaquée que, après avoir déterminé, au considérant 181, le montant de base appliqué à la plus grande des requérantes, à savoir Maersk, en fonction de la nature de l'infraction et de la taille de cette entreprise, la Commission a, aux termes des considérants 182 à 186, modulé celui-ci en fonction de la taille relative de chaque requérante par rapport à Maersk, telle qu'elle résulte de leur chiffre d'affaires afférent au transport maritime de ligne au niveau mondial. Le classement des requérantes et leur répartition en groupe en fonction de leur taille figure au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée.

393.
    Or, au tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée, les montants de base des amendes qui y figurent sont établis pour chaque groupe identifié au tableau 5. Dès lors, les montants de base repris au tableau 6 résultent indirectement de la prise en compte du chiffre d'affaires des requérantes.

394.
    Ainsi qu'elle l'expose au considérant 182, l'objectif de la Commission est, au vu de la différence de taille «considérable» entre les requérantes, d'infliger des amendes plus élevées aux grandes entreprises pour tenir compte de la capacité effective des entreprises concernées à causer un dommage important et faire en sorte que le montant de l'amende ait un caractère dissuasif.

395.
    Dans ce système, le chiffre d'affaires des entreprises en cause est ainsi utilisé non pour calculer directement le montant de l'amende en tant que proportion de ce chiffre d'affaires, mais pour moduler, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, un montant de base défini en fonction de la nature de l'infraction en vue de tenir compte de la différence de taille entre les entreprises concernées.

396.
    La Commission estime en effet, dans ses lignes directrices, que la gravité de l'infraction ne doit pas uniquement prendre en compte la nature propre de l'infraction, mais également son «impact concret» (point 1 A, premier alinéa). Il convient dès lors, aux termes des lignes directrices, de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa). La Commission estime aussi que, de manière générale, les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et d'infrastructures juridiques et économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence (point 1 A, cinquième alinéa). Pour ces raisons, les lignes directrices indiquent que, dans le cas d'infractions impliquant plusieurs entreprises (types «cartels»), il pourra convenir de pondérer les montants de base afin de tenir compte du poids spécifique et donc de l'impact réel du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une «disparité considérable» dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature (point 1 A, sixième alinéa).

397.
    Il s'ensuit que, selon la méthode énoncée dans les lignes directrices et appliquée en l'espèce, le calcul du montant des amendes continue d'être effectué en fonction de la gravité de l'infraction, qui est l'un des deux critères mentionnés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et dans les dispositions équivalentes des règlements n° 1017/68 et n° 4056/86. Par ailleurs, selon la jurisprudence précitée, la taille et la puissance économique des entreprises concernées constituent des éléments de nature à déterminer la gravité de l'infraction au sens de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

398.
    En conséquence, la méthode de fixation des amendes suivie en l'espèce, qui consiste à déterminer la gravité de l'infraction en modulant sur la base de la taille des entreprises en cause un montant de base défini en fonction de la nature de l'infraction, est conforme au cadre juridique des sanctions tel que défini par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et les dispositions équivalentes des règlements n° 1017/68 et n° 4056/86 (voir, en ce sens, arrêt LR AF 1998/Commission, cité au point 385 ci-dessus, points 231 et 232).

399.
    À cet égard, contrairement à ce que soutient NYK à titre individuel, la Commission est en droit, pour déterminer la taille des entreprises concernées, de se référer à leur chiffre d'affaires global plutôt qu'à leur chiffre d'affaires sur le ou les marché(s) en cause. Il a en effet déjà été jugé que le chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de sa taille et de sa puissance économique (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, cité au point 364 ci-dessus, point 121). Ainsi, dans le domaine des transports maritimes, le Tribunal a déjà admis que, en retenant, aux fins de la détermination du montant des amendes, le chiffre d'affaires global de l'entreprise en cause pour le transport maritime de ligne, la Commission n'avait pas enfreint l'article 19 du règlement n° 4056/86 (arrêt CEWAL, cité au point 242 ci-dessus, point 233).

400.
    Il s'ensuit que, aux fins de déterminer la gravité de l'infraction, la Commission était en droit, après avoir établi le montant de base de l'amende en fonction de la nature de l'infraction, de moduler celui-ci en fonction du seul critère du chiffre d'affaires global des parties au FETTCSA afférent aux services de transport maritime de ligne.

401.
    En tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette méthode ne conduit pas la Commission à fixer le montant de l'amende sur la base d'un calcul fondé sur le seul chiffre d'affaires global sans tenir compte des circonstances individuelles propres à chacune des requérantes. En effet, il ressort de la décision attaquée, ainsi que des lignes directrices dont les principes sont appliqués dans celle-ci, que, si la gravité de l'infraction est, dans un premier temps, appréciée en fonction des éléments propres à l'infraction tels que sa nature et son impact sur le marché, dans un second temps, cette appréciation est modulée en fonction de circonstances propres à l'entreprise, ce qui amène la Commission à prendre en considération, outre la taille et les capacités de l'entreprise non seulement les éventuelles circonstances aggravantes, mais également, le cas échéant, les circonstances atténuantes. Une telle démarche est conforme à la lettre et à l'esprit de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, car elle permet de tenir compte, dans l'appréciation de la gravité de l'infraction, du rôle différent joué par chaque entreprise et de son attitude vis-à-vis de la Commission pendant le déroulement de la procédure (arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, cité au point 262 ci-dessus, point 109).

402.
    En l'espèce, au considérant 185 de la décision attaquée, la Commission a toutefois conclu, sans être contredite par les requérantes, que rien ne permettait de différencier, en termes de gravité, le comportement des compagnies membres de la FEFC et des compagnies n'appartenant pas à la conférence. Par ailleurs, au considérant 187 de la décision attaquée, la Commission a constaté, sans que les requérantes le contestent, que, en l'absence de meneurs et de suiveurs, rien ne justifie qu'une distinction soit faite entre les parties au FETTCSA pour ce qui est de leur participation à l'infraction.

403.
    Dans ces conditions, la Commission était en droit, aux fins de la détermination du montant des amendes, de ne pas tenir compte des circonstances individuelles propres à chacune des requérantes autres que leur chiffre d'affaires global afférent au transport maritime de ligne.

404.
    L'argumentation des requérantes tirée de la violation par la Commission du principe d'évaluation individuelle doit donc être rejetée.

Sur le principe d'égalité de traitement

405.
    Les requérantes font valoir que, en procédant à une répartition par groupes, la Commission a enfreint le principe d'égalité de traitement au motif que des entreprises de tailles très différentes figurent dans chacun des quatre groupes identifiés dans la décision attaquée et que les entreprises se situant aux limites inférieure et supérieure de deux groupes voisins, et dont les tailles sont similaires, sont traitées de manière différente alors que des compagnies se situant aux limites supérieure et inférieure d'un groupe donné, et dont les tailles sont différentes, sont traitées de manière similaire.

406.
    Selon une jurisprudence constante, le principe d'égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C-174/89, Rec. p. I-2681, point 25).

407.
    En l'espèce, la répartition en groupes pourrait enfreindre le principe d'égalité de traitement soit, au sein de chaque groupe, en traitant de manière identique des entreprises se trouvant dans une situation différente, soit, entre les différents groupes, en traitant de manière différente des entreprises se trouvant dans une situation comparable.

408.
    Il convient dès lors d'examiner si de telles différences de traitement existent et si, le cas échéant, elles sont objectivement justifiées par l'objectif poursuivi consistant à sanctionner plus sévèrement les entreprises de grande taille.

409.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le traitement identique, au sein de chaque groupe, de requérantes de tailles différentes, il y a lieu de rappeler que, pour le calcul du montant des amendes, toutes les requérantes relevant d'un même groupe se sont vu infliger, en dépit de leur taille différente, des montants de base identiques s'élevant, par ordre d'importance et selon les groupes, à 1 300 000, 1 000 000, 650 000 et 325 000 euros.

410.
    Force est toutefois d'observer que ladite différence de traitement est inhérente à un système de répartition en groupes. Or, il a déjà été constaté dans le cadre de l'examen de la première argumentation des requérantes dans la présente branche du présent moyen que ladite répartition correspondait à une appréciation correcte de la gravité de l'infraction.

411.
    Dès lors, même si, en raison de la répartition en groupes, certaines requérantes se voient appliquer un montant de base identique alors qu'elles ont des tailles différentes, il convient de conclure que ladite différence de traitement est objectivement justifiée par la prééminence accordée à la nature de l'infraction par rapport à la taille des entreprises lors de la détermination de la gravité de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt IAZ e.a./Commission, cité au point 351 ci-dessus, points 50 à 53).

412.
    En conséquence, la Commission était en droit, en l'espèce, d'appliquer aux entreprises d'un même groupe un montant de base identique sans enfreindre le principe d'égalité de traitement.

413.
    En ce qui concerne, en second lieu, le traitement différent des requérantes relevant de groupes différents, il ressort du tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée que la Commission a réparti les requérantes en quatre groupes par blocs d'entreprises représentant, respectivement, de 0 à 17 % de la taille de Maersk (les «petits transporteurs»), de 23 à 40 % de la taille de Maersk (les «transporteurs petits à moyens»), de 41 à 58 % de la taille de Maersk (les «transporteurs moyens à grands») et la taille de Maersk (le «grand transporteur»). Par ailleurs, au tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée, la Commission a appliqué à chacun de ces groupes un montant de base des amendes, respectivement, de 1 300 000, de 1 000 000, de 650 000 et de 325 000 euros.

414.
    Il en ressort que la différence de traitement entre requérantes relevant de groupes différents résulte, d'une part, de la délimitation des différents groupes au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée et, d'autre part, de la détermination des montants de base appliqués à chaque groupe au tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée.

415.
    S'agissant, d'abord, des seuils pour la délimitation des différents groupes, force est de constater que, comme le relèvent les requérantes, la différence de taille entre les requérantes relevant de deux groupes différents est parfois moins importante qu'entre des requérantes appartenant à un même groupe. Ainsi, il y a lieu d'observer que Yangming et DSR-Senator ont été placées dans le même groupe que Hapag-Lloyd et non dans celui de Cho Yang, alors que leur taille relative est plus proche de celle de Cho Yang que de celle de Hapag-Lloyd. De même, Hanjin a été placée dans le même groupe que NYK et non dans le groupe de Hapag-Lloyd, alors que sa taille relative est plus proche de celle d'Hapag-Lloyd que de celle de NYK.

416.
    Il y a lieu de relever que, aux termes de son point 1 A, sixième alinéa, les lignes directrices prévoient qu'une disparité «considérable» dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature est, notamment, de nature à justifier une différenciation aux fins de l'appréciation de la gravité de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T-48/98, Rec. p. II-3859, point 90). Par ailleurs, selon la jurisprudence, si la Commission dispose d'une certaine marge d'appréciation dans la détermination du montant des amendes et si le calcul de l'amende ne doit pas obéir à une simple formule mathématique (arrêt Martinelli/Commission, cité au point 252 ci-dessus, point 59), le montant des amendes doit, à tout le moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction (arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, cité au point 262 ci-dessus, point 106). En conséquence, lorsque la Commission répartit les entreprises concernées en groupes aux fins de la détermination du montant des amendes, la détermination des seuils pour chacun des groupes ainsi identifiés doit être cohérente et objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêt LR AF 1998/Commission, cité au point 385 ci-dessus, point 298).

417.
    À cet égard, il y a lieu d'observer que la Commission, en disposant dans l'introduction de ses lignes directrices que la marge discrétionnaire laissée par le législateur à la Commission pour la fixation du montant des amendes doit s'exprimer «dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence», s'est engagée explicitement à respecter ces principes lors de la détermination du montant des amendes pour infraction aux règles de concurrence.

418.
    Il convient dès lors d'examiner si, en l'espèce, la détermination des seuils séparant les quatre groupes identifiés par la Commission au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée est cohérente et objectivement justifiée.

419.
    Force est, à cet égard, de constater que la décision attaquée se borne à mentionner, au considérant 182, que, en vue d'infliger des amendes les plus élevées aux plus grandes des parties au FETTCSA, la Commission a divisé les parties en quatre groupes en fonction de leur taille et, au considérant 183, que le tableau 5 indique les quatre groupes ainsi constitués et la taille relative de chacune des parties au FETTCSA en 1994 par rapport à Maersk, la plus importante des parties au FETTCSA. En revanche, la décision attaquée n'explique pas la méthode et les critères retenus par la Commission pour délimiter les quatre groupes en question.

420.
    En réponse à une question écrite du Tribunal au sujet de la façon dont les requérantes ont été réparties en quatre groupes et sur le critère sur la base duquel la délimitation de ces groupes a été effectuée au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée, la Commission a expliqué, d'une part, que la répartition des requérantes entre les différents groupes était exclusivement basée sur le chiffre d'affaires afférent au transport maritime de ligne réalisé au niveau mondial en 1994 et, d'autre part, que la délimitation des groupes avait été effectuée aux endroits où se présentaient les écarts relatifs de taille les plus élevés.

421.
    Sur la base de ces explications, en admettant qu'un écart relatif de taille soit compris comme étant la différence de taille relative entre deux entreprises exprimée en pourcentage de la taille de l'entreprise la plus petite, le Tribunal relève que les seuils entre les quatre groupes identifiés au tableau 5 de la décision attaquée ont été fixés à des niveaux où se présentent des écarts relatifs de taille, respectivement, de 72 % de la taille de NYK (entre Maersk et NYK), de 20,5 % de la taille de Hapag-Lloyd (entre Hanjin et Hapag-Lloyd) et de 35 % de la taille de Cho Yang (entre Yangming et Cho Yang). Il y a lieu d'admettre que de tels écarts relatifs de taille reflètent des disparités considérables au sens des lignes directrices et qu'ils seraient donc de nature à justifier une différenciation aux fins de l'appréciation de la gravité de l'infraction.

422.
    Force est toutefois de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, ces écarts relatifs de taille ne sont pas les plus élevés parmi ceux figurant au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée. En effet, il ressort dudit tableau que les écarts relatifs de taille séparant OOCL et CGM, MISC et OOCL, Cho Yang et MISC, ainsi que NOL et DSR-Senator atteignent, respectivement, 83 %, 27 %, 21,4 % et 21,7 %, et sont dès lors supérieurs à l'écart relatif de taille de 20,5 % séparant les «transporteurs moyens à grands» des «transporteurs petits à moyens». Une constatation identique s'imposerait si l'écart relatif de taille était compris comme étant la différence de taille relative entre deux entreprises exprimée en pourcentage de l'entreprise la plus grande.

423.
    À l'audience, la Commission a expliqué, en réponse à une question du Tribunal, que la limite entre les groupes se présentait aux endroits où les écarts de taille relative étaient les plus élevés en termes absolus.

424.
    S'il est exact que les seuils pour la délimitation des quatre groupes se situent aux endroits présentant les écarts de taille les plus élevés en termes absolus, force est toutefois de souligner que cette explication contredit celle exposée en réponse à une question écrite du Tribunal. Par ailleurs, il y a lieu d'observer qu'une délimitation fondée sur les écarts de taille en termes absolus ne tiendrait pas compte du poids spécifique réel des requérantes, lequel se reflète uniquement par des écarts de taille exprimés en termes relatifs, et ne revêtirait dès lors aucune cohérence.

425.
    Par ailleurs, en ce qui concerne la fixation du montant de base de l'amende de chaque groupe, la Commission, ainsi qu'il sera exposé ci-dessous, a encore utilisé une autre méthode (à savoir la réduction successive de 25 % du montant de base appliqué au «grand transporteur»). Or, d'une part, cette dernière méthode apparaît plus cohérente en l'absence d'éléments pouvant expliquer une autre répartition et, d'autre part, la Commission n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle a estimé devoir appliquer une autre méthode pour la répartition des entreprises en groupes.

426.
    Il résulte de ce qui précède que la Commission, dans la décision attaquée, n'a pas justifié le choix des seuils pour la délimitation des quatre groupes identifiés au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée. Il ressort en outre des propres explications de la Commission, au demeurant contradictoires, formulées en réponse aux questions écrites du Tribunal ainsi qu'au cours de l'audience, que ladite délimitation ne se fonde sur aucun critère objectif et ne revêt aucune cohérence interne. En conséquence, il y a lieu de considérer que la répartition des requérantes en quatre groupes effectuée par la Commission au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée est contraire au principe d'égalité de traitement.

427.
    S'agissant, ensuite, des montants de base appliqués à chaque groupe au tableau 6 de la décision attaquée, la Commission expose au considérant 186 de la décision attaquée que ces derniers ont été établis compte tenu des facteurs mentionnés aux considérants 179 à 185. Ainsi qu'il a déjà été constaté dans le cadre de l'examen du présent moyen, il ressort desdits considérants que la Commission a calculé le montant des amendes en tenant compte de la durée et de la gravité de l'infraction, cette dernière étant déterminée sur la base de la nature de l'infraction, et a modulé ce montant en fonction de la taille relative des requérantes, exprimée selon leur chiffre d'affaires mondial afférent au transport maritime de ligne par rapport au «grand transporteur».

428.
    Ainsi qu'il a déjà été constaté dans le cadre de l'examen de la première branche du présent moyen, il ressort du considérant 181 de la décision attaquée que la Commission a établi le montant de base appliqué au «grand transporteur» en considération du niveau le plus bas de l'échelle des amendes applicables aux infractions graves. Toutefois, la décision attaquée n'expose pas la méthode de calcul suivie pour obtenir les montants de base précis appliqués aux groupes des «transporteurs moyens à grands», des «transporteurs petits à moyens» et des «petits transporteurs».

429.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a expliqué que les montants de base appliqués aux groupes autres que celui du «grand transporteur» avaient été établis à partir du montant de base appliqué à ce dernier en procédant à des réductions successives de 25 % de ce montant. La Commission fait ainsi observer que les montants de base figurant au tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée représentent, respectivement, environ 75 %, 50 % et 25 % du montant de base appliqué au «grand transporteur».

430.
    Or, il a déjà été constaté ci-dessus que la fixation de l'amende infligée au «grand transporteur» selon les critères précités n'excédait pas le cadre juridique des sanctions tel que défini par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, ainsi que par les dispositions équivalentes des règlements n° 1017/68 et n° 4056/86. Les amendes infligées aux autres groupes de requérantes étant établies à partir de celle infligée à Maersk sur la base des mêmes critères, il y a dès lors lieu de constater que la fixation desdites amendes n'excède pas davantage le cadre juridique des sanctions tel que défini par les dispositions précitées.

431.
    S'agissant du montant de ces amendes tel qu'il figure au tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée, la Commission n'étant pas tenue de déterminer le montant des amendes sur la base d'une formule arithmétique précise, il y a lieu d'admettre qu'en fixant les montants de base des amendes par réductions successives de 25 % du montant de base appliqué au «grand transporteur» la Commission n'a pas excédé la marge d'appréciation dont elle dispose. En effet, dès lors que la Commission détermine quatre groupes en fonction de la taille relative des requérantes, la réduction successive, par tranche de 25 %, du montant de base appliqué au groupe du requérant ayant la plus grande taille peut être considérée comme une méthode cohérente de nature à être objectivement justifiée.

432.
    En conséquence, il convient d'accueillir l'argumentation des requérantes uniquement dans la mesure où la délimitation des groupes effectuée au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée enfreint le principe d'égalité de traitement.

Sur le principe de transparence et le respect de l'obligation de motivation

433.
    Les requérantes reprochent à la Commission de n'avoir expliqué ni la raison pour laquelle il convenait de diviser les parties au FETTCSA en quatre groupes, ni le critère en vertu duquel la Commission a défini les différents groupes. Les requérantes soutiennent en outre que la Commission ne donne pas les raisons pour lesquelles, après avoir retenu un montant de base de 1 300 000 euros pour Maersk, elle fixe les montants de base des amendes des autres groupes à, respectivement, 1 million d'euros, 650 000 et 325 000 euros.

434.
    Dans la mesure où il a été constaté ci-dessus que, au vu des circonstances de l'espèce, la fixation du montant des amendes sur la base d'une répartition des requérantes en groupes a enfreint le principe d'égalité de traitement, il n'est plus nécessaire que le Tribunal se prononce sur les présents griefs.

435.
    Toutefois, à titre surabondant, le Tribunal constate, en ce qui concerne, en premier lieu, la répartition des requérantes en groupes, qu'il ressort à suffisance de droit des considérants 181 et 182 de la décision attaquée que l'objectif poursuivi par cette répartition est de moduler le montant de l'amende, déterminé en fonction de la nature de l'infraction, selon la taille des entreprises en cause.

436.
    Il en résulte que la décision attaquée est suffisamment motivée sur ce point.

437.
    En ce qui concerne, en deuxième lieu, les critères utilisés par la Commission pour déterminer les seuils servant à la délimitation des quatre groupes, force est de constater, ainsi qu'il a déjà été relevé ci-dessus, que la décision attaquée ne contient aucune explication à cet égard et que ce n'est qu'en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal que la Commission a entrepris d'expliquer la méthode suivie pour effectuer ladite délimitation.

438.
    Outre qu'il a déjà été constaté que ces explications ne sont pas de nature à justifier la fixation des seuils servant à la délimitation des quatre groupes identifiés par la Commission, il convient de relever que, dans l'introduction de ses lignes directrices, la Commission indique elle-même que les principes posés par celles-ci devraient permettre d'assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l'égard des entreprises qu'à l'égard de la Cour de justice, tout en assurant que la marge de manoeuvre dont la Commission dispose dans ce cadre s'exprime dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence.

439.
    Certes, selon la jurisprudence, il peut être admis que la Commission fournisse a posteriori des données visant à traduire de manière chiffrée des critères énoncés dans la décision attaquée lorsque ces derniers sont eux-mêmes susceptibles d'être quantifiés (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 206 ci-dessus, point 4735, et arrêt PVC II, cité au point 318 ci-dessus, point 1181). En l'espèce, toutefois, ces critères font précisément défaut.

440.
    En conséquence, il y a lieu de considérer que la délimitation des groupes figurant au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée est insuffisamment motivée.

441.
    En ce qui concerne, en troisième lieu, la détermination des montants de base figurant au tableau 6, il convient de rappeler que, comme il a été constaté ci-dessus, la décision attaquée renvoie, au considérant 186, aux facteurs exposés aux considérants 179 à 185, à savoir la durée et la gravité de l'infraction, telle que modulée en fonction de la nature de l'infraction et de la taille des entreprises concernées.

442.
    Il est vrai que la décision attaquée n'expose pas la méthode ou le calcul ayant conduit la Commission à retenir les montants de base choisis pour les groupes autres que le «grand transporteur», pas plus que leur relation avec les groupes identifiés au tableau 5. Toutefois, il convient de considérer que ces montants constituent la traduction chiffrée de la division en quatre groupes effectuée dans la décision attaquée. Les explications fournies sur ce point par la Commission en réponse à une question écrite du Tribunal ne constituent donc pas une motivation supplémentaire ou a posteriori de la décision attaquée (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 206 ci-dessus, point 4735, et arrêt PVC II, cité au point 318 ci-dessus, point 1181).

443.
    Toutefois, il a déjà été constaté dans le cadre de l'examen de la première branche du présent moyen que le choix d'un point de départ spécifique de 1 300 000 euros pour le «grand transporteur» était entaché d'une insuffisance de motivation, dès lors que la fixation de ce montant à un niveau supérieur au niveau le plus bas de l'échelle des amendes applicables pour les infractions graves prévu par les lignes directrices n'était pas expliquée à suffisance de droit. En conséquence, dans la mesure où les points de départ spécifiques retenus pour les trois autres groupes ont été établis à partir du montant de base appliqué au «grand transporteur», il convient de considérer que ceux-ci sont, par voie de répercussion, également entachés d'une insuffisance de motivation.

444.
    En conséquence, il y a lieu de conclure que la décision attaquée souffre également de motivation insuffisante sur ce point.

445.
    Enfin, les requérantes font encore valoir que, pour autant que la répartition en groupes effectuée par la Commission dans la décision attaquée vise à tenir compte des dommages et des avantages découlant de l'accord en cause, la Commission n'a pas identifié ces dommages et avantages.

446.
    Il résulte toutefois de l'examen du moyen tiré d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 que la décision attaquée constate une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 uniquement en ce que l'accord prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes a pour objet de restreindre la concurrence. En revanche, la décision attaquée ne constate pas, ainsi que l'indique explicitement le considérant 135, que ledit accord a eu pour effet de restreindre la concurrence.

447.
    Dès lors que, pour que l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 2 du règlement n° 1017/68 soient applicables, il suffit que l'accord en cause ait pour objet de restreindre la concurrence, la Commission n'avait nullement l'obligation d'identifier les dommages concrets pouvant résulter dudit accord.

448.
    En tout état de cause, il ressort des considérants 134 et 138 de la décision attaquée que la Commission y a exposé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles l'accord en cause, de par sa nature même et la position des parties au FETTCSA sur le trafic entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, a pour objet de restreindre la concurrence de manière sensible.

449.
    En conséquence, le grief tiré d'un défaut de motivation en ce qui concerne la prise en compte des dommages et des avantages découlant de l'accord en cause ne saurait prospérer.

450.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'argumentation des requérantes tirée d'un défaut de motivation doit être accueillie en ce qui concerne la délimitation des quatre groupes figurant au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée et la détermination des montants de base des amendes au tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée.

Sur la troisième branche, relative au calcul du montant de l'amende infligée à P & O Nedlloyd

a) Arguments des parties

451.
    À titre individuel, P & O Nedlloyd fait grief à la Commission de ne pas avoir pris en compte, au stade de la détermination du montant des amendes, la fusion intervenue le 19 décembre 1996 entre P & O et Nedlloyd.

452.
    La requérante fait observer que la nouvelle entité P & O Nedlloyd s'est vu infliger une amende plus élevée que celle de Maersk, la seule compagnie retenue par la Commission dans le groupe «grand transporteur».

453.
    Selon la requérante, le caractère disproportionné de l'amende qui lui est infligée découle de la répartition des entreprises en cause en quatre groupes, effectuée par la Commission dans la décision attaquée. En effet, dès lors que tant P & O que Nedlloyd ont été classées dans la seconde catégorie sans que leur situation individuelle ait été prise en compte, la Commission a ipso facto été conduite, au moment de la détermination du montant de l'amende infligée à la nouvelle entité fusionnée, à additionner les amendes de 620 000 euros infligées respectivement à P & O et à Nedlloyd. En conséquence, P & O Nedlloyd devrait, en violation du principe d'égalité de traitement, s'acquitter d'une amende d'un montant supérieur de 48 % à celui de la deuxième amende, en importance, infligée à Maersk.

454.
    La requérante postule que le respect du principe d'égalité de traitement aurait dû conduire la Commission, dans le cadre de l'application de sa propre méthode fondée sur la répartition des parties au FETTCSA en quatre groupes, à classer P & O Nedlloyd dans le même groupe que Maersk, puisque la taille combinée de P & O et Nedlloyd en 1994, soit l'année de référence utilisée par la décision attaquée au tableau 5 (considérant 183), était similaire.

455.
    Au soutien de sa thèse, la requérante fait observer que les demandes de renseignements qui lui ont été adressées par la Commission en 1998 et 1999 visaient à obtenir le chiffre d'affaires de la nouvelle entité fusionnée, et non le chiffre d'affaires individuel de P & O et de Nedlloyd. Selon la requérante, c'est en effet le chiffre d'affaires de la nouvelle entité fusionnée que la Commission devrait prendre en compte pour déterminer le montant maximal de l'amende qu'elle peut infliger en vertu de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86. En outre, c'est à P & O Nedlloyd qu'il incomberait de payer l'amende si les requérantes succombaient. La requérante en déduit que, pour déterminer le montant des amendes, c'est dès lors la taille relative de P & O Nedlloyd par rapport à celle des autres parties au FETTCSA en 1998, soit l'année du dernier exercice social avant l'adoption de la décision, et non celle de P & O et de Nedlloyd en 1994, qui est pertinente.

456.
    En guise de remarque finale, la requérante fait encore observer que, si l'objet des demandes de renseignements adressées à P & O Nedlloyd en 1998 et 1999 n'était pas de permettre la détermination du montant maximal de l'amende qui pouvait lui être infligée, la Commission n'aurait pas valablement motivé lesdites demandes de renseignements.

457.
    La Commission conclut au rejet de l'argumentation de la requérante sur ce point.

b) Appréciation du Tribunal

458.
    Il ressort de la décision attaquée que, en 1992, au moment des faits reprochés, P & O et Nedlloyd étaient des compagnies maritimes indépendantes, toutes deux parties à l'accord en cause prévoyant de ne pas accorder de rabais sur les taxes et les surtaxes. Il est constant, par ailleurs, que P & O et Nedlloyd ont fusionné, le 19 décembre 1996, pour former P & O Nedlloyd. Enfin, il ressort de l'article 4 de la décision attaquée que P & O Nedlloyd s'est vu infliger, au moment de l'adoption de ladite décision, le 16 mai 2000, une amende d'un montant de 1 240 000 euros, soit le montant d'amende le plus élevé infligé par la Commission dans cette affaire.

459.
    Il y a lieu d'observer que, au considérant 184 de la décision attaquée, la Commission a constaté, au stade de l'examen de la gravité de l'infraction, que la fusion entre P & O et Nedlloyd n'entrait pas en ligne de compte étant donné que les infractions avaient été commises avant cet événement. En conséquence, au tableau 5 du considérant 183 de la décision attaquée, P & O et Nedlloyd ont été classées toutes deux par la Commission au sein du groupe des «transporteurs moyens à grands» et, aux termes du tableau 6 du considérant 186 de la décision attaquée, la Commission leur a appliqué à chacune un montant de base de 1 million d'euros. Après déduction effectuée sur ce montant au titre des circonstances atténuantes, de la coopération et de la durée de la procédure, P & O et Nedlloyd se sont vu chacune infliger, aux termes du tableau 7 du considérant 206 de la décision attaquée, des amendes d'un montant de 620 000 euros, de sorte que la nouvelle entité P & O Nedlloyd s'est vu infliger une amende d'un montant de 1 240 000 euros.

460.
    L'argumentation de la requérante fondée sur le fait que le montant de son amende aurait dû être calculé sur la base de la taille du nouveau groupe fusionné ne saurait être retenue. L'appréciation de la gravité de l'infraction doit en effet porter sur la réalité économique telle qu'elle apparaissait à l'époque à laquelle l'infraction a été commise. En conséquence, pour apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles, qui sont des éléments pertinents pour apprécier la gravité de l'infraction commise par chaque entreprise, la Commission doit se référer au chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises en cause au cours de la période où l'infraction a été commise (arrêt Enso Española/Commission, cité au point 109 ci-dessus, point 339, arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T-156/94, Rec. p. II-645, points 663 et 664, et arrêt PVC II, cité au point 318 ci-dessus, points 1147 et 1148).

461.
    C'est dès lors à bon droit que, en l'espèce, la Commission ne s'est pas référée au chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédant l'adoption de la décision attaquée pour apprécier la gravité de l'infraction en ce qui concerne P & O Nedlloyd. À cet égard, il convient de souligner que l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 et les dispositions similaires contenues dans les règlements n° 17 et n° 1017/68, qui se réfèrent à ce chiffre d'affaires, n'ont pas pour objet de déterminer la gravité de l'infraction mais de déterminer le montant maximal de l'amende susceptible d'être infligée à une entreprise en raison d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêt PVC II, cité au point 318 ci-dessus, point 1146). Dans le respect de la limite fixée par l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 et par les dispositions similaires contenues dans les règlements n° 17 et n° 1017/68, la Commission peut fixer le montant de l'amende à partir du chiffre d'affaires de son choix, en termes d'assiette géographique et de produits concernés (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T-28/99, Rec. p. II-1845, point 91).

462.
    Par ailleurs, il convient de rappeler que le respect du principe d'égalité de traitement exige que la Commission doive normalement utiliser une seule et même méthode de calcul du montant des amendes infligées aux entreprises sanctionnées pour avoir participé à une même infraction (voir, notamment, arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Weig/Commission, C-280/98 P, Rec. p. I-9757, points 63 à 68, Sarrió/Commission, C-291/98 P, Rec. p. I-9991, points 97 à 99, et arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Cascades/Commission, T-308/94, Rec. p. II-813, point 65).

463.
    Il ne saurait dès lors être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte, en raison du caractère ultérieur de la fusion par rapport aux faits reprochés, de la taille relative de P & O Nedlloyd par rapport à Maersk pour le calcul du montant de l'amende au moment de l'adoption de la décision attaquée.

464.
    Il est vrai que, dans le cas d'une fusion postérieure aux faits reprochés, la répartition des requérantes en groupe peut, comme en l'espèce, avoir pour effet, en raison de l'addition des montants de base forfaitaires appliqués à chaque entreprise concernée, d'accentuer l'absence de relation entre le montant de l'amende finalement infligée et la taille de l'entreprise. Force est toutefois d'observer que cette conséquence est inhérente à la forfaitisation du montant de base des amendes résultant de la répartition par groupe. Or, il a déjà été constaté dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen que ladite forfaitisation n'enfreint ni l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et les dispositions équivalentes des règlements n° 1017/68 et n° 4056/68, ni les principes d'évaluation individuelle et d'égalité de traitement.

465.
    Partant, il convient de rejeter l'argumentation de la requérante sur ce point.

Conclusions sur le moyen

466.
    Il résulte de l'examen du présent moyen que la décision attaquée est affectée de vices substantiels en ce qui concerne la méthodologie suivie pour la détermination du montant des amendes. Le premier vice résulte du fait que la décision attaquée fixe le montant des amendes infligées à chacune des requérantes à partir du montant de base appliqué à Maersk sans motiver de manière adéquate la raison pour laquelle ce dernier montant est supérieur au minimum retenu par les lignes directrices pour les infractions graves. Il s'ensuit que l'ensemble des montants de base appliqués à chacune des requérantes est, par voie de répercussion, vicié d'un défaut de motivation. Le second vice résulte du fait que la décision attaquée fixe le montant des amendes après avoir réparti les requérantes en groupes d'une manière contraire au principe d'égalité de traitement ou, à tout le moins, sans aucune motivation adéquate.

467.
    Avant qu'il soit besoin de se prononcer sur les conséquences juridiques qu'il convient de tirer des vices substantiels constatés ci-dessus, le Tribunal estime, toutefois, que, dans le cas d'espèce, il y a d'abord lieu, eu égard aux circonstances ayant entouré l'adoption de la décision attaquée, d'examiner le moyen tiré de la prescription en matière d'amendes.

5. Sur le moyen tiré de la prescription

Arguments des parties

468.
    Les requérantes soutiennent que les amendes infligées par la Commission au terme de la décision attaquée sont prescrites en vertu de l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74.

469.
    Selon les requérantes, le dernier acte ayant, en l'espèce, valablement interrompu la prescription en matière d'amendes, conformément à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74, est la demande de renseignements adressée par la Commission au FETTCSA le 24 mars 1995 en vue d'obtenir des informations concernant le chiffre d'affaires de ses membres pour les années 1993 et 1994. En conséquence, la prescription quinquennale pour les amendes prévue par l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74, aurait été acquise aux parties le 24 mars 2000. La décision attaquée ayant été adoptée le 16 mai 2000, elle ne pourrait dès lors légalement infliger des amendes aux requérantes.

470.
    Les requérantes reconnaissent que la Commission a, postérieurement à sa demande de renseignements du 24 mars 1995, adressé au FETTCSA deux nouvelles demandes de renseignements, les 30 juin 1998 et 11 octobre 1999, qui sont conformes aux dispositions des règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86. Elles soutiennent toutefois que ces deux demandes de renseignements, qui visaient à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant, respectivement, les années 1997 et 1998, n'ont pas valablement interrompu la prescription au motif qu'elles n'étaient pas indispensables «[aux fins de] l'instruction ou [de] la poursuite de l'infraction» au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74.

471.
    Les requérantes soutiennent en effet que les renseignements demandés n'étaient pas, en l'espèce, indispensables «[aux fins] de l'instruction», puisque la Commission avait déjà clôturé son instruction et adopté la communication des griefs. Elles estiment en outre qu'il n'y avait aucune nécessité pour la Commission de demander les renseignements concernant le chiffre d'affaires des années 1997 et 1998 «[aux fins de] la poursuite de l'infraction». Les requérantes font en effet observer que la Commission a reçu, le 16 septembre 1994, la réponse des parties à la communication des griefs et qu'elle était en possession, en mai et en juin 1995, des données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant les années 1993 et 1994 à la suite de la demande de renseignements du 24 mars 1995. Selon les requérantes, la Commission disposait dès lors à ce moment de tous les renseignements indispensables à l'adoption d'une décision concernant l'accord en cause. Les requérantes considèrent que, si la Commission a finalement dû adresser deux nouvelles demandes de renseignements au sujet du chiffre d'affaires des parties au FETTCSA afin d'obtenir le chiffre d'affaires du dernier exercice social de chacune d'entre elles, c'est uniquement en raison de son propre retard à adopter une décision.

472.
    Dans le cadre de l'examen du présent moyen, les requérantes considèrent encore qu'il conviendrait de tenir compte des enseignements de l'arrêt Autriche/Commission, cité au point 43 ci-dessus. Il ressortirait de cet arrêt relatif à la procédure d'examen des aides d'État que la Commission ne peut pas prolonger artificiellement la durée de la prescription en adressant aux parties concernées des demandes d'informations non pertinentes ou non nécessaires.

473.
    Les requérantes font observer que, si la Commission était en droit d'interrompre la prescription par des demandes de renseignements répétitives portant sur le chiffre d'affaires des entreprises concernées, elle serait en mesure de reporter la prescription jusqu'à son maximum décennal prévu par l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/74, ce qui rendrait la prescription quinquennale prévue par l'article 1er, paragraphe 1, dudit règlement, dépourvue de tout objet.

474.
    La Commission fait valoir que les demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 visaient à lui permettre de fixer le montant des amendes dans le respect des obligations qui lui incombent en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 et de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86, qui prévoient que les amendes ne peuvent en aucun cas excéder 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée réalisé au cours de l'exercice social précédent. Il serait dès lors erroné de soutenir que les demandes de renseignements en question n'étaient pas indispensables aux fins de l'adoption de la décision attaquée.

475.
    Dans ces circonstances, dès lors que lesdites demandes de renseignements indiquaient les bases juridiques sur lesquelles elles se fondent ainsi que les amendes susceptibles d'être infligées aux parties si celles-ci fournissaient des renseignements inexacts, la Commission soutient qu'elles étaient conformes à l'article 11 du règlement n° 17, à l'article 19 du règlement n° 1017/68 et à l'article 16 du règlement n° 4056/86 et, que, en conséquence, elles ont valablement interrompu la prescription, conformément à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74. Selon la Commission, la prescription n'était dès lors pas acquise au moment de l'adoption de la décision attaquée, le 16 mai 2000.

476.
    Au soutien de cette conclusion, la Commission souligne, en premier lieu, que la thèse des requérantes reviendrait à la priver de la possibilité d'envoyer des demandes de renseignements répétitives et à la pénaliser pour avoir adressé très tôt une demande de renseignements aux entreprises concernées.

477.
    En deuxième lieu, la Commission fait observer que rien dans le libellé de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74 ne lui interdit d'adresser plusieurs demandes de renseignements portant sur le chiffre d'affaires des entreprises concernées.

478.
    En troisième lieu, la Commission expose qu'il conviendrait d'interpréter l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74 dans le contexte de l'article 2, paragraphe 3, dudit règlement, qui vise à imposer à la Commission une limite absolue de dix ans qui ne saurait en aucun cas être excédée. Selon la Commission, cette dernière disposition suffit à conférer aux entreprises les garanties procédurales nécessaires.

479.
    En quatrième lieu, la Commission réfute la pertinence de l'arrêt Autriche/Commission, cité au point 43 ci-dessus, dans le cas présent. Selon la Commission, cet arrêt en matière d'aide d'État se borne à constater que les dispositions de l'article 88, paragraphe 3, CE empêchent la Commission de prolonger, par des demandes de renseignements répétées, la période d'examen préliminaire des aides d'État au cours de laquelle la Commission doit se former une première opinion quant à la compatibilité de l'aide avec le marché commun et quant à l'opportunité d'ouvrir la procédure formelle d'examen des aides visée par l'article 88, paragraphe 2, CE. Ce serait dans ces circonstances que la Cour a jugé que la Commission n'avait pas besoin d'obtenir des informations exhaustives sur l'aide en cause. La Commission considère que la situation en l'espèce est différente, puisque, aux fins de la détermination du montant des amendes, il est requis, en vertu des règlements de procédure applicables, d'obtenir des données relatives aux chiffres d'affaires suffisamment récentes.

Appréciation du Tribunal

480.
    Il résulte de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2988/74 que le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes est soumis à un délai de prescription de cinq ans en ce qui concerne les infractions aux règles communautaires de concurrence. La prescription court à compter du jour où l'infraction a été commise ou, pour les infractions continues ou continuées, à compter du jour où l'infraction a pris fin.

481.
    La prescription est toutefois susceptible d'être interrompue et suspendue, conformément, respectivement, aux articles 2 et 3 du règlement n° 2988/74. En vertu de l'article 2, paragraphe 1, dudit règlement, la prescription en matière de poursuites est interrompue «par tout acte de la Commission [...] visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction», et notamment par «les demandes de renseignements écrites de la Commission [...], ainsi que les décisions de la Commission exigeant les renseignements demandés». En vertu de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/74, la prescription court à nouveau à partir de chaque interruption, la prescription étant toutefois acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que la Commission ait prononcé une amende ou une sanction.

482.
    En l'espèce, aux termes du considérant 180 de la décision attaquée, la prescription a commencé à courir le 28 septembre 1992, date retenue par la Commission comme étant celle de la fin de l'infraction. Il est constant que la prescription a été valablement interrompue une première fois, le 19 avril 1994, par la communication des griefs, puis une seconde fois, le 24 mars 1995, par une demande de renseignements visant à obtenir des parties au FETTCSA certaines données relatives aux chiffres d'affaires concernant les années 1993 et 1994. La décision attaquée ayant été adoptée le 16 mai 2000, soit plus de cinq ans après le 24 mars 1995, il convient dès lors de vérifier si d'autres actes subséquents ont valablement interrompu la prescription quinquennale. En l'absence de tels actes, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes aux requérantes pour l'infraction constatée dans la décision attaquée serait prescrit et les amendes infligées aux requérantes à l'article 4 de la décision attaquée l'auraient été illégalement.

483.
    Il est constant entre les parties que, dans la présente affaire, les seuls actes adoptés par la Commission au cours de la procédure administrative ayant conduit à l'adoption de la décision attaquée postérieurement à sa demande de renseignements du 24 mars 1995 sont, d'une part, une demande de renseignements du 30 juin 1998, qui visait à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant l'année 1997, et, d'autre part, une demande de renseignements du 11 octobre 1999, qui visait à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant l'année 1998. Il convient dès lors d'examiner si, comme la Commission l'affirme au considérant 194 de la décision attaquée, ces deux demandes de renseignements ont valablement interrompu la prescription conformément à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74.

484.
    Il convient d'observer que l'interruption de la prescription prévue par l'article 2 du règlement n° 2988/74 constituant une exception au principe de la prescription quinquennale prévue par l'article 1er, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, elle doit être interprétée de manière restrictive.

485.
    Par ailleurs, il y a lieu de relever qu'il résulte du premier alinéa de l'article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2988/74 que, pour interrompre la prescription au sens dudit règlement, les demandes de renseignements écrites de la Commission, lesquelles sont explicitement mentionnées par cette disposition en tant qu'exemples d'actes interrompant la prescription, doivent «vis[er] à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction».

486.
    Or, conformément à l'article 11 du règlement n° 17 et, en ce qui concerne le secteur des transports en cause dans la présente espèce, à l'article 19 du règlement n° 1017/68 et à l'article 16 du règlement n° 4056/86, les demandes de renseignements doivent, aux termes du paragraphe 1 de ces dispositions, être «nécessaires». Selon la jurisprudence, une demande de renseignements est «nécessaire» au sens de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17 si elle peut être légitimement regardée comme présentant un rapport avec l'infraction présumée (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, T-39/90, Rec. p. II-1497, point 29). Eu égard à l'identité des termes utilisés par l'article 19 du règlement n° 1017/68 et l'article 16 du règlement n° 4056/86, les mêmes principes sont applicables aux demandes de renseignements basées sur ces dispositions.

487.
    Il résulte ainsi des considérations qui précèdent que, pour valablement interrompre la prescription quinquennale prévue par l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2988/74, une demande de renseignements doit être nécessaire à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction.

488.
    Ainsi, bien que l'envoi de demandes de renseignements puisse être de nature à interrompre la prescription en matière d'amendes lorsque de telles demandes ont pour objectif de permettre à la Commission de respecter les obligations qui lui incombent au stade de la détermination du montant de l'amende, il ne saurait, par exemple, être admis que la Commission puisse envoyer des demandes de renseignements dont le seul objectif serait de prolonger artificiellement le délai de prescription afin de conserver le pouvoir d'infliger des amendes (voir, en ce sens, arrêt Autriche/Commission, cité au point 43 ci-dessus, points 45 à 67). Des demandes de renseignements poursuivant ce seul objectif ne seraient en effet pas nécessaires à la poursuite de l'infraction. Par ailleurs, reconnaître à la Commission le pouvoir d'interrompre le délai de prescription par l'envoi de demandes de renseignements non nécessaires à la poursuite de l'infraction reviendrait à lui permettre de prolonger systématiquement la prescription jusqu'à son maximum décennal prévu par l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/74, ce qui rendrait la prescription quinquennale prévue par l'article 1er, paragraphe 1, dudit règlement dépourvue d'objet en la transformant en un délai de prescription décennale.

489.
    En l'espèce, il ressort explicitement du contenu des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 que celles-ci visaient prétendument à permettre à la Commission d'évaluer le montant de l'amende qui serait, le cas échéant, infligée aux requérantes. Au cours de la procédure écrite devant le Tribunal, la Commission a expliqué, dans son mémoire en défense, que ces demandes visaient à lui permettre de fixer le montant maximal des amendes conformément aux dispositions de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 et de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86, selon lesquelles les amendes ne peuvent en aucun cas excéder 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée réalisé au cours de l'exercice social précédent. Selon les termes de la Commission dans sa duplique, il était dès lors «crucial», pour elle, d'obtenir des données relatives aux chiffres d'affaires suffisamment récentes pour fixer correctement le montant des amendes.

490.
    Il y a lieu d'admettre qu'une demande de renseignements visant à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des entreprises faisant l'objet d'une procédure d'application des règles communautaires de concurrence est susceptible de constituer un acte nécessaire à la poursuite de l'infraction, puisqu'elle permet à la Commission de vérifier que les amendes qu'elle a l'intention d'infliger à ces entreprises n'excèdent pas le montant maximal des amendes autorisé par les règlements précités en cas d'infraction aux règles communautaires de concurrence.

491.
    En conséquence, dans l'hypothèse dans laquelle, en l'espèce, les demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 viseraient à obtenir des informations relatives aux chiffres d'affaires nécessaires pour que la Commission soit en mesure de vérifier que le niveau des amendes envisagé n'excède pas le plafond du montant des amendes autorisé, elles seraient de nature à interrompre la prescription au sens du règlement n° 2988/74.

492.
    Il convient dès lors de vérifier si, au moment de leur envoi, les demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 étaient nécessaires pour que la Commission soit en mesure d'adopter une décision finale infligeant des amendes ou si, comme le font valoir les requérantes, les circonstances ayant entouré l'adoption des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 révèlent, au contraire, sur la base d'indices précis et concordants, que lesdites demandes de renseignements n'ont pas valablement interrompu la prescription parce qu'elles n'étaient pas nécessaires à la poursuite de l'infraction, la Commission disposant déjà de tous les éléments nécessaires à l'adoption de la décision attaquée après avoir reçu les réponses des requérantes à la demande de renseignements du 24 mars 1995.

493.
    À cet égard, il convient, en premier lieu, de prendre en considération le contexte dans lequel les demandes de renseignements du 30 juin 1998 et du 11 octobre 1999 ont été envoyées par la Commission au cours de la procédure administrative portant sur l'accord en cause.

494.
    Or, il convient d'observer d'emblée qu'il a déjà été constaté ci-dessus aux points 317 à 321 que, eu égard au contexte de l'affaire, de son enjeu pour les entreprises intéressées et de son degré de complexité, la durée de la procédure en l'espèce apparaissait, du moins à première vue, excéder un délai raisonnable.

495.
    Ainsi, il importe d'abord de rappeler que l'accord en cause est un accord conclu par les parties au FETTCSA, qui est entré en vigueur le 1er juillet 1992. Il ressort du dossier devant le Tribunal que la Commission a été informée de l'existence de l'accord en cause à la suite de l'envoi, le 26 juin 1992, d'une demande de renseignements dans le cadre de l'instruction portant sur l'accord FETTCSA, laquelle instruction était en cours depuis le début de l'année 1991. C'est en effet en réponse à cette demande de renseignements que la Commission a obtenu une copie du compte rendu de la réunion du FETTCSA du 9 juin 1992 qui contient les termes de l'accord en cause.

496.
    Il y a également lieu de relever que, dès le 28 septembre 1992, la Commission a communiqué aux requérantes son appréciation juridique préliminaire au sujet de l'accord FETTCSA. Aux termes du considérant 180 de la décision attaquée, la Commission considère que l'infraction reprochée aux requérantes a pris fin à cette même date.

497.
    Ensuite, il convient de noter que, par demandes de renseignements des 31 mars 1993 et 7 octobre 1993, la Commission a sollicité des requérantes diverses informations supplémentaires concernant l'accord en cause. Puis, le 19 avril 1994, elle a envoyé aux requérantes une communication des griefs, à laquelle ces dernières ont répondu le 16 septembre 1994, après avoir rencontré les agents de la Commission en vue d'examiner les bases sur lesquelles il pourrait, le cas échéant, être mis un terme à la procédure administrative. Enfin, le 24 mars 1995, la Commission a envoyé aux requérantes une demande de renseignements visant à obtenir des données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant les années 1993 et 1994.

498.
    Il est constant que les demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 ont été envoyées aux requérantes sans qu'aucun acte d'instruction supplémentaire ait été accompli par la Commission au cours de la période séparant leur envoi de celui de la demande de renseignements du 24 mars 1995.

499.
    Enfin, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée a été adoptée le 16 mai 2000.

500.
    Au vu de ces circonstances, il convient, tout d'abord, de constater que l'instruction par la Commission de l'affaire en cause était terminée dès le mois de mars 1995. En effet, à cette date, la Commission avait accompli tous les actes de procédure préliminaires à l'adoption d'une décision d'application de l'article 81 CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68. En particulier, la Commission avait envoyé sa communication des griefs et reçu les observations des requérantes. À cet égard, le fait même que la Commission ait envoyé, le 24 mars 1995, soit peu de temps après avoir reçu la réponse à la communication des griefs le 16 septembre 1994, une demande de renseignements visant à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des parties au FETTCSA concernant les années 1993 et 1994 démontre que le stade ultime de la procédure administrative était atteint et que la Commission se préparait, à ce moment, à adopter une décision finale infligeant des amendes, puisque ladite demande n'avait d'autre objet que d'obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires afin de lui permettre de fixer les amendes sans excéder le montant maximal autorisé par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 et l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86.

501.
    Il en résulte qu'il peut être tenu pour établi, et cela n'est d'ailleurs pas contesté, que la Commission avait entièrement terminé l'instruction de l'affaire en cause au moment de l'envoi de la demande de renseignements du 24 mars 1995 et qu'elle disposait à cette même époque, après avoir reçu les données sollicitées, de l'ensemble des éléments nécessaires pour adopter une décision finale infligeant des amendes. Il est toutefois constant que la Commission n'a pas adopté de décision finale après avoir reçu les réponses des requérantes à la demande de renseignements du 24 mars 1995.

502.
    Ensuite, après l'écoulement d'une période de 39 mois, il convient d'observer que la Commission a envoyé une nouvelle demande de renseignements, le 30 juin 1998, visant à obtenir à nouveau les données relatives aux chiffres d'affaires des requérantes concernant, cette fois, l'année 1997. Dès lors que, au cours de cette période, aucun acte d'instruction supplémentaire n'a été entrepris par la Commission dans cette affaire, force est de constater que, puisque la Commission avait terminé l'examen du dossier depuis 1995, ladite demande ne pouvait avoir d'autre objet que de lui permettre d'obtenir la mise à jour des données relatives aux chiffres d'affaires sollicitées en 1995 en vue d'adopter une décision finale infligeant des amendes aux requérantes. Il est toutefois constant que, en dépit du fait que l'instruction était terminée et que l'adoption d'une décision finale infligeant des amendes semblait imminente, la Commission n'a pas adopté une telle décision après avoir reçu les réponses des requérantes à la demande de renseignements du 30 juin 1998.

503.
    Enfin, après l'écoulement d'une période supplémentaire de quinze mois, soit environ 54 mois après l'envoi de la demande de renseignements du 24 mars 1995, la Commission a envoyé, le 11 octobre 1999, une nouvelle et troisième demande de renseignements visant à obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires des requérantes concernant, cette fois, l'année 1998. Il est toutefois constant que la Commission n'a pas davantage adopté de décision finale infligeant des amendes après avoir reçu les réponses des requérantes à cette demande qu'elle ne l'avait fait après avoir reçu les réponses aux demandes de renseignements des 24 mars 1995 et 30 juin 1998.

504.
    Dans ce contexte, force est d'admettre que les requérantes s'interrogent à juste titre sur le caractère nécessaire des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999.

505.
    Il convient dès lors d'examiner, en second lieu, les raisons qui ont été avancées par la Commission pour justifier l'envoi des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 et de vérifier si ces justifications permettent de conclure que lesdites demandes étaient nécessaires à la poursuite de l'infraction.

506.
    Il y a lieu de rappeler que, en l'espèce, la Commission n'a eu de cesse, que ce soit au cours de la procédure écrite ou au cours de la procédure orale devant le Tribunal, de justifier la nécessité des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 par l'obligation pour elle de calculer le montant maximal des amendes conformément aux dispositions légales applicables. Selon la Commission, les données relatives aux chiffres d'affaires concernant les années 1997 et 1998 fournies en réponse auxdites demandes d'informations n'avaient donc pas pour but de calculer les amendes, mais uniquement de vérifier le respect du montant maximal des amendes autorisé. Or, dans le cas présent, ces données ne permettaient pas à la Commission d'effectuer ce calcul. La décision attaquée ayant été adoptée le 16 mai 2000, l'année de référence pour le calcul du montant maximal des amendes autorisé était en effet non 1997 ou 1998, mais 1999, soit l'année de l'exercice social ayant précédé l'adoption de la décision attaquée (ordonnance de la Cour du 5 juin 2002, Italcementi - Fabbriche Riunite Cemento/Commission, C-213/00 P, non publiée au Recueil, point 98). Il est constant que la Commission n'a pas demandé les données relatives aux chiffres d'affaires des requérantes concernant l'exercice social se rapportant à 1999. Or, les requérantes ont exposé dans leur requête, sans être contredites par la Commission sur ce point, que leurs résultats financiers étaient, pour la plupart d'entre elles, disponibles en mars de l'année suivante. Il en résulte que, au moment de l'adoption de la décision attaquée le 16 mai 2000, la plupart des requérantes avaient clos leur exercice social relatif à l'année 1999.

507.
    Eu égard à ce qui précède, il peut dès lors être tenu pour établi que la Commission a été en mesure d'adopter la décision attaquée infligeant des amendes sans disposer des données relatives aux chiffres d'affaires qui étaient requises pour le calcul du montant maximal des amendes autorisé. Si cette circonstance, à elle seule, n'est pas de nature à priver les demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 de leur effet interruptif sur la prescription, la Commission étant libre de prendre le risque d'adopter une décision infligeant des amendes sans calculer le montant maximal des amendes autorisé conformément aux dispositions légales applicables, force est cependant de constater que, dans le cas présent, cette circonstance démontre que, contrairement à ce que la Commission a constamment soutenu pour justifier l'envoi des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999, ce n'est pas l'obligation de vérifier que le montant des amendes n'excèdent pas le maximum autorisé par les dispositions légales applicables qui a pu justifier leur envoi, puisque la Commission ne disposait pas de ces informations au moment de l'adoption de la décision attaquée. Or, la Commission n'invoque aucun autre élément pour justifier la nécessité des demandes de renseignements en question.

508.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a indiqué qu'elle avait, dans le cas d'espèce, calculé le montant maximal des amendes autorisé sur la base du chiffre d'affaires des requérantes relatif à 1998 et que, par mesure de prudence, elle s'était également assurée que le montant des amendes infligées n'excédait pas 10 % du chiffre d'affaires mondial réalisé par les requérantes en 1993. Ces mêmes explications figurent au considérant 207 de la décision attaquée.

509.
    Ces explications ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause la constatation selon laquelle les demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 ne peuvent pas être justifiées par l'obligation de vérifier que le montant des amendes n'excède pas le maximum autorisé. Bien au contraire, la circonstance selon laquelle la Commission aurait calculé le montant maximal des amendes autorisé sur la base des données relatives aux chiffres d'affaires concernant l'année 1998, outre qu'elle démontre que la Commission n'aurait pas effectué ce calcul conformément aux dispositions légales applicables, confirme qu'elle a été en mesure d'adopter la décision attaquée infligeant des amendes sans devoir obtenir les données relatives aux chiffres d'affaires concernant l'exercice social précédant l'adoption de ladite décision.

510.
    De surcroît, dès lors que, en l'espèce, la Commission s'estimait en mesure de calculer le montant maximal des amendes autorisé en se fondant sur des données relatives aux chiffres d'affaires concernant l'année 1998, lesquelles ne se rapportent pas au dernier exercice social précédent l'adoption de la décision attaquée, il y a lieu d'observer qu'elle aurait tout aussi bien pu se fonder sur les données relatives aux chiffres d'affaires concernant les années 1993 ou 1994, données dont elle disposait depuis la demande de renseignements du 24 mars 1995. Force est de constater que la Commission n'explique pas la raison pour laquelle ces dernières données relatives aux chiffres d'affaires ne lui suffisaient pas pour vérifier que le montant maximal des amendes n'était pas dépassé et que ce fait rendait donc nécessaire l'envoi des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999.

511.
    Eu égard à ce qui précède, il n'apparaît pas que l'envoi, par la Commission, des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 puisse être justifié par la nécessité de respecter le montant maximal des amendes prévu par les dispositions légales applicables.

512.
    Revenant sur la thèse qu'elle avait développée dans ses écrits devant le Tribunal, la Commission a expliqué à l'audience que, si elle n'avait pas, en l'espèce, demandé les données relatives aux chiffres d'affaires concernant l'année 1999, c'est parce qu'elle avait l'intention d'infliger une amende d'un montant à ce point modeste qu'il serait, en tout état de cause, inférieur au montant maximal des amendes autorisé.

513.
    Il résulte ainsi des nouvelles explications de la Commission que celle-ci admet ne pas avoir vérifié, dans le cas présent, si les amendes infligées excédaient le montant maximal des amendes autorisé, que ce soit sur la base des données relatives à 1999 ou sur la base d'une autre année de référence.

514.
    Il convient dès lors de constater que les explications de la Commission à l'audience, bien que différentes de celles exposées dans ses écrits devant le Tribunal, confirment à nouveau que les demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 ne pouvaient pas avoir pour objectif de permettre à la Commission de calculer le montant maximal des amendes autorisé, puisque la Commission avait, selon ses nouvelles explications, l'intention d'infliger des amendes d'un montant tellement faible qu'il ne rendait pas nécessaire ledit calcul. Dans ces conditions, force est de constater que, comme le soutiennent les requérantes, la Commission disposait, en l'espèce, de tous les éléments nécessaires à l'adoption d'une décision finale infligeant des amendes dès la réception des réponses à la demande de renseignements du 24 mars 1995. À cet égard, l'allégation de la Commission, formulée pour la première fois à l'audience, selon laquelle la décision d'infliger une amende modeste n'aurait été prise que dans le courant de l'année 1999, ne repose sur aucun élément probant et ne saurait donc être tenue pour établie.

515.
    Au vu de l'ensemble de ces circonstances, et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur les raisons qui ont pu motiver l'absence de prise de décision après l'envoi de la demande de renseignements du 24 mars 1995, il convient de conclure qu'il n'apparaît pas que les demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999 avaient pour objectif de permettre à la Commission de calculer le montant maximal des amendes autorisé.

516.
    Dans ces conditions, dès lors que la Commission avait terminé l'examen du dossier au moment de l'envoi de sa demande de renseignements du 24 mars 1995 et qu'elle n'a accompli aucun acte d'instruction avant l'envoi des demandes de renseignements des 30 juin 1998 et 11 octobre 1999, il y a lieu de constater que lesdites demandes de renseignements n'étaient pas nécessaires à la poursuite de l'infraction et qu'elles n'ont donc pas valablement interrompu la prescription.

517.
    Par conséquent, il convient d'annuler l'article 4 de la décision attaquée en ce qu'il inflige des amendes, celles-ci ayant été infligées le 16 mai 2000 alors que le délai de prescription de cinq ans prévu par les articles 1er, paragraphe 1, sous b), et 2, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 2988/74, courant à nouveau depuis le 24 mars 1995, était expiré.

Sur les dépens

518.
    En application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours ayant été accueilli en partie, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par les requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

déclare et arrête:

1)    L'article 4 de la décision 2000/627/CE de la Commission, du 16 mai 2000, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE [affaire IV/34.018 - Far East Trade Tariff Charges and Surcharges Agreement (FETTCSA)], est annulé.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La Commission supportera ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par les requérantes.

4)    Les requérantes supporteront la moitié de leurs propres dépens.

Jaeger
Lenaerts
Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts

Table des matières

     Cadre juridique

II - 3

         1. Règlement n° 1017/68

II - 3

         2. Règlement (CEE) n° 4056/86

II - 5

     Faits à l'origine du litige

II - 6

     Décision attaquée

II - 9

     Procédure et conclusions des parties

II - 13

     En droit

II - 13

         1. Sur le moyen tiré d'une erreur de base juridique de la décision attaquée et d'une violation des droits de la défense sur ce point

II - 14

             Sur la base juridique de la décision attaquée

II - 14

                 a) Arguments des parties

II - 14

                 b) Appréciation du Tribunal

II - 18

             Sur la violation des droits de la défense

II - 27

                 a) Arguments des parties

II - 27

                 b) Appréciation du Tribunal

II - 28

             Conclusion sur le moyen

II - 30

         2. Sur les moyens tirés d'une application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 et d'un défaut de motivation sur ce point

II - 30

             Arguments des parties

II - 30

             Appréciation du Tribunal

II - 33

                 a) Sur la preuve de l'infraction et la motivation de la décision attaquée sur ce point

II - 33

                 b) Sur le caractère restrictif de l'accord en cause

II - 40

                 c) Sur l'accord de renonciation aux taux forfaitaires nets

II - 43

             Conclusions sur les moyens

II - 45

         3. Sur les moyens tirés d'une absence ou d'une erreur de définition des marchés concernés ainsi que d'un défaut de motivation sur ce point

II - 45

             Arguments des parties

II - 45

             Appréciation du Tribunal

II - 47

         4. Sur les moyens relatifs au montant des amendes et à un défaut de motivation sur ce point

II - 55

             Observations préliminaires sur le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les amendes infligées aux requérantes

II - 56

             Sur la première branche, tirée du caractère excessif du montant des amendes

II - 59

                 a) Sur la gravité de l'infraction

II - 59

                     Arguments des parties

II - 59

                     Appréciation du Tribunal

II - 61

                 b) Sur la durée de l'infraction

II - 64

                     Arguments des parties

II - 64

                     Appréciation du Tribunal

II - 64

                 c) Sur les circonstances atténuantes

II - 65

                     Arguments des parties

II - 65

                     Appréciation du Tribunal

II - 65

                 d) Sur la coopération

II - 66

                     Arguments des parties

II - 66

                     Appréciation du Tribunal

II - 67

                 e) Sur le délai raisonnable

II - 69

                     Arguments des parties

II - 69

                     Appréciation du Tribunal

II - 71

                 f) Sur le principe de confiance légitime

II - 73

                     Arguments des parties

II - 73

                     Appréciation du Tribunal

II - 74

                 g) Sur l'absence de bénéfice retiré de l'infraction

II - 75

                     Arguments des parties

II - 75

                     Appréciation du Tribunal

II - 75

                 h) Sur la situation financière et la capacité de paiement de Senator Lines

II - 77

                     Arguments des parties

II - 77

                     Appréciation du Tribunal

II - 77

             Sur la deuxième branche, relative à la répartition en groupes des requérantes aux fins de la détermination du montant des amendes et à un défaut de motivation sur ce point

II - 79

                 a) Arguments des parties

II - 79

                 b) Appréciation du Tribunal

II - 82

                     Sur le principe d'évaluation individuelle

II - 83

                     Sur le principe d'égalité de traitement

II - 87

                     Sur le principe de transparence et le respect de l'obligation de motivation

II - 92

             Sur la troisième branche, relative au calcul du montant de l'amende infligée à P & O Nedlloyd

II - 95

                 a) Arguments des parties

II - 95

                 b) Appréciation du Tribunal

II - 96

             Conclusions sur le moyen

II - 98

         5. Sur le moyen tiré de la prescription

II - 99

             Arguments des parties

II - 99

             Appréciation du Tribunal

II - 101

     Sur les dépens

II - 109


1: Langue de procédure: l'anglais.