Language of document : ECLI:EU:T:2022:301

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

18 mai 2022 (*)

« Aides d’État – Marché allemand du transport aérien – Prêt accordé par l’Allemagne à Condor Flugdienst – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté – Difficultés spécifiques et ne résultant pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe – Difficultés trop graves pour être résolues par le groupe lui-même – Risque d’interruption d’un service important »

Dans l’affaire T‑577/20,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande), représentée par Mes E. Vahida, F.-C. Laprévote, V. Blanc, S. Rating et I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et V. Bottka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Condor Flugdienst GmbH, établie à Neu-Isenburg (Allemagne), représentée par Mes A. Birnstiel et S. Blazek, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, E. Buttigieg, Mme K. Kowalik‑Bańczyk, MM. G. Hesse et D. Petrlík, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ryanair DAC, demande l’annulation de la décision C(2019) 7429 final de la Commission, du 14 octobre 2019, relative à l’aide d’État SA.55394 (2019/N) – Allemagne – Aide au sauvetage de Condor (JO 2020, C 294, p. 3, ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        L’intervenante, Condor Flugdienst GmbH, est une compagnie aérienne qui assure des vols charter et dont le siège se trouve à Neu-Isenburg (Allemagne). Elle fournit des services de transport aérien principalement à des voyagistes à partir des aéroports de Francfort, de Düsseldorf, de Munich et de Hambourg (Allemagne), en se concentrant sur le marché des voyages d’agrément. À l’époque des faits à l’origine du présent litige, l’intervenante était détenue à 100 % par Thomas Cook Group plc (ci-après le « groupe Thomas Cook »).

3        Le 23 septembre 2019, le groupe Thomas Cook a été mis en liquidation judiciaire et a cessé ses activités.

4        En conséquence, le 25 septembre 2019, l’intervenante a dû demander à son tour l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

5        Le même jour, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission européenne une mesure d’aide au sauvetage en faveur de l’intervenante sous la forme d’un prêt de 380 millions d’euros octroyé par Kreditanstalt für Wiederaufbau (Banque publique de développement), assorti d’une garantie consentie à 50 % par le Land de Hesse (Allemagne) et à 100 % par l’État fédéral allemand (ci-après la « mesure en cause »).

6        La mesure en cause est limitée à une durée de six mois et vise à maintenir un transport aérien ordonné et à limiter les conséquences négatives pour l’intervenante, ses passagers et son personnel causées par la liquidation de sa société mère, en lui permettant de poursuivre ses activités jusqu’à ce qu’elle parvienne à un accord avec ses créanciers et que la vente de la société soit effectuée.

7        Le 14 octobre 2019, la Commission, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a conclu que la mesure en cause était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et qu’elle était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1, ci-après les « lignes directrices »).

II.    Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

9        La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

10      À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation du point 22 des lignes directrices, le deuxième, d’une violation du point 44, sous b), de celles-ci, le troisième, d’une violation du point 74 desdites lignes directrices, le quatrième, d’une violation de ses droits procéduraux, et, le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation.

A.      Sur la recevabilité

11      La requérante fait valoir qu’elle a qualité pour agir en tant qu’« intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), ce qui lui permet d’introduire un recours en annulation visant à la sauvegarde de ses droits procéduraux à l’encontre de la décision attaquée, prise sans ouverture de la procédure formelle d’examen.

12      La Commission et l’intervenante ne contestent pas la recevabilité du recours.

13      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, comme en l’espèce, elle déclare non seulement les mesures en cause compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 42 et jurisprudence citée). Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

14      Lorsque la procédure formelle d’examen n’est pas ouverte, comme en l’espèce, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette seconde phase, sont dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union européenne, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, un recours visant à l’annulation d’une décision fondée sur l’article 108, paragraphe 3, TFUE introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est recevable lorsque l’auteur de ce recours tend à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 56 et jurisprudence citée).

15      De plus, au regard de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, une entreprise concurrente du bénéficiaire d’une mesure d’aide figure incontestablement parmi les « parties intéressées », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 50 et jurisprudence citée).

16      En l’espèce, il est incontestable qu’il existe un rapport de concurrence, quoique limité, entre la requérante et l’intervenante. En effet, la requérante a fait valoir, sans être contredite, qu’elle assurait la desserte aérienne de l’Allemagne depuis plus de 20 ans, qu’elle avait, en 2019, transporté plus de 19 millions de passagers au départ ou à destination de l’Allemagne et qu’elle détenait environ 9 % du marché allemand du transport aérien de passagers, ce qui en faisait la deuxième plus grande compagnie aérienne en Allemagne. La requérante a également mis en exergue que son programme de vols pour l’été 2020, établi avant la propagation de la pandémie de COVID-19, comprenait 265 lignes au départ de 14 aéroports allemands. En outre, au paragraphe 7 de la décision attaquée, la Commission a constaté que certaines destinations desservies par l’intervenante l’étaient également par la requérante et que ces compagnies aériennes étaient concurrentes en ce qui concernait la vente de sièges directement aux clients finaux. Partant, bien que la vente de ces sièges ne représente qu’une part minoritaire des ventes de l’intervenante, le rapport de concurrence entre elle et la requérante n’est pas contesté s’agissant desdites ventes.

17      La requérante est, dès lors, une partie intéressée ayant un intérêt à assurer la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

18      Il y a donc lieu d’admettre la recevabilité du recours en tant que la requérante invoque la violation de ses droits procéduraux.

19      Dès lors, le quatrième moyen, qui vise explicitement à obtenir le respect des droits procéduraux de la requérante, est recevable.

20      En outre, la requérante est en droit, pour démontrer la violation de ses droits procéduraux en raison des doutes que la mesure litigieuse aurait dû susciter quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, d’invoquer des arguments tendant à démontrer que le constat de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur auquel la Commission était parvenue était erroné, ce qui, a fortiori, est de nature à établir que la Commission aurait dû éprouver des doutes lors de son appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. Partant, le Tribunal est habilité à examiner les arguments de fond présentés par la requérante dans le cadre de ses premier, deuxième et troisième moyens, auxquels celle-ci renvoie dans le cadre de son quatrième moyen, afin de vérifier s’ils sont de nature à conforter le moyen expressément formé par elle concernant l’existence de doutes justifiant l’ouverture de la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, points 57 à 60, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 77).

21      S’agissant du cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, il convient de souligner que la méconnaissance de l’obligation de motivation relève de la violation des formes substantielles et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union et ne se rapporte pas à la légalité au fond de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, points 67).

B.      Sur le fond

22      Il convient d’examiner d’abord le quatrième moyen.

1.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante

23      Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante fait valoir que trois indices relatifs au contenu de la décision attaquée correspondant à ses trois premiers moyens démontrent, selon elle, les doutes que la Commission aurait dû éprouver lors de l’examen préliminaire de la mesure en cause.

24      Il convient de rappeler d’emblée les principes régissant le contrôle de légalité, sur le fondement de l’article 263 TFUE, d’une décision de ne pas soulever d’objections, avant d’examiner le faisceau d’indices avancé par la requérante.

a)      Principes applicables

25      Selon la jurisprudence, lorsque la Commission ne peut pas acquérir la conviction, à la suite d’un premier examen mené dans le cadre de la procédure visée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qu’une mesure d’aide d’État soit ne constitue pas une « aide » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité FUE, ou lorsque cette procédure ne lui a pas permis de surmonter les difficultés sérieuses soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée, cette institution est dans l’obligation d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, sans disposer à cet égard d’une marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2005:275, point 47). Cette obligation est d’ailleurs expressément confirmée par les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 113).

26      L’article 4 du règlement 2015/1589 indique à cet égard que, pour autant que la mesure notifiée par l’État membre concerné constitue effectivement une aide, c’est la présence ou l’absence de « doutes » quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur qui permet à la Commission de décider ou non d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’issue de son examen préliminaire.

27      La notion de doutes énoncée à l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589 revêt un caractère objectif. L’existence de tels doutes doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en relation les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché intérieur. Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de doutes dépasse, par nature, la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223, point 63, et du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 80 et jurisprudence citée). Les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » sont ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la phase préliminaire d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 71). S’il peut ainsi être nécessaire que la Commission aille, le cas échéant, au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, il n’incombe, en revanche, pas à la Commission de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, EU:C:2021:343, points 49 et 50, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 45).

28      Il appartient à la partie requérante de prouver l’existence de doutes, preuve qu’elle peut fournir à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T‑68/15, EU:T:2018:563, point 63 et jurisprudence citée).

29      C’est à l’aune de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante visant à établir l’existence de doutes qui auraient dû amener la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen.

b)      Sur l’indice relatif à une violation du point 22 des lignes directrices

30      La requérante soutient, en substance, que la Commission a méconnu le point 22 des lignes directrices, ce qui serait révélateur de l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

31      Le point 22 des lignes directrices prévoit ce qui suit :

« Une société qui fait partie d’un groupe ou est reprise par un groupe ne peut en principe pas bénéficier d’aides au titre des présentes lignes directrices, sauf s’il peut être démontré que ses difficultés lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe, et que ces difficultés sont trop graves pour être résolues par le groupe lui-même. […] »

32      Selon la requérante, le point 22 des lignes directrices prévoit trois conditions distinctes et cumulatives pour l’octroi d’une aide au sauvetage à une entreprise faisant partie d’un groupe, à savoir, premièrement, que ses difficultés lui sont spécifiques, deuxièmement, qu’elles ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe et, troisièmement, que lesdites difficultés sont trop graves pour être résolues par le groupe lui-même. La requérante considère que la Commission a procédé à une interprétation juridique erronée de ce point en ce qu’elle a estimé que les deux premières conditions précitées ne constitueraient qu’une seule condition devant être comprise en ce sens que les difficultés du bénéficiaire lui sont spécifiques lorsqu’elles ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe.

33      En outre, selon la requérante, aucune des conditions mentionnées au point 22 des lignes directrices ne serait remplie en l’espèce.

34      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

35      À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’il n’est pas contesté que l’intervenante, bénéficiaire de la mesure en cause, faisait, à la date de la décision attaquée, partie d’un groupe au sens du point 22 des lignes directrices. Il convient dès lors d’examiner si la Commission devait éprouver des doutes quant à la question de savoir si les autres conditions mentionnées audit point 22 étaient remplies.

1)      Sur la question de savoir si les difficultés de l’intervenante lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe

36      Ainsi qu’il ressort des points 32 à 34 ci-dessus, les parties s’opposent tant en ce qui concerne l’interprétation du point 22 des lignes directrices qu’en ce qui concerne son application en l’espèce.

37      Il convient dès lors d’examiner successivement ces deux questions.

i)      Sur l’interprétation du point 22 des lignes directrices

38      Selon la requérante, le point 22 des lignes directrices comporte, en particulier, deux conditions distinctes et indépendantes l’une de l’autre, à savoir, d’une part, que les difficultés du bénéficiaire de l’aide lui sont spécifiques et, d’autre part, que ses difficultés ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe. En revanche, selon la Commission et l’intervenante, il ne s’agirait que d’une seule et même condition devant être comprise en ce sens que les difficultés du bénéficiaire doivent être considérées comme lui étant spécifiques si elles ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe.

39      Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée).

40      En premier lieu, s’agissant des termes du point 22 des lignes directrices, il convient de rappeler que les textes de droit de l’Union sont rédigés en plusieurs langues et que les diverses versions linguistiques font également foi, de sorte qu’une interprétation d’une disposition de droit de l’Union implique une comparaison des versions linguistiques (arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, EU:C:1982:335, point 18, et du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 42).

41      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de relever que, dans de nombreuses versions linguistiques, la syntaxe de la phrase subordonnée « sauf s’il peut être démontré que ses difficultés lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe, et que ces difficultés sont trop graves pour être résolues par le groupe lui-même », est structurée en deux temps, séparés parfois par une virgule, comme suit : « sauf s’il peut être démontré que [première condition], et que [seconde condition] ». La répétition de la conjonction de subordination « que » indique qu’il s’agit ainsi de deux conditions, la première, placée après le premier « que », relative au fait que les difficultés du bénéficiaire lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe, et la seconde, placée après le second « que », relative au fait que lesdites difficultés sont trop graves pour être résolues par le groupe lui-même. Cette première condition apparaît ainsi comme une seule et même condition. Cette structure syntaxique est observée notamment dans les versions en langues tchèque, anglaise, française, croate, italienne, maltaise, néerlandaise, polonaise, portugaise, roumaine, slovaque et slovène.

42      Ensuite, il convient de relever que la version en langue allemande indique explicitement que sont considérées comme « spécifiques » les difficultés qui ne résultent pas d’une répartition arbitraire au sein du groupe (« wenn es sich bei den Schwierigkeiten des betreffenden Unternehmens nachweislich um Schwierigkeiten des Unternehmens selbst handelt, die nicht auf eine willkürliche Kostenverteilung innerhalb der Gruppe zurückzuführen sind »). Les versions en langues grecque et bulgare vont également dans ce sens.

43      Ces exemples indiquent que, selon le libellé du point 22 des lignes directrices dans de nombreuses versions linguistiques, les difficultés d’un bénéficiaire doivent être considérées comme lui étant spécifiques, si elles ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe.

44      Enfin, dans la mesure où certaines autres versions linguistiques sont moins explicites, il convient de rappeler que, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction du contexte et des objectifs de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C‑72/95, EU:C:1996:404, point 28 ; du 24 février 2000, Commission/France, C‑434/97, EU:C:2000:98, point 22, et du 7 décembre 2000, Italie/Commission, C‑482/98, EU:C:2000:672, point 49).

45      En second lieu, s’agissant du contexte et des objectifs de la réglementation dont le point 22 des lignes directrices fait partie, il convient de rappeler que la règle énoncée audit point a notamment pour objectif d’empêcher un groupe d’entreprises de faire supporter à l’État le coût d’une opération de sauvetage ou de restructuration d’une des entreprises qui le composent, lorsque cette entreprise est en difficulté et que le groupe est lui-même à l’origine de ces difficultés en raison d’une répartition arbitraire des coûts en son sein (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑511/09, EU:T:2015:284, point 159).

46      La finalité dudit point 22 est donc d’éviter qu’un groupe d’entreprises ne se décharge de ses coûts, de ses dettes ou de son passif sur une entité du groupe en la rendant de la sorte éligible au bénéfice d’une aide au sauvetage, alors qu’elle ne le serait pas autrement. En d’autres termes, ledit point 22 vise à faire obstacle au contournement des règles en matière d’aides d’État par le biais de mécanismes artificiellement créés au sein d’un groupe. En revanche, l’objectif de ce point n’est pas d’exclure du champ d’application des aides au sauvetage une entreprise faisant partie d’un groupe au seul motif que ses difficultés ont pour origine les difficultés rencontrées par le reste du groupe ou par une autre société du groupe, pour autant que lesdites difficultés n’ont pas été artificiellement créées ou arbitrairement réparties au sein dudit groupe.

47      Or, l’argumentation avancée par la requérante aurait pour conséquence de faire fi de l’entraide financière au sein des groupes d’entreprises, en décourageant une société plus performante d’un groupe de venir en aide à une autre société du même groupe qui serait confrontée à des difficultés financières, sous peine de devenir elle-même inéligible au bénéfice d’une aide au sauvetage dans l’hypothèse où ces difficultés se propageraient à elle-même, en raison précisément de l’entraide qu’elle a fournie.

48      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le membre de phrase « sauf s’il peut être démontré que ses difficultés lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe » figurant au point 22 des lignes directrices comporte une seule et même condition devant être interprétée en ce sens que les difficultés d’une entreprise faisant partie d’un groupe doivent être considérées comme lui étant spécifiques, si elles ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein dudit groupe.

ii)    Application au cas d’espèce

49      La requérante fait valoir, premièrement, en se référant aux paragraphes 19 et 57 de la décision attaquée, que les difficultés de l’intervenante ne lui seraient pas spécifiques, mais lui seraient extrinsèques, en ce sens qu’elles seraient entièrement imputables à des causes trouvant leur origine dans l’organisation interne du groupe Thomas Cook. En effet, en dépit des difficultés de ce dernier, l’intervenante aurait réalisé un résultat avant intérêts et impôts positif sur ses activités durant la période courant de 2017 à 2019. Ainsi, l’intervenante serait une compagnie aérienne rentable et compétitive, qui aurait été anéantie par sa société mère. Deuxièmement, la requérante fait valoir que les difficultés de l’intervenante résulteraient d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe. En effet, d’après les paragraphes 15 et 57 de la décision attaquée, une part importante des liquidités perçues par l’intervenante au cours des dernières années aurait été dirigée vers sa société mère par le truchement de la mise en commun de la trésorerie (cash-pool) du groupe, système que la requérante qualifie d’artificiel et de coercitif.

50      Il ressort des paragraphes 15 à 17, 80 et 109 de la décision attaquée que les difficultés de l’intervenante résultaient principalement de la mise en liquidation du groupe Thomas Cook qui a notamment entraîné la radiation de créances de montants importants détenues par l’intervenante à l’égard dudit groupe dans le cadre de la mise en commun de la trésorerie de celui-ci, l’arrêt du financement intra-groupe et la perte de son principal client, à savoir les voyagistes du groupe Thomas Cook.

51      Premièrement, il convient de préciser à cet égard, comme l’ont indiqué la Commission et l’intervenante lors de l’audience, sans être contredites par la requérante, que la mise en commun de la trésorerie au sein d’un groupe est une pratique courante et répandue au sein des groupes de sociétés. Cette mise en commun fonctionne comme une banque intra-groupe, en ce sens que les différentes sociétés du groupe obtiennent des prêts intra-groupe de cette trésorerie, en cas de besoin de liquidités, et déposent des fonds dans la trésorerie commune, en cas d’excédent de liquidités, et ce en contrepartie d’une créance sur cette trésorerie assortie d’intérêts. Ce système, qui est géré par une entité du groupe créée à cette fin, vise à faciliter le financement du groupe en permettant aux sociétés du groupe d’économiser sur les coûts de financement. Ainsi, en règle générale, chaque société du groupe peut, à un moment donné, profiter du système de mise en commun en obtenant un accès direct aux liquidités du groupe, tout en étant appelée à contribuer à ladite trésorerie dans le cas où elle dispose d’un excédent de liquidités.

52      Deuxièmement, en ce qui concerne, en particulier, le système de mise en commun de la trésorerie du groupe Thomas Cook, il échet de relever, comme le fait valoir l’intervenante sans être contredite par la requérante sur ce point, que ce système était mis en place depuis plusieurs années et qu’il était dès lors opérationnel longtemps avant la survenance des difficultés du groupe, de sorte que sa mise en place était sans rapport avec celles-ci. Ainsi, à titre d’exemple, l’intervenante aurait bénéficié de ce système en 2016 à la suite d’un manque de liquidités induit par une diminution des demandes de vols vers la Turquie.

53      Troisièmement, il ressort du paragraphe 12 de la décision attaquée, lequel énumère les causes à l’origine des difficultés du groupe Thomas Cook, que ce système de mise en commun de la trésorerie n’était pas à l’origine de ces dernières. En effet, ces difficultés étaient le résultat notamment d’un niveau d’endettement très élevé lié aux acquisitions et aux pertes d’exploitation, d’une faible activité sur le marché britannique renforcée par les discussions sur le Brexit, de la couverture médiatique négative de la restructuration du groupe ainsi que de déficits structurels dans l’organisation de ce dernier.

54      Si la requérante affirme que le système de mise en commun de la trésorerie du groupe Thomas Cook était « artificiel, dommageable ou coercitif », il échet de constater qu’elle n’apporte aucun élément concret susceptible d’étayer cet argument.

55      Quatrièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné si l’accord de mise en commun de la trésorerie entre l’intervenante et le groupe Thomas Cook avait été conclu dans des conditions équitables et si les risques étaient partagés à parts égales entre les différentes sociétés du groupe.

56      Toutefois, il y a lieu de constater, à la lumière des paragraphes 117 à 120 de la décision attaquée, lesquels résument les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la plainte dont elle avait saisi la Commission au sujet de la mesure en cause, qu’elle n’avait pas dénoncé, dans ladite plainte, une quelconque application inéquitable de la mise en commun de la trésorerie du groupe. Or, il résulte de la jurisprudence rappelée au point 27 ci-dessus qu’il n’incombe pas à la Commission de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public. Partant, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, résumées aux points 52 à 55 ci-dessus, et en l’absence de tout indice concret dans le sens inverse, il y a lieu de considérer que la Commission n’avait pas l’obligation d’enquêter de sa propre initiative davantage sur le caractère « équitable » du système de mise en commun de la trésorerie.

57      Cinquièmement, la requérante tire argument du fait que, selon le paragraphe 57 de la décision attaquée, les liquidités de l’intervenante auraient été « artificiellement épuisées », cette dernière ayant été forcée de transférer d’importantes sommes d’argent à sa société mère déficitaire. Toutefois, il convient de relever que ledit passage du paragraphe 57 de la décision attaquée ne fait que résumer les observations de l’Allemagne sur la plainte déposée auprès de la Commission et ne contient donc pas l’appréciation juridique de la Commission. Cette dernière figure notamment au paragraphe 80 de la décision attaquée. Or, il résulte de ce paragraphe, lu en combinaison avec les paragraphes 15 à 17 de la décision attaquée, que, selon la Commission, l’intervenante était une société fondamentalement saine et viable et que ses difficultés financières résultaient de celles de sa société mère et non du fait que le groupe aurait mis en place un montage artificiel visant à affaiblir l’intervenante.

58      Partant, force est de constater que la requérante n’a pas démontré l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec la condition prévue au point 22 des lignes directrices, selon laquelle les difficultés de l’intervenante doivent lui être spécifiques et ne pas résulter d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe.

2)      Sur la question de savoir si les difficultés de l’intervenante étaient trop graves pour être résolues par le groupe lui-même

59      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission aurait omis d’examiner, dans la décision attaquée, le point de savoir si le groupe Thomas Cook était incapable de résoudre les difficultés de l’intervenante, comme l’exige le point 22 des lignes directrices. Selon la requérante, la mise en liquidation du groupe Thomas Cook ne signifierait pas nécessairement que ce dernier n’était pas capable de résoudre les difficultés de sa filiale, étant donné qu’il aurait pu mettre en place plusieurs mesures telles que la vente de l’intervenante ou l’arrêt du système de mise en commun de la trésorerie.

60      Premièrement, il convient de relever qu’il ressort des paragraphes 10 à 13 de la décision attaquée que le groupe Thomas Cook, unique actionnaire de l’intervenante, se trouvait, lors de l’adoption de la décision attaquée, en très mauvais état financier. En effet, ledit groupe a cessé ses activités avec effet immédiat le 23 septembre 2019 et a ensuite été mis en liquidation judiciaire avec une dette équivalente à environ 1,7 milliard de livres sterling (GBP) (environ 1,91 milliard d’euros).

61      Force est donc de constater, à l’instar de la Commission, que le groupe Thomas Cook n’avait pas la capacité de résoudre les difficultés de sa filiale, étant lui-même en liquidation et ayant cessé toutes ses activités.

62      Deuxièmement, il résulte du paragraphe 26 de la décision attaquée que la Commission a pris en considération l’hypothèse d’une éventuelle vente de l’intervenante, laquelle faisait l’objet de discussions avec plusieurs investisseurs intéressés depuis le mois de février 2019, qui pourrait être réalisée dans les trois à six prochains mois. La requérante ne saurait donc reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la capacité du groupe Thomas Cook à résoudre les difficultés de l’intervenante, notamment par la cession de cette dernière. Toutefois, dans la mesure où, à la date de l’adoption de la décision attaquée, lesdites discussions n’avaient pas encore porté leurs fruits, la Commission ne pouvait pas fonder son appréciation sur une solution future, mais incertaine. Eu égard à l’urgence entourant toute aide au sauvetage, rien n’indique non plus que la Commission devait attendre l’issue de ces discussions avant d’autoriser l’aide, vu l’incertitude inhérente à toute négociation commerciale en cours.

63      Troisièmement, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle le groupe Thomas Cook ou le liquidateur aurait pu adopter plusieurs autres mesures, telles que l’arrêt du système de mise en commun de la trésorerie, afin de résoudre les difficultés de l’intervenante, il suffit de mentionner, comme l’a relevé cette dernière lors de l’audience sans être contredite sur ce point par la requérante, que l’intervenante, ayant pris connaissance des difficultés financières de sa société mère, avait cessé de contribuer à ce système de sa propre initiative le 5 février 2019.

64      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré l’existence de doutes dans l’examen, par la Commission, de la condition prévue au point 22 des lignes directrices, selon laquelle les difficultés d’une entreprise faisant partie d’un groupe doivent être trop graves pour être résolues par le groupe lui-même.

65      Partant, il y a lieu de conclure que la requérante n’est pas parvenue à démontrer l’existence de doutes dans l’examen des exigences prévues au point 22 des lignes directrices qui auraient dû amener la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen.

c)      Sur l’indice relatif à une violation du point 44, sous b), des lignes directrices

66      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à la question de savoir si la mesure en cause répondait aux exigences exposées au point 44, sous b), des lignes directrices. Selon elle, d’une part, la Commission n’aurait pas établi que l’intervenante fournissait un service important au sens dudit point et, d’autre part, que ledit service ne pourrait pas être facilement assuré par un concurrent.

67      La Commission et l’intervenante contestent cette argumentation.

68      À titre liminaire, le Tribunal estime nécessaire, eu égard à l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742), de relever qu’il ressort du point 43 des lignes directrices que, pour être déclarée compatible avec le marché intérieur sur le fondement des lignes directrices, une mesure d’aide d’État doit poursuivre un objectif d’intérêt commun. Selon ce même point, cette exigence se traduit par la condition selon laquelle une telle mesure doit avoir « pour objet d’éviter des difficultés sociales ou de remédier à la défaillance du marché ». Cela est confirmé par le point 44 de ces lignes selon lequel les États membres doivent démontrer que la défaillance du bénéficiaire serait susceptible d’entraîner de graves difficultés sociales ou une importante défaillance du marché. La teneur de cette exigence se rattache ainsi à la condition prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, selon laquelle la mesure d’aide doit être destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, comme les parties l’ont d’ailleurs soutenu à l’audience.

69      Il s’ensuit que la substance même des exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices n’est pas contraire à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, ce que par ailleurs aucune des parties ne prétend, et que, en imposant cette exigence, les lignes directrices n’ont pas réduit indûment la portée de cette disposition quant à l’examen de la compatibilité d’une mesure d’aide d’État au sens de l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742). En outre, il ressort des points 66 et 67 de cet arrêt que la circonstance que l’aide envisagée permet de remédier à une défaillance du marché peut constituer un élément pertinent pour apprécier la compatibilité de cette aide au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

70      Le point 44, sous b), desdites lignes directrices prévoit que les États membres doivent démontrer que la défaillance du bénéficiaire serait susceptible d’entraîner de graves difficultés sociales ou une importante défaillance du marché, en ce qu’« il existe un risque d’interruption d’un service important qu’il est compliqué de reproduire et qu’un concurrent (par exemple un fournisseur national d’infrastructures) pourrait difficilement assurer à la place du bénéficiaire ».

71      En l’espèce, il convient d’examiner si la Commission pouvait parvenir, sans éprouver de doutes, à la conclusion que le service en cause était « important » et qu’il était compliqué de le reproduire au sens du point 44, sous b), des lignes directrices.

72      Aux paragraphes 81 à 97 de la décision attaquée, la Commission est parvenue à cette conclusion sur la base, en substance, de deux éléments, à savoir, premièrement, la difficulté d’organiser le rapatriement des passagers de l’intervenante bloqués à l’étranger par d’autres compagnies aériennes et, deuxièmement, l’impossibilité, pour lesdites compagnies, de répliquer à court terme le service fourni par l’intervenante aux voyagistes et aux agences de voyages indépendants en Allemagne.

73      Il y a lieu d’examiner d’emblée le premier élément pris en compte par la Commission, à savoir le risque d’interruption des services de transport de passagers effectués par l’intervenante, qui aurait eu pour conséquence de devoir rapatrier les passagers bloqués à l’étranger.

74      En premier lieu, il échet d’observer que les lignes directrices ne comportent pas de définition de la notion de « service important ».

75      Néanmoins, le point 44 des lignes directrices contient une liste non exhaustive de circonstances dans lesquelles la Commission considérerait que la défaillance du bénéficiaire serait susceptible d’entraîner de graves difficultés sociales ou une importante défaillance du marché. Certains de ces exemples se rapportent au risque de « graves difficultés sociales », notamment le point a), qui prend en compte le taux de chômage ou le point g), qui fait référence à des « situations similaires de graves difficultés sociales dûment étayées ». Les autres exemples se rapportent plutôt au risque d’une importante défaillance du marché. Tel est le cas de l’hypothèse figurant au point b), en cause dans la présente affaire, de même que le point c), lequel fait référence à la sortie du marché d’une « entreprise jouant un rôle systémique essentiel dans une région ou un secteur particulier », et le point d), lequel vise le risque d’interruption de la continuité d’un service d’intérêt économique général (SIEG). Il s’ensuit que, pour que le service soit considéré comme « important », il n’est pas exigé que l’entreprise qui fournit ce service joue un rôle systémique essentiel pour l’économie d’une région de l’État membre concerné, ni qu’elle soit chargée d’un SIEG, ces deux dernières hypothèses étant couvertes respectivement par le point 44, sous c) et d), des lignes directrices.

76      En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le simple fait que le point 44, sous b), fasse référence « par exemple » à « un fournisseur national d’infrastructures » ne signifie aucunement que le champ d’application de ce point est limité aux services ayant une importance à l’échelle nationale.

77      Partant, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel un service n’est « important » que s’il revêt une importance pour toute l’économie d’un État membre.

78      Par ailleurs, il convient également de rejeter comme dénué de pertinence l’argument de la requérante selon lequel le transport aérien vers des destinations touristiques ne constituerait pas un « service important » au sens du point 44, sous b), des lignes directrices. En effet, la Commission n’a aucunement considéré que le service en cause était « important » au motif qu’il desservait des destinations touristiques.

79      En second lieu, s’agissant de la question de savoir si les services effectués par l’intervenante étaient compliqués à reproduire au sens du point 44, sous b), des lignes directrices, il ressort des paragraphes 82 et 85 de la décision attaquée qu’un rapatriement immédiat des passagers de l’intervenante bloqués à l’étranger n’aurait pas pu être assuré par d’autres compagnies aériennes concurrentes à brève échéance en raison de la survenance concomitante de plusieurs facteurs dont l’immobilisation d’un total de 669 avions Boeing 737 MAX, ce qui avait pour conséquence de réduire la disponibilité sur le marché des aéronefs affrétés avec équipage, et le rapatriement concomitant en cours des 140 000 passagers de Thomas Cook vers le Royaume-Uni, impliquant pas moins de 50 compagnies aériennes pour un total de 746 vols vers 55 destinations différentes, sur une période de deux semaines. En comparaison, le rapatriement éventuel des passagers de l’intervenante aurait été d’une ampleur et d’une complexité considérablement plus grandes puisqu’il aurait concerné environ 200 000 à 300 000 passagers répartis dans 50 à 150 destinations différentes, dont environ 20 000 à 30 000 passagers dans une trentaine de destinations lointaines, ce qui aurait nécessité environ 1 000 à 1 500 vols. En outre, d’après le paragraphe 88 de la décision attaquée, la capacité des quatre aéroports allemands desservis par l’intervenante constituerait également une contrainte à une éventuelle opération de rapatriement, étant précisé que, à titre de comparaison, le rapatriement des passagers de Thomas Cook au Royaume-Uni avait à lui seul nécessité le recours à dix bases aériennes de Thomas Cook.

80      Sur ce point, le Tribunal considère que la Commission pouvait, sans éprouver de doutes, conclure qu’il existait un risque d’interruption d’un service important qu’il est compliqué de reproduire sur la base du fait que la sortie de l’intervenante du marché aurait laissé un grand nombre de passagers bloqués à l’étranger, dont certains dans des destinations lointaines, et que leur rapatriement, par d’autres compagnies aériennes, serait compliqué à effectuer en raison de l’ensemble des éléments étayés de façon concrète et précise dans la décision attaquée. En raison de ce risque, la sortie de l’intervenante du marché était susceptible d’entraîner une importante défaillance dudit marché.

81      Aucun des arguments avancés par la requérante n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

82      Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel il existerait une surcapacité aérienne pendant la « saison hivernale » ne saurait prospérer. D’une part, il est constant que, dans le secteur aérien, la saison hivernale s’étend de la fin du mois d’octobre à la fin du mois de mars, tandis que les opérations d’un éventuel rapatriement, devant commencer à partir du 23 septembre, ne se situaient pas durant ladite saison. D’autre part, et en tout état de cause, il n’en reste pas moins que, à ce moment-là, les disponibilités d’avions étaient considérablement affectées, notamment par deux événements extraordinaires survenus concomitamment, à savoir l’immobilisation et les problèmes de livraison de plusieurs centaines de Boeing 737 MAX, et le rapatriement à grande échelle des passagers de Thomas Cook. À cet égard, il convient de souligner, à l’instar de la Commission, que le rapatriement qui aurait dû être organisé pour rapatrier les passagers de l’intervenante aurait été d’une ampleur encore plus importante que celui des passagers de Thomas Cook, qualifié du « rapatriement le plus vaste en temps de paix ». Les données, non contestées, citées au point 79 ci-dessus, en témoignent.

83      Partant, l’impact de ces deux événements extraordinaires et concomitants sur les disponibilités d’aéronefs aurait considérablement compliqué les éventuelles opérations de rapatriement, lesquelles auraient dû être effectuées en parallèle et dans l’urgence par d’autres compagnies aériennes.

84      À cet égard, il importe de souligner que le point 44, sous b), des lignes directrices n’exige pas qu’il soit impossible de reproduire un service important ; il suffit qu’il soit « compliqué » de le faire.

85      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission se serait erronément basée sur la seule capacité des quatre aéroports allemands desservis par l’intervenante, il convient de constater que la Commission n’a pas nié la possibilité d’avoir recours, aux fins d’un éventuel rapatriement, aux capacités d’autres aéroports éventuellement moins saturés. Les limites en termes de capacité des quatre aéroports allemands desservis par l’intervenante ont simplement été mentionnées par la Commission, au paragraphe 88 de la décision attaquée, à titre de comparaison avec les dix bases aériennes de Thomas Cook qui avaient été utilisées pour le rapatriement de ses passagers, démontrant par-là que le rapatriement des passagers de l’intervenante aurait été plus compliqué que celui des passagers de Thomas Cook.

86      Troisièmement, concernant l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas justifié la nécessité d’une période de six mois pour procéder au rapatriement des passagers de l’intervenante, il y a lieu de souligner que la Commission n’a à aucun moment estimé qu’une telle période aurait été nécessaire pour ledit rapatriement. La période de six mois correspond, en réalité, à la durée de la mesure en cause. Or, comme l’indique à juste titre la Commission, la durée de la mesure en cause n’est aucunement liée au temps qui aurait été nécessaire à un éventuel rapatriement. Au demeurant, la durée de six mois vise, comme l’indique le point 60 des lignes directrices, à permettre au bénéficiaire de reconstituer ses liquidités.

87      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que l’ampleur, la complexité et l’urgence des opérations de rapatriement qui auraient dû être effectuées dans des circonstances marquées par la survenance concomitante d’événements extraordinaires justifient à elles seules la conclusion selon laquelle la sortie de l’intervenante du marché aurait entraîné un risque d’interruption d’un service important qu’il aurait été compliqué de reproduire dans les circonstances particulières de l’espèce.

88      Dès lors, les arguments de la requérante contestant le second élément retenu par la Commission, à savoir le risque d’interruption des services fournis par l’intervenante aux voyagistes et aux agences de voyages indépendants en Allemagne, sont inopérants.

89      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le deuxième indice n’est pas davantage révélateur de doutes.

d)      Sur l’indice relatif à une violation du point 74 des lignes directrices

90      La requérante soutient, en substance, que la Commission aurait effectué un examen incomplet et insuffisant de la condition de non-récurrence de l’aide prévue au point 74 des lignes directrices en ce qu’elle se serait limitée à mentionner que l’intervenante et les entités sous son contrôle n’avaient pas bénéficié d’une aide au sauvetage, d’une aide à la restructuration ou d’un soutien temporaire à la restructuration au cours des dix dernières années, alors qu’elle aurait également dû vérifier si le groupe Thomas Cook lui-même n’avait pas bénéficié de telles aides.

91      La Commission et l’intervenante contestent cette argumentation.

92      Le point 74 des lignes directrices dispose que « [l]orsqu’un groupe d’entreprises a bénéficié d’une aide au sauvetage, d’une aide à la restructuration ou d’un soutien temporaire à la restructuration, la Commission n’autorisera en principe pas l’octroi d’une nouvelle aide au sauvetage ou à la restructuration au groupe lui-même ni à aucune des entités qui en font partie, à moins qu’une période de dix ans se soit écoulée depuis l’octroi de l’aide, depuis que la période de restructuration a pris fin ou depuis que la mise en œuvre du plan de restructuration a cessé, selon l’événement survenu en dernier ».

93      En l’espèce, il suffit de constater que la requérante n’avance aucun élément, comme elle l’a expressément reconnu lors de l’audience, susceptible de démontrer que le groupe Thomas Cook aurait bénéficié d’une quelconque aide au sauvetage, d’une aide à la restructuration ou d’un soutien temporaire à la restructuration au cours des dix dernières années.

94      Dès lors, dans les circonstances de l’espèce, à défaut d’indice en ce sens, et à la lumière de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir effectué un examen incomplet et insuffisant de la condition de non-récurrence de l’aide prévue au point 74 des lignes directrices.

95      En conséquence, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que l’indice relatif à une violation du point 74 des lignes directrices aurait dû amener la Commission à éprouver des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

96      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de considérer que la requérante n’a pas démontré l’existence de doutes de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

97      Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen du recours.

2.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

98      Par son cinquième moyen, la requérante soutient, en substance, que la décision attaquée est entachée d’un défaut ou d’une contradiction de motivation.

99      La Commission et l’intervenante contestent cette argumentation.

100    Il ressort d’une jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 125 et jurisprudence citée).

101    Premièrement, la requérante fait valoir que la motivation figurant au paragraphe 80 de la décision attaquée est contradictoire en ce que la Commission affirmait, d’une part, que les besoins urgents de liquidités de l’intervenante résultaient notamment des mécanismes financiers précédemment applicables à l’intérieur du groupe Thomas Cook et, d’autre part, concluait que les difficultés de l’intervenante ne résultaient pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe.

102    La lecture des paragraphes 12, 15 à 17, 80 et 109 de la décision attaquée permet toutefois de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré, en particulier, que la mise en commun de la trésorerie du groupe ne constituait pas une telle répartition arbitraire. Ainsi qu’il résulte des points 52 à 57 ci-dessus, la motivation de la décision attaquée n’est entachée d’aucune contradiction sur ce point.

103    Deuxièmement, selon la requérante, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation quant à la question de savoir si les difficultés de l’intervenante étaient trop graves pour être résolues par le groupe lui-même, comme l’exige le point 22 des lignes directrices.

104    À cet égard, comme il a été relevé aux points 60 à 63 ci-dessus, il ressort des paragraphes 12 et 13 de la décision attaquée que le groupe Thomas Cook avait cessé ses activités avec effet immédiat et avait été mis en liquidation judiciaire le 23 septembre 2019. De plus, au paragraphe 17 de ladite décision, la Commission a souligné que la société mère était manifestement incapable de soutenir l’intervenante et représentait plutôt une charge pour cette dernière. Ces paragraphes de la décision attaquée indiquent ainsi, de façon claire et non équivoque, les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que la condition susmentionnée du point 22 des lignes directrices était remplie.

105    Troisièmement, la requérante soutient que la décision attaquée n’indique pas les raisons pour lesquelles les services de l’intervenante devaient être considérés comme importants et ne pouvaient être reproduits par d’autres compagnies aériennes, au sens du point 44, sous b), des lignes directrices.

106    Toutefois, il échet de constater que les paragraphes 81 à 95 de la décision attaquée contiennent un exposé détaillé des motifs ayant amené la Commission à considérer que les conditions prévues au point 44, sous b), des lignes directrices étaient remplies. Elle a fondé cette conclusion notamment sur l’ampleur et la complexité des éventuelles opérations de rapatriement dans des circonstances marquées par des événements extraordinaires survenus concomitamment, ce qui aurait compliqué l’organisation de telles opérations par d’autres compagnies aériennes. Dès lors, il y a lieu de considérer que la motivation de la décision attaquée est suffisante à cet égard.

107    Quatrièmement, selon la requérante, la Commission aurait omis d’indiquer le motif pour lequel elle a considéré que la condition de non-récurrence de l’aide énoncée au point 74 des lignes directrices était satisfaite en l’espèce.

108    À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que la Commission a indiqué au paragraphe 112 de la décision attaquée que ni l’intervenante ni aucune entité contrôlée par elle n’avait reçu une aide au sauvetage, une aide à la restructuration ou un soutien temporaire à la restructuration au cours des dix dernières années. D’autre part, en l’absence de tout indice faisant apparaître que le groupe Thomas Cook aurait bénéficié d’une quelconque aide au cours des dix années précédant l’octroi de la mesure en cause, il n’incombait pas à la Commission de fournir une motivation plus détaillée sur ce point. Dans ces conditions, la Commission a exposé de façon suffisante les raisons pour lesquelles elle a considéré que la condition de non-récurrence de l’aide était remplie en l’espèce.

109    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen du recours comme non fondé.

110    Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans sa totalité.

IV.    Sur les dépens

111    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

112    L’intervenante supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ryanair DAC est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Condor Flugdienst GmbH supportera ses propres dépens.

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Hesse

 

      Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.