Language of document : ECLI:EU:T:2005:45

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
15 février 2005


Affaire T-256/01


Norman Pyres

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Procédure de sélection pour le recrutement d'agents temporaires – Non‑admission aux épreuves – Limite d'âge – Principe de non‑discrimination »

Texte complet en langue française ……………………………………….II - 0000

Objet: Recours ayant pour objet une demande d'annulation des décisions du comité de sélection « Recherche » COM/R/A/14/2000, du 1er décembre 2000, COM/R/A/07/2000, du 4 décembre 2000, et COM/R/A/10/2000, du 7 décembre 2000, de ne pas admettre le requérant aux procédures de sélection organisées par la direction générale « Recherche », au motif qu'il ne remplissait pas la condition relative à la limite d'âge.

Décision: Le recours est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Recours – Recours dirigé contre une décision de refus d'admission à une procédure de concours ou de sélection pour le recrutement d'agents temporaires – Possibilité d'invoquer l'irrégularité de l'avis de concours ou de sélection pour contester le refus d'admission – Conditions

(Statut des fonctionnaires, art. 91)

2.      Fonctionnaires – Concours – Sélection d'agents temporaires – Organisation – Conditions d'admission – Pouvoir d'appréciation de l'autorité investie du pouvoir de nomination ou habilitée à conclure les contrats d'engagement – Fixation d'une limite d'âge – Admissibilité

[Statut des fonctionnaires, art. 27, alinéa 1 ; annexe III, art. 1er, § 1, sous g) ; régime applicable aux autres agents, art. 12, § 1]

3.      Fonctionnaires – Recrutement – Principe général de non‑discrimination – Fixation d'une limite d'âge – Admissibilité au regard des objectifs légitimes poursuivis

4.      Droit communautaire – Droits fondamentaux – Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne – Portée

5.      Fonctionnaires – Recrutement – Principe général de non‑discrimination ─ Fixation d'une limite d'âge – Non‑application aux seuls agents au service de l'institution depuis un an ou plus – Admissibilité au regard d'une différence de situation et des objectifs légitimes poursuivis

[Statut des fonctionnaires, annexe III, art. 1er, § 1, sous g)]

1.      Dans le cadre d'une procédure de recrutement, le requérant peut, à l'occasion d'un recours dirigé contre des actes ultérieurs, faire valoir l'irrégularité des actes antérieurs qui leur sont étroitement liés. Ainsi, le Tribunal peut, au vu de la cohésion des différents actes composant la procédure de recrutement, examiner si un acte préparatoire, tel l'avis de concours ou de sélection, qui est étroitement lié à la décision attaquée, est éventuellement entaché d'illégalité.

Plus particulièrement, lorsque le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de concours ou de sélection, non attaqué en temps utile, concerne la motivation de la décision individuelle attaquée, la recevabilité du recours est admise, et ce sans qu'il y ait lieu de distinguer selon le degré de clarté et de précision de l'avis. En effet, un candidat à la procédure de concours ou de sélection ne saurait être privé du droit de contester en tous ses éléments le bien‑fondé de la décision individuelle adoptée à son égard en exécution des conditions définies dans cet avis, dans la mesure où seule cette décision d'application individualise sa situation juridique et lui permet de savoir avec certitude comment et dans quelle mesure ses intérêts particuliers sont affectés. En revanche, à défaut de lien étroit entre la motivation même de la décision attaquée et le moyen tiré de l'irrégularité alléguée de l'avis de concours ou de sélection non attaqué en temps utile, le recours doit être déclaré irrecevable, en application des règles d'ordre public relatives aux délais de recours, auxquels il ne saurait être dérogé, dans une hypothèse de ce type, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique.

(voir points 16 et 18 à 21)

Référence à : Cour 31 mars 1965, Ley/Commission, 12/64 et 29/64, Rec. p. 143 ; Cour 11 mars 1986, Adams e.a./Commission, 294/84, Rec. p. 977, point 17 ; Cour 8 mars 1988, Sergio/Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec. p. 1399, point 15 ; Tribunal 16 septembre 1993, Noonan/Commission, T‑60/92, Rec. p. II‑911, points 17, 23 et 27 ; Tribunal 15 février 1996, Ryan-Sheridan/FEACVT, T‑589/93, RecFP p. I‑A‑27 et II‑77, points 23 à 25 ; Tribunal 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, non encore publié au Recueil, point 48

2.      L'article 1er, paragraphe 1, sous g), de l'annexe III du statut, autorisant la fixation d'une limite d'âge dans les procédures de recrutement organisées par les institutions communautaires, confère à ces dernières une faculté dont l'utilisation relève du pouvoir discrétionnaire de chaque institution.

En effet, l'autorité investie du pouvoir de nomination dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer les critères de capacité exigés par les emplois à pourvoir et pour déterminer, en fonction de ces critères et dans l'intérêt du service, les conditions et modalités d'organisation d'un concours ou d'une procédure de sélection visant à constituer une réserve de recrutement d'agents temporaires.

L'exercice de ce large pouvoir d'appréciation doit être compatible avec les dispositions impératives de l'article 27, premier alinéa, du statut et de l'article 12, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents, selon lesquelles le but de toute procédure de recrutement est d'assurer à l'institution le concours de fonctionnaires ou d'agents possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité, et, dès lors, le choix que ménage le large pouvoir d'appréciation reconnu en la matière à l'autorité investie du pouvoir de nomination doit toujours être opéré en fonction des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l'intérêt du service.

Le choix que fait une institution, lors de l'organisation d'une procédure de sélection en vue de la constitution d'une liste de réserve de recrutement d'agents temporaires, de s'assurer que les agents nouvellement recrutés ne soient pas empêchés, en raison de leur âge, d'accomplir leurs services au sein de cette institution pour une période de temps minimale ne saurait être considéré comme incompatible avec l'intérêt du service, même si un tel choix implique l'exclusion de candidats qui pourraient disposer de qualifications et d'une expérience plus élevées que les candidats admis.

(voir points 35 à 37 et 46)

Référence à : Tribunal 16 octobre 1990, Gallone/Conseil, T‑132/89, Rec. p. II‑549, point 27 ; Tribunal 8 novembre 1990, Bataille e.a./Parlement, T‑56/89, Rec. p. II‑597, point 42 ; Noonan/Commission, précité, point 43 ; Tribunal 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, RecFP p. I‑A‑47 et II‑135, point 39 ; Tribunal 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission, T‑294/97, RecFP p. I‑A‑601 et II‑1819, point 43 ; Tribunal 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, RecFP p. I‑A‑257 et II‑1169, points 52 et 53 ; Tribunal 28 octobre 2004, Lutz Herrera/Commission, T‑219/02 et T‑337/02, non encore publié au Recueil, point 80

3.      Lorsque, en fixant des limites d'âge dans une procédure de recrutement, la Commission poursuit des objectifs qui tiennent, d'une part, à l'exigence d'une gestion cohérente des carrières au sein de l'institution et, d'autre part, à la nécessité de garantir que les fonctionnaires ou agents recrutés exercent leur activité durant un minimum de temps, en liaison avec les droits fixés par le statut concernant les régimes de pensions et d'assurance maladie, le refus d'admettre un candidat à cette procédure de recrutement pour cause de limite d'âge n'enfreint pas le principe général de non‑discrimination. En effet, ces objectifs s'avèrent objectivement et raisonnablement justifiés.

(voir points 63 à 65)

Référence à : Lutz/Herrera/Commission, précité, points 99 et 100

4.      S'il est vrai que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été invoquée à plusieurs reprises par le juge communautaire comme source d'inspiration pour la reconnaissance et la protection des droits des citoyens et comme critère de référence des droits garantis par l'ordre juridique communautaire, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit, à l'heure actuelle (c'est‑à‑dire en février 2005), d'une déclaration qui n'est pas dotée de force juridique contraignante.

(voir point 66)

Référence à : Lutz/Herrera/Commission, précité, points 88

5.      Le traitement plus favorable accordé par l'article 1er, paragraphe 1, sous g), de l'annexe III du statut aux agents remplissant un minimum d'ancienneté de service trouve essentiellement sa justification dans le souci de leur permettre de poursuivre, indépendamment de leur âge, la carrière qu'ils ont entamée et qu'ils effectuent dans la fonction publique communautaire et, éventuellement, de progresser vers une situation d'emploi permanente. Cette disposition a également pour objectif d'assurer une certaine continuité du service en permettant aux agents qui disposent d'une certaine expérience au sein de l'institution, pour autant qu'ils réussissent le concours ou la sélection, de poursuivre leur travail au service de l'institution concernée.

En tout état de cause, il existe une différence objective entre la situation factuelle et juridique des candidats à une procédure de recrutement, organisée par une institution, qui sont des agents au service de cette institution depuis un an ou plus et les candidats à cette même procédure qui n'ont pas cette qualité. La non‑application aux candidats appartenant à la première catégorie des limites d'âge éventuellement fixées dans le cadre de cette procédure constitue une mesure justifiée par des objectifs légitimes et est manifestement non disproportionnée.

Cette conclusion relative à la différence objective vaut également dans l'hypothèse où la non‑application de la limite d'âge en faveur des agents en service est prévue dans le cadre d'une procédure visant à la constitution d'une réserve de recrutement d'agents temporaires et elle ne saurait être remise en cause à l'égard des candidats externes qui ont été au service de l'institution qui organise la procédure de recrutement, mais qui ne l'étaient plus au moment du dépôt de leur candidature, et ce indépendamment tant de la durée de leur emploi au sein de cette institution que de la date à laquelle ils ont cessé leurs fonctions.

(voir points 84 à 87)