Language of document : ECLI:EU:T:2013:57

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

4 février 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale DIGNITUDE – Marques nationale et communautaire verbales antérieures Dignity – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Absence de similitude des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 »

Dans l’affaire T‑504/11,

Paul Hartmann AG, établie à Heidenheim (Allemagne), représentée par Me N. Aicher, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Protecsom SAS, établie à Valognes (France),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 28 juillet 2011 (affaire R 1197/2010-4), relative à une procédure d’opposition entre Paul Hartmann AG et Protecsom SAS,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, S. Frimodt Nielsen et Mme M. Kancheva (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 septembre 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 13 janvier 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 21 mars 2012,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2012,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 janvier 2009, Protecsom SAS a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal DIGNITUDE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Culottes hygiéniques ; serviettes hygiéniques ; tampons pour la menstruation ; bandes hygiéniques » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles à usage médical ou vétérinaires » ;

–        classe 25 : « Bonneterie ; lingerie de corps ; slips ; sous-vêtements ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 2009/16, du 4 mai 2009.

5        Le 3 août 2009, la requérante, Paul Hartmann AG, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement nº 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque communautaire verbale Dignity, déposée le 3 décembre 2008 et enregistrée le 5 avril 2011, sous le numéro 7436603, pour les « produits hygiéniques à usage médical ; emplâtres, matériel pour pansements ; désinfectants ; couches, serviettes pour langes, couches-culottes et modèles absorbants, composés essentiellement de papier, cellulose ou autres matières fibreuses en tant qu’articles jetables ; couches-culottes, tissées et/ou tricotées en textile ou composées de cellulose, pour la fixation de modèles absorbants, tous les articles précités pour les soins aux incontinents », relevant de la classe 5, et pour les « articles orthopédiques ; matériel de suture ; alèses et draps pour incontinents », relevant de la classe 10 ;

–        la marque allemande verbale Dignity, déposée le 9 décembre 2008 et enregistrée le 2 avril 2009, sous le numéro 302008076849.5/05, pour les mêmes produits que ceux couverts par ladite marque communautaire, relevant des classes 5 et 10.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

8        Le 18 mai 2010, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition en ce qui concerne les produits relevant des classes 5 et 24 visés par la demande d’enregistrement. En revanche, elle a rejeté l’opposition pour les produits « bonneterie ; lingerie de corps ; slips ; sous-vêtements » relevant de la classe 25, en estimant que ceux-ci n’étaient pas semblables aux produits visés par les marques antérieures.

9        Le 28 juin 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 28 juillet 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. D’abord, elle a estimé que les produits litigieux ne s’adressaient pas à un public spécialisé, mais au grand public. Ensuite, elle a considéré que, bien que les signes visés par les marques en conflit soient similaires, un risque de confusion entre celles-ci au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 pouvait être exclu étant donné que les produits relevant de la classe 25 visés par la demande d’enregistrement étaient différents de ceux couverts par les marques antérieures.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des documents produits pour la première fois devant le Tribunal

13      La requérante a joint en annexe 6 à la requête une série de documents contenant des résultats d’une recherche effectuée sur Internet qui étayent, selon elle, sa conclusion selon laquelle les produits litigieux sont similaires.

14      L’OHMI fait valoir que ces documents doivent être déclarés irrecevables, puisqu’ils n’ont pas été présentés au cours de la procédure devant lui.

15      Il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009. Aux termes de l’article 65, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision d’une chambre de recours de l’OHMI que « pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du règlement n° 207/2009 ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir ». Il découle de cette disposition que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée de l’un de ces motifs d’annulation ou de réformation. En revanche, il ne saurait annuler ou réformer ladite décision pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (voir arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 53, et la jurisprudence citée). Il découle également de ladite disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal. Le Tribunal est en effet appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit de l’Union européenne effectué par celle-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre, mais il ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (arrêt OHMI/Kaul, précité, point 54). Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 juillet 2012, Caixa Geral de Depósitos/OHMI – Caixa d’Estalvis i Pensions de Barcelona (la Caixa), T‑255/09, non publié au Recueil, point 51, et du 13 novembre 2012, tesa/OHMI – Superquímica (9tesa TACK), T‑555/11, non publié au Recueil, point 15].

16      En l’espèce, dans la mesure où les documents mentionnés au point 13 ci-dessus ont été présentés pour la première fois devant le Tribunal, ils ne peuvent pas être pris en considération aux fins du contrôle de légalité de la décision attaquée et doivent, dès lors, être écartés.

 Sur le fond

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

18      Elle conteste l’appréciation de la chambre de recours relative à la similitude des produits et soutient que les conditions permettant de conclure à l’existence d’un risque de confusion sont réunies en l’espèce.

19      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

22      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

23      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

24      En l’espèce, les marques sur lesquelles est fondée l’opposition sont une marque allemande et une marque communautaire. Dès lors, le territoire au regard duquel le risque de confusion doit être apprécié est celui de l’Allemagne et celui de l’ensemble de l’Union, ainsi que la chambre de recours l’a, en substance, relevé sans être contestée par la requérante.

25      Par ailleurs, la chambre de recours a estimé que, eu égard à la nature des produits en cause, le public pertinent aux fins de l’évaluation du risque de confusion est le grand public (point 18 de la décision attaquée).

26      La requérante conteste cette appréciation en faisant valoir que le public pertinent doit être restreint aux consommateurs souffrant d’incontinence. En effet, ces derniers seraient les seuls qui seraient tenus d’acheter tant les produits visés par les marques antérieures, à savoir les couches-culottes et les modèles absorbants destinés à minimiser les conséquences de l’incontinence, que les produits visés par la demande d’enregistrement, à savoir des sous-vêtements ordinaires.

27      À titre principal, l’OHMI considère que cet argument est irrecevable dans la mesure où la requérante n’a formulé aucune allégation à l’égard du public pertinent ni devant la division d’opposition ni devant la chambre de recours. À titre subsidiaire, l’OHMI soutient que les utilisateurs des produits prévus pour l’incontinence ne se limitent pas à un public particulier, mais peuvent affecter des personnes de tous milieux. Partant, l’appréciation de la chambre de recours serait correcte.

28      S’agissant, d’abord, de la recevabilité de l’argument de la requérante, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, lorsqu’il est appelé à apprécier la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’OHMI, il ne saurait être lié par une appréciation erronée des faits par cette chambre, dans la mesure où ladite appréciation fait partie des conclusions dont la légalité est contestée devant le Tribunal (arrêt de la Cour du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 48).

29      En l’espèce, l’appréciation à l’égard du public pertinent se trouve à la base de la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits visés par les marques litigieuses sont différents de sorte qu’un risque de confusion peut être exclu entre celles-ci. Dans la mesure où le Tribunal est appelé à se prononcer dans le présent litige sur la légalité de cette dernière conclusion, les arguments de la requérante tendant à mettre en cause l’appréciation de la chambre de recours sur le public pertinent sont recevables.

30      Ensuite, selon la jurisprudence constante, aux fins de la définition du public pertinent, il y a lieu de prendre en compte les consommateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou services de la marque antérieure que ceux de la marque en cause [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 1er juillet 2008, Apple Computer/OHMI – TKS-Teknosoft (QUARTZ), T‑328/05, non publié au Recueil, point 23, et du 30 septembre 2010, PVS/OHMI – MeDiTA Medizinische Kurierdienst (medidata), T‑270/09, non publié au Recueil, point 28]. En l’espèce, s’agissant, d’une part, des couches-culottes et des modèles absorbants destinés à remédier à des épisodes d’incontinence visés par les marques antérieures et, d’autre part, de la bonneterie, de la lingerie de corps, des slips et des sous-vêtements visés par la marque demandée, ce sont les consommateurs souffrant d’incontinence ou ceux prenant soin des tiers souffrant de ces inconvénients qui s’avèrent pertinents pour la définition du public ciblé. En effet, ces consommateurs sont les seuls susceptibles d’acquérir ces deux types de produits et de confondre, dès lors, les marques en conflit.

31      Or, il convient de préciser que le public pertinent, ainsi qu’il a été défini au point précédent, fait preuve d’un degré d’attention particulièrement élevé au moment de l’achat. En effet, la nature des produits visés par les marques antérieures nécessite un choix précis et avisé. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante, le seul fait qu’un type de produits n’est pas régulièrement acheté par le consommateur ordinaire tend à démontrer que le niveau d’attention de celui-ci sera plutôt élevé [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 janvier 2006, Devinlec/OHMI – TIME ART (QUANTUM), T‑147/03, Rec. p. II‑11, point 63, et du 13 octobre 2009, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑146/08, non publié au Recueil, point 45].

32      Partant, il y a lieu de considérer que le public pertinent est essentiellement composé de consommateurs souffrant d’incontinence, dont le degré d’attention sera particulièrement élevé lors du choix des produits en cause.

 Sur la comparaison des produits

33      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur destination, leur nature, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

34      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que, malgré le fait d’être portés sur la même partie du corps et de pouvoir avoir le même aspect, les produits en cause n’étaient pas similaires au motif de leurs différentes destination et nature, de leurs différents fabricants et points de distribution, ainsi que de l’absence d’un lien de concurrence et de complémentarité entre eux (points 19 à 23 de la décision attaquée).

35      La requérante considère que la chambre de recours a conclu à tort que les produits visés par la demande d’enregistrement et les produits visés par les marques antérieures n’étaient pas similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009. En substance, elle considère que lesdits produits sont similaires, car ils ont la même destination, la même nature et les mêmes canaux de distribution. En outre, les produits visés par la demande d’enregistrement et ceux visés par les marques antérieures présenteraient entre eux un rapport de concurrence ou, à tout le moins, un rapport de complémentarité.

36      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

37      S’agissant, en premier lieu, de l’argument de la requérante selon lequel la destination des produits concernés est identique, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les produits visés par la marque demandée sont des articles vestimentaires qui ont notamment pour objet de recouvrir la partie inférieure du corps humain afin de la protéger des frictions et des changements de température. En revanche, les produits concernés par les marques antérieures remplissent une fonction d’imperméabilisation face à des fuites urinaires et fécales et, dans ce sens, visent à minimiser les effets de l’incontinence pour la personne qui en souffre. Dans ces circonstances, les produits litigieux seront perçus par le consommateur final comme ayant une destination différente.

38      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument de la requérante quant à la nature similaire des produits litigieux, la différence entre ceux-ci sur ce plan est également évidente eu égard à leur composition, leurs caractéristiques et leur durabilité. En effet, il convient de relever que, ainsi que la chambre de recours l’a souligné à juste titre, la bonneterie, la lingerie de corps, les slips et les sous-vêtements visés par la marque demandée sont des articles d’habillement et de mode fabriqués avec des matériaux résistants à un usage réitéré et continu dans le temps. En outre, ils ne sont pas supposés être absorbants. Les couches-culottes et les modèles absorbants visés par les marques antérieures sont quant à eux des articles médicaux composés généralement d’une partie absorbante et d’une partie imperméable constituée par des matériaux plastiques. Ces produits, à la différence des sous-vêtements ordinaires, sont généralement des articles jetables après un nombre réduit d’utilisations.

39      Par ailleurs, la requérante fait valoir que les couches-culottes tissées ou tricotées visées par les marques antérieures ne présentent aucune différence par rapport aux slips et aux sous-vêtements ordinaires visés par la marque demandée. Cependant, force est de constater que les premiers comportent, par définition, des éléments absorbants qui ne sont pas présents dans les seconds ou, à tout le moins, des adaptations dans leur conception destinées à accueillir des serviettes complémentaires absorbantes permettant de minimiser les effets de l’incontinence.

40      S’agissant, en troisième lieu, de l’argument de la requérante selon lequel les canaux de distribution des produits concernés sont fréquemment les mêmes, il y a lieu de considérer que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à bon droit, des produits tels que les couches-culottes visées par les marques antérieures sont habituellement distribués par des pharmacies ou par des magasins de fournitures médicales, alors que les sous-vêtements et les produits visés par la marque demandée sont à la disposition des consommateurs dans des magasins de vêtements et dans les rayons vestimentaires de grands magasins.

41      D’ailleurs, si la requérante fait valoir que les magasins d’articles médicaux, et, en particulier, les Sanitäthäuser en Allemagne, peuvent vendre, dans certaines circonstances, tant des sous-vêtements ordinaires que des couches-culottes pour des personnes souffrant d’incontinence, force est toutefois de constater qu’elle n’a produit que pour la première fois devant le Tribunal les preuves étayant cet argument. Or, ainsi qu’il ressort du point 16 ci-dessus, ces derniers documents ont été écartés comme étant irrecevables.

42      S’agissant, en quatrième lieu, de l’argument de la requérante selon lequel les produits litigieux s’inscrivent dans un rapport de concurrence, il y a lieu de rappeler que, afin de pouvoir considérer ces produits comme étant concurrents, il faut qu’ils revêtent un rapport de substituabilité entre eux [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, Rec. p. II‑4835, point 35, et du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 57].

43      Or, en l’espèce, les produits visés par la marque demandée et ceux visés par les marques antérieures ne sont pas substituables dans la mesure où, ainsi qu’il a été constaté au point 37 ci-dessus, les deux produits ont une destination différente et ne peuvent dès lors pas être interchangés. Dans ces circonstances, il y a lieu de relever, à l’instar de l’OHMI, que le choix délibéré des consommateurs entre les produits litigieux, loin d’être fondé sur les préférences d’un produit par rapport à un autre, sera imposé par des considérations tenant à leur état médical.

44      S’agissant, en cinquième lieu, de l’argument de la requérante selon lequel les sous-vêtements ordinaires visés par la marque demandée et les serviettes absorbantes visées par les marques antérieures sont complémentaires, puisque les premiers peuvent être complétés par les secondes, il convient de rappeler que deux produits sont complémentaires lorsque entre eux il existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits incombe à la même entreprise [voir arrêt du Tribunal du 21 novembre 2012, Atlas/OHMI – Couleurs de Tollens (ARTIS), T‑558/11, non publié au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée].

45      Or, un rapport de complémentarité tel que décrit par la requérante ne saurait être établi en l’espèce. En effet, même si certains modèles de sous-vêtements visés par la marque demandée pourraient éventuellement présenter une forme ou une adaptation susceptible de permettre leur utilisation avec des serviettes absorbantes, ces modèles ne sont pas conçus en principe à cette fin. Dès lors, ils ne peuvent pas être considérés comme étant indispensables ou importants pour l’utilisation de serviettes absorbantes de telle sorte que les consommateurs puissent penser que la même entreprise est responsable de la production de ces deux types de produits. Les consommateurs ne percevraient pas que des fabricants de sous-vêtements, même de ceux permettant l’adhésion de serviettes absorbantes, produisent également des serviettes pour consommateurs souffrant d’incontinence.

46      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que les produits visés par les marques en conflit n’étaient pas similaires.

47      Par ailleurs, dans la mesure où, selon la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, le risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent, il convient de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’un risque de confusion pouvait être exclu entre les marques litigieuses au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

48      Il résulte de ce qui précède que le moyen unique avancé par la requérante doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

50      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Paul Hartmann AG est condamnée aux dépens.

Azizi

Frimodt Nielsen

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 février 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.