Language of document : ECLI:EU:C:2021:802

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Pourvoi – Recours en annulation – Décision d’exécution C(2016) 3549 final de la Commission – Autorisation pour des utilisations du phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP) – Règlement (CE) no°1907/2006 – Articles 60 et 62 – Règlement (CE) no°1367/2006 – Demande de réexamen interne – Décision C(2016) 8454 final de la Commission – Rejet de la demande »

Dans l’affaire C‑458/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 14 juin 2019,

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. A. Jones, barrister, et Mme J. Stratford, BL,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. G. Gattinara, R. Lindenthal et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä ainsi que par MM. W. Broere et F. Becker, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.–C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader, MM. M. Safjan et N. Jääskinen, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 25 février 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, ClientEarth demande à la Cour l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, (T‑108/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:215), par lequel le Tribunal a rejeté le recours formé par ClientEarth tendant à l’annulation de la décision C(2016) 8454 final de la Commission, du 7 décembre 2016 (ci-après la « décision litigieuse »), rejetant une demande de réexamen interne introduite le 2 août 2016 par ClientEarth (ci-après la « demande de réexamen de 2016 ») contre la décision d’exécution C(2016) 3549 final de la Commission, du 16 juin 2016, octroyant une autorisation pour des utilisations du phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP) au titre du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), tel que modifié par le règlement (UE) 2016/217 de la Commission, du 16 février 2016 (JO 2016, L 40, p. 5) (ci-après le « règlement REACH »).

 Le cadre juridique

 La convention d’Aarhus

2        L’article 9, paragraphe 3, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus (Danemark) le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1) stipule :

« En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. »

 Le règlement REACH

3        L’article 55, intitulé « But de l’autorisation et examen des solutions de remplacement », du règlement REACH précise :

« Le but du présent titre est d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables. À cette fin, l’ensemble des fabricants, des importateurs et des utilisateurs en aval qui demandent une autorisation analysent la disponibilité de solutions de remplacement et examinent les risques qu’elles comportent ainsi que leur faisabilité technique et économique. »

4        L’article 56, intitulé « Dispositions générales », du règlement REACH prévoit :

« 1.      Un fabricant, importateur ou utilisateur en aval s’abstient de mettre sur le marché une substance en vue d’une utilisation ou de l’utiliser lui-même si cette substance est incluse à l’annexe XIV, sauf :

a)      si l’utilisation ou les utilisations de cette substance, telle quelle ou contenue dans un mélange, ou l’incorporation de la substance dans un article pour laquelle la substance est mise sur le marché ou pour laquelle il utilise la substance lui-même ont été autorisées conformément aux articles 60 à 64 ; [...]

[...] »

5        Aux termes de l’article 57, intitulé « Substances à inclure dans l’annexe XIV », de ce règlement :

« Les substances suivantes peuvent être incluses dans l’annexe XIV conformément à la procédure prévue à l’article 58 :

[...]

c)      les substances répondant aux critères de classification comme substances toxiques pour la reproduction, de catégorie 1A ou 1B, ayant des effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité ou sur le développement, conformément à l’annexe I, section 3.7, du règlement (CE) no 1272/2008 [du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1)] ;

[...]

f)      les substances — telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien ou celles possédant des propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables, qui ne remplissent pas les critères visés aux points d) ou e) — pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées aux points a) à e) et qui sont identifiées, cas par cas, conformément à la procédure prévue à l’article 59. »

6        L’article 58, intitulé « Inclusion de substances dans l’annexe XIV », du règlement REACH prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est décidé d’inclure dans l’annexe XIV des substances visées à l’article 57, la décision est prise conformément à la procédure visée à l’article 133, paragraphe 4. [...] 

[...] »

7        L’article 59, intitulé « Identification des substances visées à l’article 57 », du règlement REACH dispose, à son paragraphe 1 :

« La procédure prévue aux paragraphes 2 à 10 du présent article est applicable aux fins de l’identification des substances remplissant les critères visés à l’article 57 et de l’établissement d’une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV. L’Agence [européenne des produits chimiques] indique les substances qui, sur cette liste, figurent dans son programme de travail conformément à l’article 83, paragraphe 3, point e). »

8        L’article 60, intitulé « Octroi des autorisations », du règlement REACH énonce :

« 1.      La Commission est compétente pour prendre des décisions concernant les demandes d’autorisation conformément au présent titre.

2.      Sans préjudice du paragraphe 3, une autorisation est octroyée si le risque que représente pour la santé humaine ou pour l’environnement l’utilisation d’une substance en raison de ses propriétés intrinsèques, visées à l’annexe XIV, est valablement maîtrisé conformément à l’annexe I, section 6.4, comme le démontre le rapport sur la sécurité chimique du demandeur, en tenant compte de l’avis du comité d’évaluation des risques visé à l’article 64, paragraphe 4, point a). Lors de l’octroi de l’autorisation et dans toutes les conditions que celle-ci impose, la Commission prend en compte tous les rejets, émissions et pertes, en ce compris les risques découlant d’utilisations dispersives ou diffuses, connus au moment de la décision.

[...]

3.      Le paragraphe 2 n’est pas applicable :

a)      aux substances répondant aux critères énoncés à l’article 57, points a), b), c) ou f), pour lesquelles il n’est pas possible de déterminer un seuil conformément à l’annexe I, section 6.4 ;

b)      aux substances répondant aux critères énoncés à l’article 57, points d) ou e) ;

c)      aux substances identifiées en vertu de l’article 57, point f), possédant des propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables.

4.      Lorsqu’une autorisation ne peut être octroyée en application du paragraphe 2 ou pour les substances énumérées au paragraphe 3, elle ne peut être octroyée que s’il est démontré que les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées. Cette décision est arrêtée après prise en compte de l’ensemble des éléments suivants et en tenant compte de l’avis du comité d’évaluation des risques et du comité d’analyse socio-économique [...] :

a)      le risque lié aux utilisations de la substance ainsi que la pertinence et l’efficacité des mesures de gestion des risques proposées ;

b)      les avantages socio-économiques découlant de son utilisation et les conséquences socio-économiques d’un refus de l’autorisation, dont le demandeur ou d’autres parties intéressées doivent apporter la preuve ;

c)      l’analyse des solutions de remplacement proposées par le demandeur en application de l’article 62, paragraphe 4, point e), ou le plan de remplacement proposé par le demandeur en application de l’article 62, paragraphe 4, point f), et toute communication transmise par un tiers en application de l’article 64, paragraphe 2 ;

d)      les informations disponibles sur les risques pour la santé humaine ou l’environnement que d’éventuelles substances ou technologies de remplacement présentent pour la santé ou pour l’environnement.

5.      Lors de l’évaluation de la disponibilité de substances ou de technologies de substitution appropriées, tous les aspects pertinents sont pris en compte par la Commission, et notamment :

a)      si le passage aux solutions de remplacement donnera lieu à une réduction des risques globaux pour la santé humaine et l’environnement, compte tenu de la pertinence et de l’efficacité des mesures de gestion des risques ;

b)      la faisabilité technique et économique de solutions de remplacement pour le demandeur.

[...]

7.      Une autorisation n’est octroyée que si la demande est introduite conformément aux prescriptions de l’article 62.

[...]

10.      Nonobstant les éventuelles conditions dont peut être assortie une autorisation, le titulaire de celle-ci veille à ce que l’exposition soit réduite à un niveau aussi faible qu’il est techniquement et pratiquement possible. »

9        L’article 62, intitulé « Demandes d’autorisation », du règlement REACH est ainsi libellé :

« [...]

3.      Les demandes peuvent être déposées pour une ou plusieurs substances qui répondent à la définition d’un groupe de substances au sens de l’annexe XI, section 1.5, et pour une ou plusieurs utilisations. Elles peuvent porter sur l’utilisation ou les utilisations propres du demandeur et/ou sur des utilisations pour lesquelles il entend mettre la substance sur le marché.

4.      Une demande d’autorisation contient les éléments suivants :

[...]

c)      une demande d’autorisation, précisant l’utilisation ou les utilisations pour lesquelles l’autorisation est demandée et couvrant l’utilisation de la substance dans des mélanges et/ou, le cas échéant, son incorporation dans des articles ;

d)      sauf s’il a déjà été présenté dans le cadre de l’enregistrement, un rapport sur la sécurité chimique, établi conformément à l’annexe I couvrant les risques qu’entraîne pour la santé humaine et/ou l’environnement l’utilisation de la ou des substances en raison des propriétés intrinsèques visées à l’annexe XIV ;

e)      une analyse des solutions de remplacement, examinant les risques qu’elles comportent, ainsi que leur faisabilité technique et économique et comprenant, le cas échéant, des informations sur les activités pertinentes de recherche et de développement du demandeur ;

f)      lorsque l’analyse visée au point e) indique que des solutions de remplacement appropriées sont disponibles compte tenu des éléments de l’article 60, paragraphe 5, un plan de remplacement prévoyant un calendrier des actions proposées par le demandeur.

5.      La demande peut inclure les éléments suivants :

a)      une analyse socio-économique réalisée conformément à l’annexe XVI ;

[...] »

 Le règlement (CE) no 1367/2006

10      L’article 10, intitulé « Demande de réexamen interne d’actes administratifs », du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), prévoit, à son paragraphe 1, les dispositions suivantes :

« Toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 est habilitée à introduire une demande de réexamen interne auprès de l’institution ou de l’organe communautaire qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement ou, en cas d’allégation d’omission administrative, qui était censé avoir adopté un tel acte.

[...] »

 Les antécédents du litige

11      Le règlement (UE) no 143/2011 de la Commission, du 17 février 2011, modifiant l’annexe XIV du règlement n° 1907/2006 (JO 2011, L 44, p. 2), a inclus dans cette annexe le DEHP, un composé organique essentiellement utilisé pour assouplir les plastiques à base de polychlorure de vinyle (PVC), en raison des propriétés toxiques de cette substance pour la reproduction, au sens de l’article 57, sous c), du règlement REACH.

12      Le 13 août 2013, trois sociétés de recyclage de déchets (ci-après les « demanderesses à l’autorisation ») ont présenté une demande d’autorisation conjointe au titre de l’article 62 du règlement REACH, lu en combinaison avec l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement (ci-après la « demande d’autorisation »), aux fins de la mise sur le marché du DEHP pour les « utilisations » suivantes :

–        « formulation de polychlorure de vinyle (PVC) souple recyclé contenant du DEHP dans des composés et des mélanges secs ;

–         utilisation industrielle de PVC souple recyclé contenant du DEHP dans le traitement de polymères par calandrage, extrusion, compression et moulage par injection en vue de produire des articles en PVC ».

13      Dans l’analyse des solutions de remplacement accompagnant la demande d’autorisation, les demanderesses à l’autorisation ont indiqué :

« Le DEHP est un plastifiant qui est utilisé depuis plusieurs dizaines d’années pour assouplir le PVC en vue de la fabrication de PVC plastifié ou souple. [...]

Le DEHP est donc ajouté au PVC avant que le plastique soit transformé en articles en plastique et avant que ces articles en plastique deviennent des déchets, à savoir un produit potentiellement de valeur pour les [demanderesses à l’autorisation]. Au sens strict, le DEHP ne joue donc aucun rôle fonctionnel spécifique pour les [demanderesses à l’autorisation] ; il est simplement présent en tant qu’impureté (en grande partie indésirable) dans les déchets qui sont collectés, triés et transformés et qui sont ensuite mis sur le marché sous la forme de “recyclat”. Néanmoins, la présence limitée de DEHP (ou d’autres plastifiants) dans le produit recyclé pourrait théoriquement présenter certains avantages pour les utilisateurs en aval (les transformateurs de PVC) :

–         il peut faciliter la transformation de la matière première à recycler en nouveaux articles en PVC ; et

–         il peut permettre aux transformateurs de PVC de réduire la quantité de DEHP pur (ou “vierge”) (ou autres plastifiants) à ajouter à leurs composés pour produire de nouveaux articles en PVC souple ».

14      Le 10 octobre 2014, le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique (ci-après le « CASE ») de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont rendu leurs avis sur la demande d’autorisation.

15      Selon le comité d’évaluation des risques, les demanderesses à l’autorisation n’ont pas démontré que les risques pour la santé des travailleurs résultant des deux utilisations demandées étaient valablement maîtrisés comme l’exige l’article 60, paragraphe 2, du règlement REACH.

16      Le CASE a estimé que, nonobstant l’existence de certaines insuffisances dans l’analyse présentée par les demanderesses à l’autorisation pour démontrer les avantages socio-économiques des utilisations pour lesquelles la demande d’autorisation avait été soumise, l’autorisation pouvait être accordée sur le fondement d’une « analyse qualitative » incluant les incertitudes pertinentes.

17      Le 12 décembre 2014, l’ECHA a mis à jour et complété l’entrée existante relative au DEHP sur la « liste des substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV » du règlement REACH visée à l’article 59, paragraphe 1, du règlement REACH (ci-après la « liste des substances candidates ») en l’identifiant en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien, pour laquelle il était scientifiquement prouvé qu’elle pouvait avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitaient un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement REACH, au sens de l’article 57, sous f), de ce même règlement.

18      Le 16 juin 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2016) 3549 final accordant l’autorisation d’utilisations du DEHP conformément au règlement REACH (ci-après la « décision d’autorisation »).

19      À l’article 1er de cette décision, la Commission a accordé une autorisation pour les « utilisations » suivantes :

« –      formulation de polychlorure de vinyle (PVC) souple recyclé contenant du DEHP dans des composés et des mélanges secs ;

–      utilisation industrielle de PVC souple recyclé contenant du DEHP dans le traitement de polymères par calandrage, extrusion, compression et moulage par injection en vue de produire des articles en PVC [...] ».

20      Selon la même disposition, ladite autorisation a été accordée en vertu de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH.

21      Par sa demande de réexamen de 2016, ClientEarth, un organisme à but non lucratif ayant pour objet la protection de l’environnement, a demandé à la Commission le réexamen interne de la décision d’autorisation sur le fondement de l’article 10 du règlement no 1367/2006.

22      Par la décision litigieuse, la Commission a rejeté cette demande comme étant non fondée.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2017, ClientEarth a demandé l’annulation de la décision litigieuse et de la décision d’autorisation.

24      Par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal du 29 juin 2017, il a été fait droit à la demande d’intervention de l’ECHA.

25      Au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que le recours était manifestement irrecevable dans la mesure où la requérante demandait l’annulation de la décision d’autorisation.

26      S’agissant de la demande d’annulation de la décision litigieuse, le Tribunal a, au point 92 de l’arrêt attaqué, également rejeté comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondée, la première branche, du premier moyen, tirée d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’interprétation de la notion d’« utilisation », visée à l’article 56, paragraphe 1, sous a), et à l’article 62, paragraphe 4, sous c), du règlement REACH.

27      Le Tribunal a, au point 151 de l’arrêt attaqué, rejeté comme étant non fondée la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’existence d’erreurs de droit et d’appréciation en lien avec des déficiences dans lerapport sur la sécurité chimique.

28      Il a estimé, au point 167 de l’arrêt attaqué, que les arguments mentionnés au soutien de la troisième branche du premier moyen, tirée de l’existence d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne l’évaluation des solutions de remplacement appropriées, devaient être examinés dans le cadre du troisième moyen.

29      Au point 178 de l’arrêt attaqué, Le Tribunal a rejeté comme étant non fondée la quatrième branche du premier moyen tiré d’une violation de l’article 60, paragraphe 7, et de l’article 64, paragraphe 3, du règlement REACH et a rejeté le premier moyen dans sa totalité.

30      S’agissant du deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation entachant l’évaluation socio-économique prévue à l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, le Tribunal a, au point 189 de l’arrêt attaqué, rejeté comme étant non fondée la première branche de ce moyen, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation entachant le cadre de référence de cette analyse, et, au point 204 de l’arrêt attaqué, a rejeté comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondée, la deuxième branche de ce moyen, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation entachant l’évaluation de l’équilibre entre les risques et les avantages.

31      Le Tribunal a, au point 224 de l’arrêt attaqué, également rejeté comme étant non fondée la troisième branche de ce même moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif de l’absence de prise en compte de certaines informations dans le cadre de cette évaluation.

32      Il a, par la suite, rejeté le deuxième moyen dans son intégralité.

33      Le Tribunal a, au point 271 de l’arrêt attaqué, rejeté comme étant non fondé le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’analyse des solutions de remplacement.

34      Il a, au point 307 de l’arrêt attaqué, rejeté le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de précaution, tel que visé à l’article 191, paragraphe 2, TFUE.

35      Partant, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

 Les conclusions des parties au pourvoi

36      La requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ou,

–        à titre subsidiaire, de déclarer le recours en annulation recevable et fondé et d’annuler en conséquence la décision litigieuse ;

–        de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes en première instance et dans le cadre du pourvoi.

37      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi comme étant non fondé ;

–        de condamner la requérante aux dépens.

38      L’ECHA demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi comme étant non fondé ;

–        de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

39      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque sept moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

40      Par son premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal a rejeté à tort, comme étant irrecevables, certaines parties de son recours en annulation.

41      Elle fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant, aux points 53 et 54 de l’arrêt attaqué, que le recours ne pouvait porter que sur la légalité de la décision litigieuse et non sur le caractère suffisant de la demande d’autorisation. Selon elle, cette analyse ne respecte pas l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ni le droit à un recours effectif.

42      Elle ajoute que le Tribunal a erronément subordonné, au point 54 de l’arrêt attaqué, la recevabilité de ses arguments visant la décision d’autorisation à ce que les erreurs alléguées figurent expressément dans la décision de la Commission sur la demande de réexamen interne.

43      Elle soutient, en deuxième lieu, que le Tribunal a commis une erreur en considérant, aux points 55 et 56 de l’arrêt attaqué, que non seulement les moyens, mais aussi les arguments soulevés devant lui dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision portant rejet de la demande de réexamen de 2016, ne sont recevables que dans la mesure où ils ont déjà été présentés dans cette demande de réexamen.

44      Dans son mémoire en réplique, elle fait valoir que la Cour a précisé, dans l’arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719), qu’un recours en annulation contre une décision de rejet d’une demande de réexamen interne ne peut certes être fondé sur des moyens ou des éléments de preuve nouveaux, qui n’ont pas été invoqués dans la demande de réexamen interne, mais que le demandeur d’un tel réexamen n’est pas tenu de reprendre exactement les mêmes arguments dans le cadre de son recours devant les juridictions de l’Union.

45      En troisième lieu, la requérante ajoute que, en tout état de cause, certains des arguments que le Tribunal a rejetés comme étant irrecevables, aux points 61, 62, 74, 75, 85 à 87, 195 à 200 et 234 à 236 de l’arrêt attaqué, étaient mentionnés dans sa demande de réexamen de 2016 ou n’en constituaient que des développements.

46      La Commission soutient que le premier moyen ne peut prospérer.

47      L’ECHA soutient les arguments de la Commission.

 Appréciation de la Cour

48      En ce qui concerne l’argument de la requérante relatif à l’erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal en ce que celui-ci a constaté l’irrecevabilité du recours formé contre la décision d’autorisation, il importe de relever que, ainsi que l’a indiqué la Commission, la requérante n’a pas contesté le point 26 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a constaté qu’elle ne demandait pas l’annulation de la décision d’autorisation parce qu’elle estimait ne pas remplir les conditions exigées à l’article 263 TFUE.

49      En ce qui concerne l’argument de la requérante relatif à l’erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal, en ce qu’il a constaté l’irrecevabilité des arguments visant à démontrer d’éventuelles erreurs commises par les demanderesses à l’autorisation, il importe de relever, d’une part, que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 53 de l’arrêt attaqué, que, dans le cadre du présent recours, portant sur la décision de la Commission sur la demande de réexamen interne, seuls les moyens tendant à démontrer des erreurs de droit ou d’appréciation entachant d’illégalité cette décision et non ceux visant la demande d’autorisation étaient recevables.

50      D’autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte du point 54 de l’arrêt attaqué non pas que seuls les éléments repris « expressément » dans la décision de la Commission sur la demande de réexamen interne peuvent être contestés devant le Tribunal mais que seules les erreurs entachant cette décision peuvent faire l’objet d’un tel recours, ainsi qu’il résulte également des points 234 et 235 de l’arrêt attaqué.

51      En ce qui concerne l’argument tiré d’une erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal en ce que celui-ci aurait considéré, aux points 55 et 56 de l’arrêt attaqué, que les moyens, mais aussi les arguments soulevés devant lui dans le cadre d’un recours tenant à l’annulation d’une décision telle que la décision litigieuse, ne sont recevables que s’ils ont déjà été présentés dans la demande de réexamen de 2016, il convient de constater son caractère inopérant dès lors que le Tribunal a, en tout état de cause, également constaté, à titre subsidiaire, le caractère infondé des arguments de la requérante visés dans son premier moyen, sans que cette appréciation au fond ait été contestée dans le présent pourvoi.

52      En effet, l’argument de la requérante selon lequel seuls l’introduction active ou le déploiement actif d’une substance « dans un processus industriel » constituent une « utilisation », au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement REACH, qui a été rejeté comme étant irrecevable, au point 62 de l’arrêt attaqué, a été rejeté au fond, à titre subsidiaire, aux points 63 à 68 et 72 de l’arrêt attaqué.

53      Tel est également le cas de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait en réalité autorisé un « processus dans son ensemble », à savoir le « recyclage de matériaux contenant une substance extrêmement préoccupante », et accordé une autorisation pour un « traitement de déchets plastiques », en violation de la législation européenne en matière de déchets, ainsi que de l’argument relatif au statut de « fin de qualité de déchet », rejetés par le Tribunal comme étant irrecevables, respectivement, aux points 75 et 87 de l’arrêt attaqué, et, en tout état de cause, comme étant non fondés, respectivement, aux points 76, 86, 88 et 89 de l’arrêt attaqué.

54      De même, l’argument de la requérante concernant l’appréciation de la mise en balance entre les risques et les avantages, rejeté comme étant irrecevable, au point 200 de l’arrêt attaqué, a été considéré comme étant non fondé, en tout état de cause, au point 204 de cet arrêt et celui relatif à l’analyse, soi-disant insuffisante, des solutions de remplacement proposées dans la demande d’autorisation, au motif qu’elle ne précisait pas la fonction du DEHP, rejeté comme étant irrecevable, au point 234 de l’arrêt attaqué, a été estimé comme étant, en tout état de cause, non fondé, au point 236 de cet arrêt.

55      L’intégralité des arguments invoqués au soutien du premier moyen étant non fondés ou inopérants, il convient, par conséquent, de les écarter.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

56      Par son deuxième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a fait supporter une charge de la preuve trop élevée aux organisations non gouvernementales. Elle vise, à cet égard, les points 57, 112, 113, 148 à 150 et 248 à 251 de l’arrêt attaqué.

57      Elle se réfère, notamment, à l’arrêt du 14 novembre 2013, ICdA e.a./Commission (T‑456/11, EU:T:2013:594, point 61), dans lequel le Tribunal aurait imposé un niveau de preuve moins élevé à d’autres acteurs économiques.

58      La Commission fait valoir que la requérante se contente, en réalité, de répéter les arguments invoqués en première instance et que le deuxième moyen est, en tout état de cause, non fondé.

59      L’ECHA soutient les arguments de la Commission.

 Appréciation de la Cour

60      À cet égard, il importe de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que, afin de préciser les motifs de réexamen de la manière requise, un demandeur au réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement est tenu d’indiquer les éléments de fait ou les arguments de droit substantiels susceptibles de fonder des doutes plausibles, à savoir substantiels, quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union dans l’acte visé (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 69).

61      Or, en ce qui concerne les lacunes alléguées par la requérante dans l’évaluation des risques fournie par les demanderesses à l’autorisation, le Tribunal ne s’est pas prononcé, aux points 112 et 113 de l’arrêt attaqué, sur le niveau de preuve exigé de la requérante, mais a constaté, au point 114 de l’arrêt attaqué, le caractère inopérant des arguments invoqués à cet égard par la requérante.

62      En outre, aux points 148 et 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est contenté de relever le caractère insuffisant des arguments invoqués par la requérante, considérant que celle-ci ne pouvait invoquer de manière isolée les insuffisances du rapport sur la sécurité, sans contester de manière étayée l’évaluation du CASE indiquant que l’autorisation pouvait être accordée en l’espèce.

63      En portant cette appréciation, le Tribunal s’est donc borné à tirer les conséquences du principe rappelé au point 60 du présent arrêt.

64      En ce qui concerne l’analyse des solutions de remplacement, il convient de relever que, aux points 248 à 250 de l’arrêt attaqué visés par le pourvoi, le Tribunal a considéré que la requérante n’avait fourni aucun élément remettant en cause les appréciations des faits retenues par la Commission dans la décision litigieuse s’agissant de l’indisponibilité des solutions de remplacement. Cette conclusion était fondée sur le constat que, d’une part, la requérante n’avait pas expliqué sur quel fondement la Commission avait pu parvenir à un autre résultat que celui contenu dans l’avis du CASE à ce sujet et que, d’autre part, elle n’avait pas, en tout état de cause, contesté non plus, de manière spécifique, dans sa demande de réexamen de 2016, la conclusion globale tirée par la Commission quant à l’indisponibilité de solutions de remplacement.

65      Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort donc pas desdits points que le Tribunal avait exigé d’elle de fournir une analyse complète des solutions de remplacement à la place des demanderesses à l’autorisation mais simplement qu’il a constaté que celle-ci n’avait pas indiqué des éléments de fait ou les arguments de droit substantiels susceptibles de fonder des doutes plausibles quant à l’appréciation portée par la Commission.

66      Il résulte de ce qui précède qu’il ne ressort aucunement des points de l’arrêt attaqué visés par le deuxième moyen que le Tribunal a imposé une charge de la preuve trop élevée à la requérante et l’argument de celle-ci selon lequel un niveau de preuve moins élevé avait été imposé à d’autres acteurs économiques, dans une affaire distincte de la présente, ne saurait dès lors, en tout état de cause, prospérer.

67      Il s’ensuit que le deuxième moyen est non fondé et qu’il doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

68      Par son troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a violé le règlement REACH, et notamment l’article 55 de celui-ci, en estimant, aux points 71, 72, 79, 91, 162, 238 et 242 à 244 de l’arrêt attaqué, que la réduction de la production de DEHP vierge, que permet l’usage de DEHP recyclé, pouvait constituer une utilisation conforme au règlement REACH et la base d’une analyse pertinente des solutions de remplacement.

69      Elle affirme, en premier lieu, que le raisonnement du Tribunal repose sur un postulat erroné, dès lors que le régime d’autorisation prévu par le règlement REACH concerne non pas la production de ces substances dans l’Union, mais leur utilisation ou leur mise sur le marché aux fins d’une utilisation, ainsi qu’il résulte de l’article 56 de ce règlement. Les articles dans lesquels le DEHP est déjà incorporé pourraient, en outre, être légalement importés dans l’Union.

70      Elle fait valoir, en second lieu, que, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur en considérant, au point 91 de l’arrêt attaqué, que d’autres mélanges, sans DEHP, pouvaient être des solutions de remplacement pertinentes, sans prendre en compte la véritable fonction du DEHP qui est de permettre la flexibilité du matériau. De même, le Tribunal aurait, à tort, considéré comme étant suffisante, au point 247 de l’arrêt attaqué, la seule référence à d’autres sources de PVC (vierge) contenant d’autres plastifiants, sans même que ceux-ci soient nommés ou que les propriétés de flexibilité du matériau soient mentionnées.

71      Elle ajoute que, si l’article 55 du règlement REACH prévoit un remplacement « progressif » des substances, celui-ci doit, néanmoins, avoir lieu dès que les solutions de remplacement sont disponibles, contrairement à ce qui résulterait des points 243 et 244 de l’arrêt attaqué. En considérant que d’autres plastifiants ou matériaux flexibles seraient sans pertinence pour cette évaluation, le Tribunal empêcherait un tel remplacement. Elle ajoute qu’il était de notoriété publique que d’autres plastifiants, plus sûrs, étaient disponibles pour fabriquer un produit en plastique souple.

72      Dans son mémoire en réplique, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas confondu les notions « d’utilisation » et de « fonction » de la substance, mais que, contrairement à ce que soutient la Commission, c’est la fonction de la substance qui constitue le critère pertinent au titre de l’analyse des solutions de remplacement. Dès lors, si une substance assure une fonction dans un mélange, l’analyse des solutions de remplacement devrait nécessairement être fondée sur celle-ci.

73      Par ailleurs, la Commission commettrait une erreur en indiquant que l’analyse des solutions de remplacement doit être effectuée du point de vue des demanderesses à l’autorisation.

74      La Commission soutient que ce moyen ne peut prospérer.

75      L’ECHA soutient les arguments de la Commission.

 Appréciation de la Cour

76      Il importe de relever que, parmi les différents points de l’arrêt attaqué visés par la requérante dans son troisième moyen, seuls les points 238 et 242 à 244 de cet arrêt s’inscrivent dans la motivation de celui-ci relative à la violation de l’article 55 du règlement REACH et de l’article 60, paragraphes 4 et 5, de ce règlement, en ce qui concerne l’analyse des solutions de remplacement.

77      Il convient, également, de constater que, si l’analyse par le Tribunal de la conformité des solutions de remplacement prises en compte par la Commission relève de l’appréciation des faits, le troisième moyen soulève, toutefois, également une question de droit dans la mesure où il porte sur les conditions dans lesquelles la Commission doit apprécier les solutions de remplacement.

78      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, ainsi qu’il résulte des termes de l’article 60, paragraphes 2 et 4, du règlement REACH, les régimes d’autorisation prévus par ces dispositions sont relatifs à la mise sur le marché en vue d’une utilisation ou à l’utilisation de la substance faisant l’objet de la demande d’autorisation.

79      En outre, l’article 3, point 24, du règlement REACH définit la notion d’« utilisation » de manière large, comme « toute opération de transformation, de formulation, de consommation, de stockage, de conservation, de traitement, [...], de mélange, de production d’un article ou tout autre usage » et l’article 56, paragraphe 1, sous a), de ce règlement impose une autorisation non seulement pour l’utilisation d’une substance telle quelle, mais aussi lorsque celle-ci est contenue dans un mélange.

80      C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a estimé, au point 238 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait légalement estimé que l’autorisation accordée en l’espèce concernait l’utilisation du DEHP, tel que contenu « dans un mélange ».

81      Il en résulte, également, que le Tribunal a considéré à bon droit, au point 239 de l’arrêt attaqué, que l’évaluation des solutions de remplacement pouvait, dès lors, être réalisée par rapport à ce « mélange » plutôt que par rapport à la substance contenue dans celui-ci.

82      Quant à la question de savoir si le Tribunal a, néanmoins, commis une erreur de droit en estimant, notamment, au point 238 de l’arrêt attaqué que la Commission avait légalement retenu qu’une des « fonctions » du DEHP, prises en compte pour examiner les solutions de remplacement, était de « réduire la quantité de plastifiants qui doit être ajoutée pour fabriquer des articles en PVC souple à base du matériau en PVC souple recyclé », il importe de constater qu’il ne ressort pas des points de l’arrêt attaqué visés par la requérante dans son troisième moyen que le Tribunal aurait dû invalider l’analyse des solutions de remplacement prévues à l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, au motif que la Commission n’aurait pas pris en compte la flexibilité du matériau ni même mentionné celle-ci, dès lors qu’il ressort, au contraire, tant du point 238 de l’arrêt attaqué que du point 242 de celui-ci, que la Commission a également pris en compte la fonction de plastifiant du DEHP.

83      Il y a lieu, en outre, d’ajouter que, en tant qu’elle soutient qu’il était de « notoriété publique » que d’autres plastifiants, plus sûrs, étaient disponibles pour fabriquer un produit en plastique souple, la requérante remet en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal. Une telle appréciation ne saurait être examinée dans le cadre du présent pourvoi, sous réserve d’une dénaturation des faits, qui n’est pas alléguée par la requérante.

84      En outre, il ne ressort pas du point 244 de l’arrêt attaqué que le Tribunal avait estimé que l’article 55 du règlement REACH n’imposait pas d’utiliser les solutions de remplacement lorsqu’elles sont disponibles. En effet, audit point 244, le Tribunal a simplement rappelé que, ainsi qu’il résulte des termes mêmes de cet article 55, l’objectif poursuivi est de remplacer « progressivement » les substances extrêmement préoccupantes par des substances ou des technologies de remplacement appropriées « lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables ».

85      Il s’ensuit que les différents arguments invoqués par la requérante, au soutien de son troisième moyen, étant non fondés, il y a lieu de rejeter celui-ci.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

86      Par son quatrième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant, aux points 104 à 111 de l’arrêt attaqué, que l’évaluation de la conformité de la demande d’autorisation, prévue à l’article 60, paragraphe 7, du règlement REACH, est purement formelle et n’exige pas de la Commission qu’elle vérifie si les informations fournies par le demandeur satisfont sur le fond aux exigences de l’article 62 de ce règlement et de l’annexe I de celui-ci.

87      La requérante fait valoir qu’elle ne conteste pas l’interprétation de l’article 60, paragraphe 7, du règlement REACH retenue par le Tribunal, aux points 104 et 106 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal estime qu’il revient à la Commission de vérifier si une demande est conforme aux prescriptions de l’article 62 de ce règlement d’un point de vue « formel », sans avoir à déterminer si le rapport sur la sécurité chimique « tire les bonnes conclusions » en ce qui concerne notamment les propriétés d’une substance chimique.

88      La requérante soutient que le Tribunal a, toutefois, commis une erreur sur ce qu’il convient d’entendre par vérification « formelle », en ce qu’il a précisé, au point 109 de l’arrêt attaqué, que, si l’annexe I du règlement REACH décrit les éléments que doivent nécessairement contenir certains documents soumis par le demandeur d’une autorisation, tels que le rapport sur la sécurité chimique, cette annexe n’impose pas à la Commission, dans le cadre de l’examen lui incombant en vertu de l’article 60, paragraphe 7, de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 62 de celui-ci, d’examiner ces éléments sur le fond.

89      Elle fait valoir que l’arrêt attaqué est contradictoire en ce que le Tribunal a précisé, au point 109 de cet arrêt, que la Commission n’a pas à procéder, à ce stade de la procédure, à une évaluation au fond, tout en exigeant, au point 112 de l’arrêt attaqué, que la Commission évalue si les informations fournies sont « vérifiables », ce qui implique un certain examen de leur substance.

90      Elle soutient, d’une part, qu’un contrôle de conformité, même « formel », implique que la Commission vérifie la conformité du rapport sur la sécurité chimique aux exigences précises mentionnées à l’annexe I du règlement REACH, qui prévoit, notamment, des données sur l’exposition « représentatives et mesurées de manière adéquate ». D’autre part, le Tribunal aurait violé l’article 62 et l’annexe I de ce règlement en estimant ainsi, au point 112 de l’arrêt attaqué, que les demanderesses à l’autorisation s’étaient conformées à ces exigences sans qu’une telle vérification ait été réalisée.

91      La Commission soutient que le quatrième moyen ne peut prospérer.

92      L’ECHA soutient les arguments de la Commission.

 Appréciation de la Cour

93      Aux termes de l’article 60, paragraphe 7, du règlement REACH, une autorisation n’est octroyée que si « la demande est introduite conformément aux prescriptions de l’article 62 ».

94      Cette disposition exige, dès lors, de la Commission qu’elle vérifie si la demande d’autorisation contient l’ensemble des informations requises à l’article 62 dudit règlement et, notamment, en vertu du paragraphe 4, sous d), de cette même disposition, un rapport sur la sécurité chimique, « établi conformément à l’annexe I couvrant les risques qu’entraîne pour la santé humaine et/ou l’environnement l’utilisation de la ou des substances en raison des propriétés intrinsèques visées à l’annexe XIV » du règlement REACH.

95      Ainsi que la requérante le reconnaît dans son pourvoi, il en résulte que le Tribunal a considéré à bon droit, aux points 104 et 106 de l’arrêt attaqué, que l’article 60, paragraphe 7, du règlement REACH implique que la Commission vérifie si une demande d’autorisation est conforme aux prescriptions de l’article 62 de ce règlement d’un point de vue formel sans qu’il lui incombe, à ce stade, d’apprécier le bien-fondé des éléments fournis et notamment si le rapport sur la sécurité chimique concernant une substance « tire les bonnes conclusions » en ce qui concerne les propriétés de celle-ci.

96      En outre, l’examen du caractère vérifiable des éléments ainsi requis constitue un contrôle distinct de la vérification de leur bien-fondé de sorte que la requérante ne saurait valablement alléguer une contradiction entre le point 109 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a indiqué que la Commission n’est pas tenue d’examiner au fond, à ce stade de la procédure, les éléments devant être fournis par le demandeur en vertu de l’annexe I du règlement REACH, et le point 112 de ce même arrêt, qui a précisé que les documents devant être fournis en vertu de l’article 62, paragraphe 4, de ce règlement, doivent être vérifiables.

97      De surcroît, il importe de préciser que, même si le contrôle qui incombe à la Commission en vertu de l’article 60, paragraphe 7, du règlement REACH, lu en combinaison avec l’article 62 de ce règlement, ne doit, certes, pas être superficiel et exige de cette institution qu’elle vérifie à tout le moins la présence des informations et des documents exigés par ce règlement, un examen tel que celui envisagé par la requérante en ce qui concerne le respect des exigences de l’annexe I du règlement REACH conduirait la Commission à se prononcer également sur la qualité des données transmises, et à anticiper l’analyse au fond qui doit être menée ultérieurement par l’institution pour déterminer si les conditions à laquelle une autorisation est subordonnée sont réunies.

98      Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

99      Par son cinquième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 131 à 138 de l’arrêt attaqué, que l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH permet à la Commission de se prononcer sur la mise en balance des risques et des avantages sans que les informations sur les risques remplissent les exigences de l’annexe I de ce règlement.

100    Elle soutient, également, que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, aux points 135 et 136 de l’arrêt attaqué, le règlement REACH impose que l’évaluation de l’exposition au risque concerne spécifiquement l’utilisation de la substance pour laquelle une autorisation est demandée et soit représentative de cette utilisation.

101    Elle ajoute que l’article 62, paragraphe 4, sous d), du règlement REACH exige un rapport sur la sécurité chimique conforme à l’annexe I de ce règlement quelle que soit la base juridique invoquée pour octroyer l’autorisation.

102    Elle se réfère, également, à l’article 60, paragraphe 10, du règlement REACH, qui exige que le titulaire de l’autorisation veille à ce que l’exposition soit réduite à un niveau aussi faible qu’il est techniquement et pratiquement possible, que l’autorisation soit accordée au titre du paragraphe 2 ou du paragraphe 4 de l’article 60 de ce règlement.

103    Dans le cadre de son mémoire en réplique, la requérante ajoute que, en tout état de cause, les points 130 et 131 de l’arrêt attaqué ne confirment pas de manière explicite que le rapport sur la sécurité chimique doit être au moins aussi complet et précis, aux fins d’une application de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, que pour l’application de l’article 60, paragraphe 2, de celui-ci, et elle demande à la Cour de préciser que tel doit être le cas.

104    Elle fait également valoir que, contrairement à ce que soutient la Commission, elle n’a pas confondu l’analyse qualitative effectuée par le CASE et l’évaluation des risques mentionnée à l’annexe I du règlement REACH, mais elle considère, cependant, qu’il existe un lien entre l’analyse socio-économique du risque, incluant des données qualitatives, et l’évaluation sous-jacente du risque effectuée par le demandeur en vertu de cette annexe I, qui ne peut inclure des données qualitatives que dans un nombre limité de circonstances. Elle fait valoir que les éléments de preuve produits par les demanderesses à l’autorisation présentaient de graves lacunes de sorte qu’il était impossible d’évaluer correctement le risque en lui-même et de le mettre correctement en balance avec d’autres facteurs dans le cadre de l’analyse socio-économique.

105    La Commission soutient que le cinquième moyen ne saurait prospérer.

106    L’ECHA soutient les arguments de la Commission.

 Appréciation de la Cour

107    Il importe, à titre liminaire, de rappeler que, aux termes de l’article 60, paragraphe 7, du règlement REACH, une autorisation n’est octroyée que si la demande est introduite conformément aux prescriptions de l’article 62 de ce règlement, article qui vise, à son paragraphe 4, sous d), un rapport sur la sécurité chimique, établi conformément à l’annexe I dudit règlement couvrant les risques qu’entraîne pour la santé humaine et l’environnement l’utilisation de la ou des substances en raison des propriétés intrinsèques visées à l’annexe XIV du règlement REACH.

108    Par ailleurs, l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH s’applique de manière subsidiaire au regard de l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement, lorsqu’une autorisation ne peut être octroyée en application de cette dernière disposition.

109    Il résulte du libellé et de l’économie de ces différentes dispositions qu’une autorisation ne peut être octroyée au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH que si le demandeur a produit un rapport sur la sécurité chimique établi conformément à l’annexe I de ce règlement.

110    Or, il ne résulte pas des points de l’arrêt attaqué visés par la requérante dans son cinquième moyen que le Tribunal aurait jugé différemment.

111    En outre, il ne résulte pas non plus de l’arrêt attaqué que le Tribunal a jugé que le rapport sur la sécurité chimique fourni par les demanderesses à l’autorisation n’était pas conforme aux exigences de l’annexe I du règlement REACH.

112    À cet égard, au point 112 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a d’ailleurs relevé, d’une part, qu’il était constant entre les parties que, en ce qui concerne ce rapport, les demanderesses à l’autorisation s’étaient conformées aux exigences de l’annexe I du règlement REACH et, d’autre part, que la requérante n’avait pas non plus apporté d’éléments de preuve dans sa demande de réexamen de 2016 justifiant une analyse différente.

113    Il convient, également, de préciser que, si le Tribunal a indiqué, au point 131 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’incertitudes ou de déficiences dans ce rapport pouvait soulever la question de savoir si, sur le fondement des éléments factuels et de preuves dont la Commission dispose, l’autorisation était susceptible d’être octroyée en application de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, il s’agit d’une question distincte de celle qui fait l’objet du présent moyen.

114    Il s’ensuit que le cinquième moyen est non fondé et qu’il doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen

 Argumentation des parties

115    Par son sixième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 216 à 224 de l’arrêt attaqué, que seules les données ayant trait aux propriétés intrinsèques d’une substance qui ont été incluses dans l’annexe XIV du règlement REACH sont pertinentes pour l’évaluation des risques prévue à l’article 60, paragraphe 4, de celui-ci, et non des informations sur les propriétés intrinsèques qui ont fait l’objet d’une inclusion dans la liste des substances candidates prévue à l’article 59, paragraphe 1, du règlement REACH, mais ne sont pas mentionnées à cette annexe.

116    Elle estime ainsi que la Commission aurait dû prendre en compte les informations relatives aux propriétés du DEHP comme perturbateur endocrinien qui ont conduit l’ECHA à identifier, au mois de décembre 2014, le DEHP comme étant une substance extrêmement préoccupante, au sens de l’article 57, sous f), du règlement REACH.

117    Elle fait valoir que le Tribunal s’est, à tort, seulement fondé sur une interprétation littérale de l’article 60, paragraphe 2, et de l’article 62, paragraphe 4, du règlement REACH, sans prendre en compte le contexte ni l’objet poursuivi par le législateur de l’Union.

118    Elle souligne, en outre, que le Tribunal a indiqué, d’une part, au point 216 de l’arrêt attaqué, que la Commission est tenue d’examiner d’office la totalité des informations pertinentes dont elle dispose à la date de l’adoption de sa décision, sans que l’évaluation des risques soit limitée à l’examen des informations fournies dans la demande d’autorisation, et, d’autre part, au point 217 de cet arrêt, qu’il ne ressort pas directement du libellé de l’article 60, paragraphe 4, première phrase, du règlement REACH, que l’évaluation doit reposer uniquement sur des informations concernant les propriétés intrinsèques de la substance examinée, telles que mentionnées à l’annexe XIV de ce règlement.

119    Elle fait également valoir que l’annexe XVI de ce règlement ne limite pas la portée des « avantages pour la santé humaine et l’environnement » pertinents pour la réalisation d’une analyse socio-économique.

120    De plus, le Tribunal n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH ne se réfère pas aux seules propriétés mentionnées à l’annexe XIV de ce règlement, à la différence du libellé de l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement et de l’article 62, paragraphe 4, sous d), de celui-ci.

121    Dans son mémoire en réplique, la requérante fait valoir que, dans l’arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2019:52), cité par la Commission dans son mémoire en réponse, la Cour n’a pas statué sur les obligations de la Commission lors de son évaluation d’une demande d’autorisation.

122    La Commission soutient que le sixième moyen ne peut prospérer.

123    L’ECHA soutient les arguments de la Commission.

 Appréciation de la Cour

124    Il importe de constater que, si les points 216 à 223 de l’arrêt attaqué visés par la requérante dans son sixième moyen sont présentés par le Tribunal, au point 216 de l’arrêt attaqué, comme ayant été examinés « à titre subsidiaire », le sixième moyen ne présente pas, toutefois, un caractère inopérant dès lors que ces points comportent, en réalité, une analyse complémentaire et non subsidiaire à celle indiquée aux points 211 à 215 de cet arrêt.

125    En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, il n’apparaît pas que la Cour se soit prononcée sur la question soulevée dans le cadre du sixième moyen dans l’arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2019:52).

126    Pour autant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 217 à 220 de l’arrêt attaqué, que, même s’il ne ressort pas directement du libellé de l’article 60, paragraphe 4, première phrase, du règlement REACH, que l’évaluation des risques que la Commission doit effectuer sur ce fondement doit seulement reposer sur des informations concernant les propriétés intrinsèques de la substance examinée, telles que mentionnées à l’annexe XIV de ce règlement, les termes de l’article 60, paragraphe 2, et de l’article 62, paragraphe 4, sous d), dudit règlement, qui se réfèrent explicitement aux propriétés intrinsèques visées à l’annexe XIV du même règlement, permettent de conclure que tel doit être le cas.

127    Le Tribunal a, dès lors, estimé à juste titre, aux points 221 à 223 de l’arrêt attaqué, que les éventuelles informations sur les propriétés intrinsèques d’une substance qui ont fait l’objet d’une inclusion dans la liste des substances candidates prévues à l’article 59, paragraphe 1, du règlement REACH, mais n’ont pas été incluses dans l’annexe XIV de ce règlement ne doivent pas être prises en compte lors de cette évaluation, compte tenu, d’une part, de ce qu’il s’agit non seulement de deux phases différentes de la procédure d’autorisation prévue par ce règlement et, d’autre part, de ce que la simple inclusion de certaines propriétés intrinsèques d’une substance dans la liste des substances candidates ne conduit pas nécessairement ou automatiquement à leur inclusion dans l’annexe XIV dudit règlement.

128    En outre, il ne ressort ni du libellé ni de l’économie de l’annexe XVI du règlement REACH, relative aux éléments que peut comporter une analyse socio-économique, qu’une interprétation différente devrait être retenue.

129    Il s’ensuit que le sixième moyen est non fondé et doit être rejeté.

 Sur le septième moyen

 Argumentation des parties

130    Par son septième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a violé le principe de précaution aux points 284 à 295 de l’arrêt attaqué.

131    Elle fait valoir que le Tribunal a mal interprété son moyen et qu’elle soutenait non pas que ce principe obligeait la Commission à refuser l’autorisation dans le cas où les conditions de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH étaient remplies, mais qu’il devait guider l’appréciation de l’institution lors de l’application de cette disposition.

132    Selon elle, dans le cas où, comme en l’espèce, des incertitudes empêchaient une évaluation suffisante du risque, la Commission était tenue de considérer que le demandeur à l’autorisation, au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, ne s’était pas acquitté de la charge de prouver que les conditions nécessaires pour obtenir cette autorisation étaient remplies.

133    La requérante soutient également que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, le principe de précaution ne se limite pas à conférer aux autorités publiques le pouvoir d’adopter une mesure déterminée, mais il s’impose dans leur action, ainsi qu’il résulte, notamment, des arrêts du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission (T‑475/07, EU:T:2011:445, point 144), ainsi que du 25 juillet 2018, Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, (EU:C:2018:583, point 50).

134    Le Tribunal aurait, par conséquent, commis une erreur de droit en considérant que l’évaluation socio-économique prévue à l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH avait « libéré » la Commission de son obligation d’appliquer le principe de précaution lors de la mise en œuvre de cette disposition.

135    La Commission fait valoir que le septième moyen est non fondé.

136    L’ECHA soutient les arguments de la Commission.

 Appréciation de la Cour

137    Contrairement à ce qui est allégué par la requérante, il ne ressort pas des points de l’arrêt attaqué visés dans le cadre de son septième moyen que la Commission ne serait pas tenue d’appliquer le principe de précaution lorsqu’elle doit examiner une demande d’autorisation au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH.

138    En effet, le Tribunal a rappelé, en substance, au point 292 de cet arrêt, que l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH constitue l’expression de la nécessaire prise en compte de ce principe et du principe de proportionnalité dans le cas où l’une des conditions prévues à l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement n’est pas remplie, en l’occurrence, celle concernant la preuve de la maîtrise du risque que présente pour la santé humaine ou pour l’environnement l’utilisation de la substance en cause.

139    En outre, il ne saurait être valablement soutenu que le principe de précaution s’oppose à ce qu’une autorisation soit accordée en vertu de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, sur le seul motif de l’absence de preuve de la maîtrise du risque, sauf à remettre en cause la validité de cette disposition qui permet l’octroi d’une autorisation dans une telle hypothèse.

140    Or, la requérante conteste non pas la validité de cette disposition, mais la manière dont elle doit être appliquée.

141    Compte tenu de ce qui précède, le septième moyen ne saurait, dès lors, prospérer.

142    Par conséquent, l’ensemble des moyens ayant été écartés, il convient de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

143    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

144    L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

145    La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

146    L’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, prévoit que lorsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supportera ses propres dépens.

147    Conformément à ces dispositions, il convient de condamner l’ECHA, partie intervenante en première instance, à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      ClientEarth est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission européenne.

3)      L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.