Language of document : ECLI:EU:T:2006:298

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

10 octobre 2006 (*)

« Fonctionnaires – Rapport d’évolution de carrière – Période d’évaluation 2001/2002 – Articles 26 et 43 du statut – Droits de la défense – Annulation »

Dans l’affaire T‑182/04,

Daniel Van der Spree, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et E. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Berscheid et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 25 juin 2003 portant établissement définitif du rapport d’évolution de carrière du requérant pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 février 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 26 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), prévoit ce qui suit :

« Le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir :

a)       toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ;

b)      les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces.

Toute pièce doit être enregistrée, numérotée et classée sans discontinuité ; l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées [sous] a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement […]

Il ne peut être ouvert qu’un dossier pour chaque fonctionnaire […] »

2        Aux termes de l’article 43 du statut :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire […] font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

3        Par décision du 26 avril 2002, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE »), la Commission a introduit un nouveau système d’évaluation applicable au personnel de la Commission.

4        L’article 1er, paragraphe 1, des DGE, intitulé « Champ d’application », dispose :

« Conformément à l’article 43 du statut […], un rapport périodique, appelé rapport d’évolution de carrière, est établi chaque année en ce qui concerne les compétences, le rendement et la conduite dans le service pour chaque membre du personnel permanent […] »

5        Selon l’article 4, paragraphe 1, des DGE, intitulé « Périodicité » :

« La première période d’évaluation marquera la transition entre le système de notation précédent et le nouveau système. Elle s’étendra du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002. Par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, l’évaluation du rendement du fonctionnaire pendant cette période sera effectuée, à la clôture de la période de référence pour l’évaluation, nonobstant l’absence d’une fixation préalable des objectifs. »

6        Quant au déroulement de la procédure d’évaluation, les articles 7 et 8 des DGE disposent que, à la suite d’une « autoévaluation » rédigée par le fonctionnaire noté et d’un entretien entre ce dernier et l’évaluateur, le rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC ») est établi par l’évaluateur et le validateur. Le fonctionnaire noté a alors le droit de demander un entretien avec le validateur, qui dispose de la faculté soit de modifier, soit de confirmer le REC. Ensuite, le fonctionnaire noté peut demander au validateur de saisir le comité paritaire d’évaluation (ci-après le « CPE »), prévu à l’article 8 des DGE, dont le rôle consiste à vérifier si le REC a été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles. Le CPE émet un avis motivé sur la base duquel l’évaluateur d’appel soit modifie, soit confirme le REC ; si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans cet avis, il est tenu de motiver sa décision.

7        Par communication administrative en date du 3 décembre 2002, publiée aux Informations administratives n° 99‑2002 sous l’intitulé « Exercice d’évaluation du personnel […] 2001‑2002 (transition) » (ci-après le « guide de transition »), la Commission a exposé les mesures spécifiques applicables à la période de transition, destinée à faire le lien entre l’ancien système de notation et le nouveau système d’évaluation tel que défini à l’article 4 des DGE.

8        Sous l’intitulé « Qui est l’évaluateur ? Qui est le validateur ? », le guide de transition prévoit ce qui suit :

« Pour [la période] de transition (2001‑2002), l’évaluateur est le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire en place au 31 [décembre] 2002. Le validateur est le supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur en place au 31 [décembre] 2002.

[…]

Lorsque le fonctionnaire a eu plusieurs supérieurs hiérarchiques directs durant la période de référence, l’évaluateur et le validateur sont toujours ceux en place au 31 [décembre] 2002. Ce sont eux qui donnent la note globale (sur [20]) au fonctionnaire concerné.

Toutefois, l’évaluateur est tenu de consulter ses prédécesseurs. Cette obligation [vise] tous les fonctionnaires qui ont [occupé la fonction de] supérieur hiérarchique direct de l’intéressé durant au moins trois mois pendant la période de référence. Cette consultation permet à l’évaluateur de se forger une idée des prestations, rendement, compétences et conduite du fonctionnaire durant les mois où il n’aura pas travaillé sous sa direction. L’évaluateur et le validateur tiendront compte des avis des précédents supérieurs hiérarchiques, mais les supérieurs hiérarchiques précédents n’ont pas le pouvoir de donner des points […] »

 Antécédents du litige

9        En 1989, le requérant est entré au service de la Commission en tant qu’agent temporaire. À cette occasion, il a été classé au grade A 5. Par décision du 6 juillet 1992, il a été nommé fonctionnaire, s’est vu attribuer le grade A 3 et les fonctions de chef de l’unité « Audit interne » de la direction générale (DG) « Contrôle financier » de la Commission. Par décision du 9 décembre 1993, il a ensuite été titularisé dans ses grade et emploi.

10      Par lettre du directeur général de la DG « Contrôle financier » du 7 septembre 2000, le requérant a été informé de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de l’y affecter, avec effet au 13 juillet 2000, en tant que conseiller ad personam.

11      Par décision du 10 octobre 2000, la Commission a décidé d’octroyer au requérant, pour la période allant du 1er février au 12 juillet 2000, le bénéfice de l’intérim pour l’emploi resté vacant de directeur de la direction « Audit et contrôle des dépenses de fonctionnement et des politiques internes » de la DG « Contrôle financier ».

12      Par décision du 1er février 2001, le requérant a été affecté au poste de chef de l’unité « Politiques extérieures » de la direction « Contrôle financier ex ante » de la DG « Contrôle financier ».

13      Le rapport de notation du requérant pour la période 1995/1997 contenait, au titre des appréciations analytiques, trois « exceptionnel », cinq « supérieur » et deux « normal ». Les appréciations analytiques étaient corroborées par les appréciations d’ordre général. Ce rapport a été reconduit pour la période 1997/1999. Le rapport de notation pour la période 1999/2001 contenait également, au titre des appréciations analytiques, trois « exceptionnel », cinq « supérieur » et deux « normal », qui étaient corroborées par les appréciations d’ordre général.

14      Le 12 mars 2003, M. A., qui avait été le supérieur hiérarchique direct du requérant pour la période allant du 1er juillet au 15 novembre 2001, a répondu à M. H., alors directeur de la direction « Contrôle financier ex ante » de la DG « Contrôle financier » et évaluateur du requérant (ci-après l’« évaluateur »), qui l’avait consulté en cette dernière qualité.

15      Le 15 avril 2003, le requérant a eu un entretien avec l’évaluateur au titre de la période d’évaluation allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 (ci-après la « période de référence »).

16      Le 16 avril 2003, l’évaluateur a établi le REC du requérant pour la période de référence (ci-après le « REC 2001/2002 »).

17      Le 25 avril 2003, Mme K., directeur général de la DG « Contrôle financier » et validateur du requérant (ci-après le « validateur »), a signé le REC 2001/2002 établi par l’évaluateur.

18      Le rapport a abouti à une notation globale de 14 points sur un maximum théorique de 20, lesquels étaient répartis comme suit : 6/10 (bien) pour le « [r]endement », 4/6 (bien) pour les « [a]ptitudes (compétences) » et 4/4 (très bien) pour la « [c]onduite dans le service ».

19      Le 30 avril 2003, le requérant a demandé un entretien avec le validateur concernant le REC 2001/2002. Exposant les motifs de sa demande, il a fait valoir qu’il n’avait pas eu connaissance du résultat de l’évaluation avant sa validation par le validateur et que les appréciations de l’évaluateur ne correspondaient pas aux termes de l’entretien du 15 avril 2003.

20      Le 16 mai 2003, après avoir eu un entretien avec le requérant, le validateur a ajouté un commentaire sous la rubrique « Rendement », indiquant que l’évaluateur avait tenu compte des principaux points soulevés par le requérant. Il a ensuite signé le REC 2001/2002.

21      Le 23 mai 2003, le requérant a demandé la saisine du CPE au sujet du REC 2001/2002.

22      Le 12 juin 2003, le CPE a émis son avis. Il y indiquait que les délais de procédure n’avaient pas été respectés par les notateurs et que le REC 2001/2002 ne contenait pas de trace de la consultation du précédent supérieur hiérarchique du requérant. Il relevait, en outre, un manque de cohérence entre les commentaires descriptifs et les choix des niveaux d’appréciation exprimés en points pour les rubriques « Rendement » et « Aptitudes (compétences) » ainsi qu’une baisse significative de la « performance » du requérant au regard du dernier rapport dont il avait fait l’objet, sans que cela fût justifié dans le REC 2001/2002 et bien que des circonstances difficiles aient caractérisé la période précédente. Au terme de son examen, le CPE recommandait à l’évaluateur d’appel de rectifier les niveaux d’appréciation exprimés en points et de les aligner sur les commentaires descriptifs.

23      À la suite de l’avis du CPE, M. O., secrétaire général de la Commission et évaluateur d’appel du requérant (ci-après l’« évaluateur d’appel »), a consulté les supérieurs hiérarchiques du requérant et a finalement confirmé sans amendement, par décision du 25 juin 2003, le REC 2001/2002, au motif que les niveaux d’appréciation exprimés en points correspondaient aux commentaires descriptifs.

24      Le 24 septembre 2003, le requérant a introduit une réclamation devant l’AIPN, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 25 juin 2003 de l’évaluateur d’appel portant établissement définitif du REC 2001/2002 (ci-après la « décision attaquée »).

25      Le 2 février 2004, l’AIPN a adopté une décision explicite portant rejet de la réclamation du requérant, laquelle a été communiquée à ce dernier le 6 février 2004.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2004, le requérant a introduit le présent recours.

27      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. En outre, il a été décidé de demander à la Commission de produire certains documents. Ces derniers ont été déposés dans le délai imparti.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience publique du 8 février 2006.

29      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

31      À l’appui de son recours en annulation, le requérant avance, en substance, un ensemble de moyens tirés, en premier lieu, de la violation des articles 26 et 43 du statut ainsi que des dispositions du guide de transition, en deuxième lieu, de la violation du principe du respect des droits de la défense, en troisième lieu, de la violation de l’obligation de motivation, en quatrième et dernier lieu, de l’incohérence entre les commentaires et les notes attribuées et de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

32      Compte tenu de leurs rapports étroits, le Tribunal estime opportun d’examiner tout d’abord le moyen tiré de la violation des articles 26 et 43 du statut ainsi que des dispositions du guide de transition et le moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense.

 Sur le moyen tiré de la violation des articles 26 et 43 du statut ainsi que des dispositions du guide de transition

 Arguments des parties

33      Le requérant estime que la décision attaquée est illégale et doit être annulée dans la mesure où le REC 2001/2002 a été adopté en violation des dispositions des articles 26 et 43 du statut. Il reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir retranscrit l’avis résultant de la consultation de son précédent supérieur hiérarchique (ci-après l’« avis litigieux ») dans le formulaire électronique du système informatique SysPer 2, de ne pas avoir déposé l’original, établi sur papier, de l’avis litigieux dans son dossier personnel et de ne pas lui en avoir adressé copie.

34      Le requérant expose, à cet égard, que la consultation des précédents supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire évalué est une formalité substantielle dans le cadre de l’établissement du REC. Lors de l’audience, il a précisé que le caractère substantiel de cette formalité avait été confirmé par l’arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Merladet/Commission (T‑198/04, non encore publié au Recueil), sans toutefois se prévaloir, dans la présente affaire, de ce que son précédent supérieur hiérarchique aurait dû lui attribuer des points pour la partie de la période de référence durant laquelle il avait été son supérieur.

35      Il soutient que, selon l’exposé des motifs ayant présidé à l’adoption du nouveau système d’évaluation, l’objet du REC est d’apprécier et d’évaluer les mérites du fonctionnaire évalué au cours d’une certaine période par rapport aux autres fonctionnaires de sa direction de même grade que lui. Outre l’importance des points de mérite attribués dans le REC pour toute promotion, l’établissement du REC permettrait ainsi de déterminer tant les besoins du fonctionnaire évalué, en termes d’évolution de carrière, que les besoins de la Commission, en termes de gestion du personnel. L’association de tous les supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire évalué aux différents stades d’élaboration du REC répondrait à cette double fonction, d’une part, en garantissant que le contenu du rapport est établi par les différents intervenants et tient compte de tous les éléments importants pour apprécier les mérites du fonctionnaire évalué pendant la période de référence et, d’autre part, en permettant à l’autorité hiérarchique d’être pleinement informée des besoins d’un service donné ou d’éventuels problèmes ou conflits existant au sein des services durant cette même période. Dans un souci de transparence, le résultat de la consultation des précédents supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire évalué devrait être communiqué à ce dernier, pour qu’il puisse donner son avis sur une information qui sera prise en compte par ses évaluateur et validateur au moment de l’attribution de ses points de mérite.

36      Comme le requérant l’a précisé lors de l’audience, il ne conteste pas, en l’espèce, que la consultation de son ancien supérieur hiérarchique a eu lieu. Il prétend seulement qu’il n’a pas été informé, en temps utile, de cette consultation et qu’il n’a pas reçu copie de l’avis correspondant. Plus spécifiquement, il fait valoir que cet avis n’a pas été retranscrit dans le formulaire électronique du système informatique SysPer 2 et n’a pas été classé dans son dossier personnel, comme le requiert pourtant le guide de transition.

37      Enfin, le requérant fait valoir que, en l’absence de retranscription dans le formulaire électronique et en l’absence de classement dans son dossier personnel de l’avis résultant de la consultation de son précédent supérieur hiérarchique, le contenu du REC 2001/2002 est nécessairement « différent » de ce qu’il aurait dû être, notamment en ce qui concerne les commentaires descriptifs qu’il conteste par ailleurs.

38      La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé, au motif que le grief soulevé par le requérant se limite à un oubli purement technique, sans aucune conséquence sur le résultat de l’évaluation.

39      La Commission déclare prendre acte que le requérant fait uniquement grief à la décision attaquée d’avoir violé les articles 26 et 43 du statut ainsi que les dispositions du guide de transition en ce que le REC 2001/2002 y est confirmé sans que le requérant ait été informé du contenu de l’avis litigieux et, plus précisément, sans qu’il ait reçu copie de celui-ci en temps utile.

40      La Commission admet que l’avis du précédent supérieur hiérarchique n’a pas été retranscrit dans le formulaire électronique, contrairement à ce que prévoit le guide de transition. Elle souligne que, lors de l’évaluation concernée, le système informatique SysPer 2 ne permettait pas encore d’annexer les avis de consultation au REC et que c’est l’expérience acquise entretemps qui a permis d’améliorer le système à cet égard. Il résulterait cependant d’une jurisprudence constante, consacrée par l’arrêt du Tribunal du 9 mars 1999, Hubert/Commission (T‑212/97, RecFP p. I‑A‑41 et II‑185, point 53), que la violation d’une obligation concernant la procédure d’évaluation ne constituerait une irrégularité substantielle de nature à entacher la validité du REC que si, en l’absence d’une telle irrégularité, le REC aurait pu avoir un contenu différent. En l’espèce, le requérant n’aurait pas soutenu ni, a fortiori, démontré que le REC 2001/2002 aurait pu avoir un contenu différent si la formalité omise avait été respectée.

41      La Commission estime, au surplus, que cette défaillance n’a eu aucune influence sur le résultat définitif de l’évaluation, puisque ledit avis a été pris en considération par l’évaluateur d’appel, comme cela ressortirait de la décision attaquée. De même, les éléments mis en lumière par le précédent supérieur hiérarchique du requérant auraient été repris, parfois en termes quasi identiques, dans les commentaires descriptifs de l’évaluateur qui figurent aux points 6.1 et 6.2 du REC 2001/2002. En outre, l’évaluateur aurait verbalement informé le requérant, certes d’une manière non littérale, mais néanmoins fidèle et proche, du contenu de l’avis du précédent supérieur hiérarchique.

 Appréciation du Tribunal

42      Il convient, en premier lieu, de rappeler que l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut prévoit, notamment, que le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir toutes les pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement, lesquels doivent être enregistrés, numérotés et classés sans discontinuité, ainsi que les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces. L’institution doit communiquer lesdites pièces au fonctionnaire avant leur classement, sauf à ne pouvoir, par la suite, les lui opposer, ni alléguer celles-ci contre lui.

43      Le terme « pièce », au sens de l’article 26 du statut, doit recevoir une définition large et englober tout document qui trouve sa source dans l’application d’une disposition statutaire, quelle que soit l’autorité dont il émane, dès lors qu’il peut intéresser et, le cas échéant, affecter la situation administrative et la carrière de l’intéressé.

44      S’agissant, en second lieu, du guide de transition, il convient de préciser que celui-ci a valeur de directive interne et s’impose à la Commission dès lors qu’elle n’a pas manifesté clairement son intention de s’en écarter par une décision motivée et circonstanciée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148/73, Rec. p. 81, et du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec. p. 3981). Or, ce guide prévoit expressément l’obligation pour l’évaluateur de consulter ses prédécesseurs, à savoir tous les fonctionnaires qui ont occupé la fonction de supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire intéressé durant au moins trois mois pendant la période de référence, et de retranscrire le résultat de ces consultations dans le formulaire électronique avec mention de date et d’auteur, dans une section (boîte) créée à cet effet. Les fonctionnaires intéressés, qui plus est, doivent recevoir copie de l’original établi sur papier des avis de consultation, ce dernier étant lui-même déposé dans leur dossier personnel. Enfin, le guide de transition précise que l’évaluateur et le validateur doivent tenir compte des avis résultant de la consultation des précédents supérieurs hiérarchiques dans le cadre de leur évaluation.

45      Il s’ensuit que, en l’espèce, il y a lieu d’apprécier la validité de la procédure d’évaluation ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée par rapport aux dispositions du guide de transition qui prévoient une obligation de consultation du supérieur hiérarchique précédent, tout en tenant compte de l’importance qu’il convient d’accorder à la prise en compte effective par les évaluateurs d’une telle consultation.

46      Il résulte en outre des dispositions précitées du guide de transition que les avis résultant de la consultation des précédents supérieurs hiérarchiques doivent être consignés dans un écrit. En l’espèce, il ressort du dossier que l’avis litigieux a effectivement été transcrit dans une lettre du 12 mars 2003 adressée à l’évaluateur. En vertu des dispositions précitées du guide de transition, cet avis devait être pris en compte par l’évaluateur et le validateur aux fins d’établir le REC 2001/2002 et il constituait, dès lors, un document intéressant le requérant et de nature à affecter sa situation administrative et sa carrière. Dans les circonstances particulières de l’espèce, l’avis litigieux doit donc être qualifié de « pièce » au sens de l’article 26 du statut. À ce titre, il était couvert par les obligations de classement et de communication mentionnées au point 42 ci-dessus, dont le guide de transition procède, au demeurant, à la réitération.

47      La Commission ne conteste pas que l’avis litigieux n’a pas été retranscrit dans le formulaire électronique. En outre, elle a implicitement admis dans ses écritures qu’aucune copie de cet avis n’avait été adressée au requérant. Enfin, la consultation du dossier individuel du requérant a permis au Tribunal de constater que l’avis litigieux n’y avait été versé, de même que le REC 2001/2002, que le 24 septembre 2003, et ce sous forme d’annexes à la réclamation introduite par le requérant contre la décision attaquée. Ainsi, l’avis litigieux ne figurait pas au dossier individuel du requérant le 25 juin 2003, jour où la décision attaquée a été adoptée.

48      Quant aux allégations de la Commission selon lesquelles l’évaluateur a verbalement informé le requérant du contenu de l’avis litigieux, elles ne sont étayées par aucune preuve, ni corroborées par aucun autre élément du dossier. Celles-ci ne sont donc pas de nature à démontrer que le contenu de l’avis litigieux a été communiqué au requérant préalablement à l’adoption de la décision attaquée.

49      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les formalités applicables en l’espèce à l’avis litigieux en vertu des dispositions du guide de transition et de l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut n’ont pas été respectées, de sorte que lesdites dispositions ont été violées par la Commission.

50      Afin de déterminer si une telle violation suffit à entacher la validité de la décision attaquée et à justifier son annulation, il importe de revenir à la fonction même des formalités qui ont, en l’espèce, été omises.

51      Il est de jurisprudence constante que l’article 26 du statut a pour objectif d’assurer le respect des droits de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l’AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des éléments concernant son comportement non mentionnés dans son dossier individuel. Une décision fondée sur de tels éléments est contraire aux garanties du statut et doit être annulée comme étant intervenue à la suite d’une procédure entachée d’illégalité (arrêts du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T‑82/89, Rec. p. II‑735 ; du 8 juin 1995, Allo/Commission, T‑496/93, RecFP p. I‑A‑127 et II‑405, point 75 ; du 21 octobre 1997, Patronis/Conseil, T‑168/96, RecFP p. I‑A‑299 et II‑833, et du 20 septembre 2001, Recalde Langarica/Commission, T‑344/99, RecFP p. I‑A‑183 et II‑833).

52      S’agissant du point de savoir si ces garanties sont applicables en matière de procédures d’évaluation, il convient de relever que la décision qui rend définitif un REC constitue un acte faisant grief, que le fonctionnaire évalué est en droit de contester lorsqu’il estime, comme en l’espèce, que cette décision est entachée d’illégalité en raison de la présence d’appréciations défavorables injustifiées dans le REC. Une telle décision peut affecter la situation administrative et la carrière du fonctionnaire concerné, dans la mesure où elle est susceptible d’exercer une influence négative sur ses perspectives d’avenir professionnel. En effet, de même que précédemment le rapport de notation, le REC affecte la carrière du fonctionnaire en ce qu’il constitue un élément d’appréciation indispensable chaque fois que ladite carrière est prise en considération par le pouvoir hiérarchique (arrêt du Tribunal du 5 octobre 2000, Rappe/Commission, T‑202/99, RecFP p. I‑A‑201 et II‑911, point 38).

53      Il importe enfin de souligner que les dispositions du guide de transition citées, en substance, au point 44 ci-dessus ont également une finalité protectrice des droits de la défense du fonctionnaire concerné, dans la mesure où elles visent à permettre à ce dernier de prendre connaissance du jugement porté par ses précédents supérieurs hiérarchiques sur ses prestations durant les mois où il a travaillé sous leur direction et, par là même, le cas échéant, d’être en mesure d’en contester utilement le bien-fondé au cours de la procédure d’évaluation. Par conséquent, la jurisprudence citée au point 51 ci-dessus leur est applicable, par analogie.

54      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le non-respect des formalités requises par le guide de transition et l’article 26 du statut, s’agissant de l’avis litigieux, n’est constitutif d’une irrégularité substantielle, de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, que s’il est établi qu’il a été effectivement porté atteinte au respect des droits de la défense du requérant, tels que garantis par le statut et le guide de transition, dans le cadre de la procédure d’évaluation litigieuse.

55      En l’espèce, le requérant estime que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que le REC 2001/2002, qui en est partie intégrante, contient des évaluations défavorables qui résultent d’une appréciation manifestement erronée des faits de l’espèce. Il fait également valoir que, dans le cas où les appréciations du rapport ne concordent pas avec les commentaires du précédent supérieur hiérarchique, le contenu du rapport est nécessairement « différent » selon que les formalités requises sont ou non accomplies. Or, le requérant estime que l’appréciation de son précédent supérieur hiérarchique dans l’avis litigieux « était fort élogieuse », contrairement à certaines appréciations contenues dans le REC 2001/2002. Lors de l’audience, il a précisé que, faute de communication de l’avis litigieux, il a été privé de la possibilité de faire valoir ses observations à ce sujet et de la possibilité de s’appuyer matériellement sur ledit avis dans le cadre de sa saisine du CPE puis, par la suite, de l’évaluateur d’appel.

56      Il ressort de ce qui précède que le requérant se prévaut en l’occurrence de l’absence de communication d’un document qui aurait pu être utile à sa défense et qui aurait pu, dès lors, faire aboutir la procédure d’évaluation à un résultat différent dans l’hypothèse où il aurait pu s’en prévaloir. S’agissant de l’absence de communication d’un tel document, le requérant concerné doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influencer, à son détriment, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision attaquée, dans la mesure où il aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées dans ladite décision (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 74, et arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T‑30/91, Rec. p. II‑1775, point 68).

57      En l’espèce, c’est à juste titre que le requérant invoque l’existence d’une certaine discordance entre l’avis de son précédent supérieur hiérarchique, qui ne formule que des appréciations positives à son égard au titre de la période allant du 1er juillet au 15 novembre 2001, et les appréciations figurant dans le REC 2001/2002 au titre de l’ensemble de la période de référence, l’une d’elles, relative au style de gestion « détaché » du requérant, venant contrebalancer défavorablement des appréciations, pour le reste, favorables. Au vu des griefs formulés par le requérant dans le cadre du présent recours, il y a lieu de considérer qu’il a perdu la possibilité de se prévaloir, lors de la procédure d’évaluation qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée, de la discordance existant entre l’avis litigieux et le REC 2001/2002 pour se défendre des appréciations de ses évaluateurs qu’il jugeait injustifiées. En outre, il y a lieu de constater qu’il existait une chance que la procédure d’évaluation pût aboutir à un résultat différent dans l’hypothèse où le requérant aurait pu se prévaloir de l’avis litigieux au cours de cette procédure.

58      Les considérations qui précèdent suffisent à constater, en l’espèce, l’existence d’une atteinte au principe du respect des droits de la défense, résultant de la méconnaissance des formalités applicables à l’avis litigieux en vertu des dispositions du guide de transition et de l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut.

59      En conséquence, le moyen tiré de la violation des dispositions du guide de transition ainsi que des articles 26 et 43 du statut doit être déclaré fondé.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense

 Arguments des parties

60      Le requérant soutient que la décision attaquée a été prise en violation du principe du respect des droits de la défense, dès lors qu’elle se fonde sur des éléments qui n’ont pas été portés à sa connaissance et sur lesquels il n’a pas pu s’exprimer.

61      Le requérant se réfère à des passages de la décision attaquée qui font état d’un « rapport d’audit interne », qui aurait mentionné des problèmes de gestion au sein de l’unité « Politiques extérieures » au cours de la période allant du mois de mars à la mi-novembre 2001, à des reproches qui auraient été formulés à son égard concernant cette même période ainsi qu’à des critères particuliers qui auraient servi à évaluer ses prestations en tant que chef d’unité.

62      Le requérant prétend qu’aucun de ces éléments ne lui a été communiqué.

63      La Commission se prévaut, tout d’abord, de ce que le requérant n’a pas soulevé ce moyen lors de la phase précontentieuse.

64      Ensuite, elle conteste le bien-fondé du présent moyen en estimant que, même à supposer avérés les faits dénoncés par le requérant, celui-ci a eu toute latitude pour faire clarifier les problèmes de gestion ainsi identifiés, par écrit ou lors des entretiens. En l’occurrence, il serait très improbable que le requérant n’ait pas eu de discussions avec sa hiérarchie sur les questions de gestion s’agissant d’une unité qui, précisément, durant la période de référence, a posé des problèmes particuliers à cet égard. La Commission indique, en outre, que le statut prévoit l’existence d’une phase précontentieuse, amorcée par le dépôt de la réclamation, dans le cadre de laquelle le requérant pouvait faire valoir les chefs de contestation qu’il estimait appropriés.

65      S’agissant plus spécifiquement des critères particuliers qui auraient servi à évaluer ses prestations en tant que chef d’unité, la Commission a reconnu que, pour l’évaluation portant sur la période de référence, il existait, à côté des critères d’évaluation standard détaillés dans la grille concernant la compétence et la conduite dans le service, des règles plus particulières concernant le management et intéressant les chefs d’unité. Celles-ci auraient été discutées lors de différentes réunions au niveau de la direction, tenues en avril 2002, et il aurait été exposé que ces critères feraient partie de l’évaluation desdits chefs d’unité. Cela aurait également été porté à la connaissance de tout le personnel de la direction dans une réunion plénière intervenue au mois de juillet 2002, afin que tous les fonctionnaires soient informés de ce qu’ils pouvaient attendre de leurs chefs d’unité. La Commission fait ainsi valoir que les critères étaient connus de tous les chefs d’unité et que tous étaient placés sur un pied d’égalité.

 Appréciation du Tribunal

66      S’agissant de la recevabilité du moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense, il convient de rappeler que la règle de la concordance entre la réclamation administrative au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et le recours subséquent exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge communautaire l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître d’une manière suffisamment précise les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision attaquée (arrêts de la Cour du 1er juillet 1976, Sergy/Commission, 58/75, Rec. p. 1139, point 32, et du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 9 ; arrêts du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 61, et du 14 octobre 2003, Wieme/Commission, T‑174/02, RecFP p. I‑A‑241 et II‑1165, point 18).

67      En l’espèce, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, le requérant a bien formulé à l’encontre de la décision attaquée, dès le stade de la réclamation, un chef de contestation tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense. S’agissant, d’une part, du « rapport d’audit interne », il ressort de la page 3, troisième alinéa, in fine, de la réclamation que le requérant a expressément formulé à l’encontre de la décision attaquée un grief tiré de ce que celle-ci ferait référence au contenu d’un document qui lui serait inconnu et qui serait, comme tel, dénué de toute valeur à son égard. S’agissant, d’autre part, des « objectifs de gestion » qui auraient servi, en tant que critères particuliers, pour l’évaluation des chefs d’unité, il résulte de la page 4, quatrième alinéa, de la réclamation que le requérant a fait grief à la décision attaquée, dès le stade de la procédure précontentieuse, de s’être référée à l’application de critères d’évaluation consistant en des « objectifs de gestion » à atteindre, dont il n’aurait jamais eu connaissance et dont l’existence même pourrait d’ailleurs être remise en cause.

68      Il résulte de ce qui précède que le chef de contestation contenu dans le présent moyen a bien été formulé dans la réclamation et que, même si elle n’y a pas répondu dans sa décision du 2 février 2004 portant rejet de la réclamation du requérant, la Commission était ainsi en mesure de connaître avec précision les critiques que l’intéressé formulait en ce sens à l’encontre de la décision attaquée.

69      Dès lors, la Commission n’est pas fondée à conclure à l’irrecevabilité dudit moyen pour défaut de concordance entre la réclamation administrative et le recours. Il s’ensuit que le moyen d’annulation tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense doit être déclaré recevable.

70      Quant au fond, il est de jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire. Ce principe, qui répond aux exigences d’une bonne administration, exige que la personne visée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder un tel acte (voir arrêt du Tribunal du 8 mars 2005, Vlachaki/Commission, T‑277/03, RecFP p. II‑243, point 64, et la jurisprudence citée).

71      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier en l’espèce l’argumentation du requérant.

72      S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation du requérant tirée de l’absence de reproches adressés à son endroit par le validateur au cours de la période de référence, il importe de souligner que celle-ci se réfère à un jugement de valeur figurant dans le REC 2001/2002 qui fait état de certaines limites révélées par le requérant dans la gestion quotidienne de son unité.

73      Il convient toutefois de souligner que, dès lors que le jugement de ses évaluateurs relatif à la période de référence est établi au terme d’une procédure contradictoire, le fonctionnaire intéressé ne saurait invoquer, a posteriori, l’absence de reproches formulés par ceux-ci au cours de la période de référence. Le jugement de valeur litigieux ayant fait l’objet d’un débat contradictoire lors de la procédure d’évaluation, le requérant n’est pas fondé à se prévaloir à ce sujet d’une violation du principe du respect des droits de la défense qui résulterait de l’absence de reproches formulés par ses évaluateurs pendant la période de référence. L’argumentation du requérant tirée de l’absence de reproches adressés par le validateur au cours de la période de référence doit donc être rejetée comme n’étant pas fondée.

74      S’agissant, en deuxième lieu, du défaut de communication préalable du « rapport d’audit interne », il importe tout d’abord de souligner que le requérant se réfère ainsi au passage de la décision attaquée duquel il résulte que « l’impression qu’il y avait un problème de gestion de [l’]unité [‘Politiques extérieures’] a été confirmé[e] par les observations de la structure d’audit interne ». En réponse à une demande du Tribunal, la Commission a produit le document correspondant au « rapport d’audit interne ». Celui-ci, rédigé en anglais, est intitulé « Note for the file » (« Note pour le dossier », ci-après la « note ») et son objet est décrit comme suit : « Évaluation du système de contrôle ex ante, en particulier MUS (activité n° 8 du plan de travail 2001 du service d’audit interne de la DG FC) – Analyse de l’unité EAFC 03. » La note, comportant cinq pages, émane de M. S., un conseiller de la structure d’audit interne de la DG « Contrôle financier ».

75      Il n’est pas contesté que le commentaire descriptif relatif au style de gestion souvent « détaché » du requérant dans les opérations quotidiennes a eu une incidence déterminante sur le contenu du REC 2001/2002, dans la mesure où il est venu contrebalancer défavorablement les commentaires faisant état des bons résultats opérationnels enregistrés par l’unité du requérant pendant la période de référence, et ce dans un contexte objectivement difficile. Il résulte, en outre, de la décision attaquée que l’évaluateur d’appel a tenu compte, pour confirmer sans amendement le REC 2001/2002 et s’écarter des recommandations du CPE, de « l’impression [du validateur] qu’il y avait bien un […] problème [de gestion] pendant la période où, en l’absence de directeur pour ladite unité, il avait dû s’occuper plus personnellement de celle-ci » et du fait que « [c]ette impression a[vait] été confirmée par les observations de la structure d’audit interne » contenues dans la note. Lors de l’audience, la Commission a d’ailleurs confirmé que la note avait été prise en compte par les évaluateurs dans le cadre de la procédure d’évaluation ayant abouti à la décision attaquée et qu’elle venait ainsi au soutien de ladite décision. Il résulte de ce qui précède que les observations consignées dans la note ont constitué dans le chef des évaluateurs un élément mettant en cause le rendement du requérant pendant la période de référence et qu’elles ont eu une incidence sur le contenu du REC 2001/2002.

76      Or, la consultation du dossier individuel du requérant dans le cadre de la présente procédure a permis au Tribunal de constater que la note n’y avait pas été insérée, de sorte qu’elle n’y figurait pas à la date de la décision attaquée. En outre, la Commission n’a pas allégué ni, a fortiori, démontré que la note ou son contenu auraient été communiqués au requérant préalablement à l’adoption de la décision attaquée.

77      Il résulte de ce qui précède que, si le requérant a pu mettre en cause le commentaire descriptif relatif à son style de gestion « quelque peu détaché » dans les opérations quotidiennes, et si ledit commentaire a fait l’objet d’un débat contradictoire dans le cadre de la procédure d’évaluation, ce débat a toutefois été mené sans qu’un élément jugé important par ses évaluateurs ait été porté à sa connaissance et, partant, sans qu’il ait été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur cet élément.

78      Il importe, à cet égard, de souligner que, lors de l’audience, le requérant a fait valoir, en substance, que la note ne pouvait valablement être prise en compte au titre des éléments factuels étayant l’évaluation dont il avait fait l’objet dans le REC 2001/2002, dès lors que, d’une part, elle était dépourvue de toute force probante et que, d’autre part, elle portait en tout état de cause sur une période antérieure à la période de référence.

79      Au vu des griefs soulevés par le requérant dans le cadre du présent recours, il y a lieu de considérer que ledit requérant a perdu la possibilité de contester, avant l’adoption de la décision attaquée, la teneur de la note, qui est venue conforter les appréciations initiales figurant dans le REC 2001/2002, qu’il jugeait par trop défavorables à son égard.

80      Il ressort de ce qui précède que, en adoptant la décision attaquée, qui porte établissement définitif du REC 2001/2002, la Commission a violé le principe du respect des droits de la défense.

81      Cela étant constaté, le Tribunal estime encore utile de préciser qu’il résulte de la simple lecture de la note que celle-ci n’est manifestement pas de nature à mettre en cause le rendement du requérant pendant la période de référence et, plus spécifiquement, à justifier à son égard des reproches concernant la manière dont il aurait géré au quotidien son unité pendant ladite période.

82      Outre qu’elle ne porte pas la signature de son auteur ni aucun numéro d’enregistrement officiel et que certains passages essentiels sont difficilement lisibles, ce qui suffirait, en principe, à la priver de toute force probante, force est de constater que la note est datée du 29 juin 2001 et qu’elle ne porte, par conséquent, que sur des faits antérieurs à la période de référence, laquelle n’a débuté que le 1er juillet 2001.

83      Or, l’article 4, paragraphe 1, des DGE dispose que l’évaluation doit porter strictement sur la période de référence, à savoir, dans le cas présent, la période qui s’étend du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002. Ainsi, la simple constatation que le REC 2001/2002 a été arrêté en prenant en considération des éléments se rapportant à une période antérieure à la période de référence pourrait également amener à conclure que la procédure d’évaluation est entachée d’une irrégularité de nature à justifier également l’annulation du REC en résultant (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Hubert/Commission, point 40 supra, point 95, et la jurisprudence citée).

84      À supposer que l’on fasse abstraction des considérations précédentes, il y a lieu d’observer que, interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission est restée dans l’impossibilité de démontrer que la situation antérieure à la période de référence, décrite dans la note, était directement imputable à l’exercice par le requérant de ses fonctions de chef de l’unité « Politiques extérieures ».

85      S’agissant, en troisième et dernier lieu, des critères particuliers qui auraient servi pour l’évaluation des chefs d’unité, il y a lieu de préciser que le requérant se réfère au passage de la décision attaquée duquel il résulte que « [d]es objectifs de gestion ont été [assignés] à tous les chefs d’unité par le directeur après une réunion et [qu’]il avait été clairement indiqué que ceux-ci serviraient de critères d’évaluation à la fin de l’année ». Dans ses écritures, la Commission a confirmé que, s’agissant de la période de référence, il existait, à côté des critères d’évaluation standard détaillés dans la grille concernant la compétence et la conduite dans le service, des critères particuliers concernant la gestion et intéressant les chefs d’unité.

86      Le requérant prétend qu’il n’a jamais eu connaissance de ces critères d’évaluation particuliers. Force est de constater que la Commission n’a communiqué au Tribunal ni les « objectifs de gestion » qui auraient servi, en tant que « critères particuliers », à évaluer le requérant ainsi que les autres chefs d’unité de la DG « Contrôle financier » au titre de la période de référence ni aucun élément de preuve qui attesterait que ces « objectifs de gestion » ou « critères particuliers » avaient été portés à la connaissance du requérant. Elle s’est contentée d’indiquer, dans son mémoire en duplique, que « le requérant ne tenait […] que rarement des réunions d’unité, bien que ceci [fît] partie des critères d’évaluation [particuliers] et connus de lui tout comme des autres chefs d’unité ».

87      Dans un tel contexte, les simples allégations de la Commission selon lesquelles ces critères particuliers auraient été discutés lors de différentes réunions, tenues au niveau de la direction du requérant en avril 2002, et il aurait été expliqué que ces critères feraient partie de l’évaluation des chefs d’unité, de même que ses allégations selon lesquelles cela a aussi été porté à la connaissance de tout le personnel de ladite direction durant une réunion plénière du mois de juillet 2002, ne sauraient être considérées comme une preuve suffisante que les « objectifs de gestion » qui auraient servi, en tant que « critères particuliers », pour évaluer tous les chefs d’unité au titre de la période de référence avaient été portés à la connaissance du requérant comme à celle des autres chefs d’unité.

88      À défaut pour la Commission de rapporter la preuve qui lui incombe de la communication préalable desdits critères au requérant, il y a lieu de considérer que le principe du respect des droits de la défense a été violé dans la mesure où, si le requérant a pu mettre en cause l’évaluation figurant dans le REC 2001/2002 et, en particulier, la cohérence de celle-ci avant l’adoption de la décision attaquée, et si celle-ci a fait l’objet d’un débat contradictoire dans le cadre de la procédure d’évaluation, il n’a pu le faire qu’au regard des critères d’évaluation standard détaillés dans la grille concernant la compétence et la conduite dans le service et non au regard des critères particuliers qui, selon la Commission, ont également été appliqués, de sorte que ce débat a été mené sans que des éléments essentiels aient été portés à la connaissance du requérant.

89      Dès lors, il y a lieu de conclure que le moyen d’annulation tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense doit être déclaré fondé.

90      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la décision attaquée doit être annulée pour la violation des dispositions du guide de transition et des articles 26 et 43 du statut ainsi que pour violation du principe du respect des droits de la défense. Par conséquent, il n’est plus nécessaire d’examiner les autres moyens d’annulation soulevés par le requérant.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant pleinement succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions en ce sens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 25 juin 2003 portant établissement définitif du rapport d’évolution de carrière de M. Daniel Van der Spree pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.