Language of document : ECLI:EU:C:2021:359

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

5 mai 2021 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑5/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 janvier 2021,

Deutsche Post AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Me M. Viefhues, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Pošta Slovenije d.o.o., établie à Maribor (Slovénie), représentée par Mes M. Kavčič et R. Jerovšek, odvetniki,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, MM. M. Ilešič et E. Juhász (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. P. Pikamäe, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Deutsche Post AG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 novembre 2020, Deutsche Post/EUIPO – Pošta Slovenije (Représentation d’un cor stylisé) (T‑25/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:537), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 novembre 2019 (affaire R 994/2019-1), relative à une procédure d’opposition entre Deutsche Post et Pošta Slovenije.

 Sur l’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que celui-ci soulève deux questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir exclu, aux points 45 à 47 de l’arrêt attaqué, l’existence d’un risque de confusion en considérant que l’élément figuratif représentant un cor postal de la marque antérieure possédait un caractère distinctif faible, alors que, au point 54 de l’arrêt attaqué, il a, en substance, retenu l’absence de caractère distinctif des marques en conflit, en raison du fait que le cor postal et la couleur jaune renvoient aux services de plusieurs opérateurs postaux nationaux.

8        Tout d’abord, selon la requérante, cette solution serait incompatible avec la coexistence de la procédure d’opposition et des procédures d’enregistrement ou de nullité, car un motif absolu de refus d’enregistrement, tel que l’absence de caractère distinctif d’une marque, devrait être invoqué dans le cadre d’une procédure de nullité et que, en revanche, dans une procédure d’opposition, ne pourraient être soulevés que des motifs relatifs de refus.

9        Ensuite, la requérante soutient que nier le caractère distinctif des marques en conflit serait en contradiction avec la coexistence des marques de l’Union européenne et des marques nationales, ainsi que l’a souligné la Cour dans l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314).

10      Par ailleurs, la requérante fait valoir que, conformément à l’arrêt du 5 mai 2015, Skype/OHMI – Sky et Sky IP International (SKYPE) (T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 50), pour apprécier l’existence d’un risque de confusion entre deux marques, doit être prise en compte la connaissance auprès du public pertinent de la marque antérieure, et non celle de la marque demandée. Selon la requérante, le caractère distinctif de la marque demandée doit être pris en considération dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, faute de quoi la coexistence d’une procédure d’opposition et d’une procédure en nullité postérieure à l’opposition serait ignorée.

11      Enfin, la requérante estime que cette question présente une importance pour la cohérence du droit des marques de l’Union au regard de la coexistence de procédures et de la jurisprudence issue des arrêts du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314), et du 5 mai 2015, Skype/OHMI – Sky et Sky IP International (SKYPE) (T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259).

12      En second lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, au point 54 de l’arrêt attaqué, que les deux signes en conflit s’inscrivent dans une tradition du secteur postal et que, dès lors, le public ne les associera pas à la requérante, mais plus généralement aux services de plusieurs opérateurs postaux nationaux. La requérante soutient que, en l’absence de constatation d’un usage substantiel de ces signes par des concurrents de l’ancien monopoliste concerné dans le territoire de l’ancien monopoliste, nier le caractère distinctif des signes ne serait pas conforme à l’arrêt du 18 juin 2002, Philips (C‑299/99, EU:C:2002:377, point 65). En outre, aux fins de la cohérence du droit de l’Union, la Cour devrait juger qu’un signe qui a été utilisé par un ancien monopoliste national et qui lui est associé continuera à être associé à cet ancien monopoliste national, ou à son successeur, si celui-ci ou son successeur continue à utiliser le signe après la fin du monopole, à moins que et jusqu’à ce qu’une part substantielle des concurrents actifs sur le territoire de l’ancien monopoliste national ou de son successeur utilisent ce signe ou un signe similaire prêtant à confusion de manière incontestable et que ces signes coexistent sur ce territoire.

13      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut a pour but de limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 26 novembre 2020, Scorify/EUIPO, C‑418/20 P, non publiée, EU:C:2020:968, point 18 et jurisprudence citée).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, en ce qui concerne, en premier lieu, la série d’arguments évoquée aux points 7 à 11 de la présente ordonnance, il importe de relever, tout d’abord, que le reproche fait au Tribunal, exposé au point 8 de la présente ordonnance, ne saurait permettre d’établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission. En effet, la requérante, qui vise, en réalité, à démontrer une certaine incohérence dans la motivation de l’arrêt attaqué, fait valoir que, au point 54 de cet arrêt, le Tribunal a constaté l’absence de caractère distinctif de la marque antérieure. Toutefois, ce point ne doit pas être lu de manière isolée mais ensemble avec d’autres points dudit arrêt, notamment le point suivant de celui-ci, où il est fait expressément état « du faible caractère distinctif de la marque antérieure ». À la lumière du point 55 de l’arrêt attaqué, le point 54 de celui-ci ne saurait dès lors étayer l’interprétation de ce point, préconisée par la requérante, qui constitue le fondement de son grief.

18      Ensuite, dans la mesure où l’argumentation de la requérante, évoquée au point 9 de la présente ordonnance, se fonde sur la non-conformité de l’arrêt attaqué avec la jurisprudence de la Cour, il importe de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 17).

19      Plus particulièrement, si la requérante précise les points de l’arrêt attaqué et ceux de la décision de la Cour qui auraient été méconnus, elle ne fournit toutefois pas d’indications suffisantes sur la similitude des situations visées dans ces arrêts permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel/Crédit Mutuel Arkéa, C‑867/19 P, non publiée, EU:C:2020:103, point 18). La requérante ne fournit pas non plus d’indications sur les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, la requérante se limite à indiquer que la question présente une importance pour la cohérence du droit de l’Union, au regard de la coexistence de procédures et de la jurisprudence issue des arrêts mentionnés au point 11 de la présente ordonnance.

20      Enfin, concernant la référence à l’arrêt du 5 mai 2015, Skype/OHMI – Sky et Sky IP International (SKYPE) (T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 50), figurant au point 10 de la présente ordonnance, il suffit de constater que la requérante n’allègue ni, en tout état de cause, ne démontre une quelconque violation de cette décision par l’arrêt attaqué.

21      En second lieu, s’agissant de l’argumentation résumée au point 12 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal, en niant le caractère distinctif de la marque antérieure, aurait méconnu l’arrêt du 18 juin 2002, Philips (C‑299/99, EU:C:2002:377), et, notamment, le point 65 de celui-ci, force est de rappeler que, comme il ressort du point 17 de la présente ordonnance, il n’y a pas lieu de retenir que, au point 54 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque antérieure.

22      En tout état de cause, dans cette argumentation, la requérante ne fournit pas d’indications sur la similitude des situations visées dans la jurisprudence évoquée permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel/Crédit Mutuel Arkéa, C‑867/19 P, non publiée, EU:C:2020:103, point 18). En effet, la requérante ne démontre pas en quoi la problématique de l’arrêt du 18 juin 2002, Philips (C‑299/99, EU:C:2002:377), portant sur une annulation de l’enregistrement d’une marque nationale constituée exclusivement par la forme du produit, serait similaire à celle de la présente affaire, concernant une procédure d’opposition entre deux marques de l’Union dont les signes ne sont pas constitués exclusivement par la forme du produit.

23      Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Deutsche Post AG supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.