Language of document : ECLI:EU:T:2023:832

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

20 décembre 2023 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Secteur des produits dérivés de taux d’intérêts libellés en euros – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Manipulation des taux de référence interbancaires de l’Euribor – Échange d’informations confidentielles – Restriction de concurrence par objet – Infraction unique et continue – Procédure “hybride” échelonnée dans le temps – Présomption d’innocence – Impartialité – Amendes – Montant de base – Valeur des ventes – Article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1/2003 – Obligation de motivation – Décision modificative complétant la motivation – Égalité de traitement – Proportionnalité – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑106/17,

JPMorgan Chase & Co., établie à New York, New York (États-Unis),

JPMorgan Chase Bank, National Association, établie à Columbus, Ohio (États-Unis),

J.P. Morgan Services LLP, établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées par Mmes B. Tormey, A. Holroyd, L. Ream, MM. N. French, N. Frey, D. Das, D. Hunt, N. English, solicitors, Mme M. Lester, KC, MM. D. Piccinin et D. Heaton, barristers,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. van Schaik, MM. T. Baumé et M. Farley, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Papasavvas, président, A. Kornezov, E. Buttigieg (rapporteur), Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        les décisions du 5 juin 2019 et du 31 mars 2021 de suspendre la procédure en application de l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal,

–        le mémoire en adaptation déposé par les requérantes au greffe du Tribunal le 8 septembre 2021 et les observations de la Commission sur ce mémoire déposées au greffe du Tribunal le 26 novembre 2021,

à la suite de l’audience du 18 mars 2022,

vu l’arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission (C‑883/19 P, EU:C:2023:11), et les observations des parties qui y sont afférentes,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, JPMorgan Chase & Co., JPMorgan Chase Bank, National Association et J.P. Morgan Services LLP (ci-après, prises ensemble, « JP Morgan »), demandent, d’une part, l’annulation partielle de la décision C(2016) 8530 final de la Commission, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire AT.39914 – Produits dérivés de taux d’intérêt en euro (EIRD)] (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée dans cette décision. Par ailleurs, elles demandent le jugement selon lequel il n’y a pas lieu de tenir compte de la décision C(2021) 4610 final de la Commission, du 28 juin 2021, modifiant la décision attaquée (ci-après la « décision modificative ») ou, à titre subsidiaire, l’annulation de cette décision.

I.      Antécédents du litige

2        Le groupe JPMorgan Chase est, selon la décision attaquée, l’un des plus anciens établissements financiers des États-Unis d’Amérique et est actif dans l’Espace économique européen (EEE). JPMorgan Chase & Co. est la société faîtière du groupe JPMorgan Chase. JPMorgan Chase Bank, National Association est chargée de la négociation des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros (Euro Interest Rate Derivatives, ci‑après les « EIRD ») tandis que J. P. Morgan AG est responsable de la soumission des taux au panel des banques dont les cotations individuelles contribuent à la fixation des taux Euribor (Euro Interbank Offered Rate « Euribor »)] (ci-après le « panel de l’Euribor »). Les personnes responsables au sein du groupe JPMorgan Chase de la soumission des taux Euribor durant la période d’infraction et celles impliquées dans la négociation des EIRD ou de la détermination du taux Euribor durant la période d’infraction étaient employées par J.P. Morgan Services LLP.

A.      Procédure administrative à l’origine de la décision attaquée

3        Le 14 juin 2011, le groupe bancaire Barclays (à savoir Barclays plc, Barclays Bank plc, Barclays Directors Ltd, Barclays Group Holding Ltd, Barclays Capital Services Ltd et Barclays Services Jersey Ltd, ci-après, prises ensemble, « Barclays ») a saisi la Commission européenne d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17), en l’informant de l’existence d’un cartel dans le secteur des EIRD et en exprimant son souhait de coopérer. Le 14 octobre 2011, Barclays s’est vu accorder une immunité conditionnelle.

4        Entre le 18 et le 21 octobre 2011, la Commission a procédé à des inspections dans les locaux d’un certain nombre d’établissements financiers à Londres (Royaume-Uni) et à Paris (France), dont ceux des requérantes.

5        Les 5 mars et 29 octobre 2013, en application de l’article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a engagé une procédure d’infraction à l’encontre des requérantes ainsi que de Barclays, de Deutsche Bank AG, de Deutsche Bank Services (Jersey) Ltd et de DB Group Services (UK) Ltd (ci-après, prises ensemble, « Deutsche Bank »), de HSBC Holdings plc, de HSBC Bank plc et de HSBC France (ci-après, prises ensemble, « HSBC »), de Crédit agricole SA et de Crédit agricole Corporate and Investment Bank (ci-après, prises ensemble, « Crédit agricole »), de Royal Bank of Scotland plc et de the Royal Bank of Scotland Group plc (ci-après, prises ensemble, « RBS ») ainsi que de Société générale.

6        Barclays, Deutsche Bank, RBS et Société générale ont décidé de participer à une procédure de transaction en application de l’article 10 bis du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission, en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), tel que modifié. Crédit agricole, HSBC et JP Morgan ont décidé de ne pas participer à cette procédure de transaction.

7        Le 4 décembre 2013, la Commission a adopté à l’égard de Barclays, de Deutsche Bank, de RBS et de Société générale la décision C(2013) 8512 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire AT.39914, Euro Interest Rate Derivatives (EIRD) (Settlement)] (ci-après la « décision de transaction »), par laquelle elle a conclu que ces entreprises avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction unique et continue ayant eu pour objet l’altération du cours normal de fixation des prix sur le marché des EIRD.

8        Le 19 mai 2014, la Commission a adressé aux requérantes, ainsi qu’à Crédit agricole et HSBC, une communication des griefs.

9        Les requérantes ont pu consulter sur DVD les parties accessibles du dossier de la Commission et leurs représentants ont bénéficié d’un accès supplémentaire au dossier dans les locaux de la Commission pour les parties non accessibles de ce dossier. Les requérantes ont également eu accès à la communication des griefs adressée aux parties ayant transigé, aux réponses de ces parties à ladite communication des griefs ainsi qu’à la décision de transaction.

10      Les requérantes ont présenté leurs observations écrites à la suite de la communication des griefs dans les délais impartis et se sont exprimées lors de l’audition qui s’est déroulée du 15 au 17 juin 2015.

11      Le 6 avril 2016, la Commission a rectifié la décision de transaction en ce qui concernait la détermination du montant de l’amende de Société générale. Les requérantes ont eu accès à cette décision rectificative ainsi qu’à la correspondance sous-jacente et aux données financières corrigées soumises par Société générale.

12      Le 9 septembre 2016, la Commission a adressé une seconde lettre d’exposé des faits aux requérantes pour les informer de la possible utilisation de deux communications dont les intéressées avaient fait état dans leurs réponses du 21 novembre 2012 à une demande de renseignements de la Commission. Les requérantes ont répondu à cette lettre d’exposé des faits le 3 octobre 2016.

B.      Décision attaquée

13      Le 7 décembre 2016, la Commission a adopté, sur la base des articles 7 et 23 du règlement no 1/2003, la décision attaquée. Elle a constaté que les requérantes avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en prenant part, du 27 septembre 2006 au 19 mars 2007, à une infraction unique et continue ayant eu pour objet l’altération du cours normal de fixation des prix sur le marché des EIRD [article 1er, sous c), de la décision attaquée] et leur a infligé de manière solidaire une amende de 337 196 000 euros [article 2, sous c), de la décision attaquée].

1.      Produits en cause

14      Les infractions en cause portent sur les EIRD, c’est-à-dire des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euro indexés sur l’Euribor ou sur l’Euro OverNight Index Average (EONIA).

15      L’Euribor est un ensemble de taux d’intérêt de référence visant à refléter le coût des prêts interbancaires fréquemment utilisés sur les marchés internationaux de capitaux. Il est défini comme un index du taux auquel les dépôts interbancaires à terme en euros sont offerts d’une banque de premier plan à une autre banque de premier plan au sein de la zone euro. L’EONIA remplissait une fonction équivalente à celle de l’Euribor, mais s’agissant des taux quotidiens.

2.      Comportements reprochés aux requérantes

16      Au considérant 113 de la décision attaquée (voir, également, considérants 358 et 392 de la décision attaquée), la Commission a décrit le comportement reproché aux banques mentionnées au point 5 ci-dessus de la manière suivante :

« Barclays, Deutsche Bank, JP Morgan Chase, Société générale, Crédit agricole, HSBC et RBS ont participé à une série de contacts bilatéraux dans le secteur des EIRD qui consistait essentiellement en les pratiques suivantes entre les différentes parties :

a)      à certaines occasions, certains traders employés par différentes parties ont communiqué et/ou reçu des informations sur les préférences quant au choix de taux d’intérêt (fixing) inchangés, bas ou élevés pour certaines échéances Euribor [ ;] ces préférences dépendaient de leurs positions/expositions de trading [ ;]

b)      à certaines occasions, certains traders de différentes parties ont communiqué et/ou reçu l’un de l’autre des informations détaillées, non publiquement connues/disponibles, sur les positions de trading ou les intentions concernant de futures soumissions Euribor pour certaines échéances d’au moins une de leurs banques respectives [ ;]

c)      à certaines occasions, certains traders ont également exploré les possibilités d’aligner leurs positions de trading sur des EIRD sur la base d’informations telles que celles décrites [sous] a) ou b) [ ;]

d)      à certaines occasions, certains traders ont également exploré les possibilités d’aligner au moins une des futures soumissions Euribor de leurs banques sur la base d’informations telles que celles décrites [sous] a) ou b) [ ;]

e)      à certaines occasions, au moins un des traders impliqués dans de telles discussions a contacté les responsables des soumissions Euribor de la banque concernée, ou a déclaré qu’un tel contact serait établi, afin de demander qu’ils soumettent à l’agent de calcul de la [Fédération bancaire européenne (FBE)] des taux dans une certaine direction ou à un niveau spécifique [ ;]

f)      à certaines occasions, au moins un des traders impliqués dans de telles discussions a déclaré qu’il rendrait compte ou avait rendu compte de la réponse du responsable des soumissions avant l’heure quotidienne de la soumission des taux E[uribor] à l’agent de calcul ou, dans les cas où ce trader avait déjà discuté de ce point avec le responsable des soumissions, a communiqué cette information reçue de ce dernier au trader d’une autre partie [ ;]

g)      à certaines occasions, au moins un trader d’une partie a divulgué à un trader d’une autre partie d’autres informations détaillées et sensibles sur la stratégie de trading ou de fixation du prix des EIRD de sa banque. »

17      Au considérant 114 de la décision attaquée (voir également considérant 359 de la décision attaquée), la Commission a ajouté que, « [e]n outre, à certaines occasions, certains traders employés par différentes parties [avaient] discuté du résultat du fixing des taux Euribor, y compris les soumissions de banques spécifiques, après le fixing et la publication des taux Euribor du jour ».

18      La Commission a estimé que ces comportements relevaient d’une infraction unique et continue (considérants 442 et 443 de la décision attaquée).

19      La Commission a estimé que JP Morgan avait participé à cette infraction unique et continue, tout en soulignant que les échanges bilatéraux auxquels elle avait participé étaient en eux-mêmes constitutifs d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (considérant 487 de la décision attaquée).

20      En ce qui concerne la durée de cette participation, la Commission a pris, comme point de départ à l’égard de JP Morgan le 27 septembre 2006 (considérant 621 de la décision attaquée) et, comme date de fin, le 19 mars 2007 (considérant 626 de la décision attaquée).

3.      Amende

21      Le montant de l’amende infligée à JP Morgan à l’article 2, sous c), de la décision attaquée a été fixé à 337 196 000 euros.

C.      Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

22      Par arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T‑105/17, EU:T:2019:675), le Tribunal a annulé l’article 2, sous b), de la décision attaquée, par lequel la Commission avait infligé une amende à HSBC, au motif qu’elle n’avait pas motivé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles le facteur de réduction uniforme appliqué aux recettes en numéraire des entreprises concernées aux fins du calcul des amendes qui leur avaient été imposées (ci-après le « facteur de réduction »), avait été fixé à 98,849 % plutôt qu’à un niveau éventuellement supérieur, et a rejeté le recours pour le surplus.

23      Par lettre du 24 février 2021, la Commission a informé les requérantes et Crédit agricole de son intention de modifier la décision attaquée compte tenu de l’arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T‑105/17, EU:T:2019:675). Par la même lettre, ainsi que par lettre du 16 avril 2021, la Commission a fourni des informations et des explications supplémentaires à tous les destinataires de la décision attaquée sur les raisons l’ayant conduite à fixer le niveau du facteur de réduction à 98,849 %. Les requérantes ont présenté leurs observations sur celles-ci le 14 mai 2021.

24      Le 28 juin 2021, la Commission a adopté la décision modificative. Elle a considéré que, dans la mesure où le facteur de réduction dans la décision attaquée était identique pour tous ses destinataires, il était probable que le raisonnement figurant dans l’arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T‑105/17, EU:T:2019:675), concernant l’insuffisance de motivation de la détermination de ce facteur de réduction, soit considéré par le Tribunal comme étant transposable aux amendes infligées aux requérantes et à l’autre destinataire de celle‑ci, et qu’il était dès lors dans l’intérêt du principe de bonne administration de corriger les erreurs identifiées par le Tribunal dans cet arrêt et de modifier la décision attaquée à l’égard des requérantes et de l’autre destinataire de celle-ci en complétant la motivation relative à la détermination du facteur de réduction.

25      Par arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission (C‑883/19 P, EU:C:2023:11), d’une part, la Cour a annulé l’arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T‑105/17, EU:T:2019:675), en tant que le Tribunal avait rejeté la demande principale visant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée et la demande subsidiaire visant à l’annulation de l’article 1er, sous b), de celle-ci. D’autre part, en statuant sur le recours introduit par HSBC dans l’affaire T‑105/17, pour autant que celui-ci visait à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de celle-ci, la Cour a rejeté ce dernier.

II.    Conclusions des parties

26      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée en ce qu’elle les concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler la constatation de la Commission selon laquelle elles ont participé à une infraction unique et continue, et réduire le montant de l’amende en conséquence ;

–        à titre infiniment subsidiaire, annuler l’amende qui leur a été infligée et la remplacer par une amende d’un montant moins important ;

–        juger qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la décision modificative ou, à titre subsidiaire, annuler ladite décision ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

28      À l’appui du recours, les requérantes avancent six moyens. Les cinq premiers moyens viennent, en substance, au soutien de la demande d’annulation de l’article 1er, sous c), de la décision attaquée. Le sixième moyen, soulevé à titre subsidiaire, vient au soutien de la demande d’annulation de l’article 2, sous c), de la décision attaquée, par lequel la Commission a infligé aux requérantes une amende d’un montant de 337 196 000 euros, et de la demande de réduction du montant de cette amende.

29      En outre, à l’appui des conclusions présentées dans le cadre du mémoire en adaptation, les requérantes soulèvent trois moyens à l’encontre de la décision modificative.

A.      Sur les conséquences à tirer pour la présente procédure de la dissolution de J.P. Morgan Services

30      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2022, les requérantes ont informé le Tribunal, preuves à l’appui, de la dissolution et de la radiation du registre des entreprises de l’une des parties requérantes, J.P. Morgan Services, et ont demandé que cette partie soit radiée de l’affaire. Faisant suite à cette demande, les requérantes et la Commission ont été entendues sur l’application, en l’espèce, de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. En vertu de cette disposition, le Tribunal peut, d’office et à tout moment, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

31      Les requérantes et la Commission s’accordent sur le fait que, eu égard à la dissolution de J.P. Morgan Services et à sa radiation du registre des entreprises, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours pour autant qu’il a été introduit par cette partie. En outre, s’agissant des dépens, les requérantes déclarent être prêtes à supporter les dépens qui, le cas échéant, seront mis à la charge de J.P. Morgan Services, selon la répartition décidée par le Tribunal.

32      Il ressort d’une jurisprudence constante que, dans l’hypothèse où, en cours d’instance, une partie requérante cesse d’avoir une existence juridique et donc la capacité d’ester en justice devant le juge de l’Union, il incombe à ce dernier de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours introduit par cette partie requérante (ordonnance du 22 janvier 2018, Italie e.a./Commission, T‑125/13, T‑152/13 et T‑167/13, non publiée, EU:T:2018:35, point 38 ; voir également, en ce sens, arrêts du 15 juin 2017, Al-Faqih e.a./Commission, C‑19/16 P, EU:C:2017:466, points 35 et 42, et du 28 octobre 2015, Al-Faqih e.a./Commission, T‑134/11, non publié, EU:T:2015:812, points 42 et 46). 

33      En l’espèce, eu égard à la dissolution de J.P. Morgan Services et à sa radiation du registre des entreprises au cours de la présente procédure, celle-ci n’a plus d’existence juridique, ainsi que l’affirment les requérantes, de sorte qu’elle n’a plus la capacité d’ester en justice. Dans ces circonstances, il convient de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours pour autant qu’il a été introduit par J.P. Morgan Services.

34      Par la suite, seules  JPMorgan Chase & Co et JPMorgan Chase Bank, National Association sont visées en tant que « requérantes » et en tant que « JP Morgan ».

B.      Sur la demande d’annulation de l’article 1er, sous c), de la décision attaquée

35      Dans le cadre du premier moyen de la requête, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré que leur comportement avait pour objet de manipuler l’Euribor ou l’EONIA. Dans le cadre des deuxième et troisième moyens de la requête, elles contestent, en substance, la qualification des pratiques en cause de restrictions de concurrence par objet. Dans le cadre du quatrième moyen de la requête, les requérantes contestent, en substance, la qualification par la Commission des pratiques auxquelles elles auraient participé d’infraction unique, ainsi que l’imputation qui leur est faite d’une telle infraction. Le cinquième moyen de la requête est tiré d’une violation de la présomption d’innocence, du principe de bonne administration ainsi que des droits de la défense des requérantes.

1.      Sur l’existence d’un comportement infractionnel imputable aux requérantes (premier, deuxième et troisième moyens de la requête)

a)      Remarques liminaires

1)      Sur le contexte dans lequel s’inscrivent les comportements en cause

36      Les parties s’opposent sur certains éléments relatifs aux caractéristiques et au fonctionnement du marché des EIRD. Ces éléments étant pertinents dans le cadre de l’argumentation présentée au titre, notamment, des premier, deuxième et troisième moyens de la requête, ils seront examinés lors de l’examen de ces moyens.

37      Toutefois, les éléments suivants portant sur le contexte dans lequel s’inscrivent les comportements reprochés aux requérantes ne sont pas contestés par celles-ci.

38      Les EIRD sont des contrats conclus, notamment comme ceux en cause en l’espèce, sur le marché de gré à gré [over the counter, (OTC)] et dans lesquels une des parties s’engage, d’une part, à payer à l’autre, à une ou à plusieurs dates futures, l’intérêt du montant notionnel, calculé en référence à un taux variable égal au taux de l’indice de référence déterminé dans le contrat (tel que l’Euribor ou l’EONIA) (appelé « jambe flottante » ou « variable » du contrat) et, d’autre part, à recevoir de l’autre, à la même ou aux mêmes dates, l’intérêt du montant notionnel, calculé en référence à un taux fixe prédéterminé dans le contrat lors de sa conclusion (appelé « jambe fixe » du contrat) (considérants 3 à 10 et 25 de la décision attaquée).

39      Un « flux de trésorerie » au titre d’un contrat reflète l’écart (appelé « fourchette » ou « spread ») entre le taux fixe et le taux variable à la date de fixing, et par là‑même le rendement positif ou négatif pour un contrat donné (considérants 5 et 42 de la décision attaquée). La partie receveuse sur un taux fixe et payante sur un taux variable a donc intérêt à ce que le taux variable au moment du fixing soit plus bas que le taux fixe déterminé au moment de la conclusion du contrat (considérant 24 de la décision attaquée).

40      Le trader détermine sa stratégie de trading et, notamment, la fourchette à proposer pour un contrat en particulier, en fonction de plusieurs éléments, à savoir, notamment, la composition ou la valeur globale de son portefeuille (qui constitue sa « position de trading ») et l’exposition au risque de taux, les anticipations de l’évolution future des taux d’intérêt de l’indice de référence (en l’espèce l’Euribor et l’EONIA), sa capacité de trouver une couverture rapidement sur le marché et le niveau de risque de contrepartie.

41      Les EIRD les plus fréquents sont les accords de taux futurs [Forward rate agreements (FRA »)], les swaps de taux d’intérêt (Interest rate swaps), les options sur taux d’intérêt et les contrats à terme (futures) de taux d’intérêt (considérants 4 à 10 de la décision attaquée).

42      Le taux Euribor est fondé sur la cotation individuelle par les banques appartenant au panel constitué de 47 banques, dont les banques mentionnées au point 5 ci-dessus, des taux auxquels chacune estime qu’une banque de premier rang prêterait des fonds à une autre banque de premier rang. Il est calculé sur la base des soumissions des estimations de ces taux par les banques de panel à Thomson Reuters qui agit en tant qu’agent de calcul auprès de la FBE entre 10 h 45 et 11 h 00, et déterminé et publié à 11 h 00 chaque jour ouvrable. Les banques fournissent des contributions pour les quinze taux d’intérêts différents de l’Euribor, qui varient, selon leur terme, d’une semaine à douze mois (considérants 20 à 29 de la décision attaquée). L’EONIA remplissait une fonction équivalente à l’Euribor, mais s’agissant des taux quotidiens. Il était calculé par la Banque centrale européenne (BCE) sur la base d’une moyenne des taux pour les dépôts interbancaires en blanc (unsecured) du même panel de banques que celui utilisé pour la fixation de l’Euribor (considérants 20 à 27 de la décision attaquée).

43      L’expression « date de fixing » fait généralement référence à la date à laquelle le taux de référence est déterminé. L’expression « date IMM » (International Money Market) fait référence aux dates du marché monétaire international, qui sont les quatre dates trimestrielles de chaque année que la plupart des contrats à terme et des contrats d’options utilisent en tant que dates d’échéance programmées, à savoir les troisième mercredis de mars, de juin, de septembre et de décembre (considérant 31 de la décision attaquée).

44      Ce sont les départements de trésorerie (appelés aussi « desks de trésorerie ») des banques du panel, et non les traders eux-mêmes, qui présentent des soumissions des estimations des taux de référence Euribor et EONIA (considérant 22 de la décision attaquée).

45      Les banques impliquées dans les comportements retenus par la Commission en l’espèce sont les « teneurs de marché » sur les marchés OTC (considérant 44 de la décision attaquée).

2)      Sur la portée de la contestation par les requérantes de la participation de JP Morgan aux comportements infractionnels

46      La Commission soutient que, dans leur argumentation dans le cadre du présent recours, les requérantes procèdent à une interprétation restrictive des comportements reprochés à JP Morgan au titre de sa participation à l’entente en ce qu’elles estiment que ceux-ci consistaient uniquement en des pratiques de manipulation des taux.

47      Interrogées sur ce point dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, les requérantes précisent que leur position, telle qu’exprimée dans la requête, consiste à contester la participation de JP Morgan à des tentatives de manipulation des taux et à faire valoir que la décision attaquée n’a pas constaté que JP Morgan s’était livrée à une autre forme de comportement anticoncurrentiel. Enfin, même si la décision attaquée pouvait être interprétée en ce sens qu’elle lui reproche d’autres formes de comportements anticoncurrentiels, les requérantes visent à contester leur participation à de tels comportements.

48      À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que dans la décision attaquée elle n’a pas considéré que l’infraction en cause était limitée à des tentatives de manipulation des taux de référence, mais a retenu qu’elle consistait en une participation de certaines banques, dont JP Morgan, aux comportements anticoncurrentiels ayant pris différentes formes décrites aux considérants 113, 358 et 392 de la décision attaquée et rappelées au point 16 ci-dessus, y compris les échanges sur les positions de trading ou sur les stratégies de fixation des prix. Lesdites pratiques composant l’infraction unique et continue auraient toutes pour objet d’accroître les flux de trésorerie dus au titre des EIRD en faussant le cours normal des composantes des prix des EIRD et en créant une asymétrie d’information préjudiciable à la concurrence.

49      Or, il ressort, en substance, de l’argumentation des requérantes que, d’une part, dans le cadre du premier moyen et du renvoi opéré dans le cadre du troisième moyen, elles contestent l’interprétation faite par la Commission de l’ensemble des échanges retenus à l’encontre de JP Morgan comme constituant un comportement infractionnel et donc la matérialité des faits retenus. D’autre part, les requérantes soutiennent, dans le cadre du troisième moyen, que la Commission n’a pas identifié, notamment en violation de son obligation de motivation, un objet anticoncurrentiel autre que les tentatives de manipulation des taux de référence en ce qu’elle n’a pas précisé quelle autre composante de prix que lesdits taux aurait été affectée par ces comportements infractionnels reprochés aux requérantes.

50      Il convient donc d’examiner, tout d’abord, la portée des échanges retenus par la Commission à l’encontre de JP Morgan comme relevant des différentes formes des comportements infractionnels auxquels elle aurait participé. Les arguments des requérantes relatifs au caractère restrictif de concurrence par objet desdits comportements seront examinés dans le cadre de l’examen des deuxième et troisième moyens.

3)      Sur la recevabilité et la valeur probante de certaines annexes

51      La Commission conteste, d’une part, la recevabilité de l’annexe A.3 de la requête et de l’annexe C.2 de la réplique au motif que les requérantes tentent par l’intermédiaire de celles-ci de soumettre, de manière tardive et non justifiée, de nouveaux éléments de preuve non présentés au cours de la procédure administrative et d’ajouter des arguments additionnels de droit et de fait qui ne figurent pas dans le corps de ces mémoires. Ce dernier argument d’irrecevabilité porte également sur l’annexe C.1 de la réplique. En outre, les mémoires ne contiendraient pas de références précises à ces annexes. D’autre part, la Commission soutient que la valeur probante des annexes A.3 et C.2 contenant les déclarations du trader de JP Morgan « commandées » par les requérantes aux fins de la présente procédure est faible.

52      Les requérantes contestent les arguments de la Commission et font valoir que, compte tenu de nombreux renvois explicites à l’annexe A.3 figurant dans le corps de la requête, celle-ci est recevable et en outre revêtue d’une valeur probante élevée, notamment au regard du fait qu’elle contient la déclaration du trader de JP Morgan qui est le témoin direct des faits en cause.

53      À cet égard, il convient de relever que les annexes en cause consistent, pour les annexes A.3 de la requête et C.2 de la réplique, en des déclarations du trader de JP Morgan et, pour l’annexe C.1 de la réplique, en un tableau récapitulant les explications du même trader sur la portée des communications litigieuses, les réponses de la Commission dans son mémoire en défense et les raisons pour lesquelles, selon les requérantes, ces dernières réponses sont erronées.

54      En premier lieu, il convient de rappeler que la portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives, notamment, aux procédures d’application des articles 101 TFUE dont le Tribunal assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par les requérantes et compte tenu de l’ensemble des éléments soumis par ces dernières, que ceux-ci soient antérieurs ou postérieurs à la décision entreprise, qu’ils aient été préalablement présentés dans le cadre de la procédure administrative ou, pour la première fois, dans le cadre du recours dont le Tribunal est saisi, dans la mesure où ces derniers éléments sont pertinents pour le contrôle de la légalité de la décision de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 72 et jurisprudence citée).

55      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la Commission, les annexes A.3 de la requête et C.2 de la réplique ne sauraient être déclarées irrecevables du seul fait que les témoignages du trader de JP Morgan contenus dans ces annexes n’ont pas été soumis à la Commission au cours de la procédure administrative.

56      En deuxième lieu, la Commission soutient que les arguments figurant dans l’annexe A.3 de la requête ainsi que dans les annexes C.1 et C.2 de la réplique sont irrecevables dans la mesure où les requérantes ne s’y réfèrent pas dans le corps des mémoires et tentent donc, par l’intermédiaire de ces annexes, d’ajouter des arguments additionnels de droit et de fait qui ne figurent pas dans le corps des mémoires.

57      Il convient de rappeler, que, selon une jurisprudence constante, le corps d’une requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, pourvu que les éléments essentiels de l’argumentation en droit figurent dans la requête elle-même (voir arrêt du 24 octobre 2019, EPSU et Goudriaan/Commission, T‑310/18, EU:T:2019:757, point 43 et jurisprudence citée).

58      En l’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, l’essentiel de l’argumentation des requérantes figure dans le corps de la requête et de la réplique, les éléments exposés dans les annexes A.3, C.1 et C.2 ne faisant qu’étayer et compléter, sur des points spécifiques, des moyens et des arguments figurant dans celles-ci. En outre, il est aisé, pour le Tribunal, d’identifier les passages pertinents des déclarations du trader et du tableau inclus dans lesdites annexes, notamment grâce aux références précises faites par les requérantes.

59      Par conséquent, dans le cadre de l’examen du recours, les annexes A.3, C.1 et C.2 seront prises en considération pour autant que les observations qu’elles contiennent étayent ou complètent les moyens ou les arguments expressément invoqués par les requérantes dans le corps de la requête et de la réplique, et qu’il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 99).

60      S’agissant, en troisième lieu, de la valeur probante des témoignages du trader de JP Morgan présentés par les requérantes à l’annexe A.3 de la requête et à l’annexe C.2 de la réplique, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que ces témoignages ont manifestement été rédigés aux fins de la présente procédure et à une date éloignée de l’époque des faits, si bien qu’ils ne présentent qu’une faible valeur probante (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Arrow Group et Arrow Generics/Commission, T‑467/13, non publié, EU:T:2016:450, point 136 et jurisprudence citée). Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que ces témoignages contiennent les explications de l’ancien trader de JP Morgan portant sur les communications litigieuses auxquelles il a participé.

4)      Sur la prise en considération des « communications banque E » en tant qu’éléments d’un faisceau d’indices

61      Les requérantes font valoir que c’est à tort que la Commission a pris en compte, afin d’interpréter les échanges retenus à l’encontre de JP Morgan en tant que comportement infractionnel, les communications entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan lorsque ce dernier était employé chez banque E (ci-après les « communications banque E ») dans la mesure où, d’une part, elle n’allègue pas que ces communications sont elles-mêmes infractionnelles et, d’autre part, elles ont eu lieu avant que les pratiques prétendument infractionnelles des requérantes ne commencent, et ce même avant le début de l’entente.

62      Les requérantes contestent en outre l’interprétation donnée par la Commission auxdites communications et leur pertinence en tant qu’éléments de contexte des comportements prétendument infractionnels qui leur sont reprochés en faisant valoir que celles-ci ne permettent pas à la Commission de prouver l’objet anticoncurrentiel des échanges en cause.

63      La Commission soutient que c’est à juste titre qu’elle a pris en compte les communications banque E aux fins d’établir le contexte et la portée des contacts ultérieurs entre le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank.

64      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des considérants 144, 146 et 147 de la décision attaquée que la Commission a considéré que les communications banque E constituaient un élément important du contexte factuel et étaient pertinentes pour interpréter la portée de certains échanges retenus à l’encontre de JP Morgan en tant que comportements infractionnels.

65      Afin d’apprécier la prise en considération, en l’espèce, des communications banque E, contestée par les requérantes, il convient de rappeler que, dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (voir arrêts du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 71 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, point 38 et jurisprudence citée).

66      Ainsi, il est nécessaire, dans ce contexte, que la Commission fasse état d’un ensemble de preuves sérieuses, précises et concordantes pour établir l’existence d’une infraction et pour fonder la ferme conviction que les infractions alléguées constituent des restrictions de concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée).

67      Il ressort également de la jurisprudence que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre les opérateurs des sociétés concernées, telles que les comptes rendus d’une réunion, ces pièces ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de telle sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions (arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 55 et 56, et du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, point 50).

68      Dès lors, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit, dans la plupart des cas, être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés dans leur ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 26, et du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, point 51).

69      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que, à la note en bas de page no 162 de la décision attaquée, la Commission souligne explicitement que les communications banque E ne relèvent pas de l’infraction retenue à l’encontre de JP Morgan. Ainsi, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 décembre 2016, Philips et Philips France/Commission (T‑762/14, non publié, EU:T:2016:738, point 138), sur lequel s’appuient les requérantes, la Commission ne se prévaut pas d’une prétendue illégalité desdites communications pour faire valoir que les échanges ultérieurs entre le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank sont, par conséquent, anticoncurrentiels. Ainsi qu’il ressort des considérants 169, 186 et 207 de la décision attaquée, la Commission se prévaut des communications banque E uniquement à titre de faisceau d’indices afin de démontrer, notamment, la « familiarité » entre les deux traders et leurs « habitudes » pour se communiquer des informations telles que celles échangées dans le cadre de certaines communications considérées par cette institution comme relevant des comportements infractionnels faisant partie d’une infraction unique et continue.

70      En outre, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence que la Commission peut notamment tenir compte d’éléments établis en dehors de la période d’infraction, si ces éléments font partie du faisceau d’indices qu’elle invoque afin de prouver ladite infraction. Elle peut ainsi se prévaloir, notamment, de circonstances factuelles antérieures et postérieures à un comportement anticoncurrentiel pour confirmer le contenu d’un élément objectif de preuve (voir, en ce sens, arrêts du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 188, et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 178).

71      Il s’ensuit que, quand bien même les communications banque E sont antérieures à la période infractionnelle retenue à l’encontre de JP Morgan dans la décision attaquée et qu’elles n’ont pas été qualifiées d’infractionnelles, la Commission était en droit d’en tenir compte à titre d’éléments faisant partie du faisceau d’indices visant à prouver l’existence de l’infraction.

72      En deuxième lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas expliqué ni prouvé la pertinence des communications banque E, il y a lieu de constater que, certes, la Commission n’explique pas le contenu de l’ensemble des 18 communications banque E qu’elle invoque au considérant 144 de la décision attaquée. Toutefois, audit considérant 144 de la décision attaquée, la Commission affirme que, lors des communications banque E, les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank « discutaient, entre autres choses, des futures soumissions Euribor de leurs banques et d’autres informations préalables à la fixation des prix, notamment les “spreads” et les “mids” ». En outre, au considérant 146 de la décision attaquée, elle décrit, à titre d’exemple, l’échange du 29 septembre 2005, puis, au considérant 147 de la décision attaquée, les échanges des 10 et 28 juin 2005, des 1er et 4 juillet 2005 et du 28 septembre 2005.

73      Elle relève que, d’une part, les communications banque E démontrent que le trader de JP Morgan avait l’habitude d’échanger des informations avec des traders concurrents, en particulier avec celui de Deutsche Bank, en vue de coordonner les soumissions Euribor en fonction de leurs positions de trading respectives. D’autre part, lesdits échanges montreraient qu’avant de travailler pour JP Morgan, ledit trader avait conscience qu’un tel comportement des traders visant à coordonner les soumissions Euribor en fonction de leurs positions de trading impliquait de contacter leurs desks de trésorerie respectifs. La Commission conclut ainsi que ces premiers contacts excluent tout « malentendu » potentiel de la part du trader de JP Morgan concernant les échanges ultérieurs avec des traders concurrents au sujet des soumissions prospectives de l’Euribor et des positions de trading associées, ou des « spreads » ou « mids ».

74      Ces indications sont suffisantes pour permettre aux requérantes et au Tribunal d’évaluer de quelle manière les autres communications banque E viennent, en tant qu’éléments du faisceau d’indices, à l’appui de l’interprétation retenue par la Commission des échanges relevant des comportements infractionnels, notamment ceux des 27 et 28 septembre 2006, du 10 octobre 2006 et du 8 novembre 2006.

75      À cet égard, il convient encore de relever que si la Commission affirme, au considérant 147 de la décision attaquée, que les échanges du trader de JP Morgan « avec d’autres traders », avant d’être recruté par JP Morgan, sont pertinents, car ils démontrent qu’il lui était familier d’échanger des informations « avec des traders concurrents, “en particulier” avec [le trader de Deutsche Bank] », elle s’appuie à cet égard uniquement sur les communications bilatérales entre le trader de JP Morgan et celui de Deutsche Bank, ainsi que le relèvent les requérantes. Toutefois, lors de l’un de ces échanges, à savoir celui du 10 juin 2005, le trader de Deutsche Bank a demandé au trader de JP Morgan si ce dernier avait contacté une autre banque spécifique concernant la soumission prévue de celle-ci (« did u speak to […] ? »), ce que ce dernier confirme (« yes n […] not sure they will get much joy but trying hard amigo. »). La Commission pouvait donc en conclure que le trader de JP Morgan avait l’habitude d’échanger sur les soumissions des banques au panel Euribor non seulement avec le trader de Deutsche Bank, mais également avec les traders concurrents d’autres banques.

76      Eu égard aux considérations qui précèdent, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte les communications banque E en tant que contexte factuel à la lumière duquel elle a examiné les échanges litigieux retenus à l’encontre de JP Morgan en tant que comportements infractionnels s’inscrivant dans l’infraction unique.

77      En troisième lieu, la lecture des transcriptions des communications banque E, mentionnées par la Commission aux considérants 146 et 147 de la décision attaquée, permet de confirmer l’interprétation de ces échanges faite par la Commission.

78      En effet, premièrement, lors de la communication banque E du 10 juin 2005, le trader de Deutsche Bank rend compte au trader de JP Morgan de la soumission prévue de son desk de trésorerie (« am getting 12 fix here »), ce à quoi le trader de JP Morgan suggère que la soumission de son propre desk de trésorerie sera semblable (« luks like we will b same in fft [desk de trésorerie] as well… »).

79      Deuxièmement, lors de l’échange du 28 juin 2005, le trader de Deutsche Bank fait part au trader de JP Morgan du fait qu’il a tenté de persuader son desk de trésorerie de placer une soumission Euribor à 3 mois supérieure à 2,08 (« amigo dbfft [desk de trésorerie de Deutsche Bank] tom 2.08 fixing 3s ? », « I tried to lift him on his Euribor fixing and he said that he[’]ll put it higher tomorrow »).

80      Troisièmement, lors de l’échange du 1er juillet 2005, le trader de JP Morgan demande au trader de Deutsche Bank à quel niveau son desk de trésorerie compte soumettre le taux Euribor à 3 mois (« amici miei where is db fft [desk de trésorerie] 3M fixing today ? »)  et indique la soumission prévue par son propre desk de trésorerie (« up 2.12 here as well », « we r going 2.11 »), après que le trader de Deutsche Bank lui ait révélé le niveau de la soumission de sa banque (« 2.02 ? »).

81      Quatrièmement, le 4 juillet 2005, lorsque le trader de JP Morgan demande au trader de Deutsche Bank le niveau de la soumission de sa banque de ce jour en indiquant le niveau soumis par la banque E (« amici miei u guys still insist on low fixings in 3s… we went 2.12 today »), le trader de Deutsche Bank se plaint du résultat des discussions qu’il a eues avec son responsable des soumissions (« not my fault amigo », « i keep telling them, all the germans are putting it lower »).

82      Cinquièmement, lors de l’échange du 28 septembre 2005, le trader de JP Morgan répond au trader de Deutsche Bank, qui l’interroge sur le niveau de la soumission du desk de trésorerie de la banque E le lendemain (« u gonna put a high libor tomorrow ? »), qu’il en parlera avec son desk de trésorerie (« will spk with my frd guess 17 will fix »).

83      Sixièmement, le 29 septembre 2005, les traders échangent sur les futures soumissions Euribor de la banque E et celles de Deutsche Bank, en ce que le trader de Deutsche Bank rappelle au trader de JP Morgan de ne pas oublier le fixing élevé de 3 mois pour les spreads FRA/EONIA (« dont forget this high 3M fix for the FRA/EONIA spreads »), ce à quoi ce dernier répond que cela devrait aller et que la banque E soumettra « 18 » (« should b ok », « we go for 18 »).

84      Il ressort des communications banque E que, ainsi que le relève en substance la Commission, le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan, lorsqu’il était employé par la banque E, avaient l’habitude, d’une part, d’échanger des informations en vue de coordonner les soumissions Euribor de leurs banques respectives selon leurs propres intérêts et, d’autre part, d’échanger avec leurs desks de trésorerie respectifs en ce qui concerne le niveau de ces soumissions. Il en ressort également que le trader de JP Morgan était susceptible de contacter des traders concurrents d’autres banques pour échanger sur ce même sujet.

85      Les objections soulevées par les requérantes à l’égard des communications banque E doivent donc être écartées.

b)      Sur le premier moyen contestant la participation de JP Morgan aux comportements de portée infractionnelle 

86      Les comportements retenus par la Commission dans la décision attaquée à l’encontre de JP Morgan concernent les échanges entre son trader et ceux de Deutsche Bank et de Barclays des 27, 28 et 29 septembre 2006, des 2, 6, 10, 25 et 26 octobre 2006, des 8, 13 et 24 novembre 2006, du 18 décembre 2006, des 4 et 8 janvier 2007, du 6 février 2007, ainsi que des 14, 16 et 19 mars 2007. En outre, au titre des éléments du faisceau d’indices pertinents aux fins de l’interprétation des comportements dans lesquels s’étaient engagés le trader de JP Morgan, la Commission a également retenu les échanges du 15 décembre 2006, du 8 février 2007 et du 16 mars 2007 entre le trader de JP Morgan et les responsables des soumissions de cette banque.

87      Lors de l’examen des arguments avancés par les requérantes pour contester la portée des échanges retenus par la Commission à l’encontre de JP Morgan comme relevant des comportements infractionnels, il convient de tenir compte des considérations énoncées aux points 65 à 68 et 70 ci-dessus concernant la charge de la preuve, et de rappeler que, conformément au principe de la présomption d’innocence, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge lorsqu’il est appelé à apprécier si la Commission a établi à suffisance de droit la culpabilité d’une entreprise quant à une infraction à l’article 101 TFUE doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une telle infraction (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 18 et jurisprudence citée). En effet, la présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union qui est aujourd’hui énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et qui s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, points 72 et 73 et jurisprudence citée, et du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 76 et 78 et jurisprudence citée).

1)      Sur la portée des échanges retenus par la Commission dans la décision attaquée à l’encontre de JP Morgan comme comportements infractionnels

88      À titre liminaire, il convient de relever, à l’instar de la Commission, qu’aucune division des comportements reprochés aux requérantes en fonction de périodes distinctes ne ressort de la décision attaquée, la Commission ayant retenu la participation du trader de JP Morgan aux différentes formes des comportements collusoires pendant la période retenue à l’encontre des requérantes, à savoir du 27 septembre 2006 au 19 mars 2007. Il n’y a donc pas lieu de diviser les échanges en cause, comme le proposent les requérantes, en quatre périodes distinctes.

89      Les requérantes contestent l’interprétation faite par la Commission des échanges en cause comme relevant des comportements infractionnels en s’appuyant principalement sur les déclarations du trader de JP Morgan et font valoir, en substance, que les traders n’ont fait qu’échanger soit leurs points de vue sur la situation du marché, soit les informations entre les contreparties potentielles en vue de déterminer une possibilité de conclure une transaction, soit des informations dont la communication entre les traders était normale, nécessaire et légitime pour permettre le bon fonctionnement du marché OTC des EIRD. Ces échanges ne poursuivraient donc pas l’objectif de manipuler l’Euribor ou l’EONIA.

90      La Commission conteste les arguments des requérantes relatifs à la portée des échanges en cause et fait valoir que ceux-ci démontrent sans ambiguïté la participation du trader de JP Morgan dans au moins l’une des catégories des comportements infractionnels identifiés au considérants 358 et 359 de la décision attaquée.

i)      Sur les échanges du 27 septembre 2006

91      En premier lieu, la Commission a retenu que les échanges bilatéraux ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 27 septembre 2006 (considérants 160 à 164 de la décision attaquée) relevaient des comportements visés au considérant 358, sous a), b) et e), et au considérant 359 de la décision attaquée.

92      À cet égard, les requérantes soutiennent, en substance, que les traders partageaient simplement leurs points de vue sur le niveau de l’EONIA et sur le fait de savoir si celui-ci transparaissait correctement dans les fixings Euribor, compte tenu de la correspondance prévisible entre les deux indices.

93      La Commission conteste l’interprétation des échanges en cause faite par les requérantes.

94      La lecture des transcriptions des échanges du 27 septembre 2006 soumises devant le Tribunal, lorsque ceux-ci sont placés dans le contexte des autres éléments de preuve, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan en ce qui concerne ces échanges.

95      En effet, premièrement, ainsi que l’a relevé, en substance, la Commission au considérant 162 de la décision attaquée, lors de l’échange ayant eu lieu ce jour, le trader de Deutsche Bank avait de manière non équivoque demandé au trader de JP Morgan le sens de ses expositions pour les FRA indexés sur l’Euribor-3M (3 mois) et lui a suggéré de mettre une soumission élevée si cela servait ses intérêts (« amigo which way are u in 3 mths oct fras ? if u receiving libor, I hope u gonna put high fixings »), ce à quoi le trader de JP Morgan a répondu qu’il avait désormais une position neutre s’agissant de l’Euribor-3M (« now I am neutral 3m fixing »), et a indiqué ses préférences quant aux différentes échéances Euribor et EONIA (« like low 1s fixing n high 6 fixings, neutral eonia till end of res… »). Cet échange correspond donc au comportement visé au considérant 358, sous a) et b), de la décision attaquée ainsi que l’admettent, en substance, les requérantes.

96      Les requérantes soutiennent que de tels échanges n’avaient rien d’inhabituel ou d’illégitime et que, en indiquant qu’il « aimait » les fixings à 1 mois bas et les fixings à 6 mois élevés, et qu’il était neutre sur l’EONIA, le trader de JP Morgan a uniquement donné son avis sur le marché ou a communiqué la direction générale de sa position en vue de conclure un contrat éventuel ou d’obtenir une couverture. Eu égard au déroulement de l’échange en cause pris dans sa globalité, et notamment compte tenu de l’interrogation de la part du trader de Deutsche Bank sur la direction de la position de trading détenue par le trader de JP Morgan et la suggestion de « mettre » une soumission Euribor à un niveau élevé, cette interprétation proposée par les requérantes n’est pas plausible.

97      En outre, certes, certaines parties de cet échange constituent, ainsi que le soutiennent les requérantes, un échange de points de vue sur la situation du marché. Toutefois, le fait que, lors de la même conversation, les traders ont également échangé leurs points de vue sur la situation du marché n’est pas de nature à remettre en cause l’interprétation des autres passages de cet échange, telle que faite par la Commission et confirmée au point 95 ci-dessus.

98      Deuxièmement, lors de ce même échange, le trader de JP Morgan a demandé au trader de Deutsche Bank à combien s’élevait sa position (« what do u ha[v]e ») et a indiqué qu’il allait vérifier à quel niveau sa trésorerie allait soumettre le taux à 3 mois le lendemain (« think will check where we r gonna put 3s tom »). Cette déclaration doit être interprétée, comme l’a fait en substance la Commission au considérant 163 de la décision attaquée, comme une promesse de la part du trader de JP Morgan, en réponse à la suggestion du trader de Deutsche Bank plus tôt dans la conversation (« I hope u gonna put high fixings »), d’approcher sa trésorerie s’agissant du niveau de la soumission de sa banque pour l’Euribor-3M le lendemain.

99      À cet égard, d’une part, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le trader de JP Morgan n’a pas compris l’indication du trader de Deutsche Bank « I hope u gonna put high fixings »  comme une demande de sa part de contacter sa trésorerie en vue de demander un fixing selon les intérêts de ce dernier et que, en indiquant qu’il allait « vérifier » le niveau de soumission de sa banque pour l’Euribor 3-M le lendemain, le trader de JP Morgan avait uniquement l’intention de demander l’avis d’un responsable des soumissions sur la situation du marché. En effet, lu dans le contexte des communications banque E, lesquelles démontrent que les traders avaient l’habitude d’échanger sur leurs préférences pour le niveau de fixing en vue de coordonner les soumissions Euribor de leurs banques respectives selon leurs propres intérêts, ainsi que de l’échange du 29 septembre 2006 (voir point 120 ci-après), il est justifié de considérer que le trader de Deutsche Bank s’est ainsi adressé au trader de JP Morgan afin de lui demander de contacter sa trésorerie aux fins d’obtenir une contribution dans le sens de ses intérêts, ainsi que le fait valoir la Commission. De même, au regard de l’échange du 29 septembre 2006, il convient de considérer que le trader de JP Morgan a compris ainsi le sens de la demande du trader de Deutsche Bank et, en répondant qu’il allait « vérifier » la soumission de sa banque, il a déclaré vouloir établir un contact pour à tout le moins suggérer au responsable de faire une soumission dans une direction souhaitée par le trader de Deutsche Bank. Cet échange relève donc des comportements visés au considérant 358, sous e), de la décision attaquée, ainsi que l’a retenu la Commission.

100    Par ailleurs, l’échange entre les traders, intervenu quelques minutes plus tard, sur le niveau de la soumission de Deutsche Bank de ce jour relève des comportements visant à contrôler le comportement des membres de l’entente visés au considérant 359 de la décision attaquée.

101    Les arguments des requérantes concernant la portée des échanges du 27 septembre 2006 doivent donc être rejetés comme non fondés.

ii)    Sur les échanges du 28 septembre 2006

102    En deuxième lieu, la Commission a retenu que les échanges bilatéraux ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 28 septembre 2006 (considérants 165 à 169 de la décision attaquée) relevaient des comportements visés au considérant 358, sous a), b), d), e) et f), et au considérant 359 de la décision attaquée.

103    Les requérantes soutiennent, en substance, que, dans le cadre des échanges du 28 septembre 2006, les traders partageaient simplement leurs points de vue sur les soumissions Euribor, lesquels étaient en décalage avec l’évolution du marché, et spéculaient sur les contributions de leurs banques respectives.

104    La Commission conteste l’interprétation des échanges en cause faite par les requérantes.

105    La lecture des transcriptions des échanges du 28 septembre 2006 soumises devant le Tribunal, lorsque ceux-ci sont placés dans le contexte des autres éléments de preuve, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan en ce qui concerne ces échanges.

106    En effet, premièrement, ainsi que la Commission l’a retenu au considérant 167 de la décision attaquée, il ressort sans équivoque des échanges du 28 septembre 2006 que le trader de Deutsche Bank a révélé au trader de JP Morgan ses préférences quant à un fixing élevé (« hope you gonna put a high fix if it suits ») et que les traders examinaient ainsi la possibilité d’aligner l’une des futures soumissions Euribor (« if it suits »), ce qui correspond aux comportements visés au considérant 358, sous a) et d), de la décision attaquée.

107    Deuxièmement, le trader de JP Morgan, tout en révélant sa position de trading neutre s’agissant de la fixation de l’Euribor 3-M ce jour-là [comportement relevant de ceux visés au considérant 358, sous b), de la décision attaquée], a indiqué qu’il allait contacter le desk de trésorerie de sa banque afin de « vérifier » à quel niveau les responsables des soumissions comptaient placer leur soumission (« amigo will check with cash here think they go 42 »). À l’instar de l’échange du 27 septembre 2006 (voir points 98 et 99 ci-dessus), dans le contexte de l’indication claire du trader de Deutsche Bank de sa préférence pour un fixing élevé (« hope you gonna put a high fix »), ainsi que dans le contexte des communications banque E auxquelles se réfère la Commission au considérant 169 de la décision attaquée, et de l’échange du 29 septembre 2009 (voir point 120 ci-après), la déclaration du trader de JP Morgan selon laquelle il allait « vérifier » la soumission de sa banque doit être comprise en ce sens que ce dernier déclare son intention d’établir un contact avec sa trésorerie pour à tout le moins suggérer au responsable de faire une soumission dans le sens des préférences du trader de Deutsche Bank. Cet échange relève donc du comportement visé au considérant 358, sous e), de la décision attaquée, ainsi que l’a retenu la Commission.

108    L’échange entre les deux traders qui a eu lieu ce jour à 10 h 13, après le fixing du jour, tend à démontrer l’existence de concertations entre les traders en cause et leurs desks de trésorerie respectifs concernant les soumissions Euribor de ce jour et que de tels échanges étaient routiniers, ainsi qu’il ressort du considérant 168 de la décision attaquée. En effet, après que le trader de Deutsche Bank s’est plaint du résultat des soumissions de son desk de trésorerie, le trader de JP Morgan a démontré sa surprise quant au fait que la soumission de Deutsche Bank soit allée à l’encontre de l’intérêt du trader de cette banque, ce qui lui était déjà arrivé lorsqu’il était un employé de la banque E, mais ce qui était moins courant chez JP Morgan (« […] cannot believe that ur cash desk is agst u mind u in citi that was case with me here better »). Cet échange relève par ailleurs des comportements visant à contrôler le comportement des membres de l’entente visés au considérant 359 de la décision attaquée.

109    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas dudit échange que le trader de JP Morgan n’aurait pas accepté la demande du trader de Deutsche Bank d’un fixing élevé ou qu’il se serait distancié de cette demande. En effet, la déclaration du trader de JP Morgan selon laquelle il était « neutre » ne saurait aucunement être interprétée comme un refus d’accéder à la demande du trader de Deutsche Bank, mais révèle plutôt la position neutre que celui-ci détenait à cette date, ainsi que l’a retenu la Commission au considérant 167 de la décision attaquée.

110    Troisièmement, lors des échanges du 28 septembre 2006, les traders se sont également communiqués les niveaux auxquels ils pensaient que la soumission serait faite par les trésoreries de leurs banques respectives, ce qui est admis par les requérantes. Toutefois, celles-ci contestent que ces prévisions se fondaient sur d’autres choses que de simples attentes liées à l’évolution perceptible du marché, partagées par tous les traders.

111    À cet égard, c’est à juste titre que la Commission s’appuie sur différents éléments de preuve, notamment sur les échanges entre les traders de JP Morgan et leur trésorerie, invoqués à la note en bas de page no 189 de la décision attaquée et aux considérants 265 et 267 de celle-ci, ainsi que sur les communications banque E, desquelles il ressort que les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank entretenaient des contacts « routiniers » avec leurs trésoreries. Dans ces circonstances, il peut être raisonnablement retenu, ainsi que l’a fait la Commission, que les indications du niveau des soumissions de leurs banques sont fondées sur les contacts antérieurs avec les desks de trésorerie et non seulement sur un avis personnel des traders fondé sur leurs appréciations de l’évolution du marché. Cette interprétation de l’échange en cause est confirmée par le fait que le trader de JP Morgan a explicitement demandé au trader de Deutsche Bank où les membres de son desk de trésorerie voyaient le niveau Euribor-3M du lendemain (« where do you[r] guys see it ? » et « ur cash guy go 43 ? ») (voir considérant 168 de la décision attaquée). Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le fait que certains de ces échanges ont eu lieu en dehors de la période infractionnelle retenue à l’encontre de JP Morgan n’exclut pas, conformément à la jurisprudence rappelée au point 70 ci-dessus, que la Commission puisse s’y appuyer pour confirmer l’interprétation des échanges du 28 septembre 2006.

112    En tout état de cause, même si ces indications en particulier n’ont pas été fondées sur un contact antérieur avec les desks de trésorerie et sont le résultat de simples spéculations personnelles des traders, comme le font valoir les requérantes, force est de constater que, en promettant de « vérifier » le niveau de la contribution de sa trésorerie, le trader de JP Morgan a entendu lever les incertitudes quant au niveau de la contribution envisagée par cette dernière.

113    Enfin, cette déclaration par le trader de JP Morgan de son intention de « vérifier » le niveau de la contribution de sa trésorerie doit également être interprétée, ainsi que le fait valoir la Commission, comme une promesse implicite de sa part de rendre compte au trader de Deutsche Bank du résultat de ces « vérifications » et donc de la réponse qu’il aura obtenue du responsable des soumissions. Il en ressort que c’est à bon droit que la Commission a retenu dans la décision attaquée que l’échange en cause relevait des comportements visés au considérant 358, sous f), de celle-ci.

114    Les arguments des requérantes concernant la portée des échanges du 28 septembre 2006 doivent donc être rejetés comme non fondés.

iii) Sur l’échange du 29 septembre 2006

115    En troisième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 29 septembre 2006 (considérants 170 à 172 de la décision attaquée) relevait des comportements visés au considérant 358, sous a) et b), de la décision attaquée.

116    Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce qui est affirmé au considérant 172 de la décision attaquée, le trader de JP Morgan a seulement commenté « de manière humoristique » la soumission de Deutsche Bank de la veille sans intention quelconque de demander au trader de Deutsche Bank de lui transmettre des informations sur la contribution à l’Euribor que Deutsche Bank ferait le lendemain. Le trader de Deutsche Bank n’aurait pas perçu dans ce commentaire une telle demande. Sa réponse, selon laquelle il n’était pas « chargé », contredirait la suggestion de la Commission selon laquelle le trader de Deutsche Bank était prêt à chercher à influencer les contributions à l’Euribor de sa banque pour servir les intérêts du trader de JP Morgan.

117    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

118    La lecture de la transcription de l’échange du 29 septembre 2006 soumise devant le Tribunal, placé dans le contexte des autres éléments de preuve, et notamment des échanges des 27 et 28 septembre 2006, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan en ce qui concerne cet échange.

119    En effet, certes, le trader de JP Morgan entame la discussion sur le ton de la plaisanterie en surnommant le trader de Deutsche Bank « maître de parodie » (« [s]poofmaster »). Il suggère ainsi, en lien avec la conversation de la veille (voir l’indication du trader de Deutsche Bank lors de l’échange du 28 septembre 2006 « am hoping for [3,]425 or [3],43 ») que ce dernier lui a « joué un tour » en communiquant des informations fausses quant au niveau des contributions de sa banque. La question sur le niveau de la soumission qui suit (« are you going for 3.40 fixing tom 3S ? ») doit donc être comprise comme une moquerie, puisque la contribution de sa banque du jour précédent allait dans le sens contraire aux intérêts de ce dernier. Le fait que cette question ne constitue pas une demande sérieuse quant au niveau probable de la soumission de Deutsche Bank le lendemain, contrairement à ce qu’a retenu la Commission au considérant 172 de la décision attaquée, est conforté par la réponse du trader de Deutsche Bank en ce que celui-ci se plaint du comportement des responsables des soumissions de sa banque et déclare que « toutes ces bêtises » lui causent préjudice (« what can i do ? i’m not in charge of this crap – it hurting me »).

120    Toutefois, d’une part, cet échange pris ensemble avec les échanges des 27 et 28 septembre 2006 fait partie d’un faisceau d’indices permettant de conclure que les traders considéraient qu’ils pouvaient bénéficier de la collaboration de la part de leurs trésoreries quant aux soumissions au panel Euribor en fonction de leurs intérêts, bien qu’une telle « collaboration » n’ait pas porté ses fruits le 28 septembre 2006 (voir en ce sens considérant 172 de la décision attaquée) (voir point 303 ci-après). Par ailleurs, dans la mesure où le trader de Deutsche Bank exprime son mécontentement à l’égard du niveau de la contribution de sa banque, l’échange du 29 septembre 2006 permet de retenir qu’il a à tout le moins tenté, bien que sans succès, d’influencer le niveau des soumissions de sa banque pour le 28 septembre 2009.

121    D’autre part, dans la suite de l’échange, le trader de JP Morgan fait part au trader de Deutsche Bank de son étonnement quant à la lenteur avec laquelle la « situation » évolue et dit espérer que la semaine suivante « ils » parviendront à un niveau où « ils » devraient être (« surprised how slowly it moves hope we get were we should be by end next week »), ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 170 de la décision attaquée. Placée dans le contexte des autres échanges, cette remarque du trader de JP Morgan doit être comprise comme une communication d’informations non publiquement connues ou disponibles sur les préférences pour un fixing 3M élevé, telles qu’exprimées par le trader de Deutsche Bank lors des échanges des 27 et 28 septembre 2006 et, implicitement, celui du 2 octobre 2006 (voir point 129 ci-après), ainsi que sur ses propres préférences et expositions, telles que révélées lors de l’échange du 27 septembre 2006 (voir point 95 ci-dessus).

122    Eu égard à ce qui précède, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’échange du 29 septembre 2006 s’inscrit dans le cadre des comportements visés au considérant 358, sous a) et b), de la décision attaquée.

iv)    Sur les échanges du 2 octobre 2006

123    En quatrième lieu, la Commission a retenu que les échanges bilatéraux ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 2 octobre 2006 (considérants 174 à 176 de la décision attaquée) relevaient des comportements visés au considérant 358, sous a) et b), et au considérant 359 de la décision attaquée.

124    Les requérantes soutiennent que les observations des traders quant au niveau des soumissions des différentes banques, notamment de Deutsche Bank, relèvent du sarcasme. La Commission aurait tort de soutenir que ces échanges confirment la concertation entre les traders quant à la manipulation des fixings du taux l’Euribor-3M. Ils ne constitueraient pas non plus des preuves de ce que le trader de JP Morgan aurait pris part à la « surveillance » de l’entente.

125    La Commission conteste l’interprétation des échanges en cause faite par les requérantes.

126    La lecture des transcriptions des échanges du 2 octobre 2006 soumises devant le Tribunal, lorsque ceux-ci sont placés dans le contexte des autres éléments de preuve, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan en ce qui concerne ces échanges.

127    En effet, tout d’abord, il convient de considérer, à l’instar des requérantes, que la remarque du trader de JP Morgan « belle touche de ton desk de trésorerie » (« lovely touch from ur cash desk »), ainsi que les observations des traders relatives aux contributions de deux autres banques, jugées « encore meilleures », sont ironiques et ne constituent pas de sérieuses « félicitations » pour une « merveilleuse contribution » de la part de Deutsche Bank. En effet, les requérantes font valoir, sans être contredites sur ce point par la Commission, que la contribution de Deutsche Bank de ce jour était basse (3,41) et celles des autres banques mentionnées par les traders encore plus basses (3,40). Or, au regard des préférences continues du trader de Deutsche Bank pour le fixing élevé allant jusqu’à 3,425 ou 3,43, telles qu’exprimées lors des échanges des 27, 28 et 29 septembre 2006, ces contributions basses allaient à l’encontre des intérêts de celui-ci, de sorte qu’elles ne pouvaient pas être sérieusement considérées par les traders comme de « merveilleuses contributions ».

128    Toutefois, cela ne contredit pas la conclusion de la Commission selon laquelle ledit échange relève du comportement visé au considérant 359 de la décision attaquée dans la mesure où les traders ont clairement discuté, bien que sur un ton sarcastique ou de moquerie, des soumissions des banques au panel Euribor. Au regard du fait que, lors des échanges des 27 et 28 septembre 2006, le trader de Deutsche Bank a exprimé sa préférence pour un taux élevé et a demandé au trader de JP Morgan une soumission élevée de sa banque, les discussions sur les niveaux de soumissions de Deutsche Bank après le fixing sont susceptibles de relever des comportements visant à contrôler le comportement des membres de l’entente.

129    De même, la suite de l’échange doit être considérée comme relevant des comportements visés au considérant 358, sous a) et b), de la décision attaquée. En effet, lorsque le trader de JP Morgan s’est demandé jusqu’à quand le taux Euribor resterait à un certain niveau, le trader de Deutsche Bank a répondu, avec une certaine autodérision, « probablement quand je n’aurais plus de fixing », ce qui doit être compris, ainsi que l’a retenu la Commission à la note en bas de page no 195 de la décision attaquée, quand il n’aura plus de positions de trading sur des EIRD ayant leurs fixings en référence au taux Euribor-3M. Au regard des échanges précédents lors desquels le trader de Deutsche Bank a exprimé au trader de JP Morgan sa préférence pour le fixing Euribor 3-M élevé, cette remarque doit être comprise comme visant à indiquer sa préférence continue pour un tel fixing élevé ainsi que le sens de ses expositions.

130    Sans que cela puisse remettre en cause la conclusion énoncée au point 129 ci-dessus, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’a retenu la Commission au considérant 176 de la décision attaquée, cette remarque ne saurait indiquer « clairement » l’objectif du trader de Deutsche Bank de manipuler les fixings de l’Euribor-3M dans la mesure où, contrairement aux échanges des 27 et 28 septembre 2006, aucune invitation ou demande explicite au trader de JP Morgan d’un fixing élevé de la part de sa trésorerie ne ressort de cet échange. Tout au plus, une telle demande pourrait être considérée comme étant implicite, lorsque l’échange en cause est placé dans le contexte des échanges des 27 et 28 septembre 2006.

131    Eu égard à ce qui précède, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les échanges du 2 octobre 2006 s’inscrivent dans le cadre des comportements visés au considérant 358, sous a) et b), et au considérant 359 de la décision attaquée.

v)      Sur l’échange du 6 octobre 2006

132    En cinquième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 6 octobre 2006 (considérants 180 à 182 de la décision attaquée) relevait du comportement visé au considérant 358, sous b), de la décision attaquée.

133    Les requérantes soutiennent que, par cet échange, les deux traders en cause exploraient légitimement la possibilité de conclure des transactions et que l’information ainsi divulguée par le trader de JP Morgan portait sur la direction générale de son portefeuille.

134    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

135    La lecture de la transcription de l’échange du 6 octobre 2006, soumise devant le Tribunal, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de cet échange.

136    En effet, il ressort de celui-ci que, certes, les traders ont entamé leur échange en discutant de la possibilité de conclure une transaction. Toutefois, ils ont poursuivi en discutant de leurs positions et de leurs stratégies de trading respectives, ainsi que l’a retenu la Commission au considérant 180 de la décision attaquée, sans que cette discussion présente un lien avec une possibilité de conclure une transaction discutée auparavant. En effet, le trader de Deutsche Bank a suggéré au trader de JP Morgan de couvrir sa position sur ses FRA avec des contrats à terme pour la date IMM de mars 2007, ce à quoi ce dernier a répondu qu’il avait réduit son exposition sur les FRA (« i had this position for a while unwinding most of the risk at the mom »), et il a divulgué sa position de trading s’agissant des contrats à terme pour la date IMM de mars 2007 qui anticipe un rétrécissement de l’écart entre les taux EONIA et Euribor en mars 2007 (« ads told u this mng beside think fra=-eonia spread in mar7 quite wide so reduced my shoret euribor agst paying a little of this my book never looked this tifdy »), ce qui est admis, en substance, par les requérantes.

137    Elles soutiennent toutefois que les informations ainsi divulguées par le trader de JP Morgan n’étaient pas suffisamment précises et se limitaient à ce qui était nécessaire pour exposer des motifs pour lesquels ce dernier n’était pas prêt à jouer le rôle de teneur de marché pour le trader de Deutsche Bank. À cet égard, il convient de relever que, plus tôt dans la conversation, le trader de Deutsche Bank a écarté une possibilité de conclure une transaction avec le trader de JP Morgan en lui indiquant simplement qu’il n’y avait pas d’intérêt (« no spec int amigo ») sans se justifier davantage.

138    Pour autant que les requérantes soutiennent que les informations en cause n’étaient pas suffisamment précises, cet argument porte sur la question de savoir si l’échange de telles informations présente un degré suffisant de nocivité pour la concurrence pour être qualifié de restriction de concurrence par objet et sera examiné dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

139    Sous cette réserve, les arguments des requérantes concernant la portée de l’échange du 6 octobre 2006 doivent donc être rejetés comme non fondés.

vi)    Sur l’échange du 10 octobre 2006

140    En sixième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 10 octobre 2006 (considérants 183 à 186 de la décision attaquée) relevait des comportements visés au considérant 358, sous a) et b), de la décision attaquée.

141    Les requérantes soutiennent que l’échange en cause portait sur une possibilité de conclure une transaction et ne concernait pas une « vérification préalable » des intérêts de trading avant d’aligner les soumissions de l’Euribor.

142    La Commission fait valoir que les allégations des requérantes selon lesquelles l’échange en cause avait pour objet de vérifier une opportunité de conclure une transaction sont contredites par les éléments de preuve, notamment par la conversation plus tôt dans la journée entre le trader de Deutsche Bank et celui de Barclays, ainsi que par le fait que le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan avaient, à ce moment, des positions opposées. Cet échange démontrerait donc clairement que les traders ont échangé les informations à caractère collusoire sur leurs préférences du fixing pour déterminer si leurs intérêts étaient convergents quant à l’évolution de l’Euribor.

143    La lecture de la transcription de l’échange du 10 octobre 2006 soumise devant le Tribunal ne permet pas de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan en ce qui concerne cet échange.

144    Certes, en répondant à une question du trader de Deutsche Bank qu’il détenait une position emprunteur s’agissant des accords de taux futurs à 1 mois liés à l’Euribor et prenant fin à la date IMM du mois d’octobre (« I am lent 1m fras in October »), le trader de JP Morgan lui a révélé des informations concernant sa position de trading.

145    Toutefois, la Commission n’a pas établi avec le niveau de preuve requis que l’interprétation la plus plausible de l’échange en cause est celle selon laquelle le trader de JP Morgan a répondu en comprenant que le trader de Deutsche Bank l’avait approché dans l’objectif de vérifier si leurs intérêts concordaient afin de lui demander une soumission Euribor à un niveau plus élevé ou plus faible.

146    En effet, l’interprétation de l’échange en cause, telle que retenue au considérant 185 de la décision attaquée, selon laquelle le trader de Deutsche Bank avait demandé au trader de JP Morgan l’orientation de sa position de trading « fort probablement » en préalable à une demande de « fixing » plus élevé ou plus faible s’ils avaient le même intérêt de trading n’est pas la seule possible, ni la plus plausible, et ne peut pas être soutenue par les éléments de preuve sur lesquels s’appuie la Commission.

147    À cet égard, il est constant entre les parties que les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank négociaient entre eux des transactions (voir, notamment, début de l’échange du 6 octobre 2006, point 136 ci-dessus, considérant 180 de la décision attaquée). Ainsi, il ne saurait être admis, ainsi que le soulignent les requérantes, que le trader de JP Morgan était en mesure de déterminer à chaque fois, lorsque le trader de Deutsche Bank lui demandait sa position de trading, que celui-ci le faisait dans l’optique de vérifier que leurs intérêts concordaient en vue de chercher à aligner les soumissions à l’Euribor de leurs banques respectives plutôt que dans l’optique de conclure une transaction.

148    S’agissant de l’argument de la Commission, selon lequel une invitation à conclure une transaction comprendrait nécessairement plus de détails quant aux conditions d’une telle transaction, il est contredit, notamment, par l’échange du 6 octobre 2006 lors duquel le trader de JP Morgan a entamé la discussion en vue de conclure une transaction par une indication de nature générale (« EONIA 1WK [week] »), laquelle a été comprise par le trader de Deutsche Bank comme une invitation à conclure une transaction, qu’il n’a pas acceptée (« no spec int amigo ») (voir considérant 180 de la décision attaquée). Ainsi, la Commission ne peut pas affirmer que les traders ne pouvaient pas entamer des échanges dans une perspective de conclure une transaction par une indication de nature générale, notamment par l’indication d’un niveau général de leurs positions pour continuer ensuite avec une cotation plus précise des prix.

149    La thèse de la Commission, selon laquelle l’interprétation qu’elle a retenue de l’échange en cause est confirmée par l’échange entre le trader de Barclays et le trader de Deutsche Bank plus tôt dans la journée, lorsque ce dernier promet d’aborder le trader de JP Morgan afin de lui demander un fixing dans un sens favorable aux traders de Deutsche Bank et de Barclays, ne saurait être suivie.

150    En effet, d’une part, alors que cet échange peut effectivement démontrer l’intention du trader de Deutsche Bank d’aborder le trader de JP Morgan afin de lui demander un fixing dans un sens favorable aux traders de Deutsche Bank et de Barclays, il n’est pas susceptible de soutenir la thèse de la Commission quant au comportement infractionnel du trader de JP Morgan eu égard au fait que ce dernier n’a pas participé à cet échange et ne pouvait donc pas déterminer, à partir de la question du trader de Deutsche Bank, sa véritable intention. Il n’est ainsi pas moins plausible que ce dernier ait révélé le sens de sa position de trading en comprenant qu’il avait été abordé dans l’optique de conclure une transaction.

151    D’autre part, le fait que le trader de JP Morgan était susceptible de comprendre la question du trader de Deutsche Bank comme un préalable à la conclusion d’une transaction n’est pas contredit, contrairement à ce que soutient la Commission, par l’existence de positions opposées détenues par les traders. En effet, le trader de JP Morgan n’était pas au courant du fait que leurs positions divergeaient. Au contraire, au regard de la réponse du trader de Deutsche Bank (« pas de chance », « bad luck okay amigo »), il a pu raisonnablement comprendre que ses intérêts et ceux du trader de Deutsche Bank convergeaient et que, dès lors, une transaction de couverture n’était pas envisageable. Sa réplique « espérons que cet Euribor-1M reste joli et bas » (« let’s hope this 1m euribor stay nice n low ») concorde ainsi plutôt avec la thèse des requérantes selon laquelle le trader de JP Morgan avait simplement compris que le trader de Deutsche Bank avait le même intérêt pour un fixing Euribor-1M bas et qu’il considérait donc que la discussion portait sur la possibilité de conclure une telle transaction.

152    L’interprétation la plus plausible de l’échange en cause n’est donc pas, contrairement à ce qui ressort du considérant 185 de la décision attaquée, que le trader de JP Morgan avait compris la question générale du trader de Deutsche Bank sur sa position de trading comme visant à vérifier au préalable ses intérêts de trading avant de procéder à une demande de fixing élevé du taux Euribor plutôt qu’en vue de conclure une transaction, et ce quand bien même il conviendrait d’interpréter cet échange à la lumière du faisceau d’indices comprenant notamment les communications banque E (voir considérant 186 de la décision attaquée). Dans ces circonstances, la communication par le trader de JP Morgan au trader de Deutsche Bank de sa position de trading ne peut pas être considérée comme s’inscrivant dans l’objectif d’aligner les soumissions Euribor de leurs banques respectives. Au regard de la charge de la preuve incombant à la Commission et dans la mesure où les doutes quant à l’interprétation de cet échange doivent profiter aux requérantes en application de la jurisprudence rappelée au point 87 ci-dessus, il convient de conclure que la matérialité des faits allégués en ce que la Commission a retenu que l’échange du 10 octobre 2006 relève des comportements visés au considérant 358, sous a) et b), de la décision attaquée n’est pas établie.

153    Les arguments des requérantes concernant la portée de l’échange du 10 octobre 2006 sont donc fondés.

vii) Sur l’échange du 25 octobre 2006

154    En septième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Barclays et le trader de JP Morgan le 25 octobre 2006 (considérants 194 à 196 de la décision attaquée) relevait des comportements visés au considérant 358, sous a) et g), de la décision attaquée.

155    Pour contester cette qualification de l’échange en cause, les requérantes soutiennent que la Commission ne démontre pas que le terme « fixing » employé par le trader de Barclays lors de l’échange du 25 octobre 2006 faisait référence aux fixings Euribor. En tout état de cause, le trader de JP Morgan aurait compris la proposition de demander au trader de Barclays « ce qu’il voulait » au niveau des « fixings » comme une plaisanterie plutôt que comme une offre visant à influencer les contributions à l’Euribor de Barclays et, en tout cas, il n’a pas consenti à une telle offre. En outre, la Commission ne reconnaîtrait pas cet échange comme anticoncurrentiel étant donné qu’elle a abandonné, au considérant 487 de la décision attaquée, les allégations d’infraction bilatérale commise par JP Morgan avec d’autres banques que Deutsche Bank.

156    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

157    La lecture de la transcription de l’échange du 25 octobre 2006, soumise devant le Tribunal, lorsque celui-ci est placé dans le contexte des autres éléments de preuve, permet de confirmer, à tout le moins partiellement, la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de cet échange.

158    À titre liminaire, il convient de relever que la Commission a bien retenu l’échange en cause parmi les comportements anticoncurrentiels faisant partie de l’infraction unique et continue à laquelle a participé JP Morgan, ainsi qu’il ressort du considérant 358, sous a) et g), et du considérant 487, sous a), de la décision attaquée, faisant référence au comportement décrit aux considérants 194 à 196 de celle-ci. Ainsi, le fait que, au considérant 487 de la décision attaquée, la Commission se réfère, à l’évidence par erreur, uniquement aux contacts bilatéraux entre les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank, pour préciser qu’ils constituaient en soi une infraction, ne saurait infirmer cette conclusion fondée sur la lecture globale de la décision attaquée.

159    Ensuite, il importe de relever que, lors de l’échange en cause, le trader de Barclays a proposé au trader de JP Morgan de « ne pas hésiter à lui demander quoi que ce soit », tels que des fixings élevés, bas ou neutres (« do not hesitate to ask anything u need, high fixing low fixing normal fixing… ») en faisant ainsi de manière explicite une offre de lui rendre un service en influençant les soumissions de l’Euribor selon les intérêts du trader de JP Morgan, de sorte que ce comportement doit être considéré comme relevant du considérant 358, sous a), de la décision attaquée. Le fait que le trader de JP Morgan n’a pas explicitement accepté cette proposition ne permet pas de remettre en cause cette conclusion dans la mesure où la décision attaquée ne conclut pas que cet échange constituait une demande directe de manipulation des taux, laquelle aurait été acceptée.

160    Les autres arguments des requérantes ne permettent pas de remettre en cause cette conclusion.

161    En effet, s’agissant, premièrement, de l’argument selon lequel il n’est pas démontré que la proposition du trader de Barclays porte sur les « fixings » de l’Euribor, les requérantes ne proposent pas d’interprétation alternative. Or, au vu du contenu des autres communications litigieuses [voir notamment les échanges avec le trader de Deutsche Bank les 27 et 28 septembre 2006 et le 26 octobre 2006 (s’agissant de ce dernier échange, voir point 170 ci-après)], il paraît plus que vraisemblable que le terme « fixing » corresponde aux « fixings » de l’Euribor. Le fait que, en répondant à cette proposition « juste un petit effort pour en-dessous d’1 mois » (« ahahaha just a little effort in below 1m ») le trader de JP Morgan a fait référence à la liquidité pour des maturités inférieures à un mois, ce qui est d’ailleurs accepté par la Commission (voir considérant 196 de la décision attaquée), n’infirme pas l’interprétation qu’il convient de donner au terme « fixing » employé par le trader de Barclays lorsqu’il a fait une offre au trader de JP Morgan.

162    S’agissant, deuxièmement, de l’argument des requérantes selon lequel le trader de JP Morgan n’avait pas compris qu’il s’agissait d’une offre de placer des soumissions Euribor futures à des niveaux préacceptés, mais plutôt d’une plaisanterie, celui-ci n’est pas convaincant. En effet, ainsi que la Commission le relève au considérant 196 de la décision attaquée, le trader de JP Morgan ne montre aucune surprise à l’égard de la proposition du trader de Barclays et répond même à cette proposition, bien que s’agissant de ses besoins de la liquidité. Par ailleurs, après que le trader de Barclays a répondu à cela « je le ferai » (« i will »), le trader de JP Morgan l’en remercie, ce qui tend à démontrer qu’il avait compris la demande de ce dernier comme étant sérieuse et non comme une plaisanterie.

163    Les arguments des requérantes visant à contester que l’échange du 25 octobre 2006 relève des comportements visés au considérant 358, sous a), de la décision attaquée doivent donc être rejetés comme non fondés.

164    Dans ces circonstances, en application de la jurisprudence constante selon laquelle, lorsque certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, EU:C:2001:408, point 27, et du 12 décembre 2006, SELEX Sistemi Integrati/Commission, T‑155/04, EU:T:2006:387, point 47), il n’y a pas lieu d’examiner si l’échange du 25 octobre 2006 relève également du comportement visé au considérant 358, sous g), de la décision attaquée.

viii) Sur l’échange du 26 octobre 2006

165    En huitième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 26 octobre 2006 (considérants 197 à 200 de la décision attaquée) relevait des comportements visés au considérant 358, sous a), b) et g), de la décision attaquée.

166    Les requérantes soutiennent que ledit échange n’avait pas d’objet anticoncurrentiel, car il portait d’abord sur une transaction entre le trader de JP Morgan et un tiers, puis sur la possibilité pour les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank de conclure une autre transaction.

167    La Commission conteste cette interprétation de l’échange en cause et estime qu’elle n’est pas crédible.

168    La lecture de la transcription de l’échange du 26 octobre 2006 soumise devant le Tribunal, lorsque celui-ci est placé dans le contexte des autres éléments de preuve, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de cet échange.

169    En effet, premièrement, les parties s’accordent sur le fait que, lors dudit échange le trader de JP Morgan a demandé au trader de Deutsche Bank son avis sur la cotation d’une transaction que ce premier voulait conclure avec un tiers. Les traders se sont ainsi communiqués des informations détaillées, non publiquement connues sur les stratégies de fixation des prix pour un EIRD, ce qui correspond au comportement visé au considérant 358, sous g), de la décision attaquée.

170    Deuxièmement, les requérantes reconnaissent que, lors de cet échange, le trader de JP Morgan a révélé au trader de Deutsche Bank qu’il était payeur pour l’Euribor-1M. Il a ainsi dévoilé le sens de son exposition, comportement qui est susceptible de relever de ceux visés au considérant 358, sous b), de la décision attaquée. En outre, en annonçant qu’il n’était pas nécessaire de se précipiter pour équilibrer son portefeuille, car les fixings étaient bas (« thise 1s are fixing nice n low… no point rushing to take them back »), le trader de JP Morgan dévoile implicitement ses préférences pour un fixing bas pour l’Euribor-1M, ce qui correspond au comportement visé au considérant 358, sous a), de la décision attaquée.

171    Troisièmement, le trader de Deutsche Bank a suggéré au trader de JP Morgan de s’adresser à lui pour récupérer « ses fixing 1 mois » (« u know where to come to get back some 1S fixings »). Dans la mesure où, après une transaction conclue avec le tiers, le trader de JP Morgan avait une position payeuse sur l’Euribor 1M (voir considérant 197 de la décision attaquée), ce qui n’est pas contesté par les requérantes, cette proposition doit être interprétée, ainsi que le fait valoir la Commission, en ce sens que le trader de Deutsche Bank invite le trader de JP Morgan à lui demander des soumissions de l’Euribor-1M bas ce qui irait dans le sens de ses intérêts. Un tel comportement relève des comportements visés au considérant 358, sous a), de la décision attaquée.

172    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette proposition de la part du trader de Deutsche Bank ne saurait être interprétée comme une invitation à conclure une transaction afin d’équilibrer le portefeuille du trader de JP Morgan. En effet, il convient de relever que, dans leurs échanges bilatéraux, les traders employaient habituellement le terme « fixing » en tant que référence aux fixings Euribor, notamment dans les échanges des 27 et 28 septembre 2006, lorsque le trader de Deutsche Bank a demandé au trader de JP Morgan de solliciter une soumission Euribor élevée (voir point 161 ci-dessus ; voir également échange du 25 octobre 2006 entre le trader de JP Morgan et le trader de Barclays). Dans ce contexte, l’expression « récupérer les fixings » ne saurait être interprétée comme une invitation à conclure une transaction. Par ailleurs, le rejet de cette proposition au motif que les fixings Euribor-1M étaient, à ce moment, bas, et donc que le trader n’avait pas besoin qu’ils soient modifiés (voir point 170 ci-dessus), tend à démontrer que le trader de JP Morgan l’a précisément comprise comme une invitation de la part du trader de Deutsche Bank de s’adresser à lui pour demander des soumissions Euribor de sa banque dans le sens de ses intérêts.

173    Les arguments des requérantes concernant la portée de l’échange du 26 octobre 2006 doivent donc être rejetés comme non fondés.

ix)    Sur l’échange du 8 novembre 2006

174    En neuvième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 8 novembre 2006 (considérants 205 à 207 de la décision attaquée) relevait des comportements visés au considérant 358, sous a), b), d), e) et f), de la décision attaquée.

175    Les requérantes marquent leur désaccord avec l’interprétation de cet échange retenue par la Commission et soutiennent, en substance, que les traders échangeaient sur le ton de la plaisanterie, notamment, leurs observations quant au niveau des soumissions de leurs banques respectives.

176    La Commission conteste cette interprétation de l’échange en cause et estime qu’elle n’est pas crédible.

177    La lecture de la transcription de l’échange du 8 novembre 2006 soumise devant le Tribunal, lorsqu’il est placé dans le contexte des autres éléments de preuve, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de cet échange.

178    En effet, premièrement, les requérantes reconnaissent que, lors de l’échange en cause, les deux traders ont exprimé leurs préférences pour un fixing Euribor-1M bas et que l’échange en cause relève ainsi des comportements visés au considérant 358, sous a), de la décision attaquée. En outre, en indiquant de telles préférences pour le fixing Euribor-1M bas, les traders se sont révélés implicitement le sens de leurs expositions, ce qui relève du comportement visé au considérant 358, sous b), de la décision attaquée.

179    Deuxièmement, l’échange en cause relève également du comportement visé au considérant 358, sous d), de la décision attaquée. En effet, le trader de Deutsche Bank a demandé au trader de JP Morgan de faire une soumission plus basse (« amigo put the livbors lower »). Contrairement à ce que font valoir les requérantes, rien dans ledit échange n’indique qu’il s’agirait d’une plaisanterie.

180    En effet, lorsque le trader de JP Morgan évoque une soumission relativement haute (« jpm set them comparitevlyt high »), cela doit être compris en ce sens qu’il révèle au trader de Deutsche Bank que sa trésorerie souhaitait soumettre un fixing élevé, ce à quoi le trader de Deutsche Bank répond en lui demandant de faire une soumission plus basse. En outre, ce dernier a également révélé que sa trésorerie souhaitait soumettre un fixing élevé et que malheureusement ils ne recevraient pas d’aide de leur part ce mois-ci (« [unfortunately] my treasury wants a high libor at the moment so we won[’]t get help from them this month »). Un tel échange démontre sans ambiguïté que les deux traders examinaient la possibilité d’aligner une future soumission Euribor de leurs banques respectives sur la base de leurs préférences pour un fixing Euribor-1M bas.

181    Par ailleurs, l’argument des requérantes selon lequel cette dernière remarque devait être comprise uniquement comme l’indication d’une divergence de points de vue entre le trader de Deutsche Bank et sa trésorerie ne convainc pas. En effet, la circonstance selon laquelle le trader de Deutsche Bank ait indiqué au trader de JP Morgan qu’ils n’obtiendraient pas « d’aide » de la part de la trésorerie de sa banque « ce mois-ci » et que le trader de JP Morgan lui ait précisé que « s[’il] demande ils expliquent la réglementation et la loi et le conflit d’intérêts […] on disait que dans d’autres banques… il y a un degré de flexibilité beaucoup plus élevé, pour ainsi dire » (« if i ask they explain the regulation n the law n the conflict of int… we were saying at other banks… there is big higher degree of fe flexibility so to speak ») tendent à démontrer que les deux traders cherchaient à aligner les soumissions Euribor de leurs banques respectives par un éventuel contact avec les desks de trésorerie.

182    Troisièmement, la Commission a pu également retenir à bon droit que l’échange du 8 novembre 2006 s’inscrivait dans les comportements visés au considérant 358, sous e) et f), de la décision attaquée. En effet, les indications des traders selon lesquelles leurs trésoreries soumettront des fixings Euribor-1M haut (« jpm set them comparitevlyt high », « unfortunately my treasury wants a high libor ») doivent être considérées comme un échange d’informations sensibles quant à la direction envisagée par leurs trésoreries respectives en ce qui concerne le fixing, information obtenue dans le cadre des contacts réguliers entre les traders et leurs trésoreries.

183    L’argument des requérantes selon lequel la remarque du trader de Deutsche Bank laissait entendre que sa trésorerie était susceptible de soumettre des contributions plus élevées que celles que les deux traders considéraient justifiées ne saurait convaincre. En effet, il ne ressort nullement dudit échange qu’il s’agirait d’opinions ou d’avis des deux traders. Les deux remarques citées au point 182 ci-dessus sont formulées de manière affirmative et aucun terme laissant entendre qu’il s’agirait d’une supposition ou d’un avis ne figure dans ledit échange.

184    En outre, il peut être raisonnablement conclu, au regard du faisceau d’indices comprenant les communications banque E et les échanges entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de sa banque (voir point 111 ci-dessus), que cette révélation du niveau de contribution de JP Morgan fait suite aux contacts préalables que celui-ci a eus avec son desk de trésorerie. Le fait que, ensuite, il indique « s[’il] demande ils expliquent la réglementation et la loi et le conflit d’intérêts » démontre tout au plus que le trader de JP Morgan estimait ne pas être en mesure d’influencer, à ce moment-là, sa trésorerie dans le sens souhaité, ce qui est confirmé par la suite de la conversation lorsqu’il indique « on disait que dans d’autres banques… il y a un degré de flexibilité beaucoup plus élevé, pour ainsi dire » et « dis-le à mon desk de trésorerie » (« u tell my cash desk ») en réponse à la demande insistante du trader de Deutsche Bank pour une soumission Euribor-1M basse. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette partie de l’échange du 8 novembre 2006 démontre que le trader de JP Morgan s’est entretenu, avant l’échange avec le trader de Deutsche Bank, avec le responsable des soumissions de sa banque sur le niveau de la contribution de celle-ci et qu’il a pu rapporter au trader de Deutsche Bank l’intention de sa banque de soumettre une contribution à un niveau relativement élevé.

185    Partant, les arguments avancés par les requérantes concernant la portée de l’échange du 8 novembre 2006 doivent être rejetés comme non fondés.

x)      Sur l’échange du 13 novembre 2006

186    En dixième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 13 novembre 2006 (considérants 210 à 212 de la décision attaquée) relevait des comportements visés au considérant 358, sous g), de la décision attaquée.

187    Les requérantes soutiennent que rien dans l’échange en cause ne permet de conclure à l’existence d’un accord sur les niveaux des « spreads ». Un tel accord nécessiterait, au minimum, d’identifier un type de produit, une maturité et un niveau de « spread » particulier. L’échange en cause porterait seulement sur la publication des prix indicatifs sur les écrans des courtiers, lequel serait sujet à des négociations bilatérales avant la conclusion d’une transaction.

188    La Commission conteste cette interprétation de l’échange en cause.

189    La lecture de la transcription de l’échange du 13 novembre 2006 soumise devant le Tribunal, lorsqu’il est placé dans le contexte des autres éléments de preuve, permet de confirmer la matérialité du comportement reproché à JP Morgan au titre de cet échange.

190    En effet, il est constant entre les parties que, lors de l’échange du 13 novembre 2006, le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan se sont mis d’accord d’arrêter de « soutenir les spreads dans les “bookies” [courtiers] » (« we should stop making spread prices in the bookies as it is becoming ridiculous », « happy to just hit them than supporting them », « let’s stop supporting the spreads in the bookie », « agree amigo will not support them »). Les requérantes ne contestent pas que les traders ont ainsi échangé sur des « spreads », compris comme un écart de cotation acheteur-vendeur (« bid-ask spread »), ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 212 de la décision attaquée.

191    Il ressort du considérant 36 de la décision attaquée que les « spreads » sont utilisés pour la fixation des prix ainsi que pour l’évaluation et la cotation des produits financiers. Les requérantes ne contestent pas non plus le fait, relevé par la Commission audit considérant 36 de la décision attaquée, sur le fondement d’une déclaration de la banque B, qu’un effort collectif de détermination des « spreads » peut affecter le prix de transaction d’une opération.

192    Il convient de relever, ainsi qu’il ressort du considérant 301 de la décision attaquée, que l’échange du 13 novembre 2006 doit être lu dans le contexte de l’échange du 14 mars 2007 entre les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank portant sur les frais du courtage (voir points 249 à 251 ci-après).

193    Au regard de cet élément de preuve, l’échange du 13 novembre 2007 doit être considéré comme portant sur une approche commune des traders de Deutsche Bank et de JP Morgan visant à modifier leur stratégie de prix des EIRD s’agissant des transactions réalisées par l’intermédiaire des courtiers, à savoir ne plus accepter le niveau des « spreads » proposés par ces derniers et donc réduire les revenus ou les marges des courtiers. Ainsi que le fait valoir la Commission, un tel accord a une incidence sur les revenus de trading des traders par rapport à ceux des courtiers. L’échange du 13 novembre 2007 constitue donc un échange d’informations non publiquement disponibles sur une stratégie de fixation des prix des EIRD, au sens du considérant 358, sous g), de la décision attaquée.

194    L’interprétation que font les requérantes de l’échange du 13 novembre 2006 n’est pas plus plausible que celle retenue par la Commission, confirmée au point 193 ci-dessus. En effet, la teneur même de l’échange et, notamment, les propos du trader de JP Morgan lorsqu’il indique être « heureux de les frapper plutôt que de les soutenir » (« happy to just hit them than supporting them ») ne concordent pas avec l’argument des requérantes selon lequel les traders se seraient entendus sur une approche visant à ne pas diffuser des prix indicatifs sur les écrans des courtiers, afin de limiter une politique de « parasitisme » de ces derniers. Les requérantes appuient leur interprétation de l’échange en cause sur le seul témoignage du trader de JP Morgan. Or, ainsi qu’il ressort du point 60 ci-dessus, la valeur probante de ce témoignage est faible, de sorte qu’il ne saurait remettre en cause la portée de l’échange, telle qu’elle a été retenue par la Commission et qui est fondée sur un faisceau d’indices.

195    Partant, les arguments des requérantes visant à contester que l’échange du 13 novembre 2006 relève des comportements visés au considérant 358, sous g), de la décision attaquée doivent être rejetés comme non fondés.

xi)    Sur les échanges du 24 novembre 2006

196    En onzième lieu, la Commission a retenu que les échanges bilatéraux ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 24 novembre 2006 (considérants 220 à 222 de la décision attaquée) relevaient des comportements visés au considérant 358, sous g), de la décision attaquée.

197    Les requérantes soutiennent que les échanges en cause se sont produits dans le cadre du contexte légitime d’une discussion sur une transaction éventuelle. Ce serait également à tort que la Commission a retenu que le trader de JP Morgan avait communiqué au trader de Deutsche Bank ses intentions de prix ou la stratégie de fixation des prix alors qu’il donnait uniquement une « indication large » des facteurs pertinents de fixation de prix sur la base de certaines hypothèses, et ce dans l’espoir de convaincre ce dernier de conclure une transaction. De telles informations ne faisaient donc pas transparaître son prix réel.

198    La Commission conteste cette interprétation des échanges en cause et estime, en substance, qu’elle n’est pas crédible.

199    La lecture des transcriptions des échanges du 24 novembre 2006 soumises devant le Tribunal permet de confirmer la matérialité du comportement reproché à JP Morgan au titre de ces échanges.

200    Premièrement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les échanges en cause ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une transaction potentielle entre les traders. En effet, en réponse à une demande d’avis sur l’établissement d’un prix pour un produit spécifique adressée par le trader de Deutsche Bank au trader de JP Morgan, ce dernier s’est assuré de savoir si le trader de Deutsche Bank était intéressé par un « prix » dans le cadre d’une transaction ou par un simple avis (« do you a px or an [opinion] amigo ? »). Le trader de Deutsche Bank a indiqué clairement qu’il était intéressé par un avis, donc pas par une cotation pour une transaction potentielle.

201    Deuxièmement, et ainsi qu’il est relevé au considérant 222 de la décision attaquée, le trader de JP Morgan a fourni au trader de Deutsche Bank des informations précises, y compris sa vision du « mid » et le niveau de « spread » qu’il demanderait, sur le prix d’un type de produit (FRA 1*2) et d’une taille de transaction (pour un montant notionnel de 100 milliards). Au demeurant, l’argument des requérantes selon lequel la cotation hypothétique ne reflétait pas les intentions ou la stratégie de fixation des prix du trader de JP Morgan ne convainc pas, dans la mesure où ce dernier a clairement indiqué tant sa vision du « mid » (« 1*2 is more like 65.5 ») que le niveau minimal du « spread » (« quote minimum “1tic” [un écart d’un point de base] spread ») qu’il aurait demandé sur la base du scénario présenté par le trader de Deutsche Bank, ce qui constitue donc une intention de prix. De plus, le fait qu’il ne soit pas d’accord sur certains paramètres dans le scénario fourni par le trader de Deutsche Bank (tels que le « mid » qu’il considère comme erroné) n’a pas d’incidence dans la mesure où il fournit néanmoins à ce dernier des informations précises sur le prix d’un type de produit et d’une certaine taille de transaction.

202    Troisièmement, le trader de JP Morgan a déclaré qu’il fournissait cette information uniquement au trader de Deutsche Bank (« amigo only for u… »), ce qui implique clairement que le trader de JP Morgan ne diffusait pas cet élément d’information sur le marché, ainsi qu’il est souligné, en substance, au considérant 222 de la décision attaquée. Il s’agit donc d’une information non publiquement connue ou disponible.

203    Les griefs des requérantes concernant la portée des échanges du 24 novembre 2006 doivent donc être rejetés comme non fondés.

xii) Sur l’échange du 18 décembre 2006

204    En douzième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 18 décembre 2006 (considérants 230 à 234 de la décision attaquée), lu à la lumière de l’échange du 15 décembre 2006 entre ce dernier et la responsable des soumissions de sa banque, relevait des comportements visés au considérant 358, sous a) et b), et au considérant 359 de la décision attaquée.

205    Les requérantes soutiennent que, lors de la discussion du 15 décembre 2006, le trader de JP Morgan et la responsable des soumissions de cette banque spéculaient uniquement sur les raisons possibles du coût élevé de l’argent au jour le jour. Cette discussion n’aurait donc aucun rapport avec la discussion entre le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank du 18 décembre 2006, lors de laquelle les traders commenteraient uniquement a posteriori le niveau du fixing du jour et ses conséquences pour eux, ce qui n’aurait aucun aspect anticoncurrentiel.

206    La Commission estime qu’il ressort à l’évidence de l’échange du 15 décembre 2006 que le trader de JP Morgan était au courant d’un projet de manipulation du fixing du 18 décembre 2006, dans lequel était impliqué, notamment, le trader de Deutsche Bank, et qu’il s’est ainsi enquis, lors de la conversation du 18 décembre 2006, auprès de ce dernier de sa satisfaction face au résultat de ce fixing.

207    En premier lieu, dans la mesure où l’échange du 15 décembre 2006 peut s’avérer pertinent, en tant qu’élément d’un faisceau d’indices, dans le cadre de l’examen du caractère anticoncurrentiel des comportements reprochés au trader de JP Morgan, il convient d’examiner l’interprétation donnée à cet échange par la Commission et contestée par les requérantes.

208    Lors de l’échange du 15 décembre 2006, le trader de JP Morgan et sa responsable des soumissions ont tout d’abord discuté du prix inhabituellement élevé du « cash » au jour le jour, ainsi que le soutiennent les requérantes. Toutefois, ensuite, ainsi que l’a retenu à juste titre la Commission au considérant 232 de la décision attaquée, le trader de JP Morgan a indiqué à sa responsable des soumissions que Deutsche Bank et d’autres banques s’adonnaient à un « jeu » consistant à « forcer les fixings à la hausse », car ils régleraient le lundi 18 décembre 2006 une position très importante indexée sur les indices Euribor-1M et Euribor-3M (« well reality is most people have v large dfixing 1s n espopecially 3s on Monday n they want to force fixings higher, it is just this game they r playing, mkt will look different after imm roll »). Le trader de JP Morgan a également ajouté que Deutsche Bank avait des fixings 3 mois élevés pendant au moins une semaine (« DB has had 69 gfixing for at least a week in 3s which is a joke/disgrace ») et que quelques « compagnons futés » s’étaient joints à eux (« today couple more smart fellowsd join them »), ce à quoi la responsable des soumissions a répondu qu’il se pouvait qu’ils aient mis la même contribution (« well i think we might have put 6369 as well »).

209    À cet égard, il convient de relever que la référence à un « jeu » visant à forcer les fixings à la hausse doit être comprise comme une référence aux tentatives de relever le taux Euribor-3M le 18 décembre 2006. En effet, la référence par le trader de JP Morgan aux « très larges fixings 1 mois et 3 mois » et à la soumission de Deutsche Bank pour le taux de 3 mois, ainsi que par la responsable des soumissions de JP Morgan aux soumissions de cette banque pour le taux Euribor à 1 mois et à 3 mois, permet de retenir, ainsi que le soutient la Commission, que cette partie de l’échange portait sur le taux Euribor et non pas sur le taux EONIA, comme le prétendent les requérantes. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait, mis en avant par les requérantes, que, moins d’une heure plus tard, l’échange entre le trader de JP Morgan et sa responsable des soumissions s’est poursuivi par un échange concernant des hypothèses pouvant expliquer le niveau élevé de l’EONIA.

210    En second lieu, la lecture de la transcription de l’échange du 18 décembre 2006 soumise devant le Tribunal,  lu à la lumière de l’échange du 15 décembre 2006, permet de confirmer, à tout le moins partiellement, la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de ce premier échange.

211    À cet égard, il convient de relever, ainsi qu’il ressort du considérant 230 de la décision attaquée, que, lors de l’échange du 18 décembre 2006, les traders se sont interrogés mutuellement sur leur satisfaction du niveau du fixing de l’Euribor-3M de ce jour. Le trader de JP Morgan a en outre ajouté qu’il en était satisfait même si sa position de trading était modeste, mais qu’au moins il n’avait pas un intérêt contraire, de sorte qu’il n’avait pas perdu d’argent.

212    Il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, lorsque le trader de JP Morgan a interrogé le trader de Deutsche Bank sur sa satisfaction du fixing du jour, il s’est ainsi engagé dans un « monitoring » ou un « suivi » de l’action de manipulation du taux Euribor-3M le 18 décembre 2006, au sens du considérant 359 de la décision attaquée, dont il avait connaissance ou, à tout le moins, de forts soupçons, ainsi qu’il ressort de l’échange du 15 décembre 2006 (voir points 208 et 209 ci-dessus).

213    De même, en confirmant leur satisfaction du niveau du fixing du jour, les traders ont implicitement révélé leurs positions de trading au sens du considérant 358, sous b), de la décision attaquée, bien que s’agissant de positions ayant déjà été débouclées ce jour-là.

214    Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que l’échange du 18 décembre 2006 s’inscrit dans le cadre des comportements visés au considérant 358, sous b), et au considérant 359 de la décision attaquée. Dans ces circonstances, en application de la jurisprudence rappelée au point 164 ci-dessus, il n’y a pas lieu d’examiner si cet échange relève également du comportement visé au considérant 358, sous a), de la décision attaquée.

xiii) Sur les échanges du 4 janvier 2007

215    En treizième lieu, la Commission a retenu que les échanges bilatéraux ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 4 janvier 2007 (considérants 239 à 242 de la décision attaquée), relevaient du comportement visé au considérant 358, sous b), de la décision attaquée.

216    Les requérantes soutiennent que, lors de cet échange, les traders ont émis des hypothèses sur d’éventuelles variations des taux de la BCE, ainsi que sur un éventuel calendrier des augmentations de ces taux au cours du premier semestre 2007 et ont discuté de la capacité ressentie de la trésorerie de Deutsche Bank de pousser le marché du « cash » vers le haut ou vers le bas, en profitant de sa taille, dans un contexte de pénurie de liquidité. Les deux traders n’auraient rien révélé de plus que la direction générale de leurs portefeuilles.

217    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

218    La lecture des transcriptions des échanges du 4 janvier 2007 soumises devant le Tribunal  permet de confirmer la matérialité du comportement reproché à JP Morgan au titre de ces échanges.

219    Tout d’abord, il convient de relever que les requérantes ont admis, en réponse aux questions orales du Tribunal, que les taux de la BCE et leurs éventuelles variations ne sont pas explicitement mentionnés dans les échanges du 4 janvier 2007, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 241 de la décision attaquée. Selon les requérantes, ces éléments constituaient uniquement la « toile de fond » de cette conversation, dans la mesure où les traders tenaient compte de leurs prévisions à l’égard de l’évolution des taux BCE dans leur stratégie de trading.

220    Ensuite, il y a lieu de constater que lors de l’échange ayant eu lieu à 15 h 14, le trader de Deutsche Bank a demandé au trader de JP Morgan son avis sur les taux Euribor (« wot you think of euribors »), ce à quoi ce dernier a répondu en dévoilant de manière précise sa stratégie de trading pour les mois à venir [« well I am lent may short mar calls and have my usual put condor in june dv01 long » c’est-à-dire qu’il détenait une position longue (emprunteur) pour les EIRD arrivant à maturité au mois de mai et une position courte (vendeuse) pour les options d’achat (calls) sur l’Euribor à la date IMM de fixing de mars 2007, ainsi qu’une autre position pour le mois de juin]. En outre, en répondant « non » à la question, posée par le trader de JP Morgan, de savoir s’il avait une position courte sur le mois de mars ainsi qu’en affirmant avoir acheté des EIRD liés à l’Euribor de mars (« I bgt [bought] some yesterday »), le trader de Deutsche Bank a révélé au trader de JP Morgan qu’il avait une position longue sur les contrats à terme sur l’Euribor ayant un fixing à la date de mars 2007. Le fait que, dans l’établissement de leur stratégie de trading, les traders tenaient compte de leurs anticipations de l’évolution des taux de la BCE (voir point 219 ci-dessus) ne contredit aucunement qu’ils ont révélé de manière affirmative les positions de trading qu’ils détenaient dans leurs portefeuilles.

221    Enfin, les deux traders ont également échangé leurs points de vue sur les risques associés à ces positions de trading (« i think it’s brave to be lent may », « well amigo it is a much softer version of lent feb at least can sell some march » et « dont see much value in may to be honest »), ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 241 de la décision attaquée.

222    Les arguments des requérantes concernant la portée des échanges du 4 janvier 2007 doivent donc être rejetés comme non fondés.

xiv) Sur les échanges du 8 janvier 2007

223    En quatorzième lieu, la Commission a retenu que les échanges bilatéraux ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 8 janvier 2007 (considérants 243 à 245 de la décision attaquée) relevaient du comportement visé au considérant 358, sous b), de la décision attaquée.

224    Les requérantes soutiennent que lesdits échanges constituaient une simple discussion générale sur le marché due à l’incertitude des traders sur la date à laquelle la BCE augmenterait prochainement ses taux. La discussion ne révélerait les positions de trading des deux traders qu’en des termes très généraux et les informations divulguées ne leur permettraient pas de prédire les activités de trading futures de leur interlocuteur. En outre, lesdites informations n’auraient eu qu’un intérêt très limité, dans la mesure où cette discussion a eu lieu trois jours avant la prochaine réunion de la BCE au cours de laquelle l’institution a décidé de ne pas augmenter ses taux en février.

225    La Commission conteste l’interprétation des échanges en cause faite par les requérantes.

226    La lecture des transcriptions des échanges du 8 janvier 2007 soumises devant le Tribunal permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de ces échanges.

227    En effet, premièrement, aucune référence à la date d’une augmentation prochaine des taux par la BCE ne ressort de manière explicite de cet échange et peut, tout au plus, comme pour celui du 4 janvier 2007 (voir point 219 ci-dessus), constituer une « toile de fond » de l’échange du 8 janvier 2007.

228    Deuxièmement, le trader de JP Morgan a dévoilé clairement au trader de Deutsche Bank sa position de trading en mai, ainsi qu’en juin et en septembre, en déclarant « [je] l’aime couvert aussi amigo peut-être juste un petit peu emprunteur de mai eonia et un petit peu court de juin/septembre euribor… » (« [I] like it sqrd [squared] as well amigo maybe just little lent May eonia and short little june/sep euribor »), ce à quoi le trader de Deutsche Bank a répondu en dévoilant sa propre position pour le mois de mars (« am long march eonia »), ainsi que sa stratégie de trading selon laquelle une telle position était la plus sûre (« At least dow[n]side is limited »).

229    Les arguments des requérantes concernant la portée des échanges du 8 janvier 2007 doivent donc être rejetés comme non fondés.

xv)    Sur l’échange du 6 février 2007

230    En quinzième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 6 février 2007 (considérants 262 à 264 de la décision attaquée) relevait du comportement visé au considérant 358, sous b), de la décision attaquée. Elle a également retenu, en tant qu’élément du faisceau d’indice, l’échange bilatéral ayant eu lieu le 8 février 2007 entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions (considérants 265 à 267 de la décision attaquée).

231    Les requérantes soutiennent, en substance, que l’objet de l’échange du 6 février 2007 était seulement d’échanger des avis personnels sur l’évolution du marché, de façon à mieux comprendre le marché et évaluer l’opportunité de conclure des transactions immédiatement ou ultérieurement.

232    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

233    La lecture de la transcription de l’échange du 6 février 2007, soumise devant le Tribunal, lorsque celui-ci est lu, notamment, à la lumière de l’échange du 16 mars 2007, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de cet échange.

234    En effet, il ressort de cet échange que, en réponse à la question, posée par le trader de JP Morgan, de savoir ce qu’il « faisait pour mai » (« amigo what r u up 2 in May ? »), le trader de Deutsche Bank lui a fait part de sa perception du niveau de risque pour les contrats qui arrivaient à échéance en mai (« there cheap amigo trust me for once »), ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 262 et 264 de la décision attaquée. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la question du trader de JP Morgan n’avait pas pour objet de requérir l’avis du trader de Deutsche Bank sur les intentions de la BCE, mais de s’enquérir sur la stratégie de trading que celui-ci comptait adopter en mai (« what r “u” up 2 in May ? »).

235    Ensuite, c’est également à bon droit que la Commission a retenu, aux considérants 262 et 264 de la décision attaquée, que, lorsque le trader de Deutsche Bank a indiqué « 9 », ce qui doit être compris comme visant « 96,09 », en réponse à une question du trader de JP Morgan « où sortira mars » (« where will mar go out ? »), il lui a fait part du niveau auquel il entrevoyait le prix des contrats à terme (futurs) pour l’IMM de mars, niveau qui a été accepté par le trader de JP Morgan (« think I give u that as well »).

236    L’argument des requérantes selon lequel le trader de JP Morgan a uniquement donné ainsi son avis sur le marché et la rentabilité d’une vente ne saurait être suivi dans la mesure où les deux traders déterminaient clairement leur stratégie de trading s’agissant des contrats à terme pour l’IMM de mars. Cette interprétation est confirmée par le contenu de la conversation du 16 mars 2007 entre les deux traders (voir point 259 ci-après), lors de laquelle le trader de JP Morgan a indiqué à celui de Deutsche Bank, en réponse à sa question s’agissant de sa position de trading sur les contrats à terme pour l’IMM de mars, « heureusement, [je] t’ai écouté et m’en suis pris un peu pour moi-même » (« luckily listened to u n shipped sime in myself »).

237    Les griefs des requérantes concernant la portée de l’échange du 6 février 2007 doivent donc être rejetés comme non fondés.

238    La Commission a également retenu, en tant qu’élément du faisceau d’indices visant à démontrer le caractère anticoncurrentiel des autres comportements retenus à l’encontre de JP Morgan, l’échange bilatéral interne ayant eu lieu le 8 février 2007 entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions. Elle a relevé que cette conversation n’était pas liée à un contact du trader de JP Morgan avec d’autres acteurs du marché sur le même sujet, mais elle démontrerait que le trader de JP Morgan pouvait avoir des contacts avec ses responsables de soumissions concernant le niveau des soumissions Euribor.

239    S’agissant de la matérialité des faits retenus au titre de l’échange du 8 février 2007, les requérantes soutiennent que l’interprétation dudit échange faite par la Commission est erronée, car le trader de JP Morgan n’aurait adressé aucune demande concernant les contributions à l’Euribor à son responsable des soumissions et lui aurait seulement demandé de ne pas acheter du « cash » et de conclure à la place une transaction avec lui s’il avait besoin d’acheter des fonds au jour le jour, ce qui constituerait une pratique courante et nécessaire pour le bon fonctionnement de la banque.

240    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

241    La lecture de la transcription de l’échange du 8 février 2007 soumise devant le Tribunal permet de confirmer la matérialité des faits retenus par la Commission au titre de cet échange.

242    Cet échange démontre que le trader de JP Morgan communiquait avec le responsable des soumissions de sa banque à propos du niveau des soumissions Euribor, ainsi que la Commission l’a retenu aux considérants 265 et 267 de la décision attaquée. En effet, lors dudit échange, le trader de JP Morgan a fait part au responsable des soumissions de sa banque qu’il estimait que les soumissions Euribor 3 mois et 6 mois étaient très basses (« think 3s n 6s euribopr v low don’t u think ? », « our contribution u mean ? », « yes n fixings as well »), ce à quoi le responsable des soumissions a concédé et a indiqué qu’il allait revérifier le lendemain (« our 3 s we r bang on, 6s bit low agree, we ll check exactly tom before […] will enter them »). En outre, lorsque le trader de JP Morgan a insisté sur les soumissions Euribor-3M et Euribor-6M élevées (« guess high 3s 6s n low o/n cannoyt b so bad for u »), le responsable des soumissions a répondu que le desk de trésorerie allait faire de son mieux (« we have no exposure there… will try our best »).

243    En outre, quand bien même certaines remarques échangées l’ont été sur le ton de plaisanterie, il n’empêche que, à la suite de celles du trader, le responsable des soumissions a décidé de revérifier la soumission Euribor-6M ou de « faire de son mieux » s’agissant des fixings Euribor-3M et Euribor-6M élevés, ce qui suggère qu’il avait compris les remarques du trader comme une suggestion d’ajuster les contributions de la banque au panel Euribor.

244    Les arguments des requérantes concernant la portée de l’échange du 8 février 2007 entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de sa banque doivent donc être rejetés comme non fondés.

xvi) Sur l’échange du 14 mars 2007

245    En seizième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 14 mars 2007 (considérants 299 à 301 de la décision attaquée) relevait du comportement visé au considérant 358, sous g), de la décision attaquée.

246    Les requérantes soutiennent que les tarifs des courtiers n’affectent pas le prix des EIRD sur le marché OTC et ne constituent pas un élément que les traders contrôlaient étant donné que ces tarifs sont négociés par des responsables commerciaux et que chaque banque et chaque courtier négocient généralement les tarifs de service de courtage pour toutes les transactions qu’ils réalisent indépendamment du trader.

247    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

248    La lecture de la transcription de l’échange du 14 mars 2007 soumise devant le Tribunal, placé dans le contexte de l’échange du 13 novembre 2006, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de cet échange.

249    En effet, la Commission a retenu que, lors de l’échange du 14 mars 2007, le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank avaient échangé sur les tarifs que leurs banques respectives et une autre banque payaient lorsqu’ils concluaient les contrats par l’intermédiaire des courtiers, ce qui est admis, en substance, par les requérantes.

250    Or, même à supposer que les traders ne contrôlent pas le niveau des taux des services des courtiers, lesquels seraient négociés par des responsables commerciaux, ainsi que le font valoir les requérantes, il n’en reste pas moins qu’ils tiennent nécessairement compte du niveau de ces taux dans le cadre des négociations des contrats EIRD en prévision des profits au titre de ces contrats après le paiement des tarifs de courtage. Les requérantes fondent leur argument selon lequel les tarifs des courtiers n’affectent pas le prix des EIRD sur le marché OTC sur le seul témoignage du trader de JP Morgan. Or, ainsi qu’il ressort du point 60 ci-dessus, la valeur probante de ce témoignage est faible, de sorte qu’il ne saurait remettre en cause la portée de l’échange, telle qu’elle a été retenue par la Commission et qui est fondée sur un faisceau d’éléments comportant l’échange du 13 novembre 2006 (voir considérant 301 de la décision attaquée).

251    En effet, ainsi qu’il ressort des points 190 et 193 ci-dessus, lors de ce dernier échange, les traders se sont mis d’accord, en substance, de « frapper » les courtiers en n’acceptant pas les « spreads » que ces derniers proposaient. Lors de l’échange du 14 mars 2007, le trader de JP Morgan a indiqué au trader de Deutsche Bank que, selon lui, sa banque avait l’intention de renégocier (« rediscuss ») son taux des services des courtiers. Le fait qu’une autre banque entende renégocier des taux des courtiers, ce qui doit nécessairement être compris comme une intention de réduire ces taux, constitue une information confidentielle sensible pour une banque concurrente et dont la connaissance procure un avantage au trader dans la détermination de sa stratégie de fixation des prix des EIRD. De telles renégociations ou les réductions des taux des services des courtiers doivent être considérées comme faisant partie d’une stratégie, telle qu’elle ressort également de l’échange du 13 novembre 2006, visant à réduire les profits réalisés par les courtiers lorsqu’une transaction est réalisée par leur intermédiaire.

252    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que l’échange du 14 mars 2007 sur les tarifs des services des courtiers portait sur des informations détaillées, non publiquement connues ou disponibles, sur la stratégie de fixation des prix des EIRD au sens du considérant 358, sous g), de la décision attaquée. Partant, les arguments des requérantes concernant la portée de cet échange doivent être rejetés comme non fondés.

xvii) Sur l’échange du 16 mars 2007

253    En dix-septième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 16 mars 2007 (considérants 308 à 315 de la décision attaquée) relevait des comportements visés au considérant 358, sous b) et c), de la décision attaquée.

254    Les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission a retenu, aux considérants 308 et 311 de la décision attaquée, qu’il ressortait de l’échange du 16 mars 2007 que le trader de JP Morgan avait tenu compte des informations du trader de Deutsche Bank dans sa stratégie de trading. En outre, la discussion au sujet de l’avis personnel du trader de Deutsche Bank concernant le fixing Euribor-3M du mois de juin 2007 serait liée à l’évolution du taux de la BCE et porterait sur une spéculation de l’évolution possible du marché en juin.  Elles font également valoir que l’échange entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de cette banque le même jour démontre que celui-ci n’avait pas connaissance de la manipulation du taux Euribor-3M à la date IMM de mars 2007 ou qu’il n’a pas participé à ce plan.

255    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

256    La lecture de la transcription de l’échange du 16 mars 2007 soumise devant le Tribunal, lorsque celui-ci est placé dans le contexte, notamment, de l’échange entre le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank du 6 février 2007, ainsi que de l’échange entre le premier trader et le responsable des soumissions de sa banque plus tôt dans la journée du 16 mars 2007, permet de confirmer la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de cet échange.

257    Premièrement, s’agissant de l’échange qui a eu lieu le 16 mars 2007 entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de sa banque, il convient de relever que, selon la décision attaquée (considérant 315), celui-ci s’inscrit dans le prolongement des discussions des 4 et 8 janvier 2007, du 6 février 2007 et des échanges ultérieurs des 16 et 19 mars 2007. Il convient d’en conclure que la Commission a retenu cet échange en tant qu’élément du faisceau d’indices pertinent pour interpréter, notamment, les comportements ayant eu lieu à ces dates, reprochés à JP Morgan.

258    S’agissant de la matérialité des faits retenus par la Commission au titre de cet échange, il convient de relever que, si le trader de JP Morgan s’est certes trompé sur le sens de la manipulation du fixing Euribor-3M à la date IMM de mars, cet échange démontre néanmoins clairement qu’il soupçonnait l’existence de tentatives de manipulations du fixing de mars 2007 (« think people have mar future rooll n want to spoof it for a higher 3s fixing but that is nonesense 3s eonia v well offered »), de la même façon qu’il évoquait, lors de son échange du 15 décembre 2006 avec son responsable des soumissions, que certaines banques, y compris Deutsche Bank, s’adonnaient à un jeu visant à manipuler les fixings Euribor (voir points 208 et 209 ci-dessus). Partant, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cet échange tend à démontrer que le trader de JP Morgan avait, à tout le moins, de forts soupçons sur l’existence de tentatives de manipulation des fixings de l’Euribor de manière générale et, en particulier, de celles de la manipulation de l’Euribor-3M en date IMM de mars.

259    Deuxièmement, s’agissant de l’échange du 16 mars 2007 entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan il ressort sans ambiguïté de cet échange que le trader de JP Morgan a remercié le trader de Deutsche Bank pour les informations que ce dernier lui avait données et dont il avait tenu compte pour ajuster sa position de trading (« amigo luckily listened to u n shipped some in myslef little long here i hear n listen here… »). Ainsi que l’a retenu la Commission aux considérants 311 et 312 de la décision attaquée, à supposer même que le trader de JP Morgan ait voulu ainsi flatter le trader de Deutsche Bank pour la justesse de son estimation ou qu’il ait essayé de se sauver la face à la suite de sa prévision erronée, cela ne change en rien le fait qu’il ressort clairement de cette conversation qu’il a tenu compte de l’indication que lui avait communiquée le trader de Deutsche Bank le 6 février 2007. Par ailleurs, lors de l’échange du 19 mars 2007 (voir point 269 ci-après) entre les deux traders, le trader de JP Morgan est revenu sur ces faits et a indiqué au trader de Deutsche Bank qu’il l’avait écouté et qu’il avait veillé à être « long » pour le fixing IMM de mars 2007, tout en le remerciant pour son conseil.

260    À cet égard, afin de contester la thèse de la Commission selon laquelle le trader de JP Morgan avait tenu compte de l’information obtenue le 6 février 2007 de la part du trader de Deutsche Bank dans sa stratégie de trading, les requérantes soutiennent que celui-ci n’avait commencé à réduire « significativement » son importante position courte sur les contrats à terme pour l’IMM de mars 2007 qu’à partir du 7 mars 2007, soit plus d’un mois après sa conversation du 6 février 2007 avec le trader de Deutsche Bank. La Commission met en avant le changement de position des requérantes sur ce point au cours de la procédure administrative (voir considérants 311 et 334 de la décision attaquée). Toutefois, indépendamment du moment à partir duquel le trader de JP Morgan a commencé à ajuster sa position de trading, il a explicitement admis que, en agissant ainsi, il avait tenu compte du conseil qui lui avait été donné par le trader de Deutsche Bank (voir point 259 ci-dessus).

261    Troisièmement, le trader de Deutsche Bank a proposé au trader de JP Morgan de lui faire savoir quand il voudrait de l’« argent gratuit » (« just lemme know when u want some free money »), ce à quoi ce dernier lui a demandé de lui donner à nouveau ce type d’informations pour juin 2007 (« amigo pls gimme mpore of this clue where jun7 out ? »). Alors que la Commission admet, au considérant 313 de la décision attaquée, que la réponse donnée à cette demande par le trader de Deutsche Bank (« 81,4 »)  fait référence à une hausse du taux de la BCE, il convient de relever, à l’instar de celle-ci, que tant la remarque du trader de Deutsche Bank (« just lemme know when u want some free money ») que la demande du trader de JP Morgan (« amigo pls gimme mpore of this clue where jun7 out ?») concernent manifestement des informations non publiquement connues ou disponibles et portent, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, sur une position de trading. En effet, d’une part, la demande du trader de JP Morgan fait clairement un lien avec l’échange du 6 février 2007 (« give me more of [“]this[”] clue »), lors duquel les traders discutaient de leur position de trading (voir point 235 ci-dessus). L’information donnée par le trader de Deutsche Bank au trader de JP Morgan le 6 février 2007 a permis à ce dernier d’ajuster sa position de trading de façon à ne pas perdre une somme conséquente d’argent, ce qui se serait produit s’il n’avait pas tenu compte de l’information du trader de Deutsche Bank. Ainsi, en demandant lors de l’échange du 16 mars 2007 de lui fournir des indications quant au niveau du fixing IMM de juin, le trader de JP Morgan espérait pouvoir bénéficier d’une telle information. Étant donné que, en disposant d’une telle information, le trader de JP Morgan pouvait ajuster sa position de trading à venir, l’échange du 16 mars 2007 relève du comportement visé au considérant 358, sous b), de la décision attaquée. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait qu’une autre partie de cet échange ait pu porter sur des « conditions générales du marché » ou des « taux de la BCE ».

262    En outre, dans la mesure où les deux traders disposaient de cette même information, cela leur a permis d’aligner leurs positions de trading concernant les EIRD, ce qui relève du comportement visé au considérant 358, sous c), de la décision attaquée.

263    Les arguments des requérantes concernant la portée de l’échange du 16 mars 2007 doivent donc être rejetés comme non fondés.

xviii) Sur l’échange du 19 mars 2007

264    En dix-huitième lieu, la Commission a retenu que l’échange bilatéral ayant eu lieu entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan le 19 mars 2007 (considérants 332 à 337 de la décision attaquée) relevait des comportements visés au considérant 358, sous b) et c), et au considérant 359 de la décision attaquée.

265    Les requérantes soutiennent que, lors de cet échange ayant eu lieu après le fixing, le trader de JP Morgan se serait seulement remémoré les discussions antérieures avec le trader de Deutsche Bank, lors desquelles celui-ci avait exprimé son avis quant au niveau du prix des futures à la date IMM de mars 2007. La Commission aurait considéré à tort que la position globale légèrement longue du trader de JP Morgan prouve qu’il a bénéficié des tentatives du trader de Deutsche Bank de manipulation de l’Euribor (ou de l’EONIA) et qu’il a participé à ces tentatives. Le niveau et la direction des positions prises par le trader de JP Morgan pendant cette période ne sauraient se concilier avec la thèse de la Commission selon laquelle il aurait suivi les conseils du trader de Deutsche Bank ou qu’il aurait eu connaissance de l’entente à la date IMM de mars 2007 entre les autres traders.  

266    La Commission conteste l’interprétation de l’échange en cause faite par les requérantes.

267    La lecture de la transcription de l’échange du 19 mars 2007, soumise devant le Tribunal, lorsqu’il est placé dans le contexte des échanges précédents et notamment ceux du 6 février 2007 et du 16 mars 2007, permet de confirmer, à tout le moins partiellement, la matérialité des comportements reprochés à JP Morgan au titre de cet échange.

268    À cet égard, il convient de relever que, lorsqu’il indique au trader de Deutsche Bank qu’il avait détenu une position « longue » pour le fixing IMM de mars (« believe it or not was even small long mar7 »), tout en le remerciant pour son conseil, le trader de JP Morgan a révélé à ce dernier la position de trading qu’il avait retenue s’agissant du fixing de ce jour au sens du considérant 358, sous b), de la décision attaquée.

269    En outre, ainsi qu’il est constant entre les parties, l’échange du 19 mars 2007 s’inscrit dans la continuité, notamment, des échanges du 6 février 2007 et du 16 mars 2007 entre les traders. L’échange du 19 mars 2007 confirme ainsi que le trader de JP Morgan a bien tenu compte des informations confidentielles que le trader de Deutsche Bank lui avait communiquées le 6 février 2007, puisqu’il le remercie à nouveau pour le conseil qu’il lui avait donné pour l’IMM de mars 2007 et lui indique même avoir, grâce à son conseil, réussi à modifier sa position (« tku amigo for the advise on that one »), de la même façon qu’il l’avait fait lors de leur échange du 16 mars 2007, ce qui lui a permis d’éviter de perdre des sommes conséquentes d’argent ainsi que cela a été relevé au point 259 ci-dessus.

270    Cet échange permet donc de démontrer que, suivant le conseil du trader de Deutsche Bank, le trader de JP Morgan a ajusté sa position de trading pour s’assurer d’« être long » à la date IMM de mars 2007. L’échange de telles informations relève des comportements visés au considérant 358, sous c), de la décision attaquée.

271    C’est également à juste titre que la Commission a retenu que ledit échange relevait du comportement visé au considérant 359 de la décision attaquée, dans la mesure où les traders ont discuté du niveau des contributions de Deutsche Bank au panel Euribor. Au regard du fait que, lors des échanges du 6 février 2007 et du 16 mars 2007, le trader de Deutsche Bank a conseillé au trader de JP Morgan d’adopter une position « longue » pour le fixing IMM du mars, ce qui permet de considérer qu’il envisageait que l’Euribor fixerait bas à cette date, et que le trader de JP Morgan avait connaissance, ou à tout le moins de forts soupçons, de la manipulation du taux envisagée à cette date, ainsi qu’il ressort de l’échange qu’il a eu avec le responsable des soumissions de sa banque le 16 mars 2007, la discussion sur le niveau des soumissions de Deutsche Bank après le fixing est susceptible de relever des comportements visant à contrôler le comportement des membres de l’entente au sens du considérant 359 de la décision attaquée.

272    Les arguments des requérantes concernant la portée de l’échange du 19 mars 2007 doivent donc être rejetés comme non fondés.

273    Eu égard à ce qui précède, la matérialité des comportements retenus par la Commission à l’égard de JP Morgan doit être confirmée, à tout le moins partiellement, à l’égard des échanges retenus par la Commission à l’encontre de JP Morgan, rappelés au point 86 ci-dessus, à l’exception de l’échange du 10 octobre 2006.

2)      Sur la contestation de la participation de JP Morgan aux pratiques en cause

i)      Sur la participation aux pratiques de manipulation du taux Euribor

274    Les requérantes font valoir que le trader de JP Morgan n’a participé à aucun comportement ayant pour objet de manipuler l’Euribor ou l’EONIA. À cet égard, elles soutiennent que la thèse de la Commission à leur encontre, au demeurant non étayée par ses propres constatations factuelles, est totalement différente de celle qu’elle a retenue à l’encontre des autres destinataires de la décision attaquée en ce qu’aucune demande de manipulation de l’Euribor au profit du trader de JP Morgan ou par ce dernier au profit du trader de Deutsche Bank ne ressortirait des échanges en cause. Par conséquent, il n’aurait pas été établi que les requérantes ont contribué à une quelconque manipulation de l’Euribor poursuivie par l’entente. À supposer que de telles demandes puissent être identifiées, la Commission n’aurait pas constaté que le trader de JP Morgan avait accepté ou donné suite à de telles demandes en s’adressant à son desk de trésorerie. Enfin, la Commission n’aurait pas établi que le trader de JP Morgan avait également cherché à manipuler le taux EONIA.

275    Les constatations de la Commission, à supposer même qu’elles soient correctes, seraient tout au plus susceptibles de démontrer que le trader de JP Morgan a bénéficié d’informations transmises par le trader de Deutsche Bank concernant la manipulation entreprise par ce dernier. Or, une telle thèse d’une participation passive à l’infraction par l’approbation tacite ne serait pas avancée dans la décision attaquée et, en tout cas, ne serait pas établie, la Commission n’ayant pas démontré que le trader de JP Morgan aurait été informé d’un quelconque accord anticoncurrentiel entre d’autres banques et aurait participé à une réunion au cours de laquelle un accord anticoncurrentiel aurait été conclu.

276    La Commission conteste les arguments des requérantes et fait valoir que les éléments de preuve, pris en tant que faisceau d’indices et considérés dans le contexte des faits et du marché, démontrent que JP Morgan a pris part à toutes les formes de collusion recensées dans la décision attaquée.

277    À cet égard, il ressort des échanges entre le trader de JP Morgan, d’une part, et les traders de Deutsche Bank et de Barclays, d’autre part, dont la matérialité a été confirmée ci-dessus (voir point 273 ci-dessus), considérés dans le contexte des autres éléments de preuve, que c’est à bon droit que la Commission a retenu la participation du trader de JP Morgan aux comportements relatifs à la manipulation du taux Euribor.

278    À titre liminaire, il convient de rejeter comme non fondé l’argument des requérantes selon lequel les comportements qui leur sont reprochés consisteraient uniquement en des demandes directes de manipulation des soumissions du taux Euribor. En effet, ainsi que le soutient à juste titre la Commission et ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les comportements reprochés aux requérantes ont pris différentes formes, recensées au considérant 358 de la décision attaquée et rappelées au point 16 ci-dessus. Ainsi, en soutenant que la Commission n’a pas établi dans la décision attaquée que JP Morgan a participé à la pratique de manipulation de l’Euribor, dans la mesure où la Commission n’aurait pas établi que le trader de Deutsche Bank avait demandé au trader de JP Morgan d’influencer les contributions à l’Euribor pour servir ses intérêts ou que le trader de JP Morgan avait adressé une demande similaire au trader de Deutsche Bank, les requérantes effectuent une lecture erronée de la décision attaquée, en se fondant sur le seul considérant 490 de celle-ci, et limitent la portée des griefs retenus par la Commission à leur égard.

279    Ensuite, il convient de rappeler que la participation d’une entreprise à une réunion anticoncurrentielle crée une présomption du caractère illicite de cette participation, présomption que cette entreprise doit renverser par la preuve d’une distanciation publique, laquelle doit être perçue comme telle par les autres participants à l’entente (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 81 et 82 et jurisprudence citée, et du 3 mai 2012, Comap/Commission, C‑290/11 P, non publié, EU:C:2012:271, points 74 à 76 et jurisprudence citée). La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 82, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 48).

280    En l’espèce, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort des éléments de preuve sur lesquels s’est appuyée la Commission, pris en tant que faisceau d’indices, que le trader de JP Morgan s’est engagé dans des discussions avec les traders de Deutsche Bank et de Barclays ayant pour objectif d’influencer le niveau du taux Euribor dans le sens de leurs intérêts.

281    Premièrement, en répondant à la demande du trader de Deutsche Bank visant à mettre une contribution élevée qu’il allait vérifier auprès de sa trésorerie le niveau de sa contribution, le trader de JP Morgan a accepté, lors des échanges des 27 et 28 septembre 2006 (voir points 98 et 107 ci-dessus), de solliciter auprès de la trésorerie de sa banque une soumission aux contributions de l’Euribor dans le sens des préférences du trader de Deutsche Bank.

282    Deuxièmement, l’échange du 8 novembre 2006 (voir points 178 à 181 ci-dessus) démontre sans ambiguïté que le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank examinaient la possibilité d’aligner une future soumission Euribor de leurs banques respectives sur la base de leurs préférences pour un fixing Euribor-1M bas.

283    Troisièmement, lors de l’échange du 25 octobre 2006, le trader de Barclays a proposé sans ambiguïté au trader de JP Morgan de ne pas hésiter à lui demander des fixings Euribor selon ses intérêts, sans que ce dernier refuse l’offre ou se distancie, d’une autre manière, de celle-ci au sens de la jurisprudence rappelée au point 279 ci-dessus. De même, il ressort de l’échange du 26 octobre 2006 que le trader de Deutsche Bank a suggéré au trader de JP Morgan de s’adresser à lui afin de lui demander les soumissions Euribor-1M selon ses intérêts. Le trader de JP Morgan ne s’est pas distancié d’une telle proposition et a refusé l’offre uniquement dans la mesure où le niveau des fixings qui était bas à ce moment convenait à ses intérêts.

284    Quatrièmement, il ressort des échanges des 27, 28 et 29 septembre 2006, des 25 et 26 octobre 2006 et du 8 novembre 2006 que les parties à ces échanges avaient l’intention de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles de manipulation de l’Euribor, en ce qu’elles ont à tout le moins examiné la possibilité de faire aligner le niveau de soumissions futures de leurs banques respectives.

285    Cinquièmement, d’une part, s’agissant de la manipulation du taux Euribor à la date IMM du mois de décembre, il ressort de l’échange du 15 décembre 2006 entre la responsable des soumissions et le trader de JP Morgan que ce dernier avait à tout le moins de forts soupçons en ce qui concernait cette manipulation et l’implication de Deutsche Bank dans celle-ci. Lors de l’échange du 18 décembre 2006 avec le trader de Deutsche Bank, il a admis être satisfait du fixing de l’Euribor-3M, même si sa position de trading était modeste, mais à tout le moins il n’avait pas d’intérêt contraire (voir point 211 ci-dessus). Il en ressort que le trader de JP Morgan a bénéficié des pratiques visant la manipulation du taux Euribor le 18 décembre 2006 en ajustant sa position de trading, ce qui lui a permis d’éviter des pertes, et ce quand bien même il n’a pas participé de manière active à la mise en œuvre de cette manipulation.

286    D’autre part, s’agissant de la manipulation du taux Euribor à la date IMM du mois de mars, les éléments de preuve démontrent sans ambiguïté que le trader de JP Morgan avait connaissance ou, à tout le moins, de forts soupçons en ce qui concernait cette manipulation (voir échange du 16 mars 2007 entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de cette banque, point 258 ci-dessus). En outre, au regard des communications banque E, de l’échange du 29 septembre 2006 et de l’échange du 15 décembre 2006 (voir points 208 et 209 ci-dessus) entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de sa banque, c’est à juste titre que la Commission a pu retenir, au considérant 490 de la décision attaquée, que le trader de JP Morgan savait que le trader de Deutsche Bank était disposé et capable d’influencer les niveaux des taux d’intérêt de référence Euribor. Ainsi, il est plausible de considérer que, quand ce dernier lui a communiqué les 4 et 8 janvier 2007 et le 6 février 2007 des informations sur la position de trading qu’il détenait pour cette date, ainsi que sur sa stratégie de trading, en ce qu’il indiquait qu’une telle position présentait peu de risque, le trader de JP Morgan pouvait raisonnablement prévoir que cette stratégie de trading reflétait les prévisions par le trader de Deutsche Bank du niveau du taux Euribor tel qu’il résulterait des pratiques de manipulation dans lesquelles ce dernier s’engageait.

287    Lors des échanges des 16 et 19 mars 2007, le trader de JP Morgan a explicitement affirmé avoir tenu compte des informations qui lui avaient été communiquées par le trader de Deutsche Bank et avoir, en conséquence, réduit sa position courte et même adopté une position « légèrement longue » sur les contrats à terme pour l’IMM de mars 2007. Il a ainsi réduit ses pertes. Il a ensuite remercié le trader de Deutsche Bank pour ses conseils.

288    Il en ressort que le trader de JP Morgan a bénéficié des pratiques visant à porter à la baisse le taux Euribor en date IMM de mars 2007, pratiques dont il avait connaissance bien que, ainsi que le soutiennent les requérantes, selon les éléments de preuve avancés par la Commission, il n’ait pas été mis au courant par le trader de Deutsche Bank des détails de ce plan et qu’il n’ait ainsi pas participé de manière active à sa mise en œuvre.

289    À cet égard, il convient de rappeler, à l’instar de la Commission aux considérants 348 et 364 de la décision attaquée, que les modes passifs de participation à l’infraction, telle que la présence d’une entreprise à des réunions au cours desquelles des accords ayant un objet anticoncurrentiel ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, traduisent une complicité qui est de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE dès lors que l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et de compromettre sa découverte (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 31 et jurisprudence citée).

290    Par conséquent, en application de la jurisprudence rappelée au point 279 ci-dessus, afin de renverser la présomption du caractère illicite d’une telle participation à une réunion anticoncurrentielle, l’entreprise doit apporter une preuve d’une distanciation publique (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C‑68/12, EU:C:2013:71, point 27 et jurisprudence citée). Or, aucun élément de preuve en ce sens n’a été présenté par les requérantes ni par rapport à la manipulation du taux du 18 décembre 2006, ni à l’égard de la communication par le trader de Deutsche Bank au trader de JP Morgan des informations concernant sa stratégie de trading pour la date IMM du mars 2007. Au contraire, ainsi qu’il a été relevé aux points 285 et 286 ci-dessus, le trader de JP Morgan a ajusté sa stratégie de trading pour pouvoir tirer bénéfice de ces manipulations.

291    Les requérantes soutiennent qu’une telle participation passive à l’infraction en cause ne pouvait pas être retenue à leur égard, dans la mesure où l’obligation de se distancier publiquement d’une infraction n’aurait de pertinence que pour autant que la Commission prouve que l’entreprise a participé à une réunion au cours de laquelle un accord anticoncurrentiel a été conclu.

292    Toutefois, eu égard à la nature de l’infraction en cause, laquelle a pris la forme d’un réseau de contacts bilatéraux entre les différents acteurs (voir considérants 357 et 360 de la décision attaquée), aucune participation à une « réunion » au sens de l’argument des requérantes n’a pu être retenue par la Commission. Ainsi, celle-ci a pu à bon droit retenir un mode passif de participation des requérantes à certains comportements visant la manipulation des taux dans la mesure où le trader de JP Morgan était au courant de l’existence des pratiques de manipulation des taux, notamment, par le trader de Deutsche Bank, avec qui il entretenait les contacts bilatéraux. Or, les requérantes ne contestent pas le caractère infractionnel de telles pratiques de manipulation des taux, ni le fait que le trader de JP Morgan devait être au courant d’un tel caractère infractionnel de ces pratiques (voir considérant 360 de la décision attaquée).

293    Sixièmement, il ressort des échanges des 27 et 28 septembre 2006 et du 8 novembre 2006 que le trader de JP Morgan a communiqué ou, à tout le moins, s’est engagé implicitement à communiquer à son concurrent des informations reçues des responsables des soumissions de sa banque. En effet, en promettant les 27 et 28 septembre 2006 de « vérifier » le niveau de la contribution de sa trésorerie, le trader de JP Morgan a entendu lever les incertitudes quant au niveau de la contribution envisagée par cette dernière et donc, implicitement, s’est engagé à rendre compte des contacts qu’il envisageait d’établir avec celle-ci. De même, lors de l’échange du 8 novembre 2006, le trader de JP Morgan a communiqué au trader de Deutsche Bank l’information sur le niveau de soumission de sa banque obtenue lors des contacts antérieurs avec le desk de trésorerie.

294    Septièmement, le 2 octobre 2006, le 18 décembre 2006 et le 19 mars 2007, les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank se sont engagés dans des échanges visant à contrôler ou à surveiller le comportement des membres de l’entente en ce qu’ils ont soit vérifié le niveau des soumissions de Deutsche Bank, soit échangé sur leur satisfaction concernant le niveau du taux Euribor dont ils savaient ou à tout le moins soupçonnaient qu’il avait été manipulé.

295    Enfin, il ressort sans ambiguïté des discussions des 27 et 28 septembre 2006, du 26 octobre 2006 et du 8 novembre 2006 que les traders de Deutsche Bank et de JP Morgan se sont communiqué leurs préférences quant aux fixings Euribor, ou leur position de trading permettant de déterminer de telles préférences, ce qui leur a permis de s’assurer que leurs intérêts convergeaient avant de poursuivre leur concertation visant à influencer les soumissions Euribor de leurs banques respectives dans le sens de ces intérêts.

296    Il ressort de ce qui précède que, dans le cadre des échanges des 27, 28 et 29 septembre 2006, des 2, 25 et 26 octobre 2006, du 8 novembre 2006, du 18 décembre 2006, des 4 et 8 janvier 2007, du 6 février 2007 ainsi que des 16 et 19 mars 2007, le trader de JP Morgan a participé aux comportements relatifs à la manipulation du taux Euribor.

297    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.

298    Premièrement, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas constaté que le trader de JP Morgan avait demandé aux contributeurs de JP Morgan d’influencer les indices Euribor et EONIA ou de faire des contributions allant dans le sens des contacts avec d’autres traders. Elles relèvent également que la trésorerie de JP Morgan a soumis une contribution n’allant pas dans le sens de l’entente alléguée.

299    À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord (voir point 278 ci-dessus), que les comportements infractionnels reprochés à JP Morgan ne consistent pas en la manipulation de l’Euribor en tant que telle, mais en des échanges d’informations entre les traders reflétant leur intention d’influencer les soumissions de leurs banques au panel Euribor dans le sens de leurs propres intérêts. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 113, sous a) à f), du considérant 358 sous a) à f), et du considérant 392, sous a) à f), de la décision attaquée, résumés au point 16 ci-dessus, ces échanges concernaient les préférences pour un niveau du taux de l’Euribor, parfois accompagnés de la communication des positions de trading détenues, la possibilité d’aligner les positions de trading et les soumissions à l’Euribor, une promesse de la part du trader impliqué de contacter une personne responsable des soumissions Euribor au sein de sa banque en vue de lui demander une soumission dans une certaine direction ou à un niveau spécifique et un compte rendu de la réponse de cette dernière.

300    Or, les échanges entre les traders révèlent clairement la communication des préférences de taux, des positions de trading associées et d’une offre ou d’une intention du trader de JP Morgan d’influer sur la soumission de sa banque dans le sens des intérêts du trader de Deutsche Bank ou d’une intention de ce dernier et du trader de Barclays d’influencer les soumissions de leurs banques respectives dans le sens des intérêts du trader de JP Morgan.

301    Aux considérants 125, 135 et 634 de la décision attaquée, la Commission a retenu uniquement, en substance, que les arrangements entre les traders avaient été « complétés » et « mis en œuvre » par des communications entre eux et les responsables des soumissions au sein des départements de trésorerie de leurs banques et, « de temps à autre », par une cotation effectivement soumise par ces derniers des taux Euribor communiqués, coordonnés ou convenus. Les arguments des requérantes relatifs à l’absence d’implication de la trésorerie de JP Morgan dans les pratiques visant à influencer le taux Euribor sont, tout au plus, susceptibles de démontrer une absence de mise en œuvre du comportement anticoncurrentiel par la trésorerie de la banque plutôt qu’une absence de participation des traders audit comportement (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T‑3/89, EU:T:1991:58, point 100).

302    Dans ce contexte, il convient de relever que, en tout état de cause, plusieurs éléments de preuve retenus par la Commission, pris en tant que faisceau d’indices, rendent plausible le fait que le trader de JP Morgan a donné suite aux discussions avec le trader de Deutsche Bank quant au niveau souhaité du taux Euribor en établissant des contacts avec les responsables des soumissions de sa banque et a ainsi mis en œuvre des échanges collusoires.

303    En effet, les échanges des 27 et 28 septembre 2006, lors desquels le trader de JP Morgan a accepté de solliciter auprès de la trésorerie de sa banque une soumission aux contributions de l’Euribor dans le sens des préférences du trader de Deutsche Bank, doivent être lus dans le contexte du faisceau d’indices comprenant les communications banque E et les échanges du 28 septembre 2006 à 10 h 13, du 29 septembre 2006 et du 8 novembre 2006 ainsi que l’échange entre le trader de JP Morgan et la responsable des soumissions de sa banque le 8 février 2007. Ce faisceau d’indices permet de démontrer, d’une part, l’existence de concertations entre les traders en cause et leurs desks de trésorerie respectifs concernant les soumissions Euribor ainsi que le fait que les traders considéraient qu’ils pouvaient bénéficier de la collaboration de leurs trésoreries quant aux soumissions au panel Euribor en fonction de leurs intérêts. D’autre part, ce faisceau d’indices met en évidence que les traders avaient l’habitude d’échanger des informations en vue de coordonner les soumissions Euribor en fonction de leurs positions de trading respectives et que le trader de JP Morgan savait qu’un tel comportement impliquait de contacter les desks de trésorerie de leurs banques respectives (voir point 73 ci-dessus).

304    L’échange du 8 février 2007 est particulièrement révélateur du fait que le trader de JP Morgan n’hésitait pas à demander aux responsables des soumissions de sa banque de soumettre des contributions au panel Euribor dans le sens de ses intérêts (considérant 265 de la décision attaquée, voir point 242 ci-dessus) et du fait que le responsable des soumissions de JP Morgan s’est montré réceptif à une telle demande en répondant que le desk de trésorerie « allait faire de son mieux ».

305    Ces éléments de preuve, pris en tant que faisceau d’indices, rendent plausible le fait que le trader de JP Morgan a tenté d’influencer le niveau de contribution de la trésorerie de sa banque. En tout état de cause, il a explicitement accepté de donner suite à la demande en ce sens de la part du trader concurrent.

306    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que le trader de JP Morgan n’a pas bénéficié, de manière significative, d’une quelconque manipulation des indices, notamment, s’agissant de la manipulation du 19 mars 2007, contrairement à ce qui ressortirait du considérant 364 de la décision attaquée.

307    À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre de ce grief, les requérantes n’avancent que des arguments concernant la manipulation du 19 mars 2007. Or, s’agissant de cette manipulation, ainsi qu’il ressort des échanges des 16 et 19 mars 2007, le trader de JP Morgan a admis explicitement avoir ajusté sa stratégie de trading en suivant le conseil du trader de Deutsche Bank de prendre une position longue s’agissant du fixing IMM de mars et en avoir tiré le bénéfice, même si celui-ci n’était pas important. Il convient d’en conclure que le trader de JP Morgan a tenu compte des informations échangées avec son concurrent pour déterminer son comportement sur le marché. Ce fait est également établi en ce qui concerne la manipulation du 18 décembre 2006.

308    En tout état de cause, s’agissant des autres échanges relatifs aux manipulations du taux, un tel argument est susceptible de démontrer, tout au plus, que les échanges entre les traders n’ont pas été suivis d’effets anticoncurrentiels sur le marché. Cette question est toutefois dépourvue de pertinence s’agissant des comportements restrictifs de concurrence par objet (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 123 et 124). Ainsi, un tel argument pourrait, le cas échéant, s’avérer pertinent si les requérantes démontraient que la Commission avait commis une erreur en retenant que les comportements en cause étaient restrictifs de concurrence par objet, ce qu’il convient d’examiner dans le cadre du deuxième moyen.

309    Enfin, les requérantes soutiennent, en substance, que la conclusion de la Commission selon laquelle JP Morgan a cherché à manipuler l’EONIA est dépourvue de tout fondement.

310    À cet égard, ainsi qu’elle l’admet, la Commission n’a conclu à aucun moment dans la décision attaquée que JP Morgan avait participé aux pratiques de manipulation de l’EONIA, mais qu’elle avait participé à une infraction ayant pour objet de fausser le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD liés à l’Euribor et/ou à l’EONIA (voir article 1er de la décision attaquée). Les arguments des requérantes selon lesquels la Commission n’aurait pas démontré l’intention du trader de JP Morgan de manipuler le taux EONIA sont donc inopérants.  

311    En outre, il convient de relever que l’infraction en cause, telle qu’elle est définie dans la décision attaquée, consistait non seulement en la manipulation des indices de référence, mais également en l’échange d’informations sensibles sur des opérations liées, notamment, à l’EONIA. Les requérantes font uniquement valoir l’existence d’une segmentation du marché des produits dérivés fondés sur l’Euribor et ceux fondés sur l’EONIA sans toutefois étayer cette allégation par un quelconque élément de preuve. En tout état de cause, la seule absence d’une incidence « automatique », directe ou indirecte, des fluctuations de l’Euribor sur l’EONIA, invoquée par les requérantes, à la supposer établie, ne saurait démontrer que les contrats EIRD indexés sur l’Euribor et ceux indexés sur l’EONIA n’appartiennent pas au même marché des EIRD. La Commission était donc en droit de retenir la participation de JP Morgan à l’infraction ayant pour objet de fausser le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD liés à l’Euribor et/ou à l’EONIA, et ce quand bien même elle n’a pas constaté que JP Morgan avait participé aux pratiques visant la manipulation de l’EONIA.

312    Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de l’examen du deuxième moyen (voir point 308 ci-dessus), les griefs des requérantes visant à démontrer que JP Morgan n’a pas participé aux pratiques de manipulation de l’Euribor doivent être rejetés comme non fondés.

ii)    Sur la participation aux autres comportements reprochés à JP Morgan

313    À titre liminaire, il convient de relever que, s’agissant des discussions sur les positions de trading et sur les stratégies de fixation des prix, lesquelles s’inscrivent dans un comportement visant la manipulation de l’Euribor, il a déjà été démontré ci-dessus que JP Morgan a participé à un comportement anticoncurrentiel. En application de la jurisprudence rappelée au point 164 ci-dessus, il n’est, dès lors, pas nécessaire d’examiner la participation de JP Morgan audit comportement pour autant que ces discussions relèvent également des comportements visés au considérant 358, sous b) et g), de la décision attaquée.

314    Par conséquent, eu égard aux considérations formulées ci-dessus concernant la matérialité des comportements retenus par la Commission à l’égard de JP Morgan (voir point 273 ci-dessus), il convient de relever que JP Morgan a participé uniquement à un échange portant sur les positions de trading et à trois échanges portant sur les stratégies de fixation des prix n’ayant pas eu lieu dans la perspective d’une manipulation de l’Euribor. Il s’agit, respectivement, de l’échange du 6 octobre 2006 et des échanges des 13 et 24 novembre 2006, et du 14 mars 2007.

315    Alors que les requérantes contestent la matérialité des faits résultant de ces échanges, ce qui a été examiné ci-dessus, elles ne contestent pas véritablement la participation du trader de JP Morgan à ces comportements en estimant, à tort, que la Commission n’a retenu à leur égard que la participation aux comportements visant une manipulation de l’Euribor (voir points 46 à 48 ci-dessus).

316    À l’égard de ces échanges, les requérantes soutiennent uniquement que, compte tenu du fonctionnement du marché, les informations que les traders se sont communiquées étaient trop vagues, générales, éphémères, incomplètes ou fondées sur des hypothèses pour permettre au trader recevant ces informations d’anticiper le comportement sur le marché du trader les révélant. Cette argumentation se réfère à la détermination du caractère restrictif par objet des comportements en cause et non à la participation à ces comportements. Elle sera ainsi examinée lors de l’examen du troisième moyen ci-après (voir point 385 ci-après).

317    Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que, dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait pas retenir la participation de JP Morgan aux comportements anticoncurrentiels au titre de l’échange du 10 octobre 2006. Pour le surplus, sous réserve de l’examen du deuxième moyen (voir point 312 ci-dessus), le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

c)      Sur les deuxième et troisième moyens de la requête portant sur la qualification des comportements reprochés aux requérantes d’infraction par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et sur l’obligation de motivation

318    Dans le cadre du deuxième moyen, les requérantes contestent, en substance, que les pratiques de manipulation du taux de l’Euribor constituent des restrictions de concurrence par objet.

319    Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission n’a pas constaté dans la décision attaquée que JP Morgan avait participé à d’autres formes de pratiques anticoncurrentielles que la tentative de manipulation des indices et qu’elle n’a pas établi un quelconque autre objet anticoncurrentiel des comportements reprochés à JP Morgan. Elles font également valoir une violation de l’obligation de motivation à cet égard.

320    La Commission conteste les arguments des requérantes avancés au titre des deuxième et troisième moyens et soutient, en substance, avoir correctement retenu que l’ensemble des comportements en cause étaient restrictifs de concurrence par objet, en ce qu’ils portaient sur les composantes des prix des EIRD et avaient créé une asymétrie d’informations entre les banques parties à l’entente et celles qui n’y prenaient pas part en conférant un avantage concurrentiel aux premières. Elle estime avoir suffisamment motivé la décision attaquée.

321    À cet égard, il convient de rappeler que, aux considérants 384 à 386 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les comportements collusoires retenus à l’encontre, notamment, de JP Morgan portaient sur les composantes de la fixation des prix des EIRD, telles que l’Euribor, ainsi que sur d’autres conditions de transaction et avaient pour objectif d’influencer les flux de trésorerie dus au titre des EIRD dans un sens favorable aux traders concernés et au détriment de l’autre partie au contrat ainsi que des autres concurrents sur le marché des EIRD.

322    En outre, aux considérants 389 et 390 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les échanges d’informations auxquels a participé le trader de JP Morgan, intervenus en dehors du cadre des discussions menées en vue d’une transaction éventuelle, avaient pour conséquence de réduire de façon importante l’incertitude sur le marché en révélant à un concurrent des informations clés sur le comportement futur des acteurs sur le marché, lui permettant ainsi de les utiliser à son profit en adaptant son comportement sur le marché.

323    En conséquence, selon la Commission, lesdits comportements avaient pour objet de restreindre et/ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE.

324    À cet égard, il convient de rappeler que, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché intérieur.

325    Il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 49, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 113).

326    La distinction entre « infractions par objet » et « infractions par effet » tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme étant nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 50, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 114).

327    Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 115).

328    Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 117).

329    S’agissant des accords pouvant être considérés comme étant une restriction de concurrence « par objet », un tel objet ne peut pas être justifié au moyen d’une analyse du contexte économique dans lequel le comportement anticoncurrentiel en cause s’inscrit (arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 28). S’agissant de tels accords, l’analyse du contexte économique et juridique dans lequel la pratique s’insère peut ainsi se limiter à ce qui s’avère strictement nécessaire en vue de conclure à l’existence d’une restriction de la concurrence par objet (arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 29).

330    En ce qui concerne plus particulièrement l’échange d’informations entre concurrents, il convient de rappeler que les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 32, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 119).

331    Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou attendu de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a été décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a été envisagé d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 33, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 120).

332    La Cour a ainsi jugé que l’échange d’informations entre concurrents était susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténuait ou supprimait le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 35, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 121).

333    En particulier, il y a lieu de considérer comme ayant un objet anticoncurrentiel un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 122 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 41).

334    Par ailleurs, une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel bien qu’elle n’ait pas de lien direct avec les prix à la consommation. En effet, le libellé de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne permet pas de considérer que seules seraient interdites les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs finaux (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 123 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 36).

335    Au contraire, il ressort dudit article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE qu’une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction » (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 37, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 124).

336    Il convient également de rappeler qu’il résulte des termes mêmes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE que la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 126).

337    À cet égard, la Cour a considéré qu’il y avait lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombait aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. En particulier, la Cour a conclu qu’une telle pratique concertée relevait de l’article 101, paragraphe 1, TFUE même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur ledit marché (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 127).

338    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Dans cette perspective, la motivation exigée doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 146 à 148 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 114 et 115).

339    En outre, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 116).

340    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les deuxième et troisième moyens.

1)      Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur en ce qui concerne la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée aux échanges liés aux manipulations de l’Euribor

341    Les requérantes font valoir que, bien que les pratiques de manipulation de l’Euribor soient graves sous l’angle de la régulation des marchés financiers, elles ne sont pas restrictives de la concurrence par objet. Selon les requérantes, les échanges relatifs aux manipulations des taux ne peuvent pas être assimilés à des pratiques de fixation des prix, en ce que l’Euribor ne constitue ni un paramètre de concurrence, ni une composante du prix des EIRD. En outre,  l’objectif d’influencer les flux de trésorerie dus au titre des EIRD ou l’effet de réduire l’incertitude ou d’accroître la transparence entre les traders en leur conférant un avantage concurrentiel sur les banques concurrentes ne participant pas à l’entente ne sauraient suffire pour conclure que les échanges relatifs aux manipulations des taux ont un objet restrictif de concurrence.

342    La Commission conteste les arguments des requérantes.

343    Il convient de relever que certains des comportements relatifs aux manipulations des taux, reprochés à JP Morgan, non seulement ont pour objet des informations sensibles sous l’angle de la concurrence au sens de la jurisprudence rappelée aux points 331 à 333 ci-dessus, telles que les préférences quant au niveau de fixing de taux de référence ou les communications des positions de trading ou d’expositions respectives des traders (voir, notamment, considérants 389, 394 et 395 de la décision attaquée), mais révèlent également la volonté des traders impliqués dans ces échanges de manipuler le taux Euribor dans le sens de leurs intérêts en ce qu’ils visent à orienter les soumissions de leurs banques respectives au panel de l’Euribor et à suivre le résultat de leurs actions (voir, notamment, considérants 397 et 426 de la décision attaquée). S’agissant de JP Morgan, relèvent de cette catégorie les échanges des 27, 28 et 29 septembre 2006 et du 2 octobre 2006.

344    C’est à bon droit que la Commission a retenu (voir points 321 à 323 ci-dessus) que ces échanges sur le niveau de l’Euribor, ou s’inscrivant dans des concertations relatives au niveau de l’Euribor, concernent un facteur pertinent pour la détermination des flux de trésorerie dus au titre des EIRD et portent donc sur un paramètre essentiel à la concurrence sur le marché des EIRD. Ces comportements permettaient aux banques impliquées de coordonner leur comportement sur le marché, éliminaient des incertitudes dans l’esprit des participants et créaient une asymétrie d’information entre les acteurs du marché préjudiciable à la concurrence. En conséquence, la Commission était fondée à conclure que ces comportements présentaient un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considérés comme une restriction de concurrence par objet (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 117 et 118).

345    En effet, ainsi qu’il ressort, en substance, des considérants 11, 16, 388, 410 et 411 de la décision attaquée, les EIRD sont négociés sur le marché pour une valeur qui découle du prix de transaction et qui reflète la valeur estimée, à la date de transaction, d’un ou de plusieurs flux de trésorerie attendus de ce contrat, ces derniers étant déterminés par les niveaux futurs de l’Euribor ou de l’EONIA, en fonction de la différence entre les paiements dus au titre de la « jambe fixe » et ceux dus au titre de la « jambe variable » d’un EIRD (voir points 38 et 39 ci-dessus). Par conséquent, alors que, ainsi que le soutiennent les requérantes, le taux Euribor n’est pas en soi un prix de ce contrat, dans la mesure où il influence le niveau des deux « jambes » de celui-ci, il constitue néanmoins un facteur essentiel de la détermination des flux de trésorerie dus au titre de ce contrat, qui ne sont pas encore connus au moment de sa conclusion.

346    D’une part, le taux de référence Euribor à la date convenue dans le contrat (à la date du fixing) permet de calculer le paiement dû au titre de la « jambe variable » d’un contrat EIRD, laquelle est directement indexée sur ce taux. Dès lors que la fixation de ce taux variable Euribor se fait de manière artificielle, par le biais de l’influence exercée par certains traders sur les soumissions des banques en fonction de leurs propres intérêts, ce taux n’est plus fixé au terme d’« un processus collaboratif non[…]concurrentiel », mais permet, au contraire, de favoriser certains concurrents, à savoir les traders participant à la manipulation, au détriment des autres en ce qu’il influence les sommes qui devraient être payées ou reçues au titre de la « jambe variable » des EIRD indexés sur ce taux (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 117).

347    D’autre part, le taux de référence Euribor est également pertinent en ce qui concerne la « jambe fixe » d’un contrat EIRD indexé sur ce taux dans la mesure où il sera pris en compte par un trader, par l’intermédiaire de sa courbe de rendement pertinente modélisée grâce à ses propres estimations des évolutions futures de ce taux, aux fins de la détermination du taux fixe de ce contrat, et ce afin d’escompter le flux de trésorerie futur positif résultant de la différence entre le taux variable et le taux fixe à la date du fixing (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 117 et 122).

348    Dans ces conditions, c’est à tort que les requérantes soutiennent que la Commission a dénaturé, dans la décision attaquée, la notion de « fixation des prix ». En effet, les pratiques en cause, dans la mesure où elles portent sur un facteur essentiel pour la détermination des flux de trésorerie dus au titre des EIRD, sont comparables à des accords sur la fixation des prix, lesquels, en application d’une jurisprudence constante, citée au point 335 ci-dessus, figurent parmi les restrictions les plus graves de la concurrence, ainsi que la Commission l’a d’ailleurs souligné aux considérants 414 et 422 de la décision attaquée. De même, ces pratiques ont créé une asymétrie d’information entre les acteurs du marché en réduisant ou en éliminant des incertitudes sur le fonctionnement du marché et, conformément à la jurisprudence citée au point 333 ci-dessus, doivent être considérées comme présentant un degré suffisant de nocivité pour la concurrence pour être qualifiées d’infraction par objet.

349    C’est également à tort que les requérantes soutiennent que seul le taux fixe fait l’objet de la concurrence entre les traders et que cette concurrence ne s’exerce qu’au moment de la conclusion des contrats.  

350    En effet, alors que la « jambe fixe » d’un contrat EIRD fait incontestablement l’objet d’une négociation entre les traders lors de la conclusion d’un contrat EIRD, l’attractivité ou la compétitivité de ce contrat ne dépend pas du seul taux fixe déterminé au moment de sa conclusion, mais de la comparaison de ce taux avec le taux variable escompté, et ainsi de l’estimation d’un flux de trésorerie qu’un tel contrat est susceptible de dégager pour une partie. Le taux fixe sur lequel les parties se mettent d’accord au moment de la conclusion du contrat n’est donc qu’un élément de la détermination des flux de trésorerie dus au titre des EIRD qui seront versés en fonction de la comparaison de celui-ci avec le taux variable au jour du fixing.

351    Ainsi, la négociation du taux fixe se fait en fonction des prévisions par le trader de ce qui sera, selon lui, le taux variable afin d’escompter un flux de trésorerie positif qui résulterait pour lui de ce contrat. En conséquence, disposant d’informations privilégiées relatives au taux variable applicable aux dates pertinentes, les traders étaient en mesure de rendre leurs offres, en ce qui concerne le taux fixe, compétitives, tout en leur permettant d’escompter un flux de trésorerie positif. L’asymétrie d’information ainsi créée ne pouvait qu’améliorer la position concurrentielle de ces traders par rapport à celle de leurs concurrents ne disposant pas d’une telle information.

352    Eu égard à ce qui précède, il est sans importance que, comme le font valoir les requérantes, la concurrence pour un contrat EIRD en particulier ne se fasse qu’au moment de sa conclusion. En effet, les traders, tout particulièrement ceux des banques comme JP Morgan, jouant un rôle de teneur de marché, ajustent constamment leurs portefeuilles, en concluant de nouveaux contrats afin de compenser ou contrebalancer les positions qu’ils détiennent, ce qui est illustré, notamment, par les ajustements des positions de trading effectués par le trader de JP Morgan dans la perspective des manipulations du 18 décembre 2006 et du 19 mars 2007 dont il avait connaissance. Ainsi, la manipulation du taux Euribor à une date déterminée influence non seulement les conditions d’exécution des contrats en cours, mais également les conditions dans lesquelles un trader va conclure de nouveaux contrats.

353    S’agissant de l’échange du 18 décembre 2006, les traders ont, certes, échangé uniquement sur leur satisfaction quant au fixing de ce jour, sans que ce comportement, visant à monitorer ou à contrôler l’entente, soit précédé d’un échange sur le niveau souhaité de l’Euribor. Toutefois, cet échange doit être associé à la manipulation du taux Euribor le 18 décembre 2006, à laquelle le trader de JP Morgan a participé de manière passive (voir points 285 à 290 ci-dessus). En effet, il ressort de l’échange du 18 décembre 2006 qu’il a bénéficié de l’asymétrie d’information en ce qui concerne cette manipulation en ajustant sa position de trading. Cet échange présente ainsi un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet.

354    En outre, s’agissant des échanges des 4 et 8 janvier 2007, du 6 février 2007 et des 16 et 19 mars 2007, ceux-ci se sont, certes, cantonnés aux échanges d’informations quant aux positions de trading et aux stratégies de trading. Toutefois, ces échanges doivent être associés à la manipulation du taux Euribor le 19 mars 2007, et ce quand bien même le trader de JP Morgan n’y a participé que de manière passive (voir points 285 à 290 ci-dessus). Ainsi, quand bien même les traders n’ont pas échangé explicitement sur le niveau souhaité de l’Euribor, les informations sur les positions de trading et sur les stratégies de trading tenaient compte du niveau de l’Euribor tel qu’il a été envisagé par le trader de Deutsche Bank dans le cadre des pratiques de manipulation de ce taux dont le trader de JP Morgan avait connaissance. Ces échanges ont permis aux banques impliquées de coordonner leur comportement sur le marché, d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des participants et de créer une asymétrie d’information entre les acteurs du marché, préjudiciable à la concurrence. En conséquence, la Commission était fondée à conclure que ces comportements présentaient un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considérés comme une restriction de concurrence par objet.

355    Dans ce contexte, il y a également lieu de rejeter comme non fondé l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas démontré, conformément à l’arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado (C‑238/05, EU:C:2006:734), que la réduction de l’incertitude du marché en cause résultant des pratiques visant la manipulation de l’Euribor avait pour conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises.

356    En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission a démontré à suffisance de droit, aux considérants 394 et 395 de la décision attaquée, que l’asymétrie d’information créée par les pratiques visant la manipulation de l’Euribor avait pour conséquence de restreindre la concurrence sur le marché des EIRD. À cet égard, elle a retenu, à juste titre, que ces comportements collusoires avaient donné lieu à une situation d’asymétrie d’information entre les acteurs du marché, asymétrie qui a été créée du fait que les parties à l’entente, d’une part, étaient mieux placées pour connaître à l’avance, avec une certaine précision, le niveau auquel l’Euribor serait fixé ou devait être fixé par leurs concurrents agissant en collusion et, d’autre part, savaient si l’Euribor à une date spécifique était fixé à un niveau artificiel ou si cela correspondait aux réalités du marché. Or, leurs concurrents ignoraient tout de ces éléments. La Commission a ainsi relevé que, pendant la durée de la collusion, les parties à l’entente étaient en possession d’informations supplémentaires, ce qui leur a permis d’offrir des conditions plus avantageuses que celles offertes par leurs concurrents qui se fiaient à ce qu’ils percevaient comme étant le taux Euribor déterminé par la réalité légitime du marché et se trouvaient dans l’impossibilité de concurrencer sur un pied d’égalité les concurrents agissant en collusion. Selon la Commission, cela a donc réduit de façon significative les incertitudes inhérentes à un marché sur lequel la gestion du risque et des incertitudes constitue l’un des paramètres clés de la concurrence.

357    Par ailleurs, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les circonstances de la présente espèce ne sauraient être comparées à celles à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado (C‑238/05, EU:C:2006:734). En effet, dans le contexte de l’appréciation de la compatibilité d’un système d’échange d’informations avec les règles de concurrence de l’Union, il convient de tenir compte, notamment des conditions d’accès aux informations échangées, lesquelles, pour que l’échange en cause ne désavantage les acteurs ne participant pas à celui-ci, doivent être accessibles de façon non discriminatoire, en droit comme en fait, à tous les opérateurs actifs dans le domaine pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, EU:C:2006:734, point 60). Or, les requérantes ne prétendent pas que les informations échangées en l’espèce entre les traders, relatives aux tentatives d’orienter les soumissions de leurs banques respectives au panel de l’Euribor, étaient disponibles de manière non discriminatoire pour l’ensemble des opérateurs sur le marché des EIRD. Au contraire, ainsi que le soutient la Commission, le système d’échange d’informations en cause n’était pas un système « libre d’accès » et non discriminatoire, ce qui est illustré par le fait que les participants ont convenu ou se sont mutuellement rappelé de dissimuler leurs activités collusoires (voir considérant 360 de la décision attaquée).

358    Par conséquent, les échanges relatifs aux manipulations de l’Euribor doivent être considérés comme ayant un objet restrictif de concurrence étant donné que de telles manipulations sont destinées à influencer le facteur pertinent et essentiel pour la détermination des flux de trésorerie dus au titre des contrats EIRD, ainsi que les stratégies de négociation des EIRD, en atténuant ou en supprimant le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de concurrence entre entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 117 et 118).

359    La conclusion énoncée aux points 343 et 358 ci-dessus n’est pas remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel l’objectif d’augmenter les flux de trésorerie qui doit, selon elles, être assimilé à un objectif de « gagner plus d’argent » n’est pas en soi restrictif de concurrence.

360    À cet égard, il suffit de rappeler que, en l’espèce, l’objectif d’augmentation des flux de trésorerie n’est pas poursuivi dans des conditions normales de concurrence, puisque l’un des paramètres importants permettant d’influer sur ce flux de trésorerie, en l’occurrence le taux Euribor, est manipulé dans un but anticoncurrentiel. Ainsi, ce n’est, en tout état de cause, pas par le jeu normal de la concurrence qu’un tel objectif sera atteint, mais par une distorsion de la concurrence contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

361    De même, au regard du caractère particulièrement sensible sous l’angle de la concurrence de l’information échangée, un objet restrictif de concurrence doit également être retenu à l’égard des échanges des 25 et 26 octobre 2006 et du 8 novembre 2006, alors même que ceux-ci se sont cantonnés aux échanges d’informations sur le niveau souhaité de la cotation de l’Euribor ou sur la disponibilité de l’un des traders d’influencer le niveau de soumission de sa banque dans l’intérêt de son concurrent, sans que soit associée à ceux-ci une tentative de manipulation de ce taux.

362    En effet, au vu de l’importance de l’incidence du niveau des taux de l’Euribor sur les flux de trésorerie dus au titre des EIRD, la seule communication d’informations concernant les préférences pour les soumissions futures d’une banque membre du panel de l’Euribor ou les discussions sur les possibilités d’aligner de telles soumissions des banques ou l’offre d’influencer une soumission, révélant aux traders la capacité de son concurrent de soumettre des contributions selon les souhaits, étaient susceptibles de fournir un avantage aux banques concernées, les éloignant de l’application du jeu normal de la concurrence sur le marché en cause, de telle manière que ces échanges d’informations doivent être considérés comme ayant eu pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et au sens de la jurisprudence citée aux points 330 à 333 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 75).

363    Dans ce contexte, il convient encore de rappeler que la Commission a mis en avant, au soutien de sa conclusion relative à l’existence de restrictions de concurrence par objet, non seulement la coordination et/ou la fixation des prix, mais également la distorsion d’autres conditions de transaction dans le secteur des EIRD (voir, notamment, considérants 384, 388, 393, 415 et 423 de la décision attaquée). Toutefois, dès lors que la qualification d’infraction par objet appliquée aux échanges relatifs aux manipulations de l’Euribor est justifiée à suffisance de droit pour les raisons exposées aux points 343 à 362 ci-dessus, en application de la jurisprudence rappelée au point 164 ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’examiner si lesdits comportements disposaient d’un objet restrictif de concurrence également en ce qu’ils portaient sur d’autres conditions de transaction.

364    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

2)      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur en ce qui concerne la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée aux comportements autres que les manipulations de l’Euribor et d’un défaut de motivation

365    Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, qu’aucun autre objet anticoncurrentiel des comportements reprochés à JP Morgan que les tentatives de manipulation de taux de l’Euribor n’a été établi par la Commission. Si l’intention de la Commission était de conclure que les requérantes poursuivaient un objet anticoncurrentiel autre que la manipulation de l’Euribor ou de l’EONIA, la décision attaquée serait entachée d’une contrariété de motifs ou d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation s’agissant de l’identification de l’objet anticoncurrentiel. En tout état de cause, selon les requérantes, JP Morgan ne poursuivait pas un autre objet anticoncurrentiel, l’échange d’informations ayant pour objet d’améliorer d’une manière générale l’appréciation par chaque partie des évolutions du marché ne pouvant pas être considéré comme un comportement restrictif de concurrence par objet.

366    La Commission conteste les arguments des requérantes.

367    À titre liminaire, il convient de relever que, quand bien même la participation de JP Morgan à une infraction par objet est établie en ce qui concerne les comportements relatifs aux manipulations de l’Euribor, l’examen des arguments visant à contester que les autres comportements reprochés à JP Morgan constituent des restrictions par objet conserve sa pertinence. En effet, l’existence d’autres comportements anticoncurrentiels de la part de JP Morgan est pertinente s’agissant de l’appréciation de la gravité de la violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE commise par cette dernière ainsi que, par voie de conséquence, du caractère proportionné de l’amende qui lui a été infligée. En effet, parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité d’une infraction figurent le nombre et l’intensité des comportements anticoncurrentiels (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 86 et jurisprudence citée, et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 197 et 199 et jurisprudence citée).

368    Ensuite, premièrement, il ressort de la définition dans la décision attaquée de l’objet anticoncurrentiel des comportements en cause (voir points 321 et 322 ci-dessus) que, contrairement à ce que soutiennent, en substance, les requérantes, la Commission n’a pas constaté que les pratiques en cause étaient restrictives de la concurrence par objet au motif qu’elles consistaient en des manipulations de l’Euribor, mais au motif qu’elles visaient à influencer les flux de trésorerie dus au titre des EIRD en faussant le cours normal des composantes des prix des EIRD et en créant une asymétrie d’information préjudiciable à la concurrence. Ces comportements collusoires pouvaient prendre plusieurs formes telles qu’elles ont été décrites au considérant 113 de la décision attaquée (voir point 16 ci-dessus ; voir également point 48 ci-dessus).

369    Il s’ensuit que les arguments présentés par les requérantes au titre du troisième moyen selon lesquels la décision attaquée serait entachée d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation en ce que, en substance, la Commission n’aurait pas suffisamment exposé les motifs l’ayant conduite à retenir un autre objet anticoncurrentiel des pratiques reprochées à JP Morgan que les manipulations de l’Euribor sont inopérants.

370    Le considérant 490 de la décision attaquée, invoqué à cet égard par les requérantes, ne permet pas de remettre en cause cette conclusion et de démontrer une contrariété ou une incohérence des motifs de la décision attaquée. En effet, ledit considérant énonce que « [l]a seule explicitation plausible pour les échanges auxquels il est fait référence dans le considérant 358 et ayant trait aux préférences pour la fixation future d’échéances de l’Euribor et/ou relatives aux positions de trading associées à de telles préférences, est que ces échanges constituent une tentative de manipulation du taux de référence par [le trader de JP Morgan] à travers ses contacts avec [le trader de Deutsche Bank], qu’il savait capable d’influencer les niveaux des taux d’intérêt de référence Euribor ». Force est ainsi de constater que les échanges auxquels la Commission se réfère dans ce considérant sont limités à ceux qui ont trait aux préférences pour la fixation future d’échéances de l’Euribor et/ou relatives aux positions de trading associées à de telles préférences, à savoir les comportements visés au considérant 358, sous a), d), e) et f), de la décision attaquée ainsi que les comportements visés au considérant 358, sous b) et c), de ladite décision lorsqu’ils étaient associés à des préférences pour la fixation de futures échéances de l’Euribor. Le considérant 490 de la décision attaquée n’englobe donc pas l’ensemble des comportements visés au considérant 358 de ladite décision attaquée.

371    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas identifié « de manière univoque », en violation de son obligation de motivation, l’objet anticoncurrentiel des pratiques en cause consistant en des échanges sur les positions de trading et sur les stratégies de fixation des prix. Plus particulièrement, elle n’aurait pas identifié quelles composantes des prix des EIRD et conditions de transaction chaque échange particulier avait pour objet de fausser ou de coordonner et de quelle manière l’échange poursuivait cet objet.

372    À cet égard, en réponse à une question écrite du Tribunal, en se référant aux considérants pertinents de la décision attaquée, la Commission a soutenu, à juste titre, avoir indiqué de manière exhaustive et à l’égard de chaque échange particulier retenu à l’encontre de JP Morgan de quelle manière celui-ci avait pour objet d’influencer les flux de trésorerie dus au titre des EIRD en faussant le cours normal des composantes des prix des EIRD et en créant une asymétrie d’information préjudiciable à la concurrence conformément à l’objet anticoncurrentiel retenu dans la décision attaquée.

373    En effet, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, il ressort de la décision attaquée que, d’une part, les échanges sur les stratégies de fixation des prix, tels que les échanges du 13 novembre 2006 et du 14 mars 2007, portaient sur des informations confidentielles sensibles sur le plan commercial, car elles étaient pertinentes pour la stratégie de fixation des prix des EIRD dans le cadre des transactions impliquant les parties ne participant pas à l’entente [considérant 389, considérant 392, sous g), et considérant 403 de la décision attaquée]. Les échanges du 13 novembre 2006 et du 14 mars 2007 portaient plus spécifiquement sur les transactions à conclure par l’intermédiaire des courtiers. D’autre part, s’agissant de l’échange du 6 octobre 2006 sur les positions de trading et de l’échange du 24 novembre 2006 sur les « mids » et les « spreads », il ressort de la décision attaquée que de tels échanges présentaient un lien, bien qu’indirect, avec le taux Euribor, dans la mesure où, à partir des informations ainsi obtenues de la part de son concurrent, un trader pouvait évaluer les prévisions de son interlocuteur en ce qui concerne le taux Euribor [considérants 32, 34, 36 et 390, considérant 392, sous b), et considérants 411, 417 et 419 de la décision attaquée].

374    Il ressort ainsi de la décision attaquée que, au moyen de ces échanges, les participants aux pratiques en cause se sont dévoilés des informations relatives aux aspects fondamentaux de leur stratégie en matière de fixation des prix et de leur comportement sur le marché dans l’objectif d’influencer les flux de trésorerie dus au titre des contrats EIRD. De telles pratiques auraient permis aux traders d’accroître la transparence entre les parties à l’entente et, par conséquent, de réduire sensiblement l’incertitude liée à l’activité de fixation des prix et l’intention des prix en leur procurant un avantage par rapport aux acteurs du marché qui ne participaient pas aux pratiques en cause (voir considérants 384 et 393 à 395 de la décision attaquée).

375    De telles considérations sont suffisantes pour permettre aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle sur les appréciations de la Commission au sens de la jurisprudence rappelée au point 338 ci-dessus. Le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation n’est donc pas fondé.

376    Il convient dès lors d’examiner si c’est à bon droit que la Commission a relevé que les échanges sur les positions de trading et sur les stratégies de fixation des prix, retenus à l’encontre de JP Morgan et dont la matérialité des faits a été confirmée dans le cadre de l’examen du premier moyen, constituaient des restrictions de concurrence par objet.

i)      Sur la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée à l’échange sur les positions de trading du 6 octobre 2006

377    Il convient de relever que l’échange entre le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank du 6 octobre 2006 constitue la seule discussion impliquant JP Morgan, dont la matérialité des faits a été confirmée, à l’égard de laquelle la Commission a retenu la qualification d’échange sur les positions de trading au sens du considérant 113, sous b), du considérant 358, sous b), et du considérant 392, sous b), de la décision attaquée sans qu’elle soit en outre liée aux manipulations de l’Euribor.

378    S’agissant des autres échanges qualifiés, notamment, d’échanges sur les positions de trading, lesquels s’inscrivent dans un comportement visant la manipulation de l’Euribor, il a déjà été démontré (voir points 343 à 362 ci-dessus) qu’ils relevaient d’une infraction par objet. En effet, ainsi que la Commission l’a relevé, en substance, au considérant 417 de la décision attaquée, de tels échanges concernant les positions de trading avaient pour objectif de vérifier que les intérêts commerciaux des parties étaient convergents, avant qu’elles puissent prendre d’autres mesures concertées pour influencer la valeur des EIRD au détriment des concurrents qui ne participaient pas à l’entente.

379    S’agissant de l’échange du 6 octobre 2006, il convient de relever qu’aucune définition de la notion de « position de trading » ne figure dans la décision attaquée. Il ressort néanmoins des différentes occurrences de cette expression dans ladite décision que, par celle-ci, sont visés la composition du portefeuille d’investissement d’un trader (le « book »), le niveau et le sens de ses expositions sur le marché des EIRD.

380    Des éléments de motivation portant plus précisément sur les positions de trading figurent dans d’autres passages de la décision attaquée.

381    Ainsi, au considérant 390 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que, selon la banque B, chaque teneur du marché tenait un journal de transactions qui consistait en un inventaire des contrats et en a déduit que « en se révélant mutuellement leur position de trading, les teneurs de marché [étaient] en mesure de déduire leur demande et offre respective relativement à ces contrats, et [pouvaient] utiliser ces informations à leur profit [ ; cela] [pouvait] les amener à adapter leurs propres modèles de transaction et leur permet[tait] d’être mieux informés que les teneurs de marché concurrents et d’autres acteurs du marché ».

382    Au considérant 417 de la décision attaquée, la Commission a fait valoir que « les échanges concernant les positions de trading […] servaient à vérifier que les intérêts commerciaux des parties étaient convergents, avant qu’elles [ne] puissent prendre d’autres mesures concertées pour influencer la valeur des EIRD au détriment des concurrents qui ne participaient pas à l’entente ». Elle a ajouté que, « dans un marché d’EIRD non transparent […], le partage […] [des] informations [sur les positions de trading] permettait aux parties à l’entente d’être mieux informées que les autres acteurs du marché ». Au même considérant, la Commission a également souligné que, « en se révélant leurs positions de trading et donc, en étant capables d’adapter leurs propres modèles de transaction, les parties à l’entente pouvaient influencer la valeur de leurs portefeuilles, influençant par ricochet les conditions des transactions au sens de l’article 101, paragraphe 1, [sous a), TFUE], et de fait affectant la structure de la concurrence sur le marché des EIRD ».

383    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 326, 327, 330 et 333 ci-dessus que, si un échange d’informations entre concurrents est susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises, la qualification d’infraction par objet doit être réservée à ceux de ces échanges qui révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner leurs effets. Il en est ainsi, en particulier, d’un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre.

384    Par conséquent, il convient de vérifier si les informations échangées à l’occasion de l’échange du 6 octobre 2006 ont atténué ou supprimé le degré d’incertitude sur le marché d’une manière telle que la Commission pouvait en déduire une incidence sur le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD, sans avoir à examiner leurs effets.

385    Les requérantes soutiennent à cet égard, en substance, que les informations échangées par les traders le 6 octobre 2006 ne portaient que sur la direction générale de la position du trader de JP Morgan sur les futures à échéance à la date IMM de mars. Dans la mesure où le trader de JP Morgan n’aurait pas communiqué au trader de Deutsche Bank d’autres éléments, tels que la taille de sa position, son souhait éventuel de l’augmenter ou de la réduire et l’ampleur d’une telle augmentation ou réduction, la profondeur de cette position par rapport à l’exposition agrégée de son portefeuille, la date à laquelle les risques auxquels il était exposé viendraient à échéance, ses positions dans le futur ou la manière dont il coterait un contrat quelconque, les informations dévoilées par le trader de JP Morgan n’auraient pas de caractère sensible du point de vue de la concurrence, car elles n’auraient pas permis au trader de Deutsche Bank de déterminer la stratégie de trading de celui-ci (voir points 137 et 316 ci-dessus).

386    À cet égard, il convient d’observer que, à l’occasion de l’échange du 6 octobre 2006, les traders ont discuté de la composition de leurs portefeuilles, échangeant ainsi des informations revêtant un caractère confidentiel, en dehors du contexte d’une transaction potentielle (voir point 136 ci-dessus). En outre, contrairement à ce que font valoir les requérantes, les informations ainsi communiquées entre les traders sont suffisamment précises pour leur procurer un avantage en matière d’information qui pouvait leur permettre d’ajuster en conséquence leurs stratégies de trading.

387    En effet, d’une part, le trader de Deutsche Bank a suggéré à celui de JP Morgan d’adopter une certaine stratégie de trading consistant à couvrir sa position sur ses FRA avec des contrats à terme pour la date IMM de mars 2007. D’autre part, le trader de JP Morgan a partagé avec le trader de Deutsche Bank sa perception du marché, laquelle anticipait un rétrécissement de l’écart entre les taux EONIA et Euribor en mars 2007, et il a révélé que, en conséquence, il avait pris une « petite » position payeuse pour les contrats à termes pour cette date.

388    Ainsi, quand bien même le trader de JP Morgan n’a pas partagé d’informations sur la situation globale de son portefeuille ou d’informations précises sur la taille de sa position, un autre trader, qui est un professionnel dans le domaine de la négociation des EIRD, pouvait comprendre sur la base des informations ainsi divulguées sa stratégie de trading concernant les futures aux dates IMM de 2007, à savoir l’ajustement de la position de trading vers une « petite » position payeuse en anticipation du rétrécissement du spread entre l’EONIA et l’Euribor.

389    Cet échange d’informations a donc procuré au trader concurrent un avantage en matière d’informations qui pouvait lui permettre d’ajuster en conséquence sa propre stratégie de trading sur le marché des EIRD.

390    C’est donc sans commettre d’erreur de droit ou d’appréciation que la Commission a retenu que cet échange avait permis d’accroître une transparence entre les seules parties participant à la collusion quant à leurs comportements sur le marché, et ainsi réduire sensiblement les incertitudes normales inhérentes au marché des EIRD, où la capacité des banques à évaluer leurs risques liés à l’estimation individuelle de la valeur des EIRD, notamment à travers des estimations de l’évolution des taux de référence, constitue l’un des paramètres essentiels de la concurrence.

391    Au vu de ce qui précède, sous réserve de l’examen, ci-après, du grief tiré des effets proconcurrentiels de l’échange en cause et en appliquant par analogie les considérations énoncées au point 363 ci-dessus, selon lesquelles il n’est pas nécessaire d’examiner si les comportements en cause disposent d’un objet restrictif de concurrence également en ce qu’ils portaient sur d’autres conditions de transaction, il convient de rejeter le grief des requérantes selon lequel la Commission aurait, à tort, retenu que l’échange du 6 octobre 2006 constituait un comportement restrictif de concurrence par objet.

ii)    Sur la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée aux échanges sur la stratégie de fixation des prix des 13 et 24 novembre 2006, et du 14 mars 2007

392    Trois discussions entre le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank, à savoir celles des 13 et 24 novembre 2006, et du 14 mars 2007, relèvent des comportements pour lesquels la Commission a retenu la qualification d’échanges sur la stratégie de fixation des prix au sens du considérant 113, sous g), du considérant 358, sous g), et du considérant 392, sous g), de la décision attaquée sans qu’elles relèvent en outre des comportements relatifs aux manipulations de l’Euribor. En effet, s’agissant des échanges des 25 et 26 octobre 2006, ceux-ci constituent également des échanges relatifs à la manipulation de l’Euribor à l’égard desquels il a déjà été démontré (voir points 343 à 362 ci-dessus) qu’ils relevaient d’une infraction par objet. En application de la jurisprudence rappelée au point 164 ci-dessus, il n’est, dès lors, pas nécessaire d’examiner si ces échanges disposent d’un objet restrictif de concurrence en ce qu’ils constitueraient également un échange sur des stratégies de fixation des prix.

393    S’agissant, premièrement, de l’échange du 13 novembre 2006, la Commission a relevé, au considérant 212 de la décision attaquée, que lors de celui-ci les traders de Deutsche Bank et de JP Morgan ont échangé sur le niveau des « spreads », compris comme un écart de cotation acheteur-vendeur (« bid-ask spread ») (voir point 190 ci-dessus). Ainsi qu’il a été relevé au point 193 ci-dessus, lors de cet échange, les traders se sont mis d’accord pour ne pas accepter les « spreads » proposés par les courtiers et donc réduire les revenus ou les marges de ces derniers.

394    Deuxièmement, la Commission a retenu que, lors de l’échange du 24 novembre 2006, le trader de JP Morgan avait communiqué au trader de Deutsche Bank des informations précises sur son point de vue sur le « mid » et le niveau de « spread » qu’il appliquerait sur le prix d’un type de produit (FRA 1*2) et d’une taille de transaction spécifiques (pour un montant notionnel de 100 milliards d’euros), en dehors du contexte d’une discussion en vue d’une transaction potentielle (voir points 200 à 202 ci-dessus).

395    Troisièmement, il est constant entre les parties que l’échange du 14 mars 2007 portait sur les tarifs des services des courtiers appliqués par les banques s’agissant des transactions conclues par leur intermédiaire. Les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank se sont communiqué le niveau précis de ces tarifs, ainsi que le niveau appliqué par une autre banque. Le trader de JP Morgan a en outre précisé que sa banque avait l’intention de renégocier ces tarifs (voir points 249 à 251 ci-dessus).

396    À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que, au considérant 32 de la décision attaquée, il est relevé que les termes « run » ou « mids », « [e]xpliqués simplement, […] peuvent être décrits comme des listes de prix d’un trader, d’un desk de négociation ou d’une banque concernant certains produits financiers standard ». Au même considérant, il est indiqué que le terme « spread » (fourchette ou écart de cotation) « fait généralement référence à la marge réalisée par un opérateur de marché sur un service presté, par exemple lorsqu’il apporte de la liquidité au marché en proposant de vendre et d’acheter simultanément des EIRD (tenue de marché) ».

397    En outre, il ressort du considérant 34 de ladite décision que le terme « mid » « fait référence au prix médian ou moyen entre les prix acheteurs et vendeurs (par exemple perçus modélisés, cotés ou négociés) pour un produit spécifique [ ; que les prix médians] constituent souvent une approximation fiable du prix auquel un teneur de marché négocierait avec un client, en particulier lorsque le marché est liquide et que l’écart acheteur/vendeur (“bid-offer spread”) est restreint ».

398    Toujours au considérant 34 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à l’explication d’une banque selon laquelle « les traders de produits dérivés utilis[aient] les points médians sur leurs courbes de rendement pour déterminer les prix acheteurs ou vendeurs qu’ils [allaient] soumettre au marché [ ; s’il connaissait] le prix médian d’un concurrent, bien qu’il ne s’agisse pas réellement du prix de transaction, un trader de produits dérivés [était] davantage en mesure de déterminer les prix acheteurs et vendeurs effectifs de ses concurrents [… ;l]es prix médians [étaient] utilisés pour établir les prix, gérer les positions de trading et évaluer un portefeuille ».

399    Au considérant 419 de la décision attaquée, la Commission a relevé que le prix médian constituait l’estimation par chaque trader du prix réel de l’EIRD et qu’il y avait autant d’estimations du prix médian que d’acteurs du marché « étant donné que le mid représent[ait] une perception individuelle du prix, et rév[élait] par conséquent une intention de prix ». À cet égard, elle a rappelé qu’une des banques destinataire de la décision attaquée avait souligné que le « prix vendeur » était généralement fixé légèrement au-dessus du prix médian et le prix acheteur légèrement en-dessous de celui-ci et que les fluctuations du mid « tend[aient] à déboucher sur une fluctuation parallèle à la fois de l’achat et de l’offre » et qu’il s’agissait, dès lors, d’une valeur indicative proche des prix.

400    Au considérant 36 de la décision attaquée, la Commission a retenu qu’un « spread » constituait essentiellement l’écart entre deux valeurs. Selon la Commission, le terme « spread », dans le sens utilisé au considérant 138 de la décision attaquée, fait référence à la « base », à savoir l’écart entre deux échéances d’un même taux de référence (par exemple, Euribor 1 mois et 3 mois). Selon le même considérant, à titre alternatif, le terme « spread » désigne généralement l’écart entre les prix « acheteurs » et les prix « vendeurs » pour certains produits spécifiques. La Commission a également indiqué qu’une banque lui avait expliqué qu’un effort collectif de détermination des « spreads » pouvait affecter le prix de transaction d’une opération, principalement du fait qu’il pouvait donner lieu à des cotations mieux informées de la part de la partie offrant celles-ci, réduisant ainsi des incertitudes quant aux conditions de marché. De même, cela désavantagerait les autres opérateurs du marché par rapport à ceux impliqués dans la collusion.

401    Ces considérations de la décision attaquée ne sont pas contestées par les requérantes.

402    La Commission a justifié la qualification d’infraction par objet qu’elle a appliquée à l’égard des échanges sur les stratégies de fixation des prix, notamment ceux en cause en l’espèce, par la circonstance selon laquelle ces discussions mettaient les participants dans une situation d’asymétrie d’information favorable, en accroissant la transparence entre les parties à la collusion et en réduisant sensiblement les incertitudes normales inhérentes au marché au profit de celles-ci et au détriment des autres opérateurs du marché et des clients. Au moyen de ces pratiques, les participants à l’infraction se seraient dévoilé « des informations relatives aux aspects fondamentaux de leur stratégie et de leur comportement sur le marché » en ce qui concernait la fixation des prix, ce qui aurait donné lieu à une transparence entre les seules parties impliquées quant aux intentions de cotation des concurrents, impossible à atteindre sans ces échanges. Selon la Commission, ces échanges, portant sur des informations non accessibles au public, sont allés au-delà de ce qui était nécessaire pour la négociation légitime en vue de la conclusion des EIRD ou pour la diffusion non discriminatoire légitime d’informations en vue d’accroître la liquidité du marché (considérants 395 et 403 de la décision attaquée) (voir également point 374 ci-dessus).

403    Ces appréciations de la Commission, appliquées à l’égard des échanges des 13 et 24 novembre 2006, et du 14 mars 2007, ne sont entachées d’aucune erreur de droit ou d’appréciation.

404    En effet, d’une part, lors des échanges du 13 novembre 2006 et du 14 mars 2007, les traders ont révélé des informations confidentielles et sensibles sur le plan commercial relatives à leur comportement futur sur le marché s’agissant des transactions conclues par l’intermédiaire des courtiers, ce qui a permis de réduire sensiblement l’incertitude liée à leur activité de fixation et à l’intention de prix au détriment des autres acteurs du marché, notamment, des courtiers [voir considérant 389, considérant 392, sous g), et considérant 395 de la décision attaquée].

405    D’autre part, lors de l’échange du 24 novembre 2006, le trader de Deutsche Bank a acquis auprès du trader de JP Morgan des connaissances spécifiques sur l’établissement d’un prix pour un produit en particulier et notamment sur sa vision d’un prix médian et d’un spread que celui-ci appliquerait à un tel produit. Une telle information non publique, partagée uniquement entre les traders, a permis au trader de Deutsche Bank de faire à un tiers une cotation mieux informée d’un produit EIRD, en réduisant les risques qu’il prenait normalement du fait de son activité de trading, et ce au détriment de l’autre partie à la transaction (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 200).

406    Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 330 et 331 ci-dessus, l’exigence d’autonomie inhérente à l’article 101 TFUE s’oppose rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre des opérateurs économiques de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a envisagé d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause (arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 202).

407    Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 333 ci-dessus, un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre doit être considéré comme poursuivant un objet anticoncurrentiel indépendamment des effets directs sur les prix acquittés par les consommateurs finaux (arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 203).

408    C’est donc à juste titre que la Commission a retenu que les échanges d’informations telles que, en l’espèce, les « mids » et les « spreads », le niveau des tarifs des services des courtiers ou l’approche à l’égard des prix proposés par ces derniers permettaient d’accroître une transparence entre les seules parties participant à la collusion quant aux intentions en matière de fixation des prix de leurs concurrents et ainsi de réduire sensiblement les incertitudes normales inhérentes au marché des EIRD, sur lequel la capacité des banques à évaluer leurs risques liés à l’estimation individuelle de la valeur des EIRD constitue l’un des paramètres essentiels de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 201 à 204).

409    Par ailleurs, un échange entre concurrents, sur une donnée pertinente pour la détermination des prix et ne disposant pas d’un caractère public, revêt un caractère d’autant plus sensible sous l’angle de la concurrence lorsqu’elle se déroule entre des traders agissant, comme le trader de JP Morgan et celui de Deutsche Bank, en tant que « teneurs de marché », au regard de l’importance que jouent ceux-ci sur le marché des EIRD. En effet, les « teneurs de marché » interviennent de manière générale et continue et donc concluent un nombre plus important de transactions que les autres acteurs du marché. Sous l’angle du respect de la concurrence sur le marché, il est d’autant plus fondamental que la détermination de leurs prix se fasse de manière autonome.

410    Dans ces circonstances, les arguments des requérantes selon lesquels la Commission n’aurait pas démontré, dans la décision attaquée, que JP Morgan avait cherché à « influencer » des « mids » ou des « spreads », en ce sens qu’elle ne les avait pas « coordonnés » ou « faussés », doivent être écartés. En effet, certes, les traders ne se sont pas mis d’accord pour appliquer, de manière concertée, un certain niveau de « mid » ou de « spread » à des produits en particulier. Toutefois, en se communiquant leurs avis quant au niveau d’un « mid » et d’un « spread », ou en se mettant d’accord pour ne pas accepter le niveau de « spread » proposé par les courtiers, les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank ont dévoilé le comportement qu’ils étaient susceptibles d’adopter sur le marché, ce qui leur a permis d’être mieux informés quant au niveau envisagé des « mids » et des « spreads » de leur concurrent, ou quant à l’attitude que chacun était susceptible d’adopter à l’égard des courtiers, et d’ajuster en conséquence leur comportement sur le marché en fonction de cette information au détriment des autres opérateurs. Les mêmes considérations s’appliquent à l’échange du 14 mars 2007 lors duquel les traders ont échangé sur le niveau des tarifs des services des courtiers et sur l’intention de JP Morgan de renégocier ces tarifs qui constituent les éléments pertinents pour la stratégie de prix des EIRD.

411    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.

412    Premièrement, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas considéré que tout accord ou échange d’informations visant à réduire l’incertitude était restrictif par objet ou qu’une communication qui ne poursuivait pas un intérêt légitime, tel que la négociation d’une transaction, poursuivait de ce seul fait un objet anticoncurrentiel. En effet, la Commission a démontré, en tenant compte du contexte du fonctionnement du marché des EIRD (voir considérants 428 à 431 de la décision attaquée), que les pratiques en cause en l’espèce, y compris les échanges des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007, affectaient le jeu normal de la concurrence en faisant profiter les participants du partage d’informations sensibles du point de vue de la concurrence au détriment des autres opérateurs du marché. Ainsi, la conclusion de la décision attaquée, selon laquelle ces échanges constituent une restriction de concurrence par objet, n’aboutit aucunement à interdire aux traders « de se parler » à des fins légitimes liées à la conduite de leurs activités de trading, mais vise à sanctionner les seuls échanges d’informations préjudiciables à la concurrence.

413    Deuxièmement, les requérantes font valoir que les échanges en cause ne portaient pas sur des intentions futures en matière de fixation des prix et que la Commission n’a pas démontré qu’ils étaient « aptes » à restreindre la concurrence.

414    Toutefois, s’agissant concrètement des échanges des 13 et 24 novembre 2006, les requérantes ne contestent pas que les « mids » ou les « spreads », tels que ceux visés lors de ces discussions, sont pertinents pour la fixation des prix des EIRD. En outre, il convient de relever que, contrairement à ce qu’elles soutiennent il ne s’agit pas de « facteurs externes pouvant être pertinents pour l’établissement d’un prix », mais bien d’une estimation d’un concurrent quant à un niveau auquel il serait prêt à conclure une transaction et, donc, quant au comportement qu’il adopterait sur le marché au sens de la jurisprudence sur laquelle s’appuient les requérantes (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 120 et 134; voir également considérant 403 de la décision attaquée). Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 250 ci-dessus, les traders tiennent nécessairement compte du niveau des tarifs des services des courtiers, tels qu’ils sont visés dans l’échange du 14 mars 2007, dans le cadre des négociations des contrats EIRD, en prévision des profits au titre de ces contrats. Les requérantes se bornent à mettre en avant les caractéristiques du marché OTC des EIRD, sans toutefois avancer des arguments concrets permettant de remettre en cause la conclusion de la Commission dans la décision attaquée selon laquelle les échanges portant sur de tels éléments pertinents pour la fixation des prix, lorsqu’ils sont communiqués de manière sélective entre les concurrents, sont aptes à fausser la concurrence sur le marché des EIRD.

415    Troisièmement, les requérantes soutiennent que, en tant que teneurs de marché, les banques diffusent sur le marché des listes indicatives des prix acheteur et vendeur, les fourchettes (« spreads »), les « mids » et les « runs », pour susciter l’intérêt des autres acteurs à conclure des transactions. Celles-ci ne seraient toutefois pas tenues d’acheter ou de vendre les EIRD aux prix diffusés, mais négocieraient les prix des transactions individuellement de façon bilatérale avec les autres parties. Par ailleurs, alors que les traders peuvent utiliser des courbes de rendement à titre de guide pour fixer les prix des EIRD, contrairement à ce qu’a retenu la Commission, ces courbes de rendement ne seraient pas confidentielles, mais seraient générées à partir d’informations publiquement disponibles. En conséquence, la communication de ces éléments ne permettrait pas à une banque d’anticiper les prix réels d’une autre banque ayant révelé ces informations pour une transaction.

416    En premier lieu, pour autant que, par un tel argument, les requérantes contestent le caractère confidentiel des informations, telles qu’échangées entre les traders les 13 et 24 novembre 2006, il convient de relever que les informations sur les prix médians ne revêtent pas pour les produits dérivés OTC, c’est-à-dire négociés de gré à gré, le caractère public dont elles disposent à l’égard des produits dérivés négociés sur un marché réglementé (arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, EU:T:2019:675, point 142, confirmé, sur ce point, par l’arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 195). S’il est constant entre les parties que, notamment, des « mids » relatifs à de tels produits EIRD peuvent faire l’objet d’une publicité, directement de la part de certains traders ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés de courtage, il n’en demeure pas moins que de telles informations ne sont généralement pas disponibles.

417    En tout état de cause, à supposer même que les « mids » et les « spreads » soient diffusés par les traders afin d’attirer les opportunités de conclure une transaction, une distinction doit être effectuée entre, d’une part, les concurrents qui glanent des informations de façon indépendante ou discutent des prix futurs avec des clients et des tiers et, d’autre part, les concurrents qui discutent des facteurs de tarification et de l’évolution des prix avec d’autres concurrents. En effet, si le premier comportement ne soulève aucune difficulté au regard de l’exercice d’une concurrence libre et non faussée, il n’en va pas de même du second (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Dole Food et Dole Germany/Commission, T‑588/08, EU:T:2013:130, points 291 et 292 et jurisprudence citée).

418    Ainsi, quand bien même, en l’espèce, les traders auraient échangé des informations qui, par ailleurs, auraient été diffusées ou auraient pu être obtenues par le biais d’autres sources, les contacts entre les traders qui sont des concurrents ne deviendraient pas de ce fait légitimes, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 330 et 331 ci-dessus, tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur. Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s’oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet, notamment, de dévoiler à un concurrent le comportement qu’ils ont décidé ou qu’ils envisagent de tenir eux-mêmes sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 202 et jurisprudence citée).

419    En outre, la communication directe lors de l’échange du 24 novembre 2006 par le trader de JP Morgan de son estimation du « mid » et du « spread » d’un produit particulier pour un volume défini permettait au trader de Deutsche Bank d’avoir connaissance de ces informations de façon plus simple, rapide et directe que par le biais du marché. Il en est de même s’agissant du niveau des tarifs des services des courtiers appliqués par JP Morgan ainsi que de l’intention de cette banque de les renégocier, qui ressortent de l’échange du 14 mars 2007 entre les traders. Ces échanges ont également permis de créer entre les traders un climat de certitude mutuelle quant à leurs futures politiques de prix au sens de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 323 et jurisprudence citée).

420    En conséquence, pour les motifs visés aux points 353 à 357 ci-dessus, il y a également lieu de rejeter comme non fondé l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas démontré, conformément à l’arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado (C‑238/05, EU:C:2006:734), que la réduction de l’incertitude du marché en cause résultant des échanges des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007 avait pour conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises. En effet, ainsi  que la Commission l’a relevé, en substance, au considérant 403 de la décision attaquée, l’échange de ces informations est allé au-delà de ce qui était nécessaire pour la diffusion non discriminatoire et légitime d’informations en vue d’accroître la liquidité sur le marché des EIRD.

421    En deuxième lieu, pour autant que les requérantes font valoir que les courbes de rendement ne sont pas confidentielles, il convient de relever, tout d’abord, qu’elles ne contestent pas que ces courbes de rendement sont pertinentes pour la détermination des prix des EIRD par une banque. Certes, dans la détermination de ces courbes de rendement les banques tiennent compte des informations publiquement disponibles. Toutefois, celles-ci sont modélisées grâce aux propres estimations de la banque quant à l’évolution des conditions du marché, y compris des taux d’intérêt et de sa propre évaluation des risques. Ces courbes de rendement, lesquelles constituent un paramètre important dont un trader tiendra compte aux fins de la détermination du taux fixe d’un contrat EIRD, et ce afin d’escompter le flux de trésorerie futur résultant de la différence entre le taux variable et le taux fixe à la date du fixing, constituent donc, par leur nature, des informations confidentielles et sensibles du point de vue de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 117 et 122).

422    En troisième lieu, il est, certes, vrai que les teneurs de marché, tels JP Morgan et Deutsche Bank, agissent à la fois en tant que contreparties en concluant des transactions entre eux et en tant que concurrents à l’égard des clients potentiels. Toutefois, ce contexte du fonctionnement du marché des EIRD, mis en exergue par les requérantes, a été pris en compte par la Commission dans la décision attaquée, lorsqu’elle a indiqué que les échanges en cause avaient eu lieu en dehors du cadre de négociations contractuelles [voir, notamment, considérant 390, considérant 392, sous g), et considérant 403 de la décision attaquée]. Les requérantes affirment uniquement, en substance, qu’une telle circonstance ne suffit pas pour conclure au caractère restrictif de concurrence par objet d’un tel échange, dans la mesure où, bien que n’ayant pas eu lieu dans la perspective d’une transaction potentielle, les échanges en cause poursuivaient des objectifs légitimes. De tels arguments relèvent d’un grief visant à démontrer de prétendus effets proconcurrentiels des échanges en cause, ce qu’il convient d’examiner ci-après.

423    En quatrième lieu, les requérantes font valoir que les informations échangées ne concernaient que des « évolutions du marché qui [pouvaient] être pertinentes en matière de tarification » et non les « intentions futures en matière de prix ». Or, il suffit de constater que cette allégation ne peut pas prospérer s’agissant des échanges des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007, compte tenu de l’examen opéré dans le cadre du premier moyen.

424    Il s’ensuit que, sous réserve de l’examen ci-après des arguments tirés des effets proconcurrentiels des échanges en cause et en appliquant par analogie les considérations énoncées au point 363 ci-dessus, selon lesquelles il n’est pas nécessaire d’examiner si les comportements en cause disposent d’un objet restrictif de concurrence également en ce qu’ils portaient sur d’autres conditions de transaction, il convient de rejeter les griefs des requérantes selon lesquels la Commission aurait, à tort, retenu que les échanges des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007 constituaient des comportements restrictifs de concurrence par objet.

3)      Sur les effets proconcurrentiels des comportements en cause

425    Les requérantes soutiennent, en substance, que les discussions entre les traders en cause en l’espèce étaient légitimes et proconcurrentielles dans le contexte d’activités de tenue de marché, dans la mesure où elles ont contribué à accroître la transparence et la liquidité sur le marché des EIRD. En outre, la compensation des risques résultant des transactions conclues avec des tiers grâce aux possibilités de conclure des transactions entre les teneurs du marché ainsi que les échanges d’avis sur la situation économique du marché permettant d’accroître le niveau global de compréhension de la situation auraient pour conséquence que les traders proposaient des conditions plus favorables aux clients « purs », notamment de meilleurs prix, et non des prix plus élevés.

426    La Commission réfute les arguments des requérantes et conteste le caractère légitime et proconcurrentiel des échanges retenus à l’encontre de JP Morgan.

427    À titre liminaire, il convient de constater que les arguments avancés par les requérantes s’agissant des prétendus effets proconcurrentiels en cause portent tout particulièrement sur les échanges sur les positions de trading et sur les stratégies en matière de fixation des prix, et non sur les échanges relatifs aux manipulations du taux Euribor. En effet, les requérantes admettent explicitement que, dans la mesure où les banques ont eu des échanges en vue de manipuler l’Euribor, cet objectif ne peut pas être légitime.

428    À cet égard, il importe de relever que, lorsque les parties à un accord ou à une pratique concertée se prévalent d’effets proconcurrentiels attachés à ceux-ci, ces effets doivent, en tant qu’éléments du contexte de cet accord ou de cette pratique concertée, au sens de la jurisprudence citée au point 328 ci-dessus, être dûment pris en compte aux fins de la qualification de « restriction par objet », dans la mesure où ils sont susceptibles de remettre en cause l’appréciation globale du degré suffisamment nocif de la pratique collusoire concernée à l’égard de la concurrence et, en conséquence, sa qualification de « restriction par objet » [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 103].

429    La prise en compte de ces effets proconcurrentiels ayant pour objet non d’écarter la qualification de « restriction de concurrence », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, mais simplement d’appréhender la gravité objective de la pratique concernée et, en conséquence, d’en définir les modalités de preuve, elle ne se heurte pas à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle le droit de la concurrence de l’Union européenne ne connaît pas de « règle de raison », en vertu de laquelle il devrait être procédé à une mise en balance des effets pro et anticoncurrentiels d’un accord à l’occasion de sa qualification de « restriction de concurrence », au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 104 et jurisprudence citée].

430    Toutefois, la seule présence d’effets proconcurrentiels, à supposer qu’ils soient avérés, pertinents et propres à l’accord concerné, ne saurait, en tant que telle, conduire à écarter la qualification de « restriction par objet », dans la mesure où ces effets proconcurrentiels doivent être également suffisamment importants pour permettre de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence des pratiques en cause et, partant, de leur objet anticoncurrentiel. À l’inverse, des effets dont le caractère proconcurrentiel est minime, voire incertain, ne sauraient être suffisants pour permettre de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif d’une pratique à l’égard de la concurrence [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 105 à 107 et 110].

431    En l’espèce, à titre liminaire, il importe de rappeler qu’il ressort de l’examen du premier moyen que les échanges pour lesquels la matérialité des faits retenus par la Commission a été confirmée ne s’inscrivent pas dans le cadre des négociations visant la conclusion d’une transaction et ne constituent pas un simple échange d’avis sur la situation économique du marché. Les arguments des requérantes visant à démontrer le caractère légitime et proconcurrentiel des échanges en cause pour ces motifs doivent donc être rejetés comme non fondés.

432    Dans le cadre de leur argumentation visant à démontrer que les échanges en cause auraient des effets proconcurrentiels, les requérantes font valoir, en substance, que les discussions sur les positions de trading ou sur les stratégies en matière de fixation des prix étaient légitimes et proconcurrentielles, car elles permettaient aux traders de proposer des meilleures conditions de transaction aux clients « purs », en ce que ceux-ci savaient qu’ils avaient une possibilité de « couvrir » leurs risques en concluant des transactions mutuellement avantageuses avec un autre teneur de marché.

433    Toutefois, les requérantes ne démontrent pas que de tels effets, à les supposer avérés, sont propres aux pratiques en cause et suffisamment importants au sens de la jurisprudence citée au point 430 ci-dessus. Les requérantes restent en défaut d’établir que seul l’échange d’informations confidentielles sur les stratégies de trading d’un concurrent ou sur les éléments pertinents pour la détermination des prix des EIRD, tels que les « mids », les « spreads » ou les intentions concernant la stratégie de prix à l’égard des courtiers, permet au trader d’offrir aux clients « purs » les conditions avantageuses dont elles se prévalent, alors que la capacité des banques à évaluer leurs risques liés à l’estimation individuelle de la valeur des EIRD constitue un élément clé de la concurrence.

434    Par ailleurs, à aucun moment les requérantes ne démontrent l’importance des prétendus effets proconcurrentiels notamment en ce qui concerne des conditions de transaction telles que le prix que le trader aurait été en mesure d’offrir à un client grâce aux échanges en cause par rapport aux conditions de transaction qu’il était susceptible de proposer sans de tels comportements restrictifs de concurrence.

435    En tout état de cause, selon une jurisprudence constante, l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 38 et 39, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 125). En conséquence, un prétendu avantage, qui résulterait pour les clients des traders des échanges sur les positions de trading ou sur les « mids », « spreads » ou sur une stratégie de prix à l’égard des courtiers, ne saurait en tout état de cause suffire pour permettre de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence des échanges en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 198 et 199).

436    À cet égard, ainsi qu’il ressort de l’examen du troisième moyen, les échanges entre le trader de Deutsche Bank et le trader de JP Morgan du 6 octobre 2006, des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007 ont réduit l’incertitude quant à leur comportement futur en matière de fixation des prix au bénéfice du seul trader participant à ces échanges, et au détriment des autres concurrents qui n’y participaient pas.

437    Ainsi, contrairement à ce que soutiennent, en substance, les requérantes, de tels échanges d’informations n’ont permis d’accroître la transparence qu’entre les parties à l’entente en fournissant au concurrent participant à ceux-ci des informations importantes quant au comportement que les traders avaient adopté ou étaient susceptibles d’adopter sur le marché, permettant à ce concurrent d’ajuster son comportement sur le marché, à savoir sa stratégie de trading ou le niveau du prix qu’il allait proposer aux clients, au détriment des autres acteurs du marché (voir, à cet égard, considérants 403, 417 et 419 de la décision attaquée).

438    De même, ne saurait prospérer l’argument des requérantes selon lequel les échanges en cause poursuivaient un intérêt légitime ou avaient un effet proconcurrentiel, dans la mesure où ils permettraient d’accroître la liquidité sur le marché. En effet, ainsi que la Commission l’a relevé en substance, au considérant 403 de la décision attaquée, tandis que les destinataires de la décision attaquée, y compris JP Morgan, agissaient tous en qualité de teneurs de marché, en se déclarant ainsi capables d’acheter ou de vendre les produits financiers de manière générale et continue en assurant de la sorte la liquidité du marché, des échanges sur les positions de trading ou sur les stratégies de fixation des prix n’étaient pas nécessaires pour arriver à cette fin.

439    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit également être rejeté.

2.      Sur la qualification d’infraction unique retenue par la Commission (quatrième moyen de la requête)

440    Le quatrième moyen, divisé en trois branches, vise, en substance, à contester la conclusion de la Commission portant sur la participation de JP Morgan à une infraction unique.

441    Selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 156 et jurisprudence citée).

442    Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 157 et jurisprudence citée).

443    Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de cette infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle‑ci dans son ensemble (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 158 et jurisprudence citée).

444    En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou à plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente, ni qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par ces participants dans la poursuite des mêmes objectifs, ni qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 159 et jurisprudence citée).

445    L’entreprise concernée doit ainsi connaître la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale (voir arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission, T‑68/09, EU:T:2014:867, point 64 et jurisprudence citée).

446    Par ailleurs, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il n’y a pas lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. En effet, le Tribunal n’est pas tenu d’examiner une telle condition supplémentaire de complémentarité. En revanche, la condition tenant à la notion d’« objectif unique » implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, points 247 et 248, et du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Belgium/Commission, C‑642/13 P, EU:C:2017:58, point 57).

447    En outre, dans la mesure où la qualification d’infraction unique et continue aboutit à imputer à une entreprise la participation à une infraction au droit de la concurrence, lors de l’examen des arguments avancés par les requérantes pour contester la participation de JP Morgan à l’infraction unique, il convient de tenir compte des considérations rappelées aux points 65, 66 et 87 ci-dessus concernant la charge de la preuve.

448    En l’espèce, pour justifier la qualification d’infraction unique et continue appliquée aux comportements auxquels ont participé les banques, dont JP Morgan, la Commission a retenu, en premier lieu, que lesdits comportements poursuivaient un objectif économique unique (considérants 444 à 450 de la décision attaquée), consistant en la réduction des flux de trésorerie que les participants auraient à payer au titre des EIRD ou à l’augmentation de ceux qu’ils devaient recevoir. En deuxième lieu, elle a estimé que les différents comportements relevaient d’un schéma de comportement commun, dès lors qu’un groupe stable de personnes était impliqué dans l’entente, que les parties avaient suivi un schéma très similaire dans leurs activités anticoncurrentielles et que les diverses discussions entre les parties couvraient des sujets identiques ou qui se recoupaient et avaient donc un contenu identique ou partiellement identique (considérants 451 à 456 de la décision attaquée). En troisième lieu, elle a estimé que les traders participant aux échanges anticoncurrentiels étaient des professionnels qualifiés et avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente dans son ensemble (considérants 457 à 483 de la décision attaquée).

449    La Commission a estimé que JP Morgan avait participé à cette infraction unique et continue, tout en soulignant que les échanges bilatéraux avec Deutsche Bank et Barclays étaient en eux-mêmes constitutifs d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (considérant 487 de la décision attaquée).

450    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 441 à 444 ci-dessus, trois éléments sont déterminants aux fins de conclure à la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue. Le premier concerne l’existence même de l’infraction unique et continue. Les différents comportements en cause doivent relever d’un « plan d’ensemble » disposant d’un objectif unique. Les deuxième et troisième éléments concernent l’imputabilité de l’infraction unique et continue à une entreprise. D’une part, cette entreprise doit avoir eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. D’autre part, elle doit avoir eu l’intention de contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants. L’existence de ces trois éléments est, en substance, contestée, respectivement, dans le cadre des trois branches du quatrième moyen.

a)      Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas correctement identifié l’objectif identique unique 

451    Dans le cadre de la première branche du quatrième moyen, les requérantes soutiennent en substance, premièrement, que l’objectif de « gagner plus d’argent sur les EIRD » par le biais des manipulations des taux de référence est trop vague pour servir de base au constat de l’existence d’une infraction unique et continue.  Deuxièmement, les comportements retenus par la Commission ne contribueraient pas à la réalisation d’un objectif économique unique en raison du fait, d’une part, que les contacts collusoires visaient à manipuler des maturités Euribor différentes dans des directions différentes sur des périodes différentes. Les objectifs de ces comportements ne seraient ni interdépendants ni complémentaires. D’autre part, la manipulation de l’Euribor ou de l’EONIA ne partagerait pas le même objectif économique unique que la coordination des positions de trading. Selon les requérantes, il existe une contradiction entre l’objet de fausser l’évolution normale des composantes des prix dans le secteur des EIRD annoncé à l’article 1er de la décision attaquée et les motifs fondant cette dernière, qui suggèrent deux infractions : une coordination des activités de trading et une manipulation des indices de référence. Une telle contradiction violerait en conséquence les droits de la défense des requérantes.

452    La Commission conteste les arguments des requérantes et estime avoir correctement identifié l’objectif unique de l’infraction et, à juste titre, retenu que l’ensemble des comportements en cause pouvaient être rattachés à cet objectif unique.

453    Les motifs pertinents figurent aux considérants 444 à 456 de la décision attaquée, sous les titres « Objectif économique unique » et « Schéma de comportement commun », et ont été résumés au point 448 ci-dessus.

454    Plus particulièrement, au considérant 445 de la décision attaquée, l’objectif unique retenu par la Commission a été présenté comme étant la « [réduction des] flux de trésorerie [que les parties à l’entente] auraient à payer (ou [l’augmentation de] ceux qu’elles recevraient) et par conséquent [l’augmentation de] la valeur des EIRD qu’elles détenaient dans leur portefeuille, au détriment des contreparties à ces EIRD ».

455    Ainsi que cela a été relevé aux points 39 et 345 ci-dessus, les flux de trésorerie liés à un EIRD découlent de la différence entre le taux fixe du contrat, c’est-à-dire celui qui est négocié entre les parties, et le taux variable, lequel est fonction du taux de référence.

456    À titre liminaire, il convient de rappeler que la notion d’« objectif unique » ne saurait être déterminée par référence générale à la distorsion de la concurrence dans un secteur donné, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’« objectif unique » risquerait de priver la notion d’« infraction unique et continue » d’une partie de son sens dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique (arrêts du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, EU:T:2007:380, point 180, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 92).

457    Il en ressort que, certes, l’objectif unique ne saurait être défini de manière « vague ». Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérantes par une première série d’arguments, la Commission n’a pas défini, en l’espèce, l’objectif unique comme étant celui de « gagner plus d’argent », mais comme visant à influencer le flux de trésorerie dû au titre des contrats EIRD au détriment des contreparties à ces contrats. Cet objectif est suffisamment précis et spécifique pour soutenir l’existence, en l’espèce, d’une infraction unique et contraste avec la définition de l’objectif unique dans les affaires ayant donné lieu à la jurisprudence invoquée par les requérantes à l’appui de leur argument, comme étant la distorsion de concurrence sur le marché concerné par l’infraction ou la falsification des prix.

458    Par conséquent, en application de la jurisprudence citée au point 456 ci-dessus, en l’espèce, seules des restrictions de concurrence à l’égard desquelles il a été démontré qu’elles avaient pour objet de fausser le cours normal soit du taux fixe, soit du taux variable des EIRD peuvent relever de l’objectif unique retenu par la Commission. En effet, il serait contraire à cette jurisprudence d’inclure dans ledit objectif des comportements restrictifs de concurrence ne disposant pas d’un lien suffisamment étroit avec la fixation de ces taux.

459    Il convient, partant, de vérifier si l’ensemble des comportements retenus par la Commission à l’encontre des requérantes et rappelés au point 273 ci-dessus peuvent être rattachés à cet objectif unique. À cet égard, il y a lieu d’établir une distinction entre, d’une part, les comportements portant sur la manipulation des soumissions à l’Euribor et, d’autre part, les échanges portant sur les positions de trading relatifs aux EIRD ainsi que ceux portant sur des informations détaillées non accessibles au public concernant les intentions et les stratégies en matière de fixation des prix des EIRD.

460    En ce qui concerne, en premier lieu, les échanges relatifs aux manipulations des soumissions à l’Euribor, dès lors que le taux variable d’un EIRD est directement fondé sur le taux de référence, ceux-ci relèvent nécessairement de l’objectif unique identifié par la Commission.

461    S’agissant de JP Morgan, relèvent de cet objectif les discussions des 27, 28 et 29 septembre 2006, des 2, 25 et 26 octobre 2006, du 8 novembre 2006, du 18 décembre 2006, des 4 et 8 janvier 2007, du 6 février 2007 et des 16 et 19 mars 2007, visées aux points 296 ci-dessus, qui s’inscrivent dans une perspective des manipulations du taux Euribor aux différentes échéances.

462    Les requérantes font valoir à cet égard, en substance, que les contacts collusoires visant à manipuler des maturités Euribor différentes dans des directions différentes sur des périodes différentes ne partagent pas le même objectif et ne relèvent donc pas de l’objectif économique unique. Cet argument n’est pas fondé. En effet, si la jurisprudence mentionnée au point 456 ci-dessus empêche la Commission de retenir une définition de l’objectif unique si large qu’elle s’apparenterait à une référence générale à une distorsion de la concurrence dans un secteur donné, il serait contraire à la logique de la notion d’« infraction unique » d’imposer à la Commission, dans la définition de cet objectif unique, une obligation de précision telle qu’elle empêcherait, de fait, d’inclure dans la même infraction des comportements s’étant déroulés sur les différentes périodes ou n’ayant pas exactement le même résultat concret.

463    S’agissant de l’argument par lequel les requérantes font valoir que les objectifs de ces comportements s’inscrivant dans la perspective des manipulations de l’Euribor ne seraient ni interdépendants ni complémentaires, il convient de rappeler que, certes, des liens de complémentarité entre des accords ou des pratiques concertées constituent des indices objectifs de l’existence d’un plan d’ensemble (voir arrêt du 15 décembre 2016, Philips et Philips France/Commission, T‑762/14, non publié, EU:T:2016:738, point 169 et jurisprudence citée).

464    Toutefois, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 446 ci-dessus, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il n’est pas nécessaire d’établir, dans toutes les circonstances, qu’ils présentent un lien de complémentarité.

465    En l’espèce, il suffit de relever que, au regard de l’objet même des comportements en cause, qui visent à influencer le flux de trésorerie dû au titre des EIRD au détriment des acteurs du marché ne participant pas à ces échanges, ainsi que compte tenu des circonstances rappelées au point 462 ci-dessus, l’absence d’un lien d’« interdépendance » ou de complémentarité entre les différents échanges relatifs aux manipulations de taux, à la supposer établie, n’est, en tout état de cause, pas de nature à remettre en cause la conclusion énoncée au point 460 ci-dessus.

466    Partant, il convient de conclure que tous les échanges relatifs aux manipulations de l’Euribor relèvent du même objectif unique, tel que retenu par la Commission.

467    En ce qui concerne, en second lieu, des échanges sur les positions de trading et sur les stratégies en matière de fixation des prix, il convient de relever, de manière liminaire, que sont seuls concernés les échanges du 6 octobre 2006, des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007 n’ayant pas eu lieu dans la perspective d’une manipulation des taux de référence ou conjointement à celle-ci.

468    En effet, les discussions entre les traders portant sur les positions de trading, qui se sont tenues dans la perspective d’une manipulation des taux de référence ou conjointement à une telle manipulation, relèvent de l’objectif unique de l’infraction pour les motifs exposés aux points 460 à 465 ci-dessus.

469    Les requérantes soutiennent que l’objectif de coordonner les positions de trading serait de nature à compromettre l’objectif d’augmenter la valeur des EIRD par la manipulation de l’Euribor et serait donc incohérent avec celui-ci.

470    À cet égard, il convient de relever, ainsi qu’il ressort en substance du considérant 417 de la décision attaquée, que, contrairement à ce qui ressort, en substance, de l’argumentation des requérantes, ces échanges ont eu un caractère complémentaire aux pratiques relatives aux manipulations des taux en ce qu’elles servaient à vérifier si les intérêts commerciaux des parties étaient convergents avant qu’elles n’entament d’autres mesures concertées visant à influencer les soumissions des banques au panel Euribor. Il s’ensuit que ces échanges sur les positions de trading relèvent de l’objectif unique.

471    S’agissant de l’échange du 6 octobre 2006 sur des positions de trading et ceux des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007 sur les informations détaillées non accessibles au public sur les intentions et les stratégies en matière de fixation des prix des EIRD, les requérantes soutiennent, en substance, que les motifs fondant le dispositif de la décision attaquée suggèrent deux infractions, à savoir, d’une part, une coordination des activités de trading et, d’autre part, une manipulation des indices de référence. Or, selon les requérantes, ces deux objets ne peuvent pas servir de fondement à la constatation d’une infraction unique et continue.

472    Contrairement à ce que semblent soutenir les requérantes, il ne saurait d’emblée être exclu que les échanges sur les positions de trading ou sur les stratégies en matière de fixation des prix des EIRD, alors même qu’ils n’ont pas eu lieu dans la perspective d’une manipulation des taux de référence ou conjointement à celle-ci, puissent relever de l’objectif unique retenu par la Commission. Cependant, pour les motifs explicités aux points 456 et 457 ci-dessus, une telle inclusion n’est possible qu’à la condition que la Commission ait démontré que lesdits échanges avaient pour objet de fausser le cours normal soit du taux fixe, soit du taux variable des EIRD. S’agissant de JP Morgan, il ressort des points 386 à 391 et 403 à 410 et 414 ci-dessus que tel a été le cas des discussions en date du 6 octobre 2006, des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007 auxquelles son trader a participé.

473    La conclusion selon laquelle l’ensemble des échanges reprochés, en l’espèce, à JP Morgan forment une infraction unique est confortée par d’autres éléments mis en avant par la Commission dans la décision attaquée visant à démontrer que ces échanges relevaient d’un « plan d’ensemble » poursuivant l’objectif unique. En effet, les pratiques en cause concernent les mêmes produits, à savoir les EIRD et prennent la forme d’échanges bilatéraux relativement réguliers, se chevauchant dans le temps et intervenant au sein d’un groupe stable de personnes employées par les parties, à savoir, s’agissant des échanges impliquant JP Morgan, d’une part, l’un de ses traders et, d’autre part, un trader de Deutsche Bank ou un trader de Barclays (considérant 447 de la décision attaquée). Ces éléments ont été identifiés par la jurisprudence comme étant pertinents pour apprécier le caractère unique d’une infraction (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 243, et du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 60 et jurisprudence citée).

474    La première branche du quatrième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

b)      Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas démontré que les requérantes avaient connaissance ou pouvaient raisonnablement prévoir le comportement infractionnel envisagé ou mis en œuvre par les autres parties

475    Dans le cadre de la deuxième branche du quatrième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que c’est à tort que la Commission a considéré que le trader de JP Morgan avait connaissance ou pouvait raisonnablement prévoir le comportement infractionnel envisagé ou mis en œuvre par d’autres entreprises visant la manipulation des fixings de l’Euribor. En particulier, elles font valoir que ni les motifs de la décision attaquée propres à JP Morgan, figurant aux considérants 478 à 482 de la décision attaquée, ni  ceux concernant l’ensemble des banques, figurant aux considérants 458 à 465 de celle-ci, ne permettent de démontrer que JP Morgan avait ou aurait dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente dans son ensemble. Enfin, en s’appuyant sur la jurisprudence, les requérantes font valoir que, dans un cas comme celui en l’espèce, la connaissance doit concerner les maturités et les directions spécifiques que les parties concernées envisageaient de manipuler. Or, la décision attaquée ne satisferait pas à ce critère.

476    La Commission conteste ces arguments.

477    Il convient de relever, en ce qui concerne les motifs communs à l’ensemble des banques, que ceux-ci reposent sur le constat, énoncé au considérant 457 de la décision attaquée, selon lequel les traders participant aux échanges anticoncurrentiels étaient des professionnels qualifiés et avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente.

478    À cet égard, la Commission s’est référée, premièrement, au considérant 458 de la décision attaquée, au contexte très spécifique dans lequel les traders opéraient, marqué par des échanges bilatéraux, enregistrés et contrôlés, lors desquels les traders, qui se contactaient mutuellement et de façon régulière, toujours pour le même type d’opération, utilisaient un langage codé. Elle a souligné, deuxièmement, au considérant 459 de la décision attaquée, que les traders impliqués dans les échanges savaient que les traders d’autres banques étaient disposés à participer au même type de comportement collusoire concernant les composantes de fixation des prix et d’autres conditions de négociation des EIRD. Elle a, troisièmement, aux considérants 460 et 461 de la décision attaquée, fait valoir que les éléments de preuve montraient qu’il existait une connaissance générale répandue du caractère déclaratoire du processus de détermination des taux de l’Euribor et, partant, de la possibilité de l’altérer par le biais des soumissions des banques du panel. Selon la Commission, les traders ayant pris part aux comportements collusoires en cause ne pouvaient pas ignorer que si davantage de banques modifiaient leurs soumissions le même jour et pour la même maturité d’Euribor, l’impact potentiel sur le taux d’intérêt de référence augmenterait en proportion du nombre de banques impliquées. Elle a, quatrièmement, au considérant 463 de ladite décision, mis en exergue le fait que chacune des banques en cause était active sur le marché en cause depuis plusieurs années et que les traders n’avaient pas manifesté de surprise lorsqu’une demande de concertation leur avait été présentée. Elle a déduit de la conjonction de ces éléments, aux considérants 462 et 464 de la décision attaquée, en substance, que les traders participant à des échanges bilatéraux avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance du fait qu’il était vraisemblable que plusieurs banques soient impliquées dans les arrangements collusoires, même si cette information ne leur avait pas été explicitement dévoilée. La Commission a également souligné, au considérant 465 de ladite décision, que les traders faisaient l’objet d’un niveau élevé d’enregistrement et de surveillance, de sorte qu’il devait être considéré que leur direction avait eu connaissance, ou avait pu avoir connaissance, des caractéristiques essentielles du plan collusoire et de l’implication de leurs employés dans ledit plan. Elle a ajouté qu’elle devait prendre en compte les précautions prises par les traders pour dissimuler leurs arrangements.

479    En ce qui concerne les motifs propres à JP Morgan, premièrement, la Commission a, au considérant 478 de la décision attaquée, retenu que certaines références dans les échanges impliquant le trader de JP Morgan indiquaient qu’il savait que les informations sur des préférences de taux d’intérêts futurs pour certaines maturités de l’Euribor qu’il partageait avec le trader de Deutsche Bank étaient susceptibles d’être communiquées par ce dernier à ses contacts dans d’autres banques. Deuxièmement, aux considérants 479 et 480 de la décision attaquée, elle a relevé que le trader de JP Morgan avait connaissance du rapport étroit qu’entretenait le trader de Deutsche Bank avec le trader de Barclays. Troisièmement, au considérant 481 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, d’une part, que le trader de Barclays avait déjà proposé au trader de JP Morgan de faire des soumissions à tout niveau qu’il pourrait souhaiter pour les fixings Euribor (échange du 25 octobre 2006) et, d’autre part, que, compte tenu du fait que le trader de JP Morgan avait connaissance de la relation de trading très proche entre les traders de Barclays et de Deutsche Bank, il était en mesure de prévoir que, dès lors qu’il échangeait avec le trader de Deutsche Bank sur des préférences pour la fixation future du taux Euribor, des personnes dans d’autres banques seraient impliquées dans ces arrangements, y compris le trader de Barclays. Quatrièmement, au considérant 482 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue deux références indirectes (échanges du 10 octobre 2006 entre le trader de Barclays et le trader de Deutsche Bank et du 8 novembre 2006 entre ce dernier trader et le trader de JP Morgan) qui attesteraient de l’implication du trader de JP Morgan dans les échanges collusoires et qui rendraient « encore moins vraisemblable » que JP Morgan n’ait pas eu connaissance ou n’ait pas été en mesure de prévoir que la collusion concernant les soumissions Euribor impliquait d’autres banques en plus de Deutsche Bank.

480    À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel il conviendrait de retenir que, par le biais de ses contacts avec Deutsche Bank, JP Morgan a participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue et que cette circonstance suffirait pour qu’elle lui impute la responsabilité de l’ensemble desdits comportements.

481    En effet, les comportements anticoncurrentiels reprochés à JP Morgan ont eu lieu dans le cadre de discussions bilatérales. Ainsi, la circonstance selon laquelle les discussions auxquelles JP Morgan a participé avec Deutsche Bank relèvent de certaines des catégories générales envisagées aux considérants 113, 358 et 392 de la décision attaquée ne saurait, en elle-même, être suffisante pour lui imputer la responsabilité du comportement infractionnel, relevant des mêmes catégories, des banques avec lesquelles elle n’a pas entretenu de contacts directs. En application de la jurisprudence citée au point 442 ci-dessus, il appartenait à la Commission de démontrer que JP Morgan avait connaissance de ces comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres banques, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir.

482    À cet égard, il importe de relever que les requérantes ne contestent concrètement la conclusion de la Commission dans la décision attaquée portant sur la connaissance par JP Morgan des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite du même objectif que pour autant que sont concernés les comportements visant la manipulation des fixings de l’Euribor.

483    Elles font uniquement valoir que « les éléments sont encore moins nombreux pour constater avec suffisamment de précision que [le trader de JP Morgan] avait connaissance du comportement des autres entreprises impliquées dans l’entente, de leur plan commun ou des caractéristiques essentielles de l’entente ». Même à supposer que, par un tel argument, les requérantes entendraient contester que le trader de JP Morgan avait connaissance du fait que les comportements n’étant pas relatifs aux manipulations de l’Euribor faisaient partie d’un plan d’ensemble, elles n’ont avancé aucun argument concret en ce sens, en particulier s’agissant du fait que le trader de JP Morgan n’aurait pas eu connaissance de l’implication des autres banques dans les pratiques autres que les manipulations de l’Euribor.

484    S’agissant des arguments des requérantes visant à contester la connaissance par JP Morgan des comportements visant la manipulation des fixings de l’Euribor, envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite du même objectif, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 277 à 312 ci-dessus, que la participation directe de JP Morgan aux pratiques visant à influencer les soumissions au panel Euribor en vue de manipuler ce taux a été établie par la Commission s’agissant des échanges entre son trader et les traders de Deutsche Bank et de Barclays en dates des 27, 28 et 29 septembre 2006, des 2, 25 et 26 octobre 2006, du 8 novembre 2006, du 18 décembre 2006, des 4 et 8 janvier 2007, du 6 février 2007 et des 16 et 19 mars 2007. Ces échanges concernaient les différentes occurrences de la fixation de l’Euribor.

485    Les requérantes contestent, en substance, que le trader de JP Morgan savait ou pouvait raisonnablement prévoir que ces échanges s’inscrivaient dans un « plan d’ensemble » dépassant le cadre des échanges bilatéraux et impliquant d’autres banques.

486    À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qui ressort notamment du considérant 459 de la décision attaquée, s’agissant de JP Morgan, la Commission ne dispose pas de preuves directes démontrant que, à travers ses contacts bilatéraux avec les traders de Deutsche Bank et de Barclays, le trader de JP Morgan a pris connaissance du fait que les comportements auxquels il participait avec ces traders s’inscrivaient dans une infraction unique impliquant d’autres banques. En effet, à aucun moment, le trader de Deutsche Bank ou le trader de Barclays n’a fait part au trader de JP Morgan de l’implication d’autres banques dans les pratiques collusoires.

487    Toutefois, il importe de relever, premièrement, que, eu égard au fait que le trader de JP Morgan a échangé tant avec le trader de Deutsche Bank qu’avec le trader de Barclays sur les possibilités d’influencer les soumissions de leurs banques respectives, il savait qu’à tout le moins deux banques participaient aux pratiques de manipulation des taux. Certes, cette seule circonstance ne suffit pas pour démontrer que le trader de JP Morgan avait connaissance du fait que ses échanges avec ces traders dépassaient le cadre bilatéral et que, à travers de ceux-ci, il participait à une infraction unique et continue avec d’autres banques. En effet, c’est à juste titre que les requérantes font valoir, en s’appuyant à cet égard sur la jurisprudence, que le fait que le trader de JP Morgan entretenait des contacts bilatéraux, même de manière parallèle avec les deux traders, ne suffit pas pour démontrer qu’il avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 86).

488    Cependant, ce fait et les éléments de preuve invoqués aux considérants 478 à 482 et 457 à 464 de la décision attaquée, appréciés globalement en tant que faisceau d’indices, constituent des preuves sérieuses, précises et concordantes permettant de démontrer que le trader de JP Morgan pouvait raisonnablement prévoir que les échanges visés au point 484 ci-dessus s’inscrivaient dans un « plan d’ensemble » impliquant d’autres banques.

489    En effet, il ressort sans équivoque des éléments de preuve avancés à cet égard par la Commission aux considérants 479 et 481 de la décision attaquée que le trader de JP Morgan était au courant des relations professionnelles étroites et d’amitié entre les traders de Deutsche Bank et de Barclays, ce qui est admis, en substance, par les requérantes. Ce constat n’est pas remis en cause par l’échange du 28 septembre 2006 entre le trader de Deutsche Bank et le trader de Barclays (voir considérant 480 de la décision attaquée), invoqué par les requérantes, même à supposer qu’il conviendrait de l’interpréter, à l’instar des requérantes, comme démontrant que ces traders s’efforçaient de dissimuler au trader de JP Morgan leurs activités illicites.

490    Au regard de ces circonstances, envisagées à la lumière du fait que, à travers ses contacts bilatéraux avec eux, le trader de JP Morgan savait que les traders de Deutsche Bank et de Barclays participaient à des comportements visant à influencer les soumissions au panel Euribor en vue de manipuler les taux, il pouvait raisonnablement prévoir que les informations sur les préférences pour des soumissions Euribor futures qu’il échangeait avec le trader de Deutsche Bank étaient partagées par ce dernier avec le trader de Barclays.

491    Deuxièmement, le trader de JP Morgan avait également connaissance de l’implication des autres banques dans de telles pratiques de manipulation des taux, ou pouvait raisonnablement la prévoir. C’est à juste titre que la Commission se réfère à cet égard, au considérant 478 de la décision attaquée, à l’échange du 15 décembre 2006, lors duquel le trader de JP Morgan a confié à sa responsable des soumissions que certaines banques, dont Deutsche Bank, s’adonnaient à un « jeu » visant à manipuler vers le haut les fixings Euribor-3M le 18 décembre 2006 (voir points 207 à 209 ci-dessus). C’est également à juste titre que la Commission invoque, au considérant 482 de la décision attaquée, à titre de « référence indirecte », l’échange du 8 novembre 2006. En effet, à la lumière de celui du 15 décembre 2006, lors duquel le trader de JP Morgan a indiqué que d’autres « fellows » s’étaient joints aux banques jouant un « jeu » consistant à « forcer les fixings à la hausse » (voir point 208 ci-dessus), l’échange du 8 novembre 2006 doit être interprété en ce sens que le trader de JP Morgan pensait que les responsables des soumissions dans certaines banques autres que Deutsche Bank étaient plus disposés à suivre les préférences des traders quant aux futures soumissions Euribor. Enfin, il ressort de l’échange du 16 mars 2007 entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de sa banque que ce trader avait connaissance de l’existence de tentatives de manipulations du fixing Euribor-3M de mars 2007 ou, à tout le moins, qu’il les soupçonnait, ce qui démontre également sa connaissance du fait que d’autres banques actives sur le marché des EIRD s’adonnaient à de telles pratiques (voir point 258 ci-dessus).

492    Examinés à la lumière des communications banque E, invoquées par la Commission au considérant 487 de la décision attaquée et desquelles il ressort que le trader de JP Morgan avait l’habitude d’échanger des informations avec des traders concurrents autres que le trader de Deutsche Bank en vue de coordonner les soumissions Euribor en fonction de leurs positions de trading respectives (voir points 73 et 75 ci-dessus), ces échanges permettent de retenir que le trader de JP Morgan aurait à tout le moins pu raisonnablement prévoir que des banques autres que celles avec lesquelles il entretenait des contacts directs participaient aux comportements portant sur les manipulations du taux Euribor.

493    Troisièmement, plusieurs considérations relevées par la Commission en ce qui concerne l’ensemble des destinataires de la décision attaquée (voir point 478 ci-dessus) sont également pertinentes en tant qu’éléments d’un faisceau d’indices.

494    D’une part, la Commission a relevé, au considérant 460 de la décision attaquée, l’existence d’une « connaissance générale répandue » parmi les acteurs du marché du fait que le processus de détermination des taux de référence était déclaratoire et, par conséquent, que les soumissions pouvaient être décalées par les banques membres du panel en fonction de leur intérêt au moment de la soumission (voir aussi considérant 406 de ladite décision).

495    Afin de contester ces considérations, les requérantes renvoient à une déclaration du trader de JP Morgan dans son témoignage joint à la requête selon laquelle il n’avait pas une telle perception du processus des contributions au panel Euribor, à savoir qu’il ne pensait pas que les soumissions prenaient en considération les intérêts des banques du panel.

496    Ainsi qu’il ressort du point 60 ci-dessus, les déclarations du trader de JP Morgan ont une faible force probante. En l’absence de tout autre argument ou élément de preuve avancé par les requérantes, force est de constater qu’elles n’ont pas démontré que c’est à tort que la Commission a retenu l’existence d’une telle connaissance répandue parmi les acteurs du marché du caractère déclaratoire des soumissions des banques au panel Euribor, alors que celle-ci s’est appuyée à cet égard sur des documents internes des banques participant à l’infraction, notamment ceux provenant des inspections (voir note en bas de page no 521 de la décision attaquée).

497    D’autre part, aux considérants 461 et 462 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les traders ne pouvaient pas ignorer que, si davantage de banques modifiaient leurs soumissions le même jour et pour la même maturité d’Euribor, l’impact potentiel sur le taux d’intérêt de référence augmenterait en proportion du nombre de banques impliquées, de sorte que le degré de succès des pratiques collusoires dépendait pour une large part de l’implication de davantage de banques. Pour ce motif également, certaines des discussions entre les traders, comme celles auxquelles avait participé le trader de JP Morgan avec le trader de Deutsche Bank en janvier et en février 2007, démarraient un certain temps avant les fixings visés par les manipulations, afin de permettre aux traders d’aligner ou d’ajuster leurs positions de trading.

498    Il s’ensuit qu’un acteur important et qualifié du marché, tel que le trader de JP Morgan (voir, en ce sens et en substance, considérants 457 et 463 de la décision attaquée), était en mesure de déduire des circonstances rappelées aux points 494 et 497 ci-dessus que les manipulations de l’Euribor qu’il envisageait avec les traders de Deutsche Bank et de Barclays avaient plus de chance de réussir si plusieurs banques étaient impliquées, et ce quand bien même il n’avait pas été informé de façon explicite par ces derniers de l’implication d’autres banques spécifiques.

499    Dans ce contexte, il convient encore de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels la Commission était tenue de démontrer une connaissance spécifique par le trader de JP Morgan du plan des autres banques et, notamment, des maturités du taux concerné et de la direction des manipulations envisagées. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 445 ci-dessus, la Commission doit seulement établir que l’entreprise concernée a connaissance ou pouvait raisonnablement prévoir la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale. Or, en l’espèce, le trader de JP Morgan avait connaissance des caractéristiques essentielles de l’entente globale visant à influencer les flux de trésorerie dus au titre des contrats EIRD par le biais de l’action concertée des traders visant à influer sur les soumissions au panel Euribor de leurs banques respectives en vue de manipuler ce taux selon leurs intérêts.

500    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795), invoqué dans ce contexte par les requérantes. En effet, les circonstances factuelles à l’origine de cet arrêt sont différentes de celles en l’espèce dans la mesure où la Commission a retenu à l’égard des requérantes dans cette affaire le rôle de facilitateur de l’entente au sens de l’arrêt du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission (T‑99/04, EU:T:2008:256), et non de membre de l’entente comme en l’espèce s’agissant de JP Morgan. En outre, la connaissance par les requérantes dans cette affaire des objectifs communs des parties à l’entente avait été établie en s’appuyant sur une seule conversation dont le contenu était limité. C’est dans le contexte spécifique de l’appréciation de la durée de l’infraction commise par les requérantes dans cette affaire en tant que facilitateur de l’entente, et tout particulièrement du caractère continu d’une telle infraction, que le Tribunal a écarté, au point 228 de son arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795), invoqué par les requérantes, des éléments de preuve retenus par la Commission concernant les maturités de taux ou les directions des manipulations différentes de celles dont les requérantes dans cette affaire avaient connaissance. L’argument des requérantes fondé sur une analogie avec cet arrêt ne saurait donc prospérer. Il convient également de relever que les requérantes n’ont pas avancé dans la requête de grief visant à contester le caractère continu de l’infraction retenu en l’espèce par la Commission.

501    Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve, appréciés globalement en tant que faisceau d’indices, permettent de démontrer que le trader de JP Morgan pouvait raisonnablement prévoir que les échanges visés au point 484 ci-dessus dépassaient le cadre bilatéral et s’inscrivaient dans une infraction unique impliquant d’autres banques ayant pour objectif d’altérer les flux de trésorerie dus au titre des EIRD par des actions concertées visant à manipuler le taux Euribor, et qu’il était prêt à en accepter le risque. La deuxième branche du quatrième moyen doit dès lors être rejetée.

c)      Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée de ce que les requérantes n’avaient pas l’intention de contribuer à un objectif commun

502    Dans le cadre de la troisième branche du quatrième moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré l’intention de JP Morgan de contribuer à l’objectif unique en commun avec les autres parties. Elles soutiennent que les communications entre les traders sur lesquelles la Commission se fonde dans ce contexte et la jurisprudence invoquée dans la décision attaquée ne sont pas pertinentes à cet égard.

503    Il convient de relever que, dans le cadre de cette argumentation, les requérantes visent à démontrer que la troisième condition, visée par la jurisprudence rappelée aux points 442 à 444 ci-dessus, permettant d’imputer à une entreprise une participation à l’infraction unique, n’est pas remplie en l’espèce en ce qui concerne JP Morgan. Plus particulièrement, elles contestent la conclusion de la Commission énoncée au considérant 443 de la décision attaquée, selon laquelle il résulterait de la structure des contacts, qui étaient bilatéraux, et des objets des échanges, en ce que ceux-ci portaient sur les composantes des prix, que les parties n’ayant pas transigé avaient l’intention de contribuer au plan collusoire.

504    À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant des comportements relatifs aux manipulations du taux Euribor, il a déjà été relevé aux points 284 et 343 ci-dessus qu’il ressortait des échanges retenus par la Commission à l’encontre de JP Morgan que les parties à ces échanges avaient l’intention de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, en ce qu’elles ont à tout le moins examiné la possibilité de faire aligner le niveau de soumissions futures de leurs banques respectives et qu’elles ont suivi le résultat de leurs actions.

505    En outre, s’agissant des échanges relatifs aux manipulations des taux, dans lesquels le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank ne se sont pas explicitement entendus sur l’alignement des soumissions de leurs banques, mais ont uniquement échangé sur leur satisfaction quant au niveau du fixing du jour suivant les tentatives de manipulation du taux Euribor ou sur leurs positions de trading en vue de la date IMM de mars 2007 (voir points 285 à 288 ci-dessus), il convient de relever que, en acceptant de recevoir une telle information sans avoir manifesté une réserve ou une opposition et sans se distancier publiquement des comportements des autres banques visant la manipulation du taux Euribor à ces dates dont il avait connaissance ou les dénoncer aux entités administratives, le trader de JP Morgan a de manière tacite approuvé cette initiative illicite en souscrivant à son résultat au sens de la jurisprudence citée aux points 289 et 290 ci-dessus et en contribuant à l’encourager. Il en a même profité en ajustant sa position de trading pour éviter des pertes.

506    Les mêmes considérations s’appliquent aux échanges du 6 octobre 2006, des 13 et 24 novembre 2006 et du 14 mars 2007, lors desquels les traders ont partagé les informations pertinentes pour la fixation des prix du concurrent dans l’objectif d’influencer, par de tels comportements collusoires, les flux de trésorerie dus au titre des EIRD.

507    Enfin, il ressort de l’examen de la deuxième branche du présent moyen que le trader de JP Morgan pouvait raisonnablement prévoir que son propre comportement s’inscrivait dans un plan d’ensemble impliquant d’autres banques.

508    Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le trader de JP Morgan a participé, conjointement avec les traders des autres banques, aux pratiques collusoires et entendait ainsi contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants en en acceptant le risque au sens de la jurisprudence rappelée aux points 442 à 444 ci-dessus.

509    Il convient, dès lors, de rejeter la troisième branche du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble.

3.      Sur la violation alléguée des principes de bonne administration et de la présomption d’innocence ainsi que des droits de la défense (cinquième moyen de la requête)

510    Le cinquième moyen est divisé, en substance, en deux branches en ce que les requérantes soutiennent que la Commission a violé des principes fondamentaux du droit de l’Union, d’une part, en procédant, dans la décision de transaction, à certaines constatations factuelles concernant la participation de JP Morgan aux comportements infractionnels sans lui donner la possibilité d’exercer ses droits de la défense et, d’autre part, en raison de certaines déclarations du membre de la Commission chargé de la concurrence, lesquelles démontreraient qu’il a été préjugé de l’issue de l’enquête concernant les requérantes.

511    La Commission conteste les arguments des requérantes et conclut à leur rejet.

a)      Sur la première branche du cinquième moyen, relative à la décision de transaction 

512    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a préjugé les faits concernant JP Morgan dans la décision de transaction, en violation de la présomption d’innocence à son égard, de ses droits de la défense et de son devoir d’impartialité objective tels que prévus à l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH »), ainsi qu’aux articles 41 et 48 de la Charte.

513    À cet égard, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas le principe de la procédure hybride en soi, mais soutiennent, en substance, que celui-ci a été appliqué de manière illicite dans la présente affaire, notamment du fait de l’adoption de la décision attaquée de manière décalée dans le temps par rapport à l’adoption de la décision de transaction.

514    À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que le juge de l’Union a validé la possibilité pour la Commission d’adopter, dans un premier temps, une décision de transaction à l’égard des parties ayant décidé de transiger et, dans un second temps, une décision à la suite de la procédure ordinaire à l’égard des parties ayant décidé de ne pas transiger, à condition toutefois qu’elle veille, dans le cadre de l’adoption de la décision de transaction, au respect du principe de la présomption d’innocence à l’égard des parties ne participant pas à la transaction (voir, en ce sens, arrêts du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 88 et 89 et jurisprudence citée, et du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, points 265 à 268).

515    Ensuite, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue de respecter, au cours d’une procédure administrative en matière d’ententes, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 154 et jurisprudence citée). Aux termes de cette disposition, toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée, et du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 77 et jurisprudence citée).

516    Le principe d’impartialité, qui relève du droit à une bonne administration, doit être distingué du principe de la présomption d’innocence, lequel, ainsi qu’il a été relevé au point 87 ci-dessus, s’applique, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes. La présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union qui est énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte.

517    L’article 48 de la Charte correspond à l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la CEDH, ainsi qu’il ressort des explications relatives à la Charte. Il s’ensuit, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, qu’il convient de prendre en considération l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la CEDH aux fins de l’interprétation de l’article 48 de la Charte, en tant que seuil de protection minimale, et de s’inspirer de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») concernant l’article 6 de la CEDH [voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, points 41 et 42]. En effet, l’article 52, paragraphe 3, de la Charte impose de donner aux droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par la CEDH le même sens et la même portée que ceux que leur confère ladite convention (arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 44, et du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 32).

1)      Sur le respect de la présomption d’innocence

518    Le principe de la présomption d’innocence implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Ce principe s’oppose à tout constat formel et même à toute allusion ayant pour objet la responsabilité d’une personne accusée d’une infraction donnée dans une décision mettant fin à l’action, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 257 et jurisprudence citée).

519    À cet égard, la Cour EDH a considéré que l’expression prématurée de la culpabilité d’un suspect dans un jugement rendu à l’encontre de suspects poursuivis séparément pouvait aussi, en théorie, porter atteinte au principe de la présomption d’innocence (voir Cour EDH, 27 février 2014, Karaman c. Allemagne, CE:ECHR:2014:0227JUD001710310, point 42 et jurisprudence citée).

520    Le principe de la présomption d’innocence se trouve méconnu si une décision judiciaire ou une déclaration officielle concernant un prévenu contient une déclaration claire, faite en l’absence de condamnation définitive, selon laquelle la personne concernée a commis l’infraction en question. Dans ce contexte, il convient de souligner l’importance, d’une part, du choix des termes employés par les autorités judiciaires ainsi que des circonstances particulières dans lesquelles ceux-ci ont été formulés et, d’autre part, de la nature et du contexte de la procédure en question (voir arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 79 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, Cour EDH, 27 février 2014, Karaman c. Allemagne, CE:ECHR:2014:0227JUD001710310, point 63).

521    Ainsi, dans les procédures pénales complexes où sont mis en cause plusieurs suspects ne pouvant être jugés ensemble, il arrive que la juridiction compétente doive impérativement, pour apprécier la culpabilité des prévenus, faire mention de la participation de tiers qui seront peut-être jugés séparément par la suite. Toutefois, si des faits relatifs à l’implication de tiers doivent être introduits, la juridiction concernée devrait éviter de communiquer plus d’informations qu’il n’est nécessaire à l’analyse de la responsabilité juridique des personnes passant en jugement devant elle. En outre, la motivation de décisions judiciaires doit être formulée en des termes qui sont de nature à éviter un jugement prématuré potentiel relatif à la culpabilité des personnes tierces concernées, susceptible de compromettre l’examen équitable des charges retenues contre celles-ci dans le cadre d’une procédure distincte (voir arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 80 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, Cour EDH, 27 février 2014, Karaman c. Allemagne, CE:ECHR:2014:0227JUD001710310, points 64 et 65, et 23 février 2016, Navalnyy et Ofitserov c. Russie, CE:ECHR:2016:0223JUD004663213, point 99).

522    Une atteinte à la présomption d’innocence peut émaner non seulement d’un juge ou d’un tribunal, mais aussi d’autres autorités publiques (voir Cour EDH, 15 mars 2011, Begu c. Roumanie, CE:ECHR:2011:0315JUD002044802, point 126 et jurisprudence citée).

523    En l’espèce, les requérantes admettent, en substance, que la décision de transaction n’établit pas formellement la responsabilité des parties n’ayant pas transigé, dont JP Morgan, pour l’infraction en cause et que les références à celles-ci dans la décision de transaction étaient nécessaires pour « présenter l’affaire et les éléments sur lesquels reposait le dossier », ainsi que la Commission l’a relevé, en substance, aux considérants 517 et 531 à 533 de la décision attaquée. Toutefois, elles soutiennent que ces circonstances sont sans pertinence dans la mesure où les références en question, notamment celles figurant aux considérants 31 et 53 à 67 de la décision de transaction, revenaient à constater que JP Morgan était « coupable » d’avoir participé aux infractions alléguées avec Deutsche Bank et Barclays sans qu’elle ait eu la possibilité de contester le fondement factuel et juridique de ces constatations. La Commission aurait ainsi préjugé des faits les concernant et de leur qualification juridique en violation du principe de la présomption d’innocence.

524    À cet égard, il convient de relever que la Commission a inclus, aux considérants 3 et 40 ainsi qu’à la note en bas de page no 4 de la décision de transaction, les réserves explicites visant à éviter de porter atteinte à la présomption d’innocence des parties à l’entente n’ayant pas conclu de transaction. En particulier, elle a précisé que la décision de transaction était fondée sur les faits reconnus uniquement par les parties à la transaction à ce stade de la procédure et que ladite décision n’établissait pas la responsabilité des parties n’ayant pas conclu de transaction, dont JP Morgan, pour toute participation à une violation du droit de l’Union de la concurrence dans l’affaire en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 220 à 222).

525    La Commission a ainsi fait preuve de la prudence rédactionnelle requise en mettant en évidence le fait qu’elle n’était pas appelée à statuer sur la participation de JP Morgan à l’entente alléguée, afin non seulement d’éviter tout préjugé délibéré, voire définitif, relatif à la responsabilité de cette dernière, mais encore, conformément à la jurisprudence rappelée au point 521 ci-dessus, tout préjugé, fût-il potentiel, portant sur cette responsabilité (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 223 et 224 et jurisprudence citée).

526    Toutefois, afin de vérifier si la Commission a respecté pleinement la présomption d’innocence, il convient encore d’analyser la motivation de la décision de transaction dans son ensemble à la lumière des circonstances particulières dans lesquelles celle-ci a été adoptée. En effet, toute référence explicite, dans certains passages de cette décision, à l’absence de conclusion sur la responsabilité des parties n’ayant pas transigé serait vidée de son sens si d’autres passages de ladite décision étaient susceptibles d’être compris comme une expression prématurée de la responsabilité de JP Morgan (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 90 et jurisprudence citée).

527    Les requérantes se réfèrent aux considérants 31 et 53 à 67 de la décision de transaction pour faire valoir que la position de la Commission quant à la « culpabilité » de JP Morgan pour l’infraction en cause se déduit clairement des constatations factuelles retenues par celle-ci dans cette décision.

528    À cet égard, en premier lieu, c’est à juste titre que la Commission a retenu, aux considérants 532 et 533 de la décision attaquée, que les références dans la décision de transaction aux parties ne participant pas à la transaction étaient nécessaires, au sens de la jurisprudence citée au point 521 ci-dessus, à l’analyse de la responsabilité juridique des parties participant à la transaction pour l’infraction en cause, ce qui est admis, en substance, par les requérantes. En effet, dans le cadre d’une procédure hybride ayant conduit à l’adoption successive de deux décisions, les références aux parties n’ayant pas transigé peuvent apparaître comme étant objectivement nécessaires aux besoins de la bonne compréhension des faits de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 226 et 229).

529    En second lieu, contrairement à ce qui ressort implicitement, mais nécessairement, des arguments des requérantes, la qualification juridique des faits retenue par la Commission dans la décision de transaction à l’égard de Deutsche Bank et de Barclays en ce qui concerne les contacts bilatéraux dans lesquels celles-ci s’étaient engagées, notamment, avec JP Morgan ne présuppose pas en soi que la même qualification juridique des faits soit nécessairement retenue par la Commission à l’égard de JP Morgan à l’issue de la procédure distincte la concernant. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, rien n’empêche la Commission de constater qu’une partie à un accord ou à une pratique concertée est responsable au titre de l’article 101 TFUE, alors que l’autre ne l’est pas (voir arrêt du 2 février 2022, Scania e.a./Commission, T‑799/17, sous pourvoi, EU:T:2022:48, point 130 et jurisprudence citée).

530    Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure administrative ordinaire, l’entreprise concernée et la Commission se trouvent, par rapport à la procédure de transaction, dans une situation dite « tabula rasa », où les responsabilités doivent encore être établies. Ainsi, lors de l’adoption de la décision à l’égard de JP Morgan à la suite de la procédure administrative ordinaire, d’une part, la Commission était tenue uniquement par la communication des griefs et, d’autre part, elle était obligée, dans le respect du principe du contradictoire, de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris toutes les informations et tous les arguments qui avaient été mis en avant par JP Morgan à l’occasion de l’exercice de son droit d’être entendue, de sorte qu’elle était obligée de réexaminer le dossier au regard de ces éléments (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, points 90, 96 et 107).

531    La Commission doit veiller à ce que les faits admis par les parties à la transaction ne soient pas acceptés à l’égard d’une partie ne participant pas à cette procédure, telle que JP Morgan, sans un examen complet et adéquat lors de la procédure ordinaire au regard des arguments et des éléments de preuve présentés par celle-ci (voir, en ce sens et par analogie, Cour EDH, 23 février 2016, Navalnyy et Ofitserov c. Russie, CE:ECHR:2016:0223JUD004663213, points 103 à 105, et 31 octobre 2017, Bauras c. Lituanie, CE:ECHR:2017:1031JUD005679513, point 53).

532    En l’espèce, JP Morgan admet avoir eu la possibilité, dans le cadre de la procédure administrative ordinaire avant l’adoption de la décision attaquée, de présenter, tant par écrit qu’oralement, ses observations sur les griefs retenus à son égard par la Commission dans la communication des griefs et, donc, de contester les faits et les éléments de preuve identifiés par la Commission pour soutenir les griefs à son égard.

533    Il s’ensuit que, en vertu du principe dit « tabula rasa », la Commission était obligée, dans le cadre de la procédure ordinaire, de réexaminer les faits sur lesquels elle avait fondé la décision de transaction à la lumière des arguments et des éléments de preuve soumis par JP Morgan dans l’exercice de ses droits de la défense et, le cas échéant, retenir à l’encontre de celle-ci une participation aux comportements bilatéraux en cause. À cet égard, il convient de relever que la période de participation de JP Morgan aux contacts bilatéraux avec Barclays, figurant au considérant 40 de la décision de transaction, allant du 27 septembre 2006 au 8 février 2007, ne correspond pas à la période de sa participation à l’infraction retenue dans la communication des griefs du 19 mai 2014 comme allant du 27 septembre 2006 au 28 septembre 2007, ni à celle retenue dans la décision attaquée comme allant du 27 septembre 2006 au 19 mars 2007, ce qui est de nature à démontrer que la Commission a, en l’espèce, réexaminé la situation des requérantes après l’adoption de la décision de transaction.

534    S’agissant de l’allégation des requérantes selon laquelle la position de la Commission quant à leur participation aux comportements infractionnels se déduirait clairement des constatations factuelles contenues dans la décision de transaction, qui reposent sur les mêmes éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans ses constatations d’infraction à leur égard, il convient de relever qu’un chevauchement entre les éléments de preuve sur lesquels reposent les conclusions de la Commission dans la décision de transaction et dans la décision attaquée ne permet pas en soi de conclure que la présomption d’innocence n’a pas été respectée en l’espèce à l’égard des requérantes. En effet, le seul fait de s’être appuyée sur les mêmes éléments de preuve dans les deux décisions ne présume en rien de la conclusion que la Commission pouvait en tirer quant à la responsabilité de JP Morgan.

535    Par ailleurs, alors que le principe de la présomption d’innocence s’oppose au constat formel d’une infraction ou à toute allusion à la responsabilité des requérantes qui seraient faits dans la décision de transaction, dans la mesure où elles n’ont pas bénéficié de toutes les garanties habituelles aux fins de l’exercice des droits de la défense dans le cadre de l’adoption de celle-ci, ce principe n’exclut pas la possibilité de s’appuyer sur les éléments de preuve communs à condition que les requérantes aient l’occasion de contester devant les juridictions de l’Union les constatations faites sur le fondement de ces éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, EU:T:2007:306, points 76 et 77), ce qui est le cas en l’espèce.

536    Il s’ensuit que, en faisant valoir que la Commission a violé la présomption d’innocence de JP Morgan du fait que la décision attaquée et la décision de transaction reposaient sur les mêmes éléments de preuve, les requérantes font abstraction de leur droit de soumettre, lors de l’exercice de leur droit d’être entendues dans le cadre de la procédure administrative ordinaire, tous les éléments de preuve visant à contester les faits et les éléments de preuve sur lesquels la Commission entend se fonder, lesquels, le cas échéant, avaient été pris en compte par celle-ci lors de l’adoption de la décision de transaction, ainsi que de l’obligation pesant sur la Commission de réexaminer le dossier à la lumière de ces nouveaux éléments. Par ailleurs, les requérantes ont eu l’occasion de contester devant le Tribunal les constatations faites par la Commission à leur encontre sur le fondement de ces éléments de preuve, conformément à la jurisprudence rappelée au point 535 ci-dessus.

537    Eu égard à ce qui précède, la nature « hybride » de la procédure en cause et son contexte au sens de la jurisprudence citée au point 520 ci-dessus, ainsi que les circonstances dans lesquelles les références ont été faites à JP Morgan dans la décision de transaction, doivent conduire à la conclusion constatant l’absence, en l’espèce, d’une violation du principe de la présomption d’innocence à son égard. Le premier grief de la première branche du cinquième moyen doit dès lors être rejeté comme non fondé.

2)      Sur le respect du devoir d’impartialité

538    Les requérantes soutiennent que, eu égard à l’adoption de la décision de transaction dans laquelle la Commission a retenu une participation de JP Morgan aux comportements qualifiés d’infractionnels, il serait impossible pour la Commission de maintenir une « apparence d’impartialité » à son égard et ne pas tenter de parvenir aux mêmes conclusions dans le cadre de la procédure ordinaire, et ce notamment au regard du fait que la même équipe que celle ayant mené les discussions en vue de la transaction était chargée d’instruire le dossier à l’égard de JP Morgan. De telles circonstances permettraient de douter de l’impartialité objective de la Commission lorsqu’elle a statué à l’encontre de JP Morgan.

539    À cet égard, il suffit de relever que, en l’espèce, il ressort des points 530 à 536 ci-dessus que le déroulement de la procédure ordinaire a offert aux requérantes les garanties procédurales suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé avec lequel la Commission a examiné les griefs à l’encontre de JP Morgan dans le cadre de cette procédure.

540    Le deuxième grief de la première branche du cinquième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

3)      Sur le respect des droits de la défense

541    Les requérantes font valoir une violation de leurs droits de la défense en ce qu’elles n’ont pas eu la possibilité de présenter leurs observations sur les faits et leur qualification juridique ayant fondé la décision de transaction avant l’adoption de celle-ci, alors que la Commission a retenu la participation de JP Morgan aux comportements infractionnels avec les parties à la transaction.

542    À cet égard, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui a été souligné à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour et qui a été consacré à l’article 48, paragraphe 2, de la Charte (voir arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 92 et jurisprudence citée). Ce principe doit être pleinement observé même s’il s’agit d’une procédure ayant un caractère administratif (voir arrêts du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, EU:C:2009:433, point 84 et jurisprudence citée, et du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 94 et jurisprudence citée)

543    Le principe du contradictoire fait partie des droits de la défense. Il s’applique à toute procédure susceptible d’aboutir à une décision d’une institution de l’Union affectant de manière sensible les intérêts d’une personne (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, points 50 et 51 et jurisprudence citée).

544    À cet égard, d’une part, il suffit de rappeler que les requérantes ne sont pas destinataires de la décision de transaction. D’autre part, ainsi qu’il ressort de l’examen du grief tiré d’une violation de la présomption d’innocence, la décision de transaction n’a, en tout état de cause, pas affecté de manière sensible les intérêts des requérantes au sens de la jurisprudence rappelée au point 543 ci-dessus, dans la mesure où, ainsi qu’elles l’acceptent (voir point 523 ci-dessus), dans ladite décision la Commission n’a pas préjugé de leur responsabilité dans l’infraction en cause. En conséquence, les requérantes ne peuvent pas utilement se prévaloir de la violation de leurs droits de la défense et, en particulier, du fait que JP Morgan n’a pas été entendue dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision de transaction.

545    Le troisième grief de la première branche du cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé et, partant, cette branche dans son ensemble.

b)      Sur la seconde branche du cinquième moyen, relative aux propos émis par le membre de la Commission chargé de la concurrence

546    Les requérantes font valoir que les déclarations publiques faites par le membre de la Commission chargé de la concurrence entre 2012 et 2014 donnaient l’apparence d’un parti pris sur la culpabilité de JP Morgan avant même que la Commission n’examine ses observations en défense, ce qui a compromis l’impartialité du processus de décision de la Commission. Le Médiateur européen aurait reconnu une telle violation d’impartialité par ledit membre de la Commission dans sa décision prise à la suite de la plainte introduite par Crédit agricole, également destinataire de la décision attaquée.

547    Les requérantes soutiennent que les déclarations du membre de la Commission chargé de la concurrence qui donnent l’impression d’un préjugé de sa part à l’égard de JP Morgan renforcent les soupçons de parti pris et l’absence d’impartialité objective qui résultait déjà, selon elles, de la violation de la présomption d’innocence inhérente à la décision de la transaction.

548    À cet égard, il convient de rappeler que les griefs des requérantes tirés de la violation de la présomption d’innocence et du devoir d’impartialité objective à l’égard de JP Morgan du fait de l’adoption de la décision de transaction ont été rejetés, de sorte que les déclarations du membre de la Commission mises en cause par les requérantes ne sauraient être considérées comme « renforçant » ou « aggravant » une telle violation alléguée.

549    Pour autant que, par ces arguments, les requérantes visent à faire valoir une violation de l’obligation d’impartialité subjective par le membre de la Commission chargé de la concurrence, susceptible d’aboutir à la violation, par la Commission, de l’obligation d’impartialité objective lors de l’adoption de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler le contenu de certaines des déclarations en cause du membre de la Commission chargé de la concurrence, lesquelles se présentent comme suit :

–        le 24 juillet 2012 : « [l]es éléments de preuves que nous avons recueillis sont assez parlants, donc je suis à peu près sûr que cette enquête ne sera pas close sans résultats » (« The evidence we have collected is quite telling, so I’m pretty sure this investigation will not be closed without results ») ;

–        le 24 septembre 2012 : « [l]’infraction étant “plus grave que la moyenne”, le montant de l’amende risque d’être majoré » (« The gravity of the infringement is “above the average”, which would draw the amount of the sanction upwards ») ;

–        le 28 janvier 2014 : « [i]l y a encore trois institutions bancaires et un broker qui continuent à être investigués parce qu’ils n’ont pas voulu participer à l’accord final : une institution française Crédit [a]gricole, HSBC et JP Morgan dont l’investigation continue, et on ira jusqu’à la fin, et je dois dire comme on a beaucoup d’informations (rires) déjà, l’investigation n’est pas la plus difficile du monde, à partir de ce moment-là on finira cette investigation » ;

–        le 21 février 2014 : « [p]arfois, il y a besoin d’utiliser les instruments traditionnels de la politique de concurrence, et Libor/Euribor, c’est le cas[ ; p]arce qu’il y a un cartel[ ; u]n cartel organisé autour de la manipulation d’un benchmark ».

550    À cet égard, il convient de distinguer entre les déclarations effectuées au cours de l’année 2012, intervenues avant l’adoption de la décision de transaction, et celles effectuées au cours de l’année 2014, intervenues postérieurement à l’adoption de celle-ci (arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 239).

551    S’agissant, d’une part, des déclarations effectuées au cours de l’année 2012, il y a lieu de constater que celles-ci sont restées générales, de sorte qu’elles ne sauraient être considérées comme l’expression, de la part du membre de la Commission chargé de la concurrence, d’un parti pris ou d’un préjugé de culpabilité à l’égard de JP Morgan (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 240).

552    S’agissant, d’autre part, des déclarations faites au cours de l’année 2014, celles-ci témoignent d’un langage qui ne correspond pas à la circonspection qui aurait été attendue du membre de la Commission chargé de la concurrence dans le cadre d’une affaire en cours (arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 242).

553    Toutefois, même à supposer que de telles déclarations puissent être considérées comme témoignant d’une absence d’impartialité subjective de la part du membre de la Commission chargé de la concurrence, elles n’étaient pas susceptibles à elles seules, dans le cas d’espèce, de porter atteinte à une appréciation impartiale par la Commission de l’affaire à l’égard des requérantes et ainsi d’entacher d’illégalité la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 242).

554    En effet, il importe de relever que le membre de la Commission chargé de la concurrence qui a émis les déclarations en cause n’était plus membre de la Commission au moment où la décision attaquée a été prise par le collège des membres. Il n’a donc pas participé au processus décisionnel en cause, de sorte que son opinion n’était pas susceptible de préjuger la position que le collège des membres de la Commission a arrêtée au terme de la procédure ordinaire.

555    À cet égard, il y a encore lieu de rappeler que le fonctionnement de la Commission est régi par le principe de collégialité découlant de l’article 250 TFUE, qui repose sur l’égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique, notamment, d’une part, que les décisions, y compris celles adoptées, comme la décision attaquée, en application de l’article 101 TFUE, soient délibérées en commun et, d’autre part, que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l’ensemble des décisions arrêtées (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Heijmans Infrastructuur/Commission, T‑359/06, non publié, EU:T:2012:489, points 126 et 127).

556    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes fondé sur la conclusion du Médiateur constatant l’existence d’un cas de mauvaise administration en raison des déclarations du membre de la Commission chargé de la concurrence, qu’elles invoquent.  

557    À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions du Médiateur constatant l’existence d’un « acte de mauvaise administration » ne lient pas le juge de l’Union et ne peuvent constituer qu’un simple indice de la violation, par l’institution concernée, du principe de bonne administration. En effet, la procédure devant le Médiateur, lequel n’a pas le pouvoir de prendre des décisions contraignantes, est une voie alternative extrajudiciaire pour les citoyens de l’Union à celle du recours devant le juge de l’Union, qui répond à des critères spécifiques et n’a pas nécessairement le même objectif que celui d’un recours en justice (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C‑167/06 P, non publié, EU:C:2007:633, point 44).

558    Or, compte tenu des motifs figurant aux points 552 à 555 ci-dessus, les conclusions du Médiateur relatives aux déclarations publiques visées au point 549 ci-dessus ne sont pas susceptibles, par elles-mêmes ou appréciées conjointement avec d’autres éléments du dossier, d’établir l’existence d’une violation du devoir d’impartialité de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 246).

559    Partant, la seconde branche du cinquième moyen doit être rejetée comme non fondée et, partant, le cinquième moyen dans son ensemble.

4.      Sur l’incidence de l’erreur constatée dans le cadre de l’examen du premier moyen sur la légalité de l’article 1er, sous c), de la décision attaquée 

560    Il convient de relever que l’erreur commise par la Commission s’agissant de la détermination des comportements qui pouvaient être imputés à JP Morgan en tant que comportements infractionnels propres, identifiée aux points 143 à 153 ci-dessus, est, en application de la jurisprudence citée au point 164 ci-dessus, sans incidence sur la légalité de l’article 1er, sous c), de la décision attaquée. En effet, la participation de JP Morgan à l’infraction unique et continue au titre, d’une part, de ses autres comportements propres et, d’autre part, des comportements des autres banques s’inscrivant dans le cadre de cette infraction unique permet de justifier à suffisance de droit la conclusion énoncée par la Commission à l’article 1er, sous c), de la décision attaquée. Il y a, dès lors, lieu de rejeter la demande d’annulation de cette disposition.

561    Toutefois, dans la mesure où parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité d’une infraction figurent, conformément à la jurisprudence citée au point 367 ci-dessus, le nombre et l’intensité des comportements anticoncurrentiels, c’est éventuellement à l’occasion de l’appréciation du caractère adéquat du montant de l’amende qu’il appartiendra au Tribunal de tirer les conséquences du caractère erroné de ces appréciations.

C.      Sur la demande d’annulation de l’article 2, sous c), de la décision attaquée et la demande de réduction du montant de l’amende

562    Dans le cadre de leurs conclusions, les requérantes demandent, à titre subsidiaire, l’annulation de l’amende imposée à JP Morgan à l’article 2, sous c), de la décision attaquée et la réduction du montant de celle-ci. À cet égard, au titre du sixième moyen de la requête, les requérantes invoquent plusieurs griefs tirés, en substance, d’erreurs commises par la Commission dans le calcul de l’amende et de la violation des principes d’individualisation des peines, d’égalité de traitement et de proportionnalité, ainsi que d’un défaut de motivation.

563    À titre liminaire, il convient de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité des actes des institutions établi à l’article 263 TFUE, lequel peut être complété, en application de l’article 261 TFUE et sur demande des parties requérantes, par l’exercice par le Tribunal d’une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions infligées en ce domaine par la Commission (arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 42 ; voir, également, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 47 et jurisprudence citée).

564    S’agissant, en premier lieu, de la portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, celui-ci s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le juge de l’Union assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la partie requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents soumis par cette dernière (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 48 et jurisprudence citée).

565    Plus particulièrement, s’agissant du contrôle de la légalité d’une décision infligeant une amende, il appartient au juge de l’Union d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe sur la base des éléments apportés par la partie requérante au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes ») ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 62).

566    Il convient toutefois de rappeler que les juridictions de l’Union ne peuvent, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263TFUE, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 89 et jurisprudence citée).

567    S’agissant, en second lieu, de l’étendue de la compétence de pleine juridiction reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003 conformément à l’article 261 TFUE, celle-ci habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 193 et jurisprudence citée).

568    En revanche, la portée de cette compétence de pleine juridiction est strictement limitée, à la différence du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, à la détermination du montant de l’amende (voir arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 76 et jurisprudence citée).

569    Le raisonnement de la Commission concernant le montant de l’amende infligée, notamment, à JP Morgan figure aux considérants 639 à 770 de la décision attaquée.

570    En premier lieu, s’agissant du montant de base de l’amende, premièrement, la Commission a déterminé la valeur des ventes par le biais d’une valeur de remplacement dans la mesure où les EIRD ne génèrent pas de ventes au sens usuel du terme. En outre, au vu des circonstances de l’espèce, elle a estimé qu’il était préférable de ne pas prendre en compte la valeur de remplacement annualisée, mais de se fonder sur la valeur de remplacement correspondant aux mois de participation des banques à l’infraction (considérant 640 de la décision attaquée).

571    La Commission a estimé approprié de prendre comme valeur de remplacement les recettes en numéraire générées par les flux de trésorerie que chaque banque a obtenus de son portefeuille d’EIRD liés à toute échéance Euribor et/ou EONIA et conclus avec des contreparties établies dans l’EEE (considérant 641 de la décision attaquée) auxquelles a été appliqué un facteur de réduction uniforme de 98,849 % afin de tenir compte des particularités du marché des EIRD, et notamment de la compensation inhérente à la négociation de produits dérivés (considérant 648 de la décision attaquée).

572    La Commission a, dès lors, pris comme valeur des ventes à l’égard de JP Morgan le montant de 1 476 213 861 euros, soit un montant obtenu après application d’une réduction de 98,849 % de 128 254 896 758 euros (considérants 642 et 648 de la décision attaquée).

573    En ce qui concerne, deuxièmement, la gravité de l’infraction, la Commission a pris en compte un facteur de gravité de 15 % dans la mesure où l’infraction a porté sur la coordination des prix et des accords de fixation de prix. Elle a ajouté un facteur de gravité de 3 % en se référant à la circonstance selon laquelle l’entente avait concerné l’ensemble de l’EEE et avait porté sur des taux pertinents pour l’ensemble des EIRD et selon laquelle lesdits taux, portant sur l’euro, revêtaient une importance fondamentale pour l’harmonisation des conditions financières sur le marché intérieur et pour les activités bancaires dans les États membres (considérants 720 et 721 de la décision attaquée).

574    En ce qui concerne, troisièmement, la durée de l’infraction, la Commission a souligné avoir pris en compte la durée de la participation de chaque participant à l’entente en « nombre de mois arrondis vers le bas et au prorata », ce qui a conduit à l’application à JP Morgan d’un coefficient multiplicateur de 0,41 % (considérants 727 à 731 de la décision attaquée).

575    Quatrièmement, la Commission a ajouté un montant supplémentaire de 18 % de la valeur des ventes, qualifié de « droit d’entrée » dans la mesure où l’infraction a consisté en une fixation horizontale des prix, afin de dissuader les entreprises de participer à de telles pratiques, indépendamment de la durée de l’infraction (considérants 732 à 734 de la décision attaquée).

576    La Commission a, dès lors, fixé le montant de base de l’amende des requérantes à 374 663 000 euros (considérant 735 de la décision attaquée).

577    En second lieu, en ce qui concerne la fixation du montant final de l’amende, la Commission a retenu que JP Morgan avait joué un rôle plus marginal ou mineur dans l’infraction, qui ne saurait être comparé à celui des acteurs principaux, et lui a accordé une réduction de 10 % du montant de base de l’amende (considérant 764 de la décision attaquée). L’article 2, sous c), de la décision attaquée inflige donc aux requérantes une amende d’un montant de 337 196 000 euros.

1.      Sur la demande d’annulation de l’article 2, sous c), de la décision attaquée

578    Le sixième moyen est divisé, en substance, en trois branches. Premièrement, les requérantes estiment que la Commission a imposé une amende disproportionnée et contraire aux principes d’égalité de traitement et d’individualisation des peines en n’accordant pas à JP Morgan une réduction suffisante au titre des circonstances atténuantes, du facteur de gravité ou du « droit d’entrée » au regard du caractère « périphérique » du rôle que celle-ci a joué dans l’infraction. Deuxièmement, elles font valoir une violation du principe d’égalité de traitement en raison de l’application de méthodes différentes pour le calcul de la valeur des ventes des différentes banques. Troisièmement, elles contestent l’utilisation par la Commission des recettes en numéraire actualisées comme valeur de remplacement pour la valeur des ventes.

579    Le Tribunal estime approprié d’examiner tout d’abord la troisième branche du sixième moyen, ensuite, la deuxième branche de ce moyen et, enfin, la première branche de celui-ci.

580    En outre, dans le cadre du sixième moyen, les requérantes invitent le Tribunal à tirer les conséquences sur le montant de l’amende des erreurs commises par la Commission en ce qui concerne la participation de JP Morgan à l’infraction unique en cause mises en avant au titre des quatre premiers moyens. Ces arguments seront pris en compte, le cas échéant, dans le cadre de l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction.

a)      Sur la troisième branche du sixième moyen, relative à l’utilisation des recettes en numéraire actualisées aux fins de calculer la valeur des ventes

581    Les requérantes font valoir, en substance, que les recettes en numéraire actualisées, utilisées par la Commission aux fins de calculer la valeur des ventes, ne reflètent pas le poids réel des parties sur le marché en violation du principe de proportionnalité. En outre, elles soutiennent que la Commission a appliqué un facteur de réduction insuffisant pour atténuer les difficultés liées à l’utilisation de l’agrégat des recettes en numéraire et pour refléter ainsi le poids réel de JP Morgan sur le marché. Elles font également valoir que le taux de réduction uniforme de 98,849 % appliqué par la Commission est arbitraire et les différentes étapes du calcul de ce taux sont entachées d’une insuffisance de motivation.

582    La Commission conteste ces arguments et conclut à leur rejet.

1)      Sur le caractère approprié de la prise en compte des recettes en numéraire actualisée en tant que valeur de remplacement pour la valeur des ventes

583    Il convient de rappeler que, alors que l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 se réfère de manière générale à la gravité et à la durée de l’infraction, la méthodologie privilégiée par la Commission aux fins d’appliquer cette disposition dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes fait jouer un rôle central à la notion de « valeur des ventes », puisqu’elle contribue à déterminer l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 76). En effet, aux termes du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ». Dans leur partie introductive, lesdites lignes directrices précisent à leur paragraphe 6 que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction ».

584    Ainsi qu’il ressort du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, il est loisible à la Commission de ne pas faire application de la méthodologie de calcul des amendes énoncée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, lorsque, notamment, des particularités d’une affaire donnée le justifient (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 209 et 210). En l’espèce, alors que la Commission a retenu au considérant 639 de la décision attaquée que les EIRD « ne [généraient] pas de ventes au sens usuel du terme », ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les requérantes, elle a décidé de ne pas s’écarter de la méthodologie de calcul des amendes énoncée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes.

585    Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la Commission a commis une erreur d’appréciation en retenant les recettes en numéraire actualisées comme valeur de remplacement pour la « valeur des ventes » au sens des lignes directrices pour le calcul des amendes.

586    Il conviendra de vérifier si la Commission a ainsi utilisé les meilleures données disponibles de cette entreprise au sens des paragraphes 15 et 16 desdites lignes directrices.

587    À cet égard, il convient de rappeler que, dans la demande de renseignements du 12 octobre 2012, la Commission a sollicité la fourniture de quatre types de données éventuellement susceptibles de permettre une appréciation de la valeur des ventes des banques concernées, à savoir le montant notionnel total, le résultat net provenant des opérations financières, les règlements nets en numéraire et les recettes en numéraire. Elle a finalement décidé, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de se fonder sur les recettes en numéraire.

588    Il importe de constater que l’approche privilégiée en l’espèce par la Commission tend à mieux refléter la valeur des ventes – et partant l’importance économique de l’infraction – que l’approche alternative proposée par les requérantes au cours de la procédure administrative, fondée sur un revenu alloué à la franchise (« allocated franchise revenue », ci-après « AFR »).

589    En effet, ainsi que le relèvent les requérantes, l’AFR correspond, en substance, au bénéfice escompté ex ante des transactions des produits dérivés, lequel appréhende la valeur économique inhérente à une transaction EIRD et est équivalent au poste « bénéfice net provenant d’opérations financières » au sens du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1). Elles indiquent également que chaque institution financière dispose de sa propre méthodologie détaillée pour calculer la valeur ex ante d’une transaction qui est estimée, en substance, sur le fondement du montant notionnel négocié sur lequel sont appliqués des ajustements fondés sur les modèles de trading et de marché.

590    Il ressort de ces considérations, à les supposer avérées, que l’AFR constitue, en substance, une prévision de la part d’une banque, faite en fonction de son estimation de l’évolution du marché, d’une valeur de la transaction EIRD à travers le bénéfice qu’elle pourrait tirer de celle-ci. Ainsi que l’admettent, en substance, les requérantes, l’AFR traduit la rentabilité attendue au début d’une transaction EIRD. Or, ainsi que l’a à juste titre rappelé la Commission au considérant 659 de la décision attaquée, une limitation de la valeur à prendre en compte au bénéfice des opérations de l’activité de trading, qu’il soit réel (ex post), comme dans le cas d’un bénéfice net, ou escompté (ex ante), comme dans le cas de l’AFR, irait à l’encontre de la logique qui a présidé à son choix de fixer, dans la méthodologie figurant dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, le montant de base par référence à la valeur des ventes, à savoir refléter l’importance économique de l’infraction et le poids de la participation de l’entreprise concernée. En outre, il a déjà été jugé que la « rentabilité » du secteur affecté ne constitue pas une valeur de référence pour la fixation d’une amende (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2010, KME Germany e.a./Commission, T‑25/05, non publié, EU:T:2010:206, points 98 à 100).  

591    Les requérantes n’avancent aucun argument, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, susceptible de remettre en cause cette conclusion.

592    Elles soutiennent en s’appuyant sur les classements plaçant les différentes banques participant à l’entente, en fonction des parts de marché des EIRD qu’elles détenaient à l’époque des faits, que les recettes en numéraire ne reflètent pas le poids respectif des parties sur le marché. Toutefois, un tel argument ne saurait remettre en cause le caractère approprié des recettes en numéraire actualisées retenues par la Commission comme valeur de remplacement pour la valeur des ventes à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 583 ci-dessus, cette valeur ne doit pas refléter la position globale d’une banque sur le marché donné, mais l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. Par ailleurs, ainsi que le soutient la Commission, les données qui ressortent des classements sur lesquels s’appuient les requérantes ne couvrent pas l’ensemble des produits concernés par l’infraction, ou sont fondées sur un sondage et reflètent donc une perception subjective des participants et, en tout état de cause, ne sont pas représentatives des parts de marché.

593    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en déterminant la valeur de remplacement pour la valeur des ventes sur la base des recettes en numéraire actualisées.

594    Ensuite, en ce qui concerne le facteur de réduction appliqué aux recettes en numéraire, il convient d’observer que celui-ci est amené à jouer un rôle essentiel dans la détermination de la valeur des ventes, du fait du montant particulièrement élevé qu’implique la prise en compte des seules recettes en numéraire, c’est-à-dire sans déduction des paiements correspondants (arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, EU:T:2019:675, point 326).

595    Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier grief de la troisième branche du sixième moyen et d’examiner, ensuite, son second grief, relatif au facteur de réduction appliqué, en l’espèce, par la Commission.

2)      Sur la détermination du facteur de réduction de 98,849 % appliqué par la Commission

596    Les requérantes soutiennent, en substance, que le taux de réduction uniforme de 98,849 % appliqué par la Commission est insuffisant pour atténuer les difficultés liées à l’absence de prise en considération de leur poids réel sur le marché par l’utilisation de la valeur des recettes en numéraire. Ce taux de réduction serait également arbitraire, car prédéterminé avant la communication des griefs, et insuffisamment motivé.

597    Les requérantes contestent également, en substance, la possibilité pour la Commission de compléter la motivation relative à la détermination du facteur de réduction, jugée insuffisante dans l’arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T‑105/17, EU:T:2019:675) (voir point 24 ci-dessus), par l’adoption de la décision modificative.

598    La Commission considère que le facteur de réduction appliqué en l’espèce est approprié et tient compte des particularités du marché des EIRD. En outre, la décision attaquée serait suffisamment motivée sur ce point et la détermination du facteur de réduction ne serait donc pas arbitraire. Elle estime néanmoins qu’elle était en droit, dans le respect du principe de bonne administration, d’adopter la décision modificative afin de compléter la motivation suffisante de la décision attaquée et réfute l’ensemble des moyens soulevés par les requérantes pour contester l’adoption de cette décision.

599    Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner tout d’abord les allégations des requérantes relatives à la violation par la Commission de son obligation de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du facteur de réduction.

i)      Sur le respect de l’obligation de motivation en ce qui concerne la détermination, dans la décision attaquée, du facteur de réduction

600    Les requérantes soutiennent que les motifs avancés dans la décision attaquée quant à la détermination du facteur de réduction ne leur permettent pas de comprendre comment ce facteur a été fixé précisément à la hauteur de 98,849 % et permettent de douter du caractère non arbitraire de celui-ci. S’agissant d’un élément essentiel dans le calcul de l’amende, cette insuffisance de motivation devrait conduire à l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité.

601    La Commission soutient que le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la détermination du facteur de réduction est irrecevable en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, car avancé pour la première fois dans la réplique. En tout état de cause, la détermination du facteur de réduction serait suffisamment motivée dans la décision attaquée et ne serait aucunement arbitraire. La Commission rappelle en outre qu’elle n’est pas tenue d’indiquer les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende.

602    Ainsi qu’il a été rappelé au point 571 ci-dessus, le facteur uniforme appliqué afin de réduire les chiffres des recettes en numéraire de JP Morgan et des autres banques a été fixé à 98,849 %.

603    La justification du niveau de ce facteur de réduction s’appuie dans la décision attaquée sur cinq séries de motifs. Premièrement, la Commission s’est, au considérant 644 de ladite décision, fondée sur la compensation inhérente à la négociation des produits dérivés en général, évaluée selon l’International Swap Dealers Association (ISDA) comme impliquant une réduction comprise entre 85 % et 90 %.

604    Deuxièmement, au considérant 645 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue la spécificité de la compensation des EIRD, dès lors que la comparaison des recettes en numéraire des parties avec les règlements nets en numéraire au titre des EIRD démontre que l’application d’un taux entre 85 et 90 % aboutirait à des amendes trop dissuasives.

605    Troisièmement, au considérant 646 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l’entente sur les EIRD avait occasionné un surcoût nettement plus faible que celui de 20 % généralement causé par ce type d’entente dans les secteurs conventionnels.

606    Quatrièmement, au considérant 647 de la décision attaquée, la Commission a rappelé qu’elle n’était pas tenue d’appliquer une formule mathématique précise et disposait d’une marge d’appréciation lorsqu’elle déterminait le montant de chaque amende.

607    Cinquièmement, au considérant 648 de la décision attaquée, la Commission a souligné avoir appliqué aux destinataires de ladite décision le même taux que celui utilisé pour calculer les amendes imposées aux destinataires de la décision de transaction.

608    En ce qui concerne les critiques diligentées à l’encontre du facteur de réduction au cours de la procédure administrative, la Commission a, notamment, souligné, au considérant 710 de la décision attaquée, avoir été transparente quant à son intention de réduire les recettes en numéraire d’un facteur uniforme d’au moins 97,5 %. Elle a également fait valoir, au considérant 713 de ladite décision, ne pas avoir appliqué des facteurs de réduction individuels, dès lors que ceux-ci auraient pu déboucher sur une inégalité de traitement.

609    Tout d’abord, s’agissant de la recevabilité du grief tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du facteur de réduction, contestée par la Commission, il convient de rappeler que, certes, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

610    Toutefois, selon une jurisprudence constante, un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être relevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée).

611    Dans ces conditions, le Tribunal peut connaître du grief des requérants tiré d’une violation de l’obligation de motivation, sans qu’il soit besoin d’examiner si ce grief, soulevé pour la première fois dans la réplique, satisfait aux exigences de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir arrêt du 3 mai 2018, Malte/Commission, T‑653/16, EU:T:2018:241, point 48 et jurisprudence citée).

612    S’agissant ensuite du bien-fondé du grief tiré de l’insuffisance de motivation, il convient de rappeler que, s’agissant d’une décision infligeant une amende, la Commission est tenue de fournir une motivation, notamment quant au montant de l’amende infligée et quant à la méthode choisie à cet égard (arrêt du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, EU:T:2006:270, point 91). Il lui appartient d’indiquer, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende (arrêt du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, EU:T:2011:362, point 243). Elle doit néanmoins expliquer la pondération et l’évaluation qu’elle a faites des éléments pris en considération (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 61).

613    S’agissant de l’obligation de motivation qui incombe, plus généralement à la Commission, il convient de relever que, en application de la jurisprudence citée au point 339 ci-dessus, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Or, celles-ci présentent deux spécificités notables.

614    D’une part, la Commission a, en l’espèce, décidé de faire application de la méthodologie figurant dans les lignes directrices pour le calcul des amendes. Elle a, dès lors, fait le choix de suivre une méthodologie dans laquelle, pour les raisons exposées au point 583 ci-dessus, la détermination de la « valeur des ventes » jouait un rôle central, alors même qu’elle avait relevé au considérant 639 de la décision attaquée que les EIRD ne généraient pas de ventes au sens usuel du terme.

615    Partant, il était essentiel que la motivation de la décision attaquée permette aux requérantes de vérifier si la valeur de remplacement choisie par la Commission était éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle (arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, EU:T:2019:675, point 346).

616    D’autre part, dans l’approche suivie par la Commission, le facteur de réduction joue un rôle essentiel en raison du montant particulièrement élevé des recettes en numéraire auquel il a vocation à s’appliquer (arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, EU:T:2019:675, point 347).

617    Il découle de ce qui précède que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission ayant décidé de déterminer le montant de base de l’amende par application d’un modèle chiffré dans lequel le facteur de réduction était appelé à jouer un rôle essentiel, il était nécessaire que les entreprises concernées soient mises en mesure de comprendre comment elle avait abouti à un facteur de réduction fixé à 98,849 % et que le Tribunal soit à même d’exercer un contrôle approfondi, en droit comme en fait, sur cet élément de la décision attaquée, en application de la jurisprudence citée aux points 338 et 339 ci-dessus.

618    Or, il ressort seulement des considérants 643, 644 à 646 et 648 de la décision attaquée que le facteur de réduction devait être supérieur à 90 %, dès lors que, d’une part, la comparaison des recettes en numéraire des parties avec les règlements nets en numéraire au titre des EIRD démontrait que l’application d’un taux entre 85 et 90 % aboutirait à des amendes trop dissuasives et, d’autre part, que l’entente en cause avait occasionné un surcoût nettement plus faible que celui de 20 % généralement causé par ce type d’entente dans les secteurs conventionnels. Au considérant 648 de la décision attaquée, d’une part, la Commission indique avoir procédé à une estimation des facteurs mentionnés aux considérants 643 à 646 de la décision attaquée sans toutefois préciser quelle valeur elle a attribuée à ces différents facteurs afin de fixer le taux de réduction à 98,849 %. D’autre part, elle indique avoir appliqué la même méthodologie dans la détermination des valeurs de ventes que celle utilisée pour calculer les amendes dans la décision de transaction. Toutefois, force est de constater qu’aucune indication supplémentaire quant à la détermination du taux de réduction à 98,849 % ne ressort de la décision de transaction.

619    La seule autre indication figurant dans la décision attaquée consiste dans le rappel, au considérant 710 de celle-ci, de ce que la Commission avait souligné au cours de la procédure administrative que le facteur de réduction uniforme serait d’au moins 97,5 %.

620    Force est de constater que ces considérations ne fournissent pas aux requérantes une explicitation suffisante des raisons pour lesquelles le facteur de réduction a été fixé à 98,849 %. De même, en l’absence d’explications plus détaillées sur les raisons pour lesquelles ces considérations ont conduit à la fixation du facteur de réduction à ce niveau précis, le Tribunal n’est pas en mesure d’exercer un contrôle approfondi en droit et en fait sur un élément de la décision qui a pu avoir une incidence significative sur l’amende infligée aux requérantes (arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, EU:T:2019:675, point 351).

621    Au vu de ce qui précède, il convient de constater que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne la détermination du facteur de réduction à 98,849 %.

622    Toutefois, le présent grief pourrait s’avérer dénué de fondement s’il se vérifiait que la Commission a remédié à l’insuffisance de motivation ainsi constatée en adoptant la décision modificative (voir points 22 à 24 ci-dessus). Dès lors, il convient d’examiner les moyens soulevés par les requérantes dans le cadre du mémoire en adaptation visant à contester l’adoption par la Commission de cette dernière décision.

ii)    Sur la décision modificative

623    Afin de contester l’adoption par la Commission de la décision modificative, les requérantes soulèvent, dans le cadre du mémoire en adaptation, trois moyens. Le premier moyen est tiré de ce que la décision modificative ne saurait remédier au défaut de motivation de la décision attaquée. Le deuxième moyen, présenté à titre subsidiaire, est tiré de ce que la décision modificative est contradictoire, insuffisamment motivée, comporte des erreurs d’appréciation et viole le principe d’égalité de traitement. Le troisième moyen, présenté à titre infiniment subsidiaire, est tiré de ce que la décision modificative viole les droits de la défense et le droit à une bonne administration, ainsi que le principe de protection de la confiance légitime.

624    Il convient d’examiner tout d’abord le premier moyen du mémoire en adaptation.

625    À cet égard, les requérantes soutiennent que, alors que la Commission peut, en principe, modifier une décision postérieurement à son adoption, elle ne saurait, en revanche, adopter, comme en l’espèce, une décision complétant la motivation de la décision attaquée au cours de la procédure juridictionnelle visant à l’annulation de celle-ci dans la mesure où, conformément à la jurisprudence, le caractère adéquat et suffisant de la motivation d’une décision doit être apprécié par rapport aux motifs fournis au moment où cette décision a été prise, et non par rapport à ceux fournis après son adoption. Par conséquent, la motivation a posteriori, ajoutée dans le cadre de la décision modificative, ne saurait être prise en compte par le Tribunal et, à l’instar de la conclusion dans l’arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T‑105/17, EU:T:2019:675), il y aurait lieu d’annuler l’article 2, sous c), de la décision attaquée en raison de l’insuffisance de motivation.

626    La Commission conteste les arguments des requérantes et estime qu’il lui était loisible d’adopter, dans le respect des formes et des procédures prévues à cet égard par le traité, la décision modificative afin de compléter les motifs de la décision attaquée, en explicitant davantage la méthodologie employée afin de déterminer le facteur de réduction, sans la modifier. Selon elle, la jurisprudence relative à l’impossibilité de régulariser la motivation défaillante d’une décision individuelle en cours de la procédure contentieuse n’est pas applicable en l’espèce. L’adoption de la décision modificative ayant ouvert la possibilité pour les requérantes d’adapter leur requête afin de contester la validité de la méthodologie en cause, leurs droits procéduraux auraient ainsi été sauvegardés et le Tribunal pourrait pleinement exercer son contrôle juridictionnel.

627    À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que son pouvoir d’adopter un acte déterminé doit nécessairement comporter le pouvoir de modifier cet acte, dans le respect des dispositions relatives à sa compétence ainsi que dans le respect des formes et des procédures prévues à cet égard par le traité (arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission, T‑91/10, EU:T:2014:1033, point 108), ce qui est admis par les requérantes.

628    Toutefois, force est de relever, à l’instar des requérantes, qu’il ressort explicitement du dispositif de la décision modificative, ainsi que de ses considérants 11 à 13, que celle-ci ne vise qu’à compléter les motifs de la décision attaquée, sans modifier le dispositif de cette décision, et que, dès lors, l’article 1er, sous c), et l’article 2, sous c), de celle-ci « restent en vigueur ».

629    Il ressort de ce qui précède que, en adoptant la décision modificative, la Commission n’a pas procédé à l’adoption d’une décision modifiant le dispositif de la décision attaquée, mais a uniquement complété la motivation prétendument sous-jacente au dispositif adopté dans la décision attaquée, ce qu’elle confirme, en substance, devant le Tribunal (voir point 626 ci-dessus).

630    Il s’ensuit que la décision modificative ne peut être considérée comme une décision nouvelle modifiant la décision attaquée au sens de la jurisprudence citée au point 627 ci-dessus, mais doit être assimilée à un complément de motivation apporté par la partie défenderesse dans le cadre de la procédure juridictionnelle. Or, selon une jurisprudence constante, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 149 ; du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 74, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 46).

631    Il n’existe ni un droit des institutions de l’Union de régulariser devant le juge de l’Union leurs décisions insuffisamment motivées ni une obligation de ce dernier de prendre en compte les explications complémentaires fournies seulement en cours d’instance par l’auteur de l’acte en cause pour apprécier le respect de l’obligation de motivation. Un semblable état du droit risquerait de brouiller la répartition des compétences entre l’administration et le juge de l’Union, d’affaiblir le contrôle de légalité et de compromettre l’exercice du droit de recours (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 58).

632    Des précisions apportées par l’auteur d’une décision attaquée, au cours de la procédure contentieuse, complétant une motivation déjà en elle-même suffisante ne relèvent pas à proprement parler du respect de l’obligation de motivation, même si elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge de l’Union, en ce qu’elles permettent à l’institution d’expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision. Ainsi, des explications additionnelles, allant au-delà des exigences de l’obligation de motivation, peuvent permettre aux entreprises de connaître en détail le mode de calcul de l’amende qui leur est infligée et, de façon plus générale, servir la transparence de l’action administrative et faciliter l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction en lui permettant d’apprécier, au-delà de la légalité de la décision attaquée, le caractère approprié de l’amende infligée. Cependant, cette faculté n’est pas de nature à modifier l’étendue des exigences découlant de l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, EU:C:2000:626, points 45 et 47).

633    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 621 ci-dessus, la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne la détermination du facteur de réduction. La Commission n’a fait valoir l’existence d’aucune circonstance visant à démontrer qu’elle se serait trouvée dans l’impossibilité pratique de motiver à suffisance de droit la décision attaquée et permettant d’accepter, à titre exceptionnel, un complément de la motivation apporté au cours de la procédure juridictionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 59). Partant, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner la question de savoir si la méthodologie explicitée de manière plus détaillée dans la décision modificative était bien celle sous-jacente à la décision attaquée et, par conséquent, d’adopter la mesure d’instruction proposée par la Commission, il convient de considérer que, en application de la jurisprudence citée aux points 630 à 632 ci-dessus, le complément de motivation de la décision attaquée apporté par la Commission en cours d’instance ne saurait être accepté.

634    Dans ces circonstances, conformément aux conclusions des requérantes et en faisant droit aux griefs avancés dans le cadre du premier moyen du mémoire en adaptation, il y a lieu d’écarter la motivation complémentaire apportée par la décision modificative en cours d’instance sans qu’il y soit besoin d’examiner les autres demandes, griefs et moyens avancés par les requérantes dans le cadre de ce mémoire ou d’adopter la mesure d’organisation de la procédure qu’elles ont proposée, celle-ci se rapportant au bien-fondé des affirmations dans la décision modificative concernant la détermination du facteur de réduction.

635    Il ressort de tout ce qui précède que le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du facteur de réduction est fondé.

b)      Sur la deuxième branche du sixième moyen, tirée de la violation du principe dégalité de traitement en raison de la méthode de calcul de la valeur des ventes

636    Les requérantes soutiennent que, en acceptant que les parties calculent les recettes en numéraire en suivant des méthodes hétérogènes, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement à l’égard de JP Morgan sans aucune justification objective.

637    La Commission réfute les arguments des requérantes et conteste avoir procédé en violation du principe d’égalité de traitement. 

638    À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la Charte. Selon une jurisprudence constante, ledit principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 186 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 132 et 166).

639    Toutefois, la violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées soient comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (voir arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 187 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 167).

640    Il résulte d’une jurisprudence constante que, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ne saurait être opéré, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à une même infraction à l’article 101 TFUE (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 62 et jurisprudence citée).

641    Le principe d’égalité de traitement doit être respecté dans le cadre d’une procédure hybride, dans la mesure où, quand bien même celle-ci implique l’adoption de deux décisions ayant des destinataires différents et à la suite de deux procédures distinctes, il s’agit de participants à une seule et même entente (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, point 72 et jurisprudence citée).

642    Les lignes directrices pour le calcul des amendes restent pleinement applicables dans ce contexte. Il en résulte que, lors de la détermination du montant de l’amende, la Commission ne saurait opérer une discrimination entre les parties à une même entente en ce qui concerne les éléments et les méthodes de calcul qui ne sont pas affectés par les spécificités inhérentes à la procédure de transaction, telle que l’application d’une réduction de 10 % pour transaction conformément au point 32 de la communication de la Commission relative aux procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement no 1/2003 (JO 2008, C 167, p. 1) (voir arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, point 74 et jurisprudence citée).

643    Il convient d’examiner, tout d’abord, l’existence des divergences méthodologiques alléguées par les requérantes, puis, le cas échéant, si celles-ci ont eu pour conséquence que la Commission a, en l’espèce, violé le principe d’égalité de traitement.

1)      Sur les différences d’approches méthodologiques entre les banques concernées

644    Les divergences d’approches dans les calculs des recettes en numéraire par les banques concernées portent, selon les requérantes, sur, premièrement, les méthodologies suivies s’agissant de l’étendue de la compensation (« netting ») entre flux positifs et négatifs, deuxièmement, l’étendue des flux pris en compte, notamment par la banque A, et, troisièmement, le champ des produits retenus en ce qui concerne l’exclusion par certaines banques des produits « exotiques » et des produits « hybrides ».

645    À cet égard, à titre liminaire, il y a lieu de relever que, en application de la jurisprudence rappelée aux points 640 et 641 ci‑dessus, le respect par la Commission du principe d’égalité de traitement à l’égard de JP Morgan doit être examiné au regard du traitement réservé à l’ensemble des parties à l’entente, y compris, le cas échéant, aux destinataires de la décision de transaction, à savoir Barclays, Deutsche Bank, Société générale et RBS.

646    Premièrement, s’agissant de la différence relative à l’étendue des compensations (netting) entre les flux payés et reçus, il convient de relever qu’il ressort de la décision attaquée que, en ce qui concerne les flux relatifs aux produits OTC, JP Morgan a procédé à la compensation quotidienne (considérant 692 de la décision attaquée). Les requérantes soutiennent qu’une autre banque, à savoir la banque D, a suivi une autre méthode de compensation en ce qu’elle a procédé à une compensation de l’ensemble des flux attachés à ses contrats EIRD sur toute leur durée (compensation des flux attachés aux opérations par contrat).

647    À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission au considérant 692 de la décision attaquée, que la banque D a suivi la méthode de compensation quotidienne. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, dans la note méthodologique accompagnant la réponse de la banque D à la demande de renseignements du 12 octobre 2012, il est indiqué, s’agissant des produits OTC, pertinents en l’espèce, que « pour la plupart des produits » l’approche suivie en ce qui concerne la compensation « reflète la convention du marché ». Or, les requérantes ne contestent pas que la compensation quotidienne, suivie également par JP Morgan, est une convention du marché. Par ailleurs, il convient de relever qu’il ressort du considérant 704 de la décision attaquée que, en réponse à une question posée par JP Morgan, la Commission a confirmé que la compensation devrait être quotidienne.

648    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas démontré une différence dans la méthodologie suivie, d’une part, par JP Morgan et, d’autre part, par la banque D, en ce qui concerne les méthodes de compensation des flux relatifs aux produits OTC.

649    En revanche, c’est à juste titre que les requérantes mettent en avant que la Commission admet l’existence, dans les méthodes de calcul des recettes en numéraire employées, d’une part, notamment, par JP Morgan et, d’autre part, par la banque B, de divergences concernant l’étendue des compensations (netting) entre les flux payés et reçus sur les opérations, mais qu’elle soutient que l’incidence de ces divergences sur le résultat des calculs n’a pas été significative. À cet égard, elle a estimé, au considérant 702 de la décision attaquée, en s’appuyant sur les affirmations de la banque B, qui seraient confirmées par les données soumises en [confidentiel] (2) par la banque C, que la comparaison entre la compensation quotidienne et la compensation mensuelle montrait une différence qui serait, selon elle, négligeable.

650    Deuxièmement, s’agissant de la différence alléguée en ce qui concerne l’étendue des flux pris en compte, il ressort des considérants 684 et 685 de la décision attaquée que, contrairement aux autres banques concernées, la banque A n’a pas pris en compte, lors du calcul de ses recettes en numéraire, les flux découlant de la « jambe » fixe des swaps s’agissant d’un swap comprenant à la fois une jambe fixe et une jambe variable.

651    Tout en admettant ce fait, la Commission a considéré qu’une telle divergence n’avait pas entraîné d’écarts significatifs dans le calcul des recettes en numéraire, ni causé une inégalité de traitement (considérants 684 et 685 de la décision attaquée). Elle a ainsi relevé que, d’après ses propres calculs effectués en prenant en compte la réponse de la banque A à la demande de renseignements, l’incidence de la méthode que celle-ci a utilisée en ce qui concerne l’exclusion de la jambe fixe serait d’environ 0,1 % sur la valeur de remplacement annualisée utilisée pour la valeur des ventes. La Commission a considéré que cette possible incidence de 0,1 % était négligeable.

652    Troisièmement, s’agissant des divergences dans le champ des produits retenus, les requérantes font valoir que certaines banques, notamment, la banque A, ont exclu de leurs calculs des recettes en numéraire les produits « exotiques ». Par ailleurs, JP Morgan aurait également inclus les produits « hybrides », à savoir les produits dérivés « exotiques » couvrant un panier de risques liés ou non aux taux d’intérêt (voir considérant 695 de la décision attaquée). La Commission aurait précisé pour la première fois dans la décision attaquée que les produits « hybrides » se trouvaient en dehors du champs d’application de la demande de renseignements, ce qui démontrerait la définition vague des EIRD concernés par cette demande.

653    À cet égard, d’une part, la Commission fait valoir que la demande de renseignements ne limitait pas les produits pour lesquels les données devaient être soumises aux seuls produits « vanilla » (classiques), de sorte que l’inclusion des produits « exotiques » (complexes) doit être considérée comme étant conforme à celle-ci. Elle indique que JP Morgan n’était pas la seule à inclure ces produits. Il en aurait été de même notamment pour la banque A, qui aurait toutefois limité cette inclusion aux produits « exotiques » pour lesquels elle disposait de données fiables (considérant 694 de la décision attaquée).

654    Ainsi qu’il ressort du considérant 694 de la décision attaquée, la Commission admet que l’approche suivie, notamment, par la banque A en ce qui concerne la prise en compte des produits « exotiques » diffère de celle suivie, notamment, par JP Morgan, en ce que la première a exclu de ses calculs, dans un souci de ne pas retarder la présentation de la réponse à la demande de renseignements, les produits « exotiques » pour lesquelles elle ne pouvait pas obtenir des données demandées « rapidement » ou dans un délai « proportionné ». Il ressort également dudit considérant que la Commission semble avoir accepté l’assertion de la part de la banque A, selon laquelle « le nombre et la valeur des transactions exotiques potentiellement pertinentes [étaient] négligeables au regard de la position de négociation globale ».

655    D’autre part, s’agissant de l’inclusion par JP Morgan des produits « hybrides » dans le calcul de ses recettes en numéraire, il convient de rejeter l’argument des requérantes portant sur le caractère vague de la demande de renseignements. En effet, ainsi que l’a relevé, en substance, la Commission au considérant 695 de la décision attaquée, la demande de renseignements a défini les produits EIRD comme des « contrats de produits dérivés de taux d’intérêts (au moins partiellement) libellé en euro ». Ainsi, JP Morgan, en tant que professionnel du secteur, aurait dû comprendre cette demande comme excluant les produits « hybrides », lesquels, conformément à la définition apportée par la Commission audit considérant de la décision attaquée, non contestée par les requérantes, couvrent les produits dérivés « exotiques » couvrant un panier de risque en même temps liés et non liés aux taux d’intérêt. En tout état de cause, rien n’empêchait les requérantes d’adresser à la Commission une question visant à clarifier ce point.

656    Dans ces circonstances, il convient de conclure que les requérantes n’ont pas démontré qu’une éventuelle différence dans la méthodologie de calcul des recettes en numéraire de JP Morgan résultant de l’inclusion des produits « hybrides » était imputable à la Commission.

657    Il résulte des points 649 à 654 ci-dessus que, comme le soutiennent à bon droit les requérantes, la détermination par les banques des recettes en numéraire a donné lieu, dans certains cas, à des approches différentes en ce qui concerne la méthode de compensation appliquée, l’étendue des flux pris en compte et l’étendue des produits, en ce que certaines banques ont exclu, à tout le moins partiellement, les produits « exotiques ».

658    Il convient donc d’examiner si, en acceptant, aux fins de la détermination de l’assiette pour le calcul des amendes, les données relatives aux recettes en numéraire déterminées par les banques selon des méthodologies présentant les divergences mentionnées au point 657 ci-dessus, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement.

2)      Sur le respect du principe d’égalité de traitement dans le calcul du montant de l’amende

659    Les requérantes soutiennent, en substance, qu’une acceptation par la Commission des données relatives aux recettes en numéraire calculées selon les méthodologies présentant les divergences qu’elles ont mises en avant a abouti à un traitement discriminatoire de JP Morgan sans aucune justification objective. La Commission aurait ainsi violé le principe d’égalité de traitement en ce que, sans avoir vérifié la cohérence des méthodologies appliquées par les différentes banques, elle a déterminé les montants des amendes en prenant en compte les données qui n’étaient pas suffisamment fiables et cohérentes pour constituer une base de calcul des amendes. Les requérantes soutiennent ne pas considérer que les autres parties ont été traitées de manière illicite, mais que JP Morgan aurait dû pouvoir appliquer la méthode la plus favorable pour calculer la valeur des ventes.

660    À cet égard, il convient de relever que les arguments des requérantes ne permettent pas de démontrer que, en l’espèce, l’application par les banques de méthodologies différentes pour calculer leurs recettes en numéraire, acceptées par la Commission, a conduit cette dernière à retenir des données non comparables d’une banque à l’autre et ainsi à déterminer le montant de l’amende à l’égard de JP Morgan en violation du principe d’égalité de traitement.

661    En effet, il convient de rappeler que, selon la Commission, l’existence des divergences concernant, premièrement, l’étendue des compensations (netting) entre les flux payés et reçus sur les opérations, deuxièmement, l’étendue des flux pris en compte par la banque A, en ce que celle-ci a exclu de ses calculs la jambe fixe d’un contrat swap lorsque celui-ci comportait à la fois une jambe fixe et une jambe variable et, troisièmement, l’exclusion des produits « exotiques » n’avaient qu’une incidence négligeable sur le résultat des calculs des recettes en numéraire et ainsi sur la détermination de la valeur des ventes (voir points 649, 651 et 654 ci-dessus).

662    Les requérantes font valoir que le caractère négligeable de l’incidence des divergences méthodologiques sur le niveau des recettes en numéraire de certaines banques n’est pas de nature à exclure l’existence d’un traitement inégal à l’égard de JP Morgan dans la mesure où la Commission n’a pas déterminé l’incidence de ces divergences pour chaque banque. En outre, elles estiment que l’application des méthodes suivies par les autres banques sur les trois éléments mentionnés au point 661 ci-dessus aurait abouti à une valeur des ventes de JP Morgan réduite de 9,4 % à 10,9 % par rapport à celle retenue par la Commission, ce qui ne serait pas négligeable.

663    À cet égard, il convient de relever, premièrement, que la Commission a accepté les données révisées de JP Morgan, déposées au cours de la procédure administrative, dans lesquelles une erreur concernant la compensation avait été corrigée, ce qui a eu pour effet de réduire d’environ de moitié sa valeur des ventes (considérant 680 de la décision attaquée). La Commission a ainsi calculé l’amende de JP Morgan à partir de ces nouveaux chiffres.

664    Deuxièmement, pour autant que JP Morgan fait valoir qu’elle aurait dû pouvoir calculer ses recettes en numéraire selon la méthode la plus favorable, à savoir selon la méthode suivie par la banque A, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas que la méthodologie appliquée par la banque A n’est pas conforme à la demande de renseignements. Or, bien qu’elles soulignent ne pas soutenir que le traitement suivi à l’égard de la banque A était illicite, cet argument revient en réalité à exiger de la Commission d’appliquer aux requérantes une méthodologie qui n’était pourtant pas conforme à la demande de renseignements. À cet égard, il suffit de relever que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, en vertu duquel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 58 et jurisprudence citée).

665    Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de retenir que, afin d’assurer le respect du principe d’égalité de traitement, la Commission aurait dû réduire la valeur des ventes de JP Morgan de 9,4 %, ce niveau de réduction ayant été calculé par les requérantes en suivant la méthodologie de la banque A.

666    Les requérantes font également valoir que l’exclusion des produits « exotiques » et « hybrides » devrait conduire à une réduction de 1,5 % de la valeur des ventes de JP Morgan. Toutefois, d’une part, ainsi qu’il ressort des points 655 et 656 ci-dessus, l’inclusion par JP Morgan des produits « hybrides » dans le calcul des recettes en numéraire n’est pas le résultat de l’acceptation par la Commission des méthodologies divergentes de calcul adoptées par les banques concernées, mais d’une erreur commise par les requérantes. Dans ces circonstances, l’inégalité de traitement pouvant éventuellement résulter de l’inclusion par JP Morgan des produits « hybrides » dans le calcul des recettes en numéraire n’est pas imputable à la Commission.

667    D’autre part, il convient de relever que les requérantes ne présentent aucun argument visant à contester les explications de la banque A, ressortant du considérant 694 de la décision attaquée, quant à l’incidence négligeable de l’exclusion par celle-ci de ses calculs des produits « exotiques ». En outre, s’agissant de l’incidence sur le calcul des recettes en numéraire de JP Morgan, les requérantes ne précisent pas le pourcentage de réduction qu’elles proposent de retenir en raison de l’exclusion des seuls produits « exotiques ». Les requérantes ne démontrent donc pas que l’exclusion des produits « exotiques » aurait eu une incidence sur le résultat des calculs des recettes en numéraire de JP Morgan et ainsi sur la détermination de la valeur des ventes qui ne serait pas négligeable.

668    Troisièmement, les requérantes estiment que la conclusion de la Commission figurant au considérant 702 de la décision attaquée, selon laquelle le fait pour les banques de suivre des méthodes de compensation différentes n’a pas entraîné d’écarts significatifs ni causé d’inégalité de traitement, est contredit par le fait que l’amende de Société générale a été réduite de moitié dans le cadre de la décision rectificative.

669    Toutefois, d’une part, il ressort du considérant 703 de la décision attaquée que la Commission a adopté une décision modifiant la décision de transaction en ce qui concernait Société générale lorsque celle-ci l’a informée qu’elle n’avait pas procédé à la compensation pour une partie substantielle de ses transactions, et non parce qu’elle aurait révisé ses données en appliquant une autre méthode de compensation. D’autre part, il ressort du considérant 702 de la décision attaquée que les résultats des calculs suivant les deux approches (à savoir la compensation quotidienne et la compensation mensuelle), effectués par la banque C, montrent une différence d’environ 0,4 %. Les requérantes ne contestent pas le caractère négligeable d’une telle différence.

670    Il convient donc de conclure que les requérantes ne démontrent pas que c’est à tort que la Commission a retenu que les divergences dans les méthodologies appliquées par les banques pour calculer leurs recettes en numéraire avaient abouti à des divergences dans les données soumises qui sont négligeables. Or, de telles divergences négligeables ne sont pas de nature à conduire à une violation du principe d’égalité de traitement en ce qu’elles n’aboutissent pas à retenir des valeurs non comparables pour calculer le montant des amendes.

671    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas démontré que, en l’espèce, l’acceptation par la Commission des données calculées selon des méthodologies divergentes a conduit cette dernière à retenir des données relatives aux recettes en numéraire non comparables et ainsi à calculer l’amende de JP Morgan en violation du principe d’égalité de traitement à son égard. Ce grief doit dès lors être rejeté et, partant, la deuxième branche du sixième moyen.

c)      Sur la première branche du sixième moyen, tirée de la prise en compte insuffisante du rôle « périphérique » joué par JP Morgan dans l’infraction

672    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte, dans le calcul de l’amende imposée à JP Morgan et notamment dans la détermination de la réduction au titre des circonstances atténuantes, du facteur de gravité et du « droit d’entrée », du rôle « périphérique » et mineur que celle-ci a joué dans l’infraction. La Commission aurait ainsi imposé une amende disproportionnée et contraire aux principes d’égalité de traitement et d’individualisation des peines. La Commission aurait ainsi omis de tenir compte de plusieurs circonstances de nature à différencier, en substance, l’intensité et la nature de l’implication de JP Morgan dans l’infraction par rapport aux principaux acteurs.

673    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs et conclut à leur rejet.

674    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 15 juillet 2015, Trafilerie Meridionali/Commission, T‑422/10, EU:T:2015:512, point 373).

675    Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application de ce principe implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est‑à‑dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci. En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer le montant de l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt du 15 juillet 2015, Trafilerie Meridionali/Commission, T‑422/10, EU:T:2015:512, point 374 et jurisprudence citée).

676    Pour la détermination du montant des amendes, il y a lieu de tenir compte de la durée des infractions et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celles-ci, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour l’Union (voir arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 56 et jurisprudence citée, et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 196 et 198 et jurisprudence citée).

677    En outre, lors de la détermination du montant de l’amende, des éléments objectifs tels que le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie par l’ordre public économique doivent être pris en compte. L’analyse doit également prendre en considération l’importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu’une éventuelle récidive (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 57 et jurisprudence citée).

678    Dans un souci de transparence, la Commission a adopté les lignes directrices pour le calcul des amendes, dans lesquelles elle indique à quel titre elle prendra en considération telle ou telle circonstance de l’infraction et les conséquences qui pourront en être tirées sur le montant de l’amende.

679    À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que c’est à bon droit que la Commission a rappelé, au considérant 723 de la décision attaquée, qu’elle pouvait tenir compte de la gravité relative de la participation d’une entreprise à une infraction et des circonstances particulières de l’affaire soit lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction au sens de l’article 23 du règlement no 1/2003, soit lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 199 et jurisprudence citée). Tel est, notamment, le cas pour l’appréciation de la gravité de la participation à une infraction unique et continue commise par plusieurs entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 103).

680    Ensuite, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il convient, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d’examiner la gravité relative de la participation de chacune d’entre elles, ce qui implique, en particulier, d’établir leurs rôles respectifs dans l’infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci. Cette conclusion constitue la conséquence logique du principe d’individualité des peines et des sanctions en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de concurrence du droit de l’Union (voir arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, points 277 et 278 et jurisprudence citée).

681    Conformément à ces principes, le paragraphe 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances atténuantes, qui sont propres à chaque entreprise concernée. Ce paragraphe établit, en particulier, une liste non exhaustive des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte. En particulier, conformément au paragraphe 29, deuxième et troisième tirets, des lignes directrices, le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence ou que sa participation était substantiellement réduite.

682    En l’espèce, la Commission a tenu compte du rôle individuel joué par JP Morgan dans l’infraction unique et continue au titre de circonstances atténuantes en réduisant le montant de base de l’amende qui lui a été infligée de 10 % (considérants 763 et 764 de la décision attaquée). Elle a considéré que l’intensité de la participation de JP Morgan aux accords collusoires était plus faible que celle des acteurs principaux, à savoir la banque D, la banque A et la banque C (considérants 117 à 120 de la décision attaquée).

683    Dans ces circonstances, la Commission n’était pas tenue de refléter l’intensité moindre de la participation de JP Morgan à l’infraction par rapport à celle des acteurs principaux également dans la détermination du facteur de gravité ou du « droit d’entrée ». Cela semble d’ailleurs être admis par les requérantes lorsqu’elles estiment que le rôle « périphérique » de JP Morgan dans l’infraction justifie la réduction du montant de l’amende soit au titre des circonstances atténuantes, soit lors de la détermination du facteur de gravité ou du « droit d’entrée ».

684    Toutefois, les requérantes font valoir que la réduction de 10 % du montant de base de l’amende au titre des circonstances atténuantes ne reflète pas suffisamment le rôle « périphérique » joué par JP Morgan dans l’infraction.

685    À cet égard, il convient de relever qu’aucune des circonstances visant à démontrer le rôle « périphérique » qu’aurait joué JP Morgan dans l’infraction n’est susceptible d’établir que JP Morgan aurait dû bénéficier d’une réduction plus importante au titre des circonstances atténuantes.

686    Premièrement, les requérantes soutiennent que le trader de JP Morgan n’a pas cherché à influencer les contributions de sa banque au panel Euribor à la suite d’un contact avec un autre trader. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 281 ci-dessus, en indiquant, lors des échanges des 27 et 28 septembre 2006, qu’il allait « vérifier » la soumission de sa banque, le trader de JP Morgan a accepté de solliciter auprès de la trésorerie de sa banque une soumission aux contributions de l’Euribor dans le sens des préférences du trader de Deutsche Bank. En outre, les éléments de preuve retenus par la Commission, pris en tant que faisceau d’indices, rendent également plausible le fait que le trader de JP Morgan a donné suite aux discussions avec le trader de Deutsche Bank quant au niveau souhaité du taux Euribor en établissant des contacts avec les responsables des soumissions de sa banque et a ainsi mis en œuvre des échanges collusoires (voir points 302 à 305 ci-dessus). Les arguments des requérantes ne sont pas suffisants pour remettre en cause ce faisceau d’indices et ne sauraient donc prospérer.

687    Deuxièmement, c’est également à tort que les requérantes s’appuient sur une prétendue thèse de la Commission selon laquelle JP Morgan n’aurait participé à des échanges anticoncurrentiels qu’avec une seule partie, à savoir avec Deutsche Bank. En effet,  cette lecture de la décision attaquée est erronée dans la mesure où la Commission a retenu que le trader de JP Morgan avait participé, le 25 octobre 2006, à un échange avec le trader de Barclays et a considéré, aux considérants 358 et 487 de la décision attaquée, que cet échange s’inscrivait dans les comportements infractionnels retenus à l’encontre de JP Morgan (voir point 158 ci-dessus). Par ailleurs, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, compte tenu de la nature et de la structure de l’entente et des échanges anticoncurrentiels, il n’était pas nécessaire que les requérantes participent à des contacts bilatéraux avec l’ensemble des autres banques impliquées pour contribuer à l’objectif commun. Partant, le fait que le trader de JP Morgan a entretenu la majorité des échanges avec le trader de Deutsche Bank ne permet pas de justifier une réduction supplémentaire de l’amende.

688    Troisièmement, les requérantes invoquent le caractère moins fréquent et moins explicite des communications impliquant le trader de JP Morgan, lesquelles contrasteraient avec des communications impliquant Société générale, HSBC et Crédit agricole faisant explicitement référence à l’intention de manipuler l’Euribor.

689    À cet égard, il convient de relever que la Commission a tenu compte, dans l’appréciation de la réduction accordée à JP Morgan au titre des circonstances atténuantes, du rôle plus actif joué par les traders de de la banque D et de la banque A dans l’entente.

690    En revanche, le caractère explicite ou non d’un échange ne saurait avoir d’incidence sur la nature ou la gravité d’une infraction qui permettrait de justifier une réduction de l’amende dans la mesure où le caractère infractionnel d’un tel échange est établi, ce qui est le cas en l’espèce s’agissant des échanges rappelés au point 273 ci-dessus.

691    Quatrièmement, les requérantes font valoir que la Commission a retenu que le trader de JP Morgan avait seulement pu raisonnablement prévoir le comportement des autres banques participant à l’infraction unique et continue.

692    À cet égard, il convient de relever  que, contrairement à ce qui ressort implicitement, mais nécessairement, de cet argument, il n’y a pas lieu de reconnaître, pour les besoins de l’appréciation de la gravité d’une participation individuelle des parties à l’entente, plusieurs « niveaux » de connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs. En effet, conformément à la jurisprudence constante rappelée aux points 442 à 444 ci-dessus, il suffit qu’une entreprise ait pu raisonnablement prévoir des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs et soit prête à en accepter le risque pour que la Commission puisse imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par la suite, de celle‑ci dans son ensemble. Or, ainsi qu’il ressort de l’examen du quatrième moyen, cette condition est remplie en l’espèce s’agissant de JP Morgan.

693    Enfin, les requérantes soutiennent que la Commission n’aurait pas démontré que JP Morgan avait bénéficié significativement de l’infraction, ou cherché à en bénéficier, y compris à la date IMM de mars 2007. À cet égard, il convient de relever, d’une part,  que la participation du trader de JP Morgan aux pratiques en cause n’était pas moins grave du fait que les autres traders en ont davantage bénéficié. En effet, ainsi que le relève, en substance, la Commission, en participant à l’entente de manière ininterrompue et en ne se distanciant pas publiquement des comportements collusoires, les requérantes ont également incité d’autres entreprises à se comporter d’une manière nuisible à la concurrence, de sorte que leur comportement n’était pas moins grave du seul fait qu’elles auraient bénéficié de manière moindre des pratiques en cause, à supposer que tel soit le cas.

694    D’autre part, et en tout état de cause, il ressort des points 285, 287 et 288 ci-dessus que le trader de JP Morgan a bénéficié de la collusion et a évité une perte, laquelle, s’agissant du fixing du 19 mars 2007, aurait pu même être considérable, en modifiant sa position de trading en prévision du fixing du 18 décembre 2006 et sur les contrats à terme pour mars 2007.

695    Eu égard à ce qui précède, les arguments des requérantes visant à contester, au regard du respect du principe de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des sanctions, le taux de réduction de 10 % retenu par la Commission au titre des circonstances atténuantes ne sauraient prospérer.

696    Enfin, ainsi qu’il ressort du point 317 ci-dessus, la Commission a, à tort, retenu la participation de JP Morgan aux comportements anticoncurrentiels au titre de l’échange du 10 octobre 2006. Toutefois, cette erreur commise par la Commission à l’égard d’un seul échange retenu à l’encontre de JP Morgan n’a pas d’incidence sur l’intensité de sa participation à l’infraction unique et continue. En effet, JP Morgan a participé à cette infraction pendant une période d’environ cinq mois et demi, à savoir du 27 septembre 2006 au 19 mars 2007. Pendant cette période, elle a participé aux échanges anticoncurrentiels les 27, 28 et 29 septembre 2006, les 2, 6, 25 et 26 octobre 2006, les 8, 13 et 24 novembre 2006, le 18 décembre 2006, les 4 et 8 janvier 2007, le 6 février 2007 ainsi que les 14, 16 et 19 mars 2007. Il s’ensuit que, même sans la prise en compte de l’échange du 10 octobre 2006, à l’égard duquel la Commission ne pouvait pas retenir la participation de JP Morgan aux comportements anticoncurrentiels, les échanges à l’égard desquels sa participation à de tels comportements a été confirmée se caractérisent par une fréquence et une régularité particulières. Ainsi, par exemple, au cours du mois d’octobre 2006, JP Morgan a participé aux échanges anticoncurrentiels à quatre dates différentes. Partant, il ne saurait être considéré que le taux de réduction appliqué par la Commission au titre des circonstances atténuantes n’était pas en adéquation avec l’infraction commise, et ce en dépit de l’erreur concernant l’échange du 10 octobre 2006.

697    Il s’ensuit que la première branche du sixième moyen doit être rejetée comme non fondée. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 635 ci-dessus, le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du facteur de réduction, soulevé dans le cadre de la troisième branche du sixième moyen, est fondé, de sorte qu’il y a lieu d’annuler l’article 2, sous c), de la décision attaquée pour autant qu’il concerne les requérantes.

2.      Sur la demande de réduction du montant de l’amende imposée

698    Les requérantes demandent au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée dans la décision attaquée et, ainsi, en substance, d’exercer sa compétence de pleine juridiction.

699    À cet égard, il convient de rappeler que, alors que, selon la jurisprudence de la Cour, la compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003 conformément à l’article 261 TFUE, habilite le juge, au-delà du simple contrôle de la légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée, l’exercice de cette compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et la procédure demeure contradictoire. C’est à la partie requérante qu’il appartient, en principe, de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 193 et 194 et jurisprudence citée).

700    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 567 et 568 ci-dessus, la compétence de pleine juridiction dont dispose le Tribunal sur le fondement de l’article 31 du règlement no 1/2003 concerne la seule appréciation par celui-ci de l’amende infligée par la Commission, à l’exclusion de toute modification des éléments constitutifs de l’infraction légalement constatée par la Commission dans la décision dont le Tribunal est saisi.

701    L’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans qu’il soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices, même si ces dernières peuvent guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent leur compétence de pleine juridiction (voir arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90 et jurisprudence citée).

702    Il convient également de relever que, par nature, la fixation d’une amende par le Tribunal n’est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, lorsqu’il statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce (voir arrêt du 15 juillet 2015, Trafilerie Meridionali/Commission, T‑422/10, EU:T:2015:512, point 398 et jurisprudence citée).

703    Dans le cadre de son obligation de motivation, il incombe au Tribunal d’exposer de manière détaillée les facteurs dont il tient compte en fixant le montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2016, Trafilerie Meridionali/Commission, C‑519/15 P, EU:C:2016:682, point 52).

704    En l’espèce, afin de déterminer le montant de l’amende visant à sanctionner le comportement infractionnel de JP Morgan, tel qu’il résulte de l’examen des cinq premiers moyens, il y a lieu de tenir compte des circonstances suivantes.

705    En premier lieu, s’agissant de la gravité et de la durée de l’infraction, il convient de relever ce qui suit.

706    Premièrement, il s’avère opportun d’utiliser la méthodologie qui, comme celle suivie en l’espèce par la Commission, identifie dans un premier temps un montant de base de l’amende, susceptible, dans un second temps, d’être ajusté en fonction des circonstances propres à l’affaire.

707    Tout d’abord, s’agissant de la valeur des ventes en tant que donnée initiale, il convient de prendre en compte, en tant que valeur de remplacement pour celle-ci, les recettes en numéraire réduites. En effet, ainsi qu’il ressort de l’examen de la troisième branche du sixième moyen, la valeur des recettes en numéraire réduites est susceptible, en l’espèce, de donner une base de départ appropriée pour déterminer le montant de l’amende, dans la mesure où cette valeur reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de l’entreprise dans l’infraction.

708    À cet égard, il a, certes, été constaté, dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du sixième moyen (voir point 657 ci-dessus), que la détermination par les banques des recettes en numéraire avait donné lieu, dans certains cas, à des approches différentes. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 671 ci-dessus, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne résulte de ces divergences.

709    En outre, le Tribunal estime qu’une autre méthodologie de calcul des recettes en numéraire, notamment telle que celles suivies par certaines banques pour répondre à la demande de renseignements du 12 octobre 2012, ne serait pas plus appropriée pour établir les recettes en numéraire. En effet, une méthodologie impliquant l’exclusion des jambes fixes des contrats ayant à la fois des jambes fixes et des jambes variables, l’exclusion des produits « exotiques » ou l’application d’une compensation mensuelle plutôt que journalière, n’est pas plus appropriée pour déterminer, en l’espèce, la valeur des ventes en relation avec l’infraction sanctionnée et refléter ainsi de manière adéquate la réalité et l’ampleur économique de celle-ci ainsi que la position des entreprises dans cette infraction. En effet, premièrement, s’agissant des contrats EIRD disposant à la fois d’une jambe fixe et d’une jambe variable, le flux de trésorerie reflète l’écart entre le taux fixe et le taux variable à la date de fixing, ainsi qu’il ressort du point 39 ci-dessus. Le Tribunal estime qu’il n’existe aucun motif pour exclure en particulier les flux découlant de l’une des deux « jambes » de tels EIRD. Deuxièmement, rien ne justifie d’exclure les produits « exotiques » des calculs des recettes en numéraire, alors que ceux-ci font également partie du marché pertinent des EIRD. Troisièmement, alors que la compensation journalière est la norme du marché, aucune circonstance particulière propre à la présente affaire ne justifie de s’en écarter.

710    Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal décide de prendre en considération, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende, la valeur des recettes en numéraire de JP Morgan retenue par la Commission dans la décision attaquée.

711    Ensuite, il importe de relever qu’il est constant entre les parties que le fait de retenir, en tant qu’assiette pour le calcul de l’amende, les seules recettes en numéraire aboutirait à l’imposition d’une amende trop dissuasive. Les parties s’accordent donc sur le fait qu’il est nécessaire de réduire ces recettes en numéraire par l’application d’un facteur de réduction.

712    Dans la décision attaquée, la Commission a appliqué un facteur de réduction uniforme fixé à 98,849 %.

713    S’agissant de la détermination de ce facteur de réduction, il convient de relever que celui-ci est le résultat d’un exercice complexe qui reflète plusieurs éléments, notamment la compensation inhérente à la négociation des produits dérivés en général ainsi que les spécificités de la compensation de ces produits et, plus particulièrement, des EIRD. Il s’agit donc d’une approximation d’une valeur construite. Ainsi, par définition, il n’existe pas un seul facteur de réduction possible.

714    Les requérantes proposent un facteur de réduction alternatif de 99,91 % sans toutefois préciser les motifs pour lesquels un taux de réduction fixé à ce niveau serait plus approprié que celui retenu par la Commission. Elles se bornent à soutenir que l’application de la valeur AFR des EIRD au cours de la période pertinente « suggérerait » un taux de réduction « approprié » de 99,91 %. Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 588 à 593 ci-dessus, l’approche proposée par les requérantes pour calculer, en l’espèce, une valeur de remplacement pour la valeur des ventes, fondée sur AFR, ne saurait être privilégiée dans la mesure où elle n’est pas à même de mieux refléter l’importance économique de l’infraction que l’approche de la Commission fondée sur les recettes en numéraire réduites.

715    En tout état de cause, le Tribunal considère que l’application d’un tel facteur de réduction alternatif particulièrement élevé, voire excessif, risquerait de vider la sanction de son sens en la rendant négligeable et en portant de la sorte atteinte à la nécessité d’assurer le caractère suffisamment dissuasif de l’amende. L’application d’un facteur de réduction alternatif de 99,91 % préconisé par les requérantes conduirait donc à imposer une amende qui ne refléterait ni l’importance économique de l’infraction, ni le poids relatif de JP Morgan dans celle-ci.

716    Dans la réplique, les requérantes avancent qu’un autre taux de réduction doit être appliqué aux recettes en numéraire de JP Morgan afin de refléter son poids sur le marché. Elles ne proposent toutefois aucun autre taux qui serait plus approprié et qui, en même temps, permettrait d’imposer une amende qui refléterait l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de JP Morgan dans celle-ci en assurant le caractère dissuasif de l’amende.

717    En tout état de cause, d’une part, il est constant entre les parties que le facteur de réduction s’élève à tout le moins à 98,849 %. D’autre part, le Tribunal rappelle que la fixation d’une amende dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction n’est pas un exercice arithmétique précis.

718    Deuxièmement, s’agissant de la gravité de l’infraction, le Tribunal estime approprié de prendre en considération la nature de l’infraction, l’étendue géographique de celle-ci ainsi que la mise en œuvre ou non de l’infraction.

719    S’agissant de la nature de l’infraction, dans la mesure où les comportements en cause portaient sur les facteurs pertinents pour la détermination des prix des EIRD, ils comptent de par leur nature parmi les restrictions de concurrence les plus graves. En outre, il importe de souligner que les pratiques en cause sont particulièrement graves et nocives dans la mesure où elles sont susceptibles non seulement de fausser la concurrence sur le marché des produits EIRD, mais aussi, plus largement, de compromettre la confiance dans le système bancaire et les marchés financiers dans leur ensemble ainsi que leur crédibilité.

720    En effet, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 721 de la décision attaquée, sans que ces éléments soient contestés par les requérantes, les indices de référence concernés reflétés dans la tarification des EIRD s’appliquent à tous les participants au marché des EIRD. En outre, ces taux étant fondés sur l’euro, ils revêtent une importance capitale pour l’harmonisation des conditions financières dans le marché intérieur et pour les activités bancaires dans les États membres.

721    S’agissant de l’étendue géographique de l’infraction, ainsi qu’il ressort des considérants 47 et 721 de la décision attaquée, l’entente couvrait à tout le moins l’ensemble de l’EEE, de sorte que les comportements en cause étaient susceptibles d’avoir une incidence sur les activités bancaires dans l’ensemble des États membres.

722    Il convient également de tenir compte du fait que le faisceau d’indices dont dispose le Tribunal rend à tout le moins plausible le fait que le trader de JP Morgan a mis en œuvre les comportements infractionnels convenus avec le trader de Barclays les 27 et 28 septembre 2006 en établissant des contacts avec les responsables des soumissions de sa banque (voir points 281 et 302 à 305 ci-dessus).

723    Troisièmement, il convient de retenir la durée de la participation des requérantes dans l’infraction telle qu’elle ressort de la décision attaquée, celle-ci n’ayant pas été contestée par les requérantes et n’étant pas affectée par la conclusion énoncée au point 317 ci-dessus concernant la participation de JP Morgan aux comportements infractionnels composant l’infraction unique en cause.

724    En deuxième lieu, s’agissant des circonstances atténuantes, le Tribunal constate que JP Morgan a joué un rôle moins important dans l’infraction que les acteurs principaux, notamment la banque D et la banque A. De même, l’intensité des contacts auxquels a participé le trader de JP Morgan était moindre que celle desdits acteurs principaux.

725    Toutefois, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il a été relevé au point 696 ci-dessus, les échanges auxquels JP Morgan a participé se caractérisent par une fréquence et une régularité particulière. Le bien-fondé de ce constat n’est en aucun cas altéré par la conclusion énoncée au point 153 ci-dessus concernant la portée d’un des échanges retenus à l’encontre des requérantes dans la décision attaquée, à savoir celui du 10 octobre 2006.

726    Au demeurant, il importe de relever que la participation de JP Morgan aux comportements infractionnels a été intentionnelle et que les requérantes n’ont pas fait valoir qu’elles devraient bénéficier, en l’espèce, de la circonstance atténuante de négligence. En outre, les requérantes ont participé, fût-ce passivement, à un nombre non négligeable de contacts anticoncurrentiels, sans jamais manifester aucune réserve ou opposition, en participant à des échanges d’informations anticoncurrentiels. Ce faisant, les requérantes ont donné l’impression à leurs concurrents qu’elles prenaient part à l’entente litigieuse et ont, ainsi, contribué à l’encourager. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 719 ci-dessus, les comportements en cause se caractérisent par une gravité accrue. Par conséquent, l’incidence sur le montant final de l’amende des circonstances atténuantes relatives à l’intensité moindre de la participation et au rôle moins important de JP Morgan dans l’infraction par rapport aux acteurs principaux ne peut être que marginale.

727    En troisième lieu, le montant de l’amende déterminé par le Tribunal tient dûment compte de la nécessité d’imposer à JP Morgan une amende d’un montant dissuasif.

728    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, au regard du principe d’individualisation de la sanction et de proportionnalité de celle-ci, en fixant le montant de l’amende à 337 196 000 euros, pour laquelle JPMorgan Chase & Co. et JPMorgan Chase Bank, National Association sont tenues solidairement responsables. Partant, il convient de rejeter les conclusions en réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes.

IV.    Sur les dépens

729    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. En outre, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

730    En l’espèce, le Tribunal a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en ce que celui-ci avait été introduit par J.P. Morgan Services. À cet égard, le Tribunal prend acte des déclarations des requérantes selon lesquelles, en substance, elles supporteront les éventuels dépens exposés par J.P. Morgan Services.

731    En outre, les requérantes ont succombé s’agissant de leurs conclusions en annulation de l’article 1er, sous c), de la décision attaquée et de leur demande de réduction du montant de l’amende et ont obtenu satisfaction s’agissant de leur demande d’annulation de l’article 2, sous c), de ladite décision ainsi que de leur chef de conclusions relatif à la décision modificative.

732    Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en ce qu’il est formé par J.P. Morgan Services LLP.

2)      L’article 2, sous c), de la décision C (2016) 8530 final de la Commission, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire AT.39914 – Produits dérivés de taux d’intérêt en euro (EIRD)] est annulé pour autant qu’il concerne JPMorgan Chase & Co. et JPMorgan Chase Bank, National Association.

3)      Le montant de l’amende, auquel JPMorgan Chase & Co. et JPMorgan Chase Bank, National Association sont tenues solidairement responsables, est fixé à 337 196 000 euros.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

 

      Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Procédure administrative à l’origine de la décision attaquée

B. Décision attaquée

1. Produits en cause

2. Comportements reprochés aux requérantes

3. Amende

C. Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conséquences à tirer pour la présente procédure de la dissolution de J.P. Morgan Services

B. Sur la demande d’annulation de l’article 1er, sous c), de la décision attaquée

1. Sur l’existence d’un comportement infractionnel imputable aux requérantes (premier, deuxième et troisième moyens de la requête)

a) Remarques liminaires

1) Sur le contexte dans lequel s’inscrivent les comportements en cause

2) Sur la portée de la contestation par les requérantes de la participation de JP Morgan aux comportements infractionnels

3) Sur la recevabilité et la valeur probante de certaines annexes

4) Sur la prise en considération des « communications banque E » en tant qu’éléments d’un faisceau d’indices

b) Sur le premier moyen contestant la participation de JP Morgan aux comportements de portée infractionnelle

1) Sur la portée des échanges retenus par la Commission dans la décision attaquée à l’encontre de JP Morgan comme comportements infractionnels

i) Sur les échanges du 27 septembre 2006

ii) Sur les échanges du 28 septembre 2006

iii) Sur l’échange du 29 septembre 2006

iv) Sur les échanges du 2 octobre 2006

v) Sur l’échange du 6 octobre 2006

vi) Sur l’échange du 10 octobre 2006

vii) Sur l’échange du 25 octobre 2006

viii) Sur l’échange du 26 octobre 2006

ix) Sur l’échange du 8 novembre 2006

x) Sur l’échange du 13 novembre 2006

xi) Sur les échanges du 24 novembre 2006

xii) Sur l’échange du 18 décembre 2006

xiii) Sur les échanges du 4 janvier 2007

xiv) Sur les échanges du 8 janvier 2007

xv) Sur l’échange du 6 février 2007

xvi) Sur l’échange du 14 mars 2007

xvii) Sur l’échange du 16 mars 2007

xviii) Sur l’échange du 19 mars 2007

2) Sur la contestation de la participation de JP Morgan aux pratiques en cause

i) Sur la participation aux pratiques de manipulation du taux Euribor

ii) Sur la participation aux autres comportements reprochés à JP Morgan

c) Sur les deuxième et troisième moyens de la requête portant sur la qualification des comportements reprochés aux requérantes d’infraction par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et sur l’obligation de motivation

1) Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur en ce qui concerne la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée aux échanges liés aux manipulations de l’Euribor

2) Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur en ce qui concerne la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée aux comportements autres que les manipulations de l’Euribor et d’un défaut de motivation

i) Sur la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée à l’échange sur les positions de trading du 6 octobre 2006

ii) Sur la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée aux échanges sur la stratégie de fixation des prix des 13 et 24 novembre 2006, et du 14 mars 2007

3) Sur les effets proconcurrentiels des comportements en cause

2. Sur la qualification d’infraction unique retenue par la Commission (quatrième moyen de la requête)

a) Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas correctement identifié l’objectif identique unique

b) Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas démontré que les requérantes avaient connaissance ou pouvaient raisonnablement prévoir le comportement infractionnel envisagé ou mis en œuvre par les autres parties

c) Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée de ce que les requérantes n’avaient pas l’intention de contribuer à un objectif commun

3. Sur la violation alléguée des principes de bonne administration et de la présomption d’innocence ainsi que des droits de la défense (cinquième moyen de la requête)

a) Sur la première branche du cinquième moyen, relative à la décision de transaction

1) Sur le respect de la présomption d’innocence

2) Sur le respect du devoir d’impartialité

3) Sur le respect des droits de la défense

b) Sur la seconde branche du cinquième moyen, relative aux propos émis par le membre de la Commission chargé de la concurrence

4. Sur l’incidence de l’erreur constatée dans le cadre de l’examen du premier moyen sur la légalité de l’article 1er, sous c), de la décision attaquée

C. Sur la demande d’annulation de l’article 2, sous c), de la décision attaquée et la demande de réduction du montant de l’amende

1. Sur la demande d’annulation de l’article 2, sous c), de la décision attaquée

a) Sur la troisième branche du sixième moyen, relative à l’utilisation des recettes en numéraire actualisées aux fins de calculer la valeur des ventes

1) Sur le caractère approprié de la prise en compte des recettes en numéraire actualisée en tant que valeur de remplacement pour la valeur des ventes

2) Sur la détermination du facteur de réduction de 98,849 % appliqué par la Commission

i) Sur le respect de l’obligation de motivation en ce qui concerne la détermination, dans la décision attaquée, du facteur de réduction

ii) Sur la décision modificative

b) Sur la deuxième branche du sixième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement en raison de la méthode de calcul de la valeur des ventes

1) Sur les différences d’approches méthodologiques entre les banques concernées

2) Sur le respect du principe d’égalité de traitement dans le calcul du montant de l’amende

c) Sur la première branche du sixième moyen, tirée de la prise en compte insuffisante du rôle « périphérique » joué par JP Morgan dans l’infraction

2. Sur la demande de réduction du montant de l’amende imposée

IV. Sur les dépens



*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      Données confidentielles occultées.