Language of document : ECLI:EU:T:2022:178

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

30 mars 2022 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du fret aérien – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord entre la Communauté et la Suisse sur le transport aérien – Coordination d’éléments du prix des services de fret aérien (surtaxe carburant, surtaxe sécurité, paiement d’une commission sur les surtaxes) – Échange d’informations – Compétence territoriale de la Commission – Droits de la défense – Absence d’une nouvelle communication des griefs – Infraction unique et continue – Montant de l’amende – Valeur des ventes – Gravité de l’infraction – Durée de participation à l’infraction – Montant additionnel – Circonstances atténuantes – Encouragement du comportement anticoncurrentiel par les autorités publiques – Rôle suiviste – Proportionnalité – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑334/17,

Cargolux Airlines International SA, établie à Sandweiler (Luxembourg), représentée par Me E. Aliende Rodríguez, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Khan et A. Dawes, en qualité d’agents, assistés de Mme E. MacKenzie, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien), en tant qu’elle vise la requérante, et, à titre subsidiaire, à la suppression de l’amende qui lui a été infligée ou à la réduction de son montant,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz, C. Iliopoulos, D. Spielmann et Mme I. Reine, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 28 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Cargolux Airlines International SA, est une compagnie de transport aérien active sur le marché des services de fret aérien (ci-après le « fret »).

2        Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.

3        Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.

4        Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S (ci‑après « SAS Cargo »), Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») et Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines »).

A.      Procédure administrative

5        Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs, portant, notamment, sur :

–        la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;

–        la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

6        Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

7        Après les inspections, plusieurs transporteurs, dont la requérante, ont introduit une demande au titre de la communication de 2002 mentionnée au point 5 ci-dessus.

8        Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont la requérante (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci‑après l’« accord CE-Suisse sur le transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci‑après le « refus de paiement de commissions »).

9        En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.

10      Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.

B.      Décision du 9 novembre 2010

11      Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :

–        Air Canada ;

–        Air France-KLM (ci-après « AF-KLM ») ;

–        Société Air France (ci-après « AF ») ;

–        Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM ») ;

–        British Airways plc ;

–        la requérante ;

–        Cathay Pacific Airways Ltd (ci‑après « CPA ») ;

–        Japan Airlines Corp. ;

–        Japan Airlines ;

–        Lan Airlines SA (ci-après « Lan ») ;

–        Lan Cargo SA ;

–        Lufthansa Cargo ;

–        Lufthansa ;

–        Swiss ;

–        Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;

–        Qantas Airways Ltd (ci‑après « Qantas ») ;

–        SAS AB ;

–        SAS Cargo ;

–        Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;

–        SAC ;

–        Singapore Airlines Ltd (ci-après « SIA »).

12      Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés (ci-après les « transporteurs non incriminés »).

13      La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.

14      Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait la requérante, se lisait comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

e)      [la requérante], du 22 janvier 2001 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont [coordonné] divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

f)      [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 3

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :

[…]

f)      [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 4

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse, pendant les périodes suivantes :

[…]

e)      [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 5

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :

[…]

f)      [la requérante] : 79 900 000 EUR ;

[…]

Article 6

Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

C.      Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle la concernait ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui avait été infligée. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.

16      Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T‑9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T‑38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T‑40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T‑43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T‑46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T‑56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T‑63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T‑67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie, la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, Air Canada, KLM, Japan Airlines et Japan Airlines Corp., CPA, la requérante, Latam Airlines Group SA (anciennement Lan Airlines) et Lan Cargo, SAC et SIA, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, British Airways, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, AF-KLM, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.

17      À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.

18      Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.

19      En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.

20      En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture, retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que la requérante n’avait pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et qu’elle n’avait donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que la requérante s’était trouvée dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.

D.      Décision attaquée

21      Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.

22      Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 21 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris la requérante, ont fait usage de cette possibilité.

23      Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :

–        Air Canada ;

–        AF-KLM ;

–        AF ;

–        KLM ;

–        British Airways ;

–        la requérante ;

–        CPA ;

–        Japan Airlines ;

–        Latam Airlines Group ;

–        Lan Cargo ;

–        Lufthansa Cargo ;

–        Lufthansa ;

–        Swiss ;

–        Martinair ;

–        SAS ;

–        SAS Cargo ;

–        SAS Consortium ;

–        SAC ;

–        SIA.

24      La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.

25      La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.

26      En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).

27      Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.

28      Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.

29      Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également été exploitées à ces fins.

30      En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).

31      Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :

« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.

(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]

(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une diminution de la STC allait être déclenchée. »

32      Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :

« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local. »

33      Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».

34      En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre la requérante figure aux considérants 748 à 754 de cette décision.

35      En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision, que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents [avaie]nt sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».

36      Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876), portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).

37      Au considérant 881 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que « la majorité des parties », dont la requérante, étaient impliquées dans les trois composantes de l’infraction unique.

38      Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.

39      Quatrièmement, aux considérants 885 à 890 de la décision attaquée, la Commission a examiné la pertinence des contacts intervenus dans des pays tiers et des contacts concernant des liaisons que les transporteurs n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir. Elle a estimé que, au regard du caractère mondial de l’entente litigieuse, ces contacts étaient pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue. En particulier, d’une part, elle a relevé que les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons au départ et à destination de l’EEE et de la Suisse. Elle a indiqué que le refus de paiement de commissions revêtait également un caractère général. D’autre part, elle a considéré qu’aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs de fournir des services de fret sur les liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir, notamment grâce aux accords qu’ils étaient en mesure de conclure entre eux.

40      Cinquièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.

41      Sixièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.

42      Septièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

43      Huitièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».

44      D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :

« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »

45      Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :

« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se trouvant dans l’EEE.

(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.

(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.

(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »

46      En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :

–        l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;

–        l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;

–        l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;

–        l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;

–        l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.

47      En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 22 janvier 2001 au 14 février 2006.

48      En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.

49      S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

50      Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).

51      Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.

52      Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.

53      Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :

–        en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 22 janvier 2001 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à cinq ans, et un facteur de multiplication de 5 ;

–        en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et 8/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.

54      Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 52 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.

55      En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, le montant de base évalué pour la requérante à 408 000 000 euros a été arrêté à 204 000 000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.

56      Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.

57      En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de base de l’amende de la requérante après ajustement à 173 400 000 euros.

58      Aux considérants 1294 à 1296 de la décision attaquée, compte tenu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa du règlement no 1/2003, aux termes duquel l’amende n’excède pas 10 % du chiffres d’affaires total que chaque entreprise ou association d’entreprises a réalisé lors de l’exercice social précédent, et de la nature procédurale de l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, la Commission a estimé qu’une réduction du montant de base ajusté des amendes était nécessaire lorsque ce dernier était supérieur à 10 % du chiffre d’affaire mondial réalisé en 2009, de sorte qu’aucun transporteur incriminé ne reçoive une amende plus élevée que celle infligée dans la décision du 9 novembre 2010. La Commission en a déduit qu’il était juste d’utiliser son pouvoir d’appréciation et de réduire ledit montant à 10 % du chiffre d’affaires mondial réalisé en 2009 lorsque celui-ci était inférieur au chiffre d’affaires mondial réalisé par un transporteur incriminé en 2016. La Commission a, en conséquence, réduit le montant de base ajusté de l’amende de la requérante à 94 000 000 euros.

59      Aux considérants 1355 à 1362 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la contribution de la requérante dans le cadre de sa demande de clémence en appliquant une réduction de 15 % au montant de l’amende, de sorte que, comme il est indiqué au considérant 1404 de la décision attaquée, le montant de l’amende infligée à la requérante a été fixé à 79 900 000 euros.

60      Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :

« Article premier

En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.

1)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :

[…]

f)      [la requérante], du 22 janvier 2001 au 14 février 2006 ;

[…]

2)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

[…]

f)      [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

3)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

[…]

f)      [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

4)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :

[…]

f)      [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :

à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne British Airways […], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :

[…]

f)      [la requérante] : 79 900 000 EUR ;

[…]

Article 4

Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 5

Sont destinataires de la présente décision :

[…]

[la requérante]

[…] »

II.    Procédure et conclusions des parties

61      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

62      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.

63      La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 29 janvier 2018.

64      La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 23 mars 2018.

65      Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

66      Le 12 juin 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.

67      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 28 juin 2019.

68      Par ordonnance du 2 août 2019, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a adopté, sur la base de l’article 91, sous b), et de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure, une mesure d’instruction ordonnant à la Commission de produire un extrait des déclarations orales confidentielles faites par AF dans le cadre de sa demande de clémence. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

69      Le 29 août 2019, le représentant de la requérante a consulté au greffe l’extrait des déclarations orales confidentielles mentionné au point 68 ci-dessus.

70      Par décision du 24 octobre 2019, le Tribunal a clos la phase orale de la procédure.

71      Par ordonnance du 31 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.

72      Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020, puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.

73      Par décision du 6 octobre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.

74      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        Annuler, en tout ou en partie, l’article 1er de la décision attaquée, pour autant que celui-ci la concerne ;

–        supprimer l’amende qui lui a été infligée à l’article 3, sous f), de la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, réduire substantiellement son montant, en vertu de la compétence de pleine juridiction visée à l’article 261 TFUE ;

–        « prendre corrélativement les mesures nécessaires quant à l’article 4 de la décision attaquée, pour autant que celui-ci la concerne » ;

–        condamner la Commission aux dépens.

75      La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        modifier le montant de l’amende infligée à la requérante en lui retirant le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de la réduction générale de 15 % dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

76      Dans le cadre de son recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions tendant à la suppression de l’amende qui lui a été infligée ou à la réduction de son montant. Quant à la Commission, elle a formulé une demande tendant, en substance, à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.

A.      Sur les conclusions en annulation

77      Par ses deux premiers chefs de conclusions, la requérante demande, en substance, l’annulation de l’article 1er, paragraphes 1 à 4, sous f), et de l’article 3, sous f), de la décision attaquée. Par son troisième chef de conclusions, elle demande au Tribunal de « prendre corrélativement les mesures nécessaires quant à l’article 4 de la décision attaquée, pour autant que celui-ci la concerne ». Sauf à l’interpréter comme tendant au prononcé d’une injonction qui échappe à la compétence du Tribunal dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE (voir arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 50 et jurisprudence citée), ce chef de conclusions doit se lire comme tendant à l’annulation de l’article 4 de ladite décision, pour autant qu’il concerne la requérante, dans l’hypothèse où le Tribunal accueillerait les premier ou deuxième chefs de conclusions.

78      La requérante soulève sept moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Ces moyens sont tirés :

–        le premier, d’un excès de pouvoir tenant à la nature des preuves sur lesquelles la Commission s’est appuyée ;

–        le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation des formes substantielles et du droit d’être entendu tenant à l’omission de la Commission d’adopter une nouvelle communication des griefs avant d’arrêter la décision attaquée ;

–        le troisième, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 101 TFUE ;

–        le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation d’une formalité substantielle, de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu dans la définition de la portée et des critères de l’infraction unique et continue ;

–        le cinquième, d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’établissement du constat d’une infraction aux règles de concurrence ;

–        le sixième, du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants ;

–        le septième, d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende.

79      Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, le sixième moyen, ensuite, le moyen relevé d’office tiré de l’incompétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une infraction sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, et, enfin, les premier à cinquième et septième moyens successivement.

1.      Sur le sixième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants

80      Le présent moyen, par lequel la requérante soutient que la Commission n’était pas compétente pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants, s’articule, en substance, en trois branches. Elles sont prises, la première, de l’interprétation erronée du règlement (CE) no 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO 2004, L 68, p. 1), la deuxième, de l’application erronée du critère de la mise en œuvre et, la troisième, de l’application erronée du critère des effets qualifiés.

a)      Sur la première branche, prise d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004

81      La requérante avance, en substance, que la Commission ne tire pas du règlement no 411/2004 la compétence pour appliquer l’article 101 TFUE aux services de fret entrants. D’une part, ce règlement confèrerait à la Commission la compétence pour appliquer l’article 101 TFUE aux services de transport aérien à destination et en provenance de l’Union, sans toutefois écarter les critères de compétence tenant à la mise en œuvre ou aux effets du comportement en cause dans le marché intérieur. D’autre part, l’application de l’article 101 TFUE aux vols sur les liaisons entrantes et sortantes se comprendrait pour les services de transport aérien de passagers, qui seraient (presque toujours) des vols allers-retours. À l’inverse, le fret serait, par essence, unidirectionnel. L’offre et la demande seraient très différentes dans chacune des directions, l’implantation des transitaires, la négociation des prix et l’application des surtaxes et redevances s’opérant au niveau local.

82      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

83      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 1, TFUE investit le Conseil de l’Union européenne de la compétence d’arrêter les règlements ou directives utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE.

84      En l’absence d’une telle réglementation, les articles 104 et 105 TFUE s’appliquent et imposent, en substance, aux autorités des États membres l’obligation d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et limitent les pouvoirs de la Commission en la matière à la faculté d’instruire, sur demande d’un État membre ou d’office, et en liaison avec les autorités compétentes des États membres qui lui prêtent leur assistance, les cas d’infraction présumée aux principes fixés par ces dispositions et, le cas échéant, de proposer les moyens propres à y mettre fin (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 52 à 54 et 58).

85      Le 6 février 1962, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article [103 TFUE], le règlement no 17, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).

86      Toutefois, le règlement no 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751), a soustrait l’ensemble du secteur des transports à l’application du règlement no 17 (arrêt du 11 mars 1997, Commission/UIC, C‑264/95 P, EU:C:1997:143, point 44). Dans ces conditions, en l’absence d’une réglementation telle que celle prévue à l’article 103, paragraphe 1, TFUE, les articles 104 et 105 TFUE sont initialement demeurés applicables aux transports aériens (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 51 et 52).

87      La conséquence en a été une répartition des compétences entre les États membres et la Commission pour l’application des articles 101 et 102 TFUE telle que celle décrite au point 84 ci-dessus.

88      Ce n’est qu’en 1987 que le Conseil a adopté un règlement concernant le transport aérien au titre de l’article 103, paragraphe 1, TFUE. Il s’agit du règlement (CEE) no 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO 1987, L 374, p. 1), qui a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux transports aériens internationaux entre des aéroports au sein de l’Union, à l’exclusion des transports aériens internationaux entre les aéroports d’un État membre et ceux d’un pays tiers (arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 11). Ces derniers sont demeurés assujettis aux articles 104 et 105 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T‑128/98, EU:T:2000:290, point 55).

89      L’entrée en vigueur, en 1994, du protocole 21 de l’accord EEE concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises (JO 1994, L 1, p. 181) a étendu ce régime à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues par l’accord EEE, excluant ainsi que la Commission puisse appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux transports aériens internationaux entre les aéroports des États parties à l’EEE qui ne sont pas membres de l’Union et ceux de pays tiers.

90      Le règlement no 1/2003 et la décision du Comité mixte de l’EEE no 130/2004, du 24 septembre 2004, modifiant l’annexe XIV (Concurrence), le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) et le protocole 23 (concernant la coopération entre les autorités de surveillance) de l’accord EEE (JO 2005, L 64, p. 57), qui a par la suite incorporé ce règlement à l’accord EEE, ont initialement laissé intact ce régime. L’article 32, sous c), dudit règlement prévoyait, en effet, que ce dernier « ne s’appliqu[ait] pas aux transports aériens entre les aéroports de [l’Union] et des pays tiers ».

91      Le règlement no 411/2004, dont l’article 1er a abrogé le règlement no 3975/87 et dont l’article 3 a supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux liaisons Union-pays tiers à compter du 1er mai 2004.

92      La décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005, du 11 mars 2005, modifiant l’annexe XIII (Transports) et le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) de l’accord EEE (JO 2005, L 198, p. 38), a incorporé le règlement no 411/2004 à l’accord EEE, conférant à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers à compter du 19 mai 2005.

93      Dans la présente affaire, les parties s’opposent, en substance, sur la question de savoir si la portée du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005 s’étend aux services de fret entrants.

94      À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que, le règlement no 411/2004 ayant abrogé le règlement no 3975/87 et supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, il n’existe plus de base textuelle expresse qui serait de nature à justifier que les services de fret entrants demeurent exclus du régime institué par le règlement no 1/2003 et restent ainsi assujettis au régime prévu aux articles 104 et 105 TFUE.

95      Ensuite, rien dans le libellé ou l’économie générale du règlement no 411/2004 ne permet de considérer que le législateur aurait entendu maintenir l’exclusion des services de fret entrants du champ d’application du règlement no 1/2003. Au contraire, tant l’intitulé que les considérants 1 à 3, 6 et 7 du règlement no 411/2004 visent expressément les « transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers » sans distinction selon, d’une part, qu’ils sont au départ ou à destination de l’Union ou, d’autre part, qu’ils concernent le fret ou le transport de passagers.

96      La finalité du règlement no 411/2004 plaide, elle aussi, en faveur de l’inclusion des services de fret entrants dans le champ d’application dudit règlement. Il ressort, en effet, du considérant 3 de ce règlement que l’extension du champ d’application du règlement no 1/2003 au transport aérien entre l’Union et les pays tiers procède d’un double constat. D’une part, « [l]es pratiques anticoncurrentielles dans le domaine des transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres ». D’autre part, « les mécanismes prévus par [ce dernier règlement] conviennent également à l’application des règles de concurrence aux transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers ». Or, la requérante n’établit ni même n’allègue que les services de fret entrants soient, par leur nature même, insusceptibles d’affecter le commerce entre États membres ou ne se prêtent pas à la mise en œuvre des mécanismes prévus par le même règlement.

97      Enfin, les travaux préparatoires du règlement no 411/2004 confirment que le législateur de l’Union n’entendait établir de distinction ni entre les liaisons entrantes et les liaisons sortantes ni entre le fret et le transport de passagers. Il ressort ainsi du point 10 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre l’[Union] et les pays tiers (COM/2003/0091 final – CNS 2003/0038), que, « [s]i les règles d’application du droit [de l’Union] de la concurrence régissaient également les transports aériens internationaux au départ et à destination de [l’Union], les [transporteurs] bénéficieraient d’un système commun d’application des règles de concurrence au niveau européen et, partant, d’une plus grande sécurité juridique quant à la légalité de leurs accords au regard de ces règles ». Au même point, il est fait référence à la volonté d’« offrir au secteur aérien des conditions de concurrence égales pour l’ensemble des activités de transport aérien ».

98      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les services de fret entrants relèvent du champ d’application du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a retenu, au considérant 1041 de la décision attaquée, que l’article 101 TFUE était applicable au transport aérien entre l’Union et les pays tiers « dans les deux sens », les mêmes considérations valant pour l’article 53 de l’accord EEE s’agissant des liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

99      Dès lors, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième et la troisième branches, prises, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés

100    Il convient d’observer que, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la seule existence de directives ou règlements visés à l’article 103, paragraphe 1, TFUE ne suffit pas à fonder la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE.

101    Encore faut-il que la Commission puisse établir cette compétence au regard du critère de la mise en œuvre ou au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).

102    Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs et, contrairement à ce que soutient la requérante, rien n’impose à la Commission d’examiner sa compétence au regard du premier avant de l’examiner au regard du second (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64).

103    Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée tant sur le critère de la mise en œuvre que sur le critère des effets qualifiés pour établir au regard du droit international public sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.

104    La requérante invoquant une erreur dans l’application de chacun de ces deux critères, le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner d’abord si la Commission était fondée à se prévaloir du critère des effets qualifiés. Conformément à la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus, ce n’est que dans la négative qu’il conviendra de vérifier si la Commission pouvait s’appuyer sur le critère de la mise en œuvre.

105    La requérante soutient, en substance, que la Commission ne saurait tirer du critère des effets qualifiés la compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.

106    Selon la requérante, le recours à la notion de restriction de concurrence « par objet » n’exonère pas la Commission de l’obligation d’étayer les effets du comportement en cause dans le marché intérieur. Il appartiendrait aussi à la Commission de démontrer que de tels effets résultent de pratiques concertées et d’accords anticoncurrentiels plutôt que du comportement en cause « dans son ensemble ».

107    Or, en se référant, au considérant 1045 de la décision attaquée, au « contrecoup subi par les transporteurs internes » ou à l’existence d’un « préjudice économique pour les entreprises et les consommateurs », la Commission se fonderait sur un simple argument de politique de concurrence. Elle n’aurait produit aucune preuve étayant l’existence de tels effets, ni n’en aurait établi le caractère immédiat, substantiel et prévisible. Au contraire, au considérant 917 de la décision attaquée, la Commission se serait refusée à procéder à une évaluation appropriée des effets des accords et des pratiques litigieux. Il serait au demeurant très douteux que les effets requis se soient matérialisés concrètement et de manière suffisamment importante dans le marché intérieur pour justifier que la Commission constate et sanctionne une infraction à l’article 101 TFUE sur les liaisons entrantes. En effet, à défaut d’accord sur le prix global, il serait probable que les transporteurs compensent toute hausse des surtaxes portant les prix au-delà du niveau concurrentiel par une réduction corrélative de leur tarif de base. Quant à la localisation au sein de l’EEE des contacts relatifs aux surtaxes sur les services de fret entrants, elle ne démontrerait pas à elle seule l’existence d’effets qualifiés dans l’EEE.

108    Au stade de la réplique, la requérante ajoute que l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), ne contredit pas cette analyse. D’une part, cet arrêt serait fondé sur l’article 102 TFUE, qui exigerait que les effets anticoncurrentiels du comportement en cause se produisent « sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci » et non, comme l’article 101 TFUE, « à l’intérieur du marché intérieur ». D’autre part, la Commission aurait, dans la décision qui est à l’origine dudit arrêt, effectué une analyse approfondie des effets du comportement en cause à l’égard de différentes entreprises et aurait été fondée à exercer sa compétence au titre du critère des effets qualifiés en raison de l’existence d’une stratégie globale de verrouillage des canaux de vente les plus importants du marché.

109    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

110    Dans la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur trois motifs autonomes pour retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait en l’espèce.

111    Les deux premiers motifs figurent au considérant 1045 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, ces motifs portent sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. Le premier motif tient à ce que les « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées [étaie]nt, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE ». Le deuxième motif concerne les effets de la coordination relative aux services de fret entrants « également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers ».

112    Le troisième motif figure au considérant 1046 de la décision attaquée et concerne, comme il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites et orales du Tribunal, les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

113    Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner tant les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément que ceux de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble, en commençant par les premiers.

1)      Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément

114    Il convient d’examiner d’abord le bien-fondé du premier motif sur lequel se fonde la conclusion de la Commission selon laquelle le critère des effets qualifiés est satisfait en l’espèce (ci-après l’« effet en cause »).

115    À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 1042 de la décision attaquée, le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application des règles de concurrence de l’Union et de l’EEE au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que le comportement litigieux produise un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, point 90).

116    En l’espèce, la requérante conteste tant la pertinence de l’effet en cause (voir points 117 à 134 ci-après) que son caractère prévisible (voir points 136 à 151 ci-après), son caractère substantiel (voir points 152 à 162 ci-après) et son caractère immédiat (voir points 163 à 170 ci-après).

i)      Sur la pertinence de l’effet en cause

117    Il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un État tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).

118    L’application du critère des effets qualifiés a précisément pour objectif d’appréhender des comportements qui n’ont, certes, pas été adoptés sur le territoire de l’EEE, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 45).

119    Ce critère n’exige pas d’établir que le comportement litigieux a effectivement produit des effets dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE. Au contraire, selon la jurisprudence, il suffit de tenir compte de l’effet probable de ce comportement sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 51).

120    Il incombe, en effet, à la Commission d’assurer la protection de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE contre les menaces à son fonctionnement effectif.

121    En présence d’un comportement dont la Commission a, comme en l’espèce, considéré qu’il révélait un degré de nocivité à l’égard de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE tel qu’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, l’application du critère des effets qualifiés ne saurait pas non plus exiger la démonstration des effets concrets que suppose la qualification d’un comportement de restriction de concurrence « par effet » au sens de ces dispositions.

122    À cet égard, il convient de rappeler que le critère des effets qualifiés est ancré dans le libellé de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, qui tendent à appréhender les accords et les pratiques qui limitent le jeu de la concurrence, respectivement, dans le marché intérieur et au sein de l’EEE. Ces dispositions interdisent, en effet, les accords et les pratiques des entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, respectivement, « à l’intérieur du marché intérieur » et « à l’intérieur du territoire couvert par [l’accord EEE] » (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 42).

123    Or, il est de jurisprudence constante que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un comportement relève des interdictions énoncées aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 28 et jurisprudence citée).

124    Il en résulte que, comme l’a relevé la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, la prise en considération des effets concrets du comportement litigieux est superflue, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 55).

125    Dans ces conditions, interpréter le critère des effets qualifiés comme semble le préconiser la requérante, en ce sens qu’il exigerait la preuve des effets concrets du comportement litigieux même en présence d’une restriction de concurrence « par objet », reviendrait à assujettir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à une condition qui ne trouve pas de fondement dans le texte de ces dispositions.

126    La requérante ne saurait par conséquent valablement reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur en retenant que le critère des effets qualifiés était satisfait, alors même que celle-ci avait, aux considérants 917, 1190 et 1277 de la décision attaquée, indiqué ne pas être tenue de procéder à une appréciation des effets anticoncurrentiels du comportement litigieux au vu de l’objet anticoncurrentiel de ce dernier. Elle ne saurait pas davantage déduire de ces considérants que la Commission n’a effectué aucune analyse des effets produits par ledit comportement dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE aux fins de l’application de ce critère et s’est retranchée derrière de pures considérations de politique de concurrence.

127    En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, était susceptible d’accroître le montant des surtaxes et, en conséquence, le prix total des services de fret entrants et que les transitaires avaient répercuté ce surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE, qui avaient dû payer pour les marchandises qu’ils avaient achetées un prix plus élevé que celui qui leur aurait été facturé en l’absence de ladite infraction.

128    Aucun des arguments de la requérante ne permet de considérer que l’effet en cause ne comptait pas parmi les effets produits par le comportement litigieux dont la Commission est fondée à tenir compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.

129    C’est, en effet, à tort que la requérante avance que le comportement litigieux, en tant qu’il portait sur les liaisons entrantes, n’était pas susceptible de restreindre la concurrence dans l’EEE, au motif que celle-ci ne s’exerçait que dans les pays tiers où sont établis les transitaires qui s’approvisionnaient en services de fret entrants auprès des transporteurs incriminés.

130    À cet égard, il convient de relever que l’application du critère des effets qualifiés doit s’effectuer au regard du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 13).

131    En l’espèce, il ressort des considérants 14, 17 et 70 de la décision attaquée et des réponses des parties aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que les transporteurs vendent exclusivement ou presque leurs services de fret à des transitaires. Or, s’agissant des services de fret entrants, la quasi-totalité de ces ventes s’effectue au point d’origine des liaisons en cause, à l’extérieur de l’EEE, où sont établis lesdits transitaires. Il ressort, en effet, de la requête que, entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006, la requérante n’a réalisé qu’une proportion négligeable de ses ventes de services de fret entrants auprès de clients implantés dans l’EEE.

132    Il convient, cependant, d’observer que, si les transitaires achètent ces services, c’est notamment en qualité d’intermédiaires, pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est, par définition, d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs. Ainsi qu’il ressort du considérant 70 de la décision attaquée, ces derniers peuvent notamment être les acheteurs ou les propriétaires des marchandises transportées. Il est donc à tout le moins vraisemblable qu’ils soient établis dans l’EEE.

133    Il s’ensuit que, pour peu que les transitaires répercutent sur le prix de leurs lots de services l’éventuel surcoût résultant de l’entente litigieuse, c’est notamment sur la concurrence que se livrent les transitaires pour capter la clientèle de ces expéditeurs que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle concerne les liaisons entrantes, est susceptible d’avoir une incidence et, par suite, c’est dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE que l’effet en cause est susceptible de se matérialiser.

134    En conséquence, le surcoût dont les expéditeurs sont susceptibles d’avoir dû s’acquitter et le renchérissement des marchandises importées dans l’EEE qui peut en avoir résulté comptent parmi les effets produits par le comportement litigieux sur lesquels la Commission était fondée à s’appuyer aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.

135    Conformément à la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus, la question est donc de savoir si cet effet présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis.

ii)    Sur le caractère prévisible de l’effet en cause

136    L’exigence de prévisibilité vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les entreprises concernées ne puissent être sanctionnées du fait d’effets qui résulteraient, certes, de leur comportement, mais dont elles ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils surviennent (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Otis Gesellschaft e.a., C‑435/18, EU:C:2019:651, point 83).

137    Satisfont ainsi à l’exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l’entente en cause doivent raisonnablement savoir, dans les limites des choses généralement connues, qu’ils surviendront, par opposition aux effets qui procèdent d’un déroulement parfaitement inhabituel de circonstances et, de ce fait, d’un enchaînement atypique de causes (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 42).

138    Or, il ressort des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée qu’il est, en l’espèce, question d’un comportement collusoire de fixation horizontale des prix, dont l’expérience montre qu’il entraîne notamment des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51).

139    Il ressort également des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée que ce comportement se rapportait à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.

140    En l’espèce, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que la fixation horizontale de la STC et de la STS entraînerait l’augmentation du niveau de celles-ci. Comme il ressort des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer une telle augmentation. Il s’analysait, en effet, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).

141    Or, il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que le prix des services de fret se compose des tarifs et de surtaxes, dont la STC et la STS. Sauf à considérer qu’une augmentation de la STC et de la STS serait, par un effet de vases communicants suffisamment probable, compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes, une telle augmentation était, en principe, de nature à entraîner une augmentation du prix total des services de fret entrants. Or, la requérante s’étant contentée de procéder par affirmation, il ne saurait être considéré qu’elle a démontré qu’un effet de vases communicants était probable au point de rendre imprévisible l’effet en cause.

142    Dans ces conditions, les parties à l’entente litigieuse auraient raisonnablement pu prévoir que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle concernait les services de fret entrants, une augmentation du prix des services de fret sur les liaisons entrantes.

143    La question est donc de savoir s’il était prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur leurs propres clients, à savoir les expéditeurs.

144    À cet égard, il ressort des considérants 14 et 70 de la décision attaquée que le prix des services de fret constitue un intrant pour les transitaires. Il s’agit là d’un coût variable, dont l’accroissement a, en principe, pour effet d’augmenter le coût marginal au regard duquel les transitaires définissent leurs propres prix.

145    La requérante n’apporte aucun élément démontrant que les circonstances de l’espèce étaient peu propices à la répercussion en aval, sur les expéditeurs, du surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les liaisons entrantes.

146    Dans ces conditions, il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.

147    Or, comme il ressort des considérants 70 et 1031 de la décision attaquée, le coût des marchandises dont les transitaires organisent généralement le transport intégré au nom des expéditeurs intègre le prix des services de transit et notamment celui des services de fret, qui en sont un élément constitutif.

148    Au regard de ce qui précède, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, une augmentation du prix des marchandises importées.

149    Pour les motifs retenus au point 132 ci-dessus, il était tout aussi prévisible pour les transporteurs incriminés que, comme il ressort du considérant 1045 de la décision attaquée, cet effet se produise dans l’EEE.

150    L’effet en cause ayant relevé du cours normal des choses et de la rationalité économique, il n’était, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, nullement nécessaire pour elle d’avoir une connaissance exacte du fonctionnement des marchés avals pour pouvoir le prévoir.

151    Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause revêtait le caractère prévisible requis.

iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause

152    L’appréciation du caractère substantiel des effets produits par le comportement litigieux doit s’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce. Parmi ces circonstances figurent notamment la durée, la nature et la portée de l’infraction. D’autres circonstances, telles que l’importance des entreprises ayant participé à ce comportement, peuvent aussi être pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 159, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 112).

153    Lorsque l’effet examiné tient à une augmentation du prix d’un bien ou d’un service fini dérivé du service cartellisé ou qui le contient, la proportion du prix du bien ou du service fini que représente le service cartellisé peut également entrer en ligne de compte.

154    En l’espèce, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, il convient de considérer que l’effet en cause, tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE, présente un caractère substantiel.

155    En effet, en premier lieu, il ressort du considérant 1146 de la décision attaquée que la durée de l’infraction unique et continue s’élève à 21 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et à 8 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Il ressort des considérants 1215 et 1217 de cette décision que telle était aussi la durée de la participation de l’ensemble des transporteurs incriminés, à l’exception de Lufthansa Cargo et de Swiss.

156    En deuxième lieu, s’agissant de la portée de l’infraction, il ressort du considérant 889 de la décision attaquée que la STC et la STS étaient des « mesures d’application générale qui n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons […] à destination de l’EEE ».

157    En troisième lieu, s’agissant de la nature de l’infraction, il ressort du considérant 1030 de la décision attaquée que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre les transporteurs incriminés, notamment sur des liaisons EEE-pays tiers. Au considérant 1208 de ladite décision, la Commission a conclu que la « fixation de divers éléments du prix, y compris certaines surtaxes, constitu[ait] l’une des restrictions à la concurrence les plus graves » et a, en conséquence, retenu que l’infraction unique et continue méritait l’application d’un coefficient de gravité situé « en haut de l’échelle » prévue par les lignes directrices de 2006.

158    À titre surabondant, s’agissant de la proportion du prix du service cartellisé dans le bien ou le service qui en est dérivé ou le contient, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutient la requérante, les surtaxes représentaient pendant la période infractionnelle une proportion importante du prix total des services de fret.

159    Il ressort ainsi d’une lettre du 8 juillet 2005 de la Hong Kong Association of Freight Forwarding & Logistics (Association de Hong Kong du transit et de la logistique) au président du sous-comité cargo (ci-après le « SCC ») du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes, ci-après le « BAR ») à Hong Kong que les surtaxes représentent une « part très conséquente » du prix total des lettres de transport aérien dont devaient s’acquitter les transitaires.

160    Or, comme il ressort du considérant 1031 de la décision attaquée, le prix des services de fret constituait lui-même un « élément important du coût des marchandises transportées, qui a un impact sur leur vente ».

161    Toujours à titre surabondant, s’agissant de l’importance des entreprises ayant participé au comportement litigieux, il ressort du considérant 1209 de la décision attaquée que la part de marché cumulée des transporteurs incriminés sur le « marché mondial » s’élevait à 34 % en 2005 et était « au moins aussi grande pour les services de fret […] fournis […] sur des liaisons [EEE-pays tiers] », lesquelles comprennent à la fois les liaisons sortantes et les liaisons entrantes. La requérante elle-même réalisait d’ailleurs pendant la période infractionnelle un chiffre d’affaires important sur les liaisons entrantes, d’un montant de plus de 580 000 000 euros en 2005.

162    Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause présentait le caractère substantiel requis.

iv)    Sur le caractère immédiat de l’effet en cause

163    L’exigence d’immédiateté des effets produits par le comportement litigieux vise le lien de causalité entre le comportement en cause et l’effet examiné. Cette exigence a pour objet d’assurer que la Commission ne puisse, pour justifier sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, se prévaloir de tous les effets possibles, ni des effets très éloignés qui pourraient résulter de ce comportement à titre de conditio sine qua non (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 33 et 34).

164    La causalité immédiate ne saurait toutefois se confondre avec une causalité unique qui exigerait de constater de manière systématique et absolue la rupture du lien de causalité lorsqu’un tiers a contribué à la survenance des effets en cause (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 36 et 37).

165    En l’espèce, l’intervention des transitaires dont il était prévisible que, en toute autonomie, ils répercuteraient sur les expéditeurs le surcoût dont ils avaient dû s’acquitter, est, certes, de nature à avoir contribué à la survenance de l’effet en cause. Toutefois, cette intervention n’était pas, à elle seule, de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et ledit effet et, ainsi, à le priver de son caractère immédiat.

166    Au contraire, lorsqu’elle n’est pas fautive, mais découle objectivement de l’entente en cause, selon le fonctionnement normal du marché, une telle intervention ne rompt pas la chaîne de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission, T‑320/00, non publié, EU:T:2005:452, points 172 à 182), mais la poursuit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 37).

167    Or, en l’espèce, la requérante n’établit ni même n’allègue que la prévisible répercussion du surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE serait fautive ou étrangère au fonctionnement normal du marché.

168    Il s’ensuit que l’effet en cause présente le caractère immédiat requis.

169    Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

170    Il convient ainsi de relever que la requérante n’est pas fondée à se prévaloir du point 87 de l’arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission (T‑91/11, EU:T:2014:92). Il importe, en effet, de souligner que les faits dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, diffèrent fondamentalement de ceux de la présente espèce. Dans cet arrêt, il était question de la distinction entre le chiffre d’affaires provenant de la vente interne de composants cartellisés qui se retrouvaient dans des produits finis vendus dans l’EEE et celui provenant de la vente à des tiers à l’extérieur de l’EEE de composants cartellisés, qui se retrouvaient, eux aussi, dans des produits finis vendus dans l’EEE. Le Tribunal a jugé que le premier chiffre d’affaires pouvait être inclus dans la valeur des ventes. En revanche, le Tribunal a estimé, s’agissant du second chiffre d’affaires, que le lien entre le marché intérieur et l’infraction aurait été trop faible. Rien ne démontrait, cependant, que les produits finis auxquels étaient incorporés les composants cartellisés vendus à des tiers à l’extérieur de l’EEE étaient a priori destinés à être vendus dans l’EEE. À l’inverse, comme il a été indiqué au point 132 ci-dessus, si les transitaires achètent des services de fret entrants, c’est pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est précisément d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs.

171    Il résulte de ce qui précède que l’effet en cause présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis et que le premier motif sur lequel la Commission s’est appuyée pour conclure que le critère des effets qualifiés était satisfait est fondé. Il y a donc lieu de constater que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que ledit critère était satisfait s’agissant de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé du second motif retenu au considérant 1045 de la décision attaquée.

2)      Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble

172    Il convient d’emblée de rappeler que rien n’interdit d’apprécier si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).

173    Contrairement à ce que soutient la requérante, tel est le cas non seulement s’agissant de l’article 102 TFUE, mais encore s’agissant de l’article 101 TFUE. En effet, selon la jurisprudence, l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ils auront des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. Il ne saurait en effet être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 106).

174    La Commission peut ainsi fonder sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 105).

175    Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour l’article 53 de l’accord EEE.

176    Or, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux d’infraction unique et continue, y compris en tant qu’il concernait les services de fret entrants. Dans la mesure où la requérante conteste cette qualification en général et le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique tendant à entraver la concurrence au sein de l’EEE sur laquelle elle se fonde, ses arguments seront examinés dans le cadre du quatrième moyen, qui se rapporte à cette question.

177    Au considérant 1046 de la décision attaquée, la Commission a, comme il ressort de ses réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, examiné les effets de cette infraction prise dans son ensemble. Elle a ainsi notamment retenu que son enquête avait révélé une « entente mise en œuvre mondialement », dont les « arrangements […] concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ». Elle a ajouté que l’« application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente [litigieuse] ». Comme l’a indiqué la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’application uniforme des surtaxes s’intégrait dans une stratégie d’ensemble visant à neutraliser le risque que les transitaires puissent contourner les effets de cette entente en optant pour des liaisons indirectes qui ne seraient pas assujetties à des surtaxes coordonnées pour acheminer des marchandises du point d’origine au point de destination. La raison en est, comme il ressort du considérant 72 de la décision attaquée, que le « facteur temps est moins important pour le transport de [fret] que pour le transport de passagers », si bien que le fret « peut être acheminé avec un nombre d’escales plus élevé » et que les liaisons indirectes peuvent, en conséquence, se substituer aux liaisons directes.

178    Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que lui interdire d’appliquer le critère des effets qualifiés au comportement litigieux pris dans son ensemble risquerait de conduire à une fragmentation artificielle d’un comportement anticoncurrentiel global, susceptible d’affecter la structure du marché au sein de l’EEE, en une série de comportements distincts susceptibles d’échapper, en tout ou en partie, à la compétence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 57).

179    Aucun des autres arguments de la requérante n’est susceptible de remettre en cause cette appréciation. Premièrement, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, il n’existe aucune raison de considérer que seule l’existence d’une stratégie globale de verrouillage des canaux de vente les plus importants du marché, à l’exclusion d’une entente horizontale telle que celle dont il est question en l’espèce, serait susceptible de justifier l’application du critère des effets qualifiés au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble. Deuxièmement, s’agissant d’une restriction de concurrence « par objet », il suffit d’observer que, pour les motifs retenus aux points 124 à 126 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue d’effectuer l’analyse approfondie des effets du comportement litigieux dont la requérante avance qu’elle a été effectuée dans la décision ayant donné lieu à l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632).

180    Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait, au considérant 1046 de la décision attaquée, examiner les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

181    Or, s’agissant d’accords et de pratiques, premièrement, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence au moins au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse (considérant 903 de cette décision), deuxièmement, qui réunissaient des transporteurs aux parts de marchés importantes (considérant 1209 de ladite décision) et, troisièmement, dont une partie significative a porté sur des liaisons intra-EEE pendant une période de plus de six ans (considérant 1146 de la même décision), il ne fait guère de doute qu’il était prévisible que, prise dans son ensemble, l’infraction unique et continue produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE.

182    Il s’ensuit que la Commission était également fondée à retenir, au considérant 1046 de la décision attaquée, que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

183    La Commission ayant ainsi établi à suffisance qu’il était prévisible que le comportement litigieux produirait un effet substantiel et immédiat dans l’EEE, il convient de rejeter le présent grief et, en conséquence, le présent moyen dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner sa deuxième branche, prise d’erreurs dans l’application du critère de la mise en œuvre.

2.      Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse

184    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).

185    De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).

186    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

187    La requérante fait valoir que la référence aux « pays tiers » à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée inclut la Confédération suisse. Cette dernière serait, en effet, un pays tiers au sens de l’accord EEE. La requérante en déduit que la Commission a, audit article, constaté une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse et a ainsi outrepassé les limites de sa compétence au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien et violé le principe de droit international public selon lequel un traité ne saurait imposer d’obligations à un État tiers.

188    La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.

189    La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.

190    Il y a lieu de déterminer si, comme le soutient la requérante, la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

191    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).

192    C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).

193    À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006. Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément exclues.

194    Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

195    À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relève la requérante, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.

196    Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.

197    Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».

198    Conformément au principe rappelé au point 196 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.

199    En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.

200    Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

201    Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.

202    Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006 « en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE” désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».

203    Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».

204    Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page n1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.

205    Contrairement à ce que soutient la requérante, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de 50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relève en substance la requérante, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.

206    La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

207    Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende, et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.

208    Le présent moyen doit donc être écarté.

3.      Sur le premier moyen, tiré d’un excès de pouvoir et d’une erreur manifeste d’appréciation tenant à la prise en compte d’éléments de preuve afférents à des liaisons et à des périodes qui échappaient à la compétence de la Commission

209    La requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir outrepassé les limites de sa compétence et d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation et une erreur de droit en étendant « de manière détournée » le constat d’une infraction sur les liaisons Union-pays tiers, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse à des comportements antérieurs aux dates auxquelles elle est devenue compétente pour constater sur ces liaisons une infraction aux règles de concurrence pertinentes. La Commission aurait, en effet, largement fondé le constat d’infractions à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur des liaisons intra-EEE sur des éléments de preuve qui se rapportent à des services de fret prestés sur des liaisons Union-pays tiers, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse, respectivement, avant le 1er mai 2004, avant le 19 mai 2005 et avant le 1er juin 2002.

210    La plupart des précédents sur lesquels la Commission s’appuierait pour se justifier soulèveraient la question de savoir dans quelle mesure la Commission pouvait s’appuyer sur des faits antérieurs au point de départ de l’infraction, mais ne concerneraient pas, à la différence de la présente affaire, des situations dans lesquelles le législateur de l’Union avait explicitement limité ses compétences pour appliquer l’article 101 TFUE.

211    Ainsi, premièrement, la Commission se serait référée à des réunions d’organisations professionnelles établies dans des pays tiers, dont le SCC du BAR à Hong Kong, et à des faits survenus à l’extérieur de l’Union ou de l’EEE et qui auraient porté sur des surtaxes grevant les liaisons EEE-pays tiers.

212    Deuxièmement, la Commission s’appuierait sur des contacts qui sont intervenus au sein de l’Union, mais dont il ne pourrait être présumé qu’ils portaient sur des liaisons internes à l’EEE. Il en serait ainsi des contacts qui concernaient des transporteurs non européens ou des transporteurs européens et des liaisons en provenance de pays tiers ou dont il n’est pas clair si elles sont internes à l’Union ou à l’EEE. Or, ces éléments de preuve seraient déterminants, la Commission n’ayant pas vérifié s’il existait des preuves relatives à des liaisons intra-EEE suffisantes pour étayer le constat d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur des liaisons intra-Union et intra-EEE avant le 1er mai 2004 et le 19 mai 2005, respectivement.

213    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

214    Il y a lieu de relever que, comme il ressort des points 91 et 92 ci-dessus, la Commission est devenue compétente pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE sur les liaisons Union-pays tiers et de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE-pays tiers, respectivement, le 1er mai 2004 et le 19 mai 2005.

215    Quant à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, son article 11, paragraphe 1, prévoit, en substance, qu’il incombe à la Commission d’appliquer l’article 8 de cet accord. Comme l’a rappelé la Commission au considérant 830 de la décision attaquée, c’est au 1er juin 2002 qu’elle est devenue compétente pour ce faire.

216    En l’espèce, il est constant entre les parties que la Commission n’a, dans le dispositif de la décision attaquée, constaté aucune infraction à l’article 101 TFUE sur les liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004 ou à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers avant le 19 mai 2005. Elle n’a pas davantage constaté, dans ce dispositif, de violation de l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse avant le 1er juin 2002.

217    Il s’ensuit que le dispositif de la décision attaquée n’appuie pas l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait étendu l’infraction unique et continue aux liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004, aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers avant le 19 mai 2005 et aux liaisons Union-Suisse avant le 1er juin 2002.

218    La requérante n’en considère pas moins que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalités en se référant à des contacts afférents à ces liaisons et intervenus antérieurement à ces dates pour constater une violation des dispositions pertinentes sur des liaisons qui relevaient de sa compétence. La requérante cite 22 considérants qui recenseraient des contacts qui auraient été « déterminants pour le constat d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE » (considérants 147, 148, 151, 171, 198, 208, 242, 244, 249, 256, 297, 299, 391, 396, 503, 543, 585, 595, 649, 654, 665 et 667).

219    À titre liminaire, il convient de constater que la requérante affirme n’invoquer ces contacts qu’à titre d’« exemple ». La requérante n’a identifié aucun autre des contacts litigieux dont elle estime qu’ils se rapportent à des services de fret prestés sur des liaisons EEE-pays tiers, respectivement, avant le 1er mai 2004 et avant le 19 mai 2005 et qui n’auraient donc, selon elle, pas dû être pris en compte aux fins d’établir l’infraction unique et continue.

220    La requérante n’a pas davantage identifié de contact afférent aux liaisons Union-Suisse antérieur au 1er juin 2002 sur lequel la Commission se serait, selon elle, illicitement appuyée.

221    Dans ces conditions, sous peine de devoir rechercher et identifier lui-même dans le dossier les autres contacts dont la requérante aurait voulu se prévaloir, voire de reconstruire le présent moyen en lui donnant une portée qu’il n’avait pas dans l’esprit de la requérante et de violer ainsi le principe dispositif et les droits de la défense de la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 44 (non publié)], le Tribunal doit circonscrire son examen aux contacts décrits aux considérants recensés au point 218 ci-dessus.

222    Cela étant clarifié, il convient d’examiner si la Commission était fondée à s’appuyer sur les contacts décrits à ces considérants.

223    À cet égard, en premier lieu, il importe de constater que les différents contacts auxquels se réfère la requérante tombent dans deux catégories. La première réunit les contacts intervenus dans des pays tiers (considérants 147, 148, 151, 208, 242, 244, 256, 297, 299, 391, 396, 503, 543, 585, 595, 649, 654, 665 et 667), tandis que la seconde regroupe les contacts intervenus à l’intérieur de l’EEE ou entre employés dont un ou plusieurs se situaient dans l’EEE, mais qui ne pourraient être présumés avoir porté, en tout ou en partie, sur les liaisons intra-EEE (considérants 171, 198 et 249).

224    Or, pour ce qui est de la seconde de ces catégories, il convient d’observer qu’au moins l’un des trois contacts auxquels se réfère la requérante ne concernait pas exclusivement les liaisons EEE-pays tiers. Ainsi, au considérant 198 de la décision attaquée, la Commission fait référence à un échange de courriels internes de Japan Airlines du 6 décembre 2001. Le premier de ces courriels rapporte un contact avec Lufthansa et indique que cette dernière entend mettre fin à la STC « au niveau mondial » à compter du 20 décembre 2001.

225    Le second de ces courriels, sur lequel se focalise l’argumentation de la requérante, est libellé comme suit :

« AF vient de me faire savoir qu’ils vont annuler la STC à partir du 24 décembre 2001. Ils ne savent pas encore s’ils vont augmenter leur tarif à raison du même montant vers le Japon. »

226    Contrairement à ce que soutient la requérante, il en ressort que le contact rapporté dans ce courriel ne portait pas exclusivement sur les liaisons avec le Japon. En effet, en réponse à un message concernant l’intention de Lufthansa de mettre fin à la STC « au niveau mondial » à compter du 20 décembre 2001 (voir point 224 ci-dessus), ce courriel fait référence à l’intention d’AF de faire de même quatre jours plus tard. Ce n’est que par la suite que l’expéditeur dudit courriel mentionne le Japon pour indiquer qu’il n’est pas encore certain qu’AF augmentera en conséquence ses tarifs sur les liaisons avec le Japon.

227    Quant aux contacts de la première catégorie visée au point 223 ci-dessus, il est constant entre les parties qu’ils sont intervenus dans des pays tiers ou, à tout le moins, qu’ils impliquaient des employés locaux des transporteurs incriminés dans ces pays. Il y a, cependant, lieu de relever que rien n’empêchait les transporteurs incriminés de se coordonner ou d’échanger des informations dans de tels pays au sujet des services de fret intra-EEE. À titre d’illustration, au considérant 296 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel interne du bureau de Qantas à Singapour du 18 février 2003, dans lequel il est fait référence à l’introduction d’une STC d’un certain montant par British Airways « en Europe ». De même, au considérant 206 de la décision attaquée, il est fait état d’un courrier du 19 novembre 2001, dans lequel le président du SCC du BAR à Hong Kong a invité les membres de l’association à « indiquer si [leur] administration centrale a[vait] l’intention de réduire ou de retirer la [STC] dans les marchés d’outremer ».

228    Cela étant posé, il convient de relever que la présente branche serait vouée à l’échec quand bien même les contacts en cause autres que celui visé au considérant 198 de la décision attaquée concernaient tous exclusivement des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission.

229    À cet égard, il y a lieu de rappeler que cette dernière peut s’appuyer sur des contacts antérieurs à la période infractionnelle afin de construire une image globale de la situation et ainsi corroborer l’interprétation de certains éléments de preuve (arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255, points 427 et 428). Tel est le cas même dans l’hypothèse où la Commission n’était pas compétente pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence antérieurement à cette période (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, EU:T:2006:136, point 89, et du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, EU:T:2012:145, points 45 à 52).

230    Dans la partie de la décision attaquée intitulée « Principes de base et structure de l’entente », au considérant 107, la Commission a indiqué que son enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux, qui avaient lieu « à divers niveaux au sein des entreprises concernées […] et ont porté, dans certains cas, sur diverses zones géographiques ».

231    Aux considérants 109, 110, 876, 889 et 1046 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, la Commission a précisé les modalités de fonctionnement de cette organisation à plusieurs niveaux. Selon la Commission, les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais qui avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial. Les décisions concernant les surtaxes étaient généralement prises au niveau des sièges de chaque transporteur. Les sièges des transporteurs étaient ainsi en « contact mutuel » lorsqu’un changement de niveau de surtaxe était imminent. Au niveau local, les transporteurs se coordonnaient, dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions de leurs sièges respectifs et de les adapter aux conditions de marché et à la réglementation locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Au considérant 111 de la décision attaquée, la Commission a précisé que les associations locales de représentants de transporteurs ont été utilisées à cette fin, notamment à Hong Kong et en Suisse.

232    Or, les contacts que cite la requérante dans le cadre du présent moyen s’inscrivaient précisément dans ce cadre. En effet, premièrement, ces contacts portaient, en tout ou en partie, sur l’instauration et la mise en œuvre des surtaxes à Hong Kong (considérants 147, 148, 208, 242, 503, 585, 665 et 667), au Japon (considérants 244, 256 et 391), en Inde (considérants 151, 299 et 543), en Thaïlande (considérants 297, 396 et 654), au Kenya (considérant 649) au Canada (considérant 249) ou, plus généralement, en Asie du Sud-Est (considérant 595), ainsi que sur les liaisons entre des pays tiers et la France (considérant 171). Deuxièmement, plusieurs de ces contacts ont soit impliqué des employés du siège de transporteurs incriminés soit fait état d’instructions de leur part ou de communications avec eux (considérants 171, 391, 396, 503, 543, 585, 595 et 654). Troisièmement, dans leur grande majorité, ces contacts soit reflètent au niveau local des annonces effectuées ou des décisions prises au préalable au niveau central (considérants 147, 148, 171, 208, 244 et 249), soit à tout le moins sont contemporains de discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes (considérants 297, 299, 585, 595, 649, 654 et 667). Quatrièmement, bon nombre de ces contacts ont eu lieu dans le cadre ou en marge d’associations locales de représentants de transporteurs (considérants 147, 151, 208, 242, 299, 503, 665 et 667).

233    La requérante reste d’ailleurs en défaut de soutenir que ces contacts ne corroboraient pas l’interprétation d’autres éléments de preuve retenus aux fins d’établir l’infraction unique et continue et dont il n’est pas allégué qu’ils échappaient à la compétence de la Commission. Au contraire, la requérante soutient expressément que ces contacts sont déterminants et que la Commission n’a pas vérifié si, en leur absence, il existait des preuves relatives à des liaisons intra-EEE suffisantes pour étayer le constat d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur des liaisons intra-EEE avant le 1er mai 2004 et le 19 mai 2005, respectivement. À ce sujet, il y a lieu de relever que la Commission décrit, dans la décision attaquée, s’agissant de la STC, les contacts appuyant le constat d’infraction intervenus entre fin 1999 et le printemps 2005 aux points 4.3.4 à 4.3.18 (considérants 133 à 468). S’agissant des contacts afférents à la STS, décrits aux considérants 581 à 674, ils sont intervenus dans leur immense majorité avant le 19 mai 2005, et dans leur grande majorité avant le 1er mai 2004. Ainsi, les contacts invoqués par la requérante représentent une fraction de l’ensemble des contacts sur lesquels la Commission s’est appuyée pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, respectivement, avant le 1er mai 2004 et le 19 mai 2005, pour les liaisons pour lesquelles elle était compétente et pour les composantes tenant à la STC et à la STS.

234    Il s’ensuit que la Commission n’a pas outrepassé les limites de sa compétence en s’appuyant sur les contacts visés aux considérants 147, 148, 151, 171, 198, 208, 242, 244, 249, 256, 297, 299, 391, 396, 503, 543, 585, 595, 649, 654, 665 et 667 de la décision attaquée pour construire une image globale de l’entente litigieuse et ainsi corroborer l’interprétation d’autres éléments de preuve qu’elle a retenus.

235    Le présent moyen ne peut donc qu’être écarté.

4.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles, d’une méconnaissance du droit d’être entendu et d’une erreur manifeste d’appréciation

236    Le présent moyen, par lequel la requérante avance que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé des formes substantielles et le droit d’être entendu en omettant d’émettre une nouvelle communication des griefs et d’organiser une nouvelle audition avant d’arrêter la décision attaquée, particulièrement au vu des actions en dommages et intérêts pendantes, s’articule, en substance, en deux branches. Elles sont prises, la première, d’une erreur de la Commission en ce qu’elle a conclu que l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 n’affectait pas la validité de la communication des griefs et, la seconde, d’un vice entachant la décision attaquée en raison du fait que les comportements qui y sont reprochés sont nouveaux ou modifiés dans leur substance par rapport à ceux décrits dans la communication des griefs.

a)      Sur la première branche, prise d’une erreur de la Commission en ce qu’elle a conclu que l’annulation de la décision du novembre 2010 n’affectait pas la validité de la communication des griefs

237    Au soutien de la présente branche, la requérante fait valoir que la question de la nature purement procédurale ou non de l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 n’est pas pertinente aux fins de déterminer le stade auquel il y avait lieu de reprendre la procédure à la suite de l’arrêt du 16 décembre 2015, Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991). Il s’agirait, au contraire, d’examiner, au terme d’une appréciation au cas par cas, si l’irrégularité ayant fondé l’annulation a eu une incidence sur les actes préparatoires à l’acte annulé.

238    Or, l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 toucherait au fond même du litige et aurait nécessairement et substantiellement vicié les actes préparatoires à cette décision et singulièrement la communication des griefs, si bien que cette dernière se trouverait remise en cause et que la requérante aurait été privée de la possibilité de se défendre. Les contradictions à l’origine de cette annulation résulteraient, en effet, directement des tentatives de la Commission d’éviter de reproduire les erreurs qu’elle avait commises dans la communication des griefs quant à la délimitation de ses compétences. La question de savoir si la communication de griefs était entachée des mêmes illégalités que la décision du 9 novembre 2010 serait, en revanche, dépourvue de pertinence. La lettre du 20 mai 2016 aurait été, quant à elle, trop vague pour permettre à la requérante d’exercer ses droits procéduraux.

239    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

240    En vertu de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation. Cette obligation ne s’entend que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation (arrêt du 29 novembre 2007, Italie/Commission, C‑417/06 P, non publié, EU:C:2007:733, point 52).

241    Selon une jurisprudence constante, afin de se conformer à un arrêt d’annulation et de lui donner pleine exécution, l’institution concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (arrêts du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27, et du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 29).

242    Il y a également lieu de rappeler que l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires, la procédure visant à remplacer l’acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue. L’annulation de l’acte n’affecte, en principe, pas la validité des mesures préparatoires de celui-ci, antérieures au stade où ce vice a été constaté. S’il est constaté que l’annulation n’affecte pas la validité des actes de procédure antérieurs, la Commission n’est pas, du seul fait de cette annulation, tenue d’adresser une nouvelle communication des griefs aux entreprises en cause (arrêt du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission, C‑180/16 P, EU:C:2017:520, point 24).

243    En l’espèce, par l’arrêt du 16 décembre 2015, Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), le Tribunal a annulé la décision du 9 novembre 2010 en raison de contradictions constatées entre ses motifs et son dispositif, ainsi qu’entre ses motifs, qui mettaient la requérante et le juge dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à considérer que la requérante était responsable d’une infraction (voir points 16, 19 et 20 ci-dessus).

244    Or, il est constant que le vice constaté par le Tribunal dans l’arrêt du 16 décembre 2015, Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), est intervenu au stade ultime de l’adoption de la décision du 9 novembre 2010 et non antérieurement.

245    Il est également constant que l’erreur relative à la compétence de la Commission entachant prétendument la communication des griefs n’a pas fait l’objet, dans l’arrêt du 16 décembre 2015, Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), de constats de la part du Tribunal, ce dernier s’étant prononcé exclusivement sur un vice affectant la cohérence interne de la décision du 9 novembre 2010.

246    C’est donc à bon droit que la Commission a retenu, au considérant 1057 de la décision attaquée, que l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 n’a « pas affecté les actes préparatoires précédant [cette décision], ce qui permet à la Commission de reprendre la procédure au point précis auquel l’illégalité est intervenue, à savoir l’adoption de [ladite décision] ».

247    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation de la requérante, selon laquelle le vice identifié dans l’arrêt du 16 décembre 2015, Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), « résulte directement des tentatives de la Commission d’éviter de reproduire les erreurs qu’elle avait commises sur sa compétence dans la communication des griefs ». En effet, la requérante, ce faisant, ne soutient pas que ce sont les prétendues erreurs affectant la communication des griefs qui sont à l’origine du vice de motivation entachant la décision du 9 novembre 2010, mais plutôt les « tentatives » de la Commission d’y remédier dans ladite décision. Elle ne fait ainsi que confirmer que le vice constaté par le Tribunal dans ledit arrêt n’est intervenu qu’au stade ultime de l’adoption de cette décision.

248    Il y a donc lieu de rejeter la présente branche.

b)      Sur la seconde branche, prise d’un vice entachant la décision attaquée en ce que les comportements qui y sont reprochés sont nouveaux ou modifiés dans leur substance par rapport à la communication des griefs

249    Selon la requérante, la Commission n’est pas fondée à conclure que la décision attaquée ne retient aucun nouveau grief ni ne modifie la substance des griefs retenus dans la communication des griefs.

250    Premièrement, il ressortirait de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée que cette dernière aurait pour effet de modifier la nature intrinsèque de l’infraction unique et continue et en particulier d’en accroître l’étendue, en imputant à l’ensemble des transporteurs incriminés la responsabilité de l’infraction unique et continue en ce qu’elle porte sur les liaisons intra-EEE. Dès lors qu’une juridiction nationale saisie d’une action en dommages et intérêts doit tenir pour établis les constats de droit et de fait de la décision attaquée, une telle extension emporterait des conséquences pour la requérante.

251    Deuxièmement, la position erronée que la Commission aurait adoptée dans la communication des griefs quant à l’étendue de sa compétence aurait intégralement vicié l’appréciation des griefs retenus à l’encontre de la requérante. Or, la décision attaquée se fonderait sur des preuves invoquées dans la communication des griefs et notamment sur des pièces relatives à des liaisons avec des pays tiers antérieures à la date à laquelle la Commission a acquis la compétence requise à cet égard.

252    Troisièmement, le raisonnement figurant aux considérants 887 à 890 de la décision attaquée quant au caractère mondial de l’infraction unique et continue et l’ajout des termes « dans le monde entier » au paragraphe introductif de l’article 1er de la décision attaquée revêtiraient un caractère nouveau ou auraient modifié la teneur des griefs retenus dans la communication des griefs.

253    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

254    À cet égard, il convient de rappeler que la communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 35).

255    Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son encontre (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 36).

256    L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), qui font application de ce principe, prescrivent à la Commission de ne retenir dans sa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises et associations d’entreprises intéressées ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue.

257    Il doit être tenu compte dans le même temps de la nature provisoire de la communication des griefs qui implique que l’existence de différences entre ce dernier document et la décision finale est non seulement possible, mais licite, dans la mesure où la décision finale reflète l’ensemble des éléments produits et discutés durant la procédure administrative, y compris après l’envoi de la communication des griefs (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 67).

258    Ce n’est que si la décision finale met à la charge des entreprises concernées des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs ou retient des faits différents qu’une violation des droits de la défense doit être constatée (voir arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, point 706 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, tel n’est pas le cas lorsque les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision attaquée ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les parties requérantes se sont déjà expliquées et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief (arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, points 84 et 85).

259    En l’espèce, la Commission a conclu, à l’article 1er la décision attaquée, que les transporteurs incriminés, en coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier en ce qui concerne la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, ont participé à l’infraction unique et continue sur l’ensemble des catégories de liaisons visées aux paragraphes 1 à 4 de cet article. Il s’agit des liaisons intra-EEE (paragraphe 1), des liaisons Union-pays tiers (paragraphe 2), des liaisons EEE sauf Union-pays tiers (paragraphe 3) et des liaisons Union-Suisse (paragraphe 4).

260    Comme il est indiqué au point 46 ci-dessus, la période durant laquelle l’infraction unique et continue a été constatée varie en fonction des liaisons concernées :

–        du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concerne les liaisons intra-EEE ;

–        du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concerne les liaisons Union-pays tiers ;

–        du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;

–        du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concerne les liaisons Union-Suisse.

261    Pour sa part, la communication des griefs indiquait que « toutes les activités anticoncurrentielles impliquant chacun des participants s’inscriv[ai]ent dans un objectif global » (point 1430) et qu’« [i]l serait artificiel de séparer de tels comportements continus et interdépendants, caractérisés par un objectif unique, en les traitant comme s’ils étaient constitués de plusieurs infractions distinctes » (point 1432).

262    Dans le cadre de cette communication, la Commission retenait l’existence de l’infraction unique et continue sur une période comprise entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006 (point 1564).

263    S’agissant spécifiquement des liaisons Union-pays tiers, des liaisons EEE sauf Union-pays tiers et des liaisons Union-Suisse, il ressort des points 1388, 1392, 1395, 1577 et 1578 de la communication des griefs que la Commission considérait, en substance, qu’elle était compétente pour constater l’existence d’une infraction unique et continue sur les deux premières catégories de liaisons pour l’ensemble de la période infractionnelle et, s’agissant de la dernière catégorie de liaisons, à partir du 1er juin 2002. Dans le même temps, elle estimait qu’elle était compétente pour imposer une amende à ce titre seulement à partir du 1er mai 2004 pour les liaisons Union-pays tiers, du 19 mai 2005 pour les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et du 1er juin 2002 pour les liaisons Union-Suisse.

264    Quant aux liaisons intra-EEE, il ressort des points 1389, 1393, 1568 et 1569 de la communication des griefs que la Commission considérait qu’elle était compétente tant pour constater que pour sanctionner l’infraction unique et continue déployée sur lesdites liaisons pour l’ensemble de la période infractionnelle.

265    Il ressort de ce qui précède que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’a pas accru l’étendue de l’infraction reprochée dans le cadre de la communication des griefs.

266    En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, l’ensemble des transporteurs incriminés s’était vu reprocher, dès le stade de la communication des griefs, leur participation à l’infraction unique et continue sur les quatre catégories de liaisons visées à l’article 1er de la décision attaquée.

267    Par ailleurs, si la période infractionnelle retenue dans la communication des griefs pour les liaisons Union-pays tiers et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers diffère de celle retenue dans la décision attaquée, ce n’est pas dans le sens d’une extension de la portée temporelle de l’infraction finalement établie dans la décision attaquée, mais, au contraire, dans le sens d’une limitation de celle-ci pour les catégories de liaisons concernées.

268    Aucun des autres arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause les conclusions qui précèdent.

269    Premièrement, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen ci-dessus, la circonstance que la décision attaquée se fonderait sur des preuves invoquées dans la communication des griefs concernant des liaisons à l’égard desquelles la Commission n’aurait pas été compétente est sans incidence sur la légalité de ladite décision dans la mesure où la Commission était fondée à les utiliser pour construire une image globale de l’entente litigieuse et ainsi corroborer d’autres preuves de comportements n’échappant pas à sa compétence (voir points 228 à 234 ci-dessus).

270    Deuxièmement, s’agissant du caractère prétendument nouveau du raisonnement figurant aux considérants 887 à 890 de la décision attaquée quant au caractère mondial de l’infraction unique et continue et de l’ajout des termes « dans le monde entier » dans le paragraphe introductif de l’article 1er de la décision attaquée, il y a d’emblée lieu d’observer que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas conclu, dans le dispositif de la décision attaquée, à l’existence d’une infraction de dimension mondiale. La référence à la coordination du comportement des transporteurs incriminés « en matière de tarification pour la fourniture de services de fret […] dans le monde entier » dans le paragraphe introductif de l’article 1er de cette décision n’est qu’un constat de faits que la Commission a qualifiés aux paragraphes 1 à 4 du même article d’infraction aux règles de concurrence applicables sur les liaisons dont elle a estimé qu’elles relevaient, aux périodes en cause, de sa compétence (voir point 259 ci-dessus).

271    Cette distinction se retrouve dans les motifs de la décision attaquée. Ces motifs font ainsi référence, d’une part, à une infraction aux règles de concurrence applicables dont la portée géographique est limitée à des types de liaisons déterminés (considérants 1146 et 1187) et, d’autre part, à une « entente mondiale » (considérants 74, 112, 832 et 1300), de « caractère mondial » (considérant 887) ou « mise en œuvre mondialement » (considérant 1046).

272    Le considérant 1210 de la décision attaquée déroge, il est vrai, à la règle, en ce qu’il fait référence à « la portée géographique de l’infraction [qui] était mondiale ». Il y a cependant lieu de constater que le contexte dans lequel s’inscrit cette référence isolée à une infraction mondiale tend à démontrer qu’il s’agit d’une simple erreur de plume et qu’il faut lire « la portée géographique de l’entente [litigieuse] était mondiale ». En effet, ladite référence est suivie des phrases suivantes :

« Aux fins de déterminer la gravité de l’infraction, cela signifie que l’entente couvrait l’ensemble de l’EEE et la [Confédération s]uisse. Cela inclut les services de fret […] sur les liaisons dans les deux directions entre des aéroports situés dans l’EEE, entre des aéroports situés dans l’Union et des aéroports situés en dehors de l’EEE, entre des aéroports situés dans l’Union et des aéroports situés en Suisse et entre des aéroports situés sur le territoire de parties contractantes à l’EEE qui ne sont pas des États membres et des aéroports situés dans des pays tiers. »

273    Dans la mesure ou la requérante invoque le caractère nouveau du constat de la dimension mondiale de l’entente litigieuse, il y a lieu de relever que, de l’aveu même de la requérante, la communication des griefs faisait état de l’existence d’une entente de niveau mondial.

274    Ainsi le point 3 de la communication des griefs se lisait de la manière suivante :

« [l]es destinataires de la présente communication des griefs ont participé à une infraction unique et continue […] dans le cadre de laquelle ils ont coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier [on a global basis], en ce qui concerne différentes surtaxes […] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, en particulier […] la [STC] ; la [STS] […] et le [refus de paiement de commissions] »

275    Cette affirmation est reprise, pour l’essentiel, au point 1409 de la communication des griefs.

276    De même, le point 125 de la communication des griefs indiquait que « [l]’application coordonnée de la [STC] avait pour objectif de veiller à ce que les transporteurs de fret aérien dans le monde entier [throughout the world]  imposent une surtaxe forfaitaire par kilo sur tous les envois pertinents. […] Cette approche coordonnée était étendue aux [STS et autres]. En outre, les [transporteurs] coordonnaient leur refus de payer une commission sur les surtaxes […] ».

277    Par ailleurs, si la requérante relève à juste titre, dans la réplique, qu’il n’était pas fait allusion à la nature mondiale de l’entente litigieuse aux points 1430 à 1438 de la communication des griefs, il y a lieu d’observer que ces développements concernaient la qualification de l’infraction unique et continue et de son objet anticoncurrentiel, et non celle de l’entente litigieuse. Or, la Commission ne pouvant constater une infraction que pour les liaisons qui relevaient de sa compétence, il était logique qu’elle décrive la portée géographique de ladite infraction de manière plus limitée que celle de l’entente litigieuse. C’est précisément ce qu’a fait la Commission au point 1430 de la communication des griefs en visant le « marché de l’EEE pour les services de fret aérien, comprenant les liaisons entre les aéroports de l’EEE et les pays tiers ».

278    Enfin, la circonstance, invoquée par la requérante, que les considérants 887 à 890 de la décision attaquée, de même que l’ajout des termes « dans le monde entier » au paragraphe introductif de l’article 1er de ladite décision, sont « nouveaux » par rapport à la décision du 9 novembre 2010, est dénuée de pertinence. En effet, seul importe, dans le cadre de la présente branche, la question de savoir si ces éléments n’ont pas été portés à l’attention de la requérante au cours de la procédure administrative.

279    Dans la mesure ou la requérante se prévaut du caractère nouveau des éléments retenus aux considérants 887 à 890 de la décision attaquée par rapport à la communication des griefs, il y a lieu d’observer qu’elle se méprend.

280    D’une part, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des considérants 112, 886 et 887 de la décision attaquée, l’indication en cause est formulée par la Commission en réponse aux arguments de certains destinataires de la communication des griefs, tendant à remettre en cause la pertinence des contacts intervenus dans les pays tiers et des contacts concernant des liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou n’auraient pas pu légalement desservir.

281    Dès lors, l’indication en cause s’inscrit dans la possibilité reconnue à la Commission, au vu de la procédure administrative, de réviser ou d’ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 82).

282    D’autre part, les arguments prétendument nouveaux de la Commission formulés aux considérants 887 à 890 de la décision attaquée s’appuient en réalité sur des éléments qui figuraient déjà dans la communication des griefs. Outre la question de la nature mondiale de l’entente litigieuse (considérant 887 de la décision attaquée), ces considérants visent, en effet, notamment, des éléments invoqués pour conclure au caractère unique de l’infraction en cause (considérant 888 de cette décision) et des éléments relatifs à l’applicabilité générale des surtaxes (considérant 889 de ladite décision), lesquels étaient mentionnés dans la communication des griefs (points 825, 1424, 1428, 1429 et 1431).

283    Quant à la constatation reprise au considérant 890 de la décision attaquée, selon laquelle les accords passés avec d’autres transporteurs étaient de nature à permettre à ces derniers de « surmonter n’importe quelle entrave juridique ou technique à la prestation de services de fret […] sur les liaisons qu’il[s] n’exploitai[en]t pas ou qu’il[s] n’aurai[en]t pas pu légalement exploiter », contrairement à ce que soutient la requérante, elle ressort de la communication des griefs. Ainsi, au point 7 de la communication des griefs, la Commission indiquait ce qui suit :

« [a]ucune compagnie aérienne n’est en mesure de desservir toutes les destinations majeures de fret dans le monde à des fréquences suffisantes avec son propre réseau, de sorte que la conclusion d’accords entre transporteurs pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires est monnaie courante. De tels accords peuvent prendre diverses formes telles qu’un simple achat de capacité ou un certain degré de partage de coûts et de revenus. Il est souvent fait référence à ces accords au sein du secteur sous la dénomination “entreprises communes” (“joint ventures”), même s’il ne s’agit en réalité que d’accords d’achat de capacité ».

284    Au point 102 de la communication des griefs, la Commission ajoutait ce qui suit :

« [l]a plupart des fournisseurs de services de [fret] opèrent à l’échelle mondiale. Le transport aérien est généralement exécuté sur une longue distance et les marchandises sont souvent transportées d’un continent vers un autre. Le marché du [fret] est mondial. La plupart des fournisseurs de services de [fret] exploitent un réseau de liaisons sur lesquelles ils offrent des services réguliers dans les deux sens. D’une manière générale, ils offrent des services en provenance et à destination de plusieurs aéroports dans leur région d’origine et un large éventail d’aéroports dans d’autres parties du monde. Par le biais d’accords passés avec d’autres transporteurs, ils peuvent également offrir des services de fret aérien en provenance et à destination d’aéroports que leurs propres avions ne desservent pas ou pour du fret pour lequel ils n’ont pas de capacité disponible ».

285    Dès lors, il y a lieu de rejeter la présente branche et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

5.      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 101 TFUE

286    La requérante soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en qualifiant de restriction de concurrence « par objet » la coordination relative à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions, sans avoir préalablement apprécié le contexte économique et juridique pertinent.

287    La Commission se serait exclusivement appuyée sur deux arrêts anciens, à savoir ceux du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission (T‑62/98, EU:T:2000:180, point 178), et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission (T‑38/02, EU:T:2005:367, point 150). Or, ce faisant, la Commission aurait fondé son analyse sur des arrêts, qui, à la différence de la présente espèce, concernaient des comportements qui enfreignaient gravement les règles de concurrence par leur nature même. La Commission aurait aussi, ce faisant, négligé l’apport de la jurisprudence récente et, en particulier, de l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204). Il ressortirait de cet arrêt que la Commission ne peut se contenter d’un examen abstrait pour conclure à l’existence d’une restriction de concurrence par objet. Le comportement litigieux ne pourrait être qualifié de la sorte qu’au terme d’un examen individuel et circonstancié des faits de l’espèce, y compris le contexte économique et juridique pertinent. Tel serait le cas quand bien même ce comportement tiendrait à la fixation de prix et revêtirait une gravité particulière.

288    En l’espèce, la Commission aurait omis de procéder à un examen du contexte économique et juridique pertinent. L’examen entrepris dans la décision attaquée serait particulièrement concis et superficiel. En particulier, la Commission n’aurait pas examiné en détail les circonstances tenant à l’offre et à la demande sur le marché en cause.

289    Or, selon la requérante, une appréciation convenable du contexte économique et juridique pertinent aurait démontré que les comportements litigieux ne révélaient pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiés de restrictions de concurrence par objet. Eu égard à la structure du marché du fret, il aurait, en effet, été hautement improbable que le comportement en cause restreigne la concurrence.

290    D’une part, il aurait été improbable que les comportements litigieux relèvent directement les prix au-delà du niveau concurrentiel. En effet, les comportements en cause n’auraient porté que sur une fraction du prix. Ils n’auraient donc pas consisté à fixer les prix de vente, ni à réduire ou à éliminer la concurrence par les prix et auraient, par suite, pu être neutralisés par une baisse du tarif de base des transporteurs. Or, les clients prendraient leurs décisions d’achat sur la base de ce prix, tandis que les profits des transporteurs n’augmenteraient pas en cas de majoration des surtaxes. Quant aux précédents dans lesquels une coordination sur des surtaxes aurait été qualifié de restriction « par objet », ils porteraient sur des circonstances factuelles différentes de celles du cas d’espèce. En effet, à la différence du cas d’espèce, ces précédents auraient concerné soit des ententes dont les membres avaient des parts de marché élevées, soit une infraction ayant abouti à une « régulation institutionnalisée des prix et de la concurrence ». Des similitudes tenant à la poursuite d’un même but anticoncurrentiel ou à la coordination au niveau d’une série de facteurs ne seraient pas suffisantes.

291    D’autre part, il aurait été improbable que les comportements en cause restreignent indirectement la concurrence. En effet, au vu de la structure et de la complexité du marché du fret, de l’opacité des prix, des différences entre les transporteurs incriminés et de leurs faibles parts de marché combinées, les conditions nécessaires à l’existence d’une collusion tacite n’auraient pas été réunies.

292    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

293    Il convient de rappeler que, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur.

294    Selon une jurisprudence constante de la Cour depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction « ou », conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord (arrêts du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 16, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 24).

295    Ainsi, comme il a été relevé au point 124 ci-dessus et comme l’a rappelé à bon droit la Commission au considérant 917 de la décision attaquée en se référant à juste titre aux arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission (T‑62/98, EU:T:2000:180, point 178), et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission (T‑38/02, EU:T:2005:367, point 150), il n’y a pas lieu d’examiner les effets sur la concurrence d’un accord ou d’une pratique concertée lorsque son objet anticoncurrentiel est établi.

296    Selon la jurisprudence, certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiés de restriction « par objet », de sorte que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu de la concurrence (arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 184 et 185, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 26).

297    Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, comme il a été rappelé au point 138 ci-dessus, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs).

298    Comme l’a relevé, en substance, à bon droit la Commission au considérant 908 de la décision attaquée, il ressort de la jurisprudence que tel est le cas non seulement des comportements qui consistent à fixer la totalité du prix final du bien ou du service concerné, mais également de ceux qui portent sur la fixation d’une partie de ce prix (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T‑29/92, EU:T:1995:34, point 146, et du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T‑48/98, EU:T:2001:289, points 114 et 115), ainsi que de ceux qui visent à éviter que la discipline convenue en matière de prix soit contournée et qu’ainsi les entreprises concernées se fassent concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, EU:C:1989:301, point 18).

299    Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que cette jurisprudence concernait soit un système de « régulation institutionnalisée de prix et de la concurrence » assorti d’un pouvoir de sanction comportant des procédures opposables aux participants à l’entente en cause, soit des ententes réunissant des entreprises dont les parts de marché combinées étaient sensiblement plus élevées que celles des transporteurs incriminés, ne la prive aucunement de pertinence aux fins de l’examen du présent moyen. L’absence de ces éléments dans la présente espèce n’est, en effet, pas susceptible de démontrer que les accords et pratiques litigieux n’étaient pas, par leur nature même, nuisibles au bon fonctionnement du jeu de la concurrence.

300    Il n’en demeure pas moins que, comme le relève la requérante, apprécier si un accord ou une pratique concertée présente un degré suffisant de nocivité pour être qualifié de restriction de concurrence « par objet » suppose de s’attacher notamment aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation de ce contexte, il y a lieu de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53).

301    Un tel examen ne saurait pour autant conduire le Tribunal à apprécier les effets de la coordination concernée, sous peine de faire perdre son effet utile à la distinction prévue par les dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 72 à 82).

302    S’agissant, en particulier, d’accords horizontaux de fixation de prix, qui constituent des violations particulièrement graves des règles de concurrence, un tel examen peut se limiter à ce qui s’avère strictement nécessaire en vue de conclure à l’existence d’une restriction de concurrence « par objet » (voir arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, C‑469/15 P, EU:C:2017:308, points 106 et 107 et jurisprudence citée).

303    Or, aux considérants 908, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux s’apparentait à une entente de fixation de prix horizontale, quand bien même il ne portait pas sur la totalité du prix final des services en cause.

304    C’est donc à juste titre que la Commission soutient dans le mémoire en défense qu’elle pouvait s’en tenir à un examen du contexte économique et juridique pertinent limité à ce qui s’avérait strictement nécessaire en vue de qualifier les accords et pratiques litigieux de restriction de concurrence « par objet ».

305    Or, contrairement à ce que soutient la requérante, l’examen du contexte économique et juridique pertinent auquel s’est livrée la Commission dans la décision attaquée satisfait à ces exigences. Aux considérants 909 et 916 de cette décision, la Commission a ainsi expliqué que le « prix éta[i]t le principal instrument de concurrence », que les accords et pratiques litigieux visaient à « supprimer l’incertitude en matière de tarification sur le marché du fret […] » et ainsi à « garantir que la discipline sur le marché était maintenue et que les augmentations découlant des indices du carburant étaient appliquées en totalité et de manière coordonnée ». Comme le relève à juste titre la Commission, cette analyse se fonde notamment sur le point 4 de ladite décision, auquel sont décrits, en particulier, les principes de base et la structure de l’entente litigieuse. Elle doit également se lire à la lumière de la description du secteur du fret et des modalités de tarification applicables, dont la requérante elle-même reconnaît qu’elle a été effectuée au point 2.1 de la décision attaquée.

306    Par ailleurs, pour un motif analogue à celui retenu au point 141 ci-dessus, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir omis de tenir compte d’un éventuel effet de vases communicants.

307    C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a retenu, aux considérants 903 et 910 de la décision attaquée, que les accords et pratiques litigieux avaient pour objet de restreindre la concurrence.

308    Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à infirmer cette conclusion.

309    En premier lieu, la circonstance que le contexte économique et juridique pertinent ait fait dans d’autres décisions l’objet d’un examen plus approfondi que dans la décision attaquée n’est pas de nature à démontrer que la Commission aurait dû satisfaire à un niveau d’exigence plus strict en l’espèce. En effet, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne peut avoir qu’un caractère indicatif, dès lors que les circonstances des affaires ne sont pas identiques [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Roca Sanitario/Commission, T‑408/10, EU:T:2013:440, point 64 (non publié)].

310    En second lieu, la question de savoir si le comportement litigieux pouvait être considéré comme une « entente caractérisée » est dépourvue de toute pertinence aux fins de déterminer s’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C‑439/09, EU:C:2011:649, point 32).

311    Le présent moyen doit, en conséquence, être rejeté.

6.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une « erreur manifeste d’appréciation en fait et en droit » et de la violation d’une formalité substantielle, de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu

312    La requérante soutient que la Commission a commis une « erreur manifeste d’appréciation en fait et en droit » et a violé une formalité substantielle, l’obligation de motivation et le droit d’être entendu en ne définissant avec suffisamment de précision la portée et les critères de l’infraction unique et continue. Selon la requérante, la Commission a opéré une extension indue de la notion d’infraction unique et continue en fondant largement la décision attaquée sur la thèse d’une infraction unique et continue ayant débuté en décembre 1999 et à laquelle les transporteurs incriminés auraient adhéré à différentes dates.

313    Le présent moyen s’articule, en substance, en deux branches, tirées, la première, d’une violation des règles régissant la charge de la preuve et, la seconde, du caractère vague, ambigu et insaisissable des constatations opérées dans la décision attaquée.

a)      Sur la première branche, prise d’une violation des règles régissant la charge de la preuve

314    La requérante fait valoir que la Commission ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait de prouver que les accords et pratiques litigieux satisfaisaient aux trois critères de la notion d’infraction unique et continue que seraient l’existence d’un lien de complémentarité entre les agissements en cause, l’intention de participer à un plan d’ensemble visant à la réalisation d’un but anticoncurrentiel et la connaissance du comportement des autres participants à cette infraction.

315    La requérante invoque trois griefs à l’appui de son argumentation. En premier lieu, la Commission aurait omis d’établir une corrélation suffisante entre les contacts disparates de la requérante avec d’autres transporteurs. La Commission n’aurait pas séparé les éléments pertinents et licites des éléments non pertinents et illicites, mais se serait fondée sur des éléments qui ne révèlent pas un comportement illégal pour conclure à l’existence d’une infraction unique et continue, en violation du principe selon lequel le recours à la notion d’infraction unique et continue ne permet pas de qualifier d’illicite un comportement licite. La Commission n’aurait pas non plus identifié en des termes clairs un accord contraire à l’article 101 TFUE, pour examiner ensuite en quoi il relevait d’une infraction unique et continue, ni n’aurait tenté de réduire les nombreuses divergences entre les différentes demandes de clémence, d’obtenir plus de renseignements sur des déclarations ou affirmations générales, de pondérer la valeur probatoire relative des éléments rapportés ou encore d’en démontrer la pertinence.

316    En deuxième lieu, la Commission ne prouverait pas que la requérante a délibérément participé à un plan d’ensemble. Elle infèrerait illicitement l’intention de la requérante de participer à un tel plan de ses contacts bi- et multilatéraux avec d’autres transporteurs et d’annonces publiques de modification d’un taux. Au stade de la réplique, la requérante ajoute que ces annonces étaient contraignantes et insusceptibles de modification ou de retrait en réponse aux réactions de concurrents. De telles annonces seraient courantes sur de nombreux marchés et il serait normal que les entreprises en tiennent compte pour définir leur propre comportement sur le marché. Elles n’auraient donc pas suscité d’inquiétudes du point de vue de la concurrence, ni pu faire office de mécanisme de contrôle.

317    En troisième lieu, la Commission n’établirait pas explicitement que la requérante avait connaissance des activités anticoncurrentielles des autres transporteurs incriminés.

318    La requérante ajoute qu’il est d’autant plus essentiel de ne pas dévoyer la notion d’infraction unique et continue que le constat de la participation d’une entreprise à une entente est susceptible d’emporter des conséquences sur le plan des actions en dommages et intérêts.

319    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

320    Il convient d’observer que le premier grief, tiré de l’omission de la Commission d’établir un lien de complémentarité entre les différents accords et pratiques litigieux, porte sur la question de la preuve du caractère unique de l’infraction unique et continue. À l’inverse, les deuxième et troisième griefs, déduits, respectivement, de l’absence de démonstration de la participation délibérée de la requérante à un plan d’ensemble et de l’absence de preuve explicite que la requérante avait connaissance des activités anticoncurrentielles des autres transporteurs incriminés, concernent la question de savoir dans quelle mesure la Commission pouvait tenir la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue.

321    Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner ces deux questions séparément.

1)      Sur la preuve du caractère unique de l’infraction unique et continue

322    Selon la jurisprudence, une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).

323    Lors de l’appréciation du caractère unique de l’infraction et de l’existence d’un plan d’ensemble, le fait que les différentes actions des entreprises s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, revêt un caractère déterminant. Aux fins de cette appréciation, l’identité au moins partielle des entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T‑566/08, EU:T:2013:423, points 265 et 266 et jurisprudence citée), de même que les différents chevauchements matériels, géographiques et temporels entre les actes et les comportements en cause peuvent être pertinents.

324    Tel est notamment le cas de l’identité des produits et des services concernés, de l’identité des modalités de mise en œuvre, de l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et de l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 60).

325    L’existence de liens de complémentarité entre les différents agissements en cause, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par l’intermédiaire d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique, peut également constituer un indice objectif confortant l’existence d’un plan d’ensemble visant à la réalisation d’un objectif anticoncurrentiel unique (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 92 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission, T‑378/10, EU:T:2013:469, points 22, 23 et 32 et jurisprudence citée).

326    Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’est pas nécessaire, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, de vérifier s’ils présentent de tels liens. La notion d’« objectif unique » implique seulement qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent, par conséquent, pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 121).

327    Il s’ensuit que, à la supposer avérée, l’omission alléguée de la Commission d’établir un lien de complémentarité entre les accords et pratiques litigieux n’est pas, à elle seule, de nature à entacher d’erreur leur qualification d’infraction unique.

328    En tout état de cause, il convient de relever que l’argumentation de la requérante manque en fait. Aux considérants 872 à 883 de la décision attaquée, la Commission a retenu six facteurs pour conclure que les comportements litigieux relevaient d’une infraction unique. Parmi ces facteurs figurent non seulement l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique (considérants 872 à 876) et le fait que ces comportements portaient sur un même service (considérant 877), mais aussi la nature unique de l’infraction (considérant 879). Dans le cadre de son examen de la nature unique de l’infraction au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a retenu ce qui suit :

« Les contacts concernant la STC, la STS et le refus de pa[iement] de commissions […] affichaient donc un lien de complémentarité étant donné que chacun avait pour but de traiter une ou plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et, par cette interaction, de contribuer à la réalisation de l’objectif unique poursuivi par les responsables, dans le cadre d’un plan global. »

329    Or, dans le cadre du présent moyen, la requérante est restée en défaut d’invoquer le moindre élément tendant à démontrer que cette appréciation était entachée d’erreur. La requérante n’a pas même identifié d’agissements dont elle estime que la complémentarité avec les différents accords et pratiques litigieux n’a pas été démontrée. La requérante s’en est, au contraire, tenue à des affirmations vagues et générales, selon lesquelles la Commission aurait opté pour une démarche « attrape tout », « corrél[é] artificiellement à l’application des surtaxes la quasi-totalité des contacts ou interventions » ou encore regroupé des « actes indépendants et fragmentaires accomplis à l’échelon mondial, afin de les regrouper en un long exposé décousu ».

330    Quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait omis de séparer les éléments pertinents et licites des éléments non pertinents et illicites, d’identifier en des termes clairs un accord contraire à l’article 101 TFUE, pour examiner ensuite en quoi il relevait d’une infraction unique et continue, ou encore de réduire les nombreuses divergences entre les différentes demandes de clémence, il convient de relever qu’il n’est aucunement étayé. La requérante est ainsi restée en défaut, dans le cadre du présent moyen, d’identifier le moindre élément licite ou dépourvu de pertinence sur lequel la Commission se serait appuyée pour conclure au caractère unique des accords et des pratiques litigieux. De même, la requérante est restée en défaut d’identifier les divergences entre les différentes demandes de clémence que la Commission aurait échoué à réduire. La requérante n’a pas davantage expliqué en quoi la Commission aurait fautivement omis de pondérer la valeur probatoire relative des éléments rapportés ou d’en démontrer la pertinence.

331    Pour ce qui est de l’argument tiré de l’omission de la Commission de demander aux transporteurs incriminés des renseignements au titre de l’article 18 du règlement no 1/2003, il convient de constater que la requérante a, lors de l’audience, expliqué qu’il ne s’agissait pas d’un grief à part entière. De l’aveu même de la requérante, il s’agissait uniquement d’un élément parmi d’autres tendant à démontrer qu’« il fallait que la Commission trouve des informations plus précises ».

332    Il résulte de ce qui précède que la requérante a échoué à démontrer que la Commission avait commis une erreur en qualifiant d’infraction unique les accords et pratiques litigieux.

2)      Sur la preuve de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue

333    Selon la jurisprudence, une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).

334    Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).

335    Il en ressort que trois conditions doivent être réunies afin d’établir la participation à une infraction unique et continue, à savoir l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun, la contribution intentionnelle de l’entreprise concernée à ce plan et le fait qu’elle avait connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres participants auxquels elle n’a pas directement participé (arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, EU:T:2011:289, point 35 ; voir, également, arrêt du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 118 et jurisprudence citée).

336    Aux considérants 749 et 881 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait été « impliquée » dans chacune des trois composantes de l’infraction unique et continue. Il ressort des considérants 882 et 883 de cette décision que la Commission a ainsi entendu retenir que la requérante avait directement participé à chacune de ces composantes et non qu’elle n’avait directement participé qu’à certaines d’entre elles mais avait eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres transporteurs incriminés dans la poursuite de l’objectif anticoncurrentiel unique, ou pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque.

337    Dans le cadre du présent moyen, la requérante n’a pas contesté avoir directement participé aux trois composantes de l’infraction unique et continue. Pour autant qu’elle estime que la Commission aurait dû établir qu’elle avait la connaissance requise de certaines activités anticoncurrentielles qui relevaient de ces composantes, mais auxquelles elle n’a pas directement participé, il convient de rappeler que c’est à la Commission qu’incombe la charge de prouver que l’entreprise concernée avait la connaissance requise des comportements anticoncurrentiels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente globale mais auxquels elle n’a pas directement participé (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 67).

338    Pour ce faire, la Commission doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour établir que l’entreprise concernée avait une telle connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T‑28/99, EU:T:2002:76, point 51).

339    La Commission n’est, cependant, pas tenue de démontrer que l’entreprise concernée avait ou aurait dû avoir connaissance, dans le détail, des concertations intervenues dans le cadre des contacts litigieux auxquels elle n’a pas participé. Elle n’est pas davantage tenue d’établir que l’entreprise en cause avait ou aurait dû avoir connaissance de l’ensemble de ces contacts (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, EU:T:2006:396, point 193).

340    L’entreprise concernée doit ainsi simplement connaître la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale (voir arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission, T‑68/09, EU:T:2014:867, point 64 et jurisprudence citée).

341    Ainsi qu’il ressort des points 230 et 231 ci-dessus, la Commission a décrit la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente litigieuse au point 4.1 de la décision attaquée. Elle a décrit plus avant les concertations relatives à la STC au point 4.3.2 de ladite décision, qu’elle a intitulé « Nature des contacts illicites entre concurrents concernant la surtaxe carburant », et a expliqué que les mêmes principes s’appliquaient, mutatis mutandis, aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions.

342    Or, il ressort des contacts retenus contre la requérante aux considérants 750 à 754 de la décision attaquée qu’elle avait connaissance de l’ensemble de ces principes. En effet, l’examen des multiples contacts bilatéraux et multilatéraux auxquels la requérante a participé dans différents États membres et pays tiers démontrent qu’elle ne pouvait pas ignorer l’existence d’un réseau de contacts dans le cadre duquel s’opéraient un échange d’informations et une coordination concernant le niveau, le calendrier d’introduction et la mise en œuvre locale de la STC et de la STS ainsi que concernant le refus de paiement de commissions (voir, notamment, considérants 130, 171, 173, 174, 191, 274, 279, 374, 393, 433, 503, 560, 594, 595, 640, 665, 667, 695, 696 et 700 de cette décision). Au vu de ces contacts, elle ne pouvait pas davantage ignorer l’attente partagée qu’une discipline soit respectée sur le marché en matière de STC, ni l’existence d’un système à plusieurs niveaux. Au vu de la déclaration de Martinair citée au considérant 210 de la décision attaquée et de la portée géographique des annonces antérieures d’augmentation du niveau de la STC décrites aux considérants 274, 279 ou encore 346 de cette décision, la requérante aurait également raisonnablement pu savoir et assumer le risque que la coordination et la surveillance en cause avaient vocation à englober toutes les liaisons, au niveau mondial.

343    La requérante s’est d’ailleurs bornée, par des affirmations générales et non étayées, à reprocher à la Commission de ne pas avoir établi qu’elle avait la connaissance requise des activités anticoncurrentielles des autres transporteurs incriminés auxquelles elle n’avait pas directement participé.

344    La requérante n’est pas davantage fondée à faire grief à la Commission d’être restée en défaut de démontrer qu’elle avait entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des transporteurs incriminés.

345    À cet égard, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante se concentre, en substance, sur six contacts litigieux dans le cadre desquels Lufthansa a transmis ses annonces publiques à ses concurrentes, dont la requérante (considérants 274, 279, 313, 346, 411 et 507).

346    Cette argumentation ne saurait prospérer.

347    En effet, tout d’abord, il convient d’observer que la Commission n’a pas retenu contre la requérante l’un de ces six contacts, à savoir celui décrit au considérant 313 de la décision attaquée.

348    Ensuite, pour ce qui est des cinq contacts restants, il importe de relever qu’ils ne représentent qu’une fraction de la cinquantaine de contacts sur lesquels la Commission s’est appuyée pour conclure à la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. Or, la requérante est restée en défaut d’expliquer pourquoi la Commission ne pouvait s’appuyer sur ces autres contacts, parmi lesquels figurent notamment plusieurs réunions multilatérales lors desquelles la STC a fait l’objet de discussions, pour conclure que la requérante entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des transporteurs incriminés.

349    Enfin, c’est en vain que la requérante se prévaut du caractère public des informations disséminées dans le cadre des contacts décrits aux considérants 274, 279, 346, 411 et 507 de la décision attaquée. En effet, d’une part, il convient de rappeler que l’échange d’informations publiquement accessibles enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 281).

350    Or, il ressort des considérants 118, 121, 125, 706 et 848 de la décision attaquée que les contacts, tels que ceux décrits aux considérants 274, 279, 346, 411 et 507 de cette décision, servaient de support à un tel mécanisme.

351    D’autre part, il convient d’observer que, dans le cadre des contacts décrits aux considérants 274, 279, 346, 411 et 507 de la décision attaquée, Lufthansa ne s’est pas contentée de faire part d’informations publiquement accessibles, mais a, au contraire, envoyé des courriels collectifs, révélant ainsi à tous les destinataires l’identité de transporteurs concernés (voir considérant 797 de la décision attaquée).

352    Contrairement à ce que soutient la requérante, le paragraphe 63 des lignes directrices sur l’applicabilité de l’article [101 TFUE] aux accords de coopération horizontale (JO 2011, C 11, p. 1) n’infirme pas cette analyse. Ce paragraphe concerne, en effet, les « annonce[s] unilatérale[s] revêtant un caractère réellement public, par exemple dans un quotidien ». Or, en l’espèce, il n’est pas question de simples annonces unilatérales, mais de courriels par lesquels leur auteur a disséminé des informations auprès de plusieurs de ses concurrents.

353    La présente branche doit donc être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, prise du caractère vague, ambigu et insaisissable des constatations opérées dans la décision attaquée

354    La requérante soutient que l’exposé imprécis et incohérent de la décision attaquée étend la portée de la notion d’infraction unique et continue au-delà de ses limites logiques. La requérante invoque trois « exemples » à l’appui de cette thèse.

355    En premier lieu, la requérante fait valoir qu’il n’est pas possible de discerner si la Commission conclut que le recours du secteur du transport aérien à l’indice de la STC constitue en lui-même une infraction.

356    En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission de consacrer de longs développements dont elle n’explique pas la pertinence à des événements et à des communications qui se sont produits à une époque à laquelle elle n’était pas encore compétente pour diligenter une procédure telle que celle qu’elle a ouverte en l’espèce.

357    En troisième lieu, la requérante avance que l’absence de démarcation précise entre comportements licites et illicites est aggravée tant par l’absence d’examen du contexte économique et juridique que par la renonciation de la Commission à poursuivre, sans aucune explication, les transporteurs non incriminés. Au stade de la réplique, la requérante précise qu’il s’agit là non d’un argument tiré d’une éventuelle discrimination, mais de la force probante à attribuer à des contacts auxquels ces transporteurs ont participé et dont la Commission n’expliquerait pas pourquoi ils ne leur ont pas été opposés, mais l’ont été à la requérante. Les contacts entre transporteurs incriminés et les destinataires de la communication des griefs qui n’ont pas été incriminés représenteraient 77 % des 584 contacts recensés dans la décision attaquée.

358    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

359    Il convient d’emblée de constater que la présente branche se présente sous la forme, d’une part, d’affirmations vagues et générales quant au caractère imprécis et incohérent de la décision attaquée et à l’extension indue de la notion d’infraction unique et continue et, d’autre part, de trois « exemples » cités à leur appui. Dans ces conditions, sous peine de devoir rechercher et identifier lui-même dans le dossier les autres potentiels cas d’imprécisions et d’incohérences dont il est envisageable que la requérante ait voulu se prévaloir, voire de reconstruire la présente branche en lui donnant une portée qu’elle n’avait pas dans l’esprit de la requérante et de violer ainsi le principe dispositif et les droits de la défense de la Commission (voir point 221 ci-dessus), le Tribunal doit limiter son examen au bien-fondé de ces trois exemples.

360    Or, aucun de ces exemples n’est de nature à démontrer que la décision attaquée est entachée d’incohérence ou d’imprécision.

361    En premier lieu, s’agissant du grief tiré de l’omission de la Commission de préciser si l’indice de la STC constituait en lui-même une infraction, il importe de relever que, lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle faisait référence à « la réunion de l’IATA ». Il ressort du point 87 de la requête que la requérante entendait ainsi renvoyer à la réunion du 4 avril 2000 du comité cargo de l’IATA, à l’occasion de laquelle il a été discuté du projet de cesser de publier l’indice du carburant prévu dans une résolution à la suite de son rejet par le département des transports américain.

362    Or, la Commission n’a pas déduit de cette réunion que l’utilisation d’un indice constituait, en lui-même, une infraction aux règles de concurrence. Plus généralement, la Commission n’a pas constaté dans la décision attaquée l’existence d’une telle infraction. Ainsi qu’il ressort des considérants 115, 120 et 154 à 156 de cette décision, la Commission a fait référence à la réunion du 4 avril 2000 du comité cargo de l’IATA dans le cadre de développements consacrés aux discussions anticoncurrentielles relatives à la réintroduction d’une STC à la suite de la décision du département des transports américain.

363    En deuxième lieu, s’agissant du grief relatif aux longs développements que la Commission aurait consacrés à des événements et à des communications qui échappaient prétendument à sa compétence, il convient d’observer que l’argumentation de la requérante se confond avec celle qu’elle a invoquée à l’appui du premier moyen. Ce moyen a été rejeté aux points 214 à 234 ci-dessus et il convient de rejeter le présent argument pour les mêmes motifs.

364    En troisième lieu, s’agissant du grief tiré de l’aggravation de l’absence de démarcation précise entre comportements licites et illicites, il convient d’observer que la requérante n’est pas fondée à se plaindre d’un défaut d’examen du contexte économique et juridique pertinent, pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 305, 306 et 330 ci-dessus.

365    La requérante n’est pas davantage fondée à reprocher à la Commission d’avoir renoncé à poursuivre, sans aucune explication, les transporteurs non incriminés.

366    D’une part, il convient de relever que la Commission n’avait aucune obligation d’exposer, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles d’autres transporteurs n’ont pas été tenus pour responsables de l’infraction unique et continue. En effet, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes similaires adressés à des parties tierces (arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 414).

367    D’autre part, pour autant que la requérante soutienne que la Commission ne pouvait sans nuire à la cohérence de la décision attaquée retenir contre elle des contacts dans lesquels étaient impliqués des transporteurs non incriminés, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 845 de la décision attaquée, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement fonder la ferme conviction que chaque élément de l’infraction a été commis. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement et dont les différents éléments peuvent se renforcer mutuellement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission, T‑79/06, non publié, EU:T:2011:674, point 60 et jurisprudence citée).

368    C’est donc à bon droit que, au considérant 716 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’accord[ait] pas forcément la même valeur à chaque considérant […] ni à chaque élément de preuve individuel qu’il contient » et que « [l]es considérants auxquels il [était] fait référence [faisaient] plutôt partie de 1’ensemble global de preuves sur lequel [elle] se fond[ait] et d[evai]ent être appréciés dans ce contexte ».

369    Or, il n’est pas démontré que la Commission disposait à l’encontre des transporteurs non incriminés impliqués dans les contacts en cause d’un faisceau d’indices équivalent à celui dont elle disposait à l’encontre de la requérante.

370    La présente branche doit donc être rejetée, de même que le présent moyen dans son ensemble.

7.      Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation

371    Le présent moyen, par lequel la requérante reproche à la Commission d’être restée en défaut d’apporter des éléments de preuve fiables au soutien de ses conclusions et d’établir à suffisance de droit les faits sur lesquels elle a fondé ses constatations, s’articule en quatre branches. Elles sont prises, en substance, la première, d’erreurs de fait et d’appréciation, la deuxième, d’erreurs dans l’établissement de sa participation aux composantes relatives à la STS, à la STC et au refus de paiement de commission, la troisième, de la substitution à l’administration de la preuve de la notion d’infraction unique et continue et, la quatrième, de ce que la Commission n’a pas étayé le caractère « mondial » de cette infraction.

a)      Sur la recevabilité des annexes A.13 et A.14

372    À titre liminaire, il y a lieu de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Commission – et contestées par la requérante – à l’encontre des annexes A.13 et A.14, dans la mesure où celles-ci contiendraient des arguments nouveaux par rapport au contenu de la requête.

373    À cet égard, il convient de rappeler que, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94).

374    En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94).

375    Ainsi, une annexe à la requête ne peut être prise en considération que dans la mesure où elle étaye ou complète des arguments expressément invoqués par la partie requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments que l’annexe contient qui étayent ou complètent lesdits arguments (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 99).

376    En l’espèce, les annexes A.13 et A.14 s’intitulent, respectivement, « Réfutation d’allégations émises spécifiquement à l’encontre de Cargolux » et « Tableau des allégations résiduelles émises spécifiquement à l’encontre de Cargolux ».

377    L’annexe A.13 consiste en un argumentaire de huit pages selon lequel une partie des pièces opposées à la requérante, soit sont dénuées de pertinence, soit ne constituent pas des preuves fiables de sa participation à l’infraction unique et continue. Cette annexe, d’une longueur de 90 pages, comporte aussi un tableau récapitulatif des arguments avancés pour chacune de ces pièces ainsi que des éléments figurant dans le dossier administratif de la Commission sur lesquels l’argumentaire s’appuie. L’annexe A.14, d’une longueur de 92 pages, est constituée, quant à elle, d’un tableau recensant des arguments tendant à contester la valeur probante des pièces opposées à la requérante qui ne sont pas discutées dans le cadre de l’annexe A.13, ainsi que des éléments figurant dans le dossier administratif de la Commission sur lesquels lesdits arguments s’appuient.

378    Dans la requête, il est renvoyé à ces deux annexes, soit ponctuellement en visant un élément du dossier administratif de la Commission y figurant qui appuierait l’argument développé dans le texte de la requête, soit le plus souvent en rapport avec les « commentaires plus détaillés », l’examen « plus en détail » ou plus ample ou « d’autres détails », figurant dans l’annexe, qui sont relatifs à des considérants de la décision attaquée dans lesquels sont citées les pièces opposées à la requérante.

379    Or, s’agissant de cette dernière catégorie de renvois, il y a lieu de constater que, premièrement, ils ne visent pas précisément les passages concernés des annexes en cause. Deuxièmement, ils ne se rattachent pas à des points suffisamment spécifiques de la requête elle-même, notamment lorsqu’il est indiqué « [qu’u]ne liste plus élaborée fournissant d’autres détails sur les erreurs de la Commission identifiées ci-dessus est jointe en annexe A.13 ». Troisièmement, plusieurs de ces renvois ne se rattachent à aucune argumentation en droit figurant dans la requête qu’ils seraient venus prétendument compléter, par exemple lorsque la requérante indique « [p]our un autre exemple d’interprétation erronée par la Commission des éléments de preuve ayant trait à la STC, voir considérant 492, examiné plus amplement en annexe A.13 », ou qu’elle renvoie à « [un examen] plus en détail à l’annexe A.14 » du considérant 560 de la décision attaquée dont elle se contente, dans la requête, d’affirmer qu’il est dénué de pertinence. Quatrièmement, dans les cas où des arguments existent dans la requête en lien avec un considérant qui fait l’objet de « commentaires plus détaillés » dans les annexes en cause, lesdits « commentaires » incluent généralement des arguments nouveaux. Ainsi, le considérant 609 de la décision attaquée, qui est invoqué dans la requête dans le cadre d’une argumentation portant sur le caractère local des contacts afférents à la STS, fait l’objet d’un renvoi à l’annexe A.13 et d’une argumentation étendue au caractère passif des destinataires du courriel repris dans ledit considérant, à l’absence d’impact dudit courriel sur la politique commerciale de la requérante et à l’absence de compétence de la Commission à l’égard des liaisons couvertes par ce courriel.

380    Conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 373 à 375 ci-dessus, ce n’est donc que dans la mesure où les annexes A.13 et A.14 étayent ou complètent des arguments expressément invoqués par la requérante dans le corps de la requête, et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits arguments, qu’elles seront prises en compte.

b)      Sur la première branche, prise d’erreurs de fait et d’appréciation

381    La requérante soutient que la décision attaquée est entachée de plusieurs erreurs de fait et d’appréciation. La requérante cite à cet égard six « exemples » d’erreurs de cette nature.

382    Premièrement, les éléments de preuve visés aux considérants 142 et 168 de la décision attaquée seraient antérieurs au point de départ de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue.

383    Deuxièmement, la Commission invoquerait comme preuves d’un comportement collusoire de nombreux exemples d’interventions n’allant pas au-delà de la collecte de renseignements tirés de sources officielles.

384    Troisièmement, la Commission citerait des contacts et des réunions auxquels ont participé des transporteurs non incriminés, sans tenir ces derniers également responsables de l’infraction unique et continue et sans s’expliquer à cet égard.

385    Quatrièmement, la Commission invoquerait des annonces officielles et largement diffusées sur la STC, lesquelles ne pourraient, eu égard à leur nature, être considérées comme étant des éléments constitutifs d’une infraction unique et continue ou dont la valeur probatoire est à tout le moins sensiblement réduite.

386    Cinquièmement, la Commission minimiserait l’importance d’une lettre du 5 septembre 2008 du département de l’aviation civile de Hong Kong (ci-après le « DAC ») au président de la Commission et passerait sous silence une lettre ultérieure du DAC du 3 septembre 2009 déclarant que les demandes collectives relatives aux surtaxes devaient lui être soumises pour approbation.

387    Sixièmement, la Commission s’appuierait sur des contacts en rapport avec les liaisons Union-pays tiers, les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-Suisse intervenus avant la date à laquelle elle a acquis compétence à leur égard. En s’appuyant sur de tels contacts, elle aurait, de manière illicite, étendu la portée de ses constats d’infraction. En toute hypothèse, la décision attaquée ne ferait pas ressortir clairement dans quelle mesure ces contacts permettaient d’établir la preuve d’une infraction sur les liaisons intra-EEE.

388    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

389    Il y a lieu d’examiner tour à tour chacun des « exemples » d’erreurs invoqués par la requérante qui constituent autant de griefs soulevés à l’appui de la présente branche.

1)      Sur l’utilisation d’éléments de preuve antérieurs au début de la période infractionnelle retenue contre la requérante

390    D’emblée, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas opposé à la requérante, dans la décision attaquée, le contact décrit à son considérant 168.

391    Cela étant constaté, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 229 ci-dessus, la Commission est en droit de s’appuyer sur des contacts antérieurs à la période infractionnelle afin de construire une image globale de la situation et ainsi corroborer l’interprétation de certains éléments de preuve. Or, le contact décrit au considérant 142 de la décision attaquée représente l’un des dix contacts litigieux sur lesquels la Commission s’est appuyée au considérant 752 de cette décision pour retenir que « [c]ertaines preuves indiquent qu’il y a eu d’autres contacts en ce qui concerne la STC ». Partant, la circonstance que le contact décrit au considérant 142 de la décision attaquée est antérieur à la date retenue par la Commission comme début de la participation de la requérante à l’infraction est, en soi, impropre à caractériser une erreur.

392    La requérante fait néanmoins valoir que le contact décrit audit considérant ne saurait, en substance, corroborer sa participation à une collusion concernant la STC dans la mesure où il fait état d’une information – « la plupart des [transporteurs], notamment [Lufthansa]/[AF]/[…]/[SAS]/[la requérante], etc., introduiront une STC au départ de l’Europe » – qui avait fait l’objet, en ce qui la concerne, d’un communiqué de presse plusieurs jours auparavant. À cet égard, il y a lieu de constater que, à supposer que la requérante ait effectivement rendu public un communiqué de presse annonçant l’introduction de la STC plusieurs jours auparavant, le contact visé au considérant 142 rapporte un niveau de STC (0,20 euros/dollars par kg) qui est différent de celui annoncé dans le communiqué de presse (0,10 euros/dollars par kg). En outre, il n’est pas fait que rapport, dans ledit contact, de cette information : ainsi, dans la chaîne de courriels internes échangés en réponse, il est indiqué que « nous ne devrions bouger que lorsque nous aurons obtenu le soutien des “principaux” transporteurs sur notre marché, après leur avoir donné la garantie que nous leur offrons notre soutien sur le leur ». Il s’ensuit que ce contact était, à tout le moins, conjointement avec d’autres éléments, susceptible de contribuer à établir la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC dans le cadre d’un faisceau d’indices plus large.

2)      Sur la prise en compte d’éléments qui n’auraient pas excédé « la collecte de renseignements tirés de sources officielles »

393    Il convient de comprendre le présent grief, qui porte sur les considérants 246, 250, 350, 360, 361, 374, 476, 478, 507, 612, 614, 636, 646, 649 et 650 de la décision attaquée, comme étant dirigé contre les appréciations de la Commission concernant la participation de la requérante à l’infraction unique et continue, dans la mesure où elles s’appuient sur des pièces qui ne feraient que révéler la connaissance qu’avaient les autres transporteurs de ses annonces publiques.

394    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas opposé à la requérante, dans la décision attaquée, les contacts décrits à ses considérants 360, 361, 612 et 636.

395    Ensuite, le contact décrit au considérant 507 concerne une information relative à la modification de la STC par Lufthansa, que ce dernier a transmis à plusieurs de ses concurrents, dont la requérante. Or, le Tribunal a déjà jugé, aux points 349 à 352 ci-dessus, que ce contact pouvait être pris en compte en tant que support du mécanisme anticoncurrentiel sous-jacent à l’infraction unique et continue, dans sa composante relative à la STC.

396    Par ailleurs, il ressort du contenu de plusieurs des contacts décrits dans les considérants cités au point 393 ci-dessus qu’ils ne se bornent pas à faire état d’une information découlant d’une annonce publique faite préalablement par la requérante.

397    Ainsi, plusieurs de ces contacts constituent des preuves, soit indirectes (voir considérants 478, 646, 649 et 650 de la décision attaquée), soit directes (voir considérants 374 et 614 de la décision attaquée), de la participation de la requérante à l’entente litigieuse, dans la mesure où ils révèlent sa contribution à l’introduction et à la coordination de la STC et de la STS. Ainsi, le considérant 374 de la décision attaquée se lit de la manière suivante : « Dans un courriel du 7 juin 2004, [un salarié de la requérante] a fait parvenir à [British Airways] des informations sur l’ajustement de la STC qui a été apportée par toutes les principales compagnies en juin 2004 ». Quant au courriel interne d’un employé local de Qantas à Singapour, visé au considérant 478 de la décision attaquée, il indique, s’agissant de la STC, que, « à ce jour, KLM/AF ont déjà confirmé un montant de 0,94 SGD à partir du 7 juillet 2005. [Lufthansa]/[la requérante] devraient suivre KLM/AF vu qu’[ils] discutent entre [eux] ». S’agissant de la STS, le considérant 614 de la décision attaquée décrit en particulier un courriel adressé par un salarié de la requérante au syndicat des compagnies aériennes de transport de fret en France, qui se lit ainsi : « La position de [la requérante] est la suivante : nous appliquerons une surtaxe d’assurance de 0,10 EUR à partir du 8 octobre sur toutes les destinations de notre réseau. Dès lors agissez ». En outre, aux considérants 646, 649 et 650 de la décision attaquée, il est évoqué une réunion de représentants de plusieurs transporteurs, dont la requérante, à Nairobi (Kenya), le 1er octobre 2001, dont il est ressorti notamment que « les [transporteurs] sont toutes désireuses de mettre en œuvre conjointement une [STS] d’un maximum de 0,05 USD ».

398    Enfin, s’agissant des éléments décrits aux considérants 246, 250, 350 et 476 de la décision attaquée, la requérante cherche à établir qu’ils relatent des annonces publiques faites antérieurement par elle, en produisant devant le Tribunal une copie des communiqués de presse concernés.

399    Or, s’agissant du communiqué de presse du 6 septembre 2002 annonçant une modification du niveau de la STC appliquée par la requérante à compter du 21 septembre 2002, il y a lieu de constater que sa valeur probante est remise en cause, d’une part, par les déclarations faites par British Airways dans le cadre de sa demande de clémence (voir note en bas page no 246 de la décision attaquée) indiquant que cette modification n’a été rendue publique que le 10 septembre 2002 et, d’autre part, par l’impression d’une page du site Internet de la requérante, figurant dans le dossier d’enquête et produite par la Commission en annexe à la duplique, dont il ressort également que l’annonce de cette modification n’a été faite que le 10 septembre 2002. Il s’ensuit que la requérante n’établit pas à suffisance de droit la circonstance que la modification du niveau de sa STC, rapportée en interne par British Airways le 9 septembre 2002 (voir considérant 246), était déjà publique à cette date.

400    Par ailleurs, il ressort du considérant 476 de la décision attaquée que, à supposer, comme le soutient la requérante, que son annonce publique de la modification de sa STC soit intervenue le 24 juin 2005, Martinair n’en avait manifestement pas encore pris connaissance, mais était au courant de l’imminence de cette annonce, en indiquant « j’aimerais savoir au préalable ce que [la requérante] et [Lufthansa] ont l’intention de faire [ ; j]’attends de plus amples informations ultérieurement ce jour ». Or, la requérante ne soutient ni n’allègue que la date envisagée de son annonce publique était elle-même connue de tous. Partant, ce contact, contrairement à ce que soutient la requérante, constitue à tout le moins un indice susceptible de contribuer à établir, conjointement avec d’autres éléments, sa participation à l’infraction unique et continue dans sa composante tenant à la STC dans le cadre d’un faisceau d’indices plus large.

401    En revanche, il est constant que le contact visé au considérant 250 de la décision attaquée, intervenu le 11 septembre 2002, est postérieur à l’annonce publique par la requérante de la modification du niveau de sa STC. De même, il convient de constater, en l’absence d’éléments en sens contraire, que la requérante a établi que le contact visé au considérant 350, intervenu le 29 avril 2004, était postérieur à l’annonce de la modification du niveau de sa STC, le 27 avril 2004.

402    Cela étant relevé, il convient de noter que le considérant 250 de la décision attaquée décrit un courriel interne de Swiss faisant état de sa décision de modifier le niveau de sa STC « après des négociations bilatérales sur la question et le soutien général dans tous les marchés », puis ajoutant que « nous avons obtenu confirmation de la mise en œuvre par les transporteurs suivants actuellement : [Lufthansa] 23.9/ [British Airways] 23.9/ KLM 1.10/ [la requérante] 21.9/ […] 23.9 ». Si cette information était certes publique depuis la veille, il peut, dans le même temps, être raisonnablement déduit de cette pièce que ladite modification faisait suite à des échanges sur cette question et que Swiss avait « obtenu confirmation » de la date à laquelle la requérante, en particulier, mettrait en œuvre de son côté la modification de la STC. En outre, il ressort du considérant 246 de la décision attaquée que cette information avait été partagée par la requérante avec d’autres transporteurs dès avant son annonce publique. Dès lors, si les éléments repris au considérant 250 de la décision attaquée ne sauraient, par eux-mêmes, établir que la requérante a pris part à l’infraction unique et continue, ils sont susceptibles de contribuer à établir celle-ci dans le cadre d’un faisceau d’indices plus large.

403    Quant au considérant 350 de la décision attaquée, il se lit comme suit :

« Un courriel interne de [Swiss], daté du 29 avril 2004, concernant la décision d’augmenter la STC, résume l’action des concurrents. Les informations suivantes ont été notées : “[British Airways] prendra sa décision lors de sa prochaine réunion commerciale, mercredi prochain ; […] attend, aucune décision prise ; […] n’a pas encore décidé (il n’existe que des rumeurs d’augmentation suivant [Lufthansa]) ; KL[M] décidera mercredi 5.5.2004 ; [Japan Airlines] attendra jusqu’à la décision de la compagnie nationale ; [la requérante] augmentera à 0,20 euro à partir du 11.05 ; [...] augmentera à 0,20 USD à partir du 20.05” ».

404    Il ressort de cette pièce que son auteur disposait d’un ensemble d’informations relatives aux intentions de plusieurs transporteurs de modifier leur niveau de STC, donc certaines n’étaient manifestement pas publiques, dans la mesure où il est fait état de leur indécision à cet égard. Il convient également de relever, s’agissant de la requérante, que la décision attaquée, en ses considérants 338, 340, 342 et 354, fait état sur la même période (avril-mai 2004) d’échanges de celle-ci avec plusieurs autres transporteurs, dont un au moins est également évoqué dans le courriel repris au considérant 350 de la décision attaquée, au sujet de l’augmentation du niveau de la STC. Dès lors, si les éléments repris audit considérant 350 ne sauraient, par eux-mêmes et compte tenu des constats effectués au point 401 ci-dessus, fonder la ferme conviction que la requérante a pris part à l’infraction unique et continue, ils sont susceptibles de contribuer à établir celle-ci dans le cadre d’un faisceau d’indices plus large.

405    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief tiré de l’erreur de la Commission en ce qu’elle se serait appuyée sur des éléments qui n’excèdent pas « la collecte de renseignements tirés de sources officielles ».

3)      Sur la prise en compte de contacts auxquels ont participé des transporteurs non incriminés

406    Il y a lieu de rejeter le présent grief en ce qu’il est tiré, en substance, d’une insuffisance de motivation, conformément à la jurisprudence rappelée au point 366 ci-dessus. À supposer que la requérante entende également soutenir qu’en procédant de la sorte, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement, il suffit de constater qu’elle n’allègue ni, a fortiori, ne démontre que le faisceau d’indices dont la Commission disposait à l’encontre des transporteurs non incriminés impliqués dans les contacts en cause était équivalent à celui dont elle disposait à son encontre. Enfin, la requérante ne saurait arguer du caractère légitime des contacts et des réunions en cause au seul motif que des transporteurs non incriminés y ont pris part, l’incrimination d’un transporteur dépendant, non pas de la valeur probante d’une pièce prise isolément, mais de l’ensemble du faisceau d’indices qui lui est opposé.

4)      Sur la prise en compte d’annonces officielles et largement diffusées sur la STC

407    Il y a lieu de constater que la requérante est en défaut d’identifier les contacts, décrits dans la décision attaquée, dont elle soutient qu’ils auraient concerné des annonces officielles et largement diffusées sur la STC. À supposer que la requérante entende ici se référer aux transmissions de Lufthansa à ses concurrentes de ses annonces publiques relatives à la modification de la STC, il convient de renvoyer aux points 349 à 352 ci-dessus, aux termes desquels le Tribunal a jugé qu’elles pouvaient être prises en compte en tant que support du mécanisme anticoncurrentiel sous-jacent à l’infraction unique et continue, dans sa composante relative à la STC.

5)      Sur la prise en compte insuffisante des lettres du DAC du 5 septembre 2008 et du 3 septembre 2009

408    Il y a lieu de constater que, au considérant 988, sous c), de la décision attaquée, la Commission a décrit la lettre du 5 septembre 2008 que le DAC de Hong Kong a envoyée au président de la Commission et l’a analysée succinctement. Pour la Commission, il ressort de cette lettre que le DAC a indiqué que les demandes collectives des transporteurs relatives à la STC étaient à la fois légales et souhaitables sur le plan administratif, sans toutefois mentionner une quelconque interdiction faite aux transporteurs d’introduire une demande individuelle. Or, la requérante n’apporte aucun élément tendant à infirmer cette lecture, se bornant à affirmer que la Commission « minimise considérablement l’importance de [ladite lettre] ».

409    Quant à la lettre du 3 septembre 2009, il y a lieu de constater que la requérante procède de nouveau par affirmations générales et non étayées. Au demeurant, son allégation selon laquelle le DAC déclarerait dans cette lettre que « l’accord sur les demandes collectives était impératif » ne prouve pas que les considérations reprises au considérant 988, sous c), de la décision attaquée sont erronées. En effet, l’obligation, pour les transporteurs introduisant une demande collective, d’obtenir l’autorisation du DAC n’est pas en cause, seule l’est la prétendue obligation de procéder de manière collective. En tout état de cause, la lettre du 3 septembre 2009 se limite à détailler les conditions exigées par le DAC lorsque le SCC du BAR et les transporteurs envisagent une demande collective relative à la STC fondée sur un indice. En revanche, elle ne fait pas allusion à une obligation générale d’introduire une demande collective pour une STC, ni à l’impossibilité d’introduire une demande individuelle pour une STC fixe. Or, c’est sur l’existence d’une telle possibilité que reposent les conclusions de la Commission, au considérant 992 de la décision attaquée, relatives à l’absence de contrainte étatique à Hong Kong justifiant d’écarter l’application de l’article 101 TFUE. Partant, la lettre du 3 septembre 2009 ne saurait remettre en cause la décision attaquée sur ce point.

410    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief.

6)      Sur l’extension prétendument illégale de la portée des constats d’infraction

411    Dans la mesure où la requérante se plaint de l’extension prétendument illégale de la portée des constats d’infraction par référence à des contacts en rapport avec les liaisons Union-pays tiers, les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-Suisse avant la date à laquelle la Commission a acquis compétence à leur égard, il y a lieu tout d’abord de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 217 ci-dessus, que la Commission n’a, dans le dispositif de la décision attaquée, constaté aucune violation de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE ou de l’article 8 de l’accord CE-Suisse, respectivement, sur des liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004, sur des liaisons EEE sauf Union-pays tiers avant le 19 mai 2005 et sur des liaisons Union-Suisse avant le 1er juin 2002.

412    La requérante n’en considère pas moins que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalités en se référant à des contacts afférents à ces liaisons et intervenus antérieurement à ces dates. La requérante cite, à titre d’« exemples », 17 considérants de la décision attaquée auxquels l’examen du Tribunal doit être circonscrit (considérants 171, 173, 174, 295, 504, 560, 594, 595, 618, 646, 649, 650, 660, 665, 667, 668 et 669).

413    Tout d’abord, il ressort de l’examen du premier moyen que, à supposer même qu’ils concernaient exclusivement des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission, celle-ci était fondée à s’appuyer sur les contacts décrits aux considérants 171, 595, 649 et 667 pour construire une image globale de l’entente litigieuse et ainsi corroborer l’interprétation d’autres éléments de preuve qu’elle a retenus (voir point 234 ci-dessus).

414    Ensuite, les contacts décrits au considérant 560 de la décision attaquée sont intervenus en Italie en fin d’année 2005 et ont impliqué plusieurs transporteurs européens. Dès lors, il ne ressort pas dudit considérant que ces contacts avaient trait à des comportements qui étaient susceptibles d’échapper, temporellement ou géographiquement, à la compétence de la Commission. Il convient également de relever que la requérante n’étaye aucunement, dans la requête, son allégation selon laquelle le considérant 560 est dénué de pertinence, le renvoi à une annexe ne pouvant pallier les carences de son argumentation à cet égard (voir point 379 ci-dessus). Quant à la « réunion amicale » du 22 janvier 2001 décrite aux considérants 173 et 174 de la décision attaquée, il n’est pas étayé qu’elle aurait porté exclusivement sur des liaisons avec des pays tiers. En effet, la déclaration de Martinair, invoquée par la requérante, se borne à relever que, dans le cadre des réunions informelles (coffee-rounds) dont faisait partie la réunion du 22 janvier 2001, il n’y avait pas de sous-groupe, « en tant que tel » (as such), dédié à l’Europe. Il s’en évince, a contrario, que les transporteurs étaient susceptibles d’aborder la question de la STC appliquée aux liaisons intra-EEE quel que soit le cadre dans lequel était convoquée la réunion informelle. Le mémorandum interne de Martinair décrit au considérant 174 confirme au demeurant cette interprétation, dans la mesure où il en ressort que les niveaux de STC évoqués durant la réunion informelle du 22 janvier 2001 n’étaient pas limités à des liaisons spécifiques.

415    Enfin, il y a lieu de constater que les autres contacts cités par la requérante s’inscrivaient dans le cadre de l’entente à plusieurs niveaux décrite par la Commission dans la décision attaquée (voir points 230 et 231 ci-dessus). Dès lors, à supposer même qu’ils concernent exclusivement des liaisons et des périodes qui échappaient à la compétence de la Commission, ils permettaient à tout le moins de construire une image globale de l’entente litigieuse et de corroborer l’interprétation des autres éléments de preuve retenus, conformément à la jurisprudence rappelée au point 229 ci-dessus.

416    En effet, premièrement, ces contacts portaient, en tout ou en partie, sur l’instauration et la mise en œuvre des surtaxes en Asie, notamment à Hong Kong (considérants 504, 618, 660, 665, 668 et 669) et à Singapour (considérant 295), en Afrique (considérants 646 et 650) ainsi que sur les liaisons entre les pays tiers et la France (considérant 594). Deuxièmement, de nombreux contacts ont, soit impliqué des employés du siège de transporteurs incriminés, soit fait état d’instructions de leur part ou de communications avec eux (considérants 594, 618, 646 et 650). Troisièmement, dans leur grande majorité, ces contacts étaient contemporains de discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes (considérants 295, 504, 594, 646, 650, 668 et 669). Quatrièmement, bon nombre de ces contacts ont eu lieu dans le cadre ou en marge d’associations locales de représentants de transporteurs (considérants 295, 618, 660, 665 et 668).

417    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur que la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur les contacts décrits aux considérants 171, 173, 174, 295, 504, 560, 594, 595, 618, 646, 649, 650, 660, 665, 667, 668 et 669 pour établir la participation de la requérante à l’infraction unique et continue.

418    Quant au reproche formulé par la requérante tenant, en substance, à une utilisation insuffisamment motivée de ces contacts pour démontrer sa participation à l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-Union et intra-EEE, celui-ci se confond avec le grief qu’elle a soulevé dans le cadre de la seconde branche du quatrième moyen, qui a été rejeté par le Tribunal au point 363 ci-dessus, ainsi qu’avec le premier moyen, rejeté aux points 214 à 234 ci-dessus. Il convient, dès lors, de l’écarter sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission lors de l’audience, motif pris du non-respect de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

419    Le présent grief doit dès lors être rejeté et, partant, la première branche dans son ensemble.

c)      Sur la deuxième branche, prise, en substance, d’erreurs dans l’établissement de la participation de la requérante aux composantes relatives à la STS, à la STC et au refus de paiement de commission

420    Dans le cadre de la présente branche, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas établi sa participation aux différentes composantes de l’infraction unique et continue tenant, respectivement, à la STS, à la STC et au refus de paiement de commission.

1)      Sur la preuve de la participation de la requérante à la composante tenant à la STC

421    La requérante fait valoir que le seul élément de preuve fiable antérieur à juin 2005 qui lui serait opposé pour retenir sa participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC tiendrait à des « appels pour se rassurer » avec Lufthansa, AF, KLM et Martinair. Les autres éléments de preuve ne démontreraient pas sa participation à cette composante de l’infraction unique et continue.

422    Ainsi, premièrement, la réunion du 22 janvier 2001, que la Commission retient comme point de départ de la participation de la requérante à l’infraction, ne témoignerait pas d’un comportement infractionnel, aurait porté uniquement sur des liaisons avec des pays tiers et, en tout état de cause, relèverait d’un grief qui aurait été abandonné par la Commission dans la décision attaquée.

423    Deuxièmement, la première déclaration d’AF dans le cadre de sa demande de clémence ne pourrait être considérée comme une preuve concrète de contacts entre ce dernier, Lufthansa et la requérante pendant l’ensemble de la période en cause, c’est-à-dire de février 2000 à début 2006. Une telle interprétation serait d’ailleurs contredite par les déclarations faites, dans le cadre de leur demande de clémence, par Lufthansa, Martinair et KLM ainsi que par une déclaration ultérieure d’AF.

424    Troisièmement, le considérant 191 de la décision attaquée ne renfermerait aucun indice concret d’un contact entre la requérante et Martinair en novembre 2001.

425    Quatrièmement, le dossier ne contiendrait aucune preuve d’appels téléphoniques réguliers entre la requérante et d’autres transporteurs avant 2003. Tous les éléments de preuve invoqués par la Commission se rapporteraient à des appels téléphoniques « pour se rassurer » avec KLM, Lufthansa et Martinair à partir de 2003. Le premier élément allant bien au-delà de ces appels daterait du 10 juin 2005.

426    Cinquièmement, les réunions sur lesquelles s’appuie la Commission au considérant 167 de la décision attaquée auraient exclusivement porté sur d’autres sujets que les surtaxes et il serait improbable qu’elles aient concerné des liaisons autres que celles avec les pays tiers.

427    Sixièmement, il n’existerait aucune preuve directe de la participation de la requérante à la réunion d’Amsterdam (Pays-Bas) d’août 2004. La déclaration faite par Martinair dans le cadre de sa demande de clémence ne ferait pas référence à la présence à cette réunion de la requérante et cette dernière l’aurait démentie.

428    Septièmement, ce serait à tort que la Commission s’est appuyée sur une déclaration de la requérante quant aux craintes qu’elle aurait nourries au sujet du risque qu’un « grand transporteur européen se distingue » en 2005 pour décrire l’objet des contacts litigieux sur l’ensemble de la période infractionnelle.

429    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

430    À titre liminaire, le Tribunal relève que la requérante ne conteste pas, dans le cadre du présent grief, avoir participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. Elle fait grief, en revanche, à la Commission d’avoir retenu que cette participation était de « longue durée », en indiquant que, avant juin 2005, les éléments de preuve fiables dont disposait la Commission étaient limités aux « appels pour se rassurer » passés avec Lufthansa, AF, KLM et Martinair.

431    À cet égard, il importe de relever que la requérante ne vise, dans son argumentation, qu’une partie de la cinquantaine de contacts sur lesquels la Commission s’est appuyée pour conclure à sa participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, sans s’expliquer sur ce point. Or, nombre de ces contacts sont antérieurs au mois de juin 2005 et ne se limitent pas à des « appels pour se rassurer » (voir point 437 ci-après). Au demeurant, la fiabilité à titre de preuve de ces « appels pour se rassurer » n’est pas utilement contestée, ainsi qu’il ressort du point 438 ci-après. L’allégation de la requérante sur le périmètre restreint des preuves « fiables » de sa participation avant juin 2005 doit, dès lors, d’emblée, être rejetée comme étant insuffisamment étayée.

432    Cela étant précisé, il convient d’examiner les arguments de la requérante tendant à remettre en cause la valeur probante des contacts qu’elle vise expressément. Pour ce faire, le Tribunal, conformément aux considérations développées au point 380 ci-dessus, ne prendra pas en compte les arguments dirigés contre les contacts décrits aux considérants 210, 225, 475, 492, 516 et 581 de la décision attaquée, dès lors que ceux-ci ne sont pas énoncés dans la requête, mais figurent uniquement dans les annexes A.13 et A.14. Au demeurant, les contacts décrits aux considérants 475, 516 et 581 ne sont pas opposés à la requérante dans la décision attaquée (voir considérants 750 à 752).

433    Premièrement, s’agissant de la mise en cause de la valeur probante des éléments afférents à la réunion du 22 janvier 2001, décrite aux considérants 173 et 174 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que, s’il ressort desdits considérants que cette réunion portait sur un aspect de l’entente litigieuse qui a été abandonné par la Commission dans la décision attaquée, il en ressort également que la STC a bien été abordée. Le contenu du mémorandum interne de Martinair visé au considérant 174 de la décision attaquée et produit par la Commission devant le Tribunal le confirme.

434    Deuxièmement, s’agissant de la mise en cause de la portée des déclarations d’AF décrites au considérant 127 de la décision attaquée, la circonstance que les « appels pour se rassurer » étaient, de l’aveu d’AF, moins réguliers avec la requérante qu’avec Lufthansa n’est pas contradictoire avec l’indication selon laquelle les contacts en cause avaient été pris, tant pour Lufthansa que pour la requérante, entre février 2000 et le début de l’année 2006. C’est donc à tort que la requérante en déduit que les déclarations d’AF ne sauraient appuyer le constat de sa participation à la composante relative à la STC pour l’intégralité de la période infractionnelle. De même, la circonstance que KLM, Martinair et Lufthansa aient indiqué avoir commencé seulement à partir de 2003 à entretenir des contacts bilatéraux avec la requérante au sujet de la STC n’est pas contradictoire avec l’affirmation d’AF selon laquelle, en ce qui la concerne, ces contacts avec la requérante avaient débuté en février 2000. Au demeurant, concernant Lufthansa, cette affirmation est contredite par les déclarations reprises au considérant 167 de la décision attaquée, selon lesquelles l’administration centrale de Lufthansa avait des contacts bilatéraux avec la requérante dès 2001. Enfin, s’agissant de la déclaration ultérieure d’AF faite dans le cadre de sa demande de clémence, celle-ci, ainsi qu’il ressort de son propos liminaire, avait simplement vocation à compléter sa déclaration initiale et ne tendait dès lors pas à revenir sur les indications fournies dans cette dernière.

435    Troisièmement, le courriel interne de Martinair décrit au considérant 191 de la décision attaquée, dont il n’est pas contesté qu’il concernait les intentions des transporteurs concurrents quant à l’annulation de la STC, indique, en particulier : « [Lufthansa]/AF/[…]/[la requérante]/[…] : un coup de téléphone rapide m’a appris qu’aucun changement n’était prévu jusqu’ici ». Il en ressort que les intentions de la requérante concernant la STC avaient été communiquées à au moins l’un de ses concurrents et, de manière plausible, que cette information avait été directement relatée par elle à Martinair au travers d’un « coup de téléphone rapide ». Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission était fondée à l’utiliser comme un indice, parmi d’autres indices et preuves (considérants 130, 210, 476 et 569 de la décision attaquée), de contacts collusoires entre la requérante et Martinair au titre de la composante tenant à la STC.

436    Quatrièmement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle il n’existe pas de preuve d’appels téléphoniques réguliers passés avec d’autres transporteurs avant 2003, celle-ci n’est pas de nature à remettre en cause le constat de sa participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC en 2001 et en 2002. Ce constat s’appuie, en effet, sur de nombreux éléments au dossier, relevant tant de déclarations ex post (considérants 127, 167 et 210 de la décision attaquée) que de preuves documentaires contemporaines (considérants 142, 171, 173, 174, 191, 225, 246 et 250 de cette décision).

437    Il y a également lieu de rejeter comme étant tout à la fois inexacte et dénuée de pertinence l’allégation de la requérante selon laquelle le premier élément « allant bien au-delà d’appels pour se rassurer » daterait du 10 juin 2005. En effet, d’une part, plusieurs contacts antérieurs à cette date, auxquels la requérante était partie, consistaient notamment en des réunions multilatérales et en personne concernant la STC (voir, par exemple, les considérants 173, 174, 295 et 393 de la décision attaquée).

438    D’autre part, la requérante reconnaît elle-même que ces « appels pour se rassurer » constituent un « élément de preuve fiable » de sa participation à la composante tenant à la STC. Ces derniers avaient ainsi pour but de s’assurer que les concurrents adoptent les mêmes mesures et que la discipline soit maintenue, ainsi qu’il ressort du considérant 121 de la décision attaquée. À titre d’exemple, le considérant 316 de la décision attaquée, cité par la requérante, se lit ainsi : « [a]u cours de trois appels téléphoniques qui ont eu lieu en décembre 2003, [un employé de KLM] et [un employé de la requérante] ont discuté de l’augmentation à venir de la STC par [la requérante] et de la position de [KLM] dans le cadre de son mécanisme STC ».

439    Cinquièmement, s’agissant de l’objet des réunions sur lesquelles s’appuie la Commission au considérant 167 de la décision attaquée, tout d’abord, il convient de relever que la circonstance que celles-ci auraient porté exclusivement sur des liaisons avec des pays tiers à l’égard desquelles la Commission n’était pas compétente, eu égard à la période (2001-2004) pendant laquelle ces réunions se sont tenues, n’est pas de nature à faire obstacle à leur invocation, par la Commission, pour caractériser la participation de la requérante à la composante relative à la STC, conformément à la jurisprudence rappelée au point 229 ci-dessus. En tout état de cause, il y a lieu de relever, d’une part, que la requérante se contente, au soutien de son allégation, de se référer de manière générale et non étayée à sa « structure de vols long courrier ». D’autre part, il ne ressort pas de la description faite par Lufthansa de ces réunions, sur laquelle repose ledit considérant 167, que les liaisons intra-Union ou intra-EEE aient été exclues.

440    Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort bien de la description qu’en a faite Lufthansa que la STC était généralement abordée durant ces réunions. Le considérant 167 de la décision attaquée, qui reproduit en cela la déclaration de Lufthansa faite dans sa demande d’immunité, se lit ainsi :

« Chaque réunion incluait généralement aussi des participants s’accusant mutuellement de sacrifier les prix ou de ne pas appliquer les surtaxes de manière cohérente. L’autre partie ripostait à ces accusations en faisant part de ses propres griefs. Selon les circonstances, certains des transporteurs donnaient suite à ces informations et prenaient, au besoin, une action corrective. »

441    Il est vrai que ces développements figurent dans une sous-partie de ladite déclaration, intitulée « Constatations concernant les contacts entre concurrents sur d’autres sujets que les surtaxes ». Toutefois, cela ne vient pas altérer le sens, clair et dénué d’ambigüité, des propos de Lufthansa reproduits au considérant 167 de la décision attaquée. En outre, l’intitulé s’accorde avec la teneur générale de cette partie des déclarations de Lufthansa qui font effectivement référence, pour l’essentiel, à des échanges portant sur des sujets autres que les surtaxes ou qui ne se rattachent pas spécifiquement à ces dernières.

442    Sixièmement, s’agissant de la portée des éléments rapportés au considérant 387 de la décision attaquée, il en ressort, ainsi que la requérante l’admet, qu’elle devait participer à une réunion informelle avec Lufthansa, British Airways, Martinair et KLM en août 2004 à Amsterdam. La requérante ne conteste pas que ladite réunion devait porter, notamment, sur la STC. Elle fait valoir, en revanche, que sa présence effective à la réunion n’est pas prouvée et que c’est, dès lors, de manière erronée que la Commission affirme, aux considérants 750 et 880 de la décision attaquée, qu’elle y avait participé.

443    À cet égard, il convient de constater qu’au considérant 750 de la décision attaquée, la Commission indique, en renvoyant au considérant 387 de la même décision, que, « [s’]agissant de la STC, [l]es contacts [de la requérante avec des concurrents] incluaient en particulier : […] la participation à une réunion des “patrons européens” de [Lufthansa], [la requérante], [British Airways], [KLM] et [Martinair] ». Il est fait également référence à cette participation au considérant 880 de la décision attaquée.

444    Or, le considérant 387 de la décision attaquée indique que « la participation de [la requérante à cette réunion] n’est ni confirmée, ni réfutée ». Toutefois, la déclaration de Martinair sur laquelle s’appuie ce constat indique spécifiquement les transporteurs présents à cette réunion, sans mentionner la présence de la requérante et sans donner à penser que celle-ci ne pourrait toutefois être exclue. En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, la circonstance que la requérante devait participer à cette réunion ne rend pas sa participation à ladite réunion probable, au vu du fait que les éléments au dossier sur les conditions de sa tenue effective ne la mentionnent pas.

445    Il s’ensuit que c’est à tort que la Commission a estimé, aux considérants 750 et 880 de la décision attaquée, que la requérante avait participé à la réunion en cause.

446    Il n’en ressort pas moins du considérant 387 de la décision attaquée que la requérante devait participer à une réunion informelle avec des transporteurs concurrents dont l’objet portait, notamment, sur la STC. Or, le fait que les transporteurs en cause entendaient aborder le sujet de la STC avec la requérante constitue en lui-même un indice de la participation de cette dernière à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, EU:T:2012:333, point 226).

447    Ainsi, nonobstant l’erreur commise par la Commission aux considérants 750 et 880 de la décision attaquée, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le contact visé au considérant 387 ne tendait pas à démontrer sa participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.

448    Au surplus, il convient de constater que figurent, dans la décision attaquée, plusieurs autres exemples de contacts pris par la requérante, durant la même période, avec les transporteurs présents à la réunion d’août 2004 au sujet de la STC, soit sur une base bilatérale (voir considérants 373 et 374 de la décision attaquée), soit sur une base multilatérale (voir considérants 393 et 394 de la décision attaquée). Dès lors, à supposer même qu’il faille accorder une valeur probante moindre à l’élément de preuve décrit au considérant 387 de la décision attaquée au motif qu’il ne se rapporte pas à la participation effective de la requérante à une réunion anticoncurrentielle, il n’en demeure pas moins que l’existence de contacts anticoncurrentiels entre les transporteurs concernés au sujet de la STC durant la même période est établie au regard d’un faisceau d’indices plus large.

449    Septièmement, s’agissant de la portée de la déclaration de la requérante à laquelle il est fait référence au considérant 121 de la décision attaquée, il convient, au préalable, de préciser que l’argumentation de la requérante est dirigée contre une déclaration appuyant le caractère anticoncurrentiel de la composante tenant à la STC, et non contre les preuves de sa propre participation à celle-ci, ledit considérant 121 ne lui étant d’ailleurs pas opposé dans le cadre du faisceau d’indices retenu spécifiquement à son encontre (voir considérants 750 à 752 de la décision attaquée).

450    Cela étant précisé, il convient de relever que la déclaration de la requérante selon laquelle « en 2005 on craignait en permanence qu’un grand transporteur “se distingue” et impose une STC moins élevée que les autres » atteste de ce que l’objectif poursuivi consistait dans le maintien de la discipline commune relative à la STC et traduit, implicitement, que le respect de cette discipline commune semblait acquis antérieurement à 2005. Cette description de l’objectif des contacts concernant les modifications du niveau de la STC est corroborée, sur toute la période infractionnelle, par un ensemble d’autres éléments de preuve, cités en particulier aux considérants 121, 125, 127, 128 et 129 de la décision attaquée, et dont la portée, soit n’est pas contestée par la requérante, soit, s’agissant du considérant 127, l’a été sans succès, ainsi qu’il ressort du point 434 ci-dessus. Partant, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir conféré une portée exagérée à sa déclaration reprise au considérant 121 dans la détermination de l’objectif poursuivi par les contacts afférents à la STC.

451    Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief.

2)      Sur la preuve de la participation de la requérante à la composante relative à la STS

452    La requérante fait valoir que les éléments de preuve invoqués par la Commission ne révèlent pas sa participation à un dispositif collusoire structuré de dimension mondiale quant à la STS.

453    Premièrement, rien n’indiquerait l’existence d’accords de haut niveau dont des cadres supérieurs des transporteurs incriminés seraient convenus à l’époque de la mise en œuvre de la STS. Or, l’argumentation de la Commission reposerait implicitement sur l’existence de tels accords.

454    Deuxièmement, les courriels rapportant des contacts de niveau hiérarchique inférieur au sein du syndicat des compagnies aériennes de fret en France (SYCAFF) et d’un groupe composé de British Airways, Lufthansa, AF, la requérante, KLM et Swiss (BLACKS) seraient ambigus.

455    Troisièmement, les éléments de preuve invoqués par la Commission ne permettraient d’établir que des contacts intervenus au niveau local.

456    Quatrièmement, ces éléments se rapporteraient principalement aux mois de septembre et d’octobre 2001 ainsi qu’à quelques mois de l’année 2004 et comporteraient des lacunes temporelles qui remettraient en cause la nature continue de l’infraction.

457    Cinquièmement, invoquant, en substance, la violation du principe de protection de la confiance légitime, la requérante fait valoir que la Commission a contribué à semer le doute à Hong Kong à propos de la nécessité pour les transporteurs de coordonner l’application de la STS. À l’appui de cet argument, la requérante cite un projet de courrier du bureau de la Commission à Hong Kong du 27 novembre 2003.

458    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

459    À titre liminaire, il convient de relever que la requérante, interrogée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, a indiqué qu’il y avait lieu de comprendre le présent grief comme dirigé tant contre le constat de sa participation à l’infraction unique et continue dans sa composante tenant à la STS que contre le constat de l’existence même de celle-ci.

460    Or, il convient de constater que, au point 99 de la requête, la requérante se borne à faire valoir que les éléments de preuve invoqués par la Commission à propos de la STS « ne révèlent pas l’implication de Cargolux », en faisant référence au considérant 753 de la décision attaquée. En outre, les éléments litigieux relèvent exclusivement du faisceau d’indices spécifiquement opposé par la Commission à la requérante. Ce n’est en réalité que dans le cadre de la troisième branche du présent moyen, en particulier au point 116 de la requête, auquel renvoie d’ailleurs la requérante dans sa réponse soumise dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, qu’elle fait valoir que la Commission n’a pas apporté la preuve de l’existence d’une infraction unique et continue dans sa composante tenant à la STS. Ce n’est, dès lors, qu’à ce stade que le Tribunal examinera si ce constat est erroné.

461    En l’espèce, la Commission retient la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS au regard des éléments suivants, énoncés au considérant 753 de la décision attaquée :

« S’agissant de la STS, les contacts incluaient : des échanges d’informations concernant l’application de la STS par courriel [voir considérants 594, 595 et 609 de la décision attaquée] ; la participation à des réunions multilatérales où la STS a été discutée en impliquant de nombreux transporteurs, notamment à Johannesburg, à Nairobi et au Caire en octobre 2001 [voir considérants 646, 649 et 650 de la décision attaquée] et aux réunions du SCC du BAR et du comité exécutif du SCC du BAR à Hong Kong [voir considérants 618, 660, 665, 667, 668 et 669 de la décision attaquée] ; la participation aux discussions sur la STS entre les membres du SYCAFF [voir considérant 614 de la décision attaquée] ; et l’implication dans l’initiative BLACKS en Italie qui incluait des discussions sur la STS [voir considérant 640 de la décision attaquée]. Certaines preuves indiquent qu’il y a eu d’autres contacts en ce qui concerne la STS [voir considérant 664 de la décision attaquée]. »

462    Parmi ces éléments constitutifs du faisceau d’indices retenu à l’encontre de la requérante, cette dernière conteste d’abord la nature anticoncurrentielle de contacts intervenus au sein du SYCAFF (considérant 614 de la décision attaquée) et du BLACKS (considérant 640 de la décision attaquée), en invoquant leur caractère ambigu.

463    Or, s’agissant du considérant 614 de la décision attaquée, il a déjà été constaté que ce dernier constituait une preuve directe de sa participation à l’infraction unique et continue dans sa composante tenant à la STS (voir point 397 ci-dessus). Quant au considérant 640 de la décision attaquée, la requérante n’est pas fondée à exciper du caractère ambigu de l’expression « rationaliser […] notre politique de surtaxe », celle-ci faisant clairement état d’une stratégie commune des transporteurs membres du BLACKS en la matière.

464    La requérante n’est pas non plus fondée à dénier aux contacts intervenus à Hong Kong un caractère anticoncurrentiel au motif que le bureau de la Commission sur place, par un projet de lettre du 27 novembre 2003, aurait « contribué à semer le doute » à propos de la nécessité pour les transporteurs de coordonner l’application de la STS. En effet, la lettre en cause, qui est restée à l’état de projet et n’a jamais été envoyée telle quelle au DAC, ne saurait constituer des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, de nature à faire naître à l’égard de la requérante des espérances fondées (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 97).

465    Ensuite, il y a lieu de constater que la requérante se méprend lorsqu’elle conteste, en substance, que les contacts retenus à son égard s’inscrivaient dans le cadre de la composante tenant à la STS de l’infraction unique et continue, au motif qu’il n’existait pas « d’accords de haut niveau […] entre cadres supérieurs à l’époque de la mise en œuvre de la STS consécutive aux attentats terroristes du 11 septembre » et que ces contacts, en particulier ceux décrits aux considérants 594, 595 et 609 de la décision attaquée, revêtaient un caractère exclusivement local.

466    En effet, il convient d’observer que les trois contacts cités par la requérante illustrent plutôt qu’ils n’infirment l’organisation à plusieurs niveaux décrite par la Commission dans la décision attaquée pour la mise en œuvre des surtaxes (voir point 231 ci-dessus). Ces contacts font ainsi tous état d’instructions ou de communications avec le siège. Ainsi en est-il, par exemple, des courriels décrits aux considérants 594 et 595 de la décision attaquée, tous deux émis le 28 septembre 2001 et interrogeant les destinataires, dont la requérante, sur les instructions de leur siège respectif s’agissant de l’introduction de la STS.

467    Enfin, dans la mesure où la requérante conteste le caractère continu de sa participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS, il y a lieu de relever que la décision attaquée fait ressortir un « vide » dans les pièces censées attester de sa participation entre le 26 novembre 2002 (considérant 618 de la décision attaquée) et le 14 janvier 2004 (considérant 660 de la décision attaquée), de même que du 28 septembre 2004 (considérant 640 de la décision attaquée) jusqu’à la fin de l’infraction unique et continue, le 14 février 2006.

468    Dans les circonstances de l’espèce, de telles durées sont suffisamment longues pour qu’il soit nécessaire de vérifier si la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS a connu une interruption entre le 26 novembre 2002 et le 14 janvier 2004 et a pris fin le 28 septembre 2004 plutôt que le 14 février 2006.

469    À cet égard, il convient de rappeler que le fait que la preuve directe de la participation d’une entreprise à l’infraction en cause pendant une période déterminée n’a pas été apportée ne fait pas obstacle à ce que cette participation, également pendant cette période, soit constatée, pour autant que cette constatation repose sur des indices objectifs et concordants (voir arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 27 et jurisprudence citée).

470    Le fait que, dans le cas d’une infraction complexe, l’entreprise concernée ne participe pas à un ou plusieurs contacts collusoires ou ne marque pas son accord avec les résultats de l’un de ceux-ci ne signifie pas qu’elle ait cessé de participer à l’infraction en cause (arrêt du 24 mars 2011, Kaimer e.a./Commission, T‑379/06, non publié, EU:T:2011:110, point 66).

471    En revanche, la distanciation publique constitue un fait important susceptible d’établir la cessation d’un comportement anticoncurrentiel. Réciproquement, l’absence de distanciation publique constitue une situation factuelle dont la Commission peut faire état pour prouver la poursuite du comportement anticoncurrentiel d’une entreprise. Il ne s’agit, cependant, que d’un élément parmi d’autres à prendre en considération en vue d’établir si une entreprise a effectivement continué à participer à une infraction ou, au contraire, a cessé de le faire. Il ne suffit pas à fonder le constat d’une participation ininterrompue de l’entreprise concernée lorsque, au cours d’une période significative, plusieurs contacts collusoires ont eu lieu en l’absence de ses représentants. La Commission est alors tenue d’apporter d’autres éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, points 23 et 28).

472    Ces éléments de preuve peuvent notamment tenir à la nature de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 237), au fonctionnement de l’entente concernée (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, EU:T:2011:621, points 243 et 244), au comportement de l’entreprise concernée sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, EU:T:2006:374, point 139 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 241), à l’inscription du comportement concerné dans une infraction unique comportant plusieurs autres composantes ou encore aux effets produits par ledit comportement (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, points 242 et 245).

473    En l’espèce, premièrement, il importe de relever que la requérante n’a pas utilement contesté sa participation à la composante de ladite infraction tenant à la STC, comme il ressort, en particulier, de l’examen de la première branche du quatrième moyen ainsi que de la première branche et du premier grief de la deuxième branche du présent moyen. Elle a également échoué à remettre en cause l’inscription des composantes tenant à la STC et à la STS dans une seule et même infraction poursuivant un objectif unique (voir l’examen de la première branche du quatrième moyen ci-dessus et de la troisième branche du présent moyen ci-après). Or, il est constant que la participation de la requérante à la composante tenant à la STC s’est maintenue jusqu’au 14 février 2006 en s’appuyant sur des « éléments de preuve fiables » à tout le moins depuis le 10 juin 2005. Par ailleurs, cette participation est corroborée, avant cette date, par un volume important de preuves et d’indices de contacts anticoncurrentiels, notamment en 2002 et en 2003 (voir, en particulier, points 436 à 438 ci-dessus).

474    Deuxièmement, il importe d’observer, comme le fait valoir à juste titre la Commission, que la mise en œuvre de la STS exigeait des contacts significativement moins fréquents que la mise en œuvre de la STC. En effet, à l’inverse de la STC, la STS n’était pas fondée sur un indice, dont l’évolution nécessitait des ajustements réguliers. Cela explique qu’une fois introduite fin 2001, elle n’ait fait l’objet que de contacts ponctuels entre transporteurs concernant sa mise en œuvre (voir considérant 579 de la décision attaquée).

475    Troisièmement, la requérante ne conteste pas que les effets de la coordination relative à la STS ont perduré pendant la période pour laquelle la preuve de contacts est inexistante. La requérante n’allègue, au demeurant, pas avoir ignoré que les autres transporteurs incriminés continuaient de se coordonner au sujet de la STS pendant cette période.

476    Quatrièmement, la requérante n’établit ni même n’allègue qu’elle se serait distanciée publiquement de la coordination relative à la STS durant les périodes pour lesquelles la preuve de contacts est inexistante. Elle ne démontre pas davantage qu’elle avait repris un comportement de concurrence loyale et indépendant sur le marché en cause pendant cette période.

477    Dans ces conditions, la Commission était fondée à déduire des éléments de preuve dont elle disposait que la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS avait continué, tant entre le 26 novembre 2002 et le 14 janvier 2004 que du 28 septembre 2004 jusqu’à la fin de l’infraction.

478    Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief.

3)      Sur la preuve de la participation de la requérante à la composante relative au refus de paiement de commissions

479    La requérante fait valoir que la Commission a ignoré le contexte juridique spécifique dans lequel sont intervenus les contacts auxquels elle a pris part au sujet du refus de paiement des commissions et est ainsi restée en défaut d’établir à suffisance la qualification de restriction par objet des comportements en cause. Ces contacts auraient en effet traduit une réaction légitime et légale des transporteurs à un contentieux, à des menaces de boycott et à des pratiques concertées des transitaires, qui ont tenté de s’arroger le droit de réclamer le paiement de commissions au titre de la perception des surtaxes.

480    Quand bien même les contacts relatifs au refus de paiement des commissions devraient être tenus pour collusoires, il n’aurait pas été démontré qu’ils faisaient partie d’une entente caractérisée de longue durée et d’ampleur mondiale. Les preuves invoquées se rapporteraient à des contacts de nature bilatérale intervenus au niveau local, viseraient des faits survenus en Inde en 2003 dont la pertinence ne serait pas claire et comprendraient des courriels qui étaient aussi adressés à des transporteurs non incriminés.

481    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

482    Le présent grief est articulé autour de deux arguments distincts, le premier tendant à contester le caractère anticoncurrentiel des contacts auxquels la requérante a pris part au titre du refus de paiement de commissions, le second tendant, à titre subsidiaire, à contester l’inscription desdits contacts dans le cadre de l’infraction unique et continue.

483    En premier lieu, s’agissant de la remise en cause du caractère anticoncurrentiel des contacts litigieux, il y a lieu de constater qu’elle repose sur deux prémisses erronées, l’une en droit, l’autre en fait.

484    En fait, la requérante se méprend en soutenant que les transporteurs ont concentré leurs discussions sur le point de savoir si les surtaxes pouvaient ou non donner lieu en principe à la perception de commissions.

485    Il ressort, certes, des considérants 675 à 702 de la décision attaquée, en ce compris ceux invoqués spécifiquement à l’encontre de la requérante (voir point 493 ci-après), que la question du paiement de commissions faisait l’objet d’interprétations juridiques divergentes entre les transporteurs et les transitaires. Cependant, les transporteurs incriminés ne se sont pas bornés à définir une position commune à ce sujet pour la défendre de manière coordonnée devant les juridictions compétentes ou la promouvoir collectivement auprès des autorités publiques et d’autres associations professionnelles. Au contraire, les transporteurs incriminés se sont concertés en convenant – à un niveau multilatéral – de refuser de négocier le paiement de commissions avec les transitaires et de leur octroyer des ristournes sur les surtaxes. Ainsi, au considérant 695 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à un courriel du 19 mai 2005 dans lequel un gestionnaire régional de Swiss en Italie indique que « tous [les participants à une réunion tenue le 12 mai 2005 avaient] confirmé [leur] volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS ». Au considérant 696 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel interne du 14 juillet 2005 dans lequel CPA indique que « tous [les participants à une réunion tenue la veille, dont la requérante,] ont reconfirmé leur ferme intention de ne pas accepter de négociation concernant » le paiement de commissions. De même, au considérant 700 de la même décision, la Commission a invoqué un courriel interne dans lequel une employée de la requérante informait son administration centrale de la tenue d’une réunion « avec tou[s] les [transporteurs] opérant à l’aéroport de [Barcelone] » et indiquait que, « de l’avis général, nous ne devrions pas payer de commissions sur les surtaxes ».

486    Il ressort également de la décision attaquée que plusieurs transporteurs ont échangé des informations – à un niveau bilatéral – pour s’assurer mutuellement de leur adhésion continue au refus de paiement de commissions dont ils étaient convenus au préalable. À titre d’illustration, le considérant 688 de cette décision décrit une conversation téléphonique du 9 février 2006 au cours de laquelle Lufthansa a demandé à AF si sa position au sujet du refus de paiement de commissions restait inchangée.

487    En droit, pour autant que la requérante soutienne que le refus de paiement de commissions constituait une réponse légitime au comportement prétendument illicite des transitaires, il y a lieu de rappeler qu’une entreprise ne saurait se prévaloir du comportement d’autres entreprises, fût-il illicite ou déloyal, pour justifier une infraction aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, EU:T:2004:220, point 333, et du 12 juillet 2018, LS Cable & System/Commission, T‑439/14, non publié, EU:T:2018:451, point 53) ou pour en remettre en cause la qualification de restriction de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C‑68/12, EU:C:2013:71, points 19 et 21).

488    C’est en effet aux autorités publiques et non à des entreprises ou à des associations d’entreprises privées d’assurer le respect des prescriptions légales (arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C‑68/12, EU:C:2013:71, point 20). Les entreprises ne sauraient se faire justice à elles-mêmes en se substituant à ces autorités pour sanctionner d’éventuelles violations du droit de la concurrence de l’Union et en entravant, par des mesures prises de leur propre initiative, la concurrence dans le marché intérieur. Cela est d’autant plus le cas lorsqu’il existe des voies légales au moyen desquelles elles peuvent faire valoir leurs droits auprès de ces autorités (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T‑30/89, EU:T:1991:70, points 117 et 118).

489    Or, en l’espèce, la requérante ne démontre ni même n’allègue que de telles voies légales auraient fait défaut.

490    Il s’ensuit que la requérante ne saurait se prévaloir du comportement prétendument anticoncurrentiel des transitaires pour nier que les contacts afférents au refus de paiement de commissions dans lesquels elle a été impliquée revêtent également un caractère anticoncurrentiel.

491    Partant, et au regard de l’ensemble de ce qui précède, l’argumentation de la requérante tendant à remettre en cause le caractère anticoncurrentiel des contacts litigieux doit être rejetée.

492    En second lieu, s’agissant de l’inscription desdits contacts dans le cadre de l’infraction unique et continue décrite dans la décision attaquée, aucun des arguments avancés par la requérante pour la contester ne saurait prospérer.

493    En l’espèce, la Commission a retenu la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions au regard des éléments suivants, énoncés au considérant 754 de la décision attaquée :

« Concernant le [refus de paiement de commissions], les contacts ont inclus : la confirmation réciproque des transporteurs lors de réunions multilatérales de leur intention de ne pas payer de commission, par exemple, lors de la réunion du SCC du BAR de Hong Kong le 11 juillet 2005 [voir considérant 503 de la décision attaquée] ; les réunions du 12 mai 2005 chez Lufthansa Cargo Italie [voir considérant 695 de la décision attaquée] et le 13 juillet 2005 à Milan [voir considérant 696 de la décision attaquée] ainsi qu’au cours d’autres contacts avec des transporteurs locaux [voir considérant 698 de la décision attaquée] ; une réunion du 5 juillet 2005 à Barcelone avec toutes les transporteurs actifs à cet aéroport [voir considérant 700 de la décision attaquée] ; des discussions bilatérales avec [KLM] lors de la réunion de Kelkheim [voir considérant 523 de la décision attaquée] ; la participation aux réunions BLACKS en Italie où les participants sont convenus de rejeter la demande de l’association italienne des transitaires sur le paiement de commissions sur les surtaxes [voir considérant 560 de la décision attaquée] ; et informations reçues en guise de suivi sur la réunion trilatérale entre [KLM], [Lufthansa] et AF, notamment le 6 juin 2005 où en dehors des questions STC, les participations sont convenus que les transitaires devaient continuer à ne pas recevoir de commission sur les surtaxes perçues [voir considérants 471 et 472 de la décision attaquée]. »

494    Premièrement, la circonstance que des transporteurs, mentionnés dans les contacts afférents au refus de paiement de commissions, n’aient pas été destinataires de la décision attaquée ou n’aient pas vu leur participation à cette composante de l’infraction unique et continue retenue, est dénuée de pertinence pour les motifs retenus aux points 366 à 369 ci-dessus.

495    Deuxièmement, le caractère purement local des contacts sur lesquels la Commission s’appuierait n’est nullement étayé. La requérante invoque, en effet, dans la requête, des contacts qui n’ont pas trait à la composante tenant au refus de paiement de commissions, ce qu’elle a admis au demeurant lors de l’audience.

496    En tout état de cause, les contacts sur lesquels s’est appuyée la Commission pour établir la participation de la requérante à la composante tenant au refus de paiement de commissions, qu’il convient d’apprécier de manière globale, reflètent l’organisation à plusieurs niveaux décrite par la Commission dans la décision attaquée pour la mise en œuvre de l’entente litigieuse (voir point 231 ci-dessus). Le refus de paiement de commissions constituait à cet égard une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener les transporteurs à suivre l’entente litigieuse en ce qui concerne les surtaxes (voir considérant 109 de la décision attaquée).

497    Ainsi, plusieurs des contacts afférents au refus de paiement de commissions impliquaient des employés du siège de transporteurs incriminés ou faisaient état de communications entre le personnel local et le siège (considérants 471, 472, 523 et 700). Par ailleurs, un certain nombre de ces contacts abordaient conjointement la question de la coordination des surtaxes et celle du refus de paiement de commissions (considérants 471, 472, 523 et 560). Or, la requérante, d’une part, n’a pas contesté que les contacts afférents à la STC auxquels elle a pris part s’inscrivaient dans le cadre d’une entente qui n’était pas purement locale et, d’autre part, a échoué à établir que, s’agissant de la STS, ceux-ci revêtaient une dimension purement locale (voir points 465 et 466 ci-dessus). Compte tenu de la complémentarité entre les composantes tenant aux surtaxes et la composante tenant au refus de paiement de commissions, non utilement contestée par la requérante (voir points 329 ci-dessus et 509 ci-après), il peut raisonnablement s’en déduire que les contacts afférents au refus de paiement de commissions auxquels elle a pris part revêtaient une portée géographique similaire à, ou proche de, ceux afférents aux surtaxes.

498    Troisièmement, il y a lieu de constater que les faits survenus en Inde en 2003, visés au considérant 701 de la décision attaquée, ne sont pas opposés à la requérante dans la décision attaquée. Par conséquent, l’argumentation qui s’y rapporte est doit dès lors être rejetée.

499    Il y a dès lors lieu de rejeter le présent grief et, partant, la deuxième branche dans son ensemble.

d)      Sur la troisième branche, prise de la substitution à l’administration de la preuve de la notion d’infraction unique et continue

500    La requérante soutient que la Commission a dénaturé la notion d’infraction unique et continue en regroupant une collection disparate de contacts, d’appels téléphoniques et de réunions impliquant de nombreux transporteurs incriminés et non incriminés et dont certains étaient parfaitement légaux, pour présenter l’ensemble comme un faisceau d’indices convaincant. La Commission serait restée en défaut d’apporter la preuve d’une interdépendance ou d’une complémentarité entre les comportements et les arrangements occasionnels et indépendants sur lesquels elle s’appuie. Elle n’apporterait pas non plus la preuve expresse de ce que la requérante aurait eu connaissance des comportements infractionnels des autres transporteurs incriminés.

501    Ainsi, premièrement, la Commission s’appuierait sur différents éléments qui ne pourraient être tenus pour des preuves d’un objectif anticoncurrentiel. Elle se réfèrerait à des faits se rapportant à des liaisons avec les pays tiers, à l’égard desquelles elle n’aurait eu aucune compétence, et à des échanges d’informations relevant du domaine public, qui auraient été légaux. Deuxièmement, les preuves se rapportant à la STS se limiteraient à des contacts de niveau local intervenus principalement en septembre ou octobre 2001 et au cours de quelques mois de l’année 2004. Elles présenteraient d’importantes lacunes temporelles de nature à remettre en cause la nature continue de l’infraction. Troisièmement, la Commission omettrait de tenir compte du contexte spécifique dans lequel sont intervenues les discussions portant sur le refus de paiement de commissions. Il ne serait d’ailleurs pas démontré que ces discussions, à les supposer collusoires, complétaient la STS et la STC. Quatrièmement, aucune preuve ne démontrerait que la requérante aurait dû savoir, d’une part, que ses propres « appels pour se rassurer » avec Lufthansa, KLM et Martinair pouvaient relever d’un dispositif collusoire couvrant l’ensemble du secteur ou, d’autre part, que les trois réunions auxquelles elle a participé entre juin et octobre 2005 pouvaient concerner un réseau plus étendu que Lufthansa, AF et KLM. Les déclarations générales sur lesquelles la Commission se fonderait largement à cet égard ne lui permettraient pas de s’acquitter de la charge de la preuve. La requérante n’aurait eu aucun contact avec Air Canada, Lan Cargo ou SAS en dehors de réunions publiques du sous-comité cargo du BAR à Hong Kong.

502    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

503    À titre liminaire, il convient d’observer que l’essentiel de l’argumentation de la requérante, dans le cadre de la présente branche, concerne l’existence de l’infraction unique et continue et non sa participation à celle-ci. Seul fait exception le grief tiré de l’absence de démonstration de sa connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres transporteurs incriminés dans la poursuite de l’objectif anticoncurrentiel unique.

504    S’agissant de ce dernier grief, il importe de relever que la requérante, en se référant aux « appels pour se rassurer » avec Lufthansa, KLM et Martinair et à trois réunions auxquelles elle a participé entre juin et octobre 2005, n’invoque à son appui qu’une fraction de la cinquantaine de contacts qui lui ont été opposés par la Commission pour établir sa participation à la composante tenant à la STC. Or, il ressort de cette cinquantaine de contacts que le périmètre des transporteurs incriminés avec lesquels elle était en relation n’était pas, contrairement à ce qu’elle soutient, limité, mais recouvrait en réalité la grande majorité des transporteurs incriminés, ainsi que l’illustre, notamment, sa participation à plusieurs réunions multilatérales concernant la STC (voir point 437 ci-dessus). Partant, ce grief, qui est insuffisamment étayé, doit être rejeté comme étant non fondé.

505    Cela étant relevé, il convient également de constater que l’argumentation de la requérante développée dans le cadre de la présente branche se borne largement à reprendre des éléments qui ont déjà été examinés et rejetés par le Tribunal.

506    Ainsi, le Tribunal a déjà conclu, à l’issue de l’examen du premier moyen et des deux premières branches du cinquième moyen, que la Commission était fondée à s’appuyer sur les contacts afférents à des liaisons avec des pays tiers, y compris avant la date à laquelle la Commission a acquis compétence à leur égard, pour construire une image globale de l’entente litigieuse et corroborer d’autres éléments de preuve. De même, la Commission était fondée à s’appuyer sur les « annonces officielles » communiquées à d’autres transporteurs (voir points 349 à 352 ci-dessus), sur la prétendue « collecte de renseignements tirés de sources officielles » (voir points 393 à 405 ci-dessus) ainsi que sur la participation à des réunions d’associations professionnelles auxquelles ont également pris part des transporteurs non incriminés (voir point 406 ci-dessus) pour établir l’existence de l’infraction unique et continue. En outre, dans la mesure où c’est sans commettre d’erreur que la Commission a retenu la continuité de la participation de la requérante à la composante tenant à la STS jusqu’au 14 février 2006 (voir points 467 à 477 ci-dessus), celle-ci ne saurait utilement contester la continuité de cette composante de l’infraction unique et continue dans le cadre de la présente branche. Enfin, le « contexte juridique spécifique » des contacts afférents au refus de paiement de commissions n’est pas de nature à remettre en cause leur caractère anticoncurrentiel (voir points 487 à 490 ci-dessus).

507    Il reste ainsi, dans le cadre de la présente branche, à examiner le grief tiré de l’absence de liens de complémentarité entre la composante tenant au refus de paiement de commissions et les composantes tenant à la STC et à la STS.

508    D’emblée, il convient d’observer que, ainsi qu’il a été rappelé au point 326 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue de vérifier, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, s’ils présentent de tels liens. À la supposer avérée, une omission d’établir de tels liens entre la composante tenant au refus de paiement de commission et les composantes tenant à la STC et à la STS ne serait dès lors pas susceptible, en soi, d’entacher d’illégalité la décision attaquée.

509    En tout état de cause, l’invocation par la requérante du commencement relativement tardif de la composante tenant au refus de paiement de commissions par rapport aux autres composantes n’est pas de nature à remettre en cause l’existence de liens de complémentarité entre celles-ci, telle qu’établie par la Commission au considérant 879 de la décision attaquée. En effet, ces liens découlent en particulier du fait que le refus coordonné de payer des commissions sur les surtaxes « a permis de soustraire les surtaxes à la concurrence liée à la négociation de commissions (en réalité des ristournes sur les surtaxes) avec les clients » (considérant 879 de la décision attaquée), ce qui tend à l’évidence à renforcer l’objectif de coordination des prix en prémunissant la STC et la STS des effets du maintien d’une concurrence résiduelle sur le marché. Or, la tardiveté relative de la coordination afférente au refus de paiement de commissions n’enlève rien à sa contribution, par son interaction avec les autres composantes de l’infraction unique et continue, à la réalisation de l’objectif unique poursuivi par les transporteurs incriminés.

510    Le présent grief doit, dès lors, être rejeté et, partant, la troisième branche dans son ensemble.

e)      Sur la quatrième branche, prise de ce que la Commission n’a pas étayé le caractère « mondial » de l’infraction unique et continue

511    La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir apporté les éléments de preuve nécessaires pour étayer l’étendue « mondiale » de l’infraction unique et continue. Elle n’établirait pas l’existence d’un vaste dispositif de portée mondiale ni ne démontrerait de lien corrélant, au sein d’un tel dispositif, la collection disparate d’actes accomplis par différents participants à travers le monde. Elle présumerait à tort que les différents cas de comportements collusoires participent tous d’une entente mondiale au motif qu’ils se produisent plus ou moins simultanément à différents endroits.

512    Premièrement, la circonstance, avancée au considérant 888 de la décision attaquée, que les contacts litigieux portaient sur des surtaxes, avaient lieu « en parallèle » et concernaient en grande partie les mêmes transporteurs ne serait pas pertinente aux fins d’établir l’étendue géographique de l’entente. La plupart des contacts litigieux cités audit considérant relèveraient d’ailleurs de discussions d’ordre général, qui n’auraient pas porté sur un pays particulier ou sur des éléments de portée mondiale.

513    Deuxièmement, la Commission ne serait pas fondée à se prévaloir, au considérant 889 de la décision attaquée, de ce que les surtaxes sont des mesures d’application générale qui ne sont pas spécifiques à une liaison. D’une part, cela serait inexact, les surtaxes n’ayant pas été appliquées de manière uniforme. D’autre part, cela serait juridiquement insuffisant pour établir l’existence d’une coordination d’ampleur mondiale.

514    Troisièmement, la Commission ne pourrait pas fonder, comme elle le fait pourtant au considérant 890 de la décision attaquée, la dimension mondiale de l’entente litigieuse sur l’absence de barrières insurmontables à la fourniture de services de fret aérien sur des liaisons que les transporteurs incriminés n’ont jamais exploitées ou ne pouvaient pas légalement exploiter. En effet, d’une part, la Commission ignorerait ainsi le cadre réglementaire applicable. D’autre part, la possibilité théorique de prester des services sur les liaisons en cause n’établirait pas l’étendue géographique mondiale de l’entente litigieuse.

515    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

516    Il y a d’emblée lieu de rappeler que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas conclu, dans le dispositif de la décision attaquée, à l’existence d’une infraction unique et continue de dimension mondiale (voir considérants 270 à 272 ci-dessus)

517    Cela étant précisé, il convient de relever que la Commission a indiqué, au considérant 889 de la décision attaquée, que les surtaxes étaient des « mesures d’application générale », qui « avaient pour but d’être appliquées sur toutes les liaisons, au niveau mondial », et qu’il en était de même du refus de paiement de commissions, qui revêtait également « un caractère général ». Ces considérations se fondent sur des éléments qui doivent être considérés comme étant d’autant plus nombreux qu’il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum (voir arrêt du 16 février 2017, H&R ChemPharm/Commission, C‑95/15 P, non publié, EU:C:2017:125, point 39 et jurisprudence citée).

518    Ainsi, pour ce qui est des surtaxes, la Commission a rassemblé différents éléments de preuve, dont plusieurs sont cités à titre d’exemple à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée.

519    D’une part, s’agissant de la STC, il convient notamment de relever que le considérant 140 de la décision attaquée fait référence à un courriel interne de Swiss dans lequel il est indiqué qu’AF « prélèvera, au niveau mondial, une [STC] de 0,10 EUR/0,10 USD par kg », que KLM « fera exactement la même chose » et que Lufthansa « va dans le même sens, mais n’a pas encore confirmé ce point à l’heure actuelle ». Aussi, au considérant 162 de la décision attaquée, il est fait état d’un échange de courriels entre Lufthansa et Japan Airlines du 27 septembre 2000 dans lequel il est indiqué que Lufthansa Cargo compte appliquer un certain montant de STC « au niveau mondial », tandis que, au considérant 210 de cette décision, il est renvoyé à la déclaration de clémence de Martinair, selon laquelle cette dernière a eu des contacts avec plusieurs transporteurs sur la mise en œuvre d’une STC mondiale.

520    De même, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, il est fait état d’annonces d’augmentation ou de diminution de la STC ou de la STS qui faisaient référence à une application mondiale de ces surtaxes, laquelle « ne se limitait pas à une liaison spécifique ».

521    D’autre part, s’agissant de la STS, il convient de constater que, au considérant 608 de la décision attaquée, la Commission a mentionné un courriel dans lequel British Airways explique à Lufthansa vouloir introduire une « taxe de manutention exceptionnelle » dans le monde entier. Aussi, au considérant 666 de cette décision, la Commission a fait référence au compte rendu d’une réunion du 30 mars 2004 du comité exécutif du SCC du BAR à Hong Kong. Il ressort de ce compte rendu que le montant de la STS au départ de Hong Kong serait fondé sur l’« élément de référence mondial ».

522    Pour ce qui est du refus de paiement de commissions, il est vrai que la Commission n’a pas, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, cité d’exemple spécifique d’éléments de preuve qui tendraient à étayer son applicabilité générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial ».

523    Cependant, d’une part, il convient de constater que, dans la mesure où les surtaxes étaient généralement applicables « à toutes les liaisons, au niveau mondial », il était vraisemblable que le refus de paiement de commissions l’était également. En effet, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le refus de paiement de commissions et les deux autres composantes de l’infraction unique et continue étaient complémentaires en ce qu’il avait « permis de soustraire les surtaxes à la concurrence liée à la négociation de commissions (en réalité des ristournes sur les surtaxes) avec les clients ».

524    D’autre part, il importe de souligner que la Commission a, ailleurs qu’à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, fait état d’éléments de preuve tendant à étayer l’applicabilité, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », du refus de paiement de commissions. Ainsi, au considérant 679 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’un courriel interne relatif au refus de paiement de commissions dans lequel le responsable en chef du fret de Swiss a demandé à ses directeurs régionaux de « participer aux réunions locales du BAR chaque fois que cela appara[issai]t pertinent ». De même, au considérant 683 de la décision attaquée, la Commission mentionne un mémorandum interne adressé aux directeurs des ventes de fret de CPA, dans lequel il est indiqué que « tant que les conditions locales le permettent, C[PA] devrait adopter une approche et une réponse communes à la question [des demandes de commission sur les surtaxes] » et « devrait donc envisager de suivre tout rejet d’une telle demande ou d’une telle revendication de commission, ainsi que toute autre action y afférente pouvant être coordonnée par vos associations de [transporteurs] locales ».

525    La Commission a d’ailleurs apporté des éléments de preuve tendant à démontrer qu’une telle coordination s’était produite dans de nombreux pays à travers le monde, dont Hong Kong (considérant 503 de la décision attaquée), la Suisse (considérant 692 de cette décision), l’Italie (considérants 694 à 698 de ladite décision), la France (considérant 699 de ladite décision), l’Espagne (considérant 700 de la même décision), l’Inde (considérant 701 de la décision en cause) et les États-Unis (considérant 702 de la décision en cause).

526    Par ailleurs, la Commission a décrit, dans la décision attaquée, l’organisation de l’entente à plusieurs niveaux, central et local, pour la mise en œuvre des surtaxes (voir points 230 et 231 ci-dessus). Ce constat est étayé, notamment, par nombre de contacts opposés à la requérante et dont il a été observé, aux points 231 et 416 ci-dessus, d’une part, qu’ils impliquaient des employés du siège de transporteurs incriminés, faisaient état d’instructions de leur part ou de communications avec eux et, d’autre part, qu’ils reflétaient au niveau local des annonces effectuées ou des décisions prises au préalable au niveau central ou étaient, à tout le moins, contemporains de discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes.

527    Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir, au demeurant au moyen d’affirmations générales et non étayées, que la Commission n’aurait pas démontré que l’entente litigieuse revêtait une dimension mondiale.

528    Aucun des autres arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

529    Premièrement, les éléments repris au considérant 888 de la décision attaquée doivent être lus à la lumière de leur objectif, qui consistait à répondre aux contestations formulées durant la procédure administrative par certains transporteurs incriminés quant à la pertinence pour établir l’existence de l’infraction unique et continue ou de l’« entente mondiale » des contacts relatifs aux liaisons que des transporteurs incriminés ne desservaient pas et ne pouvaient directement desservir, ainsi qu’il ressort des considérants 112 et 885 à 887 de la décision attaquée.

530    Deuxièmement, la Commission a précisé, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, que la mise en œuvre des surtaxes s’opérait dans le cadre d’un système à plusieurs niveaux et que le taux des surtaxes pouvait varier et faisait l’objet de discussions distinctes « compte tenu des conditions ou de la réglementation des marchés locaux ». Il en ressort que la Commission n’a pas entendu affirmer, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, que les taux de surtaxe étaient appliqués de manière uniforme sur l’ensemble des liaisons dans le monde entier.

531    Troisièmement, quant au constat au considérant 890 de la décision attaquée de l’absence de barrières insurmontables à la fourniture de services de fret aérien sur des liaisons que les transporteurs incriminés n’ont jamais exploitées ou ne pouvaient pas légalement exploiter, il convient de constater que ces développements ne sont pas indispensables au constat de l’ampleur mondiale de l’entente litigieuse. Les éléments retenus aux points 517 à 527 ci-dessus suffisent, en effet, à fonder ce constat. L’argumentation de la requérante à cet égard doit donc être écartée comme inopérante.

532    En tout état de cause, il y a lieu de la rejeter comme mal fondée. À cet égard, d’autre part, il convient de relever que la requérante ne remet pas en cause, dans ses écritures, l’applicabilité du critère tiré de l’absence de barrières insurmontables aux fins d’apprécier l’existence d’une concurrence potentielle ni n’invoque une erreur de droit dans l’application de ce critère.

533    D’une part, il convient d’observer que, à l’encontre du constat de l’absence de telles barrières, la requérante procède par affirmations générales et non étayées. Elle n’apporte ainsi aucun élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle la Commission aurait méconnu « le cadre règlementaire régissant le transport aérien ».

534    Elle n’explique pas davantage les raisons pour lesquelles elle estime que les accords décrits au considérant 890 de la décision attaquée n’étaient pas de nature à permettre aux transporteurs de « surmonter n’importe quelle entrave juridique ou technique à la prestation de services de fret […] sur les liaisons qu’il[s] n’exploitai[en]t pas ou qu’il[s] n’aurai[en]t pas pu légalement exploiter ». Or, il ressort des considérants 16, 68 et 72 de la décision attaquée que les transporteurs étaient en mesure d’offrir des services de fret au-delà des liaisons qu’ils desservaient directement en concluant de tels accords avec d’autres transporteurs, étant rappelé que l’importance moindre du facteur temps dans le domaine du fret permet aux liaisons indirectes de se substituer aux liaisons directes. La prévalence, en pratique, de ce type d’accords est attestée, dans la décision attaquée, par de nombreux contacts (voir considérants 178, 192, 205, 232, 244, 391, 632 et 768).

535    La requérante elle-même, dans sa réponse à la communication des griefs, reconnaît cet état de fait, lorsqu’elle affirme ce qui suit :

« [i]l existe dans l’industrie du [fret] une grande diversité de formules contractuelles permettant des échanges réciproques de capacités entre transporteurs en vue de leur permettre de desservir des liaisons supplémentaires. […] Ils revêtent une importance particulière pour [la requérante] : en effet, celle-ci a relativement peu de droits de trafic en son propre nom et dépend dans une plus grande mesure que les autres compagnies d’arrangements de coopération. »

536    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche et, partant, le cinquième moyen dans son ensemble.

8.      Sur le septième moyen, tiré d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende

537    La requérante soutient que le montant de l’amende qui lui a été infligée résulte d’une application erronée des lignes directrices de 2006. Bien qu’elle présente ce moyen comme relevant du « contrôle du montant de l’amende en vertu de la compétence de pleine juridiction du Tribunal », la requérante invoque à son appui des griefs et arguments qui tendent, pour l’essentiel, à remettre en cause la légalité des appréciations de la Commission au stade du calcul du montant de l’amende. Il y a lieu, dès lors, de considérer que le présent moyen vient non seulement au soutien des conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante (voir points 616 et 617 ci-après), mais également au soutien de ses conclusions tendant à la modification du montant de l’amende.

538    Le présent moyen s’articule, en substance, en cinq branches, prises, la première, d’une erreur dans le calcul de la valeur des ventes, la deuxième, d’erreurs dans l’appréciation de la gravité de l’infraction unique et continue, la troisième, d’une erreur dans le calcul de la durée de la participation de la requérante à cette infraction, la quatrième, de l’application erronée d’un « montant additionnel » et, la cinquième, de l’absence de prise en compte par la Commission de circonstances atténuantes. La requérante formule aussi des observations quant à l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires.

a)      Sur la première branche, prise d’une erreur dans la détermination de la valeur des ventes

539    La requérante reproche à la Commission d’avoir violé le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 en ayant tenu compte du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé sur les vols entrants pour déterminer la valeur des ventes. En effet, selon elle, ces services échappaient à la compétence territoriale de la Commission.

540    La requérante ajoute que la réduction de 50 % du montant de base opérée au considérant 1241 de la décision attaquée est, en conséquence, arbitraire, insusceptible de contribuer à la réalisation de l’objet poursuivi et contraire au principe de personnalité des peines.

541    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

542    Il y a lieu d’observer que la présente branche procède de la prémisse selon laquelle la Commission n’était pas compétente pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes. Or, il ressort des points 80 à 183 ci-dessus que cette prémisse est erronée.

543    Il convient donc de rejeter la présente branche.

b)      Sur la deuxième branche, prise d’erreurs dans l’appréciation de la gravité de l’infraction unique et continue

544    La requérante soutient que la Commission n’a pas procédé à une évaluation individuelle convenable de la gravité de l’infraction unique et continue, si bien que la proportion de la valeur des ventes retenue (16 %) serait excessive et déraisonnable.

545    En premier lieu, la requérante avance que la Commission a commis une erreur dans l’appréciation de la nature de l’infraction unique et continue. Tout d’abord, la Commission aurait dû examiner les effets anticoncurrentiels de l’infraction pour en déterminer la gravité et aurait donc commis une erreur en écartant comme étant dépourvu de pertinence le fait que l’entente litigieuse ne couvrait pas la totalité du prix des services de fret.

546    Ensuite, l’infraction unique et continue, qui sauf en juin, juillet et octobre 2005, se serait résumée à passer des « appels pour se rassurer », paraîtrait bien anodine par rapport aux ententes caractérisées typiques et institutionnalisées que la Commission aurait sanctionnées dans d’autres décisions. En effet, d’une part, les transporteurs incriminés ne seraient jamais véritablement convenus du principe de l’introduction d’une surtaxe ni de son mécanisme ni n’auraient manipulé l’indice pour fixer la surtaxe. Le taux d’augmentation ou de réduction de cette surtaxe aurait été déterminé unilatéralement dans l’indice de Lufthansa avant d’être repris sans aucune coordination ni accord par les autres transporteurs incriminés. D’autre part, la STC n’aurait pas visé à l’obtention de prix supra-concurrentiels, mais aurait suivi l’évolution de l’indice et varié aussi bien à la hausse qu’à la baisse selon la fluctuation des prix. La STC n’aurait d’ailleurs jamais couvert l’intégralité du coût supplémentaire du carburant.

547    Enfin, la Commission aurait omis de tenir compte des contributions individuelles des différents transporteurs incriminés à l’entente litigieuse et de l’étendue de leur implication. Or, d’une part, compte tenu de la part de marché négligeable de la requérante sur les liaisons intra-EEE et de son chiffre d’affaires inexistant sur les liaisons Union-Suisse, la mise à sa charge d’une part de responsabilité pour l’infraction unique et continue s’agissant de ces liaisons dépendrait uniquement de considérations techniques. D’autre part, rien ne permettrait d’inférer la participation de la requérante à un dispositif collusoire structuré de longue durée portant sur la STS ou sur le refus de paiement de commissions.

548    En deuxième lieu, la requérante fait valoir qu’il est difficile de discerner comment les transporteurs incriminés « auraient pu avoir le moindre effet négatif sur les prix ». L’infraction unique et continue se serait en effet cantonnée aux surtaxes et la part de marché cumulée des transporteurs incriminés ne se serait élevée qu’à 34 %.

549    En troisième lieu, la requérante soutient que c’est à tort et aux fins d’amplifier la véritable nature de l’infraction unique et continue que la Commission a qualifié de mondiale l’étendue géographique de l’entente litigieuse. La Commission serait, en effet, restée en défaut d’établir l’existence d’une entente mondiale. Le seul aspect mondial susceptible d’être rattaché à l’entente litigieuse tiendrait à ce que les transporteurs incriminés assurent des vols long courrier.

550    En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission de n’avoir fourni aucun indice concret et crédible indiquant, avec une probabilité raisonnable, que l’infraction unique et continue a eu un impact sur le marché du fret. En effet, au considérant 1211 de la décision attaquée, la Commission se serait contentée de relever que les accords conclus par la requérante ont « été en général mis en œuvre », sans aucunement tenter d’évaluer leur incidence réelle ou probable sur ce marché. Or, la prise en compte du contexte de ces accords aurait révélé qu’ils n’auraient très probablement pas entraîné de hausse indirecte des prix sur ledit marché, ni eu d’effet négatif sur les consommateurs.

551    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

552    Selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il convient notamment de prendre en considération la gravité de l’infraction.

553    Les paragraphes 19 à 23 des lignes directrices de 2006 prévoient ce qui suit :

« 19.      Le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.

20.      L’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.

21.      En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.

22.      Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

23.      Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle. »

554    Selon la jurisprudence, un accord horizontal par lequel les entreprises concernées s’entendent non sur le prix total, mais sur un élément de celui-ci, constitue un accord horizontal de fixation de prix, au sens du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 et compte, dès lors, parmi les restrictions de concurrence les plus graves (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, points 277 et 278).

555    Il s’ensuit que, comme l’a rappelé la Commission au considérant 1208 de la décision attaquée, un tel accord mérite généralement un coefficient de gravité situé en haut de l’échelle de 0 à 30 % visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006.

556    Selon la jurisprudence, un coefficient de gravité sensiblement plus faible que la limite supérieure de cette échelle est très favorable à une entreprise qui est partie à un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 125) et peut même se justifier au regard de la seule nature de l’infraction (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 103 et jurisprudence citée).

557    Or, au considérant 1199 de la décision attaquée, la Commission a précisément estimé que les « accords et/ou pratiques concertées auxquels la […] décision [attaquée] se rapporte concern[ai]ent la fixation de divers éléments de prix ».

558    Les arguments de la requérante selon lesquels les transporteurs incriminés ne seraient jamais véritablement convenus du principe de l’introduction d’une surtaxe ni de son mécanisme ni n’auraient manipulé l’indice pour fixer la surtaxe sont sans incidence sur cette appréciation.

559    C’est donc à juste titre que la Commission a, aux considérants 1199, 1200 et 1208 de la décision attaquée, qualifié le comportement litigieux d’accord ou de pratique horizontale en matière de prix, quand bien même il n’aurait « pas couvert le prix entier pour les services en question ».

560    Pour les mêmes motifs, c’est à juste titre que la Commission n’a, aux fins de qualifier le comportement litigieux d’accord ou de pratique horizontale en matière de prix, pas tenu compte du fait que la STC ne couvrait prétendument pas l’intégralité des coûts de carburant ou pouvait aussi bien diminuer qu’augmenter dans la mesure où elle suivait la fluctuation des prix du carburant.

561    La Commission était dès lors fondée à conclure, au considérant 1208 de la décision attaquée, que les accords et pratiques litigieux comptaient parmi les restrictions à la concurrence les plus graves et méritaient donc un coefficient de gravité « en haut de l’échelle ».

562    Le coefficient de gravité de 16 % que la Commission a retenu au considérant 1212 de la décision attaquée, sensiblement plus faible que la limite supérieure de l’échelle visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, pourrait donc se justifier au regard de la seule nature de l’infraction unique et continue.

563    Il y a, cependant, lieu d’observer que, comme il ressort des considérants 1209 à 1212 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas fondée sur la seule nature de l’infraction unique et continue pour fixer à 16 % le coefficient de gravité. La Commission s’est ainsi référée dans cette décision aux parts de marché cumulées des transporteurs incriminés au niveau mondial et sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers (considérant 1209), à la portée géographique de l’entente litigieuse (considérant 1210) et à la mise en œuvre des accords et pratiques litigieux (considérant 1211).

564    La requérante conteste le bien-fondé de chacun de ces trois facteurs.

565    En premier lieu, pour ce qui est du caractère mondial de l’entente litigieuse, il convient de constater que la requérante se contente de renvoyer à la quatrième branche de son cinquième moyen. Or, comme il ressort du point 536 ci-dessus, cette branche n’est pas fondée. Le présent argument doit donc être rejeté.

566    En deuxième lieu, pour ce qui est des parts de marché cumulées de transporteurs incriminés visées au considérant 1209 de la décision attaquée, il suffit d’observer que la requérante reste en défaut d’expliquer pourquoi une part de marché de 34 % au niveau mondial (et au moins aussi grande sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers) aurait, au vu des circonstances de l’espèce et des caractéristiques de l’entente litigieuse, été de nature à minimiser l’incidence de l’infraction unique et continue à un point tel qu’elle aurait fait obstacle à ce que la Commission fixe le coefficient de gravité à 16 %, soit à un niveau sensiblement plus faible que la limite supérieure de l’échelle visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006. Le présent argument doit donc être rejeté.

567    En troisième lieu, pour ce qui est du facteur tenant à la mise en œuvre des accords et pratiques litigieux visé au considérant 1211 de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler qu’il existe une distinction entre le critère relatif à la mise en œuvre ou non de l’infraction et celui ayant trait à son impact concret sur le marché (arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 69).

568    Or, en l’espèce, la requérante se contente de reprocher à la Commission d’avoir, au considérant 1211 de la décision attaquée, relevé que les accords qu’elle a conclus avaient « été en général mis en œuvre », sans évaluer leur incidence réelle ou probable sur ce marché. L’argumentation de la requérante procède donc d’une confusion entre les questions de la mise en œuvre des accords et pratiques litigieux et de leur impact concret sur le marché et doit, par suite, être rejetée.

569    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir qu’un coefficient de gravité de 16 % fût illégal.

570    Aucun des autres arguments de la requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.

571    En premier lieu, s’agissant de l’incidence prétendument faible ou inexistante de l’infraction unique et continue sur le marché, il y a lieu de rappeler que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3) prévoyaient que l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction devait prendre en considération, notamment, son impact concret sur le marché lorsqu’il était mesurable.

572    Toutefois, cette exigence ne figure plus dans les lignes directrices de 2006, qui sont applicables en l’espèce. Ces lignes directrices n’imposent donc pas à la Commission de prendre en considération l’impact concret sur le marché de l’infraction afin de déterminer la proportion de la valeur des ventes retenue au titre de la gravité conformément aux paragraphes 19 à 24 desdites lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 539).

573    La jurisprudence ne le lui impose pas davantage, à tout le moins s’agissant d’une restriction de concurrence « par objet ».

574    En effet, la gravité d’une infraction aux règles de concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments. Parmi ceux-ci figurent, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, EU:C:1996:130, point 54, et arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 241).

575    Les effets sur le marché peuvent, certes, être pris en considération parmi ces éléments, mais ils ne revêtent une importance essentielle qu’en présence d’accords, de décisions ou de pratiques concertées qui n’ont pas directement pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, et qui ne sont donc susceptibles de tomber dans le champ d’application de l’article 101 TFUE que par suite de leurs effets concrets (arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1809).

576    Autrement, la Commission se verrait, au stade du calcul du montant de l’amende, imposer une obligation à laquelle, selon une jurisprudence constante, elle n’est pas tenue aux fins de l’application de l’article 101 TFUE dès lors que l’infraction en cause a un objet anticoncurrentiel (voir arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 64 et jurisprudence citée).

577    Or, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux de restriction de concurrence « par objet ». Elle n’était donc pas tenue de prendre en considération l’impact concret de l’infraction unique et continue sur le marché.

578    Il n’en demeure pas moins que, si la Commission estime opportun, aux fins du calcul du montant de l’amende, de tenir compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché, elle ne peut se limiter à s’appuyer sur une simple présomption, mais doit apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 82).

579    De même, si la Commission n’est pas tenue, en vue de fixer les amendes, d’établir que l’infraction en cause a procuré un avantage illicite aux entreprises concernées, ni de prendre en considération, le cas échéant, l’absence d’un tel avantage, l’appréciation du profit illicite engendré par l’infraction peut être pertinente si la Commission se fonde précisément sur ce dernier en vue de fixer le coefficient de gravité (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, points 4881 et 4882).

580    Au considérant 1199 de la décision attaquée, au titre de la fixation du coefficient de gravité, la Commission a retenu que les accords et pratiques litigieux avaient « profité aux [transporteurs incriminés], au détriment [des] clients et en finalité du grand public ». Or, elle n’a pas invoqué le moindre élément de preuve à l’appui de ce constat.

581    Il convient, cependant, d’observer que le constat en cause n’est pas un motif autonome sur lequel la Commission s’est appuyée pour apprécier la gravité de l’infraction unique et continue, mais une considération parmi d’autres dont elle a tenu compte aux fins de l’appréciation de la nature de cette infraction aux considérants 1199 à 1208 de la décision attaquée. Or, cette considération ne constitue pas le fondement nécessaire de la conclusion selon laquelle ladite infraction tendait à la fixation d’éléments du prix des services de fret et était, dès lors, de nature à justifier un coefficient de gravité situé à la limite inférieure du « haut de l’échelle » visé au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 pour les restrictions de concurrence les plus graves. Dès lors, le présent argument n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation de la nature de l’infraction en question figurant dans la décision attaquée. Par conséquent, la requérante n’ayant pas démontré que le coefficient de gravité n’était pas justifié au regard des autres facteurs pris en compte dans cette décision (voir points 563 et 568 ci-dessus), il y a lieu de rejeter cet argument.

582    En deuxième lieu, s’agissant de la référence de la requérante au traitement d’ententes caractérisées et institutionnalisées dans la pratique décisionnelle de la Commission, il suffit de rappeler que celle-ci ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 1/2003 et dans les lignes directrices de 2006 (voir arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, EU:T:2011:442, point 242 et jurisprudence citée), et qu’il n’est, en tout état de cause, pas démontré que les données circonstancielles relatives aux affaires ayant donné lieu à ces décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, étaient comparables à celles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 262 et jurisprudence citée).

583    En troisième lieu, s’agissant de l’omission prétendue de la Commission de tenir compte de la contribution individuelle de chaque transporteur incriminé aux fins de la fixation du coefficient de gravité, il convient de rappeler que figurent, parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions, le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celle-ci, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (voir arrêt du 26 janvier 2017, Roca Sanitario/Commission, C‑636/13 P, EU:C:2017:56, point 49 et jurisprudence citée).

584    Il convient, cependant, de rappeler que la prise en compte d’éventuelles différences entre le comportement des diverses entreprises ayant participé à une même infraction ne doit pas nécessairement intervenir lors de la fixation des coefficients de gravité, mais peut intervenir à un autre stade du calcul de l’amende, tel que lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes, au titre des paragraphes 28 et 29 des lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Roca/Commission, C‑638/13 P, EU:C:2017:53, point 67 et jurisprudence citée).

585    Or, dans le cadre de la détermination du coefficient de gravité, au considérant 1208 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle apprécierait le « fait que certains transporteurs aient pu jouer un rôle mineur […] comme une éventuelle circonstance atténuante ». C’est ainsi qu’elle a estimé, aux considérants 1246 à 1258 de la décision attaquée, que la participation de certains transporteurs incriminés à l’infraction unique et continue avait revêtu un caractère limité et leur a, en conséquence, accordé une réduction du montant de base de l’amende de 10 % au titre des circonstances atténuantes. La requérante ne comptait pas parmi ces transporteurs.

586    Il s’ensuit que la Commission était fondée à ne pas tenir compte de la participation prétendument limitée de la requérante à l’infraction unique et continue aussi au stade de la fixation du coefficient de gravité.

587    La présente branche ne peut donc qu’être rejetée.

c)      Sur la troisième branche, prise d’une erreur dans le calcul de la durée de la participation de la requérante à l’infraction

588    La requérante fait grief à la Commission de n’avoir pas limité la durée de l’infraction à sa participation à des pratiques restrictives relatives à la STC à compter de 2003.

589    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

590    Il y a lieu d’observer que la présente branche procède de la prémisse que toute participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC n’aurait commencé qu’en 2003. Or, comme il ressort de l’examen de la deuxième branche du cinquième moyen, cette prémisse est erronée et ladite branche doit être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche, prise de l’application erronée d’un « montant additionnel » de 16 %

591    La requérante soutient que l’application d’un montant additionnel de 16 % est injustifiée. Selon la requérante, l’application d’un tel montant additionnel résulte du classement de l’infraction dans la catégorie d’arrangements anticoncurrentiels située au sommet de l’échelle. Or, un tel classement ne serait pas fondé en l’absence de préjudice pour les consommateurs et au vu du caractère limité et de la nature de l’infraction, ainsi que de son incidence négligeable sur le marché.

592    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

593    Le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que, en vue de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

594    Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T‑389/10 et T‑419/10, EU:T:2015:513, point 264).

595    Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.

596    Or, les arguments que la requérante avance s’agissant du montant additionnel se confondent avec ceux qu’elle a soulevés s’agissant du coefficient de gravité et que le Tribunal a rejetés dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen. Ces arguments ne sauraient donc prospérer.

597    Il s’ensuit que la présente branche ne peut qu’être rejetée.

e)      Sur la cinquième branche, prise de l’absence de prise en compte par la Commission de circonstances atténuantes

598    La requérante reproche à la Commission de n’avoir pas retenu des circonstances atténuantes invoquées lors de la procédure administrative, à savoir, d’une part, l’intervention du bureau de la Commission à Hong Kong au sujet de la STS et, d’autre part, son attitude suiviste à l’égard de Lufthansa, associée à l’absence de preuve que la requérante avait connaissance de l’existence de contacts intensifs entre Lufthansa et d’autres transporteurs (AF et KLM mis à part).

599    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

600    À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 27 des lignes directrices de 2006 prévoit que, dans la détermination du montant de l’amende, la Commission peut prendre en compte des circonstances qui mènent à une augmentation ou à une réduction du montant de base, sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

601    Le paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 dispose que le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes. Ce paragraphe énonce, à titre indicatif et non limitatif, cinq types de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en considération, dont le caractère substantiellement réduit de la participation de l’entreprise concernée à l’infraction et l’autorisation ou l’encouragement du comportement anticoncurrentiel en cause par les autorités publiques ou la réglementation.

602    D’une part, au considérant 1263 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’aucun régime réglementaire n’avait obligé les transporteurs incriminés à se concerter sur leurs tarifs. Toutefois, elle a estimé, aux considérants 1264 et 1265 de ladite décision, que certains régimes réglementaires avaient pu inciter les transporteurs incriminés à adopter un comportement anticoncurrentiel et leur a, en conséquence, accordé la réduction générale de 15 %, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006. Au considérant 1270 de ladite décision, la Commission a rejeté des arguments tirés de la confiance légitime que des transporteurs incriminés auraient tirée de l’attitude du bureau de la Commission à Hong Kong à l’égard de la STS.

603    Or, contrairement à ce que soutient la requérante, l’attitude du bureau de Hong Kong n’était pas de nature à faire naître des espérances fondées dans son chef (voir point 464 ci-dessus). À supposer que la requérante entende ici faire également référence à la lettre qui a été effectivement transmise par le bureau de la Commission à Hong Kong aux autorités locales, et non au seul projet qui ne l’a pas été, il y a lieu de noter, à l’instar de la Commission au considérant 1270 de la décision attaquée, que son contenu se limitait à une interrogation sur le point de savoir si les transporteurs seraient autorisés à porter en compte une STS plutôt que d’ajuster les tarifs. Elle ne traitait aucunement de la coordination relative à la STS ni a fortiori de sa licéité au regard de l’article 101 TFUE, son auteur n’étant au demeurant pas une source autorisée à fournir de telles assurances. La Commission était, par conséquent, fondée à refuser à la requérante le bénéfice d’une circonstance atténuante au titre de « l’attitude du bureau de la Commission à Hong Kong ».

604    D’autre part, aux considérants 1257, 1284, 1285 et 1290 de la décision attaquée, la Commission a rejeté les arguments de la requérante tirés du rôle passif qu’elle aurait joué dans l’infraction unique et continue, de sa participation prétendument substantiellement réduite à celle-ci, de l’état du marché au moment de l’entente litigieuse, de l’attitude des clients des transporteurs et de l’existence d’un programme de conformité.

605    Contrairement à ce que soutient la requérante, cette appréciation n’est entachée d’aucune erreur.

606    Si le rôle exclusivement passif, ou suiviste, dans l’entente était expressément mentionné en tant que circonstance atténuante dans les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (voir point 571 ci-dessus), elle ne figure plus explicitement parmi les circonstances atténuantes pouvant être retenues en application des lignes directrices de 2006. Cela reflète un choix politique délibéré de ne plus « encourager » le comportement passif des participants à une infraction aux règles de concurrence (arrêt du 12 juillet 2018, Sumitomo Electric Industries et J-Power Systems/Commission, T‑450/14, non publié, EU:T:2018:455, point 114), qui relève de la marge d’appréciation de la Commission dans la détermination et la mise en œuvre de la politique de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 207).

607    Pour autant, même si elle n’y était pas tenue, la Commission a examiné dans la décision attaquée si les circonstances invoquées par la requérante s’agissant de son rôle suiviste pouvaient être constitutives d’une circonstance atténuante, au titre de la marge d’appréciation qui est la sienne en la matière (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, EU:T:2011:562, point 343). Il revient, dès lors, au Tribunal de contrôler, au vu des arguments développés par la requérante, si ces appréciations sont entachées d’erreurs.

608    Selon la jurisprudence, le rôle exclusivement passif ou suiviste d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction implique, par définition, l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels ou pratiques concertées. Parmi les éléments de nature à révéler que l’entreprise concernée a joué un tel rôle figurent, notamment, le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que l’existence de déclarations expresses quant au rôle joué par cette entreprise dans l’entente et émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction, en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, EU:T:2003:193, points 167 et 168 et jurisprudence citée).

609    Or, la requérante se borne, en l’espèce, à faire valoir qu’elle n’avait pas connaissance des contacts intensifs entretenus par Lufthansa avec d’autres transporteurs, AF et KLM mis à part. La requérante reste cependant en défaut d’expliquer en quoi sa connaissance de la part prise par Lufthansa dans l’entente litigieuse serait décisive pour qualifier son propre rôle dans celle-ci, alors que, par ailleurs, la décision attaquée ne qualifie pas Lufthansa de meneur ni n’identifie d’ailleurs de « noyau dur » de l’entente. Tout au plus la Commission a-t-elle, au considérant 124 de la décision attaquée, indiqué que Lufthansa « déclar[ait] que l’essentiel des contacts [core group of contacts] entretenus par […] son directeur de la politique de prix […] impliquaient principalement des communications bilatérales par téléphone portable avec ses homologues auprès d’autres transporteurs » et qu’il avait eu une « quarantaine d’entretiens téléphoniques avec chacune des compagnies [British Airways, AF, KLM et Cargolux] entre le début 2003 et la fin 2005 ». Elle n’a, en revanche, à aucun moment fait siennes les déclarations de Lufthansa quant à l’existence et aux contours d’un tel groupe, ni n’a estimé que les contacts intervenus en son sein se distinguaient des autres contacts litigieux.

610    Partant, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a refusé de reconnaître à la requérante le bénéfice d’une circonstance atténuante tenant à son rôle prétendument suiviste.

611    Il y a lieu donc lieu de rejeter la présente branche.

f)      Sur l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires

612    La requérante considère que la Commission est fondée à retenir, au considérant 1294 de la décision attaquée, qu’« il est juste d’utiliser son pouvoir d’appréciation et de réduire le montant de base ajusté de l’amende de 10 % du chiffre d’affaires mondial réalisé en 2009, lorsque ce dernier est inférieur au chiffre d’affaires mondial réalisé par un destinataire en 2016 ». La requérante souligne, néanmoins, que ce résultat est en tout cas justifié par le principe selon lequel une entreprise ne doit pas être placée dans une situation plus défavorable du seul fait que la Commission a, comme en l’espèce, commis des erreurs.

613    La Commission ne s’est pas expressément prononcée sur ces observations.

614    Il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires mondial réalisé en 2009, mais entend simplement mettre en avant une justification supplémentaire à l’approche adoptée dans la décision attaquée. Les présentes observations doivent, par conséquent, être écartées et il y a lieu de rejeter le septième moyen dans son ensemble.

615    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation.

B.      Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante

616    La requérante demande au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction afin de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée à un montant raisonnable, proportionné et reflétant exactement les faits et données spécifiques de l’espèce et, en particulier, la nature et la portée de l’infraction alléguée.

617    Il ressort de la requête que la requérante entend invoquer à l’appui des présentes conclusions l’ensemble des arguments soulevés à l’appui du septième moyen de ses conclusions en annulation. À ces arguments s’en ajoute un qu’elle invoque dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui concerne les ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse.

618    Par son premier argument, la requérante avance que son chiffre d’affaires provenant des services de fret entrants ne saurait être inclus dans la valeur des ventes (première branche du septième moyen).

619    Les deuxième à cinquième arguments portent, en substance, sur le coefficient de gravité et le montant additionnel (deuxième et quatrième branches du septième moyen) :

–        par son deuxième argument, la requérante fait valoir qu’il convient de tenir compte de l’absence probable d’impact de l’infraction unique et continue sur le marché du fret ;

–        par son troisième argument, la requérante estime qu’il convient de tenir compte du fait que le comportement litigieux ne consistait pas en une entente de fixation des prix à un niveau supra-concurrentiel ;

–        par son quatrième argument, la requérante soutient qu’il convient de tenir compte des degrés très variés de contribution des transporteurs incriminés à l’infraction unique et continue ;

–        par son cinquième argument, la requérante soutient qu’il convient de tenir compte du fait que la Commission n’a pas établi la dimension mondiale de l’entente litigieuse.

620    Le sixième argument porte, en substance, sur l’adaptation des facteurs de multiplication au titre de la durée prétendument réduite de participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC qu’à compter de 2003 (troisième branche du septième moyen).

621    Les septième et huitième arguments portant sur les ajustements à apporter au montant de base (cinquième branche du septième moyen) :

–        par son septième argument, la requérante fait valoir qu’il convient de tenir compte de l’intervention du bureau de la Commission à Hong Kong au sujet de la STS ;

–        par son huitième argument, la requérant fait valoir qu’il convient de tenir compte de son attitude suiviste à l’égard de Lufthansa et de son absence de connaissance de l’existence de contacts intensifs entre Lufthansa et d’autres transporteurs (AF et KLM mis à part).

622    Par son neuvième argument, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante fait valoir que le Tribunal devrait accueillir le moyen relevé d’office et exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende en conséquence.

623    La Commission conclut au rejet des conclusions de la requérante et demande que le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de celle de 15 % lui soit retiré dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.

624    Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).

625    Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).

626    Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).

627    Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).

628    Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, EU:T:2011:344, point 209).

629    En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.

630    Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant de l’amende à infliger à la requérante, opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont il n’a pas préalablement déterminé qu’elle était entachée d’illégalité, ainsi qu’il ressort de l’examen du septième moyen ci-dessus. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).

631    Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 s’élevait à 928 056 907 euros, en tenant compte de l’adhésion des dix nouveaux États membres à partir de mai 2004. Il convient de constater que cette valeur n’inclut aucune recette réalisée sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, dont le Tribunal a jugé aux points 184 à 208 ci-dessus qu’elles ne relevaient pas du périmètre de l’infraction unique et continue. Il ressort, en effet, des réponses de la requérante aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal qu’elle n’a réalisé aucun chiffre d’affaires sur ces liaisons au cours de l’année 2005.

632    Pour la période infractionnelle retenue à l’encontre de la requérante qui est antérieure à mai 2004, à l’instar de la Commission au considérant 1197 de la décision attaquée, il y a lieu de prendre pour base, sur les liaisons intra-EEE et sur les liaisons Union-Suisse, des valeurs des ventes s’élevant, respectivement, à 1 308 322 euros et à 4 631 euros, en tenant compte des seuls États qui étaient déjà parties contractantes à l’accord EEE ou membres de l’Union avant mai 2004.

633    Pour ce qui est du premier argument, qui porte sur l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants, il y a lieu d’observer qu’il renvoie à la première branche du septième moyen que la requérante a invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté cette branche aux points 539 à 543 ci-dessus et rien dans l’argumentation invoquée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ferait obstacle à ce qu’il soit infligé à la requérante une amende qui soit une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236).

634    Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.

635    Les deuxième à cinquième arguments ne démontrent pas le contraire. Ces arguments renvoient, en substance, aux deuxième et quatrième branches du septième moyen que la requérante a soulevées à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a rejeté ces branches, respectivement, aux points 544 à 587 et aux points 591 à 597 ci-dessus et rien ne permet de considérer que ces arguments justifient un coefficient de gravité inférieur à 16 %.

636    S’agissant, en particulier, de l’absence probable d’impact de l’infraction unique et continue sur le marché du fret, visée par le deuxième argument invoqué au soutien des présentes conclusions, il convient d’ajouter que le montant d’une amende ne saurait être considéré comme étant inapproprié au seul motif qu’il ne reflète pas le préjudice économique ayant été ou ayant pu être causé par l’infraction alléguée (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 287). Cet argument ne justifie donc pas une réduction du coefficient de gravité.

637    Pour ce qui est du montant additionnel, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée et au vu des considérations retenues aux points 593 à 596 ci-dessus, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.

638    Par ailleurs, il ressort des considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée que la durée pour laquelle la requérante est tenue pour responsable de l’infraction unique et continue s’élève à cinq ans sur les liaisons intra-EEE, un an et neuf mois sur les liaisons Union-pays tiers, trois ans et huit mois sur les liaisons Union-Suisse et huit mois sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. La Commission ayant légalement établi la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue, il convient de rejeter de rejeter le sixième argument et de retenir des facteurs de multiplication de 5, 1 et 9/12, 3 et 8/12 et 8/12, respectivement.

639    Il y a donc lieu de fixer le montant de base de l’amende à 408 475 562 euros.

640    S’agissant de la réduction générale de 50 %, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission d’en retirer le bénéfice à la requérante. Ainsi qu’il ressort du mémoire en défense, cette demande suppose que le Tribunal juge que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait être inclus dans la valeur des ventes. Or, le Tribunal a refusé de le faire au point 633 ci-dessus.

641    Dès lors, le montant de base de l’amende après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que la requérante a échoué à remettre en cause dans le cadre des conclusions en annulation et qui n’est pas inappropriée, doit être fixé, après arrondissement, à 204 000 000 euros. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir ce montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 166).

642    Enfin, pour ce qui est des ajustements du montant de base de l’amende, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont elle conteste le caractère suffisant dans le cadre de la seconde branche du cinquième moyen ainsi que des septième et huitième arguments. Or, pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 598 à 611 ci-dessus, il convient de constater que rien dans l’argumentation invoquée dans ce cadre n’est de nature à démontrer le caractère inapproprié de cette réduction. À l’inverse, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission visant au retrait du bénéfice de cette réduction, pour des raisons analogues à celles exposées au point 640 ci-dessus.

643    Le Tribunal ne considère pas qu’il soit justifié d’octroyer à la requérante une réduction supplémentaire au titre des circonstances atténuantes en raison du fait que sa participation à la réunion visée au considérant 387 de la décision attaquée n’est pas démontré ou au vu de la nécessité de nuancer la portée des contacts visés aux considérants 250 et 350 de ladite décision. Ces contacts comptaient, en effet, parmi les nombreux échanges bi- et multilatéraux que la Commission a retenus contre la requérante et l’étendue de sa participation à ces échanges et a fortiori à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC en général demeure amplement étayée.

644    Le Tribunal ne considère pas non plus que le neuvième argument justifie l’octroi à la requérante d’une réduction du montant de l’amende. Cet argument suppose que le Tribunal ait fait droit au moyen relevé d’office. Or, comme il ressort des points 184 à 208 ci-dessus, le Tribunal a rejeté ce moyen dans son intégralité.

645    Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le montant de base ajusté de l’amende de la requérante à 173 400 000 euros. Ce montant étant supérieur à la limite de 10 % du chiffre d’affaires total de 942 millions que la requérante avait réalisé en 2009, il convient de le réduire à 94 000 000 euros.

646    Par ailleurs, il convient de considérer que la réduction de 15 % dont la requérante a bénéficié au titre de la clémence demeure appropriée.

647    Il s’ensuit que le montant final de l’amende à infliger à la requérante s’élève à 79 900 000 euros.

648    Le montant de l’amende imposée par la Commission dans la décision attaquée étant identique à celui que le Tribunal a fixé au titre de sa compétence de pleine juridiction, il n’y a pas lieu, dès lors, de modifier le montant de l’amende fixé par la Commission à l’article 3, sous f), de la décision attaquée. Partant, il convient de rejeter les conclusions en modification du montant de l’amende infligée à la requérante.

IV.    Sur les dépens

649    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

650    Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. En outre, aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

651    En l’espèce, la requérante a succombé en ses conclusions et la Commission a expressément conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Toutefois, le Tribunal estime que les circonstances de l’espèce justifient que la Commission supporte le tiers de ses propres dépens et que la requérante supporte ses propres dépens ainsi que les deux tiers de ceux de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne supportera le tiers de ses dépens.

3)      Cargolux Airlines International SA supportera ses propres dépens ainsi que les deux tiers des dépens de la Commission.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Spielmann

 

      Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Procédure administrative

B. Décision du 9 novembre 2010

C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal

D. Décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le sixième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants

a) Sur la première branche, prise d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004

b) Sur la deuxième et la troisième branches, prises, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés

1) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément

i) Sur la pertinence de l’effet en cause

ii) Sur le caractère prévisible de l’effet en cause

iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause

iv) Sur le caractère immédiat de l’effet en cause

2) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble

2. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse

3. Sur le premier moyen, tiré d’un excès de pouvoir et d’une erreur manifeste d’appréciation tenant à la prise en compte d’éléments de preuve afférents à des liaisons et à des périodes qui échappaient à la compétence de la Commission

4. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles, d’une méconnaissance du droit d’être entendu et d’une erreur manifeste d’appréciation

a) Sur la première branche, prise d’une erreur de la Commission en ce qu’elle a conclu que l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 n’affectait pas la validité de la communication des griefs

b) Sur la seconde branche, prise d’un vice entachant la décision attaquée en ce que les comportements qui y sont reprochés sont nouveaux ou modifiés dans leur substance par rapport à la communication des griefs

5. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 101 TFUE

6. Sur le quatrième moyen, tiré d’une « erreur manifeste d’appréciation en fait et en droit » et de la violation d’une formalité substantielle, de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu

a) Sur la première branche, prise d’une violation des règles régissant la charge de la preuve

1) Sur la preuve du caractère unique de l’infraction unique et continue

2) Sur la preuve de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue

b) Sur la seconde branche, prise du caractère vague, ambigu et insaisissable des constatations opérées dans la décision attaquée

7. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation

a) Sur la recevabilité des annexes A.13 et A.14

b) Sur la première branche, prise d’erreurs de fait et d’appréciation

1) Sur l’utilisation d’éléments de preuve antérieurs au début de la période infractionnelle retenue contre la requérante

2) Sur la prise en compte d’éléments qui n’auraient pas excédé « la collecte de renseignements tirés de sources officielles »

3) Sur la prise en compte de contacts auxquels ont participé des transporteurs non incriminés

4) Sur la prise en compte d’annonces officielles et largement diffusées sur la STC

5) Sur la prise en compte insuffisante des lettres du DAC du 5 septembre 2008 et du 3 septembre 2009

6) Sur l’extension prétendument illégale de la portée des constats d’infraction

c) Sur la deuxième branche, prise, en substance, d’erreurs dans l’établissement de la participation de la requérante aux composantes relatives à la STS, à la STC et au refus de paiement de commission

1) Sur la preuve de la participation de la requérante à la composante tenant à la STC

2) Sur la preuve de la participation de la requérante à la composante relative à la STS

3) Sur la preuve de la participation de la requérante à la composante relative au refus de paiement de commissions

d) Sur la troisième branche, prise de la substitution à l’administration de la preuve de la notion d’infraction unique et continue

e) Sur la quatrième branche, prise de ce que la Commission n’a pas étayé le caractère « mondial » de l’infraction unique et continue

8. Sur le septième moyen, tiré d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende

a) Sur la première branche, prise d’une erreur dans la détermination de la valeur des ventes

b) Sur la deuxième branche, prise d’erreurs dans l’appréciation de la gravité de l’infraction unique et continue

c) Sur la troisième branche, prise d’une erreur dans le calcul de la durée de la participation de la requérante à l’infraction

d) Sur la quatrième branche, prise de l’application erronée d’un « montant additionnel » de 16 %

e) Sur la cinquième branche, prise de l’absence de prise en compte par la Commission de circonstances atténuantes

f) Sur l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires

B. Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.