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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

1er mars 2024 (*) 

« Recours en annulation – Santé publique – Décision d’exécution (UE) 2023/686 – Non-autorisation d’un produit biocide (insecticide) – Délai de recours – Point de départ – Tardiveté – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑341/23,

Dakem, établie à Courbevoie (France), représentée par Mes K. Van Maldegem et P. Sellar, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Cullen et R. Lindenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mmes P. Škvařilová‑Pelzl et G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2023,

–        l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 8 septembre 2023,

–        les observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité déposées au greffe du Tribunal le 19 octobre 2023,

–        les demandes d’intervention de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et du Royaume de Belgique déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 19 septembre et le 11 octobre 2023,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Dakem, demande l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2023/686 de la Commission, du 24 mars 2023, concernant le refus d’une autorisation de l’Union pour le produit biocide unique Insecticide Textile Contact (JO 2023, L 90, p. 42, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société française spécialisée dans la formulation et la commercialisation de produits biocides destinés à contrôler les insectes piqueurs.

3        Le 24 avril 2016, la requérante a soumis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) une demande d’autorisation de l’Union européenne pour le produit biocide unique Insecticide Textile Contact (ci-après le « produit ITC »), conformément à l’article 43, paragraphe 1, du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1).

4        La demande a été enregistrée sous le numéro BC-JR023293-31 dans le registre des produits biocides (ci-après le « registre »). Ce registre est un système d’information géré par l’ECHA, utilisé pour l’échange d’informations entre les autorités compétentes, l’ECHA et la Commission européenne et entre les demandeurs et les autorités compétentes, l’ECHA et la Commission, conformément à l’article 71, paragraphe 2, du règlement no 528/2012.

5        Le 2 juillet 2020, l’ECHA a soumis à la Commission son avis sur la demande d’autorisation de l’Union pour le produit ITC, conformément à l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 528/2012, dans lequel elle a conclu que le produit ITC ne remplissait pas les conditions énoncées à l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, puisque son utilisation entraînerait des risques inacceptables pour les utilisateurs non professionnels ainsi que pour l’environnement.

6        Le 24 mars 2023, la Commission a adopté la décision attaquée, en application de l’article 44, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement no 528/2012.

7        Le 27 mars 2023, la décision attaquée a été transmise à la requérante par courriel du secrétariat général de la Commission sous le numéro C(2023) 1853.

8        Le 28 mars 2023, la Commission a publié la décision attaquée au Journal officiel de l’Union européenne.

9        Le 29 mars 2023, la Commission a communiqué la décision attaquée par l’intermédiaire du registre.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer le recours recevable ou, à titre subsidiaire, joindre l’examen de l’exception d’irrecevabilité au fond ;

–        condamner la Commission aux dépens.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond.

13      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

14      À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que le recours a été introduit hors délai et est ainsi manifestement irrecevable.

15      Elle affirme que la notification de la décision attaquée, par courriel du secrétaire général de la Commission du 27 mars 2023, a été effectuée en bonne et due forme, conformément à la jurisprudence de la Cour, et a ainsi fait courir le délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

16      L’article 2 de la décision attaquée désignerait explicitement la requérante comme destinataire et cette décision aurait été envoyée à l’adresse électronique renseignée par la requérante dans sa demande initiale d’autorisation de l’Union pour le produit ITC. Un employé de la requérante aurait par ailleurs accusé bonne réception de la décision attaquée le même jour. La requérante aurait donc été mise en mesure de prendre connaissance de la décision attaquée.

17      Selon la Commission, puisque la décision attaquée a été notifiée à la requérante le 27 mars 2023, le délai de recours a alors expiré le 6 juin 2023. La requérante ayant formé son recours le 16 juin 2023, il aurait donc manifestement été introduit hors délai.

18      Dans l’hypothèse où le Tribunal devrait considérer la communication de la décision par l’intermédiaire du registre comme la notification en bonne et due forme faisant courir le délai du recours, la Commission fait observer que, cette communication ayant été effectuée le 29 mars 2023, le délai pour former le recours aurait expiré le 8 juin 2023. Le recours aurait alors également été introduit hors délai.

19      La Commission estime, en tous les cas, qu’il ressort clairement de la jurisprudence que le point de départ du délai du recours est la notification et non la publication au Journal officiel, lorsque la décision attaquée a pris effet par la notification, effectuée en bonne et due forme, au destinataire, et rappelle que, en l’espèce, la publication n’a pas d’effet constitutif puisqu’elle n’est pas exigée par l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE.

20      La requérante conteste l’argumentation de la Commission et estime que le recours est recevable. La publication de la décision attaquée au Journal officiel, et non sa notification, serait déterminante pour le calcul du délai de recours en l’espèce.

21      En premier lieu, la requérante estime que le délai du recours n’a pas commencé à courir à partir de la transmission de la décision attaquée par courriel le 27 mars 2023, car elle n’aurait pas été effectuée en bonne et due forme aux fins de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

22      Premièrement, le courriel aurait été envoyé, sans avertissement préalable, par le secrétariat général de la Commission, expéditeur qui n’aurait jamais été impliqué auparavant dans une quelconque évaluation des produits visée par le règlement no 528/2012, et qui aurait donc été inconnu par la requérante. L’employé qui a accusé réception du courriel ne serait par ailleurs pas habilité à lier la requérante sur le plan juridique. Ce courriel n’aurait pas été communiqué à ses avocats.

23      Deuxièmement, il ressortirait de l’article 71, paragraphe 6, du règlement no 528/2012 que la Commission aurait été dans l’obligation de communiquer une décision de non-autorisation par l’intermédiaire du registre.

24      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, eu égard aux circonstances exceptionnelles du cas d’espèce sur lesquelles le juge de l’Union n’a pas encore dû se prononcer, il conviendrait d’adopter une approche qui ne la prive pas de son droit à un recours juridictionnel. En effet, dans une situation où la publication au Journal officiel aurait eu lieu avant la notification appropriée, l’événement qui ferait courir le délai ne serait pas clairement identifié. Par ailleurs, on ne pourrait partir du principe que la publication n’a pas eu d’effet constitutif.

25      En troisième lieu, la requérante soutient que, dans le cas où le Tribunal estimerait qu’elle a commis une erreur quant à l’appréciation du délai du recours, cette erreur serait excusable, de sorte que son recours n’aurait pas été introduit hors délai.

26      Premièrement, la Commission aurait adopté un comportement de nature à provoquer une confusion quant au point de départ du délai pour introduire un recours contre la décision attaquée, n’ayant pas dûment notifié la décision attaquée conformément aux exigences du règlement no 528/2012. Les trois communications de la décision attaquée en l’espace de trois jours auraient été de nature à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti.

27      Deuxièmement, les règles relatives aux délais applicables sur le fondement de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ainsi que sur l’article 59 du règlement de procédure ne seraient pas claires quant à leur interprétation dans une situation où la publication est antérieure à la notification de la décision attaquée effectuée en bonne et due forme.

28      Troisièmement, ce serait la première fois qu’un recours en annulation a été formé contre un refus d’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide, entrainant ainsi un risque de confusion plus important dans l’esprit d’un opérateur normalement averti, à la différence des recours en annulation formés contre des approbations de substances actives, qui sont également introduits par des demandeurs, mais pour lesquels les délais sont calculés à partir de la date de publication au Journal officiel.

29      La confusion créée dans l’esprit de la requérante et causée par la Commission devrait alors être assimilée à des circonstances imprévisibles ou à la force majeure, ayant pour conséquence qu’aucun droit des parties concernées ne devrait être lésé par l’expiration d’un délai.

30      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, les recours en annulation doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

31      Il ressort de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE que, à la différence des actes devant être publiés au Journal officiel, notamment les décisions qui désignent un destinataire doivent être notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification (arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 35).

32      Il résulte d’une lecture combinée de ces deux dispositions du traité FUE que, en ce qui concerne les recours en annulation, la date à prendre en compte pour déterminer le point de départ du délai de recours est celle de la publication, lorsque cette publication, qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte, est prévue par ce traité et celle de la notification dans les autres cas mentionnés à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, au nombre desquels figure celui des décisions qui désignent leur destinataire (arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 36).

33      En l’espèce, la décision attaquée désigne la requérante comme destinataire en son article 2, de sorte que le point de départ du délai de recours est la date de la notification de ladite décision.

34      Au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, la notification est l’opération par laquelle l’auteur d’un acte de portée individuelle, telle qu’une décision prise au titre de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, communique celui-ci à ses destinataires et les met ainsi en mesure de prendre connaissance de son contenu ainsi que des motifs sur lesquels il repose (voir ordonnance du 30 avril 2019, Roumanie/Commission, T‑530/18, EU:T:2019:269, point 26 et jurisprudence citée).

35      En ce qui concerne la régularité de la notification des actes de l’Union, il ressort de la jurisprudence que, d’une part, une décision est dûment notifiée, au sens du traité, dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance et que, d’autre part, le courriel est un moyen susceptible d’être utilisé pour communiquer une décision à son destinataire (voir ordonnance du 9 juillet 2013, Page Protective Services/SEAE, T‑221/13, non publiée, EU:T:2013:363, point 12 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, la requérante a renseigné, dans sa demande d’autorisation de l’Union pour le produit ITC, son adresse électronique, acceptant ainsi le principe de communication par courriel. La décision attaquée a été communiquée à la requérante, en annexe du courriel du 27 mars 2023 du secrétariat général de la Commission. Ce même jour, la requérante a accusé réception de la décision attaquée. Elle était donc en mesure de prendre connaissance de cette décision à cette dernière date, conformément à la jurisprudence susmentionnée.

37      Le fait que l’accusé de réception provenait d’un employé de la requérante qui, selon elle, n’était pas habilité à la lier sur le plan juridique ne saurait remettre en cause la régularité de la notification.

38      En effet, selon une jurisprudence constante, l’existence d’une notification valable au destinataire n’est nullement subordonnée à la prise de connaissance effective par la personne qui, selon les règles internes de l’entité destinataire, est compétente en la matière, une décision étant notifiée dans des conditions régulières dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance. Seul est ainsi pris en compte, aux fins d’apprécier la régularité de la notification, son aspect externe, c’est-à-dire la transmission régulière à son destinataire, et non son aspect interne, qui a trait au fonctionnement interne de l’entité destinataire [voir ordonnance du 22 janvier 2015, GEA Group/OHMI (engineering for a better world), T‑488/13, EU:T:2015:64, point 19 et jurisprudence citée].

39      L’obligation pour le notifiant de créer les conditions d’une prise de connaissance effective par le destinataire est une obligation de moyen (correspondant à l’aspect externe de la notification) et non une obligation pour lui de s’immiscer dans le fonctionnement interne de ce destinataire aux fins de garantir cette prise de connaissance, c’est-à-dire une obligation de résultat (correspondant à l’aspect interne de la notification) (voir ordonnance du 22 janvier 2015, engineering for a better world, T‑488/13, EU:T:2015:64, point 20 et jurisprudence citée).

40      Il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, la décision attaquée a été dûment notifiée à la requérante le 27 mars 2023. Le délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE a dès lors commencé à courir le jour suivant la notification de la décision attaquée par courriel, à savoir le 28 mars 2023 à 0 h 00, et, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours, conformément à l’article 60 du règlement de procédure, a expiré le 6 juin 2023 à minuit.

41      Or, la requérante a déposé sa requête le 16 juin 2023. Par conséquent, le recours a été introduit après l’expiration du délai de recours et donc tardivement.

42      Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument de la requérante soutenant que l’article 71, paragraphe 6, du règlement no 528/2012, prévoirait l’obligation pour la Commission de notifier la décision attaquée par l’intermédiaire du registre afin que la notification soit régulière et effectuée en bonne et due forme.

43      En effet, il ressort du considérant 45, de l’article 34, paragraphe 5, de l’article 35 paragraphe 3, et de l’article 71, paragraphes 1 à 6, du règlement no 528/2012 que le registre a été établi comme un système d’information ayant pour vocation de faciliter le fonctionnement des procédures d’autorisation et de reconnaissance mutuelle, par la transmission et l’échange mutuels des informations détaillées et de la documentation scientifique présentées à l’appui des demandes d’autorisation de produits biocides, ainsi que des décisions et des accords pris par la Commission, les États membres ou les autorités compétentes.

44      En outre, il ressort du libellé de l’article 71, paragraphe 6, du règlement no 528/2012 que la Commission utilise le registre des produits biocides pour consigner et communiquer les décisions qu’elle a prises à l’égard des autorisations de produits biocides. Toutefois, ladite disposition ne prévoit pas de modalités spécifiques pour la notification de telles décisions ni ne fait référence à la notification prévue à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

45      Il s’ensuit que l’article 71, paragraphe 6, du règlement no 528/2012, introduit une obligation de communication des décisions prises par la Commission par l’intermédiaire du registre, notamment afin que les autorités compétentes, l’ECHA et les États membres puissent également en prendre connaissance, mais ne prévoit pas que la notification, au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, des décisions adoptées par la Commission soit réalisée par l’intermédiaire de ce registre.

46      Ne saurait non plus prospérer l’argument de la requérante selon lequel, en notifiant la décision attaquée, puis en la publiant au Journal officiel, et enfin en la communiquant par l’intermédiaire du registre, dans un intervalle de trois jours, la Commission a adopté un comportement de nature à provoquer une confusion quant au point de départ du délai pour introduire un recours contre la décision attaquée, de sorte que l’erreur de la requérante devait être considérée comme excusable.

47      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de la réglementation de l’Union relative aux délais de recours, la notion d’« erreur excusable », permettant d’y déroger, ne vise que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (voir ordonnance du 16 octobre 2023, Grapevine/Commission, C‑139/23 P, non publiée, EU:C:2023:806, point 32 et jurisprudence citée).

48      Or, l’article 263, sixième alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 297, TFUE, tel qu’explicité par la jurisprudence, est clair quant au point de départ du délai de recours et ne donne pas lieu à des doutes quant à son interprétation. Il s’ensuit que ni la publication ni la communication par l’intermédiaire du registre subséquent n’étaient susceptibles de créer des circonstances exceptionnelles dans lesquelles la Commission aurait adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti.

49      Enfin, la requérante ne saurait valablement soutenir que la notification de la décision attaquée pouvait entrainer un risque de confusion plus important pour un opérateur étant habitué à des recours en annulation formés contre des approbations de substances actives, pour lesquels les délais sont calculés à partir de la date de publication au Journal officiel.

50      En effet, il ressort de la décision attaquée même, telle que publiée au Journal officiel, ainsi que du courriel envoyé à la requérante le 27 mars 2023, que la décision attaquée a été notifiée sous le numéro C(2023) 1853. La Commission a par ailleurs précisé dans ledit courriel que la décision attaquée a été adoptée sur la base de l’article 297 TFUE.

51      Une personne de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti aurait dès lors objectivement été en mesure de comprendre que la décision attaquée faisait l’objet d’une notification, en vertu de l’article 297 TFUE, lu conjointement avec l’article 263, sixième alinéa, TFUE, et aurait pu en tirer les conséquences quant à l’évènement déclenchant le délai du recours, afin d’éviter l’expiration du délai.

52      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à se prévaloir d’une erreur excusable, lui permettant de déroger à la réglementation de l’Union relative aux délais de recours.

53      Quant à la force majeure dont se prévaut également la requérante, il y a lieu de relever qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que la notion de « force majeure », au sens de l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, comporte, outre un élément objectif relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’intéressé, un élément subjectif tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, l’intéressé doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (voir ordonnance du 18 janvier 2005, Zuazaga Meabe/OHMI, C‑325/03 P, EU:C:2005:28, point 25 et jurisprudence citée).

54      Ainsi, la notion de « force majeure » ne s’applique pas à une situation où une personne diligente et avisée aurait objectivement été en mesure d’éviter l’expiration d’un délai de recours [voir arrêt du 20 septembre 2018, Ghost  Corporate Management/EUIPO (Dry Zone), T‑488/17, non publié, EU:T:2018:571, point 42 et jurisprudence citée].

55      Or, ainsi qu’il est constaté au point 51 ci-dessus, la requérante était en mesure de comprendre que la décision attaquée faisait l’objet d’une notification et aurait ainsi pu surveiller soigneusement le déroulement de la procédure, afin d’éviter l’expiration du délai. La requérante n’a donc pas fait preuve de la diligence requise dans le respect des délais prévu.

56      Enfin, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, les règles concernant les délais de recours sont d’ordre public et une dérogation à ces règles ne saurait être justifiée par la circonstance que des droits fondamentaux sont en jeu (ordonnance du 11 juin 2020, GMPO/Commission, C‑575/19 P, non publiée, EU:C:2020:448, point 39). La requérante ne peut donc déroger auxdites règles afin de se voir garantir son droit de former un recours en justice.

57      Par ailleurs, s’agissant de l’allégation selon laquelle la Cour aurait déclaré, dans l’arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA (C‑625/11 P, EU:C:2013:594, points 33 à 36), qu’« il convient, en l’absence de raisons péremptoires en sens contraire, de privilégier la formulation qui n’entraîne pas la forclusion, laquelle priverait les intéressés de leur droit de recours juridictionnel », il suffit également de relever que la Cour n’en a ainsi jugé que dans la mesure où la formulation des dispositions pertinentes pourrait donner lieu à des doutes. Or, la formulation de l’article 263 TFUE, lu conjointement avec l’article 297 TFUE et tel qu’interprété par la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, ne donne lieu à aucun doute (voir, en ce sens, ordonnance du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑556/15, non publiée, EU:T:2016:239, point 33).

58      Partant, il y a lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de rejeter le recours comme irrecevable pour cause de tardiveté.

 Sur les demandes d’intervention

59      Aux termes de l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’intervention est accessoire au litige principal et perd son objet, notamment, lorsque la requête est déclarée irrecevable.

60      Partant, il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention introduites par le Royaume de Belgique et l’ECHA.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

63      Conformément à l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, s’il est mis fin à l’instance dans l’affaire principale avant qu’il ne soit statué sur une demande d’intervention, le demandeur en intervention et les parties principales supportent chacun leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention.

64      Ainsi, la requérante, la Commission, le Royaume de Belgique et l’ECHA supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention au soutien des conclusions formées par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention du Royaume de Belgique et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

3)      Dakem est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

4)      Dakem, la Commission, le Royaume de Belgique et l’ECHA supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 1er mars 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

F. Schalin


*      Langue de procédure : l’anglais.