Language of document : ECLI:EU:T:2021:142

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 mars 2021 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Rémunération – Frais de transport – Double allocation pour enfant à charge – Enfant atteint d’une maladie grave – Limitation du bénéfice rétroactif de la prise en charge de ces frais et de cette double allocation – Délai raisonnable – Devoir de sollicitude – Recours en annulation et en indemnité »

Dans l’affaire T‑585/19,

EJ, représentée par Mes L. Levi et A. Blot, avocates,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. J. Klein, M. Loizou et T. Gilliams, en qualité d’agents, assistés de Mes J. Currall et B. Wägenbaur, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 février 2018 limitant à dix-huit mois le bénéfice rétroactif de la prise en charge des frais de transport récurrents exposés par la requérante en raison de la maladie grave de son enfant ainsi que de la décision du 23 mars 2018 limitant à cinq ans le bénéfice rétroactif de la double allocation pour enfant à charge et, d’autre part, à obtenir réparation des préjudices matériel et moral que la requérante aurait prétendument subis,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, EJ, travaille auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI) depuis avril 2005.

2        L’enfant de la requérante est atteint d’une maladie congénitale qui a été reconnue comme grave, d’abord le 30 mars 2006, par la caisse de maladie de la Commission européenne, puis le 15 mai 2007, par le médecin-conseil de la BEI. Le transfert entre les deux caisses a eu lieu à la suite du divorce de la requérante avec son époux, à l’époque fonctionnaire de la Commission, qui a été prononcé en août 2007.

3        Depuis le 1er septembre 2007, la requérante perçoit, seule, les allocations familiales de la part de la BEI. En outre, tous les frais médicaux relatifs à la maladie grave de son enfant lui sont remboursés à hauteur de 100 %, y compris ceux liés aux consultations et aux opérations en dehors du territoire de l’Union européenne.

4        À l’occasion de différentes discussions avec d’autres agents de la BEI, ayant eu lieu entre juin 2017 et janvier 2018, la requérante aurait appris de façon inopinée qu’elle avait droit, d’une part, à une double allocation pour enfant à charge atteint d’un lourd handicap (ci-après la « double allocation ») et, d’autre part, au remboursement des frais de transport récurrents liés à la maladie grave de son enfant (ci-après le « remboursement des frais de transport récurrents »), dont elle ignorait l’existence jusqu’alors.

5        Par courriel du 16 juin 2017, la requérante a demandé l’octroi de la double allocation. Dans ce courriel, elle a précisé que, étant divorcée depuis août 2007, elle devait assumer seule toutes les conséquences de la maladie grave de son enfant et que, dans ce contexte, elle demandait le versement rétroactif de la double allocation.

6        Par courriel du 30 janvier 2018, la requérante a également demandé le remboursement des frais de transport récurrents à titre rétroactif. Dans un courriel daté du 13 février 2018, la requérante a précisé qu’elle souhaitait la rétroactivité de ce remboursement à partir de son entrée en service à la BEI, soit depuis avril 2005.

7        Par courriel du 16 février 2018 (ci-après la « décision du 16 février 2018 »), la BEI a accordé à la requérante le remboursement des frais de transport récurrents avec une rétroactivité de dix-huit mois à partir du 30 janvier 2018, soit depuis le 30 juillet 2016. Par courriel du 22 juin 2018, la BEI a précisé que, conformément à l’annexe II des dispositions administratives applicables au personnel de la BEI (ci-après les « dispositions administratives »), toute demande de remboursement liée à une maladie grave devait être introduite dans un délai de dix-huit mois à compter de la date des dépenses encourues.

8        Par décision du 23 mars 2018 (ci-après la « décision du 23 mars 2018 »), la BEI a partiellement fait droit à la demande de la requérante du 16 juin 2017 et lui a octroyé la double allocation de manière rétroactive, mais limitée à cinq ans à compter du 15 juin 2017, soit à partir du 1er juin 2012, en précisant que, conformément à l’article 16.3 des dispositions administratives, il ne serait pas possible de payer ou demander des arriérés au-delà d’une période de cinq ans.

9        Le 21 juin 2018, la requérante a demandé au président de la BEI l’ouverture d’une procédure de conciliation afin de contester les décisions des 16 février et 23 mars 2018 (ci-après les « décisions attaquées »), en ce qu’elles limitaient la rétroactivité, respectivement, à cinq ans pour la double allocation et à dix-huit mois pour le remboursement des frais de transport récurrents. Dans cette demande, la requérante précisait que ces deux bénéfices devaient lui être octroyés à partir du 1er septembre 2007, date à laquelle son divorce a pris effet et à laquelle elle a commencé à percevoir, seule, les allocations familiales.

10      Par décision du 14 mai 2019 (ci-après la « décision du 14 mai 2019 »), il a été communiqué à la requérante que, à la suite du rapport de la commission de conciliation du 20 mars 2019, le président de la BEI constatait l’échec de la procédure de conciliation et, par là-même, confirmait les décisions attaquées.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 août 2019, la requérante a introduit le présent recours. Par acte séparé déposé le même jour, la requérante a également introduit une demande visant à obtenir l’anonymat, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 23 octobre 2019, le Tribunal (première chambre) a fait droit à cette demande.

12      Le 6 novembre 2019, la BEI a déposé le mémoire en défense.

13      Le 7 janvier 2020, la requérante a déposé la réplique.

14      Le 12 février 2020, la BEI a déposé la duplique et la phase écrite de la procédure a été clôturée.

15      Le 3 mars 2020, la requérante a demandé la tenue d’une audience en vertu de l’article 106 du règlement de procédure.

16      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal a fait droit à la demande de la requérante et a ouvert la phase orale de la procédure.

17      Le 3 juillet 2020, en raison de la persistance de la crise sanitaire liée à la COVID-19, le Tribunal a demandé aux parties si, en dépit de cette crise, elles souhaitaient être entendues en leurs observations lors d’une audience de plaidoiries. Le 8 juillet 2020, la BEI a répondu qu’elle ne souhaitait pas être entendue. Le 15 juillet 2020, la requérante a répondu qu’elle maintenait sa demande d’être entendue.

18      Le 3 juillet 2020, le Tribunal a également, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, de son règlement de procédure, posé par écrit des questions à la BEI, auxquelles elle a répondu dans le délai imparti.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 7 octobre 2020.

20      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 16 février 2018 en ce qu’elle limite à dix-huit mois le bénéfice rétroactif de la prise en charge des frais de transport récurrents exposés en raison de la maladie grave de son enfant ;

–        annuler la décision du 23 mars 2018 en ce qu’elle limite à cinq ans le bénéfice rétroactif de la double allocation pour enfant à charge ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision du président de la BEI du 14 mai 2019 confirmant ces décisions ;

–        réparer les préjudices matériel et moral ainsi subis ;

–        condamner la BEI aux dépens.

21      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la partie requérante aux dépens, y compris ceux exposés par la BEI.

 En droit

 Sur l’objet du litige

22      Selon une jurisprudence constante, concernant notamment le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et la réglementation applicable au personnel de la Banque centrale européenne (BCE), des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une demande précontentieuse contestant un acte faisant grief ont pour effet de saisir le Tribunal de cet acte lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2020, Teeäär/BCE, T‑547/18, EU:T:2020:119, point 24 et jurisprudence citée, et du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 21 et jurisprudence citée).

23      Cette jurisprudence trouve à s’appliquer par analogie au cas d’espèce. En effet, il importe de rappeler que la procédure précontentieuse de conciliation propre aux affaires opposant la BEI à ses agents régie par l’article 41 du règlement du personnel dans sa version applicable aux agents, tels que la requérante, entrés en service à la BEI avant le 1er juillet 2013, poursuit le même objectif que la procédure précontentieuse obligatoire instituée par l’article 90 du statut et par la réglementation applicable au personnel de la BCE, en ce qu’elle vise également à permettre un règlement amiable des différends, en donnant à la BEI la possibilité de revenir sur l’acte contesté et au membre du personnel concerné la faculté d’accepter la motivation à la base de cet acte et de renoncer, le cas échéant, à l’introduction d’un recours.

24      Dans ces conditions, comme c’est le cas dans le contentieux relevant du statut ou de la réglementation applicable au personnel de la BCE rappelé au point 22 ci-dessus, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision du président de la BEI mettant fin à la procédure de conciliation ont pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief constituant l’objet de cette procédure de conciliation, sauf dans l’hypothèse où la décision du président de la BEI a une portée différente de celle faisant l’objet de la procédure de conciliation.

25      En l’espèce, la requérante demande l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision du 14 mai 2019 en ce qu’elle confirme les décisions attaquées. Or, il convient d’observer que la décision du 14 mai 2019 ne fait qu’entériner les conclusions de la commission de conciliation, constater l’échec de la procédure de conciliation et confirmer les décisions attaquées. Ainsi, les conclusions en annulation de cette décision du président de la BEI étant dépourvues de contenu autonome, il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci. Il conviendra néanmoins, lors de l’examen de la légalité des décisions attaquées, de prendre en considération la motivation figurant dans ladite décision, ainsi que dans le rapport de la commission de conciliation joint à cette même décision, cette motivation étant censée coïncider avec celle des décisions attaquées (voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2020, Teeäär/BCE, T‑547/18, EU:T:2020:119, point 25 et jurisprudence citée, et du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 22 et jurisprudence citée).

 Sur les conclusions en annulation

26      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 2.2.3 des dispositions administratives et de l’article 1er du barème de remboursement de la caisse de maladie figurant à l’annexe II des dispositions administratives (ci-après le « barème de remboursement ») ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation, et, le second, de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2.2.3 des dispositions administratives et de l’article 1er du barème de remboursement ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation

27      Premièrement, la requérante conteste, en substance, l’interprétation opérée par la BEI de l’arrêt du 13 avril 2011, Sukup/Commission (F‑73/09, EU:F:2011:40). Ce serait à tort que celle-ci déduit de cet arrêt que l’administration aurait le droit de fixer un délai au paiement rétroactif des allocations prévues par la réglementation du personnel.

28      D’une part, la requérante fait valoir que les circonstances factuelles à l’origine du présent litige sont différentes de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 avril 2011, Sukup/Commission (F‑73/09, EU:F:2011:40). En effet, en l’espèce, il n’y aurait aucune décision antérieure fixant ou refusant les droits de la requérante pour ce qui est des bénéfices en cause. Ainsi, puisque la BEI a considéré que les conditions pour l’octroi de ces bénéfices étaient remplies, ceux-ci auraient dû être versés rétroactivement depuis l’origine, à savoir depuis septembre 2007, lorsque la requérante a commencé à assumer la charge de son enfant. D’autre part, la requérante soutient, concernant notamment la double allocation, que l’article 2.2.3 des dispositions administratives ne prévoit pas que la décision spéciale du président de la BEI doive être prise à la suite d’une demande ou encore que les documents probants doivent être soumis exclusivement par l’agent intéressé. Plus particulièrement, la requérante avance qu’il ne saurait être admis que les services administratifs de la BEI n’étaient pas informés de la maladie grave de son enfant, dans la mesure où des décisions à titre exceptionnel concernant le remboursement des frais de transport et d’hébergement avaient déjà été prises à son égard.

29      Deuxièmement, la requérante fait valoir  que son cas s’apparente à celui de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 février 2018, Zink/Commission (T‑338/16 P, non publié, EU:T:2018:98), par lequel la chambre des pourvois du Tribunal a annulé l’arrêt du 11 avril 2016, Zink/Commission (F‑77/15, EU:F:2016:74). En effet, comme dans cette affaire, il n’y aurait en l’espèce pas de risque de mettre en péril une situation juridique acquise qui justifierait le respect d’un délai raisonnable, puisque les décisions attaquées sont les premières fixant ses droits aux bénéfices en cause.

30      Troisièmement, la requérante  fait valoir que l’analogie faite par la BEI avec l’article 16.3 des dispositions administratives pour lui octroyer le paiement rétroactif de cinq ans pour la double allocation n’est pas pertinente. En effet, cette disposition porterait sur la répétition de l’indu et non sur les conditions de soumission par un agent de la demande d’un bénéfice ou sur la fixation d’un éventuel délai pour présenter une telle demande.

31      Enfin, la requérante  argue, concernant notamment le remboursement des frais de transport récurrents, d’une part, que la réglementation applicable en 2007, lorsque son divorce a pris effet, ne prévoyait de délais ni pour introduire une demande de reconnaissance de maladie grave ni pour demander une rectification rétroactive d’un remboursement, ces délais ayant été introduits par la suite. D’autre part, l’analogie avec l’article 1.5 du barème de remboursement de la caisse de maladie ne serait pas pertinente.

32      La BEI conteste ces arguments.

–       Considérations liminaires

33      Il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le délai de prescription doit être, en principe, fixé d’avance et la fixation de ce délai et de ses modalités d’application relèvent de la compétence du législateur de l’Union (voir arrêt du 10 février 1994, White/Commission, T‑107/92, EU:T:1994:17, point 46 et jurisprudence citée).

34      Toutefois, dans les cas autres que ceux pour lesquels le législateur a défini un délai ou l’a explicitement exclu, le respect d’un délai raisonnable en cas de silence des textes de droit applicables s’avère nécessaire. La raison d’être d’un tel délai repose essentiellement sur la nécessité de respecter le principe de sécurité juridique, ce principe faisant notamment obstacle à ce que les institutions et les personnes physiques ou morales agissent sans limite temporelle. Selon la jurisprudence, le caractère raisonnable d’un délai doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2004, Eagle e.a./Commission, T‑144/02, EU:T:2004:290, points 57 et 66 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2019, LL/Parlement, T‑615/15 RENV, non publié, EU:T:2019:636, point 95 et jurisprudence citée).

35      Par conséquent, la durée de ce délai ne pouvant être fixée par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, celui-ci doit être apprécié dans chaque cas d’espèce [voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 138 (non publié) et jurisprudence citée] en s’inspirant, le cas échéant, de la jurisprudence en la matière ou bien d’autres délais statutaires dont la comparaison serait pertinente (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2004, Eagle e.a./Commission, T‑144/02, EU:T:2004:290, points 67 et 68).

36      Pour ce qui est des demandes d’allocations statutaires, selon la jurisprudence, leur versement rétroactif est, en principe, possible, pour autant que, d’une part, les conditions requises pour en bénéficier soient remplies à la date à partir de laquelle le fonctionnaire souhaite recevoir ces allocations et, d’autre part, qu’il n’existe pas une décision antérieure par laquelle l’administration aurait déjà refusé lesdites allocations. Cependant, même en l’absence d’une telle décision, il ne saurait être reproché à l’administration de s’opposer à un versement rétroactif si la personne intéressée n’a pas pris contact avec ladite administration à cet égard dans un délai raisonnable et, au demeurant, sans prouver que le retard était dû à une situation exceptionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, Sukup/Commission, F‑73/09, EU:F:2011:40, points 61 et 83).

37      Il ressort également de la jurisprudence que, lorsqu’un droit statutaire a déjà été reconnu par l’administration et que son non-versement résulte d’une erreur technique de celle-ci, un paiement rétroactif de plus de cinq ans ne saurait porter atteinte au principe de sécurité juridique, dans la mesure où il n’y aurait pas de bouleversement des finances publiques. En effet, une telle action ne viserait à amender de quelque manière que ce soit ni la situation juridique acquise ni le cours normal de l’exécution du budget, mais précisément à amener l’administration à agir en conformité avec les engagements juridiques et budgétaires déjà pris (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2018, Zink/Commission, T‑338/16 P, non publié, EU:T:2018:98, point 30).

38      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient de traiter le premier moyen, en examinant, dans un premier temps, les arguments tirés de la prétendue violation de l’article 2.2.3 des dispositions administratives et, dans un second temps, ceux tirés de la prétendue violation de l’article 1er du barème de remboursement.

–       Sur la violation alléguée de l’article 2.2.3 des dispositions administratives

39      La possibilité de bénéficier d’une double allocation est prévue par le troisième alinéa de l’article 2.2.3 des dispositions administratives, intitulé « Allocation pour enfant à charge ».

40      Cet article dispose :

« Une allocation pour enfant à charge est accordée du chef de chaque enfant à charge :

–        qui n’a pas atteint l’âge de 18 ans, ou

–        qui n’a pas atteint l’âge de 26 ans et qui poursuit des études à plein temps ou les complète par un stage ou apprentissage professionnel.

Nonobstant ces limites d’âge, le versement de l’allocation sera prolongé aussi longtemps que l’enfant se trouve atteint d’une infirmité ou d’une maladie grave qui l’empêche de subvenir à ses besoins.

Le comité de direction fixe le montant de l’allocation. Dans des cas individuels, ce montant peut être doublé par décision spéciale du président, prise sur base de documents médicaux probants établissant que l’enfant est atteint d’un lourd handicap mental ou physique. »

41      Il ressort de cette disposition que le président de la BEI a la possibilité d’octroyer la double allocation seulement dans des cas individuels, en fonction d’une appréciation qui doit être effectuée, au cas par cas, par lui.

42      Selon la requérante, une telle appréciation doit être faite d’office, dès le moment où les services administratifs ont connaissance de l’existence de la maladie grave d’un enfant, sans qu’il soit nécessaire de présenter une demande en ce sens.

43      Or, il importe d’observer à cet égard que, certes, l’article 2.2.3, troisième alinéa, ne fait pas expressément mention de la nécessité de présenter une demande pour la double allocation. Il ressort, cependant, de son économie générale ainsi que de sa finalité que l’octroi de cette allocation est décidé à la suite d’une demande. En effet, celle-ci s’avère nécessaire afin que l’agent intéressé puisse porter son « cas individuel », au sens dudit article 2.2.3, troisième alinéa, à la connaissance de l’administration et prouver, par le biais de tous les « documents médicaux probants », que son enfant à charge présente un « lourd handicap mental ou physique ».

44      En outre, la circonstance que la BEI ait déjà reconnu que l’enfant de la requérante était atteint d’une maladie grave ne suffit pas à elle seule à justifier que l’administration doive apprécier d’office son cas individuel aux fins de l’octroi de la double allocation. En effet, comme le relève à juste titre la BEI, quand bien même les notions de « maladie grave » et de « lourd handicap » pourraient se recouper, comme en l’espèce, la seule reconnaissance d’une maladie grave n’implique pas nécessairement que l’intéressé soit atteint d’un lourd handicap mental ou physique au sens de l’article 2.2.3, troisième alinéa, des dispositions administratives.

45      Ainsi, quand bien même les services administratifs de la BEI pourraient, comme le soutient la requérante, avoir accès au dossier médical de son enfant, cela ne suffirait pas à créer une obligation à la charge de l’administration de prendre l’initiative et d’examiner d’office si les éléments du cas individuel peuvent éventuellement servir de fondement à une décision du président de la BEI tendant à allouer la double allocation.

46      Il s’ensuit que, afin d’obtenir une telle allocation, il est nécessaire que l’intéressé fasse une demande en bonne et due forme, notamment pour apporter une preuve que son enfant est atteint d’un lourd handicap mental ou physique. Partant, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la BEI aurait commis une erreur en ne lui octroyant pas d’office la double allocation à compter de septembre 2007.

47      Cela étant, même s’il est constant que la requérante a présenté une demande pour l’obtention de la double allocation pour la première fois le 16 juin 2017, il n’en demeure pas moins que celle-ci soutient que les effets de la décision du 23 mars 2018 accueillant cette demande doivent être reconnus de manière rétroactive depuis le 1er septembre 2007 et non limités à cinq années. En particulier, aucune décision concernant la fixation de ses droits pour la double allocation n’ayant jamais été prise auparavant, une décision reconnaissant une rétroactivité d’environ dix ans ne pourrait pas, selon la requérante, porter atteinte au principe de sécurité juridique.

48      Or, ces arguments ne sauraient prospérer.

49      Premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de l’arrêt du 13 avril 2011, Sukup/Commission (F‑73/09, EU:F:2011:40), que, en l’absence d’une décision antérieure concernant les allocations en cause, l’intéressé dispose indéfiniment d’un droit de demander un paiement rétroactif. En effet, dans ledit arrêt, le Tribunal de la fonction publique a jugé, en substance, que, quand bien même la réglementation applicable ne prévoirait aucun délai pour présenter une telle demande, celle-ci doit être, en tout état de cause, présentée, sauf circonstances exceptionnelles, dans un délai raisonnable qui commence à courir à partir du moment où l’intéressé remplit, ou aurait pu remplir, les conditions pour bénéficier de ces allocations (arrêt du 13 avril 2011, Sukup/Commission, F‑73/09, EU:F:2011:40, points 83 à 85).

50      En l’espèce, la requérante soutient que, la maladie de son enfant étant congénitale, elle remplissait les conditions requises pour bénéficier de cette allocation dès le 1er septembre 2007, date à laquelle elle a commencé à percevoir, seule, les allocations familiales. Par conséquent, étant donné que la requérante souhaite percevoir la double allocation à compter du 1er septembre 2007 et que les conditions requises auraient pu être remplies à l’époque, c’est à partir de cette date que le délai raisonnable pour introduire une telle demande commence à courir.

51      Se pose ensuite la question de savoir si le délai de presque dix ans qui s’est écoulé entre le moment où la requérante pouvait être éligible pour la double allocation, le 1er septembre 2007, et le moment où elle a présenté sa demande, le 16 juin 2017, peut être considéré comme étant raisonnable. Il convient de constater qu’un tel délai excède le temps nécessaire pour préparer une demande et la présenter à l’administration. Par conséquent, la requérante ne peut être regardée comme ayant introduit sa demande dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 29 avril 2002, Hilden/Commission, T‑70/98, EU:T:2002:106, point 42).

52      Pour justifier un tel délai, la requérante se prévaut seulement de ce qu’elle ignorait, jusqu’en 2017, l’existence de cette allocation.

53      Or, il ne saurait être admis qu’une telle circonstance puisse constituer une situation exceptionnelle résultant de causes ne lui étant pas imputables et lui ayant interdit d’introduire sa demande dans un délai raisonnable. En effet, selon une jurisprudence constante, tout fonctionnaire normalement diligent est censé connaître le statut et, plus particulièrement, les règles régissant sa rémunération, dont celles relatives aux allocations familiales (voir arrêt du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, point 107 et jurisprudence citée).

54      Par conséquent, cette circonstance ne pouvant être qualifiée d’exceptionnelle, elle ne peut justifier le délai déraisonnable dans lequel la requérant a introduit sa demande.

55      Deuxièmement, pour ce qui est de la comparaison avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 février 2018, Zink/Commission (T‑338/16 P, non publié, EU:T:2018:98), il importe de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n’a pas, dans cet arrêt, jugé que, en l’absence de toute décision antérieure fixant des droits statutaires, le versement rétroactif de tels droits ne porterait aucunement atteinte au principe de sécurité juridique.

56      En effet, dans l’arrêt du 27 février 2018, Zink/Commission (T‑338/16 P, non publié, EU:T:2018:98, point 30), le Tribunal a relevé que ce n’est que dans la seule hypothèse où l’administration aurait déjà reconnu des droits statutaires et, par conséquent, réservé les crédits nécessaires à l’exécution des paiements de ces droits, qu’une demande visant le paiement rétroactif présentée en dehors d’un délai raisonnable ne risquerait pas de mettre en péril la stabilité des situations juridiques acquises.

57      Or, ainsi que le fait valoir à juste titre la BEI, celle-ci n’a jamais réservé les crédits nécessaires pour le paiement de la double allocation à la requérante, dès lors que cette allocation n’est pas octroyée d’office par l’administration, mais sur la base d’une demande de l’intéressé qui, en l’espèce, n’a été introduite qu’en juin 2017. Un tel versement rétroactif porterait donc atteinte au principe de sécurité juridique.

58      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante visant à contester le fait que la BEI ait décidé de lui octroyer la double allocation pour les cinq années précédentes, en s’inspirant de l’article 16.3 des dispositions administratives, lequel prévoit ce qui suit :

« Les montants indûment versés à un membre du personnel ou à ses ayants droit au titre des présentes dispositions administratives peuvent être recouvrés […]. Ces mesures compensatoires doivent être mises en œuvre dans les cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été indûment versé ».

59      En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 34 et 35 ci-dessus, l’administration peut, dans le calcul du délai raisonnable, s’inspirer, le cas échéant, de la jurisprudence en la matière ou d’autres délais statutaires dont la comparaison serait pertinente, tout en tenant compte des circonstances propres au cas individuel dont elle est saisie.

60      En l’espèce, il ressort notamment du rapport de la commission de conciliation du 20 mars 2019 que la BEI ne s’est pas contentée de se rapporter à l’article 16.3 des dispositions administratives, qui prévoit une prescription quinquennale pour les actions en recouvrement de montants indûment versés, pour qualifier de raisonnable un délai de cinq ans. Son appréciation a été le résultat d’une analyse du caractère raisonnable de ce délai dans les circonstances propres au cas d’espèce.

61      En effet, dans ce rapport, il est indiqué que la BEI a pris en considération non seulement l’exigence du respect d’un délai raisonnable quant à l’introduction de la demande pour l’octroi de la double allocation, mais aussi les arguments d’ordre humanitaire invoqués par la requérante, lesquels ne pouvaient toutefois justifier, à eux seuls, la dérogation à l’exigence susmentionnée.

62      Par conséquent, il ne peut être reproché à la BEI d’avoir pris comme point de comparaison l’article 16.3 des dispositions administratives. Cette comparaison est, par ailleurs, pertinente pour la présente affaire dans la mesure où celle-ci permet à la BEI, tout en tenant compte de la situation particulière de la requérante, d’une part, de rectifier des éléments touchant à la rémunération de son agent et d’intervenir en sa faveur et, d’autre part, de protéger ses finances contre des demandes tardives.

63      Il s’ensuit que la BEI n’a pas commis d’erreur dans sa décision du 23 mars 2018 en s’inspirant de l’article 16.3 des dispositions administratives afin de lui accorder un versement rétroactif de cinq ans pour cette allocation.

64      Eu égard à ce qui précède, les arguments tirés de la violation de l’article 2.2.3 des dispositions administratives doivent être rejetés.

–       Sur la violation alléguée de l’article 1er du barème de remboursement

65      Premièrement, l’argument de la requérante tiré de l’absence, dans la réglementation applicable en septembre 2007 lorsqu’elle a commencé à percevoir les allocations familiales, d’un délai précis pour introduire une demande pour reconnaissance de maladie grave ou rectification d’une demande de remboursement, doit être rejeté comme non fondé.

66      En effet, en premier lieu, la requérante ayant présenté sa première demande de remboursement de frais de transport récurrents le 30 janvier 2018, c’est la version des dispositions administratives en vigueur à cette date qui est applicable, ratione temporis, au cas d’espèce.

67      En second lieu et en tout état de cause, quand bien même la réglementation applicable en 2007 ne prévoyait pas de délai, il importe de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 54 ci-dessus, le laps de temps d’environ dix ans qui s’est écoulé entre le moment où la requérante aurait pu, à tout le moins, prendre contact avec l’administration pour se renseigner et le moment où elle a introduit la demande de remboursement des frais de transport récurrents est excessif et injustifié, de sorte que ce délai ne saurait être considéré comme raisonnable.

68      Deuxièmement, ne saurait prospérer l’argument de la requérante selon lequel l’analogie opérée par la BEI entre le délai de dix-huit mois prévu par l’article 1.5 du barème de remboursement concernant la rectification d’une demande de remboursement liée à une maladie grave et le délai applicable au remboursement des frais de transport récurrents en cause ne serait pas pertinente.

69      En effet, ainsi qu’il a été rappelé tant au point 35 ci-dessus que dans l’analyse de la violation alléguée de l’article 2.2.3 des dispositions administratives, l’administration peut, pour calculer le délai raisonnable, s’inspirer, le cas échéant, de la jurisprudence en la matière ou d’autres délais statutaires dont la comparaison serait pertinente.

70      En l’espèce, la BEI s’est inspirée, aux fins de la détermination du délai raisonnable, de l’article 1.5 du barème de remboursement. Celui-ci se lit comme suit :

« La demande de reconnaissance en maladie grave doit être présentée dans un délai de 12 mois à partir de la date officielle de diagnostic de la maladie. Toute demande de rectification portant sur le taux de remboursement appliqué à des frais encourus ayant un lien direct avec la maladie sera soumise au médecin-conseil de la caisse de maladie pour avis. En aucun cas, une rectification rétroactive d’un remboursement ne peut se faire au-delà de 18 mois à partir de la date du remboursement. »

71      Or, d’une part, ce délai s’applique dans un contexte analogue à celui de la requérante, à savoir celui des demandes de remboursement liées à une maladie grave. D’autre part, l’application dudit délai est plus favorable à la requérante que celle du délai ordinaire de douze mois prévu à l’article 1er de la première partie de l’annexe II des dispositions administratives pour l’introduction de relevés de frais et qui dispose ce qui suit :

« [p]our être recevables, les relevés de frais doivent être introduits au plus tard dans les douze mois de leur établissement et comporter la date de la facture, le nom du patient et la nature des prestations avec mention des prix correspondants ».

72      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les arguments tirés de la violation alléguée de l’article 1er du barème de remboursement et, partant, de « l’erreur manifeste d’appréciation » alléguée tirée de ce que la requérante « aurait manqué de soumettre ses demandes dans certains délais ou ne serait pas éligible aux bénéfices recherchés ». Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le second moyen tiré de la violation alléguée du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

73      Premièrement, la requérante  soutient que, la BEI étant parfaitement informée de sa situation, celle-ci aurait dû s’assurer qu’elle perçoive tous les bénéfices financiers pour lesquels elle était éligible, y compris la double allocation et le remboursement des frais de transport récurrents. En effet, selon la requérante, le devoir de sollicitude exigerait, d’une part, que la BEI agisse de sa propre initiative dès l’instant où elle dispose des informations utiles et, d’autre part, qu’elle veille à ce qu’un agent bénéficie de tous les droits prévus par le cadre réglementaire, notamment lorsque celui-ci évolue et introduit des règles plus contraignantes et non claires. Un tel devoir de sollicitude serait accru lorsque son agent ou un membre de sa famille se trouvent dans une situation de vulnérabilité, à cause de leur état de santé.

74      Deuxièmement, la requérante  invoque une violation du principe de bonne administration découlant, d’une part, d’un manque de communication entre la caisse de maladie de la BEI et les autres services administratifs de celle-ci et, d’autre part, de l’absence d’un système permettant d’identifier l’ensemble des droits ouverts à un agent lorsqu’un enfant de ce dernier est atteint d’une maladie grave. Elle précise, à cet égard, que le secret médical ne saurait faire obstacle à ce que la caisse de maladie de la BEI communique aux services administratifs de celle-ci que l’enfant d’un agent est atteint d’une maladie grave, ce qui aurait pu permettre, en l’espèce, aux personnes en charge des allocations familiales de prendre contact avec la requérante.

75      La BEI conteste ces arguments.

76      Il convient de rappeler que le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, ce qui implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 29 avril 2020, CZ e.a./SEAE, T‑497/19, non publié, EU:T:2020:165, point 50 et jurisprudence citée). Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 60 et jurisprudence citée).

77      Pour autant, le devoir de sollicitude n’impose pas, en principe, à l’administration une large obligation positive d’assister les fonctionnaires ou les agents de l’Union. En particulier, il ne saurait être raisonnablement attendu d’une administration diligente qui traite une multitude de demandes d’allocations pour enfants à charge qu’elle prenne l’initiative d’assister et de guider l’ensemble des demandeurs concernés dans les éventuelles démarches qu’ils pourraient devoir entreprendre en vue d’obtenir de telles allocations. Tout au plus l’administration peut-elle être tenue de s’acquitter d’obligations renforcées au titre du devoir de sollicitude lorsque sont réunies des circonstances particulières, tenant notamment à la situation d’extrême vulnérabilité dans laquelle se trouve l’intéressé, lorsqu’il existe des doutes quant à sa santé et, par conséquent, quant à sa capacité à défendre, d’une manière adéquate, ses propres intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, points 105 et 106 ainsi que jurisprudence citée).

78      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré l’existence de circonstances particulières de nature à mettre en doute sa capacité à défendre, d’une manière adéquate, ses propres intérêts. Elle se contente, en effet, de soutenir que la BEI avait connaissance de la maladie grave de son enfant, sans pour autant démontrer que cette circonstance ait pu affecter sa capacité à défendre ses intérêts.

79      En outre, il convient d’observer, ainsi qu’il a été rappelé au point 53 ci-dessus, que tout fonctionnaire normalement diligent est censé connaître le statut et, plus particulièrement, les règles régissant sa rémunération, dont celles relatives aux allocations familiales (voir arrêt du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, point 107 et jurisprudence citée).

80      En l’espèce, s’agissant notamment de la double allocation, il y a lieu de rappeler que celle-ci est prévue à l’article 2.2.3 des dispositions administratives, tout comme l’allocation pour enfant à charge simple, que la requérante perçoit pourtant depuis le 1er septembre 2007.

81      Par ailleurs, concernant les dispositions administratives régissant le remboursement des frais de transport récurrents, il y a lieu de relever que, même à supposer, comme le soutient la requérante, que celles-ci n’étaient pas claires, force est toutefois de constater que, avant le 30 janvier 2018, la requérante ne s’est jamais enquise auprès de l’administration de la BEI à ce sujet afin de dissiper ses doutes.

82      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter également le second moyen et, dès lors, les conclusions en annulation dans leur intégralité.

 Sur les conclusions indemnitaires

83      La requérante demande la réparation des préjudices matériel et moral prétendument subis.

84      Premièrement, quant au préjudice matériel, la requérante  soutient, en substance, que l’annulation des décisions attaquées devrait emporter l’octroi de la double allocation et du remboursement des frais de transport récurrents à compter du 1er septembre 2007, déduction faite des sommes déjà versées par la BEI.

85      Deuxièmement, quant au préjudice moral, elle fait valoir que l’absence de diligence avec laquelle son dossier a été géré par les services compétents lui a causé un dommage qu’elle chiffre à 2 000 euros.

86      La BEI conteste ces arguments.

87      À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées comme non fondées (voir arrêt du 12 février 2019, TV/Conseil, T‑453/17, non publié, EU:T:2019:83, point 121 et jurisprudence citée).

88      En l’espèce, la requérante n’invoque aucune faute de nature à engager la responsabilité de la BEI qui soit distincte des illégalités qu’elle a invoquées à l’appui de ses conclusions en annulation. Ces dernières devant être rejetées comme non fondées, il convient de rejeter les conclusions indemnitaires en conséquence.

89      Partant, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

91      En l’espèce, au vu des circonstances de l’affaire, le Tribunal décide, en équité, que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mars 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.