Language of document : ECLI:EU:C:2019:99

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 6 février 2019 (1)

Affaire C591/17

République d’Autriche

contre

République fédérale d’Allemagne

« Manquement d’État – Article 259 – Articles 18, 34, 56 et 92 TFUE – Directive 1999/62/CE – Utilisation des autoroutes –Redevance d’infrastructure pour les véhicules de moins de 3,5 tonnes – Exonération de la taxe sur les véhicules automobiles – Discrimination indirecte – Mesures d’effet équivalent – Restrictions à la libre prestation des services – Politique commune des transports – Clause de “standstill” »






1.        Tu ne discrimineras point.

2.        S’il était possible de résumer l’ensemble des règles du droit de l’Union en quelques commandements, l’interdiction de la discrimination, en particulier, de la discrimination fondée sur la nationalité, serait probablement l’un des premiers commandements.

3.        L’interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité est consacrée àl’article 18 TFUE et à l’article 21, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), tandis que le principe plus large de non-discrimination dont il est l’expression fait partie des valeurs fondamentales de l’Union (article 2 TUE) et des droits protégés par la Charte (article 21 de la Charte).

4.        Ce principe est au cœur de la présente affaire, l’une des très rares affaires dans le cadre desquelles un État membre a intenté une procédure en manquement à l’encontre d’un autre État membre en vertu de l’article 259 TFUE.

5.        Dans le cadre de son recours, la République d’Autriche fait valoir en substance que la République fédérale d’Allemagne a violé un grand nombre de dispositions du droit de l’Union en instaurant, premièrement, une redevance d’infrastructure pour tous les usagers du réseau autoroutier (ci-après la « redevance d’infrastructure ») et, deuxièmement, une exonération de la taxe sur les véhicules automobiles due par les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne (ci-après les « véhicules immatriculés en Allemagne »), d’un montant au moins égal au montant de la redevance d’infrastructure due par ces propriétaires (ci-après l’« exonération ») (2). Notamment, selon la République d’Autriche, il résulte des effets combinés des mesures en cause que, en pratique, seuls les conducteurs de véhicules immatriculés dans d’autres États membres (ci‑après les « véhicules étrangers ») sont assujettis à la redevance d’infrastructure, ce qui donne lieu à une discrimination indirecte en raison de la nationalité.

6.        Dans le cadre des présentes conclusions, j’indiquerai les raisons pour lesquelles j’estime que le recours formé par le gouvernement autrichien doit être rejeté. En particulier, j’expliquerai pourquoi les arguments tirés d’une discrimination alléguée en raison de la nationalité sont fondés sur une conception fondamentalement erronée de la notion de « discrimination ».

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

7.        L’article 7, paragraphe 1, de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (3), telle que modifiée (ci-après la « directive Eurovignette »), énonce :

« Sans préjudice de l’article 9, paragraphe 1 bis, les États membres peuvent maintenir ou introduire des péages et/ou des droits d’usage sur le réseau routier transeuropéen ou sur certains tronçons dudit réseau, ainsi que sur tout autre tronçon de leur réseau d’autoroutes qui ne fait pas partie du réseau routier transeuropéen, selon les conditions énoncées aux paragraphes 2, 3, 4 et 5 du présent article et aux articles 7 bis à 7 duodecies. Cela ne porte pas atteinte au droit des États membres, conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’appliquer des péages et/ou des droits d’usage sur d’autres axes routiers, pour autant que la perception de péages et/ou de droits d’usage sur ces autres axes ne présente pas de caractère discriminatoire à l’égard du trafic international et n’entraîne pas de distorsion de concurrence entre les opérateurs. »

8.        L’article 7 duodecies de cette directive énonce :

« Sans préjudice des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la présente directive ne porte pas atteinte à la liberté qu’ont les États membres qui mettent en place un système de péage et/ou des droits d’usage pour les infrastructures d’accorder une compensation adéquate pour cette taxation. »

B.      Le droit allemand

9.        Les dispositions les plus pertinentes de droit national, qui seront désignées collectivement par l’expression « la législation nationale en cause », sont les dispositions suivantes :

1.      La loi relative à la redevance d’infrastructure

10.      La redevance d’infrastructure a été instaurée par le Gesetz über die Erhebung einer zeitbezogenen Infrastrukturabgabe für die Benutzung von Bundesfernstraßen [Infrastrukturabgabengesetz (loi relative à la redevance d’infrastructure)], du 8 juin 2015 (4), tel que modifié par l’article 1er de la loi du 18 mai 2017 (5) (ci-après l’« InfrAG »). L’article 1er de l’InfrAG prévoit le paiement d’une redevance pour l’utilisation des routes fédérales au sens de l’article 1er du Bundesfernstraßengesetz (loi relative aux routes fédérales) (6).

11.      Conformément aux articles 3 et 7 de l’InfrAG, pour les véhicules immatriculés en Allemagne, la redevance d’infrastructure doit être payée sous la forme d’une vignette annuelle par le propriétaire du véhicule. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, de l’InfrAG, le montant de la redevance d’infrastructure est fixé par décision de l’autorité compétente. La redevance est considérée comme ayant été payée à la date d’immatriculation du véhicule.

12.      Pour les véhicules immatriculés à l’étranger, l’obligation de payer la redevance d’infrastructure incombe soit au propriétaire, soit au conducteur du véhicule lors de l’utilisation de routes soumises à la redevance d’infrastructure et cette obligation naît, conformément à l’article 5, paragraphe 4, de l’InfrAG, lors de la première utilisation de ces routes après le franchissement d’une frontière nationale. La redevance d’infrastructure doit être payée sous la forme d’une vignette. À cet égard, il est loisible de choisir entre une vignette de dix jours, une vignette de deux mois et une vignette annuelle.

13.      Le montant de la redevance à payer figure au paragraphe 1 de l’annexe à l’article 8 de l’InfrAG. Elle est calculée d’après la cylindrée, le type de véhicule (allumage commandé ou par compression) et la classe d’émission. Le tarif d’une vignette de dix jours varie entre un prix minimum de 2,50 euros et un prix maximum de 25 euros. Le tarif de la vignette de deux mois varie entre un prix minimum de 7 euros et un prix maximum de 55 euros. Enfin, la vignette annuelle a un tarif maximum de 130 euros.

14.      Si les routes soumises à la redevance sont utilisées sans vignette valable ou si la vignette a été calculée à un niveau trop bas, la redevance est collectée a posteriori, conformément à l’article 12 de l’InfrAG. Dans ce cas, la redevance à payer correspond au montant de la vignette annuelle ou à la différence entre le montant déjà payé et le montant de la vignette annuelle.

15.      L’article 11 de l’InfrAG prévoit des contrôles aléatoires du respect de l’obligation de payer la redevance d’infrastructure. Conformément à l’article 11, paragraphe 7, de l’InfrAG, les autorités peuvent, sur le lieu du contrôle, imposer à la personne en infraction le paiement de la redevance et d’une caution d’un montant équivalant à l’amende susceptible d’être infligée en vertu de l’article 14 de l’InfrAG, ainsi que des frais de procédure. En outre, le conducteur peut se voir interdire de poursuivre sa route si la redevance n’est pas payée sur le lieu du contrôle en dépit de la demande effectuée en ce sens et qu’il existe des doutes raisonnables sur le fait que la redevance sera payée ultérieurement ou lorsque les documents nécessaires au contrôle ne sont pas présentés, les informations demandées ne sont pas fournies ou une caution infligée n’est pas payée.

16.      L’article 14 de l’InfrAG définit l’absence de paiement ou le paiement incomplet de la redevance d’infrastructure, l’absence de fourniture ou la fourniture incorrecte de renseignements ainsi que le refus d’obtempérer à un ordre d’arrêter le véhicule dans le cadre d’un contrôle comme des infractions administratives passibles d’amende.

2.      La loi relative à la taxe sur les véhicules automobiles

17.      L’article 9, paragraphe 6, du Kraftfahrzeugsteuergesetz (KraftStG) (loi relative à la taxe sur les véhicules automobiles) du 26 septembre 2002 (7), tel que modifié par le Zweites Gesetz zur Änderung des Kraftfahrzeugsteuergesetzes und des Versicherungsteuergesetzes [Zweites Verkehrsteueränderungsgesetz (deuxième loi de modification de la taxe sur les véhicules automobiles)], du 8 juin 2015 (8), (ci-après le « 2. VerkehrStÄndG ») et par le Gesetz zur Änderung des Zweiten Verkehrsteueränderungsgesetzes (loi de modification de la deuxième loi de modification de la taxe sur les véhicules automobiles), du 6 juin 2017, prévoit une exonération qui, en substance, correspond au montant à payer pour la redevance d’infrastructure, excepté pour les propriétaires de véhicules de la classe d’émission Euro 6, pour lesquels le montant de l’exonération est plus élevé (9).

18.      Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du 2. VerkehrStÄndG, l’entrée en vigueur de ces dispositions est subordonnée au début du recouvrement de la redevance d’infrastructure en vertu de l’InfrAG.

II.    Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

A.      La procédure intentée en vertu de l’article 258 TFUE

19.      Par lettres de mise en demeure en date du 18 juin 2015 et du 10 décembre 2015, la Commission européenne a engagé une procédure en manquement contre la République fédérale d’Allemagne. La Commission a contesté, d’une part, les effets combinés des mesures en cause et, d’autre part, les prix des vignettes de courte durée. Les lettres de mise en demeure ont attiré l’attention des autorités allemandes sur une éventuelle violation des articles 18, 34, 45 et 56 TFUE ainsi que de l’article 92 TFUE. À la suite d’un échange de vues avec les autorités allemandes et après avoir émis un avis motivé le 28 avril 2016, la Commission a décidé, le 29 septembre 2016, de saisir la Cour en vertu de l’article 258 TFUE.

20.      Toutefois, à la suite de l’adoption, le 24 mars 2017, de certaines modifications de la législation nationale en cause par le parlement allemand, la Commission a décidé, le 17 mai 2017, de mettre fin à la procédure en manquement.

B.      La présente procédure intentée en vertu de l’article 259 TFUE

21.      Par courrier en date du 7 juillet 2017, la République d’Autriche a saisi la Commission, conformément à l’article 259 TFUE, en faisant valoir que la République fédérale d’Allemagne a, par l’adoption des mesures en cause, violé les articles 18, 34, 56 et 92 TFUE. Par courrier en date du 14 juillet 2017, la Commission a accusé réception de la lettre de la République d’Autriche.

22.      Par courrier en date du 11 août 2017, la République fédérale d’Allemagne a rejeté les arguments soulevés par la République d’Autriche. Le 31 août 2017, une audience a été tenue, au cours de laquelle la République d’Autriche et la République fédérale d’Allemagne ont présenté leurs arguments à la Commission. La Commission n’a pas émis d’avis motivé dans le délai de trois mois prévu à l’article 259 TFUE.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

23.      Par sa demande présentée le 12 octobre 2017, la République d’Autriche conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        déclarer que, en instaurant la redevance d’infrastructure conjointement avec l’exonération, la République fédérale d’Allemagne a violé les articles 18, 34, 56 et 92 TFUE, et

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

24.      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le recours, et

–        condamner la République d’Autriche aux dépens.

25.      Par décisions du président de la Cour en date du 15 janvier et du 14 février 2018, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Danemark ont été admis à intervenir au soutien, respectivement, de la République d’Autriche et de la République fédérale d’Allemagne.

26.      Le 12 novembre 2018, la Cour a demandé certaines clarifications à la Commission concernant les raisons pour lesquelles elle a décidé de mettre fin à la procédure intentée en vertu de l’article 258 TFUE, telle que mentionnée aux points 21 et 22 ci-dessus. La Commission a répondu à la demande de clarifications le 26 novembre 2018. Dans son courrier adressé à la Cour, la Commission a expliqué que la loi adoptée par le parlement allemand le 24 mars 2017 a modifié la législation nationale en cause en ce qui concerne le prix des vignettes de courte durée et l’exonération. Compte tenu de ces modifications et de la nécessité d’obtenir un large soutien politique en faveur de l’établissement d’un cadre juridique unique au niveau de l’Union pour la mise en place d’un système européen commun de tarification routière, la Commission a estimé qu’il y avait lieu de clore la procédure.

27.      Les gouvernements danois, allemand, néerlandais et autrichien ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 11 décembre 2018.

IV.    Analyse

28.      Dans le cadre de son recours, le gouvernement autrichien invoque quatre moyens à l’encontre des mesures en cause.

29.      Dans la suite des présentes conclusions, j’examinerai ces moyens dans l’ordre dans lequel ils ont été présentés par le gouvernement autrichien dans son recours.

A.      Sur le premier moyen tiré d’une discrimination indirecte en raison de la nationalité par l’effet combiné des mesures en cause

1.      Arguments des parties

30.      Le premier moyen invoqué par le gouvernement autrichien concerne une violation alléguée de l’article 18 TFUE du fait d’une discrimination indirecte en raison de la nationalité.

31.      Le gouvernement autrichien souligne d’emblée que les mesures en cause devraient être considérées et appréciées conjointement au regard du droit de l’Union. Selon lui, il existe un lien indissociable, tant sur le plan matériel que sur le plan temporel, entre la redevance d’infrastructure et l’exonération. La première mesure a instauré une redevance et la seconde a prévu de facto une exonération de cette redevance. En outre, l’entrée en vigueur de la seconde mesure est, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du 2. VerkehrStÄndG, explicitement liée à la mise en œuvre de la première.

32.      La discrimination alléguée résulte, selon le gouvernement autrichien, de l’effet combiné des deux mesures. La redevance d’infrastructure est, en principe, due par tous les usagers des autoroutes allemandes. Toutefois, l’exonération, d’un montant équivalant, au moins, au montant de la redevance d’infrastructure, est accordée uniquement aux propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne. Cela signifie, selon le gouvernement autrichien, que les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne paient la redevance d’infrastructure uniquement en théorie : le montant payé pour cette redevance est en fait déduit de la taxe sur les véhicules automobiles dont ils sont redevables. Par conséquent, en pratique, seuls les conducteurs de véhicules étrangers, qui sont généralement des ressortissants d’autres États membres, doivent payer la redevance d’infrastructure.

33.      Le gouvernement autrichien souligne ensuite que la législation nationale en cause a pour objet de mettre en œuvre une promesse faite par certains politiciens allemands lors de la campagne pour les élections fédérales allemandes de 2013. L’objectif déclaré de cette mesure était de faire participer les conducteurs étrangers de véhicules automobiles aux coûts du financement des infrastructures allemandes, sans créer aucune charge supplémentaire pour les propriétaires allemands de véhicules.

34.      Enfin, la République d’Autriche conteste les raisons invoquées par la République fédérale d’Allemagne pour justifier une quelconque discrimination indirecte. Selon elle, aucune de ces justifications n’est valable.

35.      Pour sa part, la République fédérale d’Allemagne, après avoir reconnu que les mesures en cause forment une unité cohérente du point de vue du droit de l’Union, affirme que ces mesures ne donnent lieu à aucune discrimination en raison de la nationalité. En effet, elle estime que les usagers étrangers des autoroutes allemandes ne sont pas placés, s’agissant du financement des infrastructures allemandes de transport, dans une situation moins favorable que les propriétaires de véhicules résidant en Allemagne, étant donné que ces derniers sont assujettis non seulement à la redevance d’infrastructure, mais également à une taxe sur les véhicules automobiles, d’un montant, certes, réduit.

36.      L’exonération peut, dès lors, ne bénéficier qu’aux résidents allemands, dans la mesure où, conformément aux dispositions de la directive 83/182/CEE (10), la taxe sur les véhicules s’applique uniquement aux véhicules immatriculés en Allemagne. Selon le gouvernement allemand, la décision de modifier le montant de la taxe sur les véhicules automobiles aux fins de maintenir la charge financière globale pesant sur les propriétaires de véhicules au niveau antérieur, en évitant ainsi une taxation disproportionnée, constituait un exercice légal, par cet État membre, de sa compétence en matière de fiscalité directe.

37.      Parallèlement, le gouvernement allemand considère qu’il doit disposer du pouvoir d’instaurer une redevance d’infrastructure, dont les recettes sont destinées à l’entretien et l’amélioration des infrastructures de transport. Selon lui, il s’agit d’un choix légitime que de modifier le système de financement des infrastructures de transport, de manière à passer d’un système entièrement financé par le budget général de l’État à un système financé par les usagers de ces infrastructures.

38.      À titre subsidiaire, la République fédérale d’Allemagne invoque des considérations liées à la protection de l’environnement, à la répartition des charges et au changement de système de financement des infrastructures de transport aux fins de justifier toute discrimination indirecte susceptible de résulter de l’effet combiné des mesures en cause.

39.      Le gouvernement néerlandais partage pour l’essentiel l’argumentation avancée par le gouvernement autrichien et souligne le caractère comparable, en l’espèce, des propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne et des conducteurs de véhicules étrangers. À l’inverse, le gouvernement danois partage le point de vue du gouvernement allemand selon lequel les mesures en cause ne sont pas discriminatoires et, notamment, il souligne la compétence des États membres pour instaurer, modifier et supprimer des taxes et autres redevances non harmonisées.

2.      Appréciation

40.      Avant d’examiner en détail les arguments exposés par les parties, il me semble utile de présenter à titre liminaire la notion de « discrimination » en droit de l’Union.

a)      Remarques liminaires concernant la notion de « discrimination »

41.      Le principe de non-discrimination est l’expression du principe d’égalité des citoyens devant la loi, un principe qui existe dans tous les systèmes juridiques des États membres et constitue un principe général du droit de l’Union (11). Ce principe requiert, en substance, que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale. Une différence de traitement ne saurait être justifiée que si elle est fondée sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi (12).

42.      Il est notoire que la discrimination peut être directe ou indirecte : une discrimination directe a lieu lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable en raison d’une caractéristique identifiable (ou prohibée), alors que l’on est en présence d’une discrimination indirecte lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes présentant cette caractéristique identifiable par rapport à d’autres personnes (13). En d’autres termes, dans les cas de discrimination directe, la différence de traitement est explicitement liée à la caractéristique prohibée, tandis que dans les cas de discrimination indirecte, la différence de traitement est due à une autre caractéristique, mais cette caractéristique est strictement liée à une caractéristique prohibée.

43.      Pour établir un cas de discrimination, il convient tout d’abord de définir une « personne de référence » adéquate : à savoir, une personne qui se trouve dans une situation comparable et est traitée d’une manière plus favorable du fait de la caractéristique identifiable. À cet égard, il n’est pas nécessaire que la victime de la discrimination ou éventuellement le bénéficiaire du traitement plus favorable soit identifiable à un moment donné en tant que personne « en chair et en os » : il suffit que, du fait de la mesure prétendument discriminatoire, il soit évident que cette personne existe (14). En outre, selon une jurisprudence constante, d’une part, il est requis non pas que les situations soient identiques, mais seulement qu’elles soient comparables et, d’autre part, l’examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète au regard de la prestation concernée (15).

44.      Cette étape d’identification d’une personne de référence revêt donc une importance primordiale : en l’absence de personne de référence pertinente, il ne peut y avoir aucune comparaison utile et, par conséquent, aucune différence de traitement injustifiée.

45.      C’est dans ce contexte que j’examinerai les questions soulevées par le premier moyen invoqué par la République d’Autriche.

b)      Le caractère prétendument discriminatoire des mesures en cause

46.      Dans ses observations, le gouvernement autrichien souligne l’importance d’apprécier les effets combinés des deux mesures en cause. Selon lui, au regard de ces mesures, les conducteurs de véhicules étrangers sont placés dans une situation moins favorable que les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne.

47.      Je partage l’avis du gouvernement autrichien selon lequel les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne sont, en grande majorité, de nationalité allemande, tandis que les conducteurs de véhicules étrangers sont principalement des ressortissants d’autres États membres. Par conséquent, bien que la législation allemande en question n’instaure aucune discrimination expresse en raison de la nationalité, si les arguments invoqués par le gouvernement autrichien étaient considérés comme fondés, il s’agirait d’une discrimination indirecte en raison de la nationalité et, par conséquent, d’une violation de l’article 18 TFUE.

48.      Toutefois, les arguments invoqués par le gouvernement autrichien concernant une différence injustifiée de traitement sont intrinsèquement viciés quant à la méthodologie.

49.      En premier lieu, la personne de référence définie par le gouvernement autrichien n’est pas adéquate. Les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne sont, à la fois, des usagers des routes allemandes (et, donc, soumis à la redevance d’infrastructure) et des contribuables allemands (assujettis, de ce fait, à la taxe sur les véhicules automobiles). À l’inverse, les conducteurs de véhicules étrangers sont des contribuables d’autres États membres : ils peuvent, en tant que tels, être assujettis à d’autres taxes ou redevances dans leurs pays respectifs de résidence, mais ils ne seront jamais tenus de payer la taxe allemande sur les véhicules automobiles.

50.      Par conséquent, les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne et les conducteurs de véhicules étrangers sont comparables en ce qui concerne l’utilisation des autoroutes allemandes, mais ils ne sont pas comparables si l’on les examine à la lumière des deux mesures, ce qui implique de les considérer, à la fois, en tant qu’usagers des autoroutes allemandes et comme contribuables. C’est la raison pour laquelle il existe une contradiction dans les arguments du gouvernement autrichien : d’une part, celui-ci préconise que les deux mesures soient examinées conjointement, mais, d’autre part, lorsqu’il identifie la personne de référence, il prend uniquement en considération le caractère comparable des deux groupes quant à leur utilisation des autoroutes allemandes.

51.      À cet égard, le gouvernement autrichien invoque l’arrêt de la Cour dans l’affaire Commission/Allemagne (16), pour conclure que les deux groupes sont comparables aux fins de la présente procédure.

52.      Néanmoins, je n’interprète pas cet arrêt en ce sens. Cette affaire concernait une violation alléguée de (ce qui est devenu) l’article 92 TFUE (17). Cette disposition est une clause de blocage (« standstill ») dont le champ d’application est plus étendu que celui de l’article 18 TFUE. L’article 92 TFUE n’interdit pas seulement les mesures discriminatoires, mais également toute autre mesure susceptible d’affecter le rapport de concurrence entre les transporteurs nationaux et les transporteurs étrangers. En d’autres termes, cette disposition empêche également les États membres de supprimer tout avantage susceptible d’être accordé par leur législation aux transporteurs étrangers (18). Par conséquent, c’est à bon droit que la Cour a retenu une perspective plus large s’agissant de l’article 92 TFUE. Toutefois, l’on ne saurait recourir à la même approche en ce qui concerne l’article 18 TFUE : étant donné que seules les mesures constituant une discrimination directe ou indirecte en raison de la nationalité relèvent de cette dernière disposition, les deux groupes prétendument soumis à un traitement différent doivent être comparables au sens strict du terme.

53.      En second lieu, et nonobstant les considérations qui précèdent, si l’on apprécie les conducteurs de véhicules étrangers à la lumière des deux mesures, ceux-ci ne sont pas et ne pourront jamais être dans une situation moins favorable que celle dans laquelle se trouvent les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne. Afin d’être autorisés à circuler sur les autoroutes allemandes, les premiers ne doivent s’acquitter que de la redevance d’infrastructure et ne sont pas tenus de payer le montant annuel : ils peuvent opter pour une vignette d’une durée plus courte, en fonction de leurs besoins effectifs. À l’inverse, pour être autorisés à circuler sur les autoroutes allemandes, les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne sont légalement tenus de payer, à la fois, une redevance d’infrastructure et une taxe sur les véhicules automobiles. En outre, indépendamment de leur utilisation effective des autoroutes nationales, les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne sont tenus de payer la redevance d’infrastructure au montant dû au titre de la vignette annuelle.

54.      Par conséquent, lorsque les deux mesures sont considérées conjointement – conformément à la demande du gouvernement autrichien – il n’existe, à l’évidence, aucun traitement moins favorable des conducteurs étrangers : tout véhicule immatriculé dans un autre État membre qui sera utilisé sur les autoroutes allemandes paiera toujours aux autorités allemandes, pour être autorisé à circuler sur ces autoroutes, un montant plus faible que celui payé par le propriétaire du même modèle de véhicule immatriculé en Allemagne.

55.      En réalité, le montant de la taxe sur les véhicules automobiles à payer par les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne sera plus faible que par le passé, grâce à l’exonération. Toutefois, même si l’exonération avait pour effet de « neutraliser » la taxe sur les véhicules automobiles (ce qui n’est pas le cas), tout conducteur étranger serait tenu de payer, pour circuler sur les autoroutes allemandes, un montant équivalant, au maximum, à celui qui serait dû par les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne (19).

56.      Il n’est guère nécessaire d’indiquer que l’on n’est pas en présence d’un traitement défavorable, même lorsque les mesures sont appréciées séparément. Premièrement, le montant de la redevance d’infrastructure s’applique indistinctement à tout conducteur. Les conducteurs de véhicules étrangers seraient même plutôt traités de manière plus favorable : comme cela a été mentionné au point 53 ci‑dessus, contrairement aux propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne, ces conducteurs bénéficient de trois options en ce qui concerne la durée – et donc le coût – de la vignette à acheter.

57.      Deuxièmement, il est paradoxal de soutenir que l’exonération ne profite qu’aux propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne. À l’évidence, il ne saurait y avoir d’exonération sans taxe préalable. En outre, il peut être utile de souligner à nouveau que les conducteurs de véhicules étrangers ne sont, par définition, pas assujettis à la taxe sur les véhicules automobiles en Allemagne. Les véhicules étrangers peuvent être soumis à une taxe similaire dans l’État membre dans lequel ils sont immatriculés et le montant dû peut être plus élevé ou plus faible que celui payé par les propriétaires de véhicules comparables immatriculés en Allemagne. Toutefois, il s’agit là de la conséquence inévitable du fait que les taxes sur les véhicules automobiles ne sont pas harmonisées au niveau de l’Union.

58.      En conclusion, le gouvernement autrichien n’a pas établi le bien‑fondé de ses allégations au regard de deux principes fondamentaux en matière de discrimination : d’une part, les deux groupes de personnes qu’il a comparés ne sont pas, s’agissant des mesures contestées par le gouvernement autrichien, dans une situation comparable. D’autre part, le gouvernement autrichien n’est pas parvenu à établir que les mesures en cause accorderaient un traitement moins favorable aux conducteurs de véhicules étrangers.

c)      Remarques additionnelles

59.      Le caractère erroné des arguments invoqués par le gouvernement autrichien apparaît même plus clairement si l’on prend en considération les conséquences juridiques susceptibles de découler de la conclusion selon laquelle les mesures en cause donnent lieu à une discrimination indirecte fondée sur la nationalité. En particulier, comment la République fédérale d’Allemagne pourrait-elle se mettre à nouveau en conformité avec l’article 18 TFUE ?

60.      Tout d’abord, le gouvernement autrichien n’a pas fait valoir que les autorités allemandes seraient tenues d’annuler la redevance d’infrastructure de manière à ce que tant les usagers nationaux que les usagers étrangers des autoroutes allemandes puissent continuer à les utiliser gratuitement. En réalité, cela aurait été un argument plutôt étrange : l’article 18 TFUE ne saurait être lu comme interdisant aux États membres d’instaurer ou de maintenir un système exigeant de tous les usagers d’autoroutes (indépendamment de leur nationalité ou de leur lieu de résidence) qu’ils payent une redevance en fonction de la durée d’utilisation ou un péage calculé par rapport à la longueur de l’itinéraire. De nombreux États membres ont, en fait, mis en place un tel système tant pour les véhicules commerciaux que pour les voitures particulières, y compris des pays voisins tels que la France, la Pologne et – ironiquement – l’Autriche elle-même.

61.      Je ne vois aucun argument juridique valable justifiant la thèse selon laquelle les États membres qui, jusqu’à présent, ont décidé de laisser tous les conducteurs utiliser gratuitement leurs autoroutes seraient définitivement « prisonniers » de leur choix initial et ne seraient donc pas autorisés à instaurer un système de redevances similaire à celui en vigueur depuis de nombreuses années dans d’autres États membres. Il s’agirait là d’une interprétation erronée (voire même absurde) de l’article 18 TFUE : plutôt que d’éviter une discrimination à l’encontre de personnes non-ressortissantes d’un État, elle donnerait lieu de facto à une discrimination à rebours à l’égard des ressortissants de cet État. En fait, cela signifierait en l’espèce que les contribuables allemands devraient continuer à financer seuls le réseau autoroutier.

62.      Il me semble évident que les autorités des États membres sont, en principe, libres de décider si l’utilisation de certaines infrastructures doit être gratuite ou, au contraire, soumise à une redevance à la charge des usagers. Il s’agit fondamentalement d’un choix politique et, en tant que tel, ce choix appartient aux autorités de l’État membre compétent. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne est dotée d’infrastructures qui sont, dans une certaine mesure, similaires ou équivalentes, mais qui, dans certains cas, sont soumises à une redevance à la charge des usagers et non dans d’autres cas. Hormis les autoroutes, d’autres infrastructures liées aux transports [telles que les ponts et tunnels routiers] (20) nous donnent de nombreux exemples de ces deux approches coexistantes. Néanmoins, cette logique s’applique mutatis mutandis à tout autre type d’infrastructures publiques susceptibles d’être visitées ou utilisées à d’autres fins, en rapport, notamment, avec la culture, le tourisme ou la religion (21).

63.      En l’absence de règles spécifiques de l’Union en la matière et sous réserve qu’aucun principe ni aucune disposition du droit de l’Union ne soit violé, il n’appartient pas à l’Union de contrôler le choix des autorités nationales concernant le point de savoir si les infrastructures nationales doivent être financées par les contribuables ou par les usagers effectifs. Les règles de l’Union ne garantissent pas aux citoyens de l’Union que, lorsqu’ils exercent leurs droits de libre circulation, la pratique d’une activité économique dans l’État membre de destination sera neutre en ce qui concerne l’imposition ou l’application d’autres redevances. Il en résulte que, en principe, tout désavantage par rapport à la situation dans laquelle ce citoyen exerçait l’activité économique dans son État membre d’origine n’est pas contraire à l’article 18 TFUE, sous réserve que la législation concernée ne désavantage pas ce citoyen par rapport aux citoyens résidant dans l’État membre de destination (22).

64.      Il n’est pas non plus aisé de comprendre la raison pour laquelle les autorités allemandes seraient tenues d’annuler l’exonération de manière à assurer que les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne continuent de payer cette taxe aux taux antérieurs (et plus élevés). La taxe sur les véhicules automobiles est essentiellement une taxe sur la propriété. Par conséquent, il s’agit d’une taxe directe dont la réglementation relève, en principe, de la compétence des États membres. Seules quelques dispositions du droit de l’Union concernent ce type de taxes, comme le montre le champ d’application très restreint de la directive 83/182 (23).

65.      Il me semble difficilement concevable que l’article 18 TFUE empêche les autorités allemandes de fixer la taxe sur les véhicules automobiles au niveau qu’elles estiment le plus approprié au vu des circonstances prévalant dans leur pays à un moment donné. Comme l’a admis le gouvernement autrichien lors de l’audience, les autorités allemandes auraient le droit d’annuler totalement cette taxe, si elles l’estimaient nécessaire, sans que cela donne lieu à des discriminations. Cependant, cela ne signifie-t-il pas que ces autorités ont a fortiori le droit de simplement diminuer le taux de la taxe sur les véhicules automobiles, si elles considèrent que l’imposition globale pesant sur certains particuliers est disproportionnée ?

66.      Le gouvernement autrichien a indiqué lors de l’audience qu’il ne conteste pas le fait que l’instauration d’une redevance d’infrastructure pouvait être « compensée » par une diminution de la taxe sur les véhicules automobiles (24). Toutefois, invité par la Cour à préciser les types de réduction de taxe qui seraient, selon lui, acceptables, le gouvernement autrichien a eu des difficultés à donner une réponse claire : avec une certaine hésitation, il a indiqué qu’une diminution de la taxe, identique pour tous les contribuables (en pourcentage ou d’un montant déterminé), serait, en principe, licite.

67.      En fait, lors de l’audience, le gouvernement autrichien a même admis que, si les autorités allemandes avaient introduit une exonération similaire à celle en cause dans la présente procédure à un autre moment et sans la lier explicitement à l’instauration de la redevance d’infrastructure, il n’y aurait pas eu de problème de discrimination. De même, le gouvernement autrichien a affirmé qu’aucune discrimination n’aurait eu lieu si les autorités allemandes avaient décidé de réduire une autre taxe n’ayant aucun rapport avec l’utilisation de véhicules automobiles, sous réserve qu’elles aient procédé à cette diminution de manière cohérente.

68.      En considération des éléments qui précèdent, je ne vois toutefois aucune différence significative, d’un point de vue juridique, entre l’exonération en cause et les exonérations considérées comme acceptables par le gouvernement autrichien. En outre, d’un point de vue économique, le résultat produit par l’ensemble de ces mesures serait grosso modo équivalent. Certains propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne paieraient davantage qu’en application de la mesure actuelle et d’autres paieraient moins. Cependant, rien ne changerait pour les conducteurs de véhicules étrangers ou, d’ailleurs, pour le budget de la République fédérale d’Allemagne.

69.      À cet égard, le gouvernement allemand a indiqué très explicitement son intention de maintenir la contribution globale à payer par les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne à un niveau acceptable. Je suis d’accord avec ces arguments : l’article 18 TFUE ne saurait être interprété comme exigeant des autorités allemandes qu’elles imposent une taxation potentiellement disproportionnée aux propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne, pour la simple raison qu’elles ont décidé de modifier le système de financement des autoroutes nationales.

70.      Dans ce contexte, il est sans pertinence que certains politiciens allemands aient affirmé ouvertement au cours d’une campagne électorale qu’ils avaient l’intention d’instaurer une redevance pour les voyageurs étrangers circulant sur les autoroutes allemandes. Ces affirmations sont peut-être une manifestation – pour paraphraser une citation célèbre – d’un spectre qui hante l’Europe depuis des années : le spectre du populisme et du souverainisme (25).

71.      Toutefois, l’analyse juridique que la Cour doit effectuer au regard de mesures nationales telles que celles en cause ne saurait être fondée sur des déclarations politiciennes. L’intention (réelle ou alléguée) de membres du corps législatif national ou du gouvernement est sans pertinence à cet égard. D’une part, il n’est pas nécessaire de prouver une intention discriminatoire de la part de l’auteur d’une mesure pour que cette mesure soit considérée comme portant atteinte au principe de non-discrimination (26). D’autre part, les affirmations de responsables publics qui vont jusqu’à reconnaître ou laisser entendre une violation du droit de l’Union ne suffisent pas à établir une atteinte à ce droit (27) : de simples déclarations ne sauraient avoir pour effet de rendre le droit de l’Union applicable à des situations auxquelles il ne s’applique pas objectivement (28).

72.      L’on ne saurait suffisamment souligner que l’appréciation de la conformité d’une mesure nationale aux traités de l’Union, dans le cadre d’une procédure en manquement, est une appréciation objective (29). Cela vaut également en ce qui concerne les violations alléguées du principe de non-discrimination : dans le cadre de l’analyse, l’accent doit être porté sur les effets de la mesure et non sur l’intention subjective de son auteur (30).

73.      En conclusion, les arguments invoqués par le gouvernement autrichien sur ces aspects ne sont pas convaincants. En d’autres termes, les autorités allemandes avaient entièrement le droit de considérer que, premièrement, le coût du réseau autoroutier, supporté jusqu’à présent principalement par ses contribuables (31), devait être partagé de manière équitable par tous les usagers, y compris les conducteurs de véhicules étrangers. Deuxièmement, les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne auraient été soumis à un montant de taxation disproportionné s’ils avaient été assujettis, à la fois, à la redevance d’infrastructure et à la taxe sur les véhicules automobiles.

74.      À la lumière des éléments qui précèdent et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les éventuels motifs invoqués par la République fédérale d’Allemagne, je propose à la Cour de rejeter le premier moyen invoqué par la République d’Autriche.

B.      Sur le deuxième moyen tiré d’une discrimination indirecte en raison de la nationalité du fait de l’économie générale de la redevance d’infrastructure

1.      Arguments des parties

75.      Par son deuxième moyen, la République d’Autriche soutient que l’économie générale de la redevance d’infrastructure est discriminatoire en ce qui concerne les mesures de contrôle et d’exécution.

76.      À cet effet, le gouvernement autrichien souligne que les règles nationales en cause opèrent, à maints égards, une distinction entre les véhicules immatriculés en Allemagne et ceux immatriculés à l’étranger. En particulier, les pouvoirs spécifiques d’intervention (contrôles aléatoires, recouvrement d’une caution, interdiction de poursuivre le voyage) prévus aux articles 11, 12 et 14 de l’InfrAG et le recouvrement a posteriori de la redevance d’infrastructure à hauteur de la vignette annuelle ou de la différence entre le montant déjà payé et celui de la vignette annuelle s’appliquent uniquement ou principalement aux véhicules immatriculés à l’étranger. En outre, la menace d’imposition d’amendes en vertu de l’article 14 de l’InfrAG viserait, selon le gouvernement autrichien, également très majoritairement les conducteurs étrangers. Au soutien des arguments qu’il avance sur ce point, le gouvernement autrichien renvoie spécifiquement à l’arrêt Commission/Italie (32).

77.      Pour sa part, le gouvernement allemand indique que, tout d’abord, la plupart des règles d’exécution et de contrôle du paiement de la redevance d’infrastructure prévues aux articles 11, 12 et 14 de l’InfrAG s’appliquent à tous les conducteurs sans distinction. Seul le recouvrement d’une caution, en vertu de l’article 11, paragraphe 7, de l’InfrAG, ne s’applique qu’aux conducteurs de véhicules immatriculés à l’étranger. Toutefois, une telle mesure est – selon le gouvernement allemand – justifiée, car le recouvrement des montants dus au titre de la vignette et des éventuelles amendes est plus difficile à mettre en exécution à l’étranger. Quoi qu’il en soit, le gouvernement allemand souligne que l’article 11, paragraphe 7, de l’InfrAG permet aux autorités, mais ne leur impose pas, d’exiger une caution. Enfin, le gouvernement allemand considère que le recouvrement a posteriori de la redevance d’infrastructure à hauteur de la vignette annuelle ou de la différence entre le montant déjà payé et celui de la vignette annuelle ne donne lieu à aucune discrimination, dans la mesure où les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne payent toujours la vignette annuelle.

2.      Appréciation

78.      D’emblée, je rappelle que, dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe au requérant d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement. À cet effet, le requérant ne saurait se fonder sur une présomption quelconque (33).

79.      À la lumière de ce principe et pour les raisons exposées ci-après, je considère que la République d’Autriche n’a pas établi à suffisance de droit que l’économie générale de la redevance d’infrastructure donne lieu, en ce qui concerne les mesures de contrôle et d’exécution, à une discrimination indirecte en raison de la nationalité (34).

a)      Les contrôles, l’interdiction de poursuivre le voyage et la sanction administrative

80.      Tout d’abord, je ne vois aucun élément dans le dossier susceptible de remettre en question le fait que, comme l’a soutenu le gouvernement allemand, les contrôles aléatoires à effectuer sur place ainsi que l’interdiction de poursuivre le voyage et la sanction administrative susceptibles d’être infligées en cas de violation de l’obligation de payer la redevance d’infrastructure s’appliquent sans distinction à tous les véhicules circulant sur le réseau autoroutier allemand. Le libellé des dispositions pertinentes de l’InfraAG est neutre à cet égard et je ne trouve aucun autre fondement textuel au soutien des allégations du gouvernement autrichien.

81.      Le gouvernement allemand a ensuite expliqué que la plupart des mesures de contrôle et d’exécution (y compris les sanctions) peuvent très bien s’appliquer aux propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne. Le fait que, s’agissant de ces véhicules, la redevance d’infrastructure est payable d’avance n’exclut pas a priori d’éventuels manquements. À titre d’exemple, l’article 2 de l’InfrAG prévoit certaines exceptions à l’obligation de payer la redevance d’infrastructure. Des contrôles auraient donc lieu pour s’assurer que ces exceptions ne soient pas invoquées de manière erronée ou abusive par les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne : en cas de violation, l’interdiction de poursuivre le voyage et la sanction administrative seraient également susceptibles de leur être appliquées.

82.      Le gouvernement autrichien n’a pas contesté ces affirmations. En outre, étant donné que la majorité des véhicules circulant sur les autoroutes allemandes sont immatriculés en Allemagne, je doute que la Cour puisse aisément admettre la supposition du gouvernement autrichien selon laquelle, bien que les dispositions relatives aux contrôles et aux sanctions soient libellées de façon neutre, ces dispositions visent, en pratique, principalement les conducteurs de véhicules étrangers. Le gouvernement autrichien n’a produit aucune preuve susceptible d’étayer ses affirmations sur ce point (telles que, par exemple, des décisions ou des directives internes rédigées par les autorités administratives, des études ou des données statistiques).

83.      Quoi qu’il en soit, même s’il était établi que, au regard de l’économie générale de la redevance d’infrastructure, les mesures de contrôle et d’exécution concerneraient, proportionnellement, davantage les conducteurs étrangers que les conducteurs nationaux, cela n’entraînerait pas nécessairement, en soi, une discrimination en raison de la nationalité. Il s’agirait simplement d’une conséquence inévitable du fait que tous les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne sont tenus de payer la redevance d’avance, alors que les conducteurs de véhicules étrangers ne doivent payer cette redevance que lorsqu’ils entrent sur le réseau autoroutier allemand.

84.      Sur ce point, également, il est difficile de souscrire à la logique qui sous-tend les arguments avancés par le gouvernement autrichien. C’est presque comme si le gouvernement autrichien laissait entendre que, dans la mesure où il est sans doute plus difficile pour les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne que pour les conducteurs de véhicules étrangers d’enfreindre la législation nationale en cause, les autorités allemandes devraient, s’agissant de ces derniers, éviter d’effectuer des contrôles aléatoires ou d’infliger des mesures d’exécution. Cet argument ne serait pas défendable.

85.      Le gouvernement autrichien n’a pas non plus soutenu, par exemple, que les mesures d’exécution prévues dans la législation nationale en cause ne sont pas proportionnées et que, par conséquent, elles sont susceptibles de dissuader les ressortissants d’autres États membres d’exercer leurs droits de libre circulation (35).

86.      Le gouvernement autrichien n’a pas non plus indiqué le montant des éventuelles sanctions administratives en cas de violation de l’obligation de payer la redevance d’infrastructure. Par conséquent, il me semble que la Cour ne disposera, en tout état de cause, pas des informations nécessaires pour pouvoir procéder à une véritable analyse de proportionnalité sur ce point.

b)      Le recouvrement a posteriori du montant correspondant à une vignette annuelle

87.      Le gouvernement autrichien a cependant soutenu que le recouvrement a posteriori du montant correspondant à une vignette annuelle est disproportionné, étant donné que l’article 14 de l’InfrAG prévoit une sanction administrative.

88.      Cet argument ne me paraît pas convaincant.

89.      Premièrement, ces deux mesures sont de nature différente et, en principe, le fait qu’elles soient appliquées de manière cumulative ne donne pas lieu, en soi, à une sanction disproportionnée. L’obligation de payer une vignette n’est pas une sanction, mais uniquement le recouvrement d’une redevance impayée. Pour sa part, la sanction administrative est la sanction que les autorités peuvent avoir légitimement infligée au titre de l’infraction commise par le conducteur. Il me semble évident que, en cas de violation, les autorités allemandes peuvent, dans le même temps, recouvrer ce qui était dû et infliger une sanction (36).

90.      En réalité, il ne saurait être exclu que, lorsque la sanction administrative est particulièrement sévère, l’effet combiné des deux mesures est susceptible, indépendamment de l’infraction, d’entraîner une charge financière insupportable pour le conducteur. Néanmoins, comme cela a été mentionné au point 86 ci‑dessus, le gouvernement autrichien n’a fourni aucune information en ce qui concerne le montant de la sanction administrative.

91.      Deuxièmement, le fait que le contrevenant soit tenu d’acquérir une vignette annuelle ne me semble pas discriminatoire ou disproportionné. D’une part, les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne doivent toujours payer le montant correspondant à la vignette annuelle. Il n’y a donc aucun traitement moins favorable par rapport aux conducteurs de véhicules étrangers. Tout au plus, un conducteur étranger qui ne se conforme pas à l’obligation de payer la redevance d’infrastructure perd un avantage qui est normalement accordé aux conducteurs de véhicules étrangers (et uniquement à ces conducteurs) : la possibilité d’opter pour une vignette de durée plus courte à un prix plus faible. D’autre part, je ne trouve pas cette mesure disproportionnée. Compte tenu de la nature aléatoire des contrôles, les autorités qui constatent une violation de l’obligation d’acheter une vignette n’ont généralement aucun moyen de savoir depuis combien de temps le contrevenant circule illicitement sur le réseau autoroutier. Je trouve donc raisonnable que ce conducteur soit tenu de payer le montant le plus élevé par rapport au véhicule utilisé (37).

c)      La constitution d’une caution

92.      Enfin, en ce qui concerne l’obligation pour le contrevenant de constituer une caution, il convient de faire observer que cette mesure peut, certes, sembler de prime abord discriminatoire, étant donné que l’article 11, paragraphe 7, de l’InfrAG n’est applicable qu’à l’égard des conducteurs de véhicules étrangers.

93.      Toutefois, la différence de traitement prévue par cette disposition ne porte, selon moi, pas atteinte au principe consacré à l’article 18 TFUE. En effet, la jurisprudence de la Cour, y compris les arrêts auxquels fait référence le gouvernement autrichien, n’étayent pas les arguments invoqués par ce dernier sur ce point.

94.      Dans son arrêt Commission/Italie, la Cour a admis que, en cas d’infractions commises par des conducteurs étrangers, un État membre n’est a priori pas empêché de soumettre ces conducteurs à un traitement différent, sous réserve que ce traitement soit justifié par des circonstances objectives et qu’il soit proportionné à l’objectif qu’il poursuit (38). À la lumière de ce principe, la Cour a jugé que l’absence d’instruments conventionnels permettant d’assurer l’exécution d’une condamnation dans un État membre autre que celui où elle a été prononcée justifie objectivement une différence de traitement entre contrevenants résidents et non-résidents. L’obligation de versement d’une somme à titre de caution, imposée aux seuls contrevenants non‑résidents, a été considérée comme apte à empêcher que ces contrevenants non-résidents puissent se soustraire à une sanction effective en déclarant simplement qu’ils ne souhaitent pas consentir à la perception immédiate de l’amende. La Cour a néanmoins jugé que le montant de la caution n’était pas proportionné dans la mesure où il correspondait au double de la sanction prévue en cas de paiement immédiat. Ce montant avait pour effet d’inciter les conducteur étrangers à renoncer au délai de réflexion que leur octroie la loi pour décider s’ils procèdent au paiement ou s’ils contestent l’infraction alléguée devant les autorités administratives (39).

95.      Cet arrêt est, je le souligne, conforme à un grand nombre d’autres arrêts de la Cour. Par exemple, dans son arrêt Commission/Espagne (40), la Cour a jugé qu’une disposition imposant aux entreprises étrangères de constituer une caution pour exercer une activité économique donnée en Espagne n’était pas conforme aux règles du traité en matière de libre circulation. La Cour a jugé que cette règle était disproportionnée en ce qu’elle ne prenait pas en compte les éventuelles cautions susceptibles d’avoir été constituées par les entreprises en question dans leurs États membres d’origine. Il découle toutefois de cet arrêt que, en l’état actuel du développement des mécanismes de recouvrement transfrontalier des créances et d’exécution des jugements étrangers au sein de l’Union, une mesure moins contraignante aurait été susceptible d’être conforme au droit de l’Union (41).

96.      Plus récemment, dans l’arrêt Čepelnik (42), la Cour n’a pas jugé qu’une réglementation nationale exigeant la constitution d’une garantie en cas de violation présumée du droit national du travail par un prestataire de services établi dans un autre État membre est, en soi, incompatible avec l’article 56 TFUE, mais uniquement en raison de ses caractéristiques spécifiques. Bien que la caution devait être fournie par le destinataire des services, le montant effectif de la caution pouvait excéder, même de manière substantielle, le montant que cette partie devait, en principe, généralement payer au prestataire de services. La caution était également appliquée de manière automatique et inconditionnelle, sans tenir compte des spécificités propres à chaque prestataire de services, alors même qu’il était évident que tous les prestataires établis à l’étranger ne se trouvaient pas dans une situation similaire. La sanction dont la caution en question visait à garantir le paiement était, en outre, particulièrement sévère, y compris pour les infractions mineures (43).

97.      À la lumière de cette jurisprudence, je considère que la possibilité d’exiger la constitution d’une caution, telle que prévue à l’article 11, paragraphe 7, de l’InfrAG, n’est pas, en soi, incompatible avec le droit de l’Union. Il est exact que la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche sont parties à un accord bilatéral concernant la coopération judiciaire et administrative. Néanmoins, comme l’a souligné le gouvernement allemand, la République fédérale d’Allemagne n’a pas conclu d’accords similaires avec chacun des autres États membres de l’Union européenne.

98.      Toutefois, pour que cette mesure soit conforme au principe de proportionnalité et donc compatible avec l’article 18 TFUE, deux conditions doivent, selon moi, être remplies.

99.      Premièrement, l’exigence de constituer une caution ne doit pas être imposée de manière automatique à chaque contrevenant, mais uniquement dans les cas où il existe des raisons objectives de penser que, si le montant dû au titre de la vignette et de la sanction n’est pas payé immédiatement, il sera sans doute impossible ou extrêmement difficile pour les autorités de recouvrer ce montant à l’avenir. En effet, la Cour a jugé de manière constante que la poursuite d’infractions commises avec des véhicules immatriculés à l’étranger est susceptible d’entraîner des procédures plus complexes et plus coûteuses et donc de justifier des législations prévoyant une différence de traitement (44).

100. Toutefois, les autorités ne sauraient présumer la mauvaise foi de tout conducteur étranger qui ne serait pas en mesure de payer le montant dû sur place. Il ne peut être supposé que tous les conducteurs de véhicules étrangers qui commettent une infraction sont susceptibles de tenter de profiter des obstacles administratifs résultant de l’application transfrontalière de mesures d’exécution pour se soustraire à leur responsabilité (45).

101. En outre, l’application transfrontalière de sanctions et autres décisions administratives est devenue, au cours des dernières années, moins onéreuse et complexe pour les autorités des États membres, grâce à l’adoption d’un certain nombre d’instruments de l’Union tels que, notamment, la décision-cadre 2005/214/JAI (46) et la directive (UE) 2015/413 (47). En outre, comme l’a souligné le gouvernement autrichien, dans certains cas, les dispositions d’accords bilatéraux de coopération auxquels la République fédérale d’Allemagne est partie sont également susceptibles de s’appliquer.

102. Partant, les autorités des États membres ne sauraient considérer que, dans tous les cas de figure, des mesures transfrontalières d’exécution seraient nécessaires ni que ces mesures entraîneraient, le cas échéant, une charge financière ou administrative insupportable.

103. Sur ce point, le gouvernement allemand souligne que le libellé de l’article 11, paragraphe 7, de l’InfrAG précise clairement que si une infraction est constatée et que le montant dû par le contrevenant n’est pas payé immédiatement, la constitution d’une caution peut être exigée, mais qu’il n’existe aucune obligation en ce sens. À cet égard, le gouvernement allemand souligne que les autorités chargées d’appliquer cette disposition sont, de toute évidence, tenues de l’interpréter à la lumière du droit de l’Union, afin d’éviter toute violation éventuelle des règles du traité.

104. À ce sujet, il convient de rappeler que la Cour doit apprécier la portée des dispositions législatives, réglementaires et administratives telles qu’elles sont mises en œuvre en pratique (48), à la lumière de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales (49). Aucun élément produit par la requérante devant la Cour ne semble indiquer que les autorités administratives et judiciaires de la République fédérale d’Allemagne, si elles étaient invitées à interpréter et à appliquer l’article 11, paragraphe 7, de l’InfrAG, n’y procéderaient pas à la lumière des règles pertinentes de l’Union, de manière à garantir le respect du droit de l’Union (50).

105. Deuxièmement, il est, selon moi, nécessaire que le montant de la caution ne soit pas fixé à un tel niveau qui soit sans rapport raisonnable avec l’infraction commise ou qui soit susceptible de dissuader les conducteurs de véhicules étrangers d’exercer leurs droits de libre circulation en Allemagne. À cet égard, je fais observer que le montant de la caution est limité aux montants éventuellement dus (le montant dû au titre de la vignette et la sanction susceptible d’être infligée), augmentés des coûts de la procédure administrative.

106. Sur ce point, le dossier ne contient aucune indication concernant les montants probables de la sanction et des coûts de la procédure. En l’absence de tout élément concret, la Cour ne peut pas présumer simplement que le montant global sera nécessairement disproportionné, comme le laisse entendre le gouvernement autrichien.

107. En conclusion, je considère que le deuxième moyen doit également être rejeté.

C.      Sur le troisième moyen tiré d’une violation des articles 34 et 56 TFUE

1.      Arguments des parties

108. La République d’Autriche soutient que les mesures contestées constituent des restrictions à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation des services, en ce que ces mesures sont susceptibles d’avoir une incidence sur la fourniture transfrontalière de marchandises par des véhicules d’un poids total de moins de 3,5 tonnes et sur la prestation de services par des non-résidents ou même la fourniture de services à des non-résidents. Le gouvernement autrichien fait valoir ensuite que ces restrictions ne sauraient être justifiées.

109. La République fédérale d’Allemagne soutient, premièrement, que la redevance d’infrastructure ne constitue pas une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l’article 34 TFUE. À cet effet, elle renvoie notamment à l’arrêt Keck et Mithouard (51). En outre, l’exonération de taxe n’a – selon le gouvernement allemand – pas un caractère transfrontalier, étant donné qu’elle concerne uniquement les ressortissants allemands. Deuxièmement, le gouvernement allemand conteste le fait que la redevance d’infrastructure soit susceptible de donner lieu à une violation de la libre prestation des services. Le gouvernement allemand renvoie à cet égard à l’arrêt Mobistar et Belgacom Mobile (52).

2.      Appréciation

110. Les arguments invoqués par le gouvernement autrichien se rapportent, pour l’essentiel, exclusivement à la redevance d’infrastructure. En fait, l’on ne perçoit pas clairement quels pourraient être les effets transfrontaliers de l’exonération. Cette dernière mesure réduit simplement la taxe que les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne doivent payer. Toutefois, cette taxe n’est pas imposée ou susceptible d’être imposée aux propriétaires de véhicules immatriculés dans d’autres États membres et il n’est pas non plus allégué que la taxe sur les véhicules automobiles est de facto discriminatoire et que, par conséquent, elle viole l’article 110 TFUE (53).

111. Partant, mon analyse se concentrera, à cet égard, principalement sur le point de savoir si la redevance d’infrastructure viole les articles 34 et 56 TFUE.

112. Au préalable, il convient cependant de formuler une remarque liminaire. Il est souvent allégué que, lorsqu’une mesure nationale est, de prime abord, susceptible d’affecter au moins deux libertés du marché intérieur, la Cour peut examiner la conformité de la mesure en question uniquement au regard de la liberté principalement affectée, en ne se prononçant pas sur la conformité de cette mesure au regard de l’autre ou des autres libertés qui apparaissent comme étant purement secondaires (54).

113. Selon moi, cette approche – qui est justifiée principalement par des raisons d’économie de la procédure – peut être légitime dans le cadre d’une procédure préjudicielle. J’ai davantage de doutes sur le fait que cette approche devrait être retenue dans le cadre d’un recours direct, au titre duquel la Cour doit examiner, en principe, tous les moyens invoqués par le requérant. Notamment, il me semble que, dans le cadre de procédures en manquement, il est possible de ne pas tenir compte d’un moyen uniquement si la violation alléguée est une conséquence inévitable d’une violation déjà constatée par la Cour ou lorsque ce moyen a été invoqué à titre subsidiaire par rapport à un moyen qui a été jugé fondé (55).

114. En tout état de cause, en considération des arguments invoqués par la République d’Autriche, il me semble que, en l’espèce, la Cour doit examiner la violation alléguée au regard des deux libertés invoquées.

a)      La libre circulation des marchandises

115. Le gouvernement autrichien soutient en substance que la redevance d’infrastructure est une mesure d’effet équivalent qui ne peut être justifiée, en violation de l’article 34 TFUE.

116. Tout d’abord, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, toute mesure susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce au sein de l’Union doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 34 TFUE (56). Partant, les entraves à la libre circulation des marchandises résultant de l’application à des marchandises en provenance d’autres États membres, où elles sont légalement fabriquées et commercialisées, de règles relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises constituent des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives, même si ces règles sont indistinctement applicables à tous les produits (57). En revanche, l’application à des produits en provenance d’autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente n’est pas susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres, pour autant que ces dispositions s’appliquent à tous les opérateurs concernés et qu’elles soient, en fait et en droit, non discriminatoires (58).

117. Dans ce contexte, je ne souscris pas à l’affirmation du gouvernement allemand selon laquelle la redevance d’infrastructure, dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un effet sur la distribution de marchandises en Allemagne, devrait être considérée comme une « modalité de vente » au sens de la jurisprudence Keck.

118. La notion de « modalités de vente » couvre uniquement les règles nationales qui concernent les « modalités selon lesquelles les produits peuvent être vendus » (59). En d’autres termes, cette notion englobe les mesures réglementant la manière selon laquelle les produits peuvent être commercialisés (notamment, à quel moment, où, comment et par qui) (60). Cette notion ne devrait pas être étendue aux règles concernant la manière dont les marchandises sont susceptibles d’être transportées. L’expérience montre que les modalités de vente, sous réserve qu’elles ne soient pas discriminatoires, n’entravent généralement pas l’accès de produits importés au marché d’un État membre. À l’inverse, le fait de limiter la manière dont les marchandises sont susceptibles d’être transportées a un effet plus direct sur le commerce transfrontalier des marchandises en rendant les opérations d’importation et d’exportation plus difficiles, voire impossibles à réaliser d’un point de vue technique, économique ou pratique. Selon moi, les règles nationales en matière de transport ne sont, à certains égards, pas différentes de règles nationales relatives à l’usage, concernant lesquelles la Cour a refusé d’étendre le principe Keck (61). Cela est confirmé par un grand nombre d’affaires dans lesquelles la Cour a examiné la conformité à l’article 34 TFUE de mesures nationales limitant le transport des marchandises, en considération de la jurisprudence traditionnelle Dassonville et Cassis de Dijon (62).

119. Toutefois, cela ne signifie pas que la redevance d’infrastructure devrait être considérée comme une mesure d’effet équivalent.

120. Il convient de rappeler, premièrement, que la République fédérale d’Allemagne a déjà mis en place un système de péage autoroutier pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes. La redevance d’infrastructure qui fait l’objet de la présente procédure ne concerne donc que les véhicules de moins de 3,5 tonnes. Cette redevance porte, en conséquence, principalement sur les voitures particulières, les autocars et les petits fourgons et, il convient à nouveau de le souligner, elle s’applique indistinctement, à la fois, aux véhicules nationaux et aux véhicules étrangers.

121. Néanmoins, le gouvernement autrichien soutient que certains produits en provenance d’autres États membres peuvent être exportés en Allemagne au moyen de voitures particulières ou de petits fourgons et que, par conséquent, le commerce transfrontalier est susceptible d’être affecté.

122. En réalité, il ne saurait être exclu que certains produits puissent parfois être transportés en Allemagne, depuis leur lieu de production, d’importation, de stockage ou simplement depuis un autre lieu où ils sont commercialisés à l’étranger, au moyen de voitures particulières ou de petits fourgons. Toutefois, cela ne suffit pas pour considérer que la redevance d’infrastructure constitue une mesure d’effet équivalent.

123. À cet égard, je rappelle que, dans le cadre d’une jurisprudence constante, la Cour a jugé que les mesures nationales dont les effets restrictifs étaient « trop aléatoires et indirects », « simplement hypothétiques » ou « trop insignifiants et aléatoires » ne portent pas atteinte à l’article 34 TFUE (63). Cela vaut notamment en ce qui concerne les mesures qui ne font « aucune distinction selon l’origine des marchandises transportées » et qui n’ont « pas pour objet de régir les échanges de marchandises avec les autres États membres » (64).

124. Cela me semble être le cas en ce qui concerne la redevance d’infrastructure en l’espèce, qui est une mesure qui ne vise en aucun cas à réglementer le commerce : elle s’applique indistinctement à tout véhicule en transit sur le réseau autoroutier allemand, sans tenir compte du but privé ou commercial du voyage et indépendamment de l’origine du véhicule et des marchandises éventuellement transportées. Le nombre de produits importés, susceptibles d’être affectés, est probablement restreint et l’éventuelle hausse des prix de ces produits encore plus limitée, étant donné que la redevance d’infrastructure est susceptible de constituer une fraction particulièrement réduite des coûts globaux de transport.

125. Les éléments du dossier ne permettent, selon moi, pas de tirer une autre conclusion, notamment étant donné que la République d’Autriche n’a pas fourni la moindre preuve (estimations, études, exemples, etc.) en ce qui concerne l’incidence éventuelle de la redevance d’infrastructure sur le commerce transfrontalier. En réalité, le gouvernement autrichien demande à la Cour de statuer dans cette affaire sur la base d’une simple supposition, nonobstant le fait que, en tant que requérant, il est tenu de supporter la charge de la preuve.

b)      La libre prestation des services

126. Le gouvernement autrichien considère que la redevance d’infrastructure porte également atteinte à l’article 56 TFUE, dans la mesure où elle rend plus onéreux, tant pour les prestataires de services étrangers que pour les consommateurs nationaux, le fait de circuler en Allemagne.

127. D’emblée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, doivent être considérées comme des restrictions à la libre prestation des services toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté. En outre, l’article 56 TFUE confère des droits non seulement au prestataire de services lui-même, mais également au destinataire de ces services (65).

128. Toutefois, la Cour a jugé de manière constante que ne sont pas visées par l’article 56 TFUE des mesures nationales dont le seul effet est d’engendrer des coûts supplémentaires pour la prestation en cause et qui affectent de la même manière la prestation de services entre États membres et celle interne à un État membre (66).

129. Cela est susceptible d’être le cas, en particulier, de taxes et autres types de redevances que les autorités nationales peuvent introduire dans l’exercice de leurs compétences en matière de taxation ou de politique économique. Étant donné que ces taxes et redevances ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires et que leur montant est faible par rapport aux services concernés, il ne saurait être considéré qu’elles sont susceptibles d’entraver l’accès au marché de l’État membre en question (67).

130. Il est exact que, par le passé, les conducteurs de voitures particulières, d’autocars ou de petits fourgons immatriculés à l’étranger pouvaient accéder gratuitement au réseau autoroutier allemand. Toutefois, la Cour a jugé de manière constante que les dispositions de l’Union en matière de libre circulation n’autorisent pas les opérateurs économiques à placer leur confiance dans l’absence de modification législative (68). De simples modifications des lois nationales, pour autant que ces modifications ne soient pas discriminatoires, ou de simples disparités entre les lois nationales de différents États membres, sous réserve que ces disparités n’entravent pas l’accès au marché d’un État membre, ne sont pas suffisantes pour déclencher l’application des règles du traité en matière de libre circulation, même si ces modifications ou disparités sont susceptibles d’avoir une incidence négative sur la décision d’opérateurs économiques de l’Union d’exercer leurs droits de libre circulation (69).

131. Dans ce contexte et en l’absence de toute information ou preuve concrète produite par la requérante, la Cour ne saurait simplement présumer que l’introduction d’une redevance du type et du montant de la redevance d’infrastructure en cause dissuaderait inévitablement les prestataires de services établis à l’étranger de fournir des services en Allemagne ou découragerait les particuliers résidant en Allemagne de se rendre à l’étranger à des fins similaires.

132. Ainsi que je l’ai mentionné au point 124 ci-dessus, la redevance d’infrastructure s’applique indistinctement à tout véhicule en transit sur le réseau autoroutier allemand, sans tenir compte du but privé ou commercial du voyage et indépendamment de l’origine du véhicule. Sur la base des informations à la disposition de la Cour, le coût de la vignette apparaît comme étant conforme aux prix pratiqués dans d’autres États membres de l’Union (y compris la République d’Autriche) et il ne peut guère être considéré comme disproportionné par rapport au service reçu (l’accès illimité au réseau autoroutier allemand). Tout effet sur la libre circulation des services semble donc aléatoire ou, au mieux, indirect. En d’autres termes, aucun élément ne permet d’indiquer l’existence d’une entrave à l’accès au marché.

133. À la lumière des éléments qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les éventuelles justifications invoquées par le gouvernement allemand.

D.      Sur le quatrième moyen tiré d’une violation de l’article 92 TFUE

1.      Arguments des parties

134. Par son quatrième et dernier moyen, la République d’Autriche soutient que les mesures en cause violent l’article 92 TFUE, en ce que ces mesures s’appliquent aux transports commerciaux par autobus ou aux transports de marchandises par véhicules automobiles de moins de 3,5 tonnes. Le gouvernement autrichien souligne que l’article 92 TFUE ne prévoit pas de possibilité de justification, de sorte que la nature discriminatoire des mesures en cause les rend incompatibles avec cette disposition. Le gouvernement autrichien fait référence, à cet égard, à l’arrêt Commission/Allemagne.

135. Pour sa part, la République fédérale d’Allemagne considère ce moyen comme non fondé. Le gouvernement allemand fait valoir que l’article 92 TFUE ne saurait être interprété comme une disposition au champ d’application étendu, excluant toute modification de la législation nationale susceptible d’affecter le transport routier. Le gouvernement allemand mentionne également l’adoption, après le prononcé de l’arrêt Commission/Allemagne, d’actes législatifs importants et, en particulier, de la directive Eurovignette. L’article 7, paragraphe 1, et l’article 7 duodecies de cette directive autoriseraient explicitement l’adoption de mesures telles que celles en cause.

2.      Appréciation

136. Conformément à l’article 92 TFUE, « [j]usqu’à l’établissement des dispositions visées à l’article 91, paragraphe 1, et sauf adoption à l’unanimité par le Conseil d’une mesure accordant une dérogation, aucun des États membres ne peut rendre moins favorables, dans leur effet direct ou indirect à l’égard des transporteurs des autres États membres par rapport aux transporteurs nationaux, les dispositions diverses régissant la matière au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, à la date de leur adhésion ».

137. L’article 91, paragraphe 1, TFUE constitue, quant à lui, le fondement pour l’adoption de mesures visant à mettre en œuvre la politique commune en matière de transport et, notamment, des dispositions fixant « des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs États membres », « les conditions d’admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux dans un État membre » et « les mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports ».

138. L’article 92 TFUE (ou ses prédécesseurs, initialement, l’article 76 CEE, puis l’article 72 CE) est une disposition qui n’a guère été interprétée par la Cour et qui a été appliquée très rarement par le Conseil. La présente affaire donne donc à la Cour l’occasion de préciser l’étendue et le sens de cette disposition.

139. Le transport fait l’objet d’une politique commune qui implique l’existence de règles spécifiques susceptibles parfois de déroger ou, à tout le moins, de présenter des différences par rapport aux règles réglementant d’autres activités. Il existait un grand nombre de raisons pour lesquelles les États membres ont estimé, lors de l’élaboration des traités instituant alors les Communautés, que le transport présentait certaines particularités nécessitant un régime spécifique (70). Il a été notamment considéré qu’il existait des divergences importantes dans la manière dont les services de transport étaient réglementés au niveau des États membres, un facteur qui, à la lumière du caractère sensible du sujet, exigeait une approche prudente et graduelle dans l’établissement d’une politique commune (71).

140. C’est la raison pour laquelle il était important, préalablement, d’empêcher les États membres d’affaiblir ce processus en introduisant de nouvelles règles favorisant les carrières nationales par rapport aux carrières étrangères. Cela aurait, en réalité, creusé l’écart entre les régimes des différents États membres et cela aurait été en contradiction avec l’esprit même de la future politique. L’article 76 CEE alors en vigueur (devenu l’article 92 TFUE) a donc été conçu dans ce but précis : il imposait une obligation de standstill aux États membres jusqu’à ce que la Communauté (à présent, l’Union européenne) ait adopté des règles communes. À cet égard, il convient de ne pas perdre de vue que, actuellement comme à l’époque, l’interdiction générale des restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union, consacrée à l’article 56 TFUE (qui était alors l’article 59 CEE), n’est pas applicable au domaine des transports, conformément à l’article 58, paragraphe 1, TFUE (qui était alors l’article 61, paragraphe 1, CEE).

141. Au regard de cette genèse, les arguments invoqués par le gouvernement autrichien au soutien d’une violation de l’article 92 TFUE ne sont pas convaincants.

142. Tout d’abord, l’article 92 TFUE n’est, selon toute vraisemblance, plus applicable en ce qui concerne des mesures telles que celles en cause. Il n’est pas surprenant que cette disposition ait été très rarement appliquée par le passé et qu’elle n’a, depuis très longtemps, plus été appliquée : l’article 76 CEE alors en vigueur était conçu, dès le départ, comme une règle de nature transitoire dont le champ d’application allait progressivement se réduire (72). En effet, le libellé de la disposition indique explicitement que cette disposition s’applique seulement « jusqu’à l’établissement des dispositions visées à l’article 91, paragraphe 1[, TFUE] ». En réalité, après l’établissement de règles communes qui couvrent tous les modes de transport (air, route, rail, mer et voies navigables intérieures), certains commentateurs se sont demandés si cette disposition n’était pas devenue largement obsolète (73).

143. Cela vaut, selon moi, principalement pour le transport routier. En effet, plusieurs mesures de l’Union visant à instaurer une politique commune dans ce secteur ont été adoptées, en particulier à la fin des années 80 et au début des années 90 (74). Au cours de ces années, le législateur de l’Union a, aux fins de mettre en œuvre (ce qui est devenu) l’article 91, paragraphe 1, TFUE, prévu notamment la libre négociation des tarifs entre les parties contractantes à compter de janvier 1990, la suppression des quotas à compter de janvier 1993, l’introduction d’une procédure d’autorisation pour toute la Communauté pour les transporteurs routiers de marchandises également à compter de janvier 1993, l’instauration de règles communes pour le transport international de voyageurs par autocars et autobus ainsi que la mise en place du cabotage en différentes phases (75).

144. À l’heure actuelle, ainsi que l’avis 2/15 l’a récemment confirmé, le secteur du transport routier est largement couvert par la législation de l’Union (76). En particulier, la législation de l’Union comprend des règles communes quant à l’accès à la profession et au marché. Elle définit des normes minimales en ce qui concerne le temps de travail, le temps de conduite et la période de repos pour le transport routier professionnel et elle fixe un montant minimal pour les taxes annuelles sur les véhicules ainsi que des règles communes pour les péages et droits d’usage pour les poids lourds (77).

145. Le dernier de ces aspects est particulièrement pertinent dans le cadre de la présente procédure. En effet, la directive Eurovignette fixe des règles communes en ce qui concerne les péages calculés en fonction de la distance et les droits d’usage (vignettes) déterminés selon la durée, pour les poids lourds, s’agissant de l’utilisation de certaines infrastructures. Ces règles stipulent que les coûts de construction, d’exploitation et de développement des infrastructures peuvent être financés par des péages et vignettes à la charge des usagers de la route.

146. Toutefois, le législateur a décidé de limiter pour le moment le rapprochement des dispositions législatives des États membres dans ce domaine aux seuls véhicules de plus de 3,5 tonnes (78). L’article 7, paragraphe 1, de la directive Eurovignette précise que, sous certaines conditions, « les États membres peuvent maintenir ou introduire des péages et/ou des droits d’usage sur le réseau routier transeuropéen ou sur certains tronçons dudit réseau, ainsi que sur tout autre tronçon de leur réseau d’autoroutes qui ne fait pas partie du réseau routier transeuropéen ». Les États membres ont, en principe, le droit d’« appliquer des péages et/ou des droits d’usage sur d’autres axes routiers, pour autant que la perception de péages et/ou de droits d’usage sur ces autres axes ne présente pas de caractère discriminatoire à l’égard du trafic international et n’entraîne pas de distorsion de concurrence entre les opérateurs ». Cette disposition devrait être lue à la lumière du considérant 9 de la directive 2011/76/UE (79), selon lequel cette directive « ne fait pas obstacle à l’application, par les États membres, de règles nationales relatives à la taxation d’autres usagers de la route ne rentrant pas dans son champ d’application ». En outre, l’article 7 duodecies de la directive Eurovignette autorise explicitement les États membres qui mettent en place un système de droits d’usage pour les infrastructures à accorder une compensation adéquate pour cette taxation.

147. Il ne pourrait être affirmé – comme le laissent entendre les écritures du gouvernement autrichien – que, nonobstant le grand nombre d’actes législatifs adoptés par l’Union européenne en vertu de l’article 91 TFUE dans le domaine du transport routier et malgré les règles spécifiques prévues par la directive Eurovignette, aucun État membre n’est autorisé à mettre en place un système de péages ou de droits d’usage pour l’utilisation de son réseau autoroutier pour les véhicules ne relevant pas de la directive Eurovignette tant que le législateur de l’Union n’a pas réglementé cet aspect. De même, lorsqu’un État membre procède de la sorte, il ne peut réduire la taxation liée aux véhicules automobiles aux fins de compenser les nouvelles redevances.

148. Cette conclusion serait, en plus d’être difficilement conciliable avec le libellé même de la directive Eurovignette, également contraire à deux principes largement admis en matière de politique de transport de l’Union : les coûts liés à l’utilisation des infrastructures de transport devraient être basés sur les principes de l’« utilisateur-payeur » et du « pollueur-payeur » (80). Il s’agirait également d’une conclusion illogique, car il en découlerait que tous les États membres qui ont mis en place ces systèmes après le 1er janvier 1958 (ou après la date de leur adhésion à la Communauté/Union) ont violé et continuent de violer l’article 92 TFUE.

149. Au soutien de son affirmation, le gouvernement autrichien fait référence à l’arrêt Commission/Allemagne.

150. Néanmoins, à mon sens, la conclusion à laquelle la Cour est parvenue dans cette affaire ne pourrait aisément être transposée dans le cadre de la présente procédure. En effet, le recours a été introduit dans cette affaire en 1990, à une date à laquelle la plupart des mesures exigeant la mise en œuvre d’une politique commune dans le domaine du transport routier n’avaient pas été adoptées ou devaient encore être transposées au niveau national, y compris – et tout particulièrement – la directive Eurovignette. Toutefois, les « dispositions visées à l’article 91, paragraphe 1[, TFUE] » ont, à présent, été finalement adoptées, y compris des règles spécifiques sur la répartition des coûts pour les infrastructures de transport.

151. En tout état de cause, même si l’article 92 TFUE devait toujours être applicable, le gouvernement autrichien n’a pas expliqué à suffisance de droit comment une mesure qui concerne seulement des véhicules de moins de 3,5 tonnes serait susceptible d’avoir un réel impact sur les transporteurs étrangers et il n’a pas non plus fourni la moindre preuve à cet égard. Sur ce point également, le gouvernement autrichien demande en substance à la Cour de statuer sur la base d’une supposition. Toutefois, comme cela est mentionné au point 78 ci-dessus, dans le cadre d’une procédure intentée en vertu de l’article 259 TFUE, le requérant est tenu de prouver les manquements allégués sans se fonder sur une présomption quelconque.

152. Pour toutes les raisons qui précèdent, je considère qu’il convient également de rejeter le quatrième moyen.

V.      Dépens

153. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, et à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, je considère que la République d’Autriche doit supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la République fédérale d’Allemagne et que le Royaume de Danemark et le Royaume des Pays-Bas doivent supporter leurs propres dépens.

VI.    Conclusion

154. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République d’Autriche à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la République fédérale d’Allemagne ;

–        condamner le Royaume de Danemark et le Royaume des Pays-Bas à supporter leurs propres dépens.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Les deux mesures seront désignées ci-après par l’expression « les mesures en cause ».


3      JO 1999, L 187, p. 42.


4      BGBl. I, p. 904.


5      BGBl. I, p. 1218.


6      BGBl. I, p. 1206.


7      BGBl. I, p. 3818.


8      BGBl. I, p. 901.


9      BGBl. I, p. 1493.


10      Directive du Conseil du 28 mars 1983 relative aux franchises fiscales applicables à l’intérieur de la Communauté en matière d’importation temporaire de certains moyens de transport (JO 1983, L 105, p. 59).


11      Voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a./Hauptzollamt Hamburg-St. Annen (117/76 et 16/77, EU:C:1977:160, point 7). Voir également article 20 de la Charte.


12      Voir arrêt du 2 octobre 2003, Garcia Avello (C‑148/02, EU:C:2003:539, point 31 et jurisprudence citée).


13      Voir article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23).


14      Voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Feryn (C‑54/07, EU:C:2008:397, points 23 à 25), et du 25 avril 2013, Asociația Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, point 36).


15      Voir arrêt du 19 juillet 2017, Abercrombie & Fitch Italia (C‑143/16, EU:C:2017:566, point 25 et jurisprudence citée).


16      Arrêt du 19 mai 1992, Commission/Allemagne (C‑195/90, ci‑après l’« arrêt Commission/Allemagne, EU:C:1992:219 »).


17      En ce qui concerne l’article 92 TFUE plus généralement, voir ci-après points 134 à 152 des présentes conclusions.


18      Sur ce point, voir analyse exposée dans les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Commission/Allemagne (C‑195/90, non publiées, EU:C:1992:123, points 14 à 21).


19      A fortiori, le fait que les propriétaires de véhicules de la classe d’émission Euro 6 bénéficient d’une exonération de redevance d’un montant supérieur à celui acquitté pour la vignette annuelle est sans incidence à cet égard.


20      Par exemple, l’utilisation du pont Vasco de Gama au Portugal et du pont de l’Øresund entre la Suède et le Danemark est soumise à un péage, alors que cela n’est pas le cas de l’utilisation du « Pont des Chaînes Széchenyi » à Budapest. De même, l’utilisation du tunnel routier de l’Arlberg en Autriche et du tunnel routier de Fréjus entre l’Italie et la France est soumise à un péage, alors que cela n’est pas le cas de l’utilisation du tunnel du Gran Sasso en Italie.


21      Par exemple, le dôme du Reichstag à Berlin, le British Museum à Londres, la cathédrale Notre‑Dame à Paris, le Panthéon à Rome et les jardins du château de Schönbrunn à Vienne peuvent être visités gratuitement, alors qu’une visite au musée Van Gogh à Amsterdam, à l’acropole à Athènes, au Prado à Madrid ou à la basilique Saint-Marc à Venise est généralement soumise à un droit d’entrée.


22      Voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2004, Lindfors (C‑365/02, EU:C:2004:449, point 34 et jurisprudence citée). Plus généralement, voir également arrêt du 16 janvier 2003, Commission/Italie (C‑388/01, EU:C:2003:30).


23      Voir point 36 des présentes conclusions.


24      Je fais observer que cette compensation est explicitement autorisée par l’article 7 duodecies de la directive Eurovignette. Bien que cette disposition ne soit pas directement applicable à la présente affaire, elle peut être considérée comme l’expression d’un principe qui doit également s’appliquer en l’espèce.


25      Les lecteurs attentifs auront reconnu une paraphrase du début du « Manifeste du Parti communiste », publié en 1848 par les philosophes Karl Marx et Friedrich Engels. La référence initiale renvoyait, de toute évidence, au communisme. En aucun cas, je ne sous-entends cependant que les deux phénomènes devraient être considérés comme similaires.


26      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Van Gerven dans les affaires jointes Jackson et Cresswell (C‑63/91 et C‑64/91, non publiées, EU:C:1992:212, points 15 et suivants).


27      Voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017 (Commission/Royaume-Uni, C‑502/15, non publié, EU:C:2017:334, point 25 et jurisprudence citée).


28      Voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2012, Hongrie/Slovaquie (C‑364/10, EU:C:2012:630, points 56 à 61).


29      Voir, notamment, arrêt du 16 septembre 2004, Commission/Espagne (C‑227/01, EU:C:2004:528, point 58).


30      En doctrine, voir Sanchez-Graells, A., « Assessing the Public Administration’s Intention in EU Economic Law : Chasing Ghosts ou Dressing Windows ? », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, 2016, p. 111 et 112 et références citées.


31      Un système de péage pour les poids lourds a déjà été mis en place.


32      Arrêt du 19 mars 2002, Commission/Italie (C‑224/00, ci-après l’« arrêt Commission/Italie », EU:C:2002:185).


33      Voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, Commission/Bulgarie (C‑97/17, EU:C:2018:285, point 69 et jurisprudence citée).


34      Lors de l’audience, le gouvernement autrichien a également soutenu qu’il existe une autre raison pour laquelle la redevance d’infrastructure est, du fait de son économie générale, discriminatoire. Le gouvernement autrichien fait valoir que, au regard des différentes manières dont la redevance d’infrastructure doit être acquittée, cette redevance devrait être considérée comme donnant lieu, en pratique, à deux mesures distinctes : une taxe pour les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne et un droit d’usage pour les conducteurs de véhicules étrangers. Toutefois, cet argument n’a été ni clairement expliqué ni explicitement inclus dans la demande du gouvernement autrichien. Je le considère donc comme manifestement irrecevable.


35      En l’absence de règles communes réglementant une question spécifique, les États membres demeurent compétents pour infliger des sanctions en cas de violation d’obligations découlant de la législation nationale. Toutefois, les États membres ne sauraient infliger une sanction si disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction qu’elle deviendrait une entrave à des libertés consacrées par les traités. Voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 1976, Watson et Belmann (118/75, EU:C:1976:106, point 21), et du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C‑193/94, EU:C:1996:70, point 36).


36      Voir, par analogie, mes conclusions dans l’affaire Vámos (C‑566/16, EU:C:2017:895, points 57 et 58), confirmées par l’arrêt du 17 mai 2018, Vámos (C‑566/16, EU:C:2018:321, point 42).


37      Ce cas de figure est, selon moi, similaire à celui dans lequel se trouve un conducteur qui perd le ticket qu’il a reçu à l’entrée d’une autoroute. Dans ce cas, le conducteur est normalement tenu de payer le péage correspondant au plus long itinéraire possible sur cette autoroute.


38      Voir point 20 de cet arrêt.


39      Voir points 21 à 29 de cet arrêt.


40      Arrêt du 26 janvier 2006 (C‑514/03, EU:C:2006:63).


41      Voir points 41 à 44 de cet arrêt.


42      Arrêt du 13 novembre 2018 (C‑33/17, EU:C:2018:896).


43      Voir points 46 à 48 de cet arrêt. Voir également mes conclusions dans la même affaire (C‑33/17, EU:C:2018:311, points 100, 101et 107).


44      Voir conclusions de l’avocat général Stix-Hackl dans l’affaire Commission/Italie (C‑224/00, EU:C:2001:671, points 31 et suivants, et jurisprudence citée).


45      Voir, en ce sens, arrêts du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2004:138, points 51 et 52) ; du 9 novembre 2006, Commission/Belgique (C‑433/04, EU:C:2006:702, points 35 à 38) ; du 7 septembre 2017, Eqiom et Enka (C‑6/16, EU:C:2017:641, point 31), et du 20 décembre 2017, Deister Holding et Juhler Holding (C‑504/16 et C‑613/16, EU:C:2017:1009, point 61).


46      Décision-cadre du Conseil du 24 février 2005 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires (JO 2005, L 76, p. 16).


47      Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015 facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière (JO 2015, L 68, p. 9).


48      Voir, notamment, arrêt du 27 novembre 2003, Commission/Finlande (C‑185/00, EU:C:2003:639, point 109).


49      Voir, notamment, arrêt du 10 juillet 1986, Commission/Italie (235/84, EU:C:1986:303, point 14).


50      Voir, par analogie, arrêt du 29 mai 1997, Commission/Royaume-Uni (C‑300/95, EU:C:1997:255, point 38).


51      Arrêt du 24 novembre 1993 (C‑267/91 et C‑268/91, ci-après l’« arrêt Keck, EU:C:1993:905 »).


52      Arrêt du 8 septembre 2005 (C‑544/03 et C‑545/03, EU:C:2005:518).


53      La Cour a itérativement jugé que les champs d’application des articles 34 et 110 TFUE sont mutuellement exclusifs. Il ressort d’une jurisprudence constante que le champ d’application de l’article 34 TFUE ne comprend pas les entraves visées par d’autres dispositions spécifiques et que les entraves de nature fiscale visées à l’article 110 TFUE ne relèvent pas de l’interdiction prévue à l’article 34 TFUE (voir, notamment, arrêt Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:219, point 33).


54      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2018:971, points 43 à 50).


55      Voir, notamment, arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, points 168 à 173), et du 20 octobre 2011, Commission/France (C‑549/09, non publié, EU:C:2011:672, point 48).


56      Voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville (8/74, ci-après l’« arrêt Dassonville, EU:C:1974:82, point 5 »), et du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, point 31).


57      Voir, en ce sens, arrêts du 20 février 1979, Rewe/Bundesmonopolverwaltung für Branntwein (120/78, ci-après l’« arrêt Cassis de Dijon, EU:C:1979:42, points 6, 14 et 15 »), et du 10 février 2009, Commission/Italie (C‑110/05, ci-après l’« arrêt Trailers, EU:C:2009:66, point 35 »).


58      Voir arrêts Keck, points 16 et 17, et Trailers, point 36.


59      Voir arrêt du 30 avril 2009, Fachverband der Buch- und Medienwirtschaft (C‑531/07, EU:C:2009:276, point 20).


60      Voir arrêts du 12 novembre 2015, Visnapuu (C‑198/14, EU:C:2015:751), et du 21 septembre 2016, Etablissements Fr. Colruyt (C‑221/15, EU:C:2016:704). Voir également conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Deutsche Parkinson Vereinigung (C‑148/15, EU:C:2016:394, points 20 et suivants).


61      Voir arrêt Trailers, points 37, 56 et suivants.


62      Voir, notamment, arrêts du 12 juin 2003, Schmidberger (C‑112/00, EU:C:2003:333) ; du 15 novembre 2005, Commission/Autriche (C‑320/03, EU:C:2005:684), et du 21 décembre 2011, Commission/Autriche (C‑28/09, EU:C:2011:854).


63      Voir, notamment, arrêts du 7 mars 1990, Krantz (C‑69/88, EU:C:1990:97, point 11) ; du 5 octobre 1994, Centre d’insémination de la Crespelle (C‑323/93, EU:C:1994:368 ; point 36) ; du 3 décembre 1998, Bluhme (C‑67/97, EU:C:1998:584, point 22), et du 26 mai 2005, Burmanjer e.a. (C‑20/03, EU:C:2005:307, point 31).


64      Voir arrêts du 18 juin 1998, Corsica Ferries France (C‑266/96, EU:C:1998:306, point 31) ; du 14 juillet 1994, Peralta (C‑379/92, EU:C:1994:296, point 24), et du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto (C‑96/94, EU:C:1995:308, point 41).


65      Arrêt du 13 novembre 2018, Čepelnik (C‑33/17, EU:C:2018:896, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée).


66      Voir, notamment, arrêts du 8 septembre 2005, Mobistar et Belgacom Mobile (C‑544/03 et C‑545/03, EU:C:2005:518, point 31) ; du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 36), et du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank (C‑625/17, EU:C:2018:939, point 32).


67      Voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2005, Viacom Outdoor (C‑134/03, EU:C:2005:94, points 37 à 39), et, par analogie, du 1er juin 2006, innoventif (C‑453/04, EU:C:2006:361, points 37 à 40). Voir également conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Viacom Outdoor (C‑134/03, EU:C:2004:676, points 58 à 67), et mes conclusions dans l’affaire Global Starnet (C‑322/16, EU:C:2017:442, points 26 à 29).


68      Voir arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 78 et jurisprudence citée).


69      Voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Weigel (C‑387/01, EU:C:2004:256, point 55). Voir également conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire CaixaBank France (C‑442/02, EU:C:2004:187, point 58).


70      Voir Aussant, J., Fornasier, R., « La Politique Commune des Transports », in Commentaire Megret – Le Droit de la CEE, vol. 3, 2e éd., 1990, p. 195 à 197.


71      Voir, de manière générale, Robert, J., « Doubts on a Common Transport Policy », 1967, Common Market Law Review, vol. 5, p. 193 et suivantes.


72      Voir Aussant, J., Fornasier, R., cités à la note 69 des présentes conclusions, p. 216.


73      Voir, notamment, Grand, L., « Comment to Article 72 CE », dans Pingel, I. (éd.), Commentaire article par article des traités UE et CE, 2e édition, Dalloz, Paris, 2010, p. 667 et 668. Dans le même sens, Balducci Romano, F., « Comment to Article 92 TFEU », dans Curti Gialdino, C., Codice dell’Unione Europea Operativo, Simone, Napoli, 2012, p. 962 et 963.


74      La raison en est que, au milieu des années 80, la Cour a fait droit au recours en carence introduit par le Parlement à l’encontre du Conseil pour s’être abstenu d’instaurer une politique commune en matière de transport (voir arrêt du 22 mai 1985, Parlement/Conseil, 13/83, EU:C:1985:220).


75      Respectivement, règlement (CEE) no 4058/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif à la formation des prix pour les transports de marchandises par route entre les États membres (JO 1989, L 390, p. 1) ; règlement (CEE) no 1841/88 du Conseil, du 21 juin 1988, modifiant le règlement (CEE) no 3164/76 relatif au contingent communautaire pour les transports de marchandises par route effectués entre États membres (JO 1988, L 163, p. 1) ; règlement (CEE) no 881/92 du Conseil, du 26 mars 1992, concernant l’accès au marché des transports de marchandises par route dans la Communauté exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs États membres (JO 1992, L 95, p. 1) ; règlement (CEE) no 684/92 du Conseil, du 16 mars 1992, établissant des règles communes pour les transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus (JO 1992, L 74, p. 1), et règlement (CEE) no 3118/93 du Conseil, du 25 octobre 1993, fixant les conditions de l’admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre (JO 1993, L 279, p. 1).


76      Avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour) du 16 mai 2017 (EU:C:2017:376, points 204 à 212). Voir également conclusions de l’avocate générale Sharpston dans la même affaire (EU:C:2016:992, points 260 à 267).


77      Pour un aperçu relativement récent de la législation existante, avec des références aux différents instruments juridiques actuellement en vigueur, voir rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’état du marché du transport routier dans l’Union européenne, 14 avril 2014 [COM(2014) 222 final].


78      Voir considérant 5 de la directive Eurovignette.


79      Directive du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011 modifiant la directive 1999/62/CE (JO 2011, L 269, p. 1).


80      Voir, notamment, considérant 3 de la directive 2011/76 et livre blanc de Commission européenne, intitulé « Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources » [COM(2011) 144 final], point 58.