Language of document : ECLI:EU:T:2019:19

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

17 janvier 2019 (*)

« Marchés publics de services – Procédure négociée – Offre économiquement la plus avantageuse – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Marge d’appréciation du pouvoir adjudicateur – Légalité de la méthode d’évaluation – Principe de bonne gestion financière »

Dans l’affaire T‑117/17,

Proximus SA/NV, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me B. Schutyser, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes A. Jaume et S. Cholakova, en qualité d’agents, assistées de Mes P. de Bandt, P. Teerlinck et M. Gherghinaru, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du Conseil du 23 décembre 2016 d’attribuer à un autre soumissionnaire le contrat-cadre de prestations de services en matière de cybersécurité [confidentiel] (1),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le Conseil de l’Union européenne a invité, par lettre du 28 juillet 2016, des soumissionnaires à participer à une procédure négociée de passation de marché, prévue à l’article 104, paragraphe 1, sous d), du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), et à l’article 134, paragraphe 1, sous i), du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après les « règles d’application »), en vue de la conclusion d’un contrat-cadre de prestations de services en matière de cybersécurité [confidentiel].

2        Les services prévus par le contrat-cadre étaient regroupés en paquets de services distincts [confidentiel]. 

3        Conformément au cahier des charges, le contrat était prévu pour une durée initiale de six ans pouvant être étendue pour deux périodes d’un an. Le marché devait être attribué au soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse.

4        Le cahier des charges précisait que l’évaluation technique comptait pour 60 % et que le prix proposé comptait pour 40 %. L’évaluation technique se fondait sur différents critères et sous-critères d’attribution qualitatifs et sur un système de pondération.

5        S’agissant de l’évaluation financière, il ressort du cahier des charges qu’une proposition financière de prix devait être formulée pour chaque paquet de services. Une note financière était calculée pour chaque paquet de services en comparant le prix calculé pour un sous-critère d’une offre donnée avec la somme de toutes les offres reçues pour ce sous-critère, en application de la formule mathématique suivante (sachant que Fsubcriterion,i est le coût calculé pour un sous-critère d’une offre i) :

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6        Un pourcentage de pondération était ensuite appliqué à chaque paquet de services et, enfin, une note financière était attribuée pour chaque offre financière, correspondant à la somme pondérée des notes assignées pour chacun des critères financiers, en application de la formule suivante :

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7        À l’issue des évaluations des offres techniques et financières, le pouvoir adjudicateur calculait, pour chaque offre, une note globale (G) en additionnant les notes techniques (Q) et financières (F), chacune étant affectée de la pondération correspondante (G = 0,60 × Q + 0,40 × F).

8        La requérante,Proximus SA/NV, a présenté son offre le 26 septembre 2016. [confidentiel]

9        Le 8 novembre 2016, le comité d’évaluation des offres a adressé des questions aux [confidentiel] soumissionnaires concernant leurs offres financières respectives. Ceux-ci ont répondu aux demandes d’informations dans le délai imparti par le Conseil. Le 18 novembre 2016, lors de la réunion d’évaluation du comité d’évaluation des offres, il a été décidé de lancer une négociation financière. Les soumissionnaires ont été invités, par lettres du 24 novembre 2016, à une réunion de négociation portant sur des aspects financiers, comprenant notamment certaines demandes d’éclaircissements. La réunion de négociation s’est tenue le 1er décembre 2016. Par courriers du 2 décembre 2016, le Conseil a invité les soumissionnaires à répondre à certaines questions soulevées dans le compte rendu de la réunion du 1er décembre 2016, en présentant une offre financière modifiée qui devait constituer leur dernière et meilleure offre. Les soumissionnaires ont présenté une offre financière finale dans le délai imparti par le Conseil. Ces offres finales ont été examinées lors de la réunion d’évaluation finale qui s’est tenue le 12 décembre 2016.

10      Par lettre du 23 décembre 2016, le Conseil a informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue et que le marché avait été attribué à un autre soumissionnaire (ci-après la « décision attaquée »). Le même jour, l’évaluation de son offre a été communiquée à la requérante.

11      Le 29 décembre 2016, la requérante a demandé au Conseil de plus amples informations sur les caractéristiques et l’avantage relatif de l’offre retenue. En outre, elle a indiqué que l’application du critère de prix lui paraissait erronée, dans la mesure où elle avait obtenu un score inférieur à celui du soumissionnaire retenu alors que l’offre de ce dernier proposait un prix total plus élevé. Enfin, la requérante a invité le Conseil à reconsidérer la décision attaquée.

12      Par lettre du 6 janvier 2017, la requérante a à nouveau invité le Conseil à reconsidérer la décision attaquée et à ne pas signer le contrat avec le soumissionnaire retenu. Dans cette lettre, la requérante a notamment exposé, de manière détaillée, les raisons pour lesquelles, selon elle, la méthode appliquée pour évaluer l’offre économiquement la plus avantageuse était erronée et son application aboutissait à un résultat anormal. Le 10 janvier 2017, la requérante a envoyé au Conseil une autre lettre, qui reprenait, de façon légèrement modifiée, le texte de celle du 6 janvier 2017.

13      Le Conseil, par lettre du 13 janvier 2017, a répondu à la lettre de la requérante du 29 décembre 2016.

14      Par lettre du 16 janvier 2017, la requérante a réitéré sa demande tendant à ce que le Conseil reconsidère la décision attaquée et ne conclue pas le contrat avec le soumissionnaire retenu.

15      Par lettre du 23 janvier 2017, le Conseil a pris position sur les lettres de la requérante des 6 et 16 janvier 2017 et indiqué qu’il ne voyait pas de raison de revenir sur sa décision d’attribution ou sur sa décision de ne pas conclure le contrat.

16      Par lettre du 7 février 2017, la requérante a indiqué au Conseil qu’elle estimait que les réponses qu’il lui avait données étaient insatisfaisantes et qu’elle avait décidé de suivre la voie contentieuse tant par un recours au fond que par une demande en référé qui seraient introduits quelques semaines plus tard. En outre, elle a demandé au Conseil de ne pas signer le contrat entre-temps.

17      Le 15 février 2017, le contrat a été signé avec l’attributaire.

II.    Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2017, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé aux fins notamment qu’il soit sursis à l’exécution de la décision attaquée et du contrat conclu avec l’attributaire.

20      Le 13 mars 2017, la requérante a présenté une demande motivée, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, visant à obtenir que le contenu d’un document annexé à la requête ne soit pas cité dans les documents afférents à la présente affaire auxquels le public a accès.

21      Le 16 mars 2017, le Conseil a présenté une demande motivée visant notamment à la confidentialité de certaines données à l’égard du public et à la tenue d’une audience à huis clos en application des articles 66 et 109 du règlement de procédure.

22      Par ordonnance du 3 juillet 2017, Proximus/Conseil (T‑117/17 R, EU:T:2017:600), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et les dépens ont été réservés.

23      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et de tenir l’audience de plaidoiries à huis clos intégral.

24      Par lettre du greffe du Tribunal du 14 mars 2018, le Tribunal, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a demandé au Conseil de répondre par écrit à une question concernant la formule mathématique appliquée. Le Conseil y a déféré dans le délai imparti.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 mai 2018 qui s’est tenue à huis clos.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

27      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité du recours

28      Le Conseil, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité par acte séparé, fait valoir que la requérante a formé le présent recours en son nom propre, et non en celui du consortium, alors qu’elle ne représente qu’une petite partie des entreprises qui, en tant que groupe, ou consortium, se sont engagées à exécuter le contrat-cadre et qu’elle n’était chargée que de l’exécution d’une partie des paquets de services concernés par le contrat. De plus, même si la requérante n’a pas agi en tant que chef de file d’un consortium, plusieurs entreprises se seraient engagées à exécuter le contrat-cadre. Il a ainsi indiqué lors de l’audience que chacune de ces entreprises serait recevable à agir.

29      La requérante conteste cette argumentation.

30      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement […] »

31      Il est constant que le recours est présenté uniquement au nom de la requérante.

32      Il ressort des éléments du dossier que la requérante a présenté son offre en tant que candidate assistée d’une équipe d’entreprises partenaires spécialisées, présentées comme étant ses sous-traitants.

33      En outre, les courriers, imprimés sur papier à en-tête de la requérante, ont été envoyés au pouvoir adjudicateur par la requérante. De même, le courrier d’accompagnement joint à l’offre de la requérante a été signé par les représentants de celle-ci uniquement.

34      De plus, il ressort de l’extrait du procès-verbal du conseil d’administration de la requérante du 15 septembre 2016 que celle-ci a été autorisée à signer et à répondre, en tant que maître d’œuvre, à l’appel d’offres, étant entendu qu’elle travaillerait « avec plusieurs sous-traitants ».

35      Il ressort de ces éléments que c’est bien la requérante qui est l’auteur de l’offre et qu’elle s’est adjoint les services d’autres entreprises en tant que sous-traitants.

36      Le fait, avancé par le Conseil, que la requérante n’ait été chargée de la mise en œuvre que d’une partie du contrat-cadre n’enlève rien au fait que c’est elle qui assurait l’engagement des autres entreprises sous-traitantes.

37      Certes, dans l’offre de la requérante, il est fait mention de la création avec ses partenaires du groupe ONE Cybersecurity Powerhouse. Si l’offre est présentée comme celle de la requérante, les services sont présentés comme émanant de ce groupe.

38      Il ne ressort cependant pas du dossier que ce groupe détienne une personnalité juridique, ce que la requérante a confirmé lors de l’audience.

39      Enfin, il ressort du courrier du 26 septembre 2016 contenant la réponse à l’invitation à soumissionner que la requérante était la personne de contact par le biais de son directeur des ventes. La décision attaquée n’a d’ailleurs été adressée qu’à la requérante, comme le Conseil l’a confirmé lors de l’audience.

40      Il s’ensuit que, même dans l’hypothèse où il pourrait être considéré que la requérante était le chef de file d’un éventuel consortium, il ne ressort pas du dossier que ce dernier disposât d’une personnalité juridique. En l’absence d’éléments dans le dossier relatifs à cette personnalité juridique, le Tribunal n’a aucune raison de mettre en doute les affirmations de la requérante sur ce point.

41      Or, sous l’angle de l’article 263 TFUE, une telle structure ad hoc étant transparente au regard de ses membres, ces derniers doivent tous être considérés comme étant les destinataires de la décision attaquée. La requérante pouvait donc, en tant que destinataire de la décision attaquée, contester cette dernière selon les conditions posées par l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑50/05, EU:T:2010:101, point 40, et du 22 mai 2012, Sviluppo Globale/Commission, T‑6/10, non publié, EU:T:2012:245, point 19).

42      Dès lors, le présent recours doit être considéré comme recevable.

B.      Sur le fond

43      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 110, paragraphe 4, du règlement financier et de l’article 149 des règles d’application, qui disposent que le pouvoir adjudicateur se fonde sur l’offre économiquement la plus avantageuse. Le deuxième moyen est tiré de la violation du principe de bonne gestion financière consacré à l’article 310 TFUE et à l’article 30 du règlement financier. Le troisième moyen est tiré de la violation des principes généraux de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 110, paragraphe 4, du règlement financier et de l’article 149 des règles d’application, concernant l’offre économiquement la plus avantageuse

44      À l’appui de son premier moyen, la requérante soulève, en substance, deux griefs, visant à contester la méthode d’évaluation appliquée en l’espèce par le Conseil pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. Premièrement, elle conteste la formule mathématique prévue au cahier des charges et appliquée en l’espèce, qui ne permettrait pas de sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse. Deuxièmement, elle soutient que la comparaison des offres est faussée par les pondérations arbitraires appliquées aux différents paquets de services, qui ont pour effet que les différences de prix ne sont pas prises en compte de façon appropriée.

45      Tout d’abord, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante vise à contester la légalité des critères prévus au cahier des charges. À cet égard, il résulte de la jurisprudence qu’un soumissionnaire est recevable à contester incidemment la légalité du cahier des charges (voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, EU:T:2008:160, points 36, 37 et 44, et du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, point 74).

46      Ensuite, s’agissant de la légalité au fond du choix de la formule d’évaluation financière et des pondérations contestées, il y a lieu de rappeler que l’article 110, paragraphe 4, du règlement financier prévoit que, pour attribuer les marchés, le pouvoir adjudicateur se fonde sur l’offre économiquement la plus avantageuse, en fonction soit du prix le plus bas, soit du coût le plus bas, soit du meilleur rapport qualité/prix. L’article 110, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement financier précise que, pour déterminer le meilleur rapport qualité/prix, le pouvoir adjudicateur tient compte du prix ou du coût et d’autres critères de qualité liés à l’objet du marché.

47      En l’espèce, il ressort du cahier des charges que, au vu de l’évaluation technique et financière prévue, le pouvoir adjudicateur a décidé d’attribuer le contrat-cadre au soumissionnaire offrant le meilleur rapport qualité/prix. En application de l’article 110, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur pouvait donc tenir compte du prix ou du coût et d’autres critères de qualité liés à l’objet du marché.

48      En outre, selon la jurisprudence, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au choix, au contenu et à la mise en œuvre des critères d’attribution pertinents liés au marché en cause, y compris ceux destinés à déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, ces critères devant correspondre à la nature, à l’objet et aux spécificités dudit marché et servir au mieux les besoins visés et les objectifs poursuivis par le pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, points 137 et 192).

49      Les critères retenus par le pouvoir adjudicateur pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse ne doivent pas nécessairement être de nature quantitative ou être orientés exclusivement vers les prix. Il suffit que de tels critères puissent être appliqués de manière objective et uniforme afin de comparer les offres et qu’ils soient clairement pertinents pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (arrêts du 26 septembre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑498/11, non publié, EU:T:2014:831, point 110, et du 26 janvier 2017, TV1/Commission, T‑700/14, non publié, EU:T:2017:35, point 258).

50      Le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu au pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection et d’attribution (arrêt du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, point 45).

51      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments des parties.

a)      Sur le grief visant à démontrer que la formule mathématique prévue au cahier des charges n’est pas de nature à sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse

52      La requérante soutient en substance que la formule prévue au cahier des charges n’est pas de nature à sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, aux motifs qu’elle reflète les différences de prix relatives par paquets de services, mais ne tient pas compte des différences des prix totaux proposés. Cette formule découragerait donc les offres financières optimales.

53      Le Conseil conteste cette argumentation.

54      Il convient de rappeler que la méthode d’évaluation financière qui était prévue au cahier des charges et qui a été appliquée en l’espèce prévoyait, d’une part, l’attribution d’une note financière, calculée pour chaque paquet de services défini, obtenue au moyen d’une formule mathématique et, d’autre part, l’application d’une pondération différente selon chaque paquet de services. Ainsi, une proposition financière de prix devait être formulée par les soumissionnaires pour chaque paquet de services. En application de la formule mathématique prévue, une note financière était ainsi attribuée pour chaque paquet de services, en comparant le prix calculé pour un sous-critère d’une offre avec la somme des toutes les offres reçues pour ce sous-critère.

55      L’argumentation de la requérante concernant la formule mathématique peut être, en substance, divisée en trois arguments.

1)      Sur l’argument visant à contester l’approche par paquets de services

56      La requérante conteste l’approche par paquets de services, qui ne tiendrait pas compte des différences des prix totaux proposés.

57      Il convient de relever que les services prévus par le contrat-cadre ont été regroupés en quatre paquets de services. [confidentiel]

58      Cette approche par paquets de services a été clairement exposée dans les documents d’appel d’offres dès le début de la procédure. Le cahier des charges mentionne ainsi expressément que la division par lots n’est pas applicable, et à aucun stade de la procédure administrative la requérante n’a émis de réserve concernant cette division par paquets de services.

59      La requérante soutient que, du fait de cette absence de division par lots, l’évaluation financière des offres aurait dû être effectuée de manière globale, et non par paquets de services.

60      Toutefois, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le fait que ces paquets de services relèvent du même prestataire et soient liés entre eux n’implique pas nécessairement que la comparaison des offres doive être réalisée sur la base des prix calculés de façon globale.

61      En effet, ce choix de prévoir des paquets de services et une note attribuée pour chacun, qui incombe au pouvoir adjudicateur, avait en l’espèce pour objet de répondre à la spécificité du contrat-cadre en cause et des objectifs poursuivis. [confidentiel]

62      De plus, [confidentiel], il était pertinent, pour le pouvoir adjudicateur, d’évaluer les offres par paquets de services afin de s’assurer que les candidats leur alloueraient les ressources nécessaires dans leur offre.

63      Dès lors, compte tenu de la nature, de l’objet et des spécificités du contrat-cadre, il ne ressort pas des éléments du dossier que, en retenant une méthode d’évaluation financière consistant à comparer les prix au niveau des paquets de services plutôt qu’à un niveau global, le Conseil ait commis une violation des règles d’application.

2)      Sur l’argument visant à contester la formule mathématique appliquée

64      La requérante soutient que, dans la mesure où la formule mathématique appliquéene tient pas compte des différences des prix totaux proposés, les notes financières obtenues en application de cette formule ne reflètent pas les différences de prix réelles entre les offres du point du vue du coût total. L’offre la plus basse obtiendrait ainsi une note inférieure au titre du critère du prix. Selon elle, cette formule récompense de manière disproportionnée la différence de prix relative pour les paquets de services financièrement moins importants en ne tenant pas compte de la différence de prix absolue insignifiante entre les offres et décourage ainsi les offres financières optimales. En outre, elle serait susceptible de donner lieu à une manipulation des prix.

65      Le Conseil conteste cette argumentation.

66      Force est de constater que cet argument rejoint, partiellement, celui visant à contester l’approche par paquets de services. En effet, selon la requérante, le prix réel correspond au prix total et la seule formule acceptable serait celle qui compare le prix proposé par le soumissionnaire évalué avec le prix total le plus bas proposé par les autres. La formule appliquée en l’espèce, qui compare, pour chaque paquet de services, le prix du soumissionnaire avec la somme de tous les prix, serait donc illégale, car elle prend en compte l’écart entre les prix proposés. Une telle formule ne tiendrait donc pas compte de manière proportionnelle des différences de prix réelles entre les offres.

67      Toutefois, comme il a été constaté précédemment, l’approche par paquets de services n’est pas erronée. Il s’ensuit que l’évaluation financière ne repose pas sur une évaluation des offres du point du vue du coût total. Dans ce contexte, l’argument de la requérante selon lequel l’offre la plus basse du point de vue du coût total, c’est-à-dire l’offre qui serait globalement la moins chère, obtiendrait à tort une note inférieure au titre du critère du prix doit être écarté. En effet, cet argument se fonde sur la prémisse erronée que les prix proposés pour chaque paquet de services étaient additionnés et que l’appréciation de l’offre s’effectuait globalement au regard du prix total, alors que tel n’est pas le cas.

68      S’agissant de la formule mathématique elle-même, elle exprime l’écart mathématique entre l’offre financière proposée par un soumissionnaire pour un paquet de services donné et celle proposée par les autres soumissionnaires pour chaque paquet de services. Plus l’écart est important, plus la pénalité ou le bonus lié à l’évaluation financière devient élevé. Comme le Conseil le souligne, il en résulte que la formule donne, pour chaque paquet de services, la meilleure note financière à l’offre la moins chère. D’ailleurs, l’offre de la requérante a, pour certains paquets de services, obtenu une note plus élevée que celle attribuée au soumissionnaire retenu.

69      En outre, ainsi que le Conseil l’a précisé, la multiplication du ratio par 2, qui a pour objectif d’atténuer le risque de ne pas obtenir une différence de résultat significative entre des offres financières très proches, si elle induit un effet amplificateur, ne modifie cependant pas le classement des offres. Selon la formule, le produit de cette opération est ensuite déduit de 1, pour obtenir une évaluation financière globale comprise entre ‐1 et +1, et le résultat de cette opération est enfin multiplié par 100 pour le replacer dans une échelle de notation comprise entre ‐100 et +100, identique à l'échelle appliquée pour l'évaluation des offres qualitatives.

70      La formule appliquée a ainsi été conçue, d’après le Conseil, pour assurer la cohérence entre les offres techniques et financières des soumissionnaires, pour encourager l’ensemble des soumissionnaires à proposer leurs meilleures offres financières pour tous les services dans tous les paquets de services, en évitant, pour un service donné, tout écart important par rapport aux offres des autres soumissionnaires, pour permettre que la majorité des services ait un prix abordable et pour éviter qu’un dumping soit pratiqué sur des services spécifiques, puis compensé ultérieurement par des coûts cachés sur d’autres postes, ainsi que pour éviter toute stratégie visant à manipuler les notes finales.

71      La requérante n’a pas démontré qu’une telle approche excédait la marge d’appréciation du pouvoir adjudicateur et son affirmation selon laquelle cette méthode dissuaderait les soumissionnaires de proposer des prix compétitifs pour les paquets de services faisant l’objet de prix totaux plus élevés n’est aucunement démontrée.

72      La requérante soutient que la formule mathématique appliquée découragerait les offres financières optimales et ne permettrait donc pas de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse. Toutefois, cette argumentation doit être écartée.

73      Premièrement, la requérante donne des exemples chiffrés qui ne sont pas de nature à étayer ses affirmations. En effet, les deux premiers exemples concernent le cas où le coût d’un paquet de services serait imputé à un autre paquet pour lequel les prix proposés sont élevés en termes réels, ce qui aurait un impact positif sur la note. Toutefois, comme l’indique le Conseil, dans le cas où un prix nul ou anormalement bas serait proposé pour un paquet de services, une telle offre devrait être rejetée en application de l’article 151 des règles d’application, prohibant les offres anormalement basses. Le troisième exemple démontre que la structure des prix d’un autre soumissionnaire ferait varier l’écart entre les offres. Ce faisant, cet exemple ne fait que confirmer l’importance du facteur lié à l’écart entre les offres pour chaque paquet de services, sans toutefois démontrer que la formule n’aboutirait pas à sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse. Dans le quatrième exemple, un troisième soumissionnaire proposant le prix total le plus bas pourrait obtenir la note financière la plus élevée. Un tel exemple ne fait que confirmer que la formule mathématique en cause aboutit bien à sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, même si les notes ne reflètent pas les différences de prix réelles entre les soumissionnaires.

74      Deuxièmement, les arrêts invoqués par la requérante pour étayer son argumentation ne sont pas pertinents. En effet, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 16 septembre 2013, Espagne/Commission (T‑402/06, EU:T:2013:445), et du 16 septembre 2013, Espagne/Commission (T‑2/07, non publié, EU:T:2013:458), la méthode d’évaluation condamnée par le Tribunal était celle du prix moyen. En application de cette méthode, l’offre correspondant au prix moyen, à savoir au prix correspondant à la somme des valeurs de toutes les offres reçues divisée par le nombre d’offres, obtenait le nombre le plus élevé de points prévus pour la qualité économique. Ainsi, les offres les plus proches du prix moyen recevaient des scores plus élevés que celles qui en étaient plus éloignées, y compris les offres les plus basses. Une telle méthode pouvait conduire à une situation dans laquelle, dans le cas où toutes les autres conditions seraient identiques, notamment les conditions techniques, une offre à un prix plus élevé se rapprochant davantage du prix moyen serait susceptible d’obtenir plus de points au titre de sa qualité économique qu’une autre offre moins chère. L’application d’une telle méthode a été considérée comme étant contraire au critère de l’offre économiquement la plus avantageuse.

75      Tel n’est cependant pas le cas dans la présente affaire, puisque l’offre la moins chère pour chaque paquet de services obtient, pour ledit paquet, la meilleure note financière. La méthode utilisée en l’espèce entraîne donc une concurrence par les prix, puisque les soumissionnaires doivent proposer leur meilleur prix pour chaque paquet de services pour obtenir le marché.

76      De même, la requérante invoque certains arrêts de juridictions nationales. Toutefois, sans qu’il y ait lieu de trancher la question de savoir s’il est possible de prendre en compte cette jurisprudence, force est de constater que ces arrêts ne concernent pas des situations comparables à celle de l’espèce.

77      En effet, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 février 2016, la cour d’appel de Paris (France) a jugé que, lorsqu’il n’y avait que deux soumissionnaires qui participaient à un appel d’offres, la situation dans laquelle le soumissionnaire ayant proposé l’offre la plus chère obtenait la note minimale de 0/40 et le soumissionnaire ayant proposé l’offre la plus basse recevait la note maximale de 40/40 était illégale, dans la mesure où une telle méthode ne tenait pas compte de l’écart entre les prix proposés par les soumissionnaires. Or, en l’espèce, la méthode d’évaluation utilisée par le Conseil tient précisément compte de cet écart.

78      La requérante invoque également l’arrêt no 381095 du 1er juillet 2015 du Conseil d’État (France), qui a condamné une méthode de notation consistant à noter les offres lot par lot puis à calculer la moyenne de ces notes, considérant que cette méthode ne permettait pas de tenir dûment compte de la disparité des valeurs des différents lots, ni, par suite, d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse. Il suffit d’observer que la méthode d’évaluation appliquée dans cette affaire diffère de celle de l’espèce, dans laquelle des pondérations pour chaque paquet de services ont été fixées par le cahier des charges et dans laquelle l’offre la moins chère a obtenu, pour chaque paquet de services, la note la plus élevée.

79      Les arrêts du Conseil d’État (Belgique) invoqués par la requérante ne sont pas davantage pertinents. En effet, dans l’arrêt du 8 juin 2006, du fait des méthodes appliquées, il n’y avait pas de rapport de proportionnalité entre un prix bas et un score élevé et dans l’arrêt du 26 mai 2015, le pouvoir adjudicateur avait attribué aux différentes composantes du prix un poids différent alors que cela n’était pas prévu dans les documents d’appel d’offres. Tel n’est pas le cas dans l’appel d’offres en cause en l’espèce.

80      Les arrêts invoqués par la requérante ne remettent donc pas en cause la formule mathématique appliquée ici.

81      Troisièmement, la requérante soutient que la méthode d’évaluation financière permettait la manipulation des prix. Selon elle, ayant connaissance de la valeur de chaque paquet de services, les soumissionnaires pouvaient spéculer sur les différences de prix et obtenir une note plus élevée, même si leur offre n’était pas optimale d’un point de vue financier, car plus chère que les autres.

82      Or, un tel argument doit être écarté.

83      En effet, pour autant que la requérante soutienne que la division du marché par paquets de services favoriserait la manipulation des prix, il y a lieu de rappeler que, comme cela a été constaté précédemment (voir points 61 à 63 ci-dessus), cette division se justifiait en l’espèce. Il ne s’agit donc pas d’une scission artificielle du marché, ni d’un regroupement artificiel de différents services dans un même marché aux fins de se soustraire à l’application de certaines règles.

84      En outre, la requérante illustre son argumentation par l’exemple d’un soumissionnaire qui, pour optimiser sa note financière, proposerait une offre qui intégrerait les coûts d’un paquet de services dans un autre paquet de services pour lequel le prix absolu le plus élevé est proposé. Toutefois, comme l’indique le Conseil, une telle hypothèse postule un comportement illégal de la part du soumissionnaire, dont l’offre serait nécessairement rejetée par exemple sur la base des dispositions prohibant les offres anormalement basses, notamment l’article 151 des règles d’application. Un tel exemple ne démontre donc aucunement que la formule mathématique prévue inciterait en elle-même à se comporter illégalement.

85      Enfin, la requérante invoque l’ordonnance du 31 janvier 2005, Capgemini Nederland/Commission (T‑447/04 R, EU:T:2005:27). Selon elle, dans l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance, le Tribunal a remis en cause la légalité d’une méthode d’évaluation qui appréciait les offres non pas en retenant la somme globale des prix proposés, mais en considération des rapports de prix calculés à l’égard de quinze volets distincts, ce qui induisait un risque d’une manipulation des prix.

86      Toutefois, dans cette affaire, le Tribunal n’a pas remis en cause la validité de la méthode d’évaluation financière prévue dans l’appel d’offres en cause en tant que telle, mais uniquement son application par le pouvoir adjudicateur à une offre spécifique. En effet, le pouvoir adjudicateur avait accepté, comme étant conforme au cahier des charges, l’absence d’indication d’un prix ou l’indication d’un prix nul pour un ou plusieurs volets de l’offre lorsque la solution proposée pour ce ou ces volets et les prix y afférents étaient inclus dans un ou plusieurs autres volets de cette offre. Ce faisant, le pouvoir adjudicateur avait appliqué le système d’évaluation financière prévu dans l’appel d’offres d’une telle manière que les offres financières ne reflétaient pas leur juste valeur relative et que son interprétation du système ne garantissait pas que l’offre économiquement la plus avantageuse fût retenue. L’acceptation par le pouvoir adjudicateur d’une telle offre comme étant conforme au cahier des charges a été considérée comme une erreur manifeste d’appréciation.

87      Tel n’est pas le cas en l’espèce et l’argument de la requérante fondé sur l’ordonnance du 31 janvier 2005, Capgemini Nederland/Commission (T‑447/04 R, EU:T:2005:27), doit donc être écarté.

88      Dès lors, l’argument visant à contester la formule mathématique appliquée doit être rejeté.

3)      Sur l’argument tiré de ce que les soumissionnaires auraient été privés d’un élément décisif dans le cadre de la préparation de leurs offres

89      La requérante soutient que les soumissionnaires ont été privés d’un élément décisif dans le cadre de la préparation de leurs offres, à savoir la somme des prix proposés par tous les soumissionnaires pour chaque paquet de services, au regard de laquelle l’écart entre les prix, et donc les notes financières, ont été calculés.

90      Le Conseil conteste cette argumentation.

91      Il y a lieu de relever que la somme des offres financières pour chaque paquet de services figure au dénominateur de la formule mathématique appliquée, ainsi conçue pour être appliquée avec un élément inconnu des soumissionnaires.

92      Cependant, le fait que cet élément soit inconnu des soumissionnaires ne modifie pas les critères d’attribution du marché définis dans le cahier des charges. En effet, cet élément était prévu dès le début dans la formule figurant au cahier des charges. En outre, il n’a pas été introduit ex post et n’a aucun effet discriminatoire, puisqu’il est mathématiquement calculé et appliqué quel que soit le résultat. De même, la requérante n’a aucunement démontré que, s’il avait été connu lors de la préparation des offres, cet élément aurait pu influencer cette préparation (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 janvier 2008, Lianakis e.a., C‑532/06, EU:C:2008:40, point 43, et du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, point 143). Elle n’a pas davantage établi que le fait de ne pas connaître cet élément ait entraîné une situation de « concurrence irrationnelle » pour les soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Espagne/Commission, T‑2/07, non publié, EU:T:2013:458, point 79).

93      Il s’ensuit que l’argument de la requérante tiré de ce que les soumissionnaires auraient été privés d’un élément décisif dans le cadre de la préparation de leurs offres doit être rejeté.

94      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que l’approche par paquets de services et la formule mathématique prévue au cahier des charges n’étaient pas de nature à permettre de sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse et étaient, par suite, illégales.

b)      Sur le grief tiré de l’application artificielle et arbitraire de pondérations

95      La requérante soutient que la comparaison des offres était également faussée du fait de l’application artificielle et arbitraire de pondérations entre les paquets de services ayant pour conséquence que les différences de prix entre les offres n’auraient pas été prises en compte de manière appropriée, ce qui l’aurait désavantagée. Selon elle, la véritable pondération des offres diffère des coefficients de pondération attribués par le Conseil, lesquels ne correspondent pas à l’importance des notes attribuées pour chaque paquet de services. De plus, la fonction de ces pondérations, qui auraient tenu compte du volume estimé des services qui seraient commandés, n’aurait été expliquée pour la première fois que dans la lettre du 23 janvier 2017 adressée par le Conseil en réponse à ses demandes des 6 et 16 janvier 2017 (voir point 15 ci-dessus).

96      Le Conseil conteste cette argumentation.

97      Il est constant que le cahier des charges prévoyait clairement les pondérations appliquées en l’espèce. Ces pondérations sont en elles-mêmes le reflet de l’importance attribuée par le pouvoir adjudicateur aux différents paquets de services en cause. En tant que telles, elles doivent nécessairement être prises en compte par les candidats dans le cadre de la proposition de leur offre.

98      L’argument de la requérante selon lequel les pondérations étaient artificielles ou arbitraires et l’auraient désavantagée doit être écarté. En effet, comme le Conseil le souligne et comme il l’a indiqué dans la lettre adressée à la requérante le 23 janvier 2017, la division par paquets et les pondérations correspondantes attribuées à chacun des paquets de services visaient notamment à prendre en compte l’estimation des volumes prévisionnels susceptibles d’être commandés par les institutions participantes tout au long de la durée du contrat. La pondération contribuait donc à une évaluation financière prenant en compte « la réalité future en termes de commande et de facturation », établie sur la base de prévisions qui incombaient au pouvoir adjudicateur.

99      Ainsi, il ressort des éléments du dossier que, dans les circonstances de l’espèce, ces pondérations n’apparaissent pas comme artificielles ou arbitraires, mais comme destinées à refléter l’estimation des volumes, l’importance stratégique et la dimension interinstitutionnelle de chaque paquet de services.

100    Le constat que l’application de ces pondérations a eu un impact négatif sur la note financière de la requérante pour certains paquets de services est lié au contenu de son offre, et non au fait que lesdites pondérations auraient été artificielles ou arbitraires.

101    En outre, la requérante soutient que la pondération des offres qui aurait dû être appliquée est différente de celle prévue en l’espèce et aurait dû être calculée sur la base des prix proposés par les soumissionnaires compte tenu des volumes estimés des services et des produits visés dans le cahier des charges.

102    Toutefois, ce faisant, la requérante se fonde sur des calculs qui ne sont pas ceux prévus au cahier des charges, puisqu’ils n’appliquent pas la formule mathématique prévue. Ce que la requérante appelle la « véritable pondération des offres » consiste à appliquer la pondération directement au prix proposé par l’offre pour le paquet de services en cause, sans appliquer la formule mathématique prévue. Dès lors que cet argument repose sur une méthode de calcul non prévue au cahier des charges, elle ne peut être prise en compte. En effet, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur les avantages susceptibles d’être tirés d’une solution alternative proposée par un soumissionnaire par rapport à une modalité expressément prévue dans un document d’appel à la concurrence (arrêt du 23 novembre 2011, bpost/Commission, T‑514/09, non publié, EU:T:2011:689, point 109).

103    Enfin, les pondérations indiquées dans le cahier des charges sont applicables indépendamment de leurs justifications, lesquelles n’ont pas à être nécessairement exposées dans le cahier des charges. À cet égard, en application de l’article 138, paragraphe 3, sous b), et de l’article 149, paragraphe 2, des règles d’application, concernant le contenu des documents de marché, le pouvoir adjudicateur doit préciser la pondération relative qu’il confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse dans les documents de marché, sans qu’il soit exigé d’en préciser les motifs.

104    La requérante n’a donc pas démontré le caractère artificiel ou arbitraire des pondérations et son second grief doit donc être rejeté.

105    Il résulte de tout ce qui précède que, eu égard à la jurisprudence citée aux points 48 à 50 ci-dessus, la requérante n’a pas établi que le pouvoir adjudicateur ait outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation ou que l’application des conditions d’évaluation financière prévues au cahier des charges aboutisse à des résultats qui seraient incompatibles avec les besoins du pouvoir adjudicateur et les objectifs poursuivis par le marché en cause.

106    Il s’ensuit que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 110, paragraphe 4, du règlement financier et de l’article 149 des règles d’application, concernant l’offre économiquement la plus avantageuse, doit être rejeté.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 310 TFUE et de l’article 30 du règlement financier, concernant le principe de bonne gestion financière

107    La requérante soutient que la méthode d’évaluation du critère du prix appliquée en l’espèce, en vertu de laquelle le marché est attribué au soumissionnaire n’ayant pas proposé le prix ou le coût le plus bas, est contraire au principe de bonne gestion financière. Elle fait valoir que le système de pondération viole également le principe de bonne gestion financière.

108    Le Conseil conteste cette argumentation.

109    Il convient de rappeler que l’article 310, paragraphe 5, TFUE prévoit que le budget est exécuté conformément au principe de bonne gestion financière.

110    L’article 30, paragraphe 1, du règlement financier prévoit, quant à lui, que les crédits sont utilisés conformément au principe de bonne gestion financière, à savoir conformément aux principes d’économie, d’efficience et d’efficacité. En outre, selon le paragraphe 2 de cette disposition, le principe d’économie prescrit que les moyens mis en œuvre par l’institution dans le cadre de la réalisation de ses activités sont rendus disponibles en temps utile, dans les quantités et qualités appropriées et « au meilleur prix ».

111    Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que la requérante soutient, le principe de bonne gestion financière n’implique pas que le critère du prix le plus bas soit le seul critère pris en compte dans le cadre de l’attribution des marchés publics.

112    D’ailleurs, comme cela a été rappelé au point 49 ci-dessus, en matière de détermination de l’offre économiquement la plus avantageuse, il résulte au contraire de la jurisprudence que les critères retenus par le pouvoir adjudicateur ne doivent pas nécessairement être de nature quantitative ou orientés exclusivement vers les prix. Il suffit que de tels critères puissent être appliqués de manière objective et uniforme afin de comparer les offres et qu’ils soient clairement pertinents pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (arrêts du 29 janvier 2014, European Dynamics Belgium e.a./EMA, T‑158/12, non publié, EU:T:2014:36, point 70, et du 26 janvier 2017, TV1/Commission, T‑700/14, non publié, EU:T:2017:35, point 258).

113    Dans le contexte d’un contrat-cadre comme celui de l’espèce et compte tenu des spécificités du marché en cause, la méthode d’évaluation du critère du prix et le système de pondération appliqués en l’espèce ne sont pas contraires au principe de bonne gestion financière.

114    En outre, pour autant que l’argument de la requérante fondé sur le prix le plus bas et le caractère inapproprié des pondérations vise à contester la méthode d’évaluation financière, force est de constater qu’il rejoint l’argumentation développée dans le cadre du premier moyen. Or, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, il n’a pas été établi par la requérante que la division par paquets de services, la formule mathématique et les pondérations appliquées en l’espèce n’aient pas permis de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. Il s’ensuit que le principe de bonne gestion financière a été respecté.

115    Le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de bonne gestion financière, doit donc être rejeté.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes généraux de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement

116    La requérante soutient qu’une méthode d’évaluation qui, dans le contexte de l’évaluation d’un critère tenant au prix ou au coût, n’accorde pas la meilleure note au soumissionnaire proposant le prix ou le coût le plus bas viole les principes généraux de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement. Selon elle, si la note attribuée aux soumissionnaires ne reflète pas l’écart réel entre leurs prix, la comparaison objective des différences de valeur réelles entre les offres est empêchée, la méthode d’évaluation est inappropriée et le résultat est purement arbitraire. Elle rappelle que les pouvoirs adjudicateurs doivent estimer la valeur des marchés qu’ils attribuent et soutient que la valeur totale estimée doit être indiquée pour toute la durée du contrat-cadre. Le Conseil ne pourrait donc pas soutenir que le prix total ne serait pas pertinent en l’espèce. Elle fait valoir que le système de pondération viole également ces principes de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement.

117    Le Conseil conteste cette argumentation.

118    L’article 102 du règlement financier prévoit que tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget de l’Union européenne respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

119    Il ressort d’une jurisprudence établie que, dans le domaine des marchés publics, le principe de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges (arrêts du 10 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑247/09, non publié, EU:T:2012:533, point 69, et du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 88).

120    Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, lequel a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les soumissionnaires (voir arrêt du 20 mars 2013, Nexans France/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑415/10, EU:T:2013:141, point 102 et jurisprudence citée). Cela implique également que les critères d’attribution doivent être formulés, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, de manière à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de les interpréter de la même manière et que, lors d’une évaluation des offres, ces critères doivent être appliqués de manière objective et uniforme à tous les soumissionnaires (arrêts du 10 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑247/09, non publié, EU:T:2012:533, points 67 et 68, et du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 87).

121    À condition de respecter les principes susmentionnés tels qu’interprétés par la jurisprudence, le pouvoir adjudicateur est libre de choisir les critères d’attribution à la lumière desquels les offres seront évaluées (voir points 48 à 50 ci-dessus).

122    Il ressort clairement du dossier que la méthode d’évaluation et les pondérations des paquets de services étaient clairement exposées dans le cahier des charges et ont été appliquées sans avoir été modifiées par le pouvoir adjudicateur, de même que la durée du contrat-cadre.

123    En outre, il ne ressort pas du dossier que les soumissionnaires n’auraient pas été informés et traités de manière identique lors de l’évaluation des offres.

124    La violation des principes de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement ne ressort donc aucunement du dossier.

125    L’argumentation de la requérante consiste à soutenir que ces principes auraient été enfreints aux motifs que le prix total était pertinent, que la meilleure note n’aurait pas été attribuée au soumissionnaire proposant le prix le plus bas et que la note attribuée aux soumissionnaires ne reflétait pas l’écart réel entre les prix proposés. Selon elle, la méthode d’évaluation est inappropriée et le résultat arbitraire.

126    Force est de constater que cette argumentation revient à contester la méthode d’évaluation prévue au cahier des charges et rejoint, en substance, les arguments présentés au titre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 110, paragraphe 4, du règlement financier et de l’article 149 des règles d’application, concernant l’offre économiquement la plus avantageuse.

127    Dès lors que le premier moyen a été rejeté (voir point 106 ci-dessus), cette argumentation doit également être écartée.

128    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

130    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Proximus SA/NV est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Données confidentielles occultées.