Language of document : ECLI:EU:T:2014:990

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

25 novembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant la Communauté européenne – Marque figurative KASTEEL – Marque nationale verbale antérieure CASTEL BEER – Motif relatif de refus – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 207/2009 – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 – Article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑374/12,

Brouwerij Van Honsebrouck, établie à Ingelmunster (Belgique), représentée par Me P. Maeyaert, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Beverage Trademark Co. Ltd BTM, établie à Tortola, Îles Vierges britanniques (Royaume-Uni), représentée par Me R. Dequiré-Portier, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 8 juin 2012 (affaire R 2551/2010-2), relative à une procédure d’opposition entre Beverage Trademark Co. Ltd BTM et Brouwerij Van Honsebrouck,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 novembre 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 13 mars 2013,

vu la décision du 23 mai 2013 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en duplique tout en appelant l’attention des parties sur la possibilité de présenter une demande de fixation d’une audience,

vu l’absence d’une telle demande présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure, 

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 août 2008, la requérante, Brouwerij Van Honsebrouck, a obtenu auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant la Communauté européenne (ci-après l’« enregistrement international » ou la « marque demandée ») pour le signe figuratif suivant :


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2        L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a reçu notification de cet enregistrement international le 2 octobre 2008.

3        Les produits pour lesquels la protection du signe en cause a été demandée dans la Communauté relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Bières, ales (bières anglaises blondes et peu amères) ».

4        Les indications relatives à l’enregistrement international telles que prévues à l’article 147, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO L 11, p. 1), tel que modifié [devenu article 152, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)] ont été publiées au Bulletin des marques communautaires n° 2008/40, du 6 octobre 2008.

5        Le 5 janvier 2009, l’intervenante, Beverage Trademark Co. Ltd BTM, a formé opposition au titre de l’article 151 du règlement n° 40/94 (devenu article 156 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque française verbale antérieure CASTEL BEER, enregistrée le 13 janvier 1989 sous le n° 1509127, renouvelée en 1999, désignant des produits relevant de la classe 32 et correspondant à la désignation suivante : « Bières ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 3 mars 2010, au cours de la procédure d’opposition, la requérante a demandé à ce que soit rapportée la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, de sorte que la division d’opposition a invité l’intervenante à rapporter cette preuve.

9        Le 4 mai 2010, l’intervenante a produit divers documents afin de démontrer que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009.

10      Par décision du 29 novembre 2010, la division d’opposition a accueilli l’opposition dans son intégralité. Elle a considéré, d’une part, que l’intervenante avait rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure et, d’autre part, que, compte tenu de l’identité des produits en cause et des similitudes visuelle et phonétique des marques en conflit, il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

11      Le 21 décembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 8 juin 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision de la division d’opposition et a rejeté le recours. En premier lieu, la chambre de recours a estimé, à l’instar de la division d’opposition, que les preuves soumises par l’intervenante étaient suffisantes pour établir l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits pour lesquels elle a été enregistrée, à savoir pour les bières. En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré que les produits visés par les marques en conflit étaient identiques, les modalités particulières de commercialisation des produits n’étant pas pertinentes aux fins de la comparaison desdits produits. En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient similaires sur les plans visuel et phonétique, dans la mesure où le premier terme composant la marque antérieure, à savoir « castel », qui est le plus distinctif de ladite marque au moins pour une partie du public pertinent, coïncide avec le seul élément verbal qui constitue la marque demandée, dont l’élément figuratif n’a qu’une fonction purement décorative. Sur le plan conceptuel, les marques en conflit ne sont similaires, selon la chambre de recours, que pour une partie du public pertinent qui serait en mesure de percevoir les termes « castel » de la marque antérieure et « kasteel » de la marque demandée comme évoquant tous les deux le concept de « château ». En conséquence, selon la chambre de recours, il existe un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. S’agissant de la coexistence en France de la marque antérieure avec une marque internationale figurative KASTEELbier de la requérante, la chambre de recours a estimé qu’il ne s’agissait pas d’un moyen expressément invoqué par la requérante qui, en tout état de cause, était en défaut de démontrer que ladite coexistence reposait sur l’absence, dans l’esprit du public pertinent, d’un risque de confusion.  

 Conclusions des parties

13       La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

14      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 1. Sur la recevabilité de certaines annexes au mémoire en réponse de l’intervenante

15      La requérante conteste la recevabilité de certaines pièces jointes en annexe au mémoire en réponse de l’intervenante au motif que ces pièces ont été produites pour la première fois devant le Tribunal.

16      Les annexes en question consistent en un extrait du site Internet www.wikipedia.org, contenant une liste des marques mondiales de bières, et en un article intitulé « La Brasserie française (volet n°1) Une filière agro-alimentaire qui résiste bien » publié sur le site Internet www.girafoodservice.com. Ces pièces ont été produites par l’intervenante à l’appui de l’argument selon lequel il existerait de très nombreuses marques de bières commercialisées en France dont les volumes de vente sont peu importants, à l’instar de ceux de l’intervenante.

17      Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

 2. Sur le fond

18      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens tirés, en substance, le premier, d’un excès de pouvoir au regard de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et d’un défaut de motivation concernant l’examen par la chambre de recours de la coexistence, en France, de la marque antérieure et de la marque internationale figurative KASTEELbier de la requérante, le deuxième, de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 et, le troisième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen tiré d’un excès de pouvoir au regard de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et d’un défaut de motivation dans l’examen de la coexistence de la marque antérieure et de la marque internationale figurative KASTEELbier de la requérante

19      En premier lieu, la requérante fait valoir que, au regard de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a commis un excès de pouvoir en ayant examiné, au point 42 de la décision attaquée, le moyen qu’elle n’entendait pas soulever, tiré de la coexistence sur le territoire français de la marque antérieure de l’intervenante avec la marque internationale figurative KASTEELbier dont elle est titulaire.

20      En deuxième lieu, la requérante soutient que, en ayant examiné la question de la coexistence des marques en cause, alors qu’elle avait expressément fait valoir sa volonté de ne plus soulever ce moyen, la chambre de recours l’a privée de la possibilité de faire valoir ses arguments et de fournir des preuves additionnelles à cet égard. Par ailleurs, selon la requérante, les diverses factures auxquelles la chambre de recours a fait référence dans sa décision n’ont pas été versées au débat devant elle et ne pouvaient dès lors pas être prises en considération.

21      En troisième lieu, en tout état de cause, ces factures prouveraient la présence et l’usage sur le marché français de la marque internationale figurative KASTEELbier de la requérante et de la marque antérieure de l’intervenante, ce qui permettrait d’établir à suffisance de droit la coexistence desdites marques.

22      En quatrième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir rejeté de manière lapidaire, en violation de l’obligation de motivation, la force probatoire des factures qu’elle a produites aux fins de démontrer la coexistence des marques en cause.

23      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24      S’agissant du grief tiré d’un excès de pouvoir au regard de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait fondé sa décision sur un moyen auquel la requérante aurait renoncé, il convient de rappeler qu’il découle de la continuité fonctionnelle entre les différentes instances de l’OHMI que, en ce qui concerne le champ d’application de l’article 76 du règlement n° 207/2009, la chambre de recours est tenue de fonder sa décision au regard de tous les éléments de fait et de droit présents dans la décision attaquée devant elle et au regard de ceux introduits par la ou les parties, soit dans la procédure devant l’entité ayant statué en première instance, soit, sous la seule réserve du paragraphe 2 de cette disposition, dans la procédure de recours. En particulier, l’étendue de l’examen que la chambre de recours est tenue d’opérer à l’égard de la décision attaquée devant elle n’est pas, en principe, déterminée exclusivement par les moyens invoqués par la ou les parties dans la procédure devant elle [voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, Rec, EU:T:2003:241, points 29 et 32].

25      Il y a lieu de rappeler également que, par dérogation à la règle de l’examen d’office régissant les procédures devant l’OHMI, l’article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 207/2009 limite l’examen de l’OHMI, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, au sens de l’article 8 du règlement n° 207/2009, aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Cette limitation du pouvoir d’examen de l’OHMI découle de la règle selon laquelle, dans le cadre d’une procédure opposant les intérêts divergents de deux ou plusieurs parties, notamment d’une procédure d’opposition, il relève, en principe, du seul pouvoir des parties de déterminer – sur le plan tant factuel que juridique et sous réserve du respect des dispositions d’ordre public – l’objet d’une procédure administrative ou juridictionnelle qui les oppose ainsi que la portée des moyens qu’elles entendent invoquer dans ce contexte. Dès lors, en l’absence d’un moyen soulevé par une partie ou dans l’hypothèse du retrait ou de la limitation par une partie d’un tel moyen, l’OHMI ne saurait examiner d’office les éléments ainsi exclus de l’objet de la procédure et rejeter, sur le fondement de ces éléments, l’enregistrement de la marque demandée [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, EU:T:2006:400, point 43 et jurisprudence citée].

26      À cet égard, il y a lieu de relever que la réponse de la requérante à l’acte d’opposition visait initialement un moyen de défense tiré de la coexistence avec la marque antérieure de la marque internationale figurative KASTEELbier dont elle est titulaire. Toutefois, la requérante a indiqué dans son recours devant la chambre de recours qu’elle « se préserv[ait] les droits à invoquer [ladite] coexistence de fait en France ». La requérante a affirmé devant le Tribunal, en substance, qu’elle entendait ainsi informer la chambre de recours de son intention d’invoquer, le cas échéant, la question de la coexistence des marques en cause « dans le cadre d’une procédure en  France » (point 10 de la réplique) et « de ne plus vouloir [l’]invoquer » devant la chambre de recours (point 11 de la réplique). À la lumière de ces précisions, il convient de constater que la requérante a retiré, devant la chambre de recours, le moyen concernant la coexistence des marques. Cette intention de la requérante de retirer ce moyen du débat est également confirmée par ses propres déclarations devant le Tribunal selon lesquelles, en substance, elle n’a pas poursuivi son argumentation sur ce point devant la chambre de recours au regard de la pratique décisionnelle de l’OHMI relative à la coexistence de marques qu’elle juge critiquable.

27      Dans ces circonstances, l’OHMI ne saurait, en principe, conformément à la jurisprudence rappelée au point 25 ci-dessus, examiner d’office la question de la coexistence des marques ainsi exclue des moyens avancés dans le cadre de la procédure.

28      Il convient de relever que le point 42 de la décision attaquée, pertinent à cet égard, est libellé comme suit :

« [L’existence d’un risque de confusion] ne saurait être remise en cause par les arguments de la titulaire tirés de la coexistence de fait en France entre la marque opposante et une marque figurative de la titulaire qui contient le mot ‘KASTEELbier’. À cet égard, la chambre observe, premièrement, que la titulaire s’est limitée, dans le mémoire exposant les motifs du recours, à ‘se préserver les droits à invoquer’ ladite coexistence, qui d’ailleurs n’est pas un moyen expressément invoqué. En tous cas, par souci de clarté, il convient de relever que les sept factures apportées auxdites fins probatoires devant la division d’opposition […] ne seraient pas pertinentes aux fins de prouver une coexistence pacifique entre ces marques. En effet, la titulaire n’aurait pas démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre lesdites marques et la marque antérieure de l’opposante qui fonde l’opposition […] »

29      Il ressort du passage cité ci-dessus que la chambre de recours s’est interrogée sur la question de la coexistence des marques uniquement à titre surabondant et « par souci de clarté » et qu’elle a constaté, à titre principal, qu’il s’agissait d’un moyen dont la requérante « se préserv[ait] les droits à invoquer ».

30      Il s’ensuit, d’une part, que le premier grief soulevé par la requérante tiré d’un excès de pouvoir au regard de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours aurait fondé sa décision sur un moyen auquel elle avait renoncé doit être rejeté comme non-fondé.

31      D’autre part, les griefs que la requérante tire de la violation du principe du contradictoire (point 20 ci-dessus) et du défaut de motivation (point 22 ci-dessus) en ce qui concerne l’appréciation par la chambre de recours de la coexistence des marques sont dirigés contre les motifs surabondants de la décision attaquée. De tels griefs ne sauraient, selon une jurisprudence constante, entraîner l’annulation de celle‑ci et sont, par conséquent, inopérants [voir ordonnance du 25 septembre 2008, Stepek/OHMI – Masters Golf Company (GOLF-FASHION MASTERS THE CHOICE TO WIN), T‑294/07, EU:T:2008:405, point 17 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 mai 2007, Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée blanche avec un dessin floral de couleur), T‑241/05, T‑262/05 à T‑264/05, T‑346/05, T‑347/05 et T‑29/06 à T‑31/06, Rec, EU:T:2007:151, point 88].

32      Dans ces conditions, le premier moyen tiré d’un excès de pouvoir au regard de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et d’un défaut de motivation dans l’examen de la coexistence de la marque antérieure et de la marque internationale figurative KASTEELbier de la requérante doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009

33      La requérante fait valoir que les éléments de preuve fournis par l’intervenante ne permettent pas d’établir un usage sérieux de la marque antérieure pendant la période pertinente sur le territoire français.

34      S’agissant, en premier lieu, des factures produites par l’intervenante, le chiffre d’affaires global dont elles font état doit, selon la requérante, être mis en perspective avec la nature des produits en cause et la structure du marché pertinent. Ainsi, dans la mesure où les bières sont des produits de consommation courante destinés à être vendus à un grand nombre de consommateurs, la requérante soutient que le chiffre d’affaires avancé par l’intervenante ne traduit qu’un usage symbolique de la marque antérieure. Par ailleurs, la requérante conteste l’argumentation de l’OHMI selon laquelle les factures auraient été produites à titre illustratif. En tout état de cause, la chambre de recours, à qui il appartenait de demander des clarifications sur ce point, ne saurait se fonder, pour apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure, sur des documents qui ne lui ont pas été soumis.

35      S’agissant, en deuxième lieu, de l’article publié sur les sites Internet www.afrik.com et www.afrikeco.com, la requérante reproche à la chambre de recours de s’être fondée sur ledit document aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure, alors qu’il porte une date antérieure à la période de référence.

36      S’agissant, en troisième lieu, de l’attestation du directeur d’une agence de la société de fabrication et de distribution de la bière de la marque CASTEL BEER, présentée par l’intervenante, la requérante met en doute son caractère objectif.

37      L’OHMI et l’intervenante soutiennent que le deuxième moyen est infondé.

38      Il convient de rappeler qu’il résulte du considérant 10 du règlement n° 207/2009 que le législateur a estimé que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci était effectivement utilisée. L’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque ayant fait l’objet d’une opposition [voir arrêt du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, EU:T:2007:299, point 51 et jurisprudence citée].

39      En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 207/2009 (JO L 303, p. 1), venant préciser les dispositions de l’article 42, paragraphes 2 et 3, de ce dernier règlement n° 207/2009, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure (voir arrêt LA MER, point 38 supra, EU:T:2007:299, point 52 et jurisprudence citée).

40      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir arrêt LA MER, point 38 supra, EU:T:2007:299, point 54 et jurisprudence citée).

41      Bien que la notion d’usage sérieux s’oppose donc à tout usage minimal et insuffisant pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé, il n’en reste pas moins que l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 38, et du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, Rec, EU:T:2006:65, point 32].

42      Le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux [arrêts VITAFRUIT, point 41 supra, EU:T:2004:225, point 42, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36]. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Une telle appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, le seuil quantitatif qui devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’OHMI ou, sur recours, au Tribunal, d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (voir arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec, EU:C:2006:310, point 72 et jurisprudence citée, et LA MER, point 38 supra, EU:T:2007:299, point 55 et jurisprudence citée).

43      Enfin, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt LA MER, point 38 supra, EU:T:2007:299, point 59 et jurisprudence citée).

44      C’est à lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’apprécier si c’est sans méconnaître les dispositions applicables que la chambre de recours a estimé, au point 24 de la décision attaquée, que les éléments produits par l’intervenante permettaient de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure CASTEL BEER pour les produits pour lesquels celle-ci avait été enregistrée, à savoir pour les bières relevant de la classe 32.

45      Il ressort du point 4 de la décision attaquée et de l’analyse de la documentation contenue dans le dossier de l’OHMI transmis au Tribunal que, en réponse à la requête en preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, l’intervenante a présenté les documents suivants :

–        des factures émises par la société distributrice des produits en cause, adressées à des revendeurs établis dans les différentes régions de France où apparaît la marque CASTEL BEER en relation avec la vente de bière ;

–        une attestation en date du 17 octobre 2006 du directeur d’une agence de la société de fabrication et de distribution de la bière de marque CASTEL BEER, qui déclare que les factures délivrées à la société distributrice de ces produits en France, « concernent la marque CASTEL BEER » ;

–        des extraits des sites Internet www.afrik.com et www.afrikeco.com sur lesquels est publié l’article intitulé « Castel Beer se fait mousser en France », datés du 30 mai 2003.

46      Les autres pièces produites par l’intervenante pour la première fois devant le Tribunal à l’appui de son argumentation concernant l’usage sérieux de la marque antérieure sont irrecevables (voir point 17 ci-dessus).

 Sur la période pertinente

47      S’agissant des enregistrements internationaux désignant la Communauté européenne, la date de publication de la marque contestée, au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec les articles 152 et 156, paragraphe 2, du même règlement, servant à déterminer le début de la période de cinq ans au cours de laquelle l’usage de la marque antérieure doit être prouvé, est fixée six mois après la publication par l’OHMI de l’enregistrement international désignant la Communauté européenne. En l’espèce, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, cette date est le 6 avril 2009, l’enregistrement international de la marque demandée désignant la Communauté européenne ayant été publié le 6 octobre 2008 (voir point 4 ci-dessus).

48      Partant, la période de cinq ans visée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 s’étend du 6 avril 2004 au 5 avril 2009 inclus.

49      La marque antérieure étant une marque nationale enregistrée en France, le territoire pour lequel la preuve de l’usage est demandée est le territoire français.

50      Il convient de constater que certains des éléments de preuve sur lesquels la chambre de recours a fondé sa conclusion selon laquelle l’usage sérieux de la marque antérieure a été prouvé ne relèvent pas de la période pertinente, ainsi que le soutient la requérante. Il s’agit plus particulièrement de l’article intitulé « Castel Beer se fait mousser en France » publié sur les sites Internet www.afrik.com et www.afrikeco.com, auquel il est fait référence au point 22 de la décision attaquée. Cet article, datant de l’année 2003, n’est pas, en principe, susceptible de servir comme preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pendant la période comprise entre le 6 avril 2004 et le 5 avril 2009 inclus.

51      Toutefois, à supposer même que cette pièce ne permette pas, à elle seule, de conclure à un usage sérieux de la marque antérieure, il convient de considérer que la durée de vie commerciale d’un produit s’étendant généralement sur une période donnée, et la continuité de l’usage faisant partie des indications à prendre en compte pour établir que l’usage était objectivement destiné à créer ou à conserver une part de marché, la pièce ne relevant pas de la période pertinente, loin d’être dépourvue d’intérêt, doit, en l’espèce, être prise en compte et évaluée conjointement avec les autres éléments, car elle peut apporter la preuve d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque [voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 2011, Bodegas y Viñedos Puerta de Labastida/OHMI – Unión de Cosecheros de Labastida (PUERTA DE LABASTIDA), T‑345/09, EU:T:2011:173, point 32 et jurisprudence citée, et du 16 novembre 2011, Buffalo Milke Automotive Polishing Products/OHMI – Werner & Mertz (BUFFALO MILKE Automotive Polishing Products), T‑308/06, Rec, EU:T:2011:675, point 65].

52      Il s’ensuit que, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation sur ce seul élément, mais l’a pris en considération conjointement avec d’autres preuves afin de conclure que l’usage de la marque antérieure a été prouvé, elle n’a pas commis d’erreur.

 Sur l’usage sérieux de la marque antérieure

53      Il convient de constater, ainsi que le relève à juste titre l’OHMI, que la requérante ne conteste ni le lieu, en l’occurrence la France, ni la nature de l’usage de la marque antérieure en tant que marque telle qu’elle a été enregistrée. Ainsi, il y a lieu de considérer que la requérante conteste, en substance, l’appréciation de la chambre de recours relative à l’importance de l’usage.

54      À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la requérante ne remet pas en cause le constat de la chambre de recours, au point 20 de la décision attaquée, selon lequel les factures présentées par l’intervenante démontrent que la valeur totale des ventes de bières sous la marque antérieure représente un montant d’environ 25 000 euros, la majorité des volumes de ventes étant concentrée sur les années 2007 et 2008.

55      Ensuite, il convient de juger que, quand bien même le volume de vente serait relativement faible s’agissant des années 2004 à 2006, les factures présentées par l’intervenante démontrent que les produits visés par celles-ci ont été commercialisés de façon régulière pendant la période pertinente. En outre, même en prenant en considération le fait que la majorité des ventes est concentrée sur une période de vingt‑quatre mois, à savoir entre 2007 et 2008, il convient de constater que cette période n’est ni particulièrement courte ni particulièrement proche de la publication de l’enregistrement international de la requérante (voir, en ce sens, arrêt VITAFRUIT, point 41 supra, EU:T:2004:225, point 48).

56      Par ailleurs, les factures en cause démontrent, ainsi que le fait valoir l’OHMI, une large couverture géographique des ventes correspondantes, lesdites factures ayant été adressées à plusieurs distributeurs dans les différentes régions de France.

57      Ainsi, indépendamment du fait de savoir si les factures produites par l’intervenante ont ou non un caractère illustratif, elles permettent de conclure que les ventes effectuées constituent des actes d’usage objectivement propres à créer ou à conserver un débouché pour les produits en question dont le volume commercial, par rapport à la durée et la fréquence de l’usage, n’est pas si faible qu’il amène à conclure qu’il s’agit d’un usage purement symbolique, minime ou fictif dans le seul but de maintenir la protection du droit à la marque (voir, en ce sens, arrêt VITAFRUIT, point 41 supra, EU:T:2004:225, point 49).

58      Dans ce contexte, il convient, premièrement, de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû prendre en compte, dans le cadre de l’appréciation de l’importance de l’usage de la marque antérieure, le fait que celle-ci désigne une bière d’origine camerounaise. En effet, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 22 de la décision attaquée, que, quand bien même il résulte, notamment, de l’article intitulé « Castel Beer se fait mousser en France » que la bière commercialisée sous la marque antérieure est une bière camerounaise, il n’est pas possible d’opérer une division au sein de la catégorie des produits « Bières » en fonction de leurs origines. En effet, selon une jurisprudence, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous‑catégorie de produits ou de services [arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 29]. Or, la finalité des produits « Bières » est identique, indépendamment de leurs lieux de production. Ainsi, le critère de l’origine des produits visés par la marque antérieure ne saurait être pris en compte dans le cadre de l’appréciation de l’importance de l’usage des produits désignés par celle-ci.

59      Deuxièmement, force est de constater que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours a pris en compte, dans son appréciation de l’importance de l’usage de la marque antérieure au point 21 de la décision attaquée, le contexte du marché, à savoir le prix relativement peu élevé des produits concernés. Cette appréciation de la chambre de recours doit être approuvée. En effet, le prix relativement peu élevé des produits concernés n’est pas de nature à infirmer, en l’espèce, le constat de la chambre de recours selon lequel les actes d’usage de la marque antérieure étaient objectivement propres à créer ou à conserver un débouché pour ces produits.

60      Troisièmement, il convient de relever qu’il ressort du dossier de la procédure devant l’OHMI, transmis au Tribunal, que, certes, la requérante a invoqué, devant la chambre de recours, le fait que la bière est un produit de consommation courante. Toutefois, elle n’a pas soumis à l’appréciation de la chambre de recours les allégations concernant les habitudes de consommation de la bière en France, présentées au point 50 de la requête, ni, a fortiori, n’a présenté de preuves quelconques à cet égard. Elle n’est donc pas recevable à les invoquer pour la première fois devant le Tribunal.

61      Enfin, s’agissant de la valeur probante de l’attestation du directeur de la société fabriquant et distribuant les bières sous la marque antérieure, il convient de relever que la requérante n’étaye pas son allégation remettant en cause le caractère objectif de cette attestation par un quelconque argument. En tout état de cause, il importe de relever qu’il est de jurisprudence constante que, pour apprécier la valeur probante de « déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites », au sens de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, il y a lieu de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de se demander si, d’après son contenu, ledit document semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec, EU:T:2005:200, point 42, et BUFFALO MILKE Automotive Polishing Products, point 51 supra, EU:T:2011:675, point 58 et jurisprudence citée]. En l’espèce, l’attestation en question émane d’un directeur d’une agence d’une entreprise qui, bien que liée à l’intervenante par un contrat de licence de marque, est une personne morale tierce, indépendante de l’intervenante. En outre, les informations fournies par cette attestation sont corroborées par les factures relatives aux ventes des produits concernés [arrêt du 13 mai 2009, Schuhpark Fascies/OHMI – Leder & Schuh (jello SCHUHPARK), T‑183/08, EU:T:2009:156, point 39]. Eu égard au principe de l’examen des preuves de l’usage pris dans leur ensemble, la requérante n’est donc pas fondée à remettre en cause le caractère objectif ni la force probante de l’attestation en question.

62      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 22 de la décision attaquée, que l’intervenante avait démontré, à suffisance de droit, l’usage sérieux de la marque antérieure au sens de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009.

63      Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

64      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu, à tort, en violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, à l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure, les produits visés et les signes en conflit n’étant, selon elle, pas similaires.

65      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

66      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

67      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

68      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

69      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt RESPICUR, point 58 supra, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

70      En l’espèce, eu égard au fait que les produits visés par les marques en conflit, à savoir des bières, sont de consommation courante et que la marque antérieure pour laquelle l’usage sérieux a été prouvé est une marque française, la chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée, que le public pertinent, par rapport auquel l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer, se compose de consommateurs moyens français dont le niveau d’attention est tout au plus moyen. Cette appréciation doit être approuvée. En effet, les produits visés par les marques en conflit font normalement l’objet d’une distribution généralisée, allant du rayon alimentation d’un supermarché aux restaurants et aux cafés. Dans ces conditions, le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 19 octobre 2006, Bitburger Brauerei/OHMI – Anheuser-Busch (BUD, American Bud et Anheuser Busch Bud), T‑350/04 à T‑352/04, Rec, EU:T:2006:330, point 68 et jurisprudence citée].

71      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel les produits visés par la marque antérieure étant des bières d’origine camerounaise, ils sont destinés à un public « spécifique », doté d’un degré d’attention élevé, composé de consommateurs d’origine africaine ou de personnes ayant séjourné en Afrique et souhaitant retrouver, en France, leurs habitudes de consommation, ainsi que l’aurait fait valoir l’intervenante lors de la procédure devant l’OHMI.

72      En effet, il importe de relever que les droits conférés ou susceptibles d’être conférés par les marques en conflit s’étendent à chacune des catégories de produits ou de services pour lesquels ces marques sont protégées, ou à chacune des catégories de produits désignées par la demande d’enregistrement. Les choix commerciaux effectués ou susceptibles d’être effectués par les titulaires des marques en conflit sont des facteurs devant être distingués des droits tirés de ces marques et, dans la mesure où ils ne dépendent que de la volonté des titulaires desdites marques, sont susceptibles de changements. Aussi longtemps que la liste des produits désignés par les marques en conflit n’a pas été modifiée, de tels facteurs ne pourraient avoir une incidence quelconque sur le public pertinent à prendre en compte au stade de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 2005, Gillette/OHMI – Wilkinson Sword (RIGHT GUARD XTREME sport), T‑286/03, EU:T:2005:126, point 33, et du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, Rec, EU:T:2010:347, point 38]

73      En l’espèce, la marque antérieure est enregistrée pour les bières en général. Il a également été considéré, au point 58 ci‑dessus, que le critère de l’origine du produit n’est pas pertinent pour établir une sous-catégorie au sein des produits « Bières » aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque. Il convient dès lors de considérer que les produits désignés par la marque demandée sont destinés au public général composé de consommateurs moyens de bières, normalement attentifs et avisés, sans qu’il puisse être distingué au sein de cette catégorie un public d’origine africaine ou les amateurs de bières d’origine africaine.

 Sur la comparaison des produits

74      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

75      En l’espèce, les marques en conflit désignent toutes deux des bières relevant de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice, la marque demandée précisant en outre une catégorie plus spécifique de ces produits, à savoir, les « ales (bières anglaises blondes et peu amères) », incluse dans la catégorie plus générale des bières. Il ressort du point 30 de la décision attaquée que la chambre de recours a conclu que les produits visés par les marques en conflit sont identiques. Cette appréciation doit être approuvée.

76      La requérante soutient que les produits visés par la marque antérieure, qui sont des bières d’origine camerounaise destinées à un public de consommateurs d’origine africaine (voir point 71 ci-dessus), seraient différents des produits couverts par la marque antérieure, compte tenu de leurs canaux de distribution différents, des modes de consommations différents, des publics différents et de leur nature différente. Selon la requérante, le fait qu’ils appartiennent à la même classe ne permet pas de conclure à leur identité.

77      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

78      L’argument de la requérante selon lequel il convient de tenir compte, dans le cadre de la comparaison des produits, de l’origine africaine des bières commercialisées sous la marque antérieure ne saurait prospérer. En effet, il y a lieu de procéder à la comparaison des produits tels qu’enregistrés, ou tels qu’ils sont couverts par la demande d’enregistrement, et non tels qu’ils résultent de l’usage de la marque en cause [arrêts du 16 septembre 2009, Dominio de la Vega/OHMI – Ambrosio Velasco (DOMINIO DE LA VEGA), T‑458/07, EU:T:2009:337, point 33, et du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, Rec, EU:T:2007:96, point 89]. Dès lors, le fait que la marque antérieure, laquelle est enregistrée pour les bières en général, ne concerne, sur le marché, que les bières d’origine camerounaise, dont le degré d’alcool est, en outre, inférieur à celui des bières commercialisées sous la marque demandée, ne saurait remettre en cause l’identité qui existe entre les produits tels que désignés par les marques en conflit.

79      En tout état de cause, il peut exister un risque de confusion même lorsque, pour le public pertinent, les produits ont des lieux de production différents [arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec, EU:T:2005:438, point 52].

80      Par ailleurs, ne saurait davantage prospérer l’argument de la requérante selon lequel les canaux de distribution des produits visés par les marques en conflit seraient différents dans la mesure où les produits désignés par la marque antérieure sont distribués par le biais de magasins spécialisés, destinés à des consommateurs d’origine africaine, alors que les produits désignés par la marque demandée sont vendus en grandes surfaces. En effet, par cet argument, la requérante fait référence aux modalités particulières de commercialisation des produits en cause et non pas aux modalités de commercialisation « normales » par rapport à la catégorie de produits visés. Or, les produits visés par les marques en conflit étant les bières, leurs canaux de distribution s’étendent du rayon alimentation des supermarchés aux restaurants et aux cafés, ainsi qu’il a été relevé au point 70 ci-dessus. Quand bien même ces modalités de commercialisation objectives des produits désignés par les marques en conflit doivent être prises en compte lors de l’appréciation du risque de confusion, tel n’est pas le cas s’agissant des modalités de commercialisation particulières de ces produits, lesquelles peuvent varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques. En effet, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques [arrêts du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, EU:C:2007:171, point 59, et du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, Rec, EU:T:2008:319, point 63].

 Sur la comparaison des signes

81      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

82      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans le mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 81 supra, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, point 81 supra, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, EU:C:2007:539, point 43).

83      S’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec, EU:T:2002:261, point 35, et du 8 février 2007, Quelle/OHMI – Nars Cosmetics (NARS), T‑88/05, EU:T:2007:45, point 57].

84      Lorsque certains éléments d’une marque revêtent un caractère descriptif des produits et des services pour lesquels la marque est protégée ou des produits et des services désignés par la demande d’enregistrement, ces éléments ne se voient reconnaître qu’un caractère distinctif faible, voire très faible [voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2007, Koipe/OHMI – Aceites del Sur (La Española), T‑363/04, Rec, EU:T:2007:264, point 92, et du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, EU:T:2007:391, point 53]. Du fait de leur faible, voire très faible, caractère distinctif, les éléments descriptifs d’une marque ne seront généralement pas considérés par le public comme étant dominants dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, sauf lorsque, en raison notamment de leur position ou de leur dimension, ils apparaissent comme susceptibles de s’imposer à la perception du public et d’être gardés en mémoire par celui-ci [voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2008, Shaker/OHMI – Limiñana y Botella (Limoncello della Costiera Amalfitana shaker), T‑7/04, Rec, EU:T:2008:481, point 44 et jurisprudence citée, et el charcutero artesano, précité, EU:T:2007:391, point 53 et jurisprudence citée]. Cela ne signifie toutefois pas que les éléments descriptifs d’une marque sont nécessairement négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. À cet égard, il convient, en particulier, de rechercher si d’autres éléments de la marque sont susceptibles de dominer, à eux seuls, l’image de celle-ci que le public pertinent garde en mémoire (voir point 82 ci-dessus).

85      En l’espèce, les signes à comparer sont, d’une part, la marque demandée, qui est une marque complexe composée de l’élément verbal « kasteel » en caractères d’imprimerie, inscrit dans un élément figuratif constitué d’une banderole stylisée de nuance grise et, d’autre part, la marque antérieure qui est une marque verbale, composée de deux éléments, à savoir « castel » et « beer ». 

–       Sur la similitude visuelle des signes

86      La chambre de recours a relevé, au point 35 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient similaires sur le plan visuel dans la mesure où cinq des six lettres du premier mot composant la marque antérieure étaient présentes, dans le même ordre, dans l’élément verbal du signe demandé. Elle a en outre souligné que les différences entre les marques en conflit résultant de la différence dans les premières lettres des mots dominants, à savoir « c » pour la marque antérieure et « k » pour la marque demandée, de la présence de l’élément « beer » dans le signe antérieur, ainsi que la répétition de la lettre « e » dans le signe contesté et l’élément figuratif de celui-ci, ne sont pas suffisantes pour exclure toute similitude visuelle.

87      La requérante soutient tout d’abord que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit en comparant un seul des éléments de la marque demandée, à savoir l’élément verbal « kasteel », avec la marque communautaire antérieure, comme si ledit élément était susceptible de dominer l’image de la marque demandée, alors que l’élément figuratif, compte tenu de sa place prépondérante dans la marque, serait à prendre en considération. Par ailleurs, la requérante fait valoir que l’élément dominant de la marque antérieure ne saurait être le terme « castel » dans la mesure où ladite marque est composée de deux termes, de taille équivalente, qui forment aux yeux du public pertinent un tout.

88      La requérante fait ensuite valoir que les signes en conflit ne sont pas similaires sur le plan visuel, puisque la marque antérieure est composée de deux éléments verbaux, alors que la marque demandée n’en contient qu’un seul. En outre, la rareté, dans la langue française, de la lettre initiale de l’élément verbal de la marque demandée, à savoir la lettre « k », induirait une perception visuelle très différente des signes en conflit chez les consommateurs français. Enfin, l’élément « beer », présent uniquement dans la marque antérieure, et l’élément figuratif de caractère original de la marque demandée joueraient un rôle important dans la différenciation des signes en conflit sur le plan visuel.

89      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

90      Il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [arrêts du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec, EU:T:2002:318, point 51, et du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, Rec, EU:T:2005:156, point 43].

91      Selon une jurisprudence constante, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts MATRATZEN, point 83 supra, EU:T:2002:261, point 30, et du 26 janvier 2006, Volkswagen/OHMI – Nacional Motor (Variant), T‑317/03, EU:T:2006:27, point 46].

92      Force est de constater, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas comparé, sur le plan visuel, les seuls éléments « kasteel » de la marque demandée et « castel » de la marque antérieure, mais a procédé, au point 35 de la décision attaquée, à la comparaison des signes pris dans leur ensemble en tenant compte tant des éléments de ressemblance que des éléments de dissemblance et en analysant l’impact que ces différents composants des marques en conflit sont susceptibles d’avoir sur la perception visuelle des signes en conflit par le public pertinent. Cet argument de la requérante doit dès lors être rejeté comme non fondé.

93      En deuxième lieu, il convient de relever que l’élément « kasteel » de la marque demandée et l’élément « castel » de la marque antérieure sont susceptibles d’attirer davantage l’attention du public pertinent que les autres éléments composant les signes en conflit.

94      D’une part, s’agissant de la marque demandée, l’élément figuratif composant celle-ci est de nature purement décorative et n’a qu’un impact limité dans la perception du signe par le public pertinent. En outre, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, telle la marque demandée, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits en cause en en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêts du 22 mai 2008, NewSoft Technology/OHMI – Soft (Presto! Bizcard Reader), T‑205/06, EU:T:2008:163, point 54 et jurisprudence citée, et DOMINIO DE LA VEGA, point 78 supra, EU:T:2009:337, point 47 et jurisprudence citée].

95      D’autre part, s’agissant de la marque antérieure, le terme « castel » composant celle-ci est suivi du terme « beer » qui, appartenant au vocabulaire anglais de base, sera perçu au moins pour une partie des consommateurs français de bières comme étant descriptif des produits visés. Dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée au point 84 ci-dessus, l’importance, dans la perception de la marque antérieure par le public pertinent, de l’élément « beer », moins distinctif à l’égard des produits visés, est négligeable par rapport à l’élément « castel ». En outre, l’élément « castel » est placé en position initiale de la marque antérieure et est, de ce fait, susceptible d’attirer davantage l’attention du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2007, Sunplus Technology/OHMI – Sun Microsystems (SUNPLUS), T‑38/04, EU:T:2007:341, point 40].

96      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à une similitude visuelle des signes en conflit résultant de la présence, dans les éléments « kasteel » de la marque demandée et « castel » de la marque antérieure des lettres « a », « s », « t », « e » et « l », placées dans le même ordre.

97      En troisième lieu, c’est également à bon droit que la chambre de recours a considéré que les différences entres les marques en conflit résultant, d’une part, de la présence de la lettre « k » dans la partie initiale de la marque demandée et de la lettre « c » dans la partie initiale du premier élément de la marque antérieure et, d’autre part, de la présence d’un élément figuratif dans la marque demandée et de la répétition de la lettre « e » dans l’élément verbal de celle-ci ne sont pas de nature à exclure la similitude visuelle entre les signes en cause.

98      Il convient dès lors d’approuver la décision attaquée en ce que la chambre de recours a estimé que les éléments de ressemblance entre la marque antérieure et la marque demandée l’emportent sur les éléments de dissemblance entre lesdites marques, de sorte que, suivant une appréciation visuelle d’ensemble, ces signes présentent un certain degré de similitude.

–       Sur la similitude phonétique

99      Selon la chambre de recours, les signes en conflit sont similaires sur le plan phonétique dans la mesure où les éléments dominants desdits signes en conflit seront prononcés de manière identique, au moins par une grande partie du public pertinent (point 36 de la décision attaquée).

100    La requérante soutient que les signes en conflit ne sont pas similaires d’un point de vue phonétique. Elle fait valoir qu’ils ne partagent pas le même nombre de syllabes et, par conséquent, le même rythme. En outre, la prononciation par les consommateurs français des termes « castel » et « kasteel » serait différente, la séquence des voyelles « ee » de l’élément verbal « kasteel » amenant un son plus doux et long que la voyelle « e » de l’élément verbal « castel ». La séquence de voyelles « ee » de l’élément « kasteel » pourrait, selon la requérante, également induire une prononciation de celui-ci comme « kastil ». Par ailleurs, le terme « castel » de la marque antérieure ne serait pas dominant sur le plan phonétique, les consommateurs prononceraient également le terme « beer » de la marque antérieure puisqu’ils la liraient comme un tout.

101    L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

102    À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que les marques en conflit présentent une structure différente dans la mesure où elles sont composées d’un nombre différent de mots, comme le fait valoir la requérante, le premier élément verbal à prononcer de la marque antérieure et le seul élément verbal de la marque demandée, l’élément figuratif de cette dernière n’ayant pas d’impact sur le plan phonétique, sont tous deux composés de deux syllabes, respectivement, « cas » et « tel » pour la marque antérieure et « kas » et « teel » pour la marque demandée. Or, force est de constater que la prononciation de ces séquences de lettres est identique ou, à tout le moins, très similaire, dans la langue française. Même à supposer qu’une partie des consommateurs français prononcerait le terme « kasteel » comme « kastil », il n’en reste pas moins que les deux termes demeurent similaires sur le plan phonétique. Il convient également de relever, ainsi que l’a fait la chambre de recours au point 36 de la décision attaquée, qu’il est très probable que, à tout le moins en ce qui concerne le consommateur connaissant la signification du terme « beer » de la marque antérieure, il le percevra comme descriptif du produit visé et ne le prononcera pas lors de commandes orales [voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2012, Cervecería Modelo/OHMI – Plataforma Continental (LA VICTORIA DE MEXICO), T‑205/10, EU:T:2012:36, point 68].

103    Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient similaires sur le plan phonétique.

–       Sur la similitude conceptuelle

104    Il ressort des points 37 à 40 de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que les marques en conflit ne présentaient pas de similitude conceptuelle pour une partie des consommateurs français, sauf pour ceux d’entre eux capables de percevoir les termes « castel » et « kasteel » comme évoquant tous les deux le concept de château. En outre, l’élément « beer » de la marque antérieure, même s’il était compris par une partie du public pertinent, n’aurait qu’une capacité limitée à permettre une distinction entre les produits visés, dans la mesure où il est descriptif de ces produits.

105    La requérante se rallie, en substance, à l’appréciation de la chambre de recours et estime que les signes en conflit ne présentent pas de similitude conceptuelle pour les consommateurs français, sauf pour une minorité d’entre eux qui percevrait les termes « castel » et « kasteel » comme faisant référence à un château.

106    En l’espèce, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que soutient l’intervenante, la signification des termes « castel » et « kasteel » des signes en conflit ne sera pas aisément appréhendée par une partie significative du public pertinent en raison de l’usage peu fréquent du terme « castel » dans la langue française. Par ailleurs, l’élément figuratif de la marque demandée ne saurait apporter aucune portée conceptuelle identifiable conférant à ladite marque une signification similaire de celle de son élément verbal.

107    Dès lors, seule la partie du public pertinent comprenant les termes « castel » et « kasteel » comme faisant référence à un château percevra une faible similitude conceptuelle entre les marques en conflit.

108    Quant au reste du public pertinent, pour lequel tant le terme « castel » que le terme « kasteel » n’ont de signification, les marques en cause ne seront pas susceptibles d’être comparées sur le plan conceptuel.

109    Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé au point 40 de la décision attaquée que les marques en conflit ne présentent pas de similitude conceptuelle pour les consommateurs français de bières, sauf pour ceux d’entre eux capables de percevoir les termes « castel » et « kasteel » comme évoquant tous les deux le concept de château.

 Sur le risque de confusion

110    La chambre de recours a considéré, au point 41 de la décision attaquée, que, eu égard aux similitudes existant entre les signes en conflit et à l’identité des produits visés, il existait un risque que le public pertinent puisse croire que les bières commercialisées sous lesdites marques proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

111    La requérante fait valoir que, compte tenu de la différence entre les produits visés par les marques en conflit, de l’absence de similitude entre les signes en conflit et du caractère distinctif normal de la marque antérieure, il n’existe pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En outre, elle fait valoir que la comparaison phonétique des signes en conflit ne saurait dominer leur comparaison visuelle, dans la mesure où les bières ne sont pas uniquement consommées dans les bars et restaurants, mais peuvent également être achetées directement par les consommateurs dans des magasins en libre-service.

112    L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

113    Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 74].

114    Compte tenu du principe de l’interdépendance des facteurs à prendre en considération, tel que rappelé au point 113 ci‑dessus, il convient de conclure que, en l’espèce, il existe un risque que le public auquel sont destinés les produits en cause soit susceptible de croire que ceux-ci proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, dans la mesure où, d’une part, les produits visés par les marques en conflit sont identiques et, d’autre part, l’examen effectué ci-dessus quant à la comparaison des signes révèle qu’ils présentent une similitude sur les plans visuel et phonétique, tout en étant neutres sur le plan conceptuel, au moins pour une partie du public pertinent.

115    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument avancé par la requérante selon lequel la chambre de recours a sous-évalué l’importance de la comparaison visuelle dans son appréciation globale du risque de confusion. À cet égard, il y a lieu de rappeler, premièrement, qu’il a déjà été établi que la chambre de recours n’a commis aucune erreur en concluant à l’existence d’une similitude sur le plan visuel (voir point 98 ci-dessus). Deuxièmement, il ressort du point 41 de la décision attaquée que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours a accordé autant d’importance à l’aspect visuel qu’à l’aspect phonétique tout en soulignant, à bon droit, que pour les produits visés qui sont également commandés oralement, il y a lieu d’attacher une certaine importance à l’aspect phonétique de la comparaison des signes [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2013, Warsteiner Brauerei Haus Cramer/OHMI – Stuffer (ALOHA 100% NATURAL), T‑243/12, EU:T:2013:344, point 42 et jurisprudence citée].

116    Ne saurait davantage être retenu l’argument de la requérante selon lequel le risque de confusion ne pourrait pas être relevé compte tenu du fait que la marque antérieure a un caractère distinctif normal. À cet égard, il convient de constater que la requérante n’a pas développé cet argument. En tout état de cause, quand bien même, selon la jurisprudence, le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, celui-ci étant d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec, EU:C:1997:528, point 24 ; Canon, EU:C:1998:442, point 113 supra, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec, EU:C:1999:323, point 20), il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

117    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’il existait entre les marques en conflit un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

118    Aucun des griefs avancés par la requérante à l’appui de ses moyens n’étant fondé, il y a lieu de les rejeter et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

120    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Brouwerij Van Honsebrouck supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et par Beverage Trademark Co. Ltd BTM.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 novembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.