Language of document : ECLI:EU:C:2015:326

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 20 mai 2015 (1)

Affaire C‑177/14

María José Regojo Dans

contre

Consejo de Estado

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Espagne)]

«Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Secteur public – Personnel auxiliaire – Clause 2, point 1 – Clause 3, point 1 – Qualification de travailleur à durée déterminée – Clause 3, point 2 – Notion de travail identique ou similaire – Nature particulière des tâches – Comparaison effectuée conformément à la législation nationale – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Raisons objectives»





1.        La présente demande de décision préjudicielle, qui émane du Tribunal Supremo (Espagne), porte sur l’interprétation de l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 (ci-après l’«accord-cadre sur le travail à durée déterminée») (2). Ce texte, qui, dans le prolongement du Conseil européen extraordinaire de Luxembourg, cherche à réaliser «un meilleur équilibre entre la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs» (3), a deux objets: d’une part, il prévoit que les États membres prennent des mesures visant à prévenir les abus résultant du renouvellement des contrats à durée déterminée (4); d’autre part, il exige que les travailleurs à durée déterminée ne soient pas traités de manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparable.

2.        C’est sur ce second objet que le juge de renvoi interroge la Cour. Elle est notamment appelée à interpréter la notion de «travail/emploi identique ou similaire», qui caractérise le travailleur à durée indéterminée «comparable» au travailleur à durée déterminée qui revendique le bénéfice de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, ainsi qu’à se prononcer sur la caractérisation des «raisons objectives» susceptibles de justifier l’inégalité de traitement.

I –     Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

3.        La clause 2, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée définit le champ d’application de celui-ci: il est applicable «aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre».

4.        La clause 3 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée définit le travailleur à durée déterminée et le travailleur à durée indéterminée comparable. Selon son point 1, constitue un «travailleur à durée déterminée» au sens de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée la «personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives, telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un évènement déterminé». Selon son point 2, constitue un «travailleur à durée indéterminée comparable» au sens de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée le travailleur qui, d’une part, a un contrat de travail à durée indéterminée «dans le même établissement», d’autre part, a «un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences». La clause 3, point 2, précise que, en l’absence de travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, «la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales».

5.        La clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée énonce le principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée par rapport aux travailleurs à durée indéterminée comparables. Son point 1 dispose que «pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives». Son point 4 précise que «les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont justifiés par des raisons objectives».

B –    Le droit national

6.        L’article 8 de la loi portant statut de base des agents publics (Ley 7/2007 del Estatuto Básico del Empleado Público), du 12 avril 2007 (5) (ci‑après la «LEBEP»), définit les agents publics comme «les personnes exerçant des fonctions rémunérées dans les administrations publiques au service de l’intérêt général». Il précise qu’il existe quatre types d’agents publics: les fonctionnaires statutaires, les fonctionnaires intérimaires, les agents contractuels (dont les contrats peuvent être à durée indéterminée ou à durée déterminée) et le personnel auxiliaire (6).

7.        L’article 9, paragraphe 1, de la LEBEP prévoit que «sont fonctionnaires statutaires les personnes désignées par la loi qui relèvent d’une administration publique en vertu d’une relation statutaire régie par le droit administratif, en vue d’accomplir des services professionnels rémunérés à caractère permanent». L’article 9, paragraphe 2, de la LEBEP précise qu’«en tout état de cause, l’exercice de fonctions impliquant la participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique ou à la sauvegarde des intérêts généraux de l’État et des administrations publiques incombe exclusivement aux fonctionnaires, dans les conditions établies par la loi d’application de chaque administration publique».

8.        L’article 12, paragraphe 1, de la LEBEP dispose que «constituent du personnel auxiliaire les personnes qui, en vertu de leur nomination et de manière non permanente, réalisent seulement des missions expressément qualifiées de missions de confiance ou de conseil spécial et sont rémunérées sur des crédits budgétaires alloués à cette fin». Le paragraphe 3 de cet article prévoit que «la nomination et la révocation sont libres. En tout état de cause, la révocation intervient en même temps que celle de l’autorité auprès de laquelle la mission de confiance ou de conseil est exercée». Le paragraphe 5 dudit article indique que «le régime général des fonctionnaires statutaires est applicable au personnel auxiliaire dans la mesure où il est approprié à la nature de la situation de ces agents».

9.        Avant l’entrée en vigueur de la LEBEP, le 13 mai 2007, le régime applicable aux agents publics figurait dans la loi de la fonction publique civile (Ley articulada de Funcionarios del Estado), adoptée par le décret 315/1964, du 7 février 1964 (7) (ci-après la «LFCE»), et dans la loi 30/1984 portant mesures de réforme de la fonction publique (Ley de Medidas para la Reforma de la Función Pública), du 2 août 1984 (8) (ci-après la «loi 30/1984»). L’article 3 de la LFCE distinguait les fonctionnaires statutaires des fonctionnaires contractuels, ces derniers pouvant être, soit fonctionnaires auxiliaires, soit fonctionnaires intérimaires. L’article 4 de la LFCE prévoyait qu’«est fonctionnaire statutaire quiconque, après avoir bénéficié d’une nomination légale, exerce des fonctions à caractère permanent, figure dans le tableau des effectifs correspondant et perçoit salaires et traitements fixes à la charge des consignations de personnel des budgets généraux de l’État». Quant au personnel auxiliaire, l’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la loi 30/1984 disposait qu’il «exerce seulement des missions expressément qualifiées de missions de confiance ou de conseil spécial; la nomination et la révocation sont libres et relèvent exclusivement des ministres et des secrétaires d’État et, le cas échéant, des conseillers gouvernementaux des communautés autonomes et des présidents des collectivités locales. Le personnel auxiliaire est automatiquement révoqué lorsque l’autorité auprès de laquelle la mission de confiance ou de conseil spécial est exercées est révoquée».

10.      Concernant la rémunération des agents publics, l’article 23 de la LEBEP traite de la «rémunération de base» des fonctionnaires statutaires. Il dispose que celle-ci inclut, d’une part, «le traitement prévu pour chaque sous-groupe de classement professionnel ou, en l’absence de sous-groupe, chaque groupe de classement professionnel», d’autre part, «les primes triennales, qui consistent en un montant fixe, propre à chaque sous-groupe de classement professionnel ou, en l’absence de sous-groupe, chaque groupe de classement professionnel, pour chaque période de trois années de service».

11.      La rémunération du personnel auxiliaire est régie par les lois de finances. La loi de finances la plus récente applicable à la période litigieuse est la loi 2/2012, du 29 juin 2012 (9) (ci-après la «loi de finances pour 2012») (10). Son article 26, paragraphe 4, dispose que «le personnel auxiliaire perçoit les rémunérations au titre du traitement et des treizième et quatorzième mois correspondant au groupe et au sous-groupe de classement auquel le ministère des Finances et des Administrations publiques assimile leurs fonctions ainsi que les rémunérations complémentaires correspondant au poste de travail réservé à du personnel auxiliaire qu’ils occupent […]. Les fonctionnaires statutaires qui, en situation de service actif ou de détachement, occupent des postes de travail réservés à du personnel auxiliaire perçoivent les rémunérations de base correspondant à leur groupe ou sous-groupe de classement, y compris les primes triennales d’ancienneté, le cas échéant, ainsi que les rémunérations complémentaires correspondant au poste de travail occupé».

II – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

12.      Mme Regojo Dans est employée comme personnel auxiliaire par le Consejo de Estado depuis le 1er mars 1996. Elle y occupe le poste de chef du secrétariat du conseiller permanent président de la deuxième section. Elle a auparavant été employée, également comme personnel auxiliaire, par le Tribunal Constitucional, du 4 juillet 1980 au 1er mars 1996, avec une brève interruption du 7 au 26 avril 1995, pendant laquelle elle a travaillé, en tant qu’agent contractuel, au Consejo Económico y Social.

13.      Le 25 janvier 2012, Mme Regojo Dans a introduit une demande auprès du Consejo de Estado afin que lui soit reconnu le droit de percevoir les primes triennales d’ancienneté correspondant à la période pendant laquelle elle a été employée comme agent public, à savoir 31 ans et demi à la date d’introduction de la demande, et afin que le montant correspondant aux quatre dernières années lui soit versé.

14.      Par décision du 24 juillet 2012, le président du Consejo de Estado a rejeté sa demande.

15.      Mme Regojo Dans a formé un recours contentieux administratif contre cette décision devant le juge de renvoi, en soutenant, notamment, que le refus de lui reconnaître le droit à la prime triennale d’ancienneté constitue une différence de traitement avec les autres agents publics , et qu’une telle différence de traitement est contraire à la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

16.      Le Tribunal Supremo a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le ‘personnel auxiliaire’ actuellement régi par l’article 12 de [la LEBEP] […] et le ‘personnel auxiliaire’ précédemment régi par l’article 20, paragraphe 2, de la loi 30/1984 […] relèvent-ils de la définition du ‘travailleur à durée déterminée’ énoncée à la clause 3, point 1, de [l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée]?

2)      Le principe de non-discrimination énoncé à la clause 4, point 4, de [l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée] est-il applicable à ce ‘personnel auxiliaire’ aux fins de lui reconnaître et de lui payer les rémunérations qui sont versées au titre de l’ancienneté aux fonctionnaires statutaires, aux agents contractuels à durée indéterminée, aux fonctionnaires intérimaires et aux agents contractuels à durée déterminée?

3)      Le régime de nomination et de révocation libres, fondé sur des raisons tenant à la confiance, qui s’applique à ce ‘personnel [auxiliaire]’ en vertu des deux lois espagnoles précitées, relève-t-il des raisons objectives invoquées par ladite clause 4 pour justifier un traitement différent?»

17.      Ces questions ont fait l’objet d’observations écrites de la part de Mme Regojo Dans, des gouvernements espagnol et italien, ainsi que de la Commission européenne.

III – Analyse juridique

A –    Sur la première question préjudicielle

18.      Par sa première question, le juge de renvoi demande à la Cour si un travailleur exerçant une «mission de confiance ou de conseil spécial» doit être qualifié de «travailleur à durée déterminée» au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

19.      Cette question en recouvre, me semble-t-il, deux. L’une porte sur la qualification du personnel auxiliaire de «travailleur», l’autre, sur sa qualification de travailleur «à durée déterminée» au sens de la clause 3, point 1, de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée.

1.      Sur la qualification de «travailleur»

20.      Selon le juge de renvoi, le personnel auxiliaire ne saurait être qualifié de «travailleur», au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, que s’il satisfait à l’un ou à plusieurs des trois critères suivants: une activité qui peut être assimilée à une profession du secteur privé, un lien de subordination et une rémunération qui constitue un moyen de subsistance pour lui (11).

21.      Or, ni la clause 3, point 1, ni aucune clause de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée ne définit le travailleur. En effet, la clause 2, point 1, de cet accord-cadre dispose que le contrat ou la relation de travail est «défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre». Le considérant 17 de la directive 1999/70 précise qu’«en ce qui concerne les termes employés dans l’accord-cadre [sur le travail à durée déterminée] sans y être définis de manière spécifique, la présente directive laisse aux États membres le soin de définir ces termes en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales». Dans l’arrêt Sibilio, la Cour, interrogée sur la qualification de la relation entre des travailleurs socialement utiles et l’administration italienne, a jugé qu’il appartient aux États membres et/ou aux partenaires sociaux de définir ce qui constitue un contrat ou une relation de travail relevant de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conformément à la clause 2, point 1, de celui-ci (12). C’est au juge de renvoi, seul compétent pour interpréter le droit interne (13), qu’il revient de se prononcer sur la qualification de «travailleur» du personnel auxiliaire.

22.      La compétence des États membres pour définir le contrat ou la relation de travail connaît une seule réserve: ils ne sauraient, comme l’a jugé la Cour dans le même arrêt Sibilio, exclure arbitrairement une catégorie de personnes du bénéfice de la protection offerte par la directive 1999/70 et l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (14). En effet, le considérant 17 de la directive 1999/70 précise que les États membres définissent les termes non définis par cet accord-cadre, à condition que lesdites définitions respectent le contenu dudit accord-cadre. La définition par le droit interne du contrat ou de la relation de travail ne saurait donc mettre en péril les objectifs et l’effet utile du même accord-cadre. Ainsi la Cour a‑t-elle jugé que les États membres ne peuvent écarter les agents publics du bénéfice de la protection de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée: «la définition de la notion de ‘travailleur à durée déterminée’, au sens de l’accord‑cadre [sur le travail à durée déterminée], énoncée à la clause 3, point 1, de celui-ci, englobe l’ensemble des travailleurs, sans opérer de distinction selon la qualité publique ou privée de l’employeur auquel ils sont liés» (15). De même, dans l’arrêt Sibilio, la Cour a relevé que la République italienne ne pouvait retenir une qualification formelle autre que celle de «relation de travail» lorsque «cette qualification formelle n’est que fictive, déguisant ainsi une véritable relation de travail au sens [du] droit [italien]» (16). Dans l’arrêt O’Brien, où la Cour avait à connaître de la relation liant des juges à temps partiel à l’administration irlandaise, elle a considéré que l’Irlande ne pouvait refuser de qualifier celle-ci de relation de travail que «si la nature de la relation de travail en cause est substantiellement différente de celle qui lie à leurs employeurs les employés relevant, selon le droit national, de la catégorie des travailleurs» (17). Afin de mener à bien cette comparaison, le juge de renvoi devait prendre en compte les modalités de désignation et de révocation des juges, le mode d’organisation de leur travail (horaires, périodes de travail, flexibilité) ainsi que la circonstance qu’ils avaient droit aux prestations sociales (indemnité de maladie, allocations de maternité et de paternité) (18).

23.      En d’autres termes, si la Cour, conformément à la clause 2, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, ne définit pas la relation de travail, elle exige néanmoins qu’une telle définition ne soit pas appliquée de manière arbitraire: elle exige que les critères de la relation de travail, tels que définis par le droit national applicable, soient appliqués de la même manière à toutes les personnes revendiquant la protection de cet accord-cadre (19).

24.      Il convient donc de répondre au juge de renvoi que, bien qu’il appartienne aux États membres de définir le contrat ou la relation de travail, il doit s’assurer qu’une telle définition n’aboutit pas à exclure arbitrairement une catégorie de personnes, en l’espèce, celle du personnel auxiliaire, du bénéfice de la protection offerte par la directive 1999/70 et l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Le personnel auxiliaire doit en effet se voir accorder une telle protection dès lors que la nature de sa relation à l’administration publique n’est pas substantiellement différente de celle qui lie à leurs employeurs les personnes relevant, selon le droit espagnol, de la catégorie des travailleurs.

25.      Comme le relève le juge de renvoi, le personnel auxiliaire ne peut pas être exclu du bénéfice de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée en raison de son statut d’agent public (20).

26.      Il peut, en revanche, l’être si sa relation à l’administration publique est substantiellement différente de la relation liant à leurs employeurs les travailleurs qualifiés comme tels par le droit espagnol. À cet égard, le juge de renvoi relève que, selon l’article 9, paragraphe 1, de la LEBEP, les fonctionnaires statutaires sont liés à l’administration publique par «une relation statutaire régie par le droit administratif, en vue d’accomplir des services professionnels rémunérés à caractère permanent» (21). Il appartient donc au juge de renvoi d’apprécier si la relation du personnel auxiliaire à l’administration publique est substantiellement différente de celle décrite à l’article 9, paragraphe 1, de la LEBEP.

27.      Toutefois, je ne vois pas pourquoi la qualification générale de «missions de confiance ou de conseil spécial» ne recouvrirait pas l’exercice de «services professionnels», et telle semble être l’opinion du juge de renvoi. Je relève également que l’article 26, paragraphe 4, de la loi de finances pour 2012 dispose que «le personnel auxiliaire perçoit les rémunérations au titre du traitement […] correspondant au groupe ou au sous-groupe de classement auquel le ministère des finances et des administrations assimile leur fonctions […]»: le traitement de base du personnel auxiliaire est donc identique à celui des fonctionnaires statutaires classés dans le même groupe. Quant aux modalités de désignation et de révocation, dont la Cour fait, dans l’arrêt O’Brien, un élément à prendre en compte pour apprécier la différence substantielle, il me semble qu’elles ne doivent pas être prises en considération dans la présente affaire. En effet, les modalités de révocation sont pertinentes pour déterminer si le personnel auxiliaire est un travailleur «à durée déterminée» et non s’il est un «travailleur»; je rappelle, à cet égard, que l’arrêt O’Brien était rendu en interprétation de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, et non de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, en cause dans la présente affaire. Quant aux modalités de nomination, certes différentes puisque le personnel auxiliaire, contrairement aux fonctionnaires statutaires, n’est pas recruté par concours, il me semble qu’elles ne sont pas déterminantes dès lors que le personnel auxiliaire effectue des prestations similaires à celles des fonctionnaires statutaires et que sa rémunération est similaire à la leur.

28.      J’examinerai à présent le second élément de la notion de «travailleur à durée déterminée» au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, à savoir la «fin du contrat ou de la relation de travail». Contrairement à la notion de «travailleur», celle de «fin du contrat ou de la relation de travail» est définie par cet accord-cadre.

2.      Sur la qualification de travailleur «à durée déterminée» au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

29.      La clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée définit le travailleur à durée déterminée comme le travailleur lié à l’employeur par un contrat ou une relation de travail dont «la fin […] est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un évènement déterminé».

30.      En l’espèce, la relation d’emploi du personnel auxiliaire peut prendre fin dans deux hypothèses: automatiquement, lors de la révocation du supérieur hiérarchique, et librement, lorsque le supérieur hiérarchique en décide (il s’agit, selon l’expression du gouvernement italien, d’une révocation «ad nutum»). En effet, l’article 12, paragraphe 3, de la LEBEP dispose que «la nomination et la révocation sont libres. En tout état de cause, la révocation intervient en même temps que celle de l’autorité auprès de laquelle la mission de confiance ou de conseil est exercée». La situation était la même sous l’empire de la loi 30/1984. L’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la loi 30/1984 disposait en effet que «la nomination et la révocation sont libres et relèvent exclusivement des ministres et des secrétaires d’État et, le cas échéant, des conseillers gouvernementaux des communautés autonomes et des présidents des collectivités locales. Le personnel auxiliaire est automatiquement révoqué lorsque l’autorité auprès de laquelle la mission de confiance ou de conseil spécial est exercée est révoquée».

31.      La qualification du personnel auxiliaire comme travailleur «à durée déterminée», au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, est soulevée, non par le juge de renvoi, mais par le gouvernement espagnol. Il me semble cependant nécessaire d’aborder ce point. De plus, la requérante au principal, ainsi que la Commission, ont présenté des observations à ce sujet. Celui-ci a également, selon la requérante, été abordé dans le cadre de la procédure nationale.

32.      Le gouvernement espagnol soutient que le personnel auxiliaire ne saurait être regardé comme un travailleur «à durée déterminée» au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Il considère en effet que le principe est celui de la révocation libre du personnel auxiliaire et que, dans cette hypothèse, la fin de la relation de travail n’est pas déterminée par une «condition objective» au sens de cette disposition. La circonstance que la révocation du personnel auxiliaire intervienne, «en tout état de cause», automatiquement, du fait de la révocation du supérieur hiérarchique, ne modifierait pas cette conclusion.

33.      La requérante au principal souligne que, selon l’article 12, paragraphe 1, de la LEBEP, le personnel auxiliaire exerce ses fonctions de manière non permanente. La révocation libre serait, comme la révocation automatique du fait de la révocation du supérieur hiérarchique, déterminée par des conditions objectives. En effet, la requérante semble considérer que la décision de révocation prise par le supérieur hiérarchique constituerait en elle-même une «condition objective» au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

34.      Je ne partage pas l’opinion de la requérante selon laquelle la révocation libre par le supérieur hiérarchique, sans que celui-ci ait à fournir de motifs, est déterminée par des conditions objectives au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Certes, les hypothèses envisagées par cette disposition («l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un évènement déterminé») ne sont pas limitatives: en effet, la clause 3, point 1, de cet accord-cadre fait précéder cette énumération de la locution «telles que». Cependant, la faculté du supérieur hiérarchique de révoquer librement le personnel auxiliaire inclut la faculté de ne pas le révoquer: il n’est pas certain que le supérieur hiérarchique décide d’une telle révocation. Par conséquent, la révocation libre du personnel auxiliaire ne peut pas, selon moi, être considérée comme déterminée par une «condition objective» au sens de la clause 3, point 1, dudit accord-cadre (22).

35.      Toutefois, la révocation du supérieur hiérarchique constitue, elle, une condition objective qui entraîne automatiquement la révocation du personnel auxiliaire. Dès lors que l’une des deux hypothèses de révocation prévues par le droit espagnol peut être regardée comme déterminant «la fin du contrat ou de la relation de travail», au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, le personnel auxiliaire doit être qualifié de travailleur «à durée déterminée» au sens de cette disposition. D’ailleurs, le législateur espagnol souligne lui-même le caractère accessoire de la révocation libre par le supérieur hiérarchique, puisque l’article 12, paragraphe 3, de la LEBEP dispose que la révocation intervient en tout état de cause du fait de la révocation du supérieur hiérarchique. La possibilité d’une révocation libre me semble, au demeurant, très improbable en l’espèce, dès lors qu’elle n’est pas intervenue pendant les seize ans que la requérante a passés au Consejo de Estado.

36.      Ayant examiné ci-dessus l’applicabilité de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée au personnel auxiliaire, je vais à présent vérifier si la requérante fait l’objet d’un traitement moins favorable prohibé par la clause 4 de cet accord‑cadre.

B –    Sur la deuxième question préjudicielle

37.      Par sa deuxième question, le juge de renvoi demande, en substance, à la Cour si le principe de non-discrimination énoncé à la clause 4, point 4, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprété en ce sens que le personnel auxiliaire ne peut se voir refuser la prime triennale d’ancienneté versée aux fonctionnaires statutaires, aux fonctionnaires intérimaires et aux agents contractuels à durée déterminée et indéterminée.

38.      Or, c’est, me semble-t-il, par rapport au point 1 de la clause 4 dudit accord‑cadre, plutôt qu’à son point 4, qu’il convient d’examiner si le refus du législateur espagnol de faire bénéficier le personnel auxiliaire de la prime litigieuse constitue une discrimination. En effet, ce point 4 énonce la même interdiction que le point 1 (23), mais il concerne les «critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi», là où le point 1 concerne, de manière générale, les «conditions d’emploi». Or, une prime n’est pas un critère d’ancienneté. La prime litigieuse est refusée au personnel auxiliaire, non parce qu’il a une ancienneté insuffisante, mais parce qu’il n’a pas la qualité de fonctionnaire statutaire. Au demeurant, dans les quatre affaires dans lesquelles la Cour a eu à connaître d’une prime d’ancienneté, c’est au regard de la clause 4, point 1, dudit accord-cadre qu’elle a mené l’examen (24).

39.      À cet égard, la Cour a jugé que «l’accord-cadre [sur le travail à durée déterminée], en particulier sa clause 4, vise à faire application [du principe de non-discrimination] aux travailleurs à durée déterminée en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature soit utilisée par un employeur pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée» (25). Selon une jurisprudence constante, le principe de non‑discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (26). J’examinerai donc, premièrement, si le personnel auxiliaire se trouve dans une situation comparable à celle d’un fonctionnaire statutaire ou intérimaire ou d’un agent contractuel, deuxièmement, s’il existe une différence de traitement. Dans l’affirmative, j’examinerai, dans le cadre de la réponse à la troisième question préjudicielle posée par le juge de renvoi, si une telle différence de traitement peut être justifiée par des «raisons objectives» au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

1.      Sur la comparabilité des situations

40.      La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée interdit le traitement moins favorable du travailleur à durée déterminée par rapport à un travailleur à durée indéterminée comparable. La clause 3, point 1, de cet accord-cadre définit le «travailleur à durée indéterminée comparable» comme le «travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences». Elle précise que, «lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales».

41.      La définition du travailleur à durée indéterminée «comparable» pose, à mon avis, deux problèmes, que j’examinerai successivement, à savoir ce qu’est un travail «identique ou similaire» et dans quel périmètre il convient de rechercher le travailleur à durée indéterminée comparable, s’il n’en existe aucun dans le même établissement (en l’espèce, le Consejo de Estado).

a)      Sur le travail «identique ou similaire» au sens de la clause 3, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

42.      L’appréciation du caractère «identique ou similaire» du travail exercé par le travailleur à durée déterminée qui s’estime victime d’une discrimination et le travailleur à durée indéterminée «comparable» appartient en principe au juge de renvoi (27). Toutefois, cela n’empêche pas la Cour d’apporter au juge de renvoi des critères visant à le guider dans son appréciation (28). Elle a ainsi indiqué que, «pour apprécier si des travailleurs exercent un travail identique ou similaire, il convient de rechercher si ces travailleurs, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable» (29).

43.      En quoi consistent exactement «la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail»?

44.      Dans l’ordonnance Montoya Medina, la Cour valide l’analyse du juge de renvoi, qui s’était appuyé sur un «examen des statuts juridiques des maîtres de conférences à durée indéterminée et des maîtres de conférences à durée déterminée» pour relever que «ces deux statuts supposent la même qualification académique – puisque la possession du doctorat est exigée dans les deux cas –, une expérience professionnelle similaire – trois ans dans un cas et deux ans dans l’autre –, et l’exercice des fonctions d’enseignement et de recherche» (30). La Cour n’exige pas du juge de renvoi qu’il procède à un examen approfondi des tâches effectuées par les maîtres de conférences à durée déterminée et indéterminée (par exemple, qu’il vérifie si ceux-ci enseignent une ou plusieurs matières, à quel niveau ils enseignent, s’ils dirigent des thèses) ou de leur formation (par exemple, combien d’années d’expérience ils ont effectivement) (31).

45.      En revanche, dans l’arrêt O’Brien, la Cour procède à un examen plus approfondi du travail exercé par les travailleurs concernés. Elle relève qu’il a été précisé par les parties, lors de l’audience, que le travail des juges à temps partiel et des juges à temps plein est identique, qu’il s’exerce dans les mêmes juridictions et lors des mêmes audiences (32). À la différence de ce qu’elle avait fait dans l’ordonnance Montoya Medina, la Cour ne se contente donc pas ici du simple exercice d’une même profession (celle de magistrat). Ayant relevé que les critères prévus à la clause 3, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel sont fondés sur «le contenu de l’activité», elle s’assure, au moyen d’un examen des juridictions et des audiences où cette activité est exercée, qu’elle a le même «contenu» (33).

46.      Or, c’est dans un arrêt en interprétation de l’article 157, paragraphe 1, TFUE, que la Cour s’est pour la première fois référée à «la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail» (34). L’article 157, paragraphe 1, TFUE prévoit en effet le principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. Au demeurant, l’ordonnance Montoya Medina, lorsqu’elle énonce que les situations doivent être comparées en tenant compte de ces trois facteurs, renvoie à l’arrêt Angestelltenbetriebsrat der Wiener Gebietskrankenkasse (35), rendu en interprétation de l’article 157, paragraphe 1, TFUE (36). Il me semble donc pertinent d’examiner la jurisprudence relative à cet article, d’autant que les arrêts en interprétation de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée dans lesquels la Cour examine le «travail» exercé par les travailleurs concernés sont peu nombreux (37).

47.      Dans l’arrêt Brunnhofer, la Cour avait à connaître de la situation d’une requérante qui, chargée, au sein d’une banque autrichienne, de contrôler les crédits du service «étrangers», se prétendait victime d’une discrimination fondée sur le sexe. Elle soutenait que sa situation était comparable à celle d’un collègue masculin qui était employé par la même banque et était classé dans la même catégorie professionnelle de la convention collective applicable, catégorie qui regroupait les salariés ayant une formation bancaire et effectuant de manière indépendante un travail qualifié. La Cour a demandé au juge de renvoi d’apprécier si la requérante et son collègue masculin de référence effectuaient un travail comparable, même si ce dernier était chargé du service des clients importants et disposait à cet effet d’un pouvoir commercial, alors que la première, qui contrôlait les crédits, avait moins de contacts avec les clients et ne pouvait pas prendre d’engagements liant directement son employeur (38). La Cour, on le voit, n’exclut pas que les travailleurs concernés, malgré l’exercice d’une même profession (celle de cadres de banque), n’effectuent pas un même travail: elle apprécie donc, me semble-t-il, celui-ci de manière stricte, puisqu’elle tient compte de la différence entre les tâches effectuées (le contrôle des crédits et la gestion du portefeuille clients) ainsi que du pouvoir commercial et des prérogatives différentes des travailleurs concernés.

48.      De même, dans l’arrêt Kenny, la Cour me semble s’être livrée à une appréciation stricte du même travail. Dans cette affaire, des fonctionnaires du ministère de la Justice irlandais s’estimaient victimes d’une discrimination fondée sur le sexe, parce qu’elles recevaient un salaire inférieur à leurs collègues masculins qui, fonctionnaires, non pas du ministère de la Justice, mais de la police, étaient affectés à l’exécution des mêmes tâches, qui étaient des tâches administratives. La Cour a demandé au juge de renvoi de tenir compte, d’une part, de la différence de qualification professionnelle entre les fonctionnaires du ministère de la Justice et les policiers, d’autre part, de la circonstance que certains des policiers affectés aux tâches administratives devaient également effectuer d’autres tâches, de nature opérationnelle, comme la communication avec Europol et Interpol, et que tous les policiers pouvaient, à titre exceptionnel, être appelés à travailler sur le terrain pour des besoins opérationnels (39). La Cour n’exclut donc pas que les travailleurs concernés, malgré l’exercice de tâches communes identiques (les tâches administratives), n’exercent pas le même travail: elle apprécie celui-ci de manière stricte, en tenant compte de l’exercice d’autres tâches, différentes (les tâches de police). Il est vrai que la solution du juge de renvoi pourrait dépendre, dans l’affaire Kenny, de la proportion entre les tâches administratives et les tâches de police effectuées par les membres de la police concernés (40).

49.      Il me semble que, dans la présente affaire, c’est l’approche de la Cour dans l’ordonnance Montoya Medina qu’il convient de suivre, plutôt que celle des arrêts O’Brien, Brunnhofer et Kenny: la notion de travail «identique ou similaire», au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, doit à mon avis faire l’objet d’une interprétation large, qui n’appelle pas un examen des tâches effectuées par les travailleurs concernés.

50.      En effet, selon une jurisprudence constante concernant l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, «eu égard aux objectifs poursuivis par [cet] accord‑cadre, [sa] clause 4 […] doit être comprise comme exprimant un principe de droit social de l’Union qui ne saurait être interprété de manière restrictive» (41). La Cour a ainsi donné une interprétation large de la notion de «conditions d’emploi» visée à la clause 4, point 1, dudit accord-cadre: elle a jugé que le critère décisif pour déterminer si une mesure constituait une condition d’emploi était précisément celui de l’emploi, à savoir la relation de travail établie entre un travailleur et son employeur (42). Elle en a déduit que devaient être regardées comme des conditions d’emploi une prime d’ancienneté (43), une pension (dès lors qu’elle est fonction de la relation d’emploi et ne découle pas d’un régime légal de sécurité sociale) (44), l’indemnité compensant le recours illicite à un contrat à durée déterminée (45) et le délai de préavis de résiliation des contrats à durée déterminée (46). Elle a notamment relevé, dans l’arrêt Nierodzik, qu’une interprétation de la clause 4, point 1, qui exclurait de la définition de la notion de «conditions d’emploi», au sens de cette disposition, les conditions de résiliation d’un contrat à durée déterminée, reviendrait à réduire, au mépris de l’objectif assigné à ladite disposition, le champ d’application de la protection accordée aux travailleurs à durée déterminée contre les discriminations (47). Un constat similaire peut être fait, me semble-t-il, à propos de la notion de travail «identique ou similaire», dont l’exercice définit le «travailleur à durée indéterminée comparable» visé à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée: une interprétation de cette disposition qui exclurait de la définition de la notion de «travailleur à durée indéterminée comparable» le travailleur à durée indéterminée qui n’effectuerait pas exactement les mêmes tâches, reviendrait à réduire, au mépris de l’objectif de la clause 4 de cet accord-cadre, le champ d’application de celle-ci. Une telle interprétation priverait en effet le travailleur à durée déterminée qui s’estime victime d’une discrimination de travailleur de référence, dès lors que les tâches effectuées ne seraient pas exactement les mêmes.

51.      Il me semble qu’une interprétation large de la notion de travail «identique ou similaire» a également cette conséquence que l’exercice d’une seconde activité, différente de l’activité commune, ne permet pas de conclure à l’absence d’un tel travail, dès lors que cette seconde activité ne représente qu’une activité accessoire, c’est-à-dire que le travailleur concerné y consacre moins de temps qu’à l’activité commune. De même, l’exercice simplement possible d’une seconde activité, différente de l’activité commune, ne permet pas, selon moi, de conclure à l’absence d’un travail identique ou similaire. Une telle solution est en accord avec l’arrêt O’Brien, où la Cour a jugé qu’«il ne saurait […] être soutenu que les juges à temps plein et les [juges à temps partiel] ne se trouvent pas dans une situation comparable en raison de leur différence de carrières, les seconds ayant toujours la possibilité d’exercer la fonction d’avocat. En effet, il importe davantage qu’ils exercent, en substance, la même activité» (48).

52.      Les tâches accomplies n’en doivent pas moins être prises en compte par le juge de renvoi. Cependant, elles ne doivent pas l’être pour déterminer si le travailleur à durée déterminée exerce un travail identique ou similaire à celui du travailleur à durée indéterminée comparable, mais pour vérifier si l’inégalité de traitement peut être justifiée par une raison objective. La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée prévoit en effet un raisonnement en deux temps: il s’agit, dans un premier temps, d’examiner si le travailleur à durée déterminée concerné est, pour ce qui concerne une condition d’emploi, traité moins favorablement qu’un travailleur à durée indéterminée comparable, dans un second temps, de vérifier si une telle inégalité de traitement peut être justifiée par une raison objective.

53.      Je relève, à cet égard, que, si, dans le cadre de l’examen de l’inégalité de traitement, la Cour se réfère, nous l’avons vu, à la «nature du travail» (49), dans le cadre de l’examen de la justification de l’inégalité de traitement, elle se réfère à la «nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et [aux] caractéristiques inhérentes à celles‑ci» (50): l’emploi de termes différents (le «travail» et les «tâches») suggère que l’examen de l’inégalité de traitement doit se limiter à la comparaison du «travail», terme général, alors que l’examen de la justification doit prendre en compte les «tâches» effectuées, dont le caractère «particulier» est souligné. Les «tâches» ne doivent donc pas être prises en compte lors de l’examen de l’inégalité de traitement.

54.      Je souligne que le même élément ne peut pas être pris en compte à la fois pour établir, dans un premier temps, l’inégalité de traitement, puis, dans un second temps, pour la justifier. Si la situation des travailleurs concernés a été considérée comparable, cela signifie qu’ils exercent un travail identique ou similaire au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Par conséquent, l’inégalité de traitement ne peut pas être ensuite justifiée par la nature différente du travail exercé (51). L’inégalité de traitement ne pourrait être justifiée par la nature différente du travail exercé que si l’on donnait au travail identique ou similaire un contenu différent à chacune des deux étapes de l’examen exigé par la clause 4: la simple «nature du travail» pour établir l’inégalité de traitement, la «nature particulière des tâches» pour la justifier (52).

55.      Une solution alternative consisterait à ne tenir compte du travail exercé que pour établir l’inégalité de traitement: celle-ci ne pourrait alors être justifiée que par la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (53), et non par la nature différente du travail. Dans une telle hypothèse, il serait possible de tenir compte de la nature particulière des tâches pour établir l’inégalité de traitement. Une telle hypothèse n’est cependant pas, à mon sens, conforme à l’objectif de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, tel que défini à sa clause 1, sous a), à savoir améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination. Un tel objectif appelle en effet, nous l’avons vu, une interprétation large de la clause 4 de cet accord-cadre. Telle semble être, au demeurant, la voie choisie par la Cour: lorsqu’elle interprète cette clause 4, c’est dans le cadre de l’examen de la justification qu’elle se réfère à la nature particulière des tâches (54).

56.      Il conviendrait donc, à mon sens, d’indiquer au juge de renvoi que, eu égard aux objectifs de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, la notion de travail «identique ou similaire», au sens de la clause 3, point 1, de cet accord‑cadre, ne saurait faire l’objet d’une interprétation stricte. La nature particulière des tâches accomplies par les travailleurs concernés ne saurait donc être prise en compte pour déterminer s’ils exercent un travail identique ou similaire. En revanche, elle peut l’être pour établir si l’inégalité de traitement est justifiée par des raisons objectives au sens de la clause 4, point 1, dudit accord‑cadre. De même, l’exercice, effectif ou simplement possible, d’une seconde activité, différente de l’activité commune, ne permet pas de conclure à l’absence d’un tel travail, dès lors que cette seconde activité ne représente qu’une activité accessoire, c’est-à-dire que le travailleur concerné y consacre moins de temps qu’à l’activité commune.

57.      Quant à la formation professionnelle, elle ne saurait, selon moi, avoir qu’une importance secondaire par rapport à la nature du travail lorsqu’il s’agit d’établir si les situations sont comparables. Il me semble en effet contestable de considérer, comme l’a fait la Cour dans l’arrêt Angestelltenbetriebsrat der Wiener Gebietskrankenkasse, qu’un médecin et un psychologue ne sont pas dans des situations comparables au seul motif que leurs diplômes sont différents, dès lors qu’ils exercent exactement le même travail (55). Cela revient à postuler que, parce qu’ils ont une formation professionnelle différente, leur travail est en réalité différent, non parce qu’il a un objet différent (l’activité exercée était la même: la psychothérapie), mais parce qu’il est accompli de manière différente. Or, prendre en compte, pour déterminer si le travail est identique ou similaire, non seulement l’objet du travail, mais également la manière dont celui-ci est accompli, ne me semble pas répondre à l’objectif de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, qui appelle une interprétation large de sa clause 4, point 1.

58.      En l’espèce, la requérante s’estime victime d’une discrimination par rapport à tous les agents publics qui bénéficient de la prime triennale d’ancienneté dont le bénéfice lui est refusé, à savoir les fonctionnaires statutaires, les fonctionnaires intérimaires et les agents contractuels.

59.      Or, la requérante ne saurait être considérée comme étant dans une situation comparable à l’ensemble des agents publics, quelle que soit leur activité: sa situation n’est comparable qu’à celle des agents publics qui exercent un travail «identique ou similaire» au sens de la clause 3, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

60.      À cet égard, le gouvernement espagnol soutient que le personnel auxiliaire n’exerce pas un travail identique ou similaire à celui des autres agents publics, parce qu’il exerce un travail spécifique, à savoir les missions de confiance ou de conseil spécial.

61.      Cet argument ne saurait, à mon sens, être retenu.

62.      Il est vrai que le personnel auxiliaire, selon l’article 12, paragraphe 1, de la LEBEP, réalise «seulement des missions qualifiées de confiance ou de conseil spécial» (56). Il est également vrai que, selon l’article 9, paragraphe 2, de cette loi, le personnel auxiliaire ne peut pas exercer des «fonctions impliquant la participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique ou à la sauvegarde des intérêts généraux de l’État et des administrations publiques». Le Tribunal Supremo, dans un arrêt du 17 mars 2005, a précisé que «les actes de collaboration professionnelle qui se projettent dans les fonctions normales de l’administration publique, qu’il s’agisse des fonctions externes de prestation et de police vis-à-vis de la citoyenneté ou des fonctions internes de pure organisation administrative, doivent demeurer interdits [au] personnel auxiliaire» (57).

63.      Cependant, d’une part, je peine à comprendre en quoi la confiance pourrait caractériser le travail de la requérante par opposition à celui des autres agents publics: la confiance du supérieur hiérarchique est certainement nécessaire à l’exercice de certaines fonctions accomplies par d’autres agents publics (58). D’autre part, si le personnel auxiliaire ne peut pas exercer, selon la formule du Tribunal Supremo citée au point précédent, les fonctions normales de l’administration, en revanche, les fonctionnaires statutaires peuvent exercer les missions de confiance ou de conseil spécial normalement dévolues au personnel auxiliaire. En effet, l’article 26, paragraphe 4, de la loi de finances pour 2012, comme l’article 24, paragraphe 2, de la loi 22/2013 portant loi de finances pour 2014, fait allusion aux «fonctionnaires statutaires qui, en situation de service actif ou de services spéciaux, occupent des postes de travail réservés au personnel auxiliaire».

64.      Il n’est donc pas possible d’exclure, sur la seule base de la législation espagnole, que le personnel auxiliaire exerce un travail identique ou similaire à celui de certains agents publics. Le juge de renvoi doit donc vérifier si le travail effectivement exercé par la requérante, à savoir des travaux de bureau, est identique ou similaire au travail exercé par certains agents publics à durée indéterminée.

65.      Je rappelle, à cet égard, que la requérante est chef du secrétariat du conseiller permanent, président de la deuxième section du Consejo de Estado.

66.      Il existe d’autres secrétaires au sein de la deuxième section du Consejo de Estado. En effet, puisque la requérante est «chef du secrétariat» de la deuxième section, c’est que celui-ci compte plusieurs secrétaires. Il existe certainement d’autres secrétaires dans les autres sections du Consejo de Estado. Le juge de renvoi devra donc vérifier si celles-ci sont, contrairement à la requérante, employées au titre d’un contrat à durée indéterminée. Si tel est le cas, leur travail devrait, à mon sens, être considéré comme identique ou similaire à celui de la requérante.

67.      Il est possible qu’il existe des différences entre les tâches accomplies par la requérante, en tant que chef du secrétariat, et celles des simples secrétaires, qui ne dirigent pas un secrétariat. Par exemple, la requérante pourrait être en charge de la gestion du calendrier du président de la deuxième section et des contacts avec les autres sections du Consejo de Estado, tâches que ne rempliraient pas les simples secrétaires. Toutefois, il me semble que de telles différences entre les tâches accomplies par le chef du secrétariat et les simples secrétaires devraient être prises en compte, non pour déterminer si elles exercent un travail identique ou similaire, et donc si leurs situations sont comparables, mais pour déterminer si la différence de traitement peut être justifiée.

68.      Il ne peut être exclu, cependant, que toutes les secrétaires du Consejo de Estado, qu’elles dirigent ou non un secrétariat, soient liées par des contrats à durée déterminée. Si tel est le cas, il ne faut pas, à mon sens, en conclure que la requérante ne peut pas bénéficier de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. En effet, la clause 3, point 2, de celui-ci dispose que «lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales». Le Consejo de Estado peut, me semble-t-il, être regardé comme l’équivalent, dans le secteur public, d’un établissement. Dans quel périmètre rechercher le travailleur à durée indéterminée comparable, s’il n’en existe aucun au sein du Consejo de Estado: s’agit-il des secrétaires des autres organes consultatifs espagnols, des secrétaires des juridictions espagnoles, ou des secrétaires de l’administration publique espagnole, judiciaire ou non?

b)      Sur le périmètre de référence, en l’absence d’un travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement

69.      Dans l’arrêt Valenza, l’ordonnance Bertazzi et l’arrêt Nierodzik, la Cour a retenu comme travailleurs à durée indéterminée comparables les personnes travaillant pour la même autorité publique de régulation (l’autorité italienne de concurrence et l’autorité italienne pour l’électricité et le gaz) (59) ou le même hôpital public (60). Bien que la Cour n’ait pas motivé ses choix, il me semble que la même autorité de régulation ou le même hôpital peuvent être regardés comme l’équivalent, dans le secteur public, du même établissement, visé à la clause 3, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

70.      Cependant, dans les ordonnances Montoya Medina et Lorenzo Martínez, ainsi que dans l’arrêt Rosado Santana, la Cour a retenu comme travailleurs à durée indéterminée comparables, s’agissant d’un maître de conférences à durée déterminée de l’université d’Alicante, les «maîtres de conférences à durée indéterminée du corps enseignant universitaire [de la même] communauté autonome» (61). S’agissant d’un professeur non universitaire ayant travaillé dans un centre d’enseignement public de la communauté autonome de Castille-León, la Cour a retenu comme travailleurs comparables les fonctionnaires statutaires du «corps enseignant non universitaire relevant de [la même] communauté autonome» (62). S’agissant d’un fonctionnaire intérimaire de la communauté autonome d’Andalousie, la Cour a retenu comme travailleurs comparables les fonctionnaires statutaires de la même communauté autonome et de la même catégorie (63). Bien que, ici encore, la Cour n’explique pas ses choix, il me semble que ces travailleurs ne peuvent pas être regardés comme appartenant au même établissement ou à son équivalent public: si telle avait été l’intention de la Cour, elle aurait retenu les travailleurs de la même université ou du même centre d’enseignement.

71.      Je remarque, en revanche, que les conditions de travail des travailleurs concernés étaient, dans les affaires citées au point précédent, régies par le même texte ou par un texte ayant le même auteur. Les conditions de travail des maîtres de conférences à durée déterminée et à durée indéterminée de la communauté autonome de Valence étaient régies par le même décret du gouvernement de cette communauté autonome (64). Les rémunérations des fonctionnaires intérimaires et statutaires de la communauté autonome de Castille-León étaient régies par la même loi espagnole (la LEBEP, en cause dans la présente affaire) et le même décret annuel de cette communauté autonome (65). Le calcul de l’ancienneté des fonctionnaires intérimaires et statutaires de la communauté autonome d’Andalousie, bien que régi, semble-t-il, par deux textes, était réglé par le législateur espagnol (66). Par conséquent, dans ces affaires, la Cour a pu, me semble-t-il, vouloir définir le périmètre de référence comme comprenant les travailleurs dont les conditions de travail étaient régies par le même texte, ou par un texte ayant le même auteur, que celles du travailleur à durée déterminée qui s’estimait victime d’une discrimination.

72.      Une telle définition du périmètre de référence peut s’expliquer par un raisonnement similaire à celui tenu par la Cour dans l’arrêt Lawrence (67). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que l’article 157, paragraphe 1, TFUE n’est applicable qu’aux personnes travaillant pour le même employeur. En effet, si les travailleurs concernés sont au service d’employeurs différents, les différences de rémunération ne peuvent pas être attribuées à une source unique. Par conséquent, il manque une entité qui est responsable de l’inégalité et qui pourrait rétablir l’égalité de traitement. Or, dans les affaires citées au point 70 ci-dessus, les conditions de travail pouvaient bien être attribuées à la même source, qu’il s’agisse du gouvernement de la communauté autonome concernée ou du législateur espagnol. La Cour précise, au demeurant, dans l’arrêt Lawrence, que les différences de rémunération peuvent être attribuées à une source unique dans trois hypothèses: lorsqu’elles «ont directement leur source dans des dispositions législatives ou des conventions collectives de travail ainsi que dans le cas où le travail est accompli dans un même établissement ou service, privé ou public» (68). Le législateur peut donc, selon la Cour, être regardé comme une source unique autorisant la comparaison avec l’ensemble des travailleurs dont il a déterminé les modalités de rémunération.

73.      Une telle définition du périmètre de référence trouve également un appui dans la clause 3, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Celle-ci prévoit qu’en l’absence de travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue conformément à la législation nationale. Or, retenir comme travailleurs à durée indéterminée comparables les travailleurs dont les conditions de travail sont régies par la même loi que les conditions de travail du travailleur à durée déterminée concerné revient à définir le périmètre de référence conformément à la législation nationale.

74.      Par conséquent, il me semble que, si aucun travailleur à durée indéterminée comparable ne peut être identifié dans le même établissement, celui-ci doit être recherché parmi les travailleurs dont les conditions de travail peuvent être attribuées à la même source. Une telle solution, s’agissant du secteur public où les conditions de travail sont définies par l’autorité publique (69), permet de retenir une définition large du périmètre de référence, conforme aux objectifs de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. J’apporterai une seule réserve à la démarche suivie par la Cour dans les affaires mentionnées au point 70 ci-dessus: il me semble que, afin de respecter la clause 3, point 2, de cet accord-cadre, il convient de rechercher s’il existe un travailleur à durée indéterminée comparable au sein du même établissement, c’est-à-dire, s’agissant du secteur public, de la même autorité, de la même administration ou du même service, avant de rechercher un tel travailleur parmi ceux dont les conditions de travail peuvent être attribuées à la même source.

75.      En l’espèce, c’est donc d’abord au sein du Consejo de Estado qu’il convient de rechercher un travailleur à durée indéterminée comparable. S’il n’en existe aucun au Consejo de Estado, il doit être recherché parmi les travailleurs dont les conditions de travail sont régies par la LEBEP (qui définit la rémunération des fonctionnaires statutaires et qui précise que le régime des fonctionnaires statutaires est en principe applicable au personnel auxiliaire) et les lois de finances (qui définissent la rémunération du personnel auxiliaire et en excluent la prime triennale d’ancienneté litigieuse): les conditions de rémunération du personnel auxiliaire et des fonctionnaires ont la même source, à savoir le législateur espagnol. Il me semble que, en l’absence de travailleur à durée indéterminée comparable au Consejo de Estado, c’est d’abord parmi les secrétaires des autres organes consultatifs espagnols et des juridictions espagnoles qu’il convient de le rechercher. En effet, la clause 3, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée exige qu’un tel travailleur soit recherché au sein du même établissement, c’est-à-dire du plus petit périmètre possible, avant que le périmètre de référence ne soit élargi. Par conséquent, rechercher le travailleur au sein des autres organes consultatifs espagnols et des juridictions espagnoles avant d’élargir, le cas échéant, la recherche aux fonctionnaires d’autres administrations me semble conforme à l’esprit de la clause 3, point 2, de cet accord-cadre.

76.      Ayant indiqué à quels travailleurs à durée indéterminée doit être comparée la situation de la requérante, et à quelles conditions, je m’attacherai ci-dessous à examiner si la requérante a fait l’objet d’un traitement moins favorable.

2.      Sur la différence de traitement

77.      Le litige au principal porte sur l’attribution de la prime triennale d’ancienneté prévue à l’article 23 de la LEBEP.

78.      La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée interdit la discrimination des travailleurs à durée déterminée pour ce qui concerne les conditions d’emploi. Or, la Cour a jugé qu’une prime d’ancienneté constitue une «condition d’emploi» au sens de cette disposition (70). Dans l’arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, la Cour a notamment eu à connaître de la prime triennale d’ancienneté en cause dans l’affaire au principal (même si, dans cet arrêt, les requérantes étaient des fonctionnaires intérimaires, alors que Mme Regojo Dans est personnel auxiliaire) (71).

79.      L’article 23, sous b), de la LEBEP prévoit que les fonctionnaires statutaires ont droit à une prime triennale d’ancienneté et définit celle-ci comme «un montant fixe, propre à chaque sous-groupe de classement professionnel ou, en l’absence de sous-groupe, chaque groupe de classement professionnel, pour chaque période de trois années de service». L’article 25, paragraphe 1, de la LEBEP dispose que les fonctionnaires intérimaires perçoivent la prime triennale d’ancienneté. En revanche, l’article 26, paragraphe 4, de la loi de finances pour 2012, relatif à la rémunération du personnel auxiliaire, ne mentionne pas la prime triennale d’ancienneté: il ne la perçoit donc pas, comme l’explique, au demeurant, le juge de renvoi.

80.      Il existe donc une différence de traitement entre le personnel auxiliaire, qui est, nous l’avons vu, un travailleur «à durée déterminée», au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, et qui ne perçoit pas la prime litigieuse, et les fonctionnaires statutaires, qui la perçoivent et dont il n’est pas contesté qu’ils soient des travailleurs à durée indéterminée.

81.      En revanche, les fonctionnaires intérimaires, qui perçoivent la prime litigieuse, sont des fonctionnaires à durée déterminée (72). La différence de traitement entre le personnel auxiliaire et les fonctionnaires intérimaires ne relève donc pas de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, selon laquelle les travailleurs à durée déterminée ne doivent pas être traités de manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables (73).

82.      De même, concernant les agents contractuels, il ne saurait exister de différence de traitement qu’avec les agents qui sont à durée indéterminée [l’article 8, paragraphe 2, sous c), de la LEBEP prévoit en effet que les contrats des agents contractuels sont soit à durée indéterminée, soit à durée déterminée], dès lors qu’ils perçoivent la prime litigieuse.

83.      Ayant examiné l’existence d’une différence de traitement, je me pencherai à présent sur la justification de celle-ci.

C –    Sur la troisième question préjudicielle

84.      Par sa troisième question, le juge de renvoi demande à la Cour si le régime de nomination et de révocation libres du personnel auxiliaire constitue une raison objective susceptible de justifier l’inégalité de traitement au sens de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

85.      La clause 4, point 1, dudit accord-cadre dispose que les travailleurs à durée déterminée ne doivent pas être traités moins favorablement, pour ce qui concerne les conditions d’emploi, que les travailleurs à durée indéterminée comparables, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.

86.      Selon une jurisprudence constante, la notion de «raison objective» doit être comprise comme ne permettant pas de justifier une différence de traitement par le fait que cette différence est prévue par une norme nationale générale et abstraite, telle qu’une loi ou une convention collective. La différence de traitement doit être justifiée par des éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents. Elle doit en outre satisfaire au principe de proportionnalité, c’est-à-dire répondre à un besoin véritable, être apte à atteindre l’objectif poursuivi et être nécessaire à cet effet. Peuvent constituer des «raisons objectives», au sens de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, notamment, «la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus», ainsi que «la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre» (74).

87.      Le régime de nomination et de révocation libres propre au personnel auxiliaire ne saurait constituer une «raison objective» au sens de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. En effet, selon une jurisprudence constante, admettre que la seule nature temporaire d’une relation d’emploi suffit pour justifier une différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée viderait de leur substance les objectifs de la directive 1999/70 ainsi que de cet accord-cadre et reviendrait à pérenniser le maintien d’une situation défavorable aux travailleurs à durée déterminée (75).

88.      En revanche, l’objectif de récompenser la fidélité du personnel au moyen de la prime litigieuse me semble, comme le soutient le gouvernement espagnol, constituer un objectif de politique sociale susceptible de justifier l’inégalité de traitement. Encore faut-il, cependant, que la mesure nationale soit apte à atteindre un tel objectif et proportionnée. Or, je rappelle que la requérante, qui a 31 ans et demi d’ancienneté dans l’administration publique espagnole, n’a jamais touché la prime litigieuse. Je doute donc de la proportionnalité de la mesure.

89.      Quant à la nature particulière des tâches, elle constitue, nous l’avons vu, une «raison objective» au sens de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Il reviendra au juge de renvoi de déterminer si les tâches effectuées par la requérante sont susceptibles de justifier le refus de la prime litigieuse. Cependant, je relève que, si les tâches de la requérante se distinguent de celles des autres secrétaires, c’est en tant qu’elle exerce des prérogatives dont ne disposent pas les autres secrétaires, du fait de ses fonctions d’encadrement et de direction. Or, je perçois difficilement en quoi l’exercice de tâches supplémentaires justifierait le refus d’un complément de rémunération.

IV – Conclusion

90.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Tribunal Supremo:

1)         Les clauses 2, point 1, et 3, point 1, de l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, doivent être interprétées en ce sens qu’il appartient aux États membres de définir le contrat ou la relation de travail. Il incombe cependant au juge de renvoi de s’assurer qu’une telle définition n’aboutit pas à exclure arbitrairement la catégorie du personnel auxiliaire du bénéfice de la protection offerte par l’accord-cadre. Le personnel auxiliaire doit en effet se voir accorder une telle protection dès lors que la nature de sa relation à l’administration publique n’est pas substantiellement différente de celle qui lie à leurs employeurs les personnes relevant, selon le droit espagnol, de la catégorie des travailleurs.

2)         La clause 3, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que constitue une condition objective déterminant la fin de la relation de travail la révocation automatique du travailleur du fait de la révocation de son supérieur hiérarchique, même si la relation de travail peut également prendre fin sur simple décision du supérieur hiérarchique.

3)         Pour apprécier si des travailleurs exercent un travail «identique ou similaire», au sens de la clause 3, point 2, de l’accord-cadre, il convient de rechercher si ces travailleurs, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable. La notion de travail «identique ou similaire» ne saurait, eu égard aux objectifs de l’accord-cadre, faire l’objet d’une interprétation stricte. Ne sauraient donc être prises en compte, pour déterminer si les travailleurs exercent un travail «identique ou similaire», la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles le contrat à durée déterminée a été conclu et les caractéristiques inhérentes à celles-ci. Ne saurait pas davantage être pris en compte l’exercice, effectif ou simplement possible, d’une seconde activité, différente de l’activité commune, dès lors qu’elle ne représente qu’une activité accessoire à l’activité commune.

4)         La clause 3, point 2, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’il n’existe pas de travailleur à durée indéterminée comparable dans la même autorité publique ou le même service d’une administration publique, celui-ci doit être recherché parmi les travailleurs à durée indéterminée dont les conditions de travail ont été définies par le même auteur et qui exercent un travail identique ou similaire.

5)         La clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’une prime d’ancienneté relève de la notion de «condition d’emploi» au sens de cette disposition.

6)         Un régime de nomination et de révocation libres des travailleurs à durée déterminée ne saurait constituer une raison objective justifiant une inégalité de traitement au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre. En revanche, l’objectif de récompenser la fidélité du personnel à l’administration publique constitue une telle raison objective. Le refus d’attribuer une prime d’ancienneté à un agent ayant accompli plus de trente ans de service dans l’administration publique ne saurait cependant être considéré comme apte à atteindre un tel objectif. Quant à la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles le contrat à durée déterminée a été conclu et aux caractéristiques inhérentes à celles-ci, elles constituent une «raison objective» au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre. L’exercice par le travailleur à durée déterminée de prérogatives dont ne dispose pas le travailleur à durée indéterminée comparable ne saurait cependant justifier le traitement moins favorable du premier.


1 –      Langue originale: le français.


2 – JO L 175, p. 43.


3 – Préambule de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, premier alinéa.


4 – Clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée


5 – Boletin Oficial del Estado no 89 du 13 avril 2007.


6 – La catégorie connue, en droit espagnol, sous le nom de «personal eventual» sera ici désignée comme «personnel auxiliaire».


7 – Boletin Oficial del Estado no 40 du 15 février 1964.


8 – Boletin Oficial del Estado no 185 du 3 août 1984.


9 – Boletin Oficial del Estado no 156 du 30 juin 2012.


10 – Selon le gouvernement espagnol, les lois de finances pour les exercices 2008 à 2011 sont largement identiques sur ce point à la loi de finances pour 2012.


11 – La demande de décision préjudicielle indique en effet que la difficulté est de «déterminer si les notions de confiance et de conseil spécial qui caractérisent le personnel auxiliaire selon la législation espagnole imposent de lui refuser l’élément de professionnalisme qui figure dans les définitions de ‘travailleur à durée déterminée’ et de ‘travailleur à durée indéterminée comparable’ énoncées à la clause 3, points 1 et 2, de l’accord-cadre [sur le travail à durée déterminée]». Un tel «professionnalisme» serait caractérisé par les trois critères énoncés au point 20 ci-dessus.


12 – Arrêt Sibilio (C‑157/11, EU:C:2012:148, point 45).


13 – Il est vrai que la Cour a jugé que «la directive 1999/70 et l’accord-cadre [sur le travail à durée déterminée] trouvent à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur» (arrêts Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 28; Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 114; Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 42; Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 40; Valenza e.a., C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 33; Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 68; ordonnance León Medialdea, C‑86/14, EU:C:2014:2447, point 39, et arrêt Nisttahuz Poclava, C‑117/14, EU:C:2015:60, point 31).


      Cependant, la Cour n’a jamais précisé ce qui doit être considéré comme une «prestation» et une «rémunér[ation]»: une définition si générale ne me semble guère empiéter sur la compétence des États membres.


      Je relève, au demeurant, qu’une telle définition se distingue de celle retenue par la Cour dans le cadre de la libre circulation des travailleurs, qui retenait un troisième critère, celui du lien de subordination (arrêt Lawrie-Blum, 66/85, EU:C:1986:284, point 17). Comme le relèvent les avocats généraux Kokott et Poiares Maduro, la notion de «travailleur» n’est pas une notion univoque: elle varie en fonction de l’instrument de droit de l’Union en cause (conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Wippel, C‑313/02, EU:C:2004:308, point 43; et conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:3, point 11). Peut-être faut-il voir, dans l’omission de ce troisième critère, l’intention de la Cour de tenir compte du développement de relations de travail «atypiques», dans lesquelles la distinction entre travail salarié et travail indépendant perd de son sens: voir Barnard, C., EU Employment Law, Fourth Edition, Oxford University Press, 2012, p. 144 et 152-154.


14 – Arrêt Sibilio (C‑157/11, EU:C:2012:148, point 51).


15 – Arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 40).


16 – Arrêt Sibilio (C‑157/11, EU:C:2012:148, point 49).


17 – Arrêt O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, point 42). L’arrêt O’Brien a été rendu en interprétation, non pas de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, mais de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14 p. 9) (ci-après l’«accord‑cadre sur le travail à temps partiel»). Cependant, cela importe peu. En effet, le libellé de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel (selon lequel «le présent accord s’applique aux travailleurs à temps partiel ayant un contrat ou une relation de travail définis par la législation, les conventions collectives ou pratiques en vigueur dans chaque État membre») est très proche du libellé de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre en cause dans la présente affaire. D’ailleurs, dans l’arrêt Sibilio, la Cour cite l’arrêt O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, point 51).


18 – Arrêt O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, points 45 et 46).


19 – Voir Robin-Olivier, S., «Le droit social de l’Union est-il capable de réduire la fragmentation de la catégorie des travailleurs?», Revue trimestrielle du droit européen, 2012, p. 480. L’auteur relève, à propos de l’arrêt O’Brien, que «l’habileté de la Cour, dans cette affaire, consiste à opérer un contrôle à l’intérieur même du droit national, selon une exigence de cohérence interne à ce droit». L’avocat général Poiares Maduro parle, à propos de la clause 2, point 1, de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée, de «renvoi conditionné» au droit national (conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:3, point 15).


20 – Arrêts Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 54); Marrosu et Sardino (C‑53/04, EU:C:2006:517, point 39); Vassallo (C‑180/04, EU:C:2006:518, point 32); Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 25); Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 38); Della Rocca (C‑290/12, EU:C:2013:235, point 34); Fiamingo e.a. (C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 29), ainsi que Mascolo e.a. (C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 67).


21 –      C’est moi qui souligne.


22 – Je relève, à cet égard, que la Cour a jugé, à propos d’un travailleur engagé par contrat à durée indéterminée et licencié pendant la période d’essai, que la période d’essai, pendant laquelle il était librement révocable, ne constituait pas un contrat à durée déterminée. «[L]a période d’essai sert essentiellement à vérifier l’aptitude et les capacités du travailleur, tandis que le contrat à durée déterminée et utilisé lorsque la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives» (arrêt Nisttahuz Poclava, C‑117/14, EU:C:2015:60, point 36)


23 – La Cour a en effet jugé que «le point 4 [de la clause 4] énonce la même interdiction [que le point 1] en ce qui concerne les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi» (arrêts Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 64 et Valenza e.a., C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 39, ainsi que ordonnance Bertazzi e.a., C‑393/11, EU:C:2013:143, point 29).


24 – Arrêts Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 47) et Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 50) ainsi que ordonnances Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 32) et Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, point 37). Voir, notamment, le point 50 de l’arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres: «pour autant que la juridiction de renvoi demande, dans le cadre d’un litige concernant le droit des fonctionnaires intérimaires à une prime d’ancienneté, une interprétation de l’expression ‘critères de périodes d’ancienneté différents’, figurant à la clause 4, point 4, de l’accord-cadre, il convient de relever que la Cour a déjà jugé qu’une prime d’ancienneté identique à celle en cause au principal, dont la perception était réservée par le droit national au personnel statutaire fixe des services de santé travaillant à durée indéterminée à l’exclusion du personnel intérimaire, relève de la notion de ‘conditions d’emploi’ visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre».


25 – Arrêt Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 23).


26 – Arrêt Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 65).


27 – Ordonnance Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 39); arrêt Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 67); ordonnance Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, point 44); arrêt Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 43); ordonnance Bertazzi e.a. (C‑393/11, EU:C:2013:143, point 33), et arrêt Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 32).


28 – Arrêt Marrosu et Sardino (C‑53/04, EU:C:2006:517, point 54).


29 – Ordonnance Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 37); arrêt Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 66); ordonnance Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, point 43); arrêt Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 42); ordonnance Bertazzi e.a. (C‑393/11, EU:C:2013:143, point 32), et arrêt Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 31).


30 – Ordonnance Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 38).


31 – La Cour suit une approche similaire dans l’ordonnance Lorenzo Martínez, où elle conclut, «sur la base des informations fournies par la juridiction de renvoi», que les fonctionnaires statutaires et les fonctionnaires intérimaires de la Communauté autonome de Castille-León se trouvent dans une situation comparable, parce qu’ils exercent «des fonctions similaires» (l’enseignement), fonctions qui n’exigent pas «des qualifications académiques ou une expérience différentes». Voir ordonnance Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, points 45 et 46).


32 – Arrêt O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 62.


33 – Arrêt O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 61.


34 – Arrêt Royal Copenhagen (C‑400/93, EU:C:1995:155, point 33).


35 – Arrêt Angestelltenbetriebsrat der Wiener Gebietskrankenkasse (C‑309/97, EU:C:1999:241).


36 – Ordonnance Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 37).


37 – Je relève, par souci d’exhaustivité, que constitue, selon la Cour, un indice d’un travail identique ou similaire la circonstance que la requérante, qui avait été préalablement employée à durée indéterminée par le même employeur, occupait le même poste dans le cadre d’un contrat à durée déterminée (il s’agissait d’un contrat à temps partiel, la requérante souhaitant prendre une retraite anticipée): tant la nature que les conditions de travail étaient identiques, s’agissant du même poste (arrêt Nierodzik, C‑38/13, EU:C:2014:152, point 33). La Cour a semblé suivre la même approche dans l’hypothèse inverse, celle de requérantes qui avaient été préalablement employées à durée déterminée par le même employeur et prétendaient exercer les mêmes fonctions dans le cadre de leurs contrats à durée indéterminée (arrêt Valenza e.a., C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 47, ainsi que ordonnance Bertazzi e.a., C‑393/11, EU:C:2013:143, point 36). Cependant, ces affaires concernent des cas très particuliers, où la même personne avait effectué le même travail dans le cadre d’un autre type de contrat: elles ne nous sont donc pas d’une grande aide.


38 – Arrêt Brunnhofer (C‑381/99, EU:C:2001:358, point 50).


39 – Arrêt Kenny e.a. (C‑427/11, EU:C:2013:122, points 30 et 33).


40 – La Cour relève (et indique ainsi qu’il s’agit d’un facteur pertinent) qu’elle ignore quel est «le nombre de membres de [la police] […] qui se limitent à effectuer des tâches administratives et le nombre de ceux qui, en outre, doivent remplir des tâches de nature opérationnelle, telles que la communication avec l’Office européen de police (Europol) ou Interpol». Voir arrêt Kenny e.a. (C‑427/11, EU:C:2013:122, point 32).


41 – Arrêt Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 38); arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 49); ordonnance Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 31); ordonnance Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, point 36); arrêt Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 33), ainsi que arrêt Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 24).


42 – Arrêts Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 35) et Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 25).


43 – Arrêt Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 48).


44 – Arrêt Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 134).


45 – Arrêt Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 36).


46 – Arrêt Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 29).


47 – Arrêt Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 27).


48 – Arrêt O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, point 62).


49 – Voir le point 42 des présentes conclusions.


50 – Voir arrêt Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 73): «[la notion de raisons objectives] requiert que l’inégalité de traitement soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre» (c’est moi qui souligne). Voir également arrêt Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 53); arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 55); ordonnance Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 41); ordonnance Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, point 48); arrêt Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 51), ainsi que ordonnance Bertazzi e.a. (C‑393/11, EU:C:2013:143, point 40).


51 – Il est vrai que la Cour a également jugé que «la nature des fonctions exercées par [le travailleur à durée déterminée concerné] et l’expérience qu’il a acquise à ce titre ne constituent pas seulement l’un des facteurs susceptibles de justifier objectivement une différence de traitement à l’égard [du travailleur à durée indéterminée comparable]. Elles figurent également au nombre des critères permettant de vérifier si l’intéressé se trouve dans une situation comparable à celle de [ce dernier]». (arrêts Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 69 et Valenza e.a, C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 44 ainsi que ordonnance Bertazzi e.a., C‑393/11, EU:C:2013:143, point 34).


      Voir, à cet égard, Tobler, C., «The Prohibition of Discrimination in the Union’s Layered System of Equality Law: From Early Staff Cases to the Mangold Approach», in The Court of Justice and the Construction of Europe: Analyses and Perspectives on Sixty Years of Case-law, Asser Press, 2013, p. 443-469: «recently, the Court confirmed in another context that the same factual elements may be relevant in the analytically different contexts of comparability and objective justification (Rosado Santana, para. 69), which is rather confusing» (p. 464) (c’est moi qui souligne).


      Cependant, je relève que cet attendu figure, dans les arrêts concernés, avant l’attendu relatif à la «nature particulière des tâches», cité au point 53 des présentes conclusions et selon lequel les «tâches» sont prises en compte pour déterminer si l’inégalité de traitement est justifiée. Par conséquent, l’attendu relatif à la «nature particulière des tâches» doit être lu, à mon sens, comme une précision apportée à l’attendu relatif à la «nature des fonctions».


52 – L’avocat général Cosmas avait d’ailleurs attiré l’attention de la Cour sur ce point dans l’affaire Angestelltenbetriebsrat der Wiener Gebietskrankenkasse, qui portait sur l’interprétation de l’article 157, paragraphe 1, TFUE. La nature du travail et les conditions de travail ne peuvent faire l’objet d’un «double usage», à savoir être utilisés à la fois pour comparer les prestations de travail et pour justifier l’inégalité de traitement, que s’ils sont définis différemment pour chacun de ces usages. Selon M. l’avocat général, «pour que la possibilité de faire un double usage du critère de la formation professionnelle ait un sens, il y a lieu de considérer que ce critère n’a pas un contenu identique dans le cadre de chacun de ces deux usages». En l’espèce, une même activité (la psychothérapie) était exercée par des médecins et par des psychologues diplômés (ces derniers n’étant donc pas médecins). L’avocat général proposait de prendre en compte la formation professionnelle tant pour déterminer si les situations étaient comparables que pour examiner, le cas échéant, si la différence de traitement était justifiée. Il suggérait donc de donner un contenu différent au critère de la formation professionnelle à chacune de ces deux étapes: la comparabilité des situations ne pouvait, selon lui, être exclue que si la formation professionnelle était «fondamentalement différente», alors que la justification pouvait être admise dès lors que la formation professionnelle était simplement «différente» [conclusions de l’avocat général Cosmas dans l’affaire Angestelltenbetriebsrat der Wiener Gebietskrankenkasse, C‑309/97, EU:C:1999:8, point 33].


      La Cour ne reprend pas la distinction proposée par M. l’avocat général: elle considère que les situations ne sont pas comparables et ne se prononce donc pas sur la justification et les critères de celle-ci (arrêt Angestelltenbetriebsrat der Wiener Gebietskrankenkasse, C‑309/97, EU:C:1999:241, point 20). Elle n’a, sur ce point, pas été plus claire dans les arrêts Royal Copenhagen (C‑400/93, EU:C:1995:155, point 42) et JämO (C‑236/98, EU:C:2000:173, points 48 et 52).


53 – Voir le point 86 des présentes conclusions.


54 – Je relève que tenir compte de «la nature particulière des tâches», non pas pour établir si les situations sont comparables, mais pour vérifier si la différence de traitement peut être justifiée, pourrait avoir comme conséquence d’alléger la charge de la preuve pesant sur le travailleur à durée déterminée, ce qui me semble conforme à l’objectif de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, tel que défini à sa clause 1, sous a). Certes, cet accord-cadre ne dit rien de la répartition de la charge de la preuve et la jurisprudence relative à celui-ci n’a apporté aucune précision. Cependant, il me semble que le travailleur à durée déterminée qui s’estime victime d’une discrimination pourrait avoir des difficultés à établir qu’il effectue exactement les mêmes tâches que le travailleur à durée indéterminée qui bénéficie de l’avantage qui lui est refusé, notamment si celui-ci travaille dans un autre établissement. Par conséquent, exiger de lui qu’il établisse, non qu’il effectue un travail identique ou similaire, mais qu’il accomplisse exactement les mêmes tâches, pourrait lui rendre, en pratique, difficile de revendiquer la protection de la clause 4 dudit accord-cadre.


55 – Arrêt Angestelltenbetriebsrat der Wiener Gebietskrankenkasse (C‑309/97, EU:C:1999:241, point 20): «il ressort des indications contenues dans l’ordonnance de renvoi que, si les psychologues et les médecins employés en qualité de psychothérapeutes […] exercent une activité apparemment identique, ils utilisent, pour traiter leurs patients, des connaissances et des capacités acquises dans des disciplines très différentes, les unes fondées sur des études de psychologie et les autres sur des études de médecine». Voir, également, les conclusions de l’avocat général Cosmas dans l’affaire Angestelltenbetriebsrat der Wiener Gebietskrankenkasse (C‑309/97, EU:C:1999:8, point 35): «même si, dans la mesure où on se rapporte à son objet, ils exercent apparemment la même activité, c’est-à-dire la psychothérapie, ils possèdent des connaissances, une expérience et donc des aptitudes thérapeutiques fondamentalement différentes, circonstance qui a une influence substantielle sur le travail accompli».


56 – C’est moi qui souligne.


57 – Arrêt du Tribunal Supremo du 17 mars 2005, chambre du contentieux administratif, septième section, recours n° 4245/1999 (ROJ STS 1711/2005).


58 – La requérante dit ne pas exercer, en tant que secrétaire, de missions de «conseil spécial».


59 – Arrêt Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 43) et ordonnance Bertazzi e.a. (C‑393/11, EU:C:2013:143, point 33).


60 – Arrêt Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 32).


61 – Ordonnance Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 39).


62 – Ordonnance Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, point 46).


63 – Arrêt Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, points 67 et 83).


64 – Ordonnance Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 13).


65 – Ordonnance Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, points 10-17).


66 – Arrêt Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, points 10-12).


67 – Arrêt Lawrence e.a. (C‑320/00, EU:C:2002:498, point 18). Voir, également, arrêt Allonby (C‑256/01, EU:C:2004:18, point 46).


68 – Arrêt Lawrence e.a. (C‑320/00, EU:C:2002:498, point 17). C’est moi qui souligne.


69 – Je relève, à cet égard, que la définition du périmètre de référence comme comprenant les travailleurs dont les conditions de travail peuvent être attribuées à une source unique peut, appliquée au secteur privé, aboutir à la définition d’un périmètre restreint. La clause 3, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée dispose ainsi que, en l’absence d’un travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable: si la convention collective applicable est une convention collective d’entreprise, le périmètre de référence se trouvera limité aux travailleurs de l’entreprise concernée. De plus, la définition du périmètre de référence en fonction de la source des conditions de travail peut aboutir à retenir, pour le même travail (secrétaire), un périmètre plus restreint pour les travailleurs du secteur privé (pour les secrétaires à durée déterminée du secteur privé, les secrétaires à durée indéterminée de la même entreprise, dès lors que la convention collective applicable est une convention d’entreprise) que pour les travailleurs du secteur public (pour les secrétaires à durée déterminée du secteur public, les secrétaires à durée indéterminée de l’administration publique dans son ensemble). Cependant, de telles conséquences me semblent découler de la clause 3, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Celle-ci prévoit en effet une comparaison par référence à la convention collective applicable ou conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales: elle laisse donc les États membres libres de définir le périmètre de référence.


70 – Arrêts Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, points 47-48) et Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 50) ainsi que ordonnances Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 32) et Lorenzo Martínez (C‑556/11, EU:C:2012:67, point 37).


71 – Arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 20).


72 – Dans l’arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819), la Cour a jugé que l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée était applicable à des fonctionnaires intérimaires espagnols (dont les conditions de travail étaient régies, comme dans la présente affaire, par la LEBEP).


73 – Je souligne que la situation dont la Cour a à connaître dans la présente affaire se distingue de celle qui a donné lieu à l’ordonnance Rivas Montes (C‑178/12, EU:C:2013:150)


      Dans cette ordonnance, la Cour avait à connaître de la disposition espagnole qui prévoyait, s’agissant des fonctionnaires statutaires, la prise en compte, pour le calcul d’une prime d’ancienneté, de toutes les périodes antérieures de service, quelle que soit l’administration dans laquelle celles-ci avaient été accomplies. La même disposition prévoyait en revanche, s’agissant des agents contractuels, la prise en compte des seules périodes de service accomplies dans la même administration. La Cour a jugé qu’elle n’était pas compétente pour se prononcer sur la conformité de cette disposition espagnole avec la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Elle a relevé que les agents contractuels étaient engagés soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée, et que tous les agents contractuels étaient traités de manière identique (n’étaient prises en compte que les périodes de service accomplies dans la même administration). Elle en a déduit que la différence de traitement alléguée était fondée, non pas sur la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail, mais sur la nature juridique de celle-ci (son caractère statutaire ou contractuel). Une telle différence de traitement ne relevait donc pas du droit de l’Union.


      Or, dans l’ordonnance Rivas Montes, où un agent contractuel à durée déterminée invoquait le bénéfice de ladite clause 4, tous les agents contractuels n’étaient pas à durée déterminée, certains étaient à durée indéterminée, tous étaient cependant traités de la même manière. En revanche, dans la présente affaire, où un membre du personnel auxiliaire invoque le bénéfice de la même clause 4, tous les membres du personnel auxiliaire sont à durée déterminée et tous sont traités de la même manière (aucun n’a droit à la prime litigieuse).


      En tout état de cause, la solution retenue par la Cour dans l’ordonnance Rivas Montes me semble contestable. En effet, dans la mesure où la requérante avait été engagée à durée déterminée et où certains travailleurs à durée indéterminée (les fonctionnaires statutaires) bénéficiaient de l’avantage qui était refusé à celle-ci, il aurait été, à mon sens, préférable de considérer qu’une inégalité de traitement, interdite par la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, était caractérisée. Refuser, comme le fait la Cour, à Mme Rivas Montes le bénéfice de cette clause 4 revient à exiger que tous les travailleurs à durée indéterminée comparables (fonctionnaires statutaires et agents contractuels à durée indéterminée), et non seulement certains travailleurs à durée indéterminée comparables (les fonctionnaires statutaires), bénéficient de l’avantage qui est refusé au travailleur à durée déterminée qui s’estime victime d’une discrimination. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une interprétation restrictive de ladite clause 4, alors que les objectifs de cet accord-cadre et son effet utile appellent une interprétation large de cette même clause. Enfin, je relève que, dans l’ordonnance Vino, sur laquelle s’appuie la Cour dans l’ordonnance Rivas Montes, aucun travailleur à durée indéterminée n’était susceptible de bénéficier de l’avantage que revendiquait le requérant, puisqu’un tel avantage consistait en l’indication obligatoire, dans le contrat de travail à durée déterminée, de la raison pour laquelle celui-ci était conclu à durée déterminée (l’omission d’une telle indication entraînant la requalification en contrat de travail à durée indéterminée). Il s’agissait donc bien d’une différence de traitement entre certains travailleurs à durée déterminée (ceux au service, comme le requérant, des postes italiennes, dont un texte prévoyait que le contrat n’avait pas à mentionner la raison pour laquelle il était conclu à durée déterminée) et d’autres travailleurs à durée déterminée (ceux qui bénéficiaient des dispositions du droit commun, c’est-à-dire dont le contrat devait mentionner la raison pour laquelle il était à durée déterminée). Voir ordonnance Vino (C‑20/10, EU:C:2010:677, points 15, 16 et 57).


74 – Arrêt Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, points 50 et 51) ainsi que ordonnance Bertazzi e.a. (C‑393/11, EU:C:2013:143, points 39 et 40).


75 – Arrêt Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 52) ainsi que ordonnance Bertazzi e.a. (C‑393/11, EU:C:2013:143, point 41).