Language of document : ECLI:EU:T:2011:741

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 décembre 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T-237/10,

Louis Vuitton Malletier, établie à Paris (France), représentée par Mes P. L. Roncaglia, G. Lazzeretti, M. Boletto et E. Gavuzzi, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Friis Group International ApS, établie à Copenhague (Danemark), représentée par Me C. Type Jardorf, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 24 février 2010 (affaire R 1590/2008‑1), relative à une procédure de nullité entre Friis Group International Aps et Louis Vuitton Malletier,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mai 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 2 septembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 août 2010,

vu l’ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 2 mars 2011, Vuitton Malletier/OHMI – Friis Group International (Représentation d’un dispositif de verrouillage) (T‑237/10, non publiée au Recueil), rejetant la demande d’intervention au soutien des conclusions de l’OHMI, introduite par C & A Buying KG,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 mars 2004, la requérante, Louis Vuitton Malletier, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 14, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments optiques, y compris lunettes, lunettes de soleil et étuis à lunettes » ;

–        classe 14 : « Bijoux, y compris anneaux, porte-clefs, boucles et boucles d’oreilles, boutons de manchettes, bracelets, breloques, broches, colliers, épingles de cravates, parures, médaillons ; horlogerie et instruments et appareils chronométriques, y compris montres, boîtiers de montres, réveille-matin ; casse-noix en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, chandeliers en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, boîtes à bijoux en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir ; sacs de voyage, trousses de voyage (maroquinerie), malles et valises, sac housse de voyage pour vêtements, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits ‘vanity-cases’, sacs à dos, sacs à bandoulière, sacs à main, attaché-case, porte-documents et serviettes en cuir, pochettes, portefeuilles, bourses, étuis pour clefs, porte-cartes ; parapluies » ;

–        classe 25 : « Vêtements et sous-vêtements y compris chandails, chemises, T‑shirts, lingerie, ceintures (habillement), foulards, cravates, châles, gilets, jupes, imperméables, pardessus, bretelles, pantalons, pantalons en jeans, pull-overs, robes, vestes, écharpes, gants, collants, chaussettes, maillots de bain, peignoirs de bain, pyjamas, chemises de nuit, shorts, pochettes (habillement) ; souliers, bottes, pantoufles ; chapellerie ».

4        Le 28 juillet 2005, la marque communautaire a été enregistrée sous le numéro 3 693 116, pour tous les produits visés dans la demande d’enregistrement.

5        Le 16 février 2007, l’intervenante, Friis Group International ApS, a présenté une demande en nullité de la marque en cause au titre de l’article 55 du règlement n° 40/94 (devenu article 56 du règlement no 207/2009). Les motifs invoqués étaient ceux visés à l’article 51, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenus, respectivement, article 52, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

6        Par décision du 21 octobre 2008, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

7        Le 4 novembre 2008, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement no 207/2009), contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 24 février 2010 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 29 mars 2010, la première chambre de recours a, d’abord, pris acte de ce que l’intervenante avait limité la portée de son recours aux seuls produits des classes 9, 14 et 18 visés par la marque en cause et de ce que, par conséquent, la décision de la division d’annulation ayant rejeté la demande en nullité était devenue définitive dans la mesure où elle concernait les produits de la classe 25 visés par la même marque (points 16 à 19 des motifs et point 1 du dispositif de la décision attaquée).

9        Ensuite, la chambre de recours a, en substance, considéré que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif s’agissant des produits des classes 9, 14 et 18, pour lesquels elle avait été enregistrée (points 36 à 55 de la décision attaquée) et que la requérante n’avait pas apporté la preuve de ce que ladite marque avait acquis un tel caractère distinctif par l’usage qui en a été fait, au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (points 56 à 81 de la décision attaquée).

10      La chambre de recours a, donc, fait droit à la demande en nullité et a déclaré la nullité de la marque en cause pour les produits des classes 9, 14 et 18, pour lesquels elle avait été enregistrée.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens exposés par elle devant le Tribunal ;

–        condamner l’intervenante aux dépens exposés par elle devant la division d’annulation et devant la chambre de recours.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Le second, invoqué à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

 Généralités

15      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque communautaire est déclarée sur demande présentée auprès de l’OHMI, lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement. À cet égard, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 prévoit que les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.

16      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que la marque en question permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 32 ; du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, Rec. p. I‑8109, point 34, et du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 79).

17      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts de la Cour Procter & Gamble/OHMI, point 16 supra, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25).

18      Selon une jurisprudence également constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui‑même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui‑même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (arrêts de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 30, Storck/OHMI, point 17 supra, points 26 et 27, et Develey/OHMI, point 16 supra, point 80).

19      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 (arrêts de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi‑Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 31, et Storck/OHMI, point 17 supra, point 28).

20      La jurisprudence citée aux points 16 à 19 ci-dessus, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit désigné, vaut également lorsque la marque en question est une marque figurative constituée par la forme dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (arrêts Storck/OHMI, point 17 supra, point 29, et Henkel/OHMI, point 16 supra, point 38).

21      C’est en tenant compte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de procéder à l’examen du premier moyen par lequel la requérante soutient, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque pour les produits visés par son enregistrement.

 Sur le public pertinent

22      Il convient de relever que la chambre de recours a considéré, aux points 32 à 34 de la décision attaquée, que tous les produits visés par la marque litigieuse étaient adressés au grand public. Elle a ajouté que, à la seule exception des bijoux, il s’agissait de produits achetés régulièrement. En revanche, les bijoux, bien que destinés également au grand public, ne seraient pas achetés régulièrement et ne le seraient qu’à l’issue d’un examen approfondi, si bien que le consommateur concerné ferait preuve, à leur égard, d’un niveau d’attention plus élevé (décision attaquée, point 33). Toutes ces considérations, non contestées par aucune des parties, doivent être approuvées.

 Sur l’applicabilité de la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles au cas de l’espèce

23      Il convient de constater, à l’instar du point 20 de la décision attaquée, que la marque demandée est une marque figurative consistant en une représentation bidimensionnelle d’un dispositif de verrouillage. À cet égard, la requérante fait remarquer que, contrairement aux cas envisagés par la jurisprudence citée aux points 16 à 19 ci-dessus, les dispositifs de verrouillage ne figurent pas parmi les produits pour lesquels la marque en cause avait été enregistrée.

24      Cette dernière affirmation est exacte. Il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort du point 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’applicabilité de la jurisprudence en question en l’espèce, au motif que l’objet (le dispositif de verrouillage) représenté par la marque en cause pouvait être utilisé comme « élément constitutif » des produits pour lesquels elle a été enregistrée.

25      Sous réserve de la vérification de l’exactitude matérielle de cette constatation, contestée par la requérante, aucune erreur de droit ne saurait être reprochée à la chambre de recours à cet égard. En effet, les considérations exposées au point 20 ci‑dessus justifient l’application de la jurisprudence développée au sujet des marques tridimensionnelles, citée aux points 16 à 19 ci‑dessus, également aux marques figuratives constituées par la forme d’une partie du produit concerné, dès lors qu’une telle marque n’est pas non plus indépendante de l’aspect du produit qu’elle désigne [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 21 avril 2010, Schunk/OHMI (Représentation d’une partie d’un mandrin), T‑7/09, non publié au Recueil, point 24 et du 8 septembre 2010, Wilfer/OHMI (Représentation d’une tête de guitare), T‑458/08, non publié au Recueil, point 41].

26      La requérante fait valoir, dans le même contexte, que l’application de la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles et figuratives constituées, respectivement, par la forme du produit concerné ou par une représentation de celle-ci présuppose l’existence d’un lien entre la marque et le produit concerné qui sera, immédiatement et sans besoin d’un processus d’association complexe, reconnu par le public pertinent.

27      Or, tel est effectivement le cas d’une marque figurative constituée par une partie de la forme du produit qu’elle désigne, dans la mesure où le public pertinent la percevra, immédiatement et sans réflexion particulière, comme une représentation d’un détail particulièrement intéressant ou attrayant du produit en question, plutôt que comme une indication de son origine commerciale.

28      Dans ces conditions, il convient de vérifier si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le dispositif de verrouillage, représenté par la marque en cause, pouvait être utilisé comme élément constitutif des produits visés par cette marque.

 Sur le dispositif de verrouillage en tant qu’élément constitutif des produits visés par la marque litigieuse

29      Premièrement, s’agissant des « appareils et instruments optiques, y compris lunettes, lunettes de soleil et étuis à lunettes », de la classe 9, la requérante relève que la forme d’un dispositif de verrouillage est totalement arbitraire par rapport aux « articles de lunetterie », les deux catégories de produits n’ayant absolument rien en commun. Le lien entre eux ne serait pas plus direct que celui entre les dispositifs de verrouillage et les produits de la classe 25, pour lesquels le caractère distinctif de la marque en cause n’a pas été remis en question. La requérante invoque également, à cet égard, certaines photographies qu’elle a communiquées à l’OHMI lors de la procédure administrative. Celles-ci montreraient les lunettes qu’elle commercialise lesquelles comporteraient, là où d’habitude les fabricants de lunettes apposent leurs marques, un dispositif de verrouillage tel que celui représenté par la marque litigieuse.

30      À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à la demande d’enregistrement présentée par la requérante, la marque litigieuse a été enregistrée pour les « appareils et instruments optiques », c’est-à-dire pour une catégorie de produits de la classe 9. Les « lunettes, lunettes de soleil et étuis à lunettes » relevant de la même classe ne sont pas mentionnés à titre individuel, mais comme faisant partie de la même catégorie de produits (« y compris »).

31      Or, les étuis à lunettes peuvent comporter un dispositif de verrouillage, ce qui implique que, pour ces produits, une marque représentant un tel objet sera perçue, par le public pertinent, comme une représentation d’une partie du produit visé par elle. Par voie de conséquence et à moins qu’il ne soit démontré que, malgré ce fait, la marque litigieuse présente un caractère distinctif à l’égard des étuis à lunettes, elle doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif à l’égard de tous les produits de la classe 9 visés par elle.

32      En effet, le fait qu’un signe soit dépourvu de caractère distinctif par rapport à une partie seulement des produits ou des services relevant d’une catégorie mentionnée en tant que telle dans la demande d’enregistrement n’empêche pas que cette demande soit rejetée ou que la marque en question soit déclarée nulle si elle a déjà été enregistrée, dès lors que, dans le cas contraire, rien n’empêcherait son titulaire de l’utiliser également pour les produits ou les services de la catégorie de produits visée par son enregistrement, pour lesquels il ne présente pas un caractère distinctif [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, et la jurisprudence citée].

33      Deuxièmement, s’agissant des produits de la classe 14 visés par la marque litigieuse, la requérante admet elle-même que la forme d’un dispositif de verrouillage « pourrait probablement être considérée comme étant d’une certaine façon liée » aux boucles, aux breloques et aux montres et aux boîtes à bijoux, mais ajoute qu’un « tel lien ne serait jamais assez direct » pour priver cette forme de tout caractère distinctif à l’égard de ces produits, dès lors que, selon elle, si ces produits peuvent comporter des mécanismes de fermeture, ceux-ci ne prennent pas, en règle générale, la forme d’un dispositif de verrouillage.

34      Il convient de relever qu’un mécanisme de fermeture est souvent utilisé non seulement sur les produits mentionnés au point précédent mais, plus généralement, sur les « bijoux, y compris anneaux, porte-clefs, boucles et boucles d’oreilles, boutons de manchettes, bracelets, breloques, broches, colliers, épingles de cravates, parures, médaillons ; horlogerie et instruments et appareils chronométriques, y compris montres, boîtiers de montres, réveille-matin ; boîtes à bijoux en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué », de la classe 14. Dès lors qu’un dispositif de verrouillage tel que celui figurant dans la marque en cause constitue un tel mécanisme, il convient de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’un dispositif de verrouillage pouvait être utilisé comme élément constitutif desdits produits. Cette conclusion est, toutefois, sans préjudice de l’examen de la question de savoir si la marque litigieuse présente un caractère distinctif à l’égard de ces produits au motif qu’elle diverge, de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur (voir la jurisprudence citée au point 19 ci‑dessus). C’est dans ce dernier contexte qu’il conviendra également d’analyser l’affirmation de la requérante résumée au point précédent.

35      Il y a lieu, au demeurant, de préciser que les termes, respectivement, « bijoux » et « horlogerie et instruments et appareils chronométriques » désignent deux catégories de produits qui comprennent les produits dont la description, précédée de l’expression « y compris », est mentionnée après ces deux termes et que les considérations énoncées aux points 30 à 32 ci‑dessus s’appliquent également, mutatis mutandis, à ces deux catégories de produits.

36      Troisièmement, s’agissant, en revanche, des « casse-noix en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, chandeliers en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué », de la classe 14, il paraît exclu qu’ils puissent comporter, comme élément constitutif, un dispositif de verrouillage. Il convient de relever, à cet égard, que, au point 44 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les dispositifs de verrouillage tels que celui dont l’image constitue la marque litigieuse « peuvent être utilisés sur les produits pour lesquels la marque contestée est enregistrée soit en tant que mécanisme de serrure soit à des fins ornementales ». Or, les casse-noix et les chandeliers ne comportent pas, en règle générale, de dispositif de verrouillage, ne fût-ce qu’à des fins ornementales.

37      L’OHMI soutient, néanmoins, que même les produits visés par la marque litigieuse qui ne comportent pas nécessairement de serrures ou de fermetures, sont très souvent vendus dans des boîtes ou des coffrets qui, eux, portent un système de fermeture. L’intervenante, pour sa part, relève que, s’agissant des produits pour lesquels un dispositif de verrouillage n’est pas un élément constitutif habituel, il « peut clairement être conceptuellement lié à ces objets, dont les lunettes de soleil et les bracelets ».

38      Cette argumentation ne saurait prospérer. Il est, certes, vrai que la jurisprudence citée aux points 16 à 19 ci‑dessus est applicable, à ses propres termes, non seulement aux marques constituées par la forme d’un produit, mais aussi à celles constituées par la forme de son emballage ou de son conditionnement [voir arrêts du Tribunal du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑305/02, Rec. p. II‑5207, points 30 et 31, et du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T‑402/02, Rec. p. II‑3849, point 49].

39      Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 30 de l’arrêt Forme d’une bouteille, point 38 supra, l’application de la jurisprudence relative à la forme d’un produit également à une marque constituée par la forme d’une bouteille, dont l’enregistrement avait été demandé pour l’eau et les boissons non alcoolisées, a été justifiée par le fait que, de par leur nature, les boissons ne peuvent être vendues en l’état et nécessitent un conditionnement. Pour sa part, l’arrêt Forme d’une papillote, point 38 supra (point 49), renvoie au point 30 de l’arrêt Forme d’une bouteille, point 38 supra.

40      Au regard de cette considération, il convient de conclure que la jurisprudence développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit concerné ou par son image, ne s’applique qu’à l’emballage ou au conditionnement d’un produit lequel, en raison de sa nature ou des habitudes du commerce, est en règle générale proposé au consommateur avec un emballage ou un conditionnement d’où il ne sera retiré qu’immédiatement avant sa consommation ou son utilisation. En effet, c’est seulement dans cette hypothèse que la forme de l’emballage ou du conditionnement équivaut, dans l’esprit du consommateur pertinent, à la forme du produit lui-même, si bien qu’elle ne peut pas être considérée comme étant indépendante de l’aspect de ce produit, au sens de la jurisprudence citée au point 20 ci‑dessus.

41      Ces considérations ne s’appliquent ni aux casse-noix ni aux chandeliers. S’il est parfaitement envisageable que, lors de leur vente, ces produits seront placés dans une boîte ou dans un coffret appropriés, voire même qu’ils seront assortis d’un étui de protection, ni leur nature ni les habitudes du commerce ne font qu’ils deviennent, dans l’esprit de leurs acheteurs et utilisateurs, indissociables de leur emballage ou de leur conditionnement.

42      S’agissant, par ailleurs, de l’affirmation de l’intervenante selon laquelle, en substance, le dispositif de verrouillage de la marque demandée « peut clairement être conceptuellement lié » aux objets non susceptibles de comporter un tel dispositif, elle n’est étayée d’aucune explication. Or, faute d’une explication convaincante qui démontrerait le contraire, il convient de conclure qu’aucun lien conceptuel n’existe entre un dispositif de verrouillage d’un type déterminé et un objet qui n’est aucunement susceptible de comporter un dispositif de ce type. Par conséquent, l’argument de l’intervenante doit être rejeté.

43      Il s’ensuit que les considérations de la décision attaquée, relatives à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, ne s’appliquent pas aux « casse-noix en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, chandeliers en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » de la classe 14 si bien qu’il convient de conclure, sans qu’il soit nécessaire d’examiner, à l’égard de ces produits, le reste de l’argumentation de la requérante, que le présent moyen doit être accueilli et que la décision attaquée doit être annulée, en ce qu’elle a déclaré la nullité de la marque litigieuse dans la mesure où elle vise ces produits.

44      Quatrièmement, s’agissant des produits de la classe 18 visés par la marque litigieuse, la requérante affirme que rien dans les arguments avancés par l’intervenante ou dans la décision attaquée ne démontre qu’il serait usuel qu’ils portent un dispositif de verrouillage, « à l’exception possible » d’articles tels que les « malles », les « coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits ‘vanity-cases’ », les « attachés-cases » et les « serviettes en cuir ».

45      Force est toutefois de constater, avec l’OHMI, que, à la seule exception du cuir et de ses imitations, visés par la marque litigieuse en tant que matériaux, les autres produits de la classe 18 sont tous susceptibles de comporter un mécanisme de fermeture et, donc, de verrouillage et qu’aucune erreur ne saurait être reprochée à la chambre de recours à cet égard, sans préjudice de l’examen de l’argumentation de la requérante relative à la forme exacte du dispositif de verrouillage représenté par sa marque et à son caractère distinctif.

46      En revanche, en ce que la marque litigieuse vise les « cuir et imitations de cuir » de la classe 18, qui, en tant que matériaux, ne comportent pas, à l’évidence, un dispositif de verrouillage, ne fût-ce qu’à des fins ornementales, il convient de conclure que le présent moyen doit être accueilli et la décision attaquée être annulée pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 43 ci‑dessus.

 Sur le caractère distinctif de la marque demandée pour les produits visés par elle qui comportent un dispositif de verrouillage

47      Le reste de l’argumentation de la requérante ne sera examiné qu’à l’égard des produits visés par la marque litigieuse autres que les « casse-noix en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, chandeliers en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » (classe 14) et les « cuir et imitations de cuir » (classe 18).

48      À cet égard, il convient de rappeler que, au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les consommateurs ont l’habitude de percevoir les dispositifs de verrouillage comme des mécanismes permettant de fermer et d’ouvrir un objet et, donc, essentiellement comme des éléments fonctionnels. « À titre subsidiaire », ils pourraient également les percevoir comme des éléments décoratifs ou comme combinant, à la fois, des fonctions techniques et ornementales. En revanche, la chambre de recours a considéré que les consommateurs ne percevaient pas de tels mécanismes comme des marques. Elle a ajouté que cela tenait également au fait que de tels mécanismes comportaient souvent, gravée sur leur surface, la marque commerciale du produit et que c’est cette marque, plutôt que la forme du dispositif de verrouillage concerné, qui permettait aux consommateurs d’établir un lien entre le produit et son fabricant. À ce propos, la chambre de recours a relevé que les preuves produites devant l’OHMI par l’intervenante « confirment simplement que le monogramme distinctif LV et/ou le nom Louis Vuitton sont gravés sur les serrures ».

49      En énonçant ces considérations, la chambre de recours s’est fondée, au moins en partie, sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, ainsi qu’elle était en droit de le faire [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 19 ; du 5 mai 2009, ars Parfum Creation & Consulting/OHMI (Forme d’un vaporisateur), T‑104/08, non publié au Recueil, point 20, et du 3 février 2011, Gühring/OHMI (Combinaison de jaune genêt et de gris argent et combinaison de jaune ocre et de gris argent), T‑299/09 et T‑300/09, non publié au Recueil, point 36]. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la chambre de recours a correctement relevé, aux points 32 à 34 de la décision attaquée que, à la seule exception des bijoux, tous les produits visés par la marque litigieuse étaient achetés régulièrement (voir point 22 ci-dessus), ce qui en fait, incontestablement, des « produits de large consommation ». Il en va de même des bijoux, qui sont susceptibles d’être achetés par toute personne, même si de tels achats n’interviennent pas à intervalles réguliers et fréquents, mais constituent des occasions plutôt rares et spéciales, nécessitant un examen approfondi.

50      La requérante conteste les considérations susvisées de la chambre de recours, en faisant valoir qu’il existe une pratique commerciale consistant dans la personnalisation, par les entreprises de mode, d’éléments tels que les boucles, les attaches, les motifs des boutons, les branches des lunettes, les serrures ou les crochets, qui sont apposés sur les produits de joaillerie et de maroquinerie et sur les accessoires en général, afin de les rendre instantanément reconnaissables et servir, donc, d’indications d’origine commerciale. La chambre de recours n’aurait pas tenu compte de cette pratique, connue des consommateurs moyens. Afin de prouver son existence, la requérante invoque neuf marques communautaires enregistrées par des tiers. La requérante déclare être consciente de la jurisprudence constante selon laquelle l’OHMI n’est pas lié par ses décisions concernant l’enregistrement d’autres marques, mais fait valoir que la solution adoptée pour ces marques peut être appliquée par analogie à la présente affaire.

51      Or, les différentes marques invoquées par la requérante démontrent, tout au plus, que chaque entreprise de mode a tendance à individualiser un élément ou un accessoire différent, choisi par elle de manière arbitraire, afin de l’utiliser sur plusieurs de ses produits en tant qu’indication de leur origine. En effet, une seule des marques évoquées par la requérante (celle enregistrée sous le numéro 8465528) montre un dispositif de fermeture d’un sac ou d’un produit analogue. Une autre marque (enregistrée sous le numéro 268854) montre une demi-sphère dont l’utilisation n’est pas apparente, mais qui pourrait servir de bouton‑pression d’un sac à main ou d’un produit analogue. En revanche, les autres marques évoquées par la requérante consistent en des éléments ou des accessoires tout à fait différents, à savoir en une partie de la semelle d’une chaussure caractérisée par une ligne rouge (marque numéro 1027747) ; en un crochet sous forme d’un panthère (marque numéro 1989946) ; en une figure d’épée utilisée, selon les indications de la requérante, sur des branches de lunettes (marque numéro 859447) ; en un dispositif de fermeture à crochet, qui semble pouvoir être utilisé comme boucle de ceinture (marque numéro 618546) ; en une attache sous forme de nœud (marque numéro 6687081) ; en la forme entière d’un sac qui ne comporte, toutefois, pas de dispositif de verrouillage (marque numéro 6472898) et, enfin, en la représentation de trois anneaux dans lesquels passent des lanières (marque numéro 3958451).

52      Il s’ensuit que la pratique alléguée par la requérante, à la supposer établie, est susceptible de concerner une multitude de différents éléments ou accessoires. Elle ne démontre donc pas que le public concerné par ceux des produits visés par la marque litigieuse qui sont susceptibles de comporter un dispositif de verrouillage, verra dans la forme de ce dispositif une indication de l’origine commerciale desdits produits.

53      La requérante, à laquelle il appartenait de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée était dotée d’un caractère distinctif intrinsèque, dans la mesure où elle se prévalait d’un tel caractère en dépit de l’analyse de l’OHMI (voir, en ce sens, arrêt Develey/OHMI, point 16 supra, point 50), n’a pas invoqué d’autres arguments à cet égard que celui rejeté au point précédent. Par conséquent et compte tenu du fait que les constatations factuelles figurant au point 37 de la décision attaquée sont exactes, il convient de conclure, en application de la jurisprudence citée au point 19 ci‑dessus, que la marque litigieuse ne pouvait être enregistrée pour ceux des produits visés par elle qui comportaient un dispositif de verrouillage que s’il pouvait être considéré qu’elle divergeait, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, était susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine.

54      Afin de vérifier si c’est à juste titre que la chambre de recours a, en substance, considéré que tel n’est pas le cas, il convient, d’abord, d’examiner l’argument de la requérante qui, fondée sur la référence, au point 37 de la décision attaquée au « monogramme distinctif LV et/ou le nom Louis Vuitton » (voir point 48 ci-dessus), reproche à la chambre de recours une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en ce qu’elle aurait méconnu l’obligation d’apprécier le caractère distinctif d’un signe dans l’abstrait, sans aucune référence à son usage effectif en tant que marque.

55      Cet argument est fondé sur une lecture erronée de la décision attaquée et doit être rejeté. Il convient de relever, à cet égard, que, aux fins de l’examen des différents motifs de nullité invoqués par l’intervenante, dont celui tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a donné, au point 20 de la décision attaquée, une description détaillée de la marque en cause. Cette description ne comporte aucune référence à la présence d’un quelconque monogramme ou nom gravés sur le dispositif de verrouillage dont l’image constitue la marque litigieuse. C’est sur la base de cette description de la marque litigieuse que la chambre de recours a procédé, aux points 44 à 49 de la décision attaquée, à l’analyse de l’éventuel caractère distinctif de ladite marque et qu’elle a conclu, aux points 51 à 53, qu’elle ne possédait pas un tel caractère.

56      Le point 37 de la décision attaquée, évoqué par la requérante, concerne une question différente, celle de savoir si les consommateurs des produits visés par la marque litigieuse ont l’habitude de percevoir un dispositif de verrouillage comme une indication de l’origine commerciale desdits produits. Ainsi qu’il a déjà été relevé (point 48 ci-dessus), la chambre de recours a évoqué à ce propos le fait que, parmi les preuves produites devant l’OHMI par l’intervenante, figuraient des images d’un dispositif de verrouillage analogue à celui de la marque litigieuse, sur lequel était gravé le nom de la requérante ou son monogramme.

57      Ces images sont, d’ailleurs, reproduites au point 3 de la décision attaquée. L’une d’entre elles montre une ceinture avec un dispositif de verrouillage analogue à celui de la marque litigieuse, lequel comporte, effectivement, la mention « LOUIS VUITTON PARIS ». L’autre montre un sac avec un dispositif de verrouillage analogue à celui de la marque litigieuse, mais il est difficile de déterminer si un mot ou un monogramme quelconque est gravé sur sa surface.

58      Or, il a déjà été relevé (point 53 ci‑dessus) que les constatations factuelles de la chambre de recours figurant au point 37 de la décision attaquée étaient fondées, à suffisance de droit, sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation et qu’elles étaient exactes. Même à supposer que ce soit à tort que la chambre de recours a cru voir, sur le sac représenté par la seconde des images mentionnées au point précédent, le nom ou le monogramme de la requérante, une telle erreur serait sans influence sur le bien-fondé de la décision attaquée.

59      Concernant, ensuite, la question de savoir si le dispositif de verrouillage dont l’image constitue la marque litigieuse diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur, il y a lieu de relever, à l’instar du point 20 de la décision attaquée, que ce dispositif se compose de deux parties. La partie supérieure comporte, au-dessus, un rectangle dont les côtés gauche et droit sont arrondis, superposé sur un triangle inversé ressemblant à la lettre majuscule « V » qui, à l’évidence, sert de fermoir. Les côtés gauche et droit du triangle sont également arrondis. Le rectangle aux côtés arrondis comporte, de part et d’autre, des cercles qui ressemblent à des œillets ou à des vis qui permettent de le fixer sur un autre objet (par exemple, sur un sac). La partie inférieure du dispositif de verrouillage présente la forme d’un carré aux angles légèrement arrondis, qui comporte également, dans les quatre coins, des cercles correspondant à des œillets ou à des vis utilisés pour sa fixation. Deux autres cercles, plus grands, sont situés à gauche et à droite du centre du carré et, vraisemblablement, actionnent le mécanisme d’ouverture du dispositif de verrouillage.

60      Dans son analyse du caractère distinctif de la marque litigieuse, la chambre de recours a examiné chacune des parties du dispositif de verrouillage représenté par cette marque. Elle est parvenue à la conclusion que tant la forme triangulaire de sa partie supérieure que la forme carrée de sa partie inférieure constituaient des formes géométriques de base et ne divergeaient pas de manière significative des formes de dispositifs de verrouillage déjà présents sur le marché (respectivement, points 47 et 48 de la décision attaquée). Par ailleurs, différents éléments du dispositif de verrouillage de la marque litigieuse auraient un caractère fonctionnel. Tel serait, notamment, le cas des œillets, qui serviraient à la fixation du dispositif en question (points 45 et 48 de la décision attaquée), mais aussi du triangle qui en constituerait la partie supérieure, lequel servirait à fermer et à ouvrir la serrure. Ce dernier élément serait perçu par le consommateur moyen comme un élément fonctionnel ou décoratif, mais pas comme une indication d’origine (point 47 de la décision attaquée).

61      La chambre de recours a, en outre, comparé la marque litigieuse avec sept différents dispositifs de verrouillage dont elle a reproduit les images au point 45 de la décision attaquée. Ces sept images sont tirées d’un catalogue de différents dispositifs de verrouillage proposés par un fabricant de quincaillerie, présenté par l’intervenante en annexe à sa demande en nullité (voir point 3 de la décision attaquée, premier tiret) et figurant dans le dossier de la procédure devant l’OHMI. Tenant également compte de cette comparaison, la chambre de recours a relevé, au point 46 de la décision attaquée, que « la partie supérieure de la marque contestée ne constituait pas une variante s’écartant de manière significative des fermoirs existants ».

62      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir concentré son examen sur chacun des éléments formant la marque litigieuse, au lieu de l’analyser dans son ensemble.

63      Or, il y a lieu de relever que, après avoir exposé, aux points 45 à 48 de la décision attaquée, des considérations concernant, successivement, la partie supérieure et la partie inférieure de la marque litigieuse, la chambre de recours a relevé, au point 49 de la même décision, ce qui suit : « la combinaison des différentes pièces [de la marque litigieuse] décrites plus haut ne crée pas un caractère unique, élégant et attirant le regard. Il est assez probable que le consommateur pertinent percevra la marque contestée pour ce qu’elle est, à savoir un fermoir permettant à l’utilisateur d’ouvrir et de fermer des sacs, etc. » Au point 51 de la décision attaquée, la chambre de recours a poursuivi en ces termes : « La combinaison des éléments qui constituent le signe contesté ne diverge pas de manière significative des formes de fermoirs qui existent déjà sur le marché de telle sorte qu’elle rende le fermoir distinctif, ce qui est également confirmé par les exemples fournis par [l’intervenante]. Au contraire, le consommateur pertinent attribuera aux différentes formes un rôle purement fonctionnel et esthétique. » C’est sur la base de ces considérations que, au point 52 de sa décision, la chambre de recours a considéré la marque litigieuse comme étant « l’image typique qui vient naturellement à l’esprit pour représenter un fermoir ordinaire » et, par conséquent, comme dépourvue de caractère distinctif.

64      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque en cause pour les produits visés par elle à la suite d’un examen de ladite marque, prise dans son ensemble. Le fait que, au préalable, la chambre de recours a effectué un examen détaillé de certaines parties de ladite marque n’est ni contraire à la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, point 41, et la jurisprudence citée) ni inconciliable avec un examen d’ensemble de la marque en cause.

65      Il convient, par la suite, d’examiner si la conclusion de la chambre de recours relative à l’absence de caractère distinctif de la marque en cause pour les produits visés par elle qui comportent un dispositif de verrouillage est correcte. À cet égard, la requérante fait plus particulièrement valoir que l’analyse de la chambre de recours a été « assez superficielle ». Selon la requérante, les exemples de dispositifs de verrouillage dont les images sont reproduites au point 45 de la décision attaquée sont similaires, alors que la marque litigieuse diverge de manière significative de ces exemples. La requérante met à cet égard en exergue le fait que le dispositif de verrouillage de la marque litigieuse est le seul dont la partie supérieure prend une forme totalement différente de celle de la partie inférieure et ne recouvre pas complètement cette dernière, ni ne s’engage dans celle-ci. Le dispositif de verrouillage de la marque litigieuse serait également le seul à donner l’impression de consister en deux parties, alors que tous les autres sembleraient consister en une seule partie. Enfin, il serait le seul dont le fermoir consisterait en un triangle stylisé, alors que la décision attaquée relèverait, à tort, au point 46 que « la pratique sur le marché de fermoirs est l’utilisation des fermoirs en diverses formes, y compris celles de triangles stylisés ».

66      Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, également rappelée par la chambre de recours au point 50 de la décision attaquée, la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque consistant en la forme du produit concerné ou en une image de celle-ci, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes [arrêts du Tribunal du 30 avril 2003, Axions et Belce/OHMI (Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré), T‑324/01 et T‑110/02, Rec. p. II‑1897, point 44 ; du 31 mai 2006, De Waele/OHMI (Forme d’une saucisse), T‑15/05, Rec. p. II‑1511, point 38, et du 14 septembre 2009, Lange Uhren/OHMI (Champs géométriques sur le cadran d’une montre), T‑152/07, non publié au Recueil, point 71].

67      Compte tenu de cette jurisprudence, il convient de relever, ainsi que l’a d’ailleurs fait la chambre de recours au point 43 de la décision attaquée, que l’existence ou l’absence d’une similitude entre une marque consistant en la forme du produit concerné ou en son image et les formes ou les images d’autres exemples du même produit n’est pas un critère pertinent pour l’appréciation du caractère distinctif de la marque concernée. Il s’ensuit que la référence de la requérante à l’existence d’une prétendue similitude entre les sept modèles de dispositif de verrouillage montrés au point 45 de la décision attaquée qui les distingueraient de la marque litigieuse est dépourvue de pertinence. La question est, en effet, de savoir si la forme de la marque litigieuse diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur (point 19 ci‑dessus).

68      S’agissant de cette dernière question, il convient de relever que les différents éléments de la marque litigieuse mis en exergue dans l’argumentation de la requérante ne suffisent pas pour conclure que la forme de cette marque diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur, en ce qui concerne les « étuis à lunettes » de la classe 9, les « boîtes à bijoux en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » de la classe 14 ainsi que les « sacs de voyage, trousses de voyage (maroquinerie), malles et valises, sac housse de voyage pour vêtements, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits ‘vanity-cases’, sacs à dos, sacs à bandoulière, sacs à main, attachés-cases, porte-documents et serviettes en cuir, pochettes, portefeuilles, bourses, étuis pour clefs, porte-cartes » de la classe 18.

69      En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre l’OHMI, tous les exemples de dispositifs de verrouillage figurant au point 45 de la décision attaquée sont composés de deux parties distinctes. Le fait que le dispositif de verrouillage de la marque litigieuse est composé de deux parties clairement distinguables n’est pas, par conséquent, suffisant pour établir une divergence significative des normes ou des habitudes du secteur. Il en va de même de la forme de ces parties, dans la mesure où certains des exemples montrés au point 45 de la décision attaquée comportent une partie de forme presque triangulaire (exemple numéro 6786, partie supérieure ; exemple numéro 6639, partie inférieure ; exemple numéro 6935, fermoir) ou carré (exemple numéro 6786, partie inférieure ; exemple numéro 8561, dont la partie inférieure prend la forme d’un carré dont le côté bas est arrondi).

70      Ainsi que l’a, d’ailleurs, relevé, en substance, la chambre de recours, les carrés, rectangles et triangles sont des formes géométriques de base que l’on s’attendrait à voir dans un dispositif de verrouillage typique, de sorte qu’une divergence significative de la marque litigieuse des normes et des habitudes du secteur ne saurait être établie sur la seule base de l’utilisation de telles formes.

71      Il convient d’ajouter que les sept exemples de dispositif de verrouillage montrés au point 45 de la décision attaquée ne sont qu’une petite sélection, faite par la chambre de recours, parmi plusieurs formes de tels dispositifs figurant dans le catalogue présenté par l’intervenante en annexe à sa demande en nullité. Ce catalogue comporte plusieurs autres exemples, de formes assez diverses, y compris un dispositif de verrouillage presque identique à celui de la marque litigieuse.

72      Si la présence, dans le catalogue, de ce dernier exemple n’est pas à elle seule suffisante pour conclure que la marque antérieure ne diverge pas de manière significative des normes et des habitudes du secteur, il convient de relever que la présence, dans ce catalogue, de plusieurs modèles de dispositifs de verrouillage de formes très diverses confirme la conclusion, qui peut également être fondée sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, que les dispositifs de verrouillage utilisés dans les produits mentionnés au point 68 ci-dessus peuvent prendre différentes formes mais sont composés très fréquemment de deux parties qui se verrouillent l’une dans l’autre de manières diverses (notamment par insertion ou par pression ou par une combinaison de ces deux méthodes) ainsi que d’un dispositif, tel qu’un bouton ou un levier, pour actionner le mécanisme de déverrouillage.

73      Dans la mesure où la marque demandée présente ces mêmes caractéristiques et que d’autres caractéristiques, susceptibles de justifier d’une divergence significative des normes ou des habitudes du secteur n’ont ni été invoquées par la requérante ni pu être repérées par le Tribunal dans son analyse de ladite marque, il convient de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 52 de la décision attaquée, que ladite marque est composée d’une image typique d’un dispositif de verrouillage des produits mentionnés au point 68 ci‑dessus et est, par conséquent, dépourvue de caractère distinctif s’agissant de ces produits.

74      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté en ce qu’il vise les produits mentionnés au point 68 ci‑dessus, ainsi que, de manière plus générale, les produits de la classe 9 visés par l’enregistrement de la marque litigieuse (voir les points 30 à 32 ci‑dessus).

75      S’agissant, en revanche, des « bijoux, y compris anneaux, porte-clefs, boucles et boucles d’oreilles, boutons de manchettes, bracelets, breloques, broches, colliers, épingles de cravates, parures, médaillons ; horlogerie et instruments et appareils chronométriques, y compris montres, boîtiers de montres, réveille-matin » de la classe 14, ainsi que des « parapluies » de la classe 18, il convient de relever que si, certes, ces produits sont susceptibles de comporter un dispositif de verrouillage, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de tels produits qui, ainsi qu’il a été relevé, sont de large consommation, les dispositifs de verrouillage qu’ils comportent ne prennent pas, en règle générale, la forme du dispositif de verrouillage de la marque litigieuse, pas plus que celle des exemples de tels dispositifs montrés au point 45 de la décision attaquée.

76      En effet, ainsi qu’il a déjà été relevé (point 61 ci‑dessus), ces exemples sont tirés d’un catalogue d’un fabricant de quincaillerie. Ni ces exemples ni les autres modèles de dispositifs de verrouillage montrés dans ce catalogue ne conviennent, selon l’expérience générale, à l’utilisation sur un bijou ou sur un produit d’horlogerie tel qu’une montre.

77      Il serait, en effet, quelque peu inhabituel de voir des dispositifs de verrouillage à utiliser sur ces types de produits proposés par un fabricant de quincaillerie. L’expérience pratique montre que les dispositifs de verrouillage des bijoux et des produits d’horlogerie, y compris les appareils chronométriques prennent, notamment, la forme d’un bracelet qui se verrouille en pliant ou à l’aide d’une boucle, des deux maillons d’une chaîne qui s’insèrent l’un dans l’autre ou d’une petite vis. S’agissant des parapluies, la partie visible pour l’utilisateur du dispositif de verrouillage se limite, en règle générale, en un bouton ou un levier qui, une fois actionné, fait ouvrir le parapluie.

78      Les considérations qui précèdent ne sont aucunement contredites par la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas porté une attention particulière aux produits susmentionnés, mais a énoncé les considérations figurant aux points 44 à 53 de sa décision par rapport à tous les produits visés par la marque litigieuse, partant de la prémisse, expressément énoncée au point 44, selon laquelle un dispositif de verrouillage tel que celui montré par la marque litigieuse peut être utilisé sur tous les produits visés par cette marque « soit en tant que mécanisme de serrure, soit à des fins ornementales ».

79      Or, si, certes, il ne saurait être exclu qu’un dispositif de verrouillage identique à celui de la marque litigieuse ou similaire puisse être adapté pour l’utilisation sur les produits mentionnés au point 75 ci‑dessus, il n’en reste pas moins qu’un tel dispositif diverge de manière significative des normes et des habitudes du secteur et, par conséquent et contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours aux points 52 et 53 de la décision attaquée, possède, par rapport à ces produits, le minimum de caractère distinctif requis pour justifier l’enregistrement de la marque litigieuse pour lesdits produits.

80      Rien dans l’argumentation de l’OHMI et de l’intervenante ne remet en cause cette conclusion. Ces parties ont invoqué également par rapport à ces produits, l’argumentation résumée au point 37 ci‑dessus, selon laquelle, en substance, les produits visés par la marque litigieuse qui ne comportent pas nécessairement de serrures ou de fermetures, sont très souvent vendus dans des boîtes ou des coffrets qui portent un système de fermeture ou de verrouillage. Or, pour les motifs énoncés aux points 38 à 42 ci‑dessus, cette argumentation ne saurait prospérer.

81      Il convient, par ailleurs, de relever que, dans son mémoire en réponse, l’intervenante affirme qu’elle a présenté devant l’OHMI, « des éléments de preuve qui établissent que d’autres fabricants bien connus de malles et de sacs en France font usage d’un dispositif de fermeture très similaire ». Cette affirmation tend à corroborer la conclusion selon laquelle les produits mentionnés au point 75 ne comportent pas, en règle générale, un dispositif de verrouillage tel que celui de la marque litigieuse, lequel est plutôt utilisé sur les « malles » et les « sacs » et, plus généralement, sur les étuis à lunettes de la classe 9, sur les « boîtes à bijoux en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » de la classe 14 et sur les produits de la classe 18 visés par la marque litigieuse, à l’exception des produits « cuir et imitations du cuir » et « parapluies ».

 Conclusion

82      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de faire partiellement droit au premier moyen et d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle a déclaré nulle la marque litigieuse pour les produits « bijoux, y compris anneaux, porte-clefs, boucles et boucles d’oreilles, boutons de manchettes, bracelets, breloques, broches, colliers, épingles de cravates, parures, médaillons ; horlogerie et instruments et appareils chronométriques, y compris montres, boîtiers de montres, réveille-matin ; casse-noix en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, chandeliers en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » de la classe 14 et les produits « cuir et imitations du cuir » et « parapluies » de la classe 18. Pour le surplus, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009

83      Ce moyen, invoqué à titre subsidiaire par la requérante, ne doit être examiné que par rapport aux produits pour lesquels le premier moyen a été rejeté, à savoir les « appareils et instruments optiques, y compris lunettes, lunettes de soleil et étuis à lunettes » de la classe 9, les « boîtes à bijoux en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » de la classe 14 et les « sacs de voyage, trousses de voyage (maroquinerie), malles et valises, sac housse de voyage pour vêtements, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits ‘vanity-cases’, sacs à dos, sacs à bandoulière, sacs à main, attachés-cases, porte-documents et serviettes en cuir, pochettes, portefeuilles, bourses, étuis pour clefs, porte-cartes » de la classe 18.

84      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, le motif absolu visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement ne s’oppose pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

85      De même, l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 dispose, notamment, que lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous b), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

86      Un signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque qui, en raison de l’usage qui en a été fait antérieurement au dépôt d’une demande visant son enregistrement en tant que marque communautaire, a acquis un tel caractère pour les produits ou services visés par la demande d’enregistrement, est admis à l’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. Une marque ainsi enregistrée ne peut pas être annulée en application de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une marque « enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 ». L’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 n’est donc nullement pertinent dans cette hypothèse. Cette dernière disposition vise, plutôt, les marques dont l’enregistrement était contraire aux motifs de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009 et qui, en l’absence d’une telle disposition, auraient dû être annulées, en application de l’article 52, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. L’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 a, précisément, comme objectif de maintenir l’enregistrement de celles de ces marques qui, en raison de l’usage qui en a été fait, ont, entre-temps, c’est-à-dire après leur enregistrement, acquis un caractère distinctif pour les produits ou services pour lesquels elles ont été enregistrées, malgré la circonstance que cet enregistrement, au moment où il est intervenu, était contraire à l’article 7 du règlement n° 207/2009 [arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, Powerserv Personalservice/OHMI – Manpower (MANPOWER), T‑405/05, Rec. p. II‑2883, point 127].

87      Il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 42, et du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 61].

88      Il est également de jurisprudence constante que, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie de l’Union où elle en était dépourvue ab initio au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement [arrêt Storck/OHMI, point 17 supra, point 83 ; arrêts du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T‑91/99, Rec. p. II‑1925, points 26 et 27, et du 12 septembre 2007, Glaverbel/OHMI (Texture d’une surface de verre), T‑141/06, non publié au Recueil, point 40].

89      En l’espèce, examinant l’éventuelle acquisition, par la marque litigieuse, d’un caractère distinctif en raison de l’usage qui en avait été fait, la chambre de recours a, en premier lieu, constaté, au point 65 de la décision attaquée, que la requérante n’avait apporté aucun élément de preuve démontrant un usage de ladite marque pour une partie des produits visés par elle.

90      En deuxième lieu, prenant en considération la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque litigieuse (11 mars 2004), laquelle est antérieure à l’adhésion, le 1er mai 2004, de dix nouveaux États membres à l’Union, la chambre de recours a, conformément à la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, considéré, au point 69 de sa décision, que la requérante devait prouver soit que la marque litigieuse avait, antérieurement à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, acquis un caractère distinctif en raison de l’usage qui en a été fait dans les quinze États membres de l’Union à cette époque, soit qu’elle avait acquis un tel caractère en raison de l’usage qui en a été fait, postérieurement à son enregistrement le 28 juillet 2005, dans les 25 États membres de l’Union à cette époque.

91      Or, au point 73 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que cette preuve n’avait pas été apportée, dans la mesure où la requérante « n’avait pas présenté de preuves pour un certain nombre d’États membres, comme l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la Suède, le Royaume‑Uni, le Danemark, l’Irlande, les Pays‑Bas, le Portugal, la Hongrie, le Luxembourg et Chypre ».

92      En troisième lieu, aux points 74 à 79 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, en tout état de cause, les preuves apportées par la requérante ne démontraient pas une utilisation de la marque litigieuse « en tant que marque ».

93      La requérante conteste la conclusion résumée au point 91 ci-dessus. Elle admet qu’elle est conforme à la jurisprudence, mais considère que cette jurisprudence a été élaborée pour les marques verbales, avec l’objectif d’éviter l’obtention des droits exclusifs sur des signes qui, « par exemple », sont descriptifs dans la langue d’un ou de plusieurs États membres. Toutefois, il existerait une différence profonde et substantielle entre, d’une part, les marques verbales et, d’autre part, les marques figuratives ou tridimensionnelles, si bien que l’extension de la jurisprudence prétendument développée au sujet des marques verbales aux marques figuratives et tridimensionnelles ne serait pas justifiée et serait contraire au caractère unitaire de la marque communautaire. Selon la requérante, les marques figuratives et tridimensionnelles doivent être admises à l’enregistrement si elles ont acquis un caractère distinctif dans une partie substantielle de l’Union européenne, quand bien même les éléments de preuve produits par l’intéressé ne couvriraient pas chaque État membre. La requérante préconise la transposition, en l’espèce, de la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, selon laquelle, aux fins de l’examen de la question de savoir si une marque jouit d’une renommée dans une partie substantielle de l’Union, le territoire d’un seul État membre peut être considéré comme constituant une telle partie substantielle (arrêt de la Cour du 6 octobre 2009, PAGO International, C‑301/07, Rec. p. I‑9429, point 30).

94      Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, la jurisprudence citée au point 87 ci‑dessus ne fait que résumer les conclusions résultant de la lecture combinée des dispositions pertinentes.

95      L’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 dispose que son paragraphe 1, qui concerne les différents motifs absolus de refus d’enregistrement, est applicable même si lesdits motifs n’existent que dans une partie de l’Union.

96      Pour sa part, le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 vise les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif, sans distinguer entre les marques verbales et les marques figuratives ou tridimensionnelles.

97      L’hypothèse, envisagée par la requérante, d’une marque verbale présentant un caractère descriptif des produits ou des services visés par elle relève, plutôt, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et est, par conséquent, dépourvue de pertinence s’agissant de l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. En tout état de cause, il convient de souligner que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement en question ne distingue pas non plus entre marques verbales et marques figuratives ou tridimensionnelles.

98      Ainsi que l’a jugé la Cour dans son arrêt Storck/OHMI, point 17 supra (point 83), la partie de l’Union visée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre [voir également arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Diagnostiko kai Therapeftiko Kentro Athinon « Ygeia »/OHMI (υγεία), T‑7/10, non publié au Recueil, point 40]. L’arrêt PAGO International, point 93 supra, invoqué par la requérante à l’appui de son argumentation corrobore cette conclusion, dans la mesure où il confirme que, également en ce qui concerne la question de l’existence d’une renommée d’une marque communautaire, le territoire d’un seul État membre peut être considéré comme constituant une partie substantielle de l’Union.

99      Il en ressort que l’absence de caractère distinctif d’une marque (fût‑elle verbale, figurative ou tridimensionnelle) sur le territoire d’un seul État membre est suffisante pour justifier que cette marque soit refusée à l’enregistrement ou qu’elle soit déclarée nulle si elle a été enregistrée, à moins que l’article 7, paragraphe 3, ou l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 ne trouve à s’appliquer. Or, l’application de ces deux dernières dispositions présuppose d’apporter la preuve d’un caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque dans la partie de l’Union où elle en était dépourvue ab initio, à savoir dans l’État membre concerné.

100    Le caractère unitaire de la marque communautaire, évoqué par la requérante, n’infirme pas non plus cette conclusion mais, au contraire, la confirme, dès lors qu’il résulte de ce caractère que, pour être admis à l’enregistrement, un signe doit posséder un caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, dans l’ensemble de l’Union (arrêt υγεία, point 98 supra, point 40). En effet, il serait paradoxal d’admettre, d’une part, en application de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25), qu’un État membre soit tenu de refuser l’enregistrement comme marque nationale d’un signe dépourvu de caractère distinctif sur son territoire et, d’autre part, que ce même État soit tenu de respecter une marque communautaire relative à ce même signe pour la seule raison que celui-ci aurait acquis un caractère distinctif sur le territoire d’un autre État membre (voir, par analogie, arrêt υγεία, point 98 supra, point 53).

101    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que, dès lors qu’elle a conclu, au point 73 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’acquisition, par la marque litigieuse, d’un caractère distinctif en raison de l’usage qui en a été fait dans plusieurs États membres, c’est sans violer ni l’article 7, paragraphe 3, ni l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, que la chambre de recours l’a déclaré nulle pour les produits mentionnés au point 83 ci‑dessus.

102    Or, par ses autres arguments avancés dans le cadre du second moyen, la requérante ne conteste pas la conclusion figurant au point 73 de la décision attaquée, pas plus qu’elle n’affirme que les éléments de preuve de l’acquisition, par la marque litigieuse, d’un caractère distinctif par l’usage concernaient également les États membres mentionnés à ce point de la décision attaquée.

103    En effet, par ces arguments, la requérante vise, plutôt, à contester les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles les éléments de preuve produits par elle ne démontraient pas un usage de la marque litigieuse en tant que marque et ne couvraient pas l’ensemble des produits pour lesquels cette marque avait été enregistrée (respectivement, points 74 et 65 de la décision attaquée).

104    Or, la conclusion de la décision attaquée selon laquelle, en substance, l’article 7, paragraphe 3, et l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ne s’opposaient pas à ce que la marque litigieuse soit déclarée nulle est fondée, à suffisance de droit, sur la constatation, figurant au point 73 de la décision attaquée, selon laquelle les preuves produites par la requérante ne couvraient pas certains États membres dans lesquels ladite marque était dépourvue de caractère distinctif. Il s’ensuit que les autres arguments avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen, résumés au point précédent, sont inopérants et qu’il convient, par conséquent, de rejeter le second moyen. L’étendue de l’annulation de la décision attaquée sera, donc, celle mentionnée au point 82 ci‑dessus et, pour le surplus, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, la requérante ainsi que l’OHMI et l’intervenante ont succombé pour partie en leurs conclusions. Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens exposés au cours de la procédure devant le Tribunal.

106    Par ailleurs, la requérante a conclu à ce que l’intervenante soit condamnée aux dépens de l’ensemble de la procédure, y compris aux dépens relatifs à la procédure devant la division d’annulation et à la procédure devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation. Partant, la demande de la requérante concernant les dépens afférents à la procédure devant la division d’annulation, qui ne constituent pas des dépens récupérables, est irrecevable. S’agissant de la demande formulée par la requérante visant à la condamnation de l’intervenante aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il appartiendra à la chambre de recours de statuer, à la lumière du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 juin 2011, ATB Norte/OHMI – Bricocenter Italia (Affiliato BRICO CENTER), T‑483/09, non publié au Recueil, point 69].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 24 février 2010 (affaire R 1590/2008‑1) est annulée en ce qu’elle a déclaré nulle la marque communautaire numéro 3 693 116 pour les « bijoux, y compris anneaux, porte-clefs, boucles et boucles d’oreilles, boutons de manchettes, bracelets, breloques, broches, colliers, épingles de cravates, parures, médaillons ; horlogerie et instruments et appareils chronométriques, y compris montres, boîtiers de montres, réveille-matin ; casse-noix en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, chandeliers en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » de la classe 14 et les produits « cuir et imitations du cuir » et « parapluies » de la classe 18.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Louis Vuitton Malletier, Friis Group International ApS et l’OHMI supporteront chacun leurs propres dépens exposés au cours de la procédure devant le Tribunal.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.