Language of document : ECLI:EU:T:2011:67

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

2 mars 2011 (*)

« Intervention »

Dans l’affaire T‑237/10,

Louis Vuitton Malletier, établie à Paris (France), représentée par Mes P. L. Roncaglia, G. Lazzeretti, M. Boletto et E. Gavuzzi, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Friis Group InternationalApS, établie à Copenhague (Danemark), représentée par Me C. Type Jardorf, avocat

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 24 février 2010 (affaire R 1590/2008‑1), relative à une procédure de nullité entre Louis Vuitton Malletier et Friis Group International,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents

1        Le 11 mars 2004, la requérante, Louis Vuitton Malletier, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 14, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « appareils et instruments optiques, y compris lunettes, lunettes de soleil et étuis à lunettes » ;

–        classe 14 : « bijoux, y compris anneaux, porte-clefs, boucles et boucles d’oreille, boutons de manchettes, bracelets, breloques, broches, colliers, épingles de cravates, parures, médaillons; horlogerie et instruments et appareils chronométriques y compris montres, boîtiers de montres, réveille-matin; casse-noix en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, chandeliers en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, boîtes à bijoux en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » ;

–        classe 18 : « cuir et imitations du cuir; sacs de voyage, trousses de voyage (maroquinerie), malles et valises, sac housse de voyage pour vêtements, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits ‘vanity-cases’, sacs à dos, sacs à bandoulière, sacs à main, attaché-case, porte-documents et serviettes en cuir, pochettes, portefeuilles, bourses, étuis pour clefs, porte-cartes; parapluies » ;

–        classe 25 : « vêtements et sous-vêtements y compris chandails, chemises, T-shirts, lingerie, ceintures (habillement), foulards, cravates, châles, gilets, jupes, imperméables, pardessus, bretelles, pantalons, pantalons en jeans, pull-overs, robes, vestes, écharpes, gants, collants, chaussettes, maillots de bain, peignoirs de bain, pyjamas, chemises de nuit, shorts, pochettes (habillement); souliers, bottes, pantoufles; chapellerie ».

4        Le 28 juillet 2005, la marque communautaire a été enregistrée sous le numéro 3 693 116, pour tous les produits visés dans la demande d’enregistrement.

5        Le 16 février 2007, Friis Group International (ci‑après « Friis ») a présenté une demande en nullité de la marque en cause au titre de l’article 55 du règlement n° 40/94 (devenu article 56 du règlement no 207/2009). Les motifs invoqués étaient ceux visés à l’article 51, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement (devenus, respectivement, article 52, paragraphe 1, sous a) et article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009).

6        Par décision du 21 octobre 2008, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

7        Le 4 novembre 2008, Friis a formé un recours, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement no 207/2009), contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 24 février 2010 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 29 mars 2010, la première chambre de recours a, d’abord, pris acte de ce que Friis avait limité la portée de son recours aux seuls produits des classes 9, 14 et 18 visés par la marque en cause et que, par conséquent, la décision de la division d’annulation ayant rejeté la demande en nullité était devenue définitive dans la mesure où elle concernait les produits de la classe 25 visés par la même marque (points 16 à 19 des motifs et point 1 du dispositif de la décision attaquée).

9        Ensuite, la chambre de recours a, en substance, considéré que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif s’agissant des produits des classes 9, 14 et 18, pour lesquels elle avait été enregistrée (points 36 à 55 de la décision attaquée) et que la requérante n’avait pas apporté la preuve de ce que ladite marque avait acquis un tel caractère distinctif par l’usage qui en a été était fait, au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (points 56 à 81 de la décision attaquée).

10      La chambre de recours a, donc, fait droit à la demande en nullité et a déclaré la nullité de la marque en cause pour les produits des classes 9, 14 et 18, pour lesquels elle avait été enregistrée.

 Procédure

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mai 2010, la requérante a introduit un recours contre la décision attaquée, dans lequel elle demande au Tribunal d’annuler celle‑ci en tant qu’elle déclare la nullité de la marque en cause pour les produits des classes 9, 14 et 18 pour lesquels elle a été enregistrée, de condamner l’OHMI aux dépens de la procédure devant le Tribunal et de condamner Friis aux dépens qu’elle a exposés devant la division d’annulation et devant la chambre de recours.

12      L’OHMI et Friis ont déposé au greffe du Tribunal, respectivement le 2 septembre 2010 et le 18 août 2010, leurs mémoires en réponse, dans lesquels ils concluent au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 septembre 2010, C&A Buying KG (ci-après, « C&A »), a demandé à intervenir au présent litige, au soutien des conclusions de l’OHMI.

14      La requérante, l’OHMI et Friis ont présenté leurs observations écrites relatives à cette demande d’intervention par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 3, 2 et 1er novembre 2010.

15      Par lettre du 10 décembre 2010, déposée au greffe du Tribunal le même jour, C&A a relevé que le 17 novembre 2010 elle a introduit, devant l’OHMI, des demandes en nullité contre la marque en cause dans la présente affaire ainsi que contre deux autres marques communautaires de la requérante et elle a présenté certaines observations en réponse aux observations de la requérante sur sa demande d’intervention.

 Arguments des parties

16      C&A expose que la requérante est également titulaire d’une autre marque communautaire figurative, enregistrée sous le n° 3 729 191 (ci‑après, l’ « autre marque communautaire ») ainsi que d’une marque figurative, enregistrée en France sous le n° 1 506 382 (ci-après, la « marque française »). Ces deux marques seraient constituées par la même image, laquelle serait presque identique à la marque en cause dans la présente affaire. Elle ne se distinguerait de cette marque que par la présence d’un petit trou de serrure circulaire, absent de la marque en cause.

17      Au mois de juillet 2009, la requérante aurait assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, par une action en contrefaçon, une société française dénommée « C&A France » ainsi qu’une société de droit allemand, dénommée, aux termes de l’assignation « C&A EUROPE ». Dès lors que cette dernière société serait inexistante et que l’adresse mentionnée pour elle dans l’assignation correspondrait à l’adresse du siège social de C&A, l’assignation aurait été signifiée à cette dernière, laquelle aurait accepté de participer à la procédure en France. La contrefaçon alléguée dans l’assignation consisterait, notamment, dans la commercialisation d’un certain nombre de sacs à main comportant une serrure identique à la marque française ou similaire.

18      Par ailleurs, Friis aurait introduit une demande en nullité contre l’autre marque communautaire, rejetée par décision de la division d’annulation du 15 octobre 2009. C&A ignorerait si Friis a formé un recours contre cette décision devant la chambre de recours.

19      Sur la base de ces allégations, C&A considère qu’elle justifie d’un intérêt à la solution du présent litige. En premier lieu, il existerait un risque immédiat que, si elle obtient gain de cause devant le tribunal de grande instance de Paris, la requérante introduise des procédures à son encontre partout en Europe, fondées sur la marque en cause dans la présente affaire ainsi que sur l’autre marque communautaire. L’action en contrefaçon intentée par la requérante en France ainsi que des actions similaires, intentées, sur le fondement des deux marques communautaires de la requérante, devant les juridictions danoises contre Friis, témoignerait de la détermination de la requérante à faire valoir ses droits découlant de ces marques.

20      En second lieu, la solution de la présente affaire exercerait une influence tant sur des éventuelles procédures en nullité de l’autre marque communautaire de la requérante ainsi que de la marque française que sur l’action en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris.

21      D’une part, dès lors que l’autre marque communautaire et la marque française ne différeraient de la marque en cause dans la présente affaire que dans un petit détail fonctionnel, les instances de l’OHMI qui auraient à connaître d’une éventuelle demande en nullité de l’autre marque communautaire suivraient le raisonnement des juridictions de l’Union dans la présente affaire. C&A devrait donc avoir la possibilité de présenter ses observations dans l’ « affaire pilote » devant le Tribunal et ne saurait être contrainte d’entamer une nouvelle procédure en nullité devant l’OHMI, dont le résultat serait nécessairement dicté par la solution adoptée dans la présente affaire. En effet, si le Tribunal et la Cour confirmeraient la décision attaquée, il ne ferait pas de doute qu’il conviendrait de déclarer également la nullité de l’autre marque communautaire ainsi que de la marque française.

22      D’autre part, les conclusions du Tribunal et de la Cour dans la présente affaire auraient valeur de précédent pour l’action en contrefaçon engagée en France. En effet, si les juridictions de l’Union confirmaient la conclusion de la décision attaquée, selon laquelle la marque en cause ne présente pas un caractère distinctif, les juridictions françaises, qui seraient liées par cette conclusion, ne pourraient que rejeter cette action, au motif que C&A n’aurait pas utilisé, sur les sacs à main qu’elle aurait proposé à la vente, un signe identique à la marque française ou similaire.

23      Selon la requérante, à supposer que C&A justifie d’un intérêt à la solution du présent litige, cet intérêt ne pourrait être qualifié de direct.

24      La requérante fait valoir que l’argument de C&A, selon lequel si la requérante obtient gain de cause dans la procédure en contrefaçon en France, elle engagera d’autres procédures à son encontre sur le fondement de la marque communautaire en cause dans la présente affaire et de l’autre marque communautaire, constitue une simple spéculation, dénuée de pertinence d’un point de vue juridique. Malgré le rejet de la demande en nullité introduite contre l’autre marque communautaire, la requérante n’aurait pas invoqué cette marque contre C&A. Même si elle le faisait, C&A pourrait se défendre en introduisant une demande en nullité contre cette marque.

25      C&A aurait demandé au tribunal de grande instance de Paris de déclarer la nullité de la marque française. Toutefois, la requérante considère que, contrairement aux affirmations de C&A, l’arrêt à intervenir dans la présente affaire n’aura valeur de précédent ni pour la procédure en nullité de la marque française ni pour une éventuelle demande en nullité de l’autre marque communautaire, introduite devant l’instance compétente de l’OHMI par C&A. En effet, C&A pourrait invoquer dans le cadre de telles procédures tous les arguments qu’elle estimerait pertinents et, s’ils étaient fondés, la nullité desdites marques pourrait être déclarées, indépendamment de l’issue du présent litige. La requérante est, en outre, convaincue que si la présente procédure aboutit à l’annulation de la décision attaquée et au rejet de la demande en nullité de la marque communautaire en cause, C&A ne suggérera pas à la juridiction française saisie de la demande en nullité de la marque française de suivre un tel arrêt.

26      Ce serait à tort que C&A soutient que le tribunal de grande instance de Paris, saisi de l’action en contrefaçon introduite sur le fondement de la marque française, serait lié par l’arrêt à intervenir dans la présente affaire. Tel ne serait le cas que dans l’hypothèse d’un arrêt statuant sur une demande de décision préjudicielle, au titre de l’article 267 TFUE, lequel lierait la juridiction nationale à l’origine de cette demande. S’agissant d’autres types d’arrêts des juridictions de l’Union, il existerait plusieurs exemples d’arrêts des juridictions nationales refusant de les suivre au motif qu’ils seraient erronés. L’OHMI et les juridictions de l’Union auraient, eux aussi, affirmé ne pas être liés par les décisions des instances nationales d’enregistrement de marques ou des juridictions nationales.

27      Le fait que le tribunal de grande instance de Paris n’aurait pas sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir dans la présente affaire confirmerait également l’absence de lien entre la présente procédure et la procédure en contrefaçon en France et démontrerait l’absence d’intérêt direct de C&A à la solution du présent litige.

28      L’OHMI ne soulève aucune objection à l’encontre de la demande en intervention de C&A.

29      Friis marque son accord avec l’admission de cette demande. Elle considère que la présente procédure présente des similitudes avec l’action en contrefaçon intentée par la requérante contre C&A en France. Par conséquent, cette dernière justifierait d’un intérêt légitime à intervenir dans la présente affaire. Friis confirme, en outre, l’existence d’une procédure en contrefaçon à son encontre, intentée par la requérante devant les juridictions danoises. Elle précise, enfin, qu’elle n’a pas introduit un recours devant la chambre de recours contre la décision de la division d’annulation ayant rejeté sa demande en nullité contre l’autre marque communautaire, pour des raisons liées aux coûts d’une telle procédure.

 Appréciation du président

30      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions d’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

31      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (ordonnances du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 26 et du 13 avril 2010, Vtesse Networks/Commission, T‑54/07, non publiée au Recueil, point 30).

32      Un élément futur et hypothétique n’est pas de nature à démontrer un intérêt actuel et certain à la solution du litige, au sens de la jurisprudence susvisée (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 10 janvier 2008, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, non publiée au Recueil, point 29).

33      Par ailleurs, il résulte de l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal que la demande en intervention est présentée au plus tard soit avant l’expiration d’un délai de six semaines qui prend cours à la publication visée par l’article 24, paragraphe 6 soit, sous réserve de l’article 116, paragraphe 6, avant la décision d’ouvrir la procédure orale prévue à l’article 53 de ce même règlement.

34      Il résulte de l’article 116, paragraphes 2 et 4 du règlement de procédure que, si une intervention dont la demande a été présentée dans le délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement, est admise, l’intervenant reçoit communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties, sous réserve du droit de celles-ci de demander l’exclusion de cette communication des pièces secrètes ou confidentielles, et il peut présenter un mémoire en intervention. En revanche, aux termes du paragraphe 6 du même article, si la demande en intervention a été présentée après l’expiration du délai de six semaines susvisé, l’intervenant peut uniquement présenter ses observations lors de la procédure orale, sur la base du rapport d’audience qui lui est communiqué.

35      En l’espèce, il convient, en premier lieu, de constater que la demande en intervention a été introduite conformément à l’article 115 du règlement de procédure du Tribunal et avant l’expiration du délai de six semaines prévu au paragraphe 1 de cet article, l’avis relatif à la présente affaire, prévu à l’article 24, paragraphe 5, du règlement de procédure, ayant été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 31 juillet 2010.

36      Cependant, les faits invoqués par C&A à l’appui de sa demande en intervention dans sa lettre du 10 décembre 2010 (voir point 15 ci‑dessus), c’est-à-dire l’introduction, postérieurement à la présentation de sa demande en intervention, de demandes en nullité contre trois marques communautaires de la requérante dont la marque en cause dans la présente affaire, ne sauraient être pris en considération pour l’appréciation de cette demande.

37      En effet, permettre à un demandeur en intervention d’invoquer, pour appuyer sa demande présentée dans le délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure, des faits non invoqués dans la demande initiale et ce après l’expiration dudit délai équivaudrait à un contournement de ce délai. Cela vaut d’autant plus pour les faits postérieurs à la présentation de la demande en intervention.

38      En deuxième lieu, il convient de relever que, à l’exception de l’action en contrefaçon l’opposant à la requérante, C&A n’invoque aucun autre élément certain et actuel à l’appui de sa demande en intervention, mais se contente d’évoquer l’éventualité de l’introduction, par la requérante à son encontre, d’autres actions en contrefaçon fondées, notamment, sur la marque en cause dans la présente affaire.

39      Or, l’éventualité de futures procédures initiées par la requérante contre C&A dépend aussi d’autres facteurs, lesquels sont liés à la discrétion de la requérante et soumis à sa propre décision indépendante, et non pas à la solution du présent litige.

40      Par conséquent, les éventuelles futures procédures évoquées par C&A ne suffisent pas pour démontrer qu’elle est touchée par les conclusions de l’OHMI demandant le rejet du recours et qu’elle possède un intérêt certain et actuel à la solution du présent litige (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 14 janvier 2010, El Corte Inglés/Commission, T‑38/09, non publiée au Recueil, point 26). Il s’agit, en effet, d’éléments futurs et hypothétiques, au sens de la jurisprudence évoquée au point 32 ci‑dessus.

41      En troisième lieu, il est constant que la marque en cause dans la présente affaire n’a pas été invoquée par la requérante à l’appui de son action en contrefaçon introduite devant le tribunal de grande instance de Paris contre C&A. Il s’ensuit que même si la nullité de cette marque était déclarée, ladite action ne serait pas privée de son objet.

42      C&A fait, toutefois, valoir que cette marque et la marque française, invoquée à l’appui de l’action en contrefaçon en question, sont à tel point similaires que, dans l’hypothèse où le Tribunal confirmerait la décision attaquée ayant déclaré la nullité de la première, le tribunal de grande instance de Paris n’aurait pas d’autre possibilité que de déclarer également la nullité de la seconde et de rejeter, ainsi, l’action en contrefaçon de la requérante.

43      À cet égard, il convient de rejeter, d’emblée, l’argumentation de la requérante, selon laquelle, en substance, dès lors que l’arrêt à intervenir dans la présente affaire ne portera pas sur une demande de décision préjudicielle, au titre de l’article 267 TFUE, toute juridiction nationale aurait la faculté de ne pas la prendre en considération, si ses motifs lui paraissent erronés.

44      Il convient de rappeler que les droits nationaux des marques ont fait l’objet d’une harmonisation en vertu de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1) [abrogée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25)]. Tant cette directive que le règlement n° 207/2009 contiennent des dispositions, libellées en des termes très similaires, lesquelles prévoient que les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement ou, si elles ont été enregistrées, sont susceptibles d’être déclarées nulles [voir, respectivement, article 3, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104, devenu article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/95 et article 7, paragraphe 1, sous b) et article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009].

45      Il s’ensuit que la jurisprudence des juridictions de l’Union européenne relative à l’application des dispositions susvisées tant de la première directive 89/104 (ou de la directive 2008/95) que du règlement n° 207/2009 est susceptible de revêtir une pertinence lors de l’examen, par la juridiction nationale compétente, d’une demande en nullité introduite contre une marque enregistrée dans un État membre.

46      Cela étant précisé, il convient de constater qu’il ne ressort pas du dossier et C&A n’allègue pas que la présente affaire pose une question de principe, relative à l’interprétation des dispositions susvisées du règlement n° 207/2009, laquelle pourrait également présenter une pertinence par rapport à l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104.

47      Il paraît, au contraire, que l’objet de la présente affaire se limite à la question de savoir si la marque en cause est dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

48      Or, d’une part, il ressort d’une jurisprudence constante que, s’agissant tant de l’application de la première directive 89/104 que du règlement n° 207/2009, le caractère distinctif d’une marque doit, notamment, être apprécié par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [S’agissant de la première directive 89/104, voir arrêts de la Cour du 8 avril 2003, Linde e.a., C‑53/01 à C‑55/01, Rec. p. I‑3161, point 41 et du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 34 ; s’agissant du règlement n° 207/2009, voir arrêt du Tribunal du 12 novembre 2010, Deutsche Bahn/OHMI (Combinaison verticale des couleurs gris et rouge), T‑405/09, non encore publié au Recueil, point 20 et la jurisprudence citée].

49      En outre, l’application concrète des critères relatifs à l’existence ou à l’absence de caractère distinctif d’un signe susceptible d’être enregistré comme marque, comporte des appréciations de nature factuelle (arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 22).

50      Enfin, il convient de rappeler qu’une marque, tant nationale que communautaire, dépourvue de caractère distinctif peut être enregistrée, en vertu, respectivement, de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104 (devenu article 3, paragraphe 3, de la directive 2008/95) et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, si la preuve est rapportée qu’elle a acquis, par l’usage qui en a été fait, un caractère distinctif dans la partie, respectivement, de l’État membre concerné ou de l’Union, dans laquelle elle n’avait pas ab initio un tel caractère [arrêt de la Cour du 7 septembre 2006, Bovemij Verzekeringen, C‑108/05, Rec. p. I‑7605 point 22 et arrêt du Tribunal du 9 décembre 2010, Earle Beauty/OHMI (NATURALLY ACTIVE), T‑307/09, non encore publié au Recueil, point 49].

51      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que, même s’il était jugé, dans la présente affaire, que c’est à bon droit que la décision attaquée a déclaré la nullité de la marque en cause et nonobstant la similitude alléguée entre cette marque et la marque française, il ne saurait être exclu que le tribunal de grande instance de Paris parvienne à une conclusion différente s’agissant de la demande en nullité relative à cette dernière marque. Cela est d’autant plus le cas que cette demande devra être appréciée par rapport à un public différent (le public français et non le public de l’ensemble de l’Union européenne, pertinent pour l’appréciation du caractère distinctif de la marque communautaire en cause dans la présente affaire) et que, le cas échéant, la preuve de l’acquisition, par la marque en question, d’un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait, ne devra être apportée que pour le territoire de la France ou pour une partie de celui-ci.

52      D’autre part, même à admettre que l’arrêt à intervenir dans la présente affaire pourrait fournir une inspiration au tribunal de grande instance de Paris, s’agissant de l’appréciation de la demande en nullité de la marque française introduite devant lui, ce fait ne justifierait pas un intérêt direct de C&A à la solution du litige, au sens de la jurisprudence évoquée au point 31 ci‑dessus.

53      En effet, dans un tel cas, il pourrait, tout au plus, être question d’un intérêt de C&A par rapport à l’argumentation avancée par l’OHMI et tendant au rejet du recours de la requérante, dans la mesure où C&A est susceptible d’invoquer des arguments identiques ou analogues par rapport à la marque française, dans le cadre de l’action en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris.

54      Or, cet intérêt à l’égard d’une argumentation ne saurait être confondu avec un intérêt à ce qu’il soit fait droit aux chefs de conclusions de l’OHMI tendant au rejet du recours de la requérante contre la décision attaquée, qui a déclaré la nullité de la marque communautaire en cause, c’est-à-dire d’une marque différente de celle concernée par l’action en contrefaçon opposant la requérante à C&A devant le tribunal de grande instance de Paris (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 9 février 2007, Wilfer/OHMI, C‑301/05 P, non publiée au Recueil, point 8).

55      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande en intervention de C&A doit être rejetée, à défaut d’intérêt actuel et direct de celle-ci au sort réservé aux conclusions de l’OHMI.

 Sur les dépens

56      En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de C&A, il convient de statuer sur les dépens afférents à sa demande d’intervention.

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. C&A ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux de la requérante afférents à la procédure en intervention, conformément aux conclusions de cette dernière. L’OHMI et Friis n’ayant pas formulé de conclusions à cet égard, ils supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande d’intervention de C&A Buying KG est rejetée.

2)      C&A Buying KG est condamnée à supporter les dépens de la requérante, Louis Vuitton Malletier, afférents à la procédure en intervention ainsi que ses propres dépens.

3)      L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) et Friis Group International ApS supporteront leurs propres dépens afférents à la procédure d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 2 mars 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : l’anglais.