Language of document : ECLI:EU:T:2023:433

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative représentant le contour d’un ours – Cause de nullité absolue – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑591/21,

Apart sp. z o.o., établie à Suchy Las (Pologne), représentée par Me J. Gwiazdowska, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. Klee et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

S. Tous, SL, établie à Manresa (Espagne), représentée par Mes D. Gómez Sánchez, J. L. Gracia Albero et M. Schaaf, avocats,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et I. Gâlea (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 29 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Apart sp. z o.o., demande l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 6 juillet 2021 (affaire R 222/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 26 février 2009, l’intervenante, S. Tous, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque de l’Union européenne dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Joaillerie, bijouterie ».

5        La marque contestée a été enregistrée le 26 janvier 2010.

6        Le 23 mai 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne mentionnée aux points 2 à 5 ci-dessus pour les produits relevant de la classe 14, visés au point 4 ci-dessus, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), b), d) et e), dudit règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous a), b), d) et e), du règlement 2017/1001].

7        Le 26 novembre 2019, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

8        Le 27 janvier 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Tout d’abord, elle a souligné que, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque contestée était présumée valide et que les éléments de preuve et les arguments présentés par la requérante étaient insuffisants et contradictoires aux fins de démontrer que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, ladite marque était dépourvue de caractère distinctif. La chambre de recours a considéré que les consommateurs ne pouvaient pas immédiatement percevoir le signe contesté comme la représentation d’un ours ou qu’ils avaient besoin à cette fin d’un effort mental et que, dès lors, cela conférait à ce signe un certain degré de caractère distinctif. Ensuite, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas démontré que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, cette dernière était perçue comme une forme ou une apparence courante dans le secteur de marché pertinent des bijoux. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas non plus démontré que, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, le signe contesté était devenu usuel dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits contestés. Enfin, la chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas été en mesure d’expliquer en quoi la marque contestée donnait une valeur substantielle aux produits en cause au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement 2017/1001].

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et la réformer en prononçant la nullité de la marque contestée ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant l’EUIPO ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens de la procédure devant la chambre de recours ainsi que devant le Tribunal.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés devant la division d’annulation et la chambre de recours.

 En droit

13      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 26 février 2009, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur le fond

14      La requérante invoque, en substance, six moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous d), de ce règlement. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), i), dudit règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous e), i), du règlement 2017/1001]. Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du même règlement. Le cinquième moyen est tiré d’un défaut de motivation, en violation de l’article 94, paragraphe 1, et de l’article 95, paragraphe 1 du règlement 2017/1001. Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 20 et de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) et c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après : la « Charte »), relatifs au droit d’être entendu, ainsi qu’aux principes de bonne administration, de sécurité juridique et d’égalité de traitement.

 Sur la recevabilité des deuxième et troisième moyens

15      Dans l’exposé des moyens invoqués à l’appui des conclusions aux fins d’annulation, la requérante invoque la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous d), ainsi que celle de l’article 7, paragraphe 1, sous e), i), du règlement no 40/94.

16      L’EUIPO conclut à ce que les moyens ainsi invoqués par la requérante soient déclarés irrecevables.

17      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête introductive d’instance doit indiquer, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant tant à la partie défenderesse qu’au juge d’en apprécier le bien-fondé. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief ou un argument est invoqué au soutien d’un moyen [arrêts du 13 mars 2013, Biodes/OHMI – Manasul Internacional (FARMASUL), T‑553/10, non publié, EU:T:2013:126, point 22, et du 11 avril 2019, Fomanu/EUIPO – Fujifilm Imaging Germany (Représentation d’un papillon), T‑323/18, non publié, EU:T:2019:243, point 17].

18      Or, il convient de relever que la requérante se borne à invoquer l’article 7, paragraphe 1, sous d), ainsi que l’article 7, paragraphe 1, sous e), i), du règlement n° 40/94, sans indiquer les éléments de fait et de droit permettant de comprendre dans quelle mesure la décision attaquée violerait ces dispositions.

19      Il s’ensuit qu’une telle présentation de l’argumentation ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Dès lors, les moyens tirés de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous d), et de l’article 7, paragraphe 1, sous e), i), du règlement no 40/94, doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation en violation de l’article 94, paragraphe 1, et de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

20      Par son cinquième moyen, la requérante reproche essentiellement à la chambre de recours de ne pas avoir motivé à suffisance de droit son raisonnement selon lequel les éléments de preuve produits ne permettaient pas de démontrer que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

22      Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 65 et jurisprudence citée).

23      En outre, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés [voir arrêt du 20 février 2013, Langguth Erben/OHMI (MEDINET), T‑378/11, EU:T:2013:83, point 15 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, force est de constater que, aux points 32 à 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a pris en compte les éléments de preuve soumis par la requérante et qu’elle a également fourni, pour chacun d’entre eux, les raisons pour lesquelles lesdits éléments de preuve n’étaient pas de nature à prouver que la forme de l’ours en peluche était un motif couramment utilisé dans le secteur de la joaillerie à la date pertinente. S’agissant de l’analyse du caractère distinctif, il convient de constater que la chambre de recours a procédé à un examen détaillé de ce dernier aux points 44 à 63 de la décision attaquée.

25      En outre, d’une part, il convient de relever que, la requérante a pu défendre ses droits et comprendre les explications fournies par la chambre de recours dans la décision attaquée s’agissant de l’analyse du caractère distinctif du signe contesté au regard des produits en cause, ainsi qu’il ressort de l’argumentation qu’elle a développée sur ce point dans le cadre de sa requête. D’autre part, ainsi qu’il résulte des points 29 à 80 ci-après, le Tribunal a pu exercer son contrôle sur le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours à cet égard, dans le cadre du premier moyen. Partant, eu égard à la jurisprudence mentionnée aux points 22 et 23 ci-dessus, il y a lieu de conclure que la décision attaquée est suffisamment motivée.

26      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7 paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94

27      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque contestée possédait un caractère distinctif.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

29      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

30      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

31      Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

32      La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48).

33      En outre, il est de jurisprudence constante qu’un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, ne soit pas applicable [voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2019, Grammer/EUIPO (Représentation d’une forme), T‑762/17, non publié, EU:T:2019:171, point 15 et jurisprudence citée].

34      Par ailleurs, il convient de rappeler que dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêts du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point28, et du 28 septembre 2016, European Food/EUIPO – Société des produits Nestlé (FITNESS), T‑476/15, EU:T:2016:568, point 48].

35      Il y a également lieu de relever que la date pertinente aux fins de l’examen d’une demande en déclaration de nullité fondée sur l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, est la date du dépôt de la demande d’enregistrement (voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik, C‑332/09 P, non publiée, EU:C:2010:225, point 41). Dès lors, la date pertinente au cas d’espèce est le 26 février 2009.

36      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’analyser si la requérante est parvenue à démontrer à suffisance de droit que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif.

37      À titre liminaire, il convient de rappeler que, afin d’analyser le caractère distinctif de la marque contestée, la chambre de recours a considéré que cette marque était une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle des produits en cause, et qu’elle ne consistait pas en un signe indépendant de l’aspect des produits. La chambre de recours a ensuite apprécié le caractère distinctif de ladite marque à l’aune du critère applicable s’agissant des marques tridimensionnelles et a considéré que les arguments et les éléments de preuve avancés par la requérante étaient insuffisants pour démontrer que la marque contestée était perçue comme une forme ou une apparence courante sur le marché des bijoux.

38      La chambre de recours a également rappelé, sans que la requérante ne le remette en cause, que, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union européenne étant présumée valide, il appartenait à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets mettant en cause sa validité. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré le niveau d’attention du public pertinent comme étant supérieur à la moyenne.

39      La requérante fait valoir, en substance, que la forme d’un ours en peluche ne diverge pas des normes du secteur du marché des bijoux et que cette forme ne comprend aucun élément permettant de la distinguer de celle des produits provenant des autres entreprises sur le marché.

40      L’intervenante fait valoir que « la marque contestée n’est pas une marque de forme, étant donné qu’elle n’est pas une marque tridimensionnelle », mais qu’elle consiste en la représentation de son ours emblématique.

41      Il convient de souligner, d’emblée, que les produits en cause, à savoir, des articles de joaillerie, peuvent prendre la forme de la marque contestée.

42      Selon la jurisprudence, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles, constituées par la forme du produit lui-même, ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par la forme du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se basant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30 et jurisprudence citée).

43      Dans ces conditions, plus la forme enregistrée en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme enregistrée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31 et jurisprudence citée).

44      En outre, il convient de rappeler que la jurisprudence développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même vaut également lorsque la marque contestée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne [voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 29, et du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier marron et beige), T‑359/12, EU:T:2015:215, point 24].

45      En l’espèce, il y a lieu de souligner que, le fait que les articles de joaillerie soient susceptibles de prendre la forme d’un ours en peluche, ne suffit pas à lui seul à établir que la marque contestée est constituée par une représentation bidimensionnelle de la forme des produits en cause.

46      Une telle appréciation serait de nature à exclure toute autre utilisation du signe en tant que marque figurative ce qui ne pourrait être le cas en l’espèce. En effet, elle est susceptible d’être utilisée en tant que telle, par l’intervenante, sur des emballages, des étiquettes ou d’autres éléments publicitaires, afin de permettre aux consommateurs d’identifier l’origine commerciale de ses produits.

47      Dès lors, il convient de constater que, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle des produits en cause, entraînant l’application de la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles, est entachée d’une erreur d’appréciation.

48      Néanmoins, il est de jurisprudence constante que, si dans les circonstances particulières du cas d’espèce, une erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au résultat, l’argumentation fondée sur une telle erreur relative à l’appréciation des faits est inopérante et ne saurait donc suffire à justifier l’annulation de la décision qui est attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2021, Ardagh Metal Beverage Holdings/EUIPO (Combinaison de sons à l’ouverture d’une canette de boisson gazeuse), T‑668/19, EU:T:2021:420, point 35 et jurisprudence citée].

49      Dès lors, si la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée ne consistait pas en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désignait, ce qui a entrainé l’application du critère selon lequel la marque contestée devait diverger de manière significative des normes et des habitudes du secteur, il convient toutefois de déterminer si cette erreur a une incidence sur le sens de la décision attaquée.

50      Ainsi, il convient d’analyser si c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que la requérante n’était pas parvenue à démontrer qu’à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif.

51      En premier lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir analysé, de manière erronée, la perception du public pertinent à l’égard de la marque contestée.

52      D’une part, elle fait valoir que la marque contestée est immédiatement perçue par le public pertinent comme représentant la forme d’un ours en peluche.

53      La chambre de recours a conclu que les consommateurs ne reconnaîtraient pas immédiatement la marque contestée comme étant la représentation d’un ours, mais que cela requerrait un effort mental ou « un peu de fantaisie ». Dès lors, selon la chambre de recours, cette ambiguïté a conféré à la marque contestée un certain degré de caractère distinctif.

54      Il convient de relever que, en l’espèce, la marque contestée est représentée par le contour fin d’une figure reconnaissable par ses formes spécifiques arrondies et proéminentes, qui pourrait être interprétée comme représentant le contour d’un ours en peluche, mais également comme une figure fantaisiste. Il convient de relever également, à l’instar de la chambre de recours, que le signe est simplement évocateur de la silhouette d’un ours en peluche et qu’il n’est pas nécessairement perçu en tant que tel par tous les consommateurs. La subtilité du contour implique un effort d’imagination ou de fantaisie de la part des consommateurs afin d’associer ledit contour à la figure d’un ours en peluche. Par ailleurs, il convient de constater que, indépendamment de la question de savoir si la forme en cause est perçue immédiatement comme un ours en peluche, celle-ci ne présente aucun lien avec les produits en cause, à savoir des articles de joaillerie.

55      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante communique intentionnellement au public pertinent que la marque contestée représente un ours en peluche. À cet égard, il convient de rappeler que l’examen relatif aux motifs absolus de refus ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 avril 2013, Continental Bulldog Club Deutschland/OHMI (CONTINENTAL), T‑383/10, EU:T:2013:193, point 60].

56      Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en affirmant que la marque contestée n’était pas perçue immédiatement comme le contour d’un ours en peluche doit être rejeté.

57      D’autre part, la requérante allègue que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en ce qui concerne la perception de la marque contestée par le public pertinent à l’égard de l’arrangement de Vienne instituant la classification internationale des éléments figuratifs des marques, du 12 juin 1973, tel que modifié (ci-après l’« arrangement de Vienne »). La requérante fait valoir que la marque contestée relève de la classe 21.01.25 de l’arrangement de Vienne et que, conformément à ce classement, il est erroné de la percevoir autrement que comme un ours en peluche.

58      À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la classement d’un signe en vertu de l’arrangement de Vienne ne saurait avoir une incidence sur l’étendue de la protection d’une marque, ni sur l’appréciation par la chambre de recours de la manière dont le public pertinent percevra une marque. En effet, le classement dans le cadre de l’arrangement de Vienne est effectué à des fins exclusivement administratives [voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2008, Calzaturificio Frau/OHMI – Camper (Représentation d’un arc stylisé avec surface pleine), T‑304/07, non publié, EU:T:2008:477, point 39].

59      Partant, il ne saurait être considéré que la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle la marque contestée n’est pas immédiatement perçue comme représentant un ours en peluche, est entachée d’une erreur d’appréciation au vu des dispositions de l’arrangement de Vienne.

60      En deuxième lieu, s’agissant du rapport entre la marque contestée et les produits pour lesquels cette marque a été enregistrée, la requérante allègue que la forme d’un ours est une forme courante et « attendue » sur le marché des bijoux, qui en est selon elle saturé. La requérante fait valoir que cette forme n’a rien d’extraordinaire et qu’elle est utilisée depuis des siècles dans le secteur de la joaillerie. De l’avis de la requérante, la majorité des fabricants de bijoux commercialisent des articles en forme d’ours dans leurs collections et il est ainsi difficile pour les consommateurs de distinguer leur origine commerciale.

61      La chambre de recours a considéré que la requérante n’a pas été en mesure de prouver que, à la date pertinente, la marque contestée était un motif courant sur le marché de la joaillerie et qu’elle était, dès lors, dépourvue de caractère distinctif.

62      Il convient de relever que la marque contestée est enregistrée pour des articles de bijouterie, qui englobent généralement des produits tels que des bagues, des boucles d’oreilles, des colliers ou encore des bracelets, et que ces produits représentent l’aboutissement d’un processus créatif. Leur aspect et leur stylisation est susceptible de varier grandement sur le marché. Ainsi qu’il est précisé au point 54 ci-dessus, indépendamment de la question de savoir si le signe contesté est perçu comme un ours en peluche ou comme une figure fantaisiste, celui-ci ne présente aucun lien avec les articles de joaillerie.

63      En tout état de cause, même s’il est vrai que les articles de joaillerie sont susceptibles de prendre une diversité de formes, notamment celle d’animaux, il ne peut être établi que le public pertinent associe le motif d’un ours à des articles tels que ceux cités ci-dessus. Force est de constater que la forme d’un ours en peluche renvoie à une catégorie différente de produits, à savoir les jouets pour enfants, et qu’elle ne saurait être associée dans l’esprit des consommateurs aux bijoux.

64      En troisième lieu, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a analysé de manière erronée les éléments de preuve qu’elle avait produits. Elle allègue qu’il ressort desdits éléments de preuve que le motif de l’ours est courant et utilisé de manière constante depuis des siècles dans le secteur de la bijouterie.

65      La chambre de recours a considéré que les éléments de preuve et les arguments présentés par la requérante étaient insuffisants et contradictoires aux fins de démontrer que, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif. En particulier, la chambre de recours a constaté qu’une partie des éléments de preuve n’étaient pas datés ou étaient postérieurs à la date pertinente et que, dès lors, ils ne pouvaient établir que la marque contestée était courante ou habituelle dans le secteur pertinent. Par ailleurs, elle a souligné que lesdits éléments de preuve faisant référence à l’histoire et à la signification de l’ours en peluche illustraient des produits différents, notamment des jouets en peluche, et non les produits en cause, à savoir des bijoux. À cet égard, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve renvoyant aux articles de joaillerie ne démontraient pas à suffisance de droit que les consommateurs étaient effectivement confrontés à un signe courant sur le marché des bijoux, ni dans quelle mesure ils l’étaient.

66      À l’appui de ses allégations, la requérante a présenté des éléments de preuve tendant à démontrer que le motif de l’ours en peluche était une forme courante sur le marché des bijoux. Ces éléments de preuve consistaient en des impressions de pages de sites Internet contenant des images de divers bijoux en forme d’ours, des représentations d’ours en peluche dans divers secteurs du marché, tels que l’habillement et les jeux, de produits d’autres fabricants de bijoux qui prenaient la forme d’un ours en peluche, une liste de dessins ou modèles de forme d’ours enregistrés, divers articles concernant l’histoire et la symbolique de l’ours en peluche.

67      Or, force est de constater, ainsi que l’a apprécié à bon droit la chambre de recours aux points 34 à 43 de la décision attaquée, que ces éléments de preuve ne pouvaient être suffisants à eux seuls pour démontrer une pratique constante sur le marché des bijoux et relative aux articles de joaillerie prenant la forme d’un ours en peluche à la date pertinente. D’une part, ces éléments de preuve n’étaient pas datés ou avaient une date postérieure à la date pertinente, et, d’autre part, ils n’étaient pas pertinents afin de démontrer que le public pertinent percevait le motif de l’ours en peluche comme un motif courant utilisé pour les bijoux, compte tenu de leur faible valeur probante.

68      En quatrième lieu, la requérante fait valoir que la marque contestée est un signe simple qui ne diffère pas des autres formes présentes sur le marché et associe la forme de l’ours en peluche à la forme du cœur, en invoquant la décision de l’EUIPO du 20 novembre 2013 (affaire R 726/2013‑1).

69      L’argumentation de la requérante ne saurait être retenue.

70      Premièrement, certes, selon la jurisprudence, un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle, ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage [voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Cain Cellars/OHMI (Représentation d’un pentagone), T‑304/05, non publié, EU:T:2007:271, point 22 et jurisprudence citée].

71      À cet égard, il y a lieu de relever que le signe contesté ne saurait être considéré d’une simplicité comparable à celle des formes géométriques. Indépendamment de la question de savoir s’il est reconnu en tant qu’ours en peluche ou en tant que figure fantaisiste, le contour présente suffisamment d’éléments tels que les formes arrondies, grâce auxquels il ne peut être comparé à une simple forme géométrique.

72      Deuxièmement, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO [arrêt du 7 septembre 2022, Völkl/EUIPO – Marker Dalbello Völkl (International) (Völkl), T-155/21, non publié, EU:T:2022:518, point 32 et jurisprudence citée].

73      Troisièmement, le symbole du cœur est utilisé de manière courante dans le commerce en général, et non seulement dans le secteur de la joaillerie. Il est également employé dans une grande diversité de domaines et est immédiatement reconnu comme symbolisant l’amour ou l’affection. L’étendue de l’utilisation du symbole du cœur ne peut pas être comparée à l’utilisation de la représentation d’un ours en peluche. Bien que celui-ci soit apte à transmettre des sentiments positifs, il n’est pas utilisé aux mêmes fins et n’est pas associé, immédiatement et sans équivoque, aux sentiments d’amour ou d’affection, mais plutôt, ainsi que le souligne également la requérante, à l’enfance ou aux souvenirs d’enfance.

74      Cette conclusion ne saurait être remise en cause ni par l’argument de la requérante selon lequel le public pertinent ne serait pas attiré par la forme de l’ours en elle-même, mais plutôt par les symboles qui s’en dégagent, à savoir l’amour ou la tendresse, ni par l’argumentation relative à la signification des ours en peluche en tant que symbole de l’amour. Le consommateur perçoit et se souvient de la marque en tant que telle et il ne peut être établi que, dans le cas d’espèce, un tel consommateur est attiré par cette marque uniquement grâce à l’attrait des symboles qu’elle représente.

75      En cinquième lieu, la requérante fait valoir que la marque contestée est descriptive.

76      Toutefois, la requérante se borne à invoquer cet argument, sans apporter aucun élément de droit ou de fait de nature à étayer une telle affirmation. Dès lors, il convient de le rejeter.

77      En sixième et dernier lieu, la requérante fait valoir que l’intervenante n’utilise pas la marque contestée en tant que marque, mais plutôt en tant que dessin ou modèle.

78      Or, il convient de constater que ces allégations visent à démontrer que la marque contestée n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux en tant que marque, ce qui ne relève pas de l’objet d’une procédure de demande de nullité au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94.

79      Par conséquent, il convient de constater que l’erreur d’appréciation commise par la chambre de recours, telle qu’elle a été relevée au point 47 ci-dessus, n’est pas de nature à vicier la conclusion exposée dans la décision attaquée et que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la requérante n’était pas parvenue à démontrer qu’à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif.

80      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/94

81      La requérante allègue, en substance, que la marque contestée remplit essentiellement une fonction esthétique, sans indiquer l’origine des produits. Elle considère que la forme d’ours en peluche augmente considérablement la valeur des produits et que cette forme joue un rôle fondamental dans la décision des consommateurs d’acheter les bijoux, en considération de sa signification.

82      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

83      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/94, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit.

84      L’objectif immédiat de l’interdiction d’enregistrer les formes purement fonctionnelles ou qui donnent une valeur substantielle au produit est d’éviter que le droit exclusif et permanent que confère une marque puisse servir à perpétuer d’autres droits que le législateur a voulu soumettre à des « délais de péremption » [voir, par analogie, arrêts du 18 septembre 2014, Hauck, C‑205/13, EU:C:2014:2233, point 31, et du 6 octobre 2011, Bang & Olufsen/OHMI (Représentation d’un haut-parleur), T‑508/08, EU:T:2011:575, point 65].

85      À l’instar du motif de refus d’enregistrement portant sur les formes des produits nécessaires à l’obtention d’un résultat technique, celui qui vise à refuser l’enregistrement des signes constitués exclusivement par des formes qui donnent une valeur substantielle aux produits consiste à éviter de conférer un monopole sur de telles formes (arrêt du 6 octobre 2011, Représentation d’un haut-parleur, T‑508/08, EU:T:2011:575, point 66).

86      La notion de « forme qui donne une valeur substantielle au produit » ne saurait être uniquement limitée à la forme de produits ayant exclusivement une valeur artistique ou ornementale, au risque de ne pas couvrir les produits ayant, en sus d’un élément esthétique important, des caractéristiques fonctionnelles essentielles. Dans ce dernier cas, le droit conféré par la marque à son titulaire octroierait un monopole sur les caractéristiques essentielles des produits, ce qui empêcherait ledit motif de refus de remplir pleinement son objectif (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C‑205/13, EU:C:2014:2233, point 32).

87      Il convient également de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus au point 34 ci-dessus, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité.

88      Selon la requérante, il est notoire que l’ours en peluche est reconnu comme symbole de l’amour, similaire au symbole du cœur, ce qui évoque des émotions positives et renforce la pulsion d’achat. La requérante considère que la valeur esthétique de la marque contestée, aspect qui selon elle est mis en avant par l’intervenante, détermine son attractivité pour les consommateurs et augmente de manière considérable la valeur des produits.

89      La chambre de recours a constaté que le fait que la forme de la marque contestée puisse être agréable ou séduisante, ne suffit pas à l’exclure de l’enregistrement. À cet égard, la chambre de recours a souligné que les déclarations de l’intervenante relatives à la signification du symbole de l’ours en peluche ne suffisaient pas à démontrer que la marque contestée relevait de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/94, et a également relevé que la requérante s’était contentée de procéder à un rappel de la jurisprudence pertinente sans expliquer en quoi le signe contesté déterminait, dans une large mesure, le comportement des consommateurs. Finalement, elle a rappelé que la requérante invoquait à plusieurs reprises la prétendue simplicité de la forme de l’ours, afin de prouver qu’elle était dépourvue de caractère distinctif, ce qui était en contradiction directe avec les critères requis pour l’application dudit article 7, paragraphe 1, sous e), iii).

90      En l’espèce, force est de constater que la marque contestée ne représente pas un signe constitué exclusivement par la forme ou une autre caractéristique du produit. Ainsi qu’il résulte du raisonnement développé aux points 37 à 47 ci-dessus, les produits de la marque contestée représentent des bijoux qui prennent généralement la forme de bagues, colliers ou boucles d’oreilles et qui sont susceptibles d’arborer le signe composant ladite marque, mais non d’en prendre la forme.

91      Partant, la marque contestée consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle couvre et non en un signe constitué exclusivement par la forme desdits produits.

92      Dès lors, cette appréciation de la marque contestée fait obstacle à ce que celle-ci soit susceptible de tomber sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/94.

93      Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 20 et de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) et c), de la Charte

94      Dans l’exposé des moyens invoqués à l’appui du recours, la requérante invoque la violation de l’article 20 et de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) et c) de la Charte, relatifs au droit à l’égalité de traitement, au droit d’être entendu et aux principes de sécurité juridique et de bonne administration.

95      En premier lieu, s’agissant du droit d’être entendu, la requérante fait valoir qu’elle a été privée de la possibilité de se référer aux motifs de la décision attaquée, de son droit de connaître et de comprendre les raisons et les preuves sur lesquelles la chambre de recours s’est fondée pour rendre sa décision, et, par conséquent, de la possibilité d’y répondre.

96      Néanmoins, il convient de relever que la chambre de recours a analysé, aux points 32 à 43 de la décision attaquée, les éléments de preuve produits par la requérante, qui ont fait l’objet d’une analyse détaillée sur laquelle la requérante a eu l’occasion de se prononcer dans le cadre du présent recours.

97      De plus, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas eu la possibilité de se prononcer sur le raisonnement et les éléments de preuve sur lesquels s’est appuyée la décision attaquée. À cet égard, il convient de relever que la requérante a été informée, par lettre du 31 mars 2020, que la phase écrite de la procédure était clôturée et que la chambre de recours prendrait sa décision à la lumière des arguments et des éléments de preuve présentés. Force est de constater que, à aucun moment de la procédure, la requérante n’a demandé un deuxième tour de mémoires.

98      Partant, la requérante n’indiquant pas de manière concrète les éléments de droit ou de fait qui l’auraient empêchée de prendre position sur la décision de la chambre de recours, il convient de rejeter la branche du sixième moyen, tirée de la violation du droit d’être entendu, comme non fondée.

99      En second lieu, s’agissant du droit à l’égalité de traitement et des principes de sécurité juridique et de bonne administration, force est de constater que, dans sa requête, la requérante se borne à invoquer l’ensemble de ces droits et principes, sans expliquer en quoi ils auraient été violés par la chambre de recours.

100    À cet égard, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal aux termes de l’article 53 dudit statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui [voir arrêt du 22 juin 2017, Biogena Naturprodukte/EUIPO (ZUM wohl), T‑236/16, EU:T:2017:416, point 11].

101    Partant, il y a lieu de rejeter les branches du sixième moyen, tirées de la violation du droit à l’égalité de traitement et des principes de sécurité juridique et de bonne administration, comme irrecevables.

102    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le sixième moyen et, par conséquent, le recours dans son intégralité sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la demande de renvoi de l’affaire devant l’EUIPO présentée par la requérante.

 Sur les dépens

103    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

104    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

105    En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO. À cet égard, il suffit de constater que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le point 2 du dispositif de cette dernière, lu à la lumière du point 101 des motifs de ladite décision, qui continue à régler les dépens exposés tant dans la procédure devant la division d’annulation que dans la procédure de recours devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté

2)      Apart sp. z o.o. est condamnée aux dépens

Spielmann

Öberg

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.