Language of document : ECLI:EU:T:2021:460

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative BODYSECRETS – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Caractère descriptif – Caractère usuel – Article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), et article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), et article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑810/19,

Victoria’s Secret Stores Brand Management, Inc., établie à Reynoldsburg, Ohio (États-Unis), représentée par M. J. Dickerson, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Fischer et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Yiwu Dearbody Cosmetics Co. Ltd, établie à Yiwu City (Chine),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 5 septembre 2019 (affaire R 2422/2018‑5), relative à une procédure de nullité entre Victoria’s Secret Stores Brand Management et Yiwu Dearbody Cosmetics,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias et Mme T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 11 février 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 avril 2015, Yiwu Dearbody Cosmetics Co., Ltd. (ci-après « la titulaire de la marque contestée »), a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 3 : « Sels de bain, non à usage médical ; gels douche ; savonnettes ; cosmétiques ; parfums ; dentifrices ; cosmétiques pour animaux ; produits de parfumerie ; cirages ; détergents » ;

–        classe 5 : « Dépuratifs ; sels pour le bain à usage médical ; boue pour bains ; produits pour les soins de la bouche à usage médical ; préparations de lavage vaginal à usage médical ; désinfectants ; lingettes désinfectantes ; coton à usage médical ; laque dentaire ; substances diététiques à usage médical ; produits pour laver les animaux » ;

–        classe 25 : « Vêtements ; chaussures ; chapeaux ; bonneterie ; gants [habillement] ; foulards ; gaines [sous-vêtements] ».

4        Le 22 mai 2015, la demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 94/2015. Ledit signe a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne le 10 octobre 2016 sous le numéro 013921978 pour l’ensemble des produits mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        Le 15 novembre 2017, la requérante, Victoria’s Secret Stores Brand Management, Inc., a introduit auprès de l’EUIPO une demande en nullité de la marque contestée pour l’ensemble des produits pour lesquels elle a été enregistrée. Les motifs de nullité invoqués à l’appui de cette demande étaient ceux visés à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), dudit règlement.

6        Par décision du 16 octobre 2018, la division d’annulation a rejeté la demande de la requérante dans son intégralité.

7        Le 11 décembre 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 5 septembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours comme non fondé et a confirmé la décision de la division d’annulation.

9        À cet égard, en premier lieu, la chambre de recours a considéré que la marque contestée est un signe figuratif constitué de deux mots : « body » écrit en caractères gras noirs et « secrets » écrit en lettres majuscules grises. L’élément verbal « body » serait un mot anglais désignant l’ensemble de l’aspect physique d’une personne ou d’un animal. Ce mot ne serait pas susceptible d’être compris par le public non anglophone du territoire pertinent. L’élément verbal « secrets » serait également un mot anglais et désignerait quelque chose qui est « soustrait à la connaissance ou à l’observation ». Ce mot serait compris par une partie du public non anglophone dans la mesure où des mots équivalents ou similaires ayant la même signification existent dans d’autres langues, par exemple en français, en espagnol ou en italien.

10      En deuxième lieu, la chambre de recours a estimé que le public pertinent était constitué du grand public, mais que, pour les produits en cause compris dans la classe 5, il s’agissait à la fois d’un public d’experts spécialisés, tels que les médecins et les pharmaciens, et du consommateur final habituel. Elle a également précisé que, pour certains produits, le niveau d’attention de ce public était supérieur à la moyenne.

11      En troisième lieu, en ce qui concerne le motif visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante ne démontraient pas que, lorsqu’il est confronté aux produits en cause, le public pertinent comprendrait immédiatement que la marque contestée fait référence à des conseils secrets permettant d’améliorer son apparence. Elle a considéré que l’expression telle qu’elle est utilisée dans la presse renvoie plutôt à l’alimentation de femmes célèbres ayant une belle apparence ou aux exercices physiques qu’elles pratiquent, et non aux produits en cause. En plus, les éléments de preuve ne permettraient pas d’attester que l’expression « body secrets » était utilisée, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, comme un terme de marketing laudatif ou promotionnel.

12      En quatrième lieu, concernant le motif visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a estimé que la marque contestée ne fournissait aucune information quant à la manière dont les produits en cause pourraient être utilisés de manière « secrète » en vue d’améliorer l’apparence d’une personne (destination) et n’indiquait pas non plus qu’il s’agissait de produits « secrets » permettant d’améliorer l’apparence physique (qualité). Selon elle, les éléments de preuve produits étaient dénués de pertinence, car ils ne démontraient pas que le signe était descriptif au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ou aurait pu être utilisé de manière descriptive.

13      En cinquième lieu, quant au motif visé à l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits afin d’établir le caractère usuel de la marque contestée ne permettaient pas de démontrer que cette dernière était largement utilisée pour renvoyer à des conseils fournis dans le domaine de la beauté, des produits cosmétiques et de la mode, mais montraient plutôt que l’expression « body secrets » était utilisée pour décrire les secrets d’un physique avantageux, à savoir le fait d’avoir l’air mince, en bonne santé et jeune.

14      En sixième et dernier lieu, s’agissant de l’invocation, par la requérante, de décisions antérieures de l’EUIPO relatives à l’enregistrement de certaines marques, la chambre de recours a considéré que la légalité des décisions de l’EUIPO devrait être appréciée uniquement sur la base du règlement 2017/1001, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO. En outre, elle a estimé que la valeur commerciale de l’expression « body secrets » n’était pas la même que celle des combinaisons de mots constituant les autres marques invoquées par la requérante.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        faire droit à la demande de déclaration de nullité de l’enregistrement de la marque contestée ;

–        condamner la titulaire de la marque contestée aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le droit applicable ratione temporis

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 8 avril 2015, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

18      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références, faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, ainsi que par les parties dans leurs écritures, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), et à l’article 52, paragraphe 1, sous a), d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

 Sur le fond

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la non-prise en compte du caractère minime, voire négligeable, des éléments figuratifs de la marque contestée. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en raison de l’appréciation erronée de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, en raison de l’appréciation erronée de la nature descriptive de la marque contestée. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009, en raison de l’appréciation erronée du caractère usuel de la marque contestée.

 Observations liminaires

20      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 dispose que la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 de ce règlement.

21      Il convient également de relever que, tant le caractère distinctif que le caractère descriptif d’un signe doivent être appréciés, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêt du 14 avril 2005, Celltech/OHMI (CELLTECH), T‑260/03, EU:T:2005:130, point 28], qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 3 mai 2018, Raise Conseil/EUIPO – Raizers (RAISE), T‑463/17, non publié, EU:T:2018:249, point 37 et jurisprudence citée]. Il en va de même concernant le caractère usuel d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, EU:T:2006:87, point 49].

22      En outre, le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services visés (voir arrêt du 3 mai 2018, RAISE, T‑463/17, non publié, EU:T:2018:249, point 37 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a implicitement considéré, dans la décision attaquée, en premier lieu, que, étant donné que la marque contestée est composée de deux mots anglais, « body » et « secrets », le public pertinent se compose du public anglophone.

24      En second lieu, elle a estimé, en substance, que le public pertinent était constitué du grand public pour les produits en cause relevant des classes 3 et 25 et, pour les produits en cause compris dans la classe 5, d’un public d’expert spécialisés, tels que les médecins et les pharmaciens, et, également, du grand public. Elle a également précisé que, pour certains de ces produits, le niveau d’attention du public pertinent était supérieur à la moyenne.

25      Ces appréciations de la chambre de recours, au demeurant exactes, ne sont pas contestées par la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de la non-prise en compte par la chambre de recours du caractère minime, voire négligeable, des éléments figuratifs de la marque contestée

26      La requérante fait valoir que les éléments figuratifs de la marque contestée sont si minimes qu’ils sont négligeables, de sorte que la marque contestée aurait dû être examinée comme s’il s’agissait d’une marque verbale. La requérante estime que la marque contestée se compose de deux mots anglais, « body » et « secrets », représentés sans élément de couleur ni élément supplémentaire. Ainsi, le consommateur moyen percevrait inévitablement et incontestablement la marque contestée comme étant la marque verbale simple BODYSECRETS. La requérante se réfère, par analogie, à la décision de la première chambre de recours concernant la marque Foamplus (affaire R 655/2007‑1), selon laquelle le public pertinent ne pourrait pas déduire l’origine des produits à partir des éléments visuels de cette dernière marque, étant donné que ni une police de caractères standard ni des caractères italiques ne constituent des formes marquantes ou remarquables. Dès lors, la requérante estime que ses arguments concernant la violation de l’article 7 du règlement no 207/2009 auraient dû être examinés dans ce contexte et sur cette base.

27      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

28      Il y a lieu, tout d’abord, d’observer que la requérante ne remet pas en question le fait que la marque contestée est une marque figurative. Néanmoins, elle soutient que cette marque aurait dû être examinée comme s’il s’agissait d’une marque verbale. Selon la requérante, la marque contestée ne possède pas d’élément de couleur ou d’autre élément supplémentaire.

29      Or, il y a lieu de constater que la marque contestée présente différents éléments de couleur, l’élément verbal « body » étant écrit en caractères gras noirs, l’élément verbal « secrets » l’étant en lettres majuscules grises.

30      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué, dans la décision attaquée, que la marque contestée est une marque figurative composée de deux mots, « body », étant écrit en noir, et « secrets », étant écrit en gris.

31      Par ailleurs, il convient de constater qu’il ressort de la décision attaquée, et notamment du point 30 de celle-ci, que la chambre de recours a examiné et considéré exclusivement les éléments verbaux de la marque contestée. Par suite, dès lors que la chambre de recours n’a accordé aucune importance aux éléments figuratifs dans l’appréciation de la marque contestée, le présent moyen est, en outre, inopérant.

32      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument tiré par la requérante d’une précédente décision de l’EUIPO concernant la marque Foamplus. À cet égard, il convient de souligner que l’EUIPO est appelé à décider en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce et qu’il n’est pas lié par des décisions antérieures prises dans d’autres affaires. En effet, la légalité des décisions de la chambre de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci. En outre, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO [voir arrêt du 12 mars 2014, Borrajo Canelo/OHMI – Tecnoazúcar (PALMA MULATA), T‑381/12, non publié, EU:T:2014:119, point 43 et jurisprudence citée].

33      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen de la requérante.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

34      Le deuxième moyen comporte deux branches. La première branche est tirée de l’appréciation erronée des éléments de preuve produits par la requérante. La seconde branche est tirée de l’appréciation erronée de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

35      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. L’article 7, paragraphe 2, dudit règlement précise que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

36      Selon la jurisprudence, il y a lieu d’interpréter un motif absolu de refus à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend. S’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la notion d’intérêt général se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 3 mai 2018, RAISE, T‑463/17, non publié, EU:T:2018:249, point 35 et jurisprudence citée).

37      Un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [voir arrêt du 5 juin 2019, EBM Technologies/EUIPO (MobiPACS), T‑272/18, non publié, EU:T:2019:373, point 20 et jurisprudence citée].

38      Par ailleurs, s’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation (voir arrêt du 5 juin 2019, MobiPACS, T‑272/18, non publié, EU:T:2019:373, point 21 et jurisprudence citée).

39      Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, le Tribunal a déjà jugé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (voir arrêt du 5 juin 2019, MobiPACS, T‑272/18, non publié, EU:T:2019:373, point 22 et jurisprudence citée).

40      Ainsi, selon la jurisprudence, il ne saurait être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler », pour qu’un tel slogan soit revêtu du caractère minimal distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (voir arrêt du 5 juin 2019, MobiPACS, T‑272/18, non publié, EU:T:2019:373, point 23 et jurisprudence citée).

41      Il résulte également de la jurisprudence que toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont, par ailleurs, utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, mais qu’elle peuvent être néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public pertinent (voir arrêt du 5 juin 2019, MobiPACS, T‑272/18, non publié, EU:T:2019:373, point 24 et jurisprudence citée).

42      Il s’ensuit qu’une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, et selon une jurisprudence constante, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des produits et des services en cause (voir arrêt du 5 juin 2019, MobiPACS, T‑272/18, non publié, EU:T:2019:373, point 25 et jurisprudence citée).

43      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

 Sur la première branche, tirée de l’appréciation erronée des éléments de preuve produits par la requérante

44      La requérante considère que les éléments de preuve qu’elle a produits devant l’EUIPO démontrent que l’expression « body secrets » était utilisée, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, pour faire référence à des astuces dans le domaine de la beauté, des produits cosmétiques et de la mode afin d’améliorer son corps, de sorte que le public pertinent comprendrait cette expression comme une formule promotionnelle indiquant que les produits en cause sont utilisés pour améliorer l’apparence physique, plutôt que comme une indication de leur origine commerciale. Ainsi, selon la requérante, il s’agit d’un type d’expression utilisée dans une publicité comme un slogan laudatif et perçue comme telle par le public pertinent, et non comme une marque.

45      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

46      Au soutien de la demande en nullité, la requérante a produit les éléments de preuve suivants :

–        un article du magazine international Cosmopolitan du 24 juin 2014 intitulé « Marilyn Monroe beauty and body secrets revealed » (« Les secrets de beauté et de forme de Marilyn Monroe révélés ») ;

–        un article du magazine anglais OK ! du 13 août 2014 intitulé « Ferne McCann reveals beach body secrets » (« Ferne McCann révèle ses secrets pour afficher un corps de rêve à la plage ») ;

–        un article du magazine Marie Claire (non daté) intitulé « 45 best body secrets » (« 45 secrets pour garder la forme ») ;

–        un article du magazine Marie Claire du 3 janvier 2011 intitulé « 12 Celebrity Body Secrets » (« 12 secrets de stars pour garder la forme ») ;

–        un article du magazine Look du 22 juin 2015 intitulé « Kate Middleton’s Incredible Body Secrets Revealed » (« Les incroyables secrets de Kate Middleton pour garder la forme révélés ») ;

–        un article du magazine Glamour du 21 aout 2012 intitulé « Celebrity Body Secrets » (« Les secrets des stars pour garder la forme ») ;

–        un article tiré, selon la requérante, du magazine Daily Star du 31 décembre 2014 intitulé « Nicole Scherzinger shares her body secrets : Healthy for me means a healthy mind” » (« Nicole Scherzinger partage ses secrets pour garder la forme : “Pour moi, être en bonne santé signifie avoir un esprit sain” ») ;

–        un article du magazine Harper’s Bazaar du 30 novembre 2011 intitulé « Bazaar’s beauty team scoop the beauty secrets of some of our favourite stars » (« L’équipe beauté de Bazaar présente en exclusivité les secrets de beauté de nos stars préférées »).

47      Après avoir analysé les éléments de preuve produits par la requérante, la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que ces éléments n’établissaient pas de lien entre l’expression « body secrets » et les produits couverts par la marque contestée, compris dans les classes 3, 5 et 25, parce qu’ils concernaient plutôt les habitudes des célébrités en matière d’exercice physique et d’alimentation. Selon la chambre de recours, certains éléments de preuve se réfèrent aux « secrets pour afficher un corps de rêve à la plage », c’est-à-dire aux « conseils secrets sur la manière d’améliorer son apparence pour aller à la plage », sans renvoyer aux produits spécifiques compris dans les classes 3, 5 ou 25. En outre, la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait produit aucune preuve quant au fait que l’expression « body secrets » constituerait une « formule promotionnelle » qui serait utilisée dans une publicité.

48      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, les articles de différents magazines qu’elle a produits ne sauraient démontrer un lien entre l’expression « body secrets » et les produits couverts par la marque contestée. En effet, ces éléments de preuve renvoient aux habitudes en matière d’exercice physique et aux programmes alimentaires permettant de conserver une apparence physique attrayante et de maintenir un corps sain et un physique avantageux, mais pas aux produits cosmétiques, aux produits à usage médical ou aux vêtements, couverts par la marque contestée.

49      En particulier, d’une part, certains des articles de presse produits par la requérante portent sur les habitudes alimentaires particulières de personnes célèbres ainsi que sur leurs habitudes concernant l’exercice physique, comme, à titre d’exemple, l’article tiré du magazine Cosmopolitan du 24 juin 2014 intitulé « Marylin Monroe’s beauty & body secrets revealed » (« Les secrets de beauté et de forme de Marilyn Monroe révélés »), l’article tiré du magazine Look du 22 juin 2015 intitulé « Kate Middleton’s Incredible Body Secrets Revealed » (« Les incroyables secrets de Kate Middleton pour garder la forme révélés »), et l’article du 31 décembre 2014, dont la provenance est incertaine, intitulé « Nicole Scherzinger shares her body secrets : Healthy for me means a healthy mind” » (« Nicole Scherzinger partage ses secrets pour garder la forme : “Pour moi, être en bonne santé signifie avoir un esprit sain” »).

50      D’autre part, l’article du magazine OK ! du 13 août 2014 intitulé « Ferne McCann reveals beach body secrets » (« Ferne McCann révèle ses secrets pour afficher un corps de rêve à la plage »), lequel se réfère, au demeurant, non à l’expression « body secrets » (pouvant être traduite par « secrets pour garder la forme »), mais à l’expression « beach body secrets » (pouvant être traduite par « secrets pour afficher un corps de rêve à la plage »), ne permet pas, à lui seul, d’établir un lien entre l’expression « body secrets » et les produits en cause.

51      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que les éléments de preuve produits par la requérante au soutien de sa demande en nullité ne démontraient pas que l’expression « body secrets » avait été utilisée, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, comme un terme de marketing laudatif ou promotionnel, ni que cette expression utilisée dans la presse pouvait renvoyer aux produits couverts par la marque contestée.

52      La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

–       Sur la seconde branche, tirée de l’appréciation erronée de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée

53      La requérante fait valoir, en premier lieu, que le public pertinent comprend le signe BODYSECRETS comme une expression suggérant que les produits désignés par ce signe revêtent une nature secrète et exclusive, et, de ce fait, que lesdits produits sont supérieurs à la version ordinaire de ce type d’articles, suggérant ainsi que ces produits sont désirables.

54      La requérante estime, en deuxième lieu, que l’expression « body secrets » est liée aux produits visés par la marque contestée, car ces produits sont utilisés pour améliorer l’apparence physique, de sorte que la marque contestée ne serait pas de nature à indiquer au consommateur l’origine commerciale de ces produits.

55      La requérante soutient, en troisième lieu, qu’il existe une décision antérieure de l’EUIPO portant sur une demande d’enregistrement comparable, relative au signe BEAUTY SECRETS pour désigner des produits cosmétiques compris dans la classe 3, qui a été rejetée au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 207/2009, au motif que ce signe était dépourvu de tout caractère distinctif. La requérante fait valoir que cette décision constitue un précédent plus adéquat que les décisions relatives aux marques Lavender Secrets, BODYSOUL, BODY BENEFITS et BODY ART, mentionnées dans la décision attaquée.

56      Sur la base de ce précédent, la requérante allègue tout d’abord, d’une part, que l’expression « body secrets » véhicule la signification de « méthodes qui ne sont pas connues de tous, permettant de rendre une personne plus séduisante », en ce qui concerne les produits en cause, dès lors que ces produits seraient directement liés à l’apparence d’une personne et pourraient être utilisés par un consommateur pour améliorer son apparence physique. D’autre part, selon la requérante, le mot « secret » véhicule la notion de qualités, de propriétés ou de résultats satisfaisants particuliers, et d’exclusivité, et renforce la signification laudative et promotionnelle de la marque contestée dans son ensemble.

57      En outre, compte tenu du message que la marque contestée véhiculerait, d’après la requérante, elle ne permet pas au public pertinent de distinguer, sans risque de confusion, les produits de la titulaire de la marque contestée de ceux ayant une origine commerciale différente.

58      Enfin, la requérante considère que, contrairement à l’appréciation figurant aux points 54 et 55 de la décision attaquée, le mot « body » n’a pas une autre signification que le mot « beauty » dans le signe BEAUTY SECRETS et n’attirera pas plus l’attention du consommateur que ce dernier mot, puisque dans ce contexte, ces deux mots seraient interchangeables et possèderaient un sens similaire.

59      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

60      Il convient de rappeler qu’une marque est distinctive lorsqu’elle permet d’identifier les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et, donc, de distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 5 juin 2019, MobiPACS, T‑272/18, non publié, EU:T:2019:373, point 18 et jurisprudence citée).

61      Il n’est pas nécessaire que la marque transmette une information précise quant à l’identité du fabricant du produit ou du prestataire de services. Il suffit qu’elle permette au public concerné de distinguer le produit ou le service qu’elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale et de conclure que tous les produits ou les services qu’elle désigne ont été fabriqués, commercialisés ou fournis sous le contrôle du titulaire de cette marque, auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir arrêt du 5 juin 2019, MobiPACS, T‑272/18, non publié, EU:T:2019:373, point 19 et jurisprudence citée).

62      En premier lieu, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le mot anglais « body » désigne « l’ensemble de l’aspect physique d’une personne ou d’un animal » et le mot anglais « secrets » désigne quelque chose qui est « soustrait à la connaissance ou à l’observation ».

63      À cet égard, force est de constater que, dans leur signification habituelle, ces termes ne présentent pas de caractère laudatif renvoyant à une qualité supérieure. Par conséquent, ainsi qu’il résulte par ailleurs du point 51 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que la requérante n’avait pas démontré que le public pertinent, lorsqu’il est confronté aux produits en cause, comprendrait immédiatement la marque contestée comme faisant référence à des conseils secrets permettant d’améliorer l’apparence physique.

64      De surcroît, ainsi qu’il ressort des points 48 à 51 ci-dessus, les éléments de preuve produits par la requérante au soutien de la demande en nullité n’établissaient pas un lien direct entre l’expression « body secrets » et les produits en cause au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Ainsi, en raison de cette absence de lien, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’expression « body secrets » ne sera pas perçue par le public pertinent comme une formule promotionnelle.

65      À cet égard, il convient de rappeler que, puisqu’il s’agit d’une procédure de nullité, la marque contestée bénéficie d’une présomption de validité, de sorte qu’il appartient à la personne ayant introduit la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause la validité de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Clouds Sky/EUIPO – The Cloud Networks (Wi-Fi Powered by The Cloud), T‑738/19, non publié, EU:T:2020:441, point 36 et jurisprudence citée]. En l’espèce, l’argumentation de la requérante, dans le cadre du deuxième moyen, repose exclusivement sur l’affirmation du caractère purement promotionnel de l’expression « body secrets » au regard des produits en cause. Par conséquent, dès lors que cette argumentation est écartée comme non fondée, il convient de conclure que la requérante n’a pas établi l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

66      En second lieu, il y a lieu de souligner que, en application de la jurisprudence rappelée au point 32 ci-dessus, l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal devrait tenir compte de la décision de l’EUIPO relative au signe BEAUTY SECRETS et statuer de façon similaire concernant la marque contestée ne saurait prospérer. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal devrait tenir compte de la décision de l’EUIPO relative à la demande d’enregistrement du signe BEAUTY SECRETS et statuer de façon similaire concernant la marque contestée ne saurait prospérer.

67      En tout état de cause, s’agissant de l’argumentation de la requérante relative au signe BEAUTY SECRETS, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours et de l’EUIPO, que les expressions « beauty secrets » et « body secrets » ne revêtent pas la même valeur commerciale et ne sont pas des expressions interchangeables, dans la mesure où, face à des produits portant la marque BODYSECRETS, un consommateur ne sera pas attiré par la suggestion que lesdits produits seraient spéciaux et produiraient un effet d’embellissement qui se retrouverait rarement dans les autres produits présents sur le marché.

68      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la seconde branche du deuxième moyen doit être écartée comme non fondée, ainsi que, par conséquent, le moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009

69      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir correctement apprécié la nature descriptive de la marque contestée au regard des produits en cause.

70      La requérante estime que la marque contestée fait référence à la qualité des produits, à leur destination et à d’autres caractéristiques de ceux-ci. Premièrement, selon la requérante, une indication relative à la qualité découle des termes laudatifs, faisant référence à une qualité supérieure des produits ou services désignés ainsi qu’à leur qualité intrinsèque, et le public pertinent comprendra que les produits de beauté, les produits cosmétiques et les articles de mode portant la marque contestée sont secrets et, implicitement, qu’ils sont meilleurs. Deuxièmement, d’après la requérante, la destination est la fonction d’un produit ou d’un service, le résultat escompté de son usage ou, de manière plus générale, l’utilisation qui en est attendue, et les produits en cause sont tous des produits de beauté, des articles de mode ou des produits cosmétiques qui, comme l’indiquerait la marque contestée, offrent un moyen secret pour améliorer son apparence physique. Troisièmement, la requérante fait valoir que les autres caractéristiques ne doivent pas être nécessairement essentielles du point de vue commercial et peuvent être simplement secondaires, et que les produits couverts par la marque contestée ont tous pour objet de rendre la personne qui les utilise plus séduisante, ou de lui faire penser qu’elle l’est. La requérante considère donc que la marque contestée fait la promotion de ces caractéristiques en décrivant les produits en cause comme des « body secrets », à savoir des moyens secrets pour améliorer son apparence physique.

71      En outre, pour ce qui est des éléments de preuve produits par la requérante, elle réitère ses arguments formulés dans le cadre du premier moyen, car, selon elle, lesdits éléments démontrent non seulement la nature non distinctive de la marque, mais également sa nature descriptive.

72      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

73      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, cette disposition est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union. Conformément à la jurisprudence, lesdits signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêt du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30].

74      Les signes et les indications visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [voir arrêt du 19 décembre 2019, Amazon Technologies/EUIPO (ring), T‑270/19, non publié, EU:T:2019:871, point 43 et jurisprudence citée].

75      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret, de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description desdits produits ou desdits services ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 19 décembre 2019, ring, T‑270/19, non publié, EU:T:2019:871, point 44 et jurisprudence citée).

76      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait conclu à tort que la marque contestée n’était pas descriptive au regard des produits en cause.

77      La chambre de recours a estimé, dans la décision attaquée, que la marque contestée ne fournissait aucune information quant à la façon dont les produits en cause pourraient être utilisés de manière « secrète » en vue d’améliorer l’apparence d’une personne (destination) et n’indiquait pas non plus qu’il s’agissait de produits « secrets » pour le corps permettant d’améliorer l’apparence physique (qualité). Selon elle, les éléments de preuve produits étaient dénués de pertinence, car ils ne démontraient pas que le signe avait un caractère descriptif au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ou aurait pu être utilisé de manière descriptive.

78      En premier lieu, ainsi qu’il a été rappelé au point 62 ci-dessus, le mot anglais « body » signifie « l’ensemble de l’aspect physique d’une personne ou d’un animal » et le mot anglais « secrets » signifie quelque chose qui est « soustrait à la connaissance ou à l’observation ». Ainsi, comme le relève à juste titre l’EUIPO, l’expression « body secrets », dans son interprétation littérale, fait référence aux parties du corps cachées ou invisibles.

79      Il ressort des points 63 à 64 ci-dessus que l’expression « body secrets » ne sera pas perçue par le public pertinent, de manière immédiate et sans autre réflexion, comme revêtant, par elle-même, une connotation élogieuse ou laudative dans le langage courant, susceptible de vanter la qualité d’un produit, et en particulier les caractéristiques des produits en cause. Ainsi, la chambre de recours a considéré à juste titre que la requérante n’avait pas démontré que le public pertinent, lorsqu’il est confronté à ces produits, comprendrait immédiatement ladite expression comme faisant référence à des conseils secrets permettant d’améliorer l’apparence physique.

80      En second lieu, bien que les articles de presse produits par la requérante démontrent que l’expression « body secrets » fait l’objet de multiples utilisations dans des contextes différents, il y a lieu de relever que ladite expression est toujours utilisée en conjonction avec d’autres termes ou phrases qui en précisent la portée, par exemple dans les expressions « beach body secrets », « Body Secrets – Health Tips for your Best Body » or « Marilyn Monroe’s beauty & body secrets revealed ».

81      Or, ainsi qu’il a été établi aux points 48 à 51 ci-dessus, les éléments de preuve produits par la requérante au soutien de la demande en nullité ne démontraient pas que l’expression « body secrets » avait été utilisée comme un terme de marketing laudatif ou promotionnel, ni que cette expression utilisée dans la presse pouvait renvoyer aux produits couverts par la marque contestée. Ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO, les éléments de preuve produits par la requérante n’établissent aucun lien à caractère laudatif ou descriptif, et encore moins direct, avec lesdits produits.

82      De surcroît, il convient d’observer que la chambre de recours a explicitement souligné que les éléments de preuve produits par la requérante ne démontraient pas que la marque contestée avait un caractère descriptif au moment du dépôt de la demande d’enregistrement ou aurait pu être utilisée de manière descriptive. Ainsi que le relève l’EUIPO, la formulation utilisée à cet égard montre que la chambre de recours ne s’est pas seulement concentrée sur l’absence de caractère descriptif de l’expression « body secrets » au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, mais a également tenu compte des éventuels usages de l’expression qui seraient établis à l’avenir, dans la mesure où ceux-ci pouvaient être déduits des éléments de preuve produits par la requérante.

83      Il ressort de ce qui précède que la mention des termes « body secrets », toujours utilisés en conjonction avec d’autres termes, dans les titres des articles de magazines produits par la requérante en tant qu’éléments de preuve ne permet pas de conclure que, confronté à la marque contestée, le public pertinent percevrait immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits couverts par cette marque ou d’une de leurs caractéristiques.

84      Il convient, dès lors, de rejeter le troisième moyen de la requérante comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009

85      En substance, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié le fait que la marque contestée serait devenue usuelle dans le langage courant. Elle estime que les articles de magazines produits en tant qu’éléments de preuve démontrent que, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il était courant d’utiliser l’expression « body secrets » pour se référer à des astuces dans le domaine de la beauté, des produits cosmétiques et de la mode. Selon la requérante, les lecteurs de ces articles et magazines sont également le public pertinent pour les produits couverts par la marque contestée, de sorte que, dans la perception de ce public, l’usage de cette expression serait répandu pour décrire des astuces de mode et de beauté ainsi que les produits en cause. Ainsi, il s’agirait d’une expression promotionnelle visant à ajouter du prestige à un produit particulier, mais qui n’indique pas en soi son origine.

86      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

87      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose à l’enregistrement d’une marque que lorsque les signes ou les indications dont cette marque est exclusivement composée sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services pour lesquels ladite marque est présentée à l’enregistrement [voir, par analogie, arrêts du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C‑517/99, EU:C:2001:510, point 31, et du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, EU:T:2003:54, point 37].

88      Ainsi, il convient de relever que le caractère usuel d’une marque ne peut être apprécié que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services visés par cette marque, même si la disposition en cause ne fait pas une référence explicite à ceux-ci, et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public ciblé (voir arrêt du 16 mars 2006, WEISSE SEITEN, T‑322/03, EU:T:2006:87, point 49 et jurisprudence citée).

89      En outre, bien qu’il existe un chevauchement évident des champs d’application respectifs de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009, l’exclusion de l’enregistrement des marques visées par cette dernière disposition n’est pas fondée sur la nature descriptive de ces marques, mais sur l’usage en vigueur dans les milieux dont relève le commerce des produits et des services pour lesquels lesdites marques ont été présentées à l’enregistrement (voir arrêt du 16 mars 2006, WEISSE SEITEN, T‑322/03, EU:T:2006:87, point 51 et jurisprudence citée).

90      Enfin, des signes ou des indications composant une marque qui sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services visés par cette marque ne sont pas propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises et ne remplissent donc pas la fonction essentielle de ladite marque (voir arrêt du 16 mars 2006, WEISSE SEITEN, T‑322/03, EU:T:2006:87, point 52 et jurisprudence citée).

91      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que les éléments de preuve produits par la requérante au soutien de l’affirmation du caractère usuel de la marque contestée ne permettaient pas de démontrer que cette marque était largement utilisée pour renvoyer à des conseils fournis dans le domaine de la beauté, des produits cosmétiques et de la mode. En revanche, lesdits éléments de preuve décriraient les secrets d’un physique avantageux, à savoir le fait d’avoir l’air mince, en bonne santé et jeune.

92      Dans la mesure où la requérante réitère ses arguments déduits des articles de magazines mentionnés au point 46 ci-dessus en ce qui concerne l’affirmation du caractère usuel de la marque contestée, il convient de constater, ainsi qu’il a été établi aux points 48 à 51 ci-dessus, que la requérante n’a fourni aucun élément de preuve susceptible de démontrer que, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, l’expression « body secrets », prise isolément, était communément utilisée dans le langage courant ou le secteur commercial concerné pour désigner les produits pour lesquels ladite marque a été enregistrée. En effet, il convient de noter, à l’instar de l’EUIPO, que le caractère usuel de l’expression « body secrets » pour les produits de beauté, les produits cosmétiques et les articles de mode n’était pas un fait établi au moment dudit dépôt.

93      Il y a lieu, dès lors, de rejeter le quatrième moyen comme étant manifestement non fondé.

94      Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il convient de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’EUIPO à l’égard du deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

95      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

96      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Victoria’s Secret Stores Brand Management, Inc. est condamnée aux dépens.

Costeira

Gratsias

Perišin

Fait à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.