Language of document : ECLI:EU:T:2021:440

DOCUMENT DE TRAVAIL


ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Obtentions végétales – Demande de protection communautaire des obtentions végétales pour la variété de pommes Stark Gugger – Examen technique – Lieu des essais – Égalité de traitement – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑181/20,

Griba Baumschulgenossenschaft landwirtschaftliche Gesellschaft, établie à Terlano (Italie), représentée par Me G. Würtenberger, avocat,

partie requérante,

contre

Office communautaire des variétés végétales (OCVV), représenté par M. M. Ekvad, Mme O. Lamberti et M. F. Mattina, en qualité d’agents, assistés de Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la chambre de recours de l’OCVV du 24 janvier 2020 (affaire A 0008/2018), concernant une demande de protection communautaire des obtentions végétales pour la variété de pommes Stark Gugger,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg (rapporteur) et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mars 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 6 du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO 1994, L 227, p. 1, ci-après le « règlement de base »), la protection communautaire des obtentions végétales est accordée par l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV) pour des variétés qui sont distinctes, homogènes, stables et nouvelles.

2        En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base, une variété est considérée comme distincte si elle se distingue nettement, par référence à l’expression des caractères qui résultent d’un génotype ou d’une combinaison de génotypes donnés, de toute autre variété dont l’existence est notoirement connue à la date de dépôt de la demande d’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales.

3        La question de savoir si les critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité sont remplis dans un cas d’espèce est examinée dans le cadre d’un examen technique mené conformément aux articles 55 et 56 du règlement de base (ci-après « l’examen technique »).

4        En vertu de l’article 55, paragraphe 1, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 1. Si, à la suite de l’examen [quant aux conditions de forme et de fond prévues par les] articles 53 et 54, l’[OCVV] constate qu’aucun obstacle ne s’oppose à l’octroi d’une protection communautaire des obtentions végétales, il prend les dispositions voulues pour que l’examen technique visant à contrôler le respect des [critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité] soit effectué, dans au moins un des États membres, par le ou les organismes compétents qui ont été chargés par le conseil d’administration [de l’OCVV] de l’examen technique des variétés de l’espèce concernée (offices d’examen). »

5        Aux termes de l’article 56 du règlement de base, les examens techniques sont menés conformément aux principes directeurs formulés par le conseil d’administration et aux instructions données par l’OCVV. Ces principes directeurs décrivent, notamment, le matériel végétal exigé pour l’examen technique, les modalités des tests, les méthodes à appliquer, les observations à présenter, le regroupement des variétés incluses dans le test ainsi que le tableau des caractères à examiner. Dans le cadre de l’examen technique, les plantes de la variété concernée sont cultivées à côté de celles des variétés que l’OCVV et l’office d’examen désigné tiennent comme étant les variétés dont la variété candidate est la plus proche, selon la description de celle-ci dans la description technique qui fait partie de la demande d’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales.

6        L’article 57, paragraphes 1 à 3, du règlement de base prévoit ce qui suit :

« 1. À la demande de l’[OCVV], ou si lui-même estime que les résultats de l’examen technique suffisent pour apprécier la variété, l’office d’examen adresse à l’[OCVV] un rapport d’examen et, s’il estime que les conditions énoncées aux articles 7, 8 et 9 sont remplies, une description de la variété.

2. L’[OCVV] communique au demandeur les résultats de l’examen technique et la description de la variété et l’invite à faire connaître ses observations à ce sujet.

3. S’il estime que le rapport d’examen ne permet pas de décider en connaissance de cause, l’[OCVV] peut, de sa propre initiative après avoir consulté le demandeur ou à la demande de ce dernier, prévoir un examen complémentaire. Pour l’évaluation des résultats, tout examen complémentaire effectué avant qu’une décision visée conformément aux articles 61 et 62 ne devienne définitive est considéré comme faisant partie de l’examen visé à l’article 56, paragraphe 1. »

7        Aux termes du point I du protocole TP/14/2 final de l’OCVV, du 14 mars 2006, relatif aux examens de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité (Pomme) (ci-après le « protocole OCVV-TP/14/2 »), il est prévu ce qui suit :

« Le protocole décrit les procédures techniques à suivre afin de satisfaire au [règlement de base]. Les procédures techniques ont été approuvées par le Conseil d’administration et sont fondées sur le document général TG/1/3 de l’[Union internationale pour la protection des obtentions végétales] et sur les lignes directrices de l’[Union internationale pour la protection des obtentions végétales] TG/14/9 du 6 avril 2005 pour la conduite des tests [des critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité]. Ce protocole s’applique aux variétés de fruits Malus domestica Borkh. »

 Antécédents du litige

8        Le 4 août 2011, la requérante, Griba Baumschulgenossenschaft landwirtschaftliche Gesellschaft,a déposé une demande de protection communautaire des obtentions végétales à l’OCVV, en vertu du règlement de base. L’obtention végétale pour laquelle la protection a ainsi été demandée est la variété Stark Gugger, appartenant au fruit de l’espèce Malus domestica Borkh (ci-après la « variété candidate »).

9        Le conseil d’administration de l’OCVV a chargé le Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (GEVES), site d’examen de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), situé à Angers-Beaucouzé (France), de procéder à l’examen technique de la variété candidate, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement de base.

10      À la suite d’une demande de l’OCVV, la requérante a fait parvenir en janvier 2012 au GEVES des exemplaires d’arbres de la variété candidate ainsi que de la variété de comparaison Stark Delicious.

11      Au début de l’année 2013, en raison d’une erreur d’étiquetage de la variété Stark Delicious, l’OCVV a demandé, dans un rapport d’étape, l’envoi d’exemplaires supplémentaires d’arbres de la variété candidate et de la variété Stark Delicious ainsi que de la variété de pommes Jeromine.

12      Lors d’une visite sur place en août 2014, un représentant de la requérante a informé l’examinateur technique du GEVES que la méthode de taille appliquée à la variété candidate n’était pas appropriée et l’a avisé des conséquences qui s’ensuivaient, notamment en ce qui concerne la maturation et la coloration des variétés.

13      D’après les rapports d’étape de 2015, de 2016 et de 2017, portant sur les années d’observation 2014, 2015 et 2016, aucune différence significative entre la variété candidate et la variété de référence Jeromine n’a été observée.

14      Selon le rapport d’examen établi par le GEVES le 4 avril 2017, la variété candidate n’était pas nettement distincte de la variété de référence Jeromine, utilisée afin d’apprécier le caractère distinct de la variété candidate, au sens de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base.

15      Ce rapport a été communiqué à la requérante. Après avoir reçu les observations de cette dernière, l’OCVV a rejeté la demande d’octroi de la protection communautaire par décision du 2 juillet 2018 (ci-après la « décision de 2 juillet 2018 »).

16      La requérante a formé un recours contre la décision du 2 juillet 2018. Elle a allégué que, du fait que l’office d’examen avait eu recours à une méthode de taille différente de celle appliquée dans le cadre du processus de création de la variété candidate, celle-ci n’aurait pas pu développer ses caractéristiques fruitières, qui étaient différentes de celles de la variété Jeromine. En outre, selon la requérante, les différences d’âge entre les arbres portant la variété candidate et ceux portant la variété de comparaison avaient eu pour conséquence des résultats d’examen inexacts. Enfin, l’examen de la variété candidate dans un climat océanique, alors qu’elle avait été développée dans un climat continental, aurait eu pour effet que l’examen technique aboutît au développement de caractéristiques pertinentes qui ne ressemblaient pas à l’image de celles inscrites dans sa structure génétique.

17      Ce recours contre la décision du 2 juillet 2018 a été rejeté comme non fondé par la chambre de recours de l’OCVV par décision du 24 janvier 2020 (ci-après la « décision attaquée »).

18      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que l’emplacement du site retenu ou la méthode de taille pratiquée n’avaient pas empêché la variété candidate de se distinguer de la variété notoirement connue Jeromine. Elle a ajouté que la différence génétique entre les deux variétés était très faible et généralement non mesurable par l’empreinte de l’acide désoxyribonucléique. La chambre de recours a également considéré que les différences de couleur des fruits chez les mutants de la même variété parente initiale étaient difficiles à distinguer et que parfois ces mutants étaient même identiques dans leurs phénotypes. Par ailleurs, elle a relevé que le lieu d’examen, à savoir Angers-Beaucouzé, contesté par la requérante, était le site où devait être effectué l’examen technique. Enfin, la chambre de recours a estimé que la méthode de taille pratiquée par le GEVES permettait une bonne expression du génotype et était conforme au protocole applicable.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OCVV aux dépens.

20      L’OCVV conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      La requérante soulève, en substance, quatre moyens à l’appui de son recours, tirés, respectivement, le premier, de ce que l’examen technique serait entaché d’erreurs, le deuxième, de la détermination du lieu des essais et de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement qui en résulterait, le troisième, de la méconnaissance du droit d’être entendu et, le quatrième, d’un défaut allégué de motivation. En outre, dans la mesure où les griefs de la requérante soulevés dans le cadre du quatrième moyen, tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, se rapportent à des considérations afférentes à certains des moyens susmentionnés, il convient de les examiner dans le cadre de chaque moyen concerné.

 Sur le premier moyen, tiré des erreurs alléguées dans l’examen technique

22      Le premier moyen se divise en deux branches. Selon la première branche, la chambre de recours aurait erronément conclu que les différences génétiques entre la variété candidate et la variété Jeromine, en tant que variétés dérivées de la variété initiale Red Delicious, étaient très faibles, généralement même pas mesurables par empreinte génétique, dans la mesure où cette appréciation n’est ni étayée par des preuves scientifiques ni expliquée quant aux conclusions qui devraient en être tirées en ce qui concerne les variétés en cause. La deuxième branche porte sur la méthode de taille pratiquée.

23      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le Tribunal, à qui il appartient seulement de statuer dans les limites imparties à l’article 73, paragraphe 2, du règlement de base, n’est pas tenu de procéder à un contrôle entier pour déterminer si la variété candidate était ou non dépourvue de caractère distinct par rapport à la variété référence Jeromine, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base. En effet, le Tribunal peut, eu égard à la complexité scientifique et technique de ladite condition, dont le respect doit d’ailleurs être contrôlé au moyen d’un examen technique à confier par l’OCVV à l’un des organismes nationaux compétents, ainsi qu’il ressort de l’article 55 du règlement de base, s’en tenir à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 77).

 Sur la proximité génétique entre les variétés en cause et le prétendu défaut de motivation à cet égard

24      La requérante fait valoir que l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle la proximité génétique entre les variétés en cause serait très forte n’est pas étayée par des examens correspondants effectués par l’OCVV ou par une autre source scientifique. Or, il n’existerait aucune preuve que cette proximité génétique conduirait dans tous les cas à une absence de caractère distinct. Il s’agit, selon la requérante, d’une violation de l’obligation, incombant à l’OCVV en vertu de l’article 75 du règlement de base, d’étayer ses constatations et ses observations. En outre, la chambre de recours n’aurait fourni aucune explication sur les conclusions qui devraient en être tirées en ce qui concerne les variétés en cause.

25      L’OCVV conteste l’argumentation de la requérante.

26      Le Tribunal constate, comme l’a fait valoir à juste titre l’OCVV, que cette branche du premier moyen pourrait être comprise comme une contestation de l’utilisation de la variété Jeromine en tant que variété de référence ou comme une contestation au fond quant à la pertinence des références de la décision attaquée à la proximité génétique. En outre, elle pourrait être comprise comme portant sur un défaut de motivation de la décision attaquée à cet égard.

27      En ce qui concerne l’hypothèse selon laquelle cette branche du premier moyen aurait pu être comprise comme une contestation de l’utilisation de la variété Jeromine en tant que variété de référence, il y a lieu de souligner que la requérante n’a ni au cours de la procédure de l’examen technique ni lors de la procédure devant la chambre de recours contesté une telle utilisation de la variété Jeromine.

28      Or, il convient de rappeler que le recours formé devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OCVV au sens de l’article 73 du règlement no 2100/94 et que l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. De ce fait, les allégations des parties qui modifient l’objet du litige doivent donc être rejetées comme irrecevables en vertu des dispositions combinées de l’article 73, paragraphe 2, du règlement de base et de l’article 188 du règlement de procédure [voir arrêt du 23 février 2018, Schniga/OCVV (Gala Schnico), T‑445/16, EU:T:2018:95, point 46 (non publié) et jurisprudence citée].

29      Partant, il y a lieu de conclure que, dans la mesure où cette branche du premier moyen porte sur l’utilisation de la variété Jeromine comme variété de référence, elle est irrecevable.

30      Quant aux deux autres hypothèses mentionnées au point 26 ci-dessus, qui seront traitées ensemble, il y a d’abord lieu de rappeler que l’obligation de motivation établie en vertu de l’article 75, première phrase, du règlement de base, a la même portée que celle consacrée à l’article 296 TFUE et qu’elle répond au double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 111, et du 27 mars 2014, Intesa Sanpaolo/OHMI – equinet Bank (EQUITER), T‑47/12, EU:T:2014:159, point 24].

31      L’obligation de motivation peut être satisfaite sans qu’il soit nécessaire de répondre expressément et de manière exhaustive à l’ensemble des arguments avancés par un requérant (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 112), pourvu que l’OCVV expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêt du 23 février 2018, Gala Schnico, T‑445/16, EU:T:2018:95, point 28 (non publié) ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, EU:T:2010:505, point 46].

32      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante fait grief à la chambre de recours de n’avoir pas expliqué les conséquences à tirer de son affirmation relative à la proximité génétique entre les variétés en cause. Néanmoins, comme l’a à juste titre fait valoir l’OCVV, au point 43 de la décision attaquée, l’affirmation d’une proximité génétique n’étaye pas la constatation de l’existence ou de l’absence d’un caractère distinct au titre de l’article 7 du règlement de base à la suite de l’examen technique et n’est pas un élément pertinent à prendre en compte pour cette constatation, mais renvoie à des considérations sur la notion de « variété essentiellement dérivée » au titre de l’article 13 du même règlement.

33      En effet, l’existence ou l’absence d’un caractère distinct résulte d’un examen strictement mis en œuvre par l’office d’examen, fondé sur l’expression phénotypique de la variété, tandis que la proximité génétique n’est pas prise en compte en ce sens. En d’autres termes, l’affirmation sur la proximité génétique n’exerce pas d’influence, en l’espèce, sur l’appréciation du caractère distinct des variétés de pommes en cause au sens de l’article 7 du règlement de base. Par conséquent, l’argumentation de la requérante, qui peut être comprise comme une contestation de la pertinence des références relatives à la proximité génétique ou comme portant sur un défaut de motivation, est dénuée de pertinence et doit être rejetée comme inopérante.

34      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen, portant sur la proximité génétique, doit être rejetée.

 Sur la méthode de taille pratiquée et le prétendu défaut de motivation à cet égard

35      Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que les résultats de l’examen technique auraient été différents si l’office d’examen avait utilisé une méthode différente pour la taille des arbres portant les fruits, appelée « taille en fuseau », plutôt que la méthode appelée « taille centrifuge ».

36      La requérante allègue qu’elle a communiqué à l’OCVV des preuves scientifiques établissant que, par rapport à la taille centrifuge pratiquée par l’OCVV, la taille en fuseau permettrait de mieux exposer les pommes à la lumière du soleil et ainsi une production plus importante sur des surfaces réduites. Lors d’une visite des champs de culture, la requérante aurait souligné que les arbres plantés en 2013 avaient été trop taillés et se trouvaient ainsi dépourvus de branches basales, ce qui serait pourtant indispensable pour que l’arbre donne une production homogène afin de maximiser le rendement du champ.

37      La requérante estime que la méthode de taille en fuseau élevé se caractérise par la coupe des vieilles branches pour permettre la pousse de jeunes rameaux, se traduisant en une ramification d’une forme pyramidale avec de grandes branches dans les parties inférieures de l’arbre et des branches plus petites en hauteur. Grâce à cette forme pyramidale, la « surface » de l’arbre et donc l’exposition des pommes au soleil s’en trouveraient accrues par rapport à la méthode de taille centrifuge manifestement pratiquée par l’OCVV.

38      En outre, selon la requérante, l’OCVV serait, dans le cadre de son obligation de procéder d’office à l’examen des faits, notamment tenu examiner avec diligence les suggestions et recommandations objectives faites par le demandeur au cours de la procédure d’examen. L’allégation formulée dans la décision attaquée selon laquelle « la méthode de taille pratiquée par le GEVES permet une bonne expression du génotype, tandis que la méthode de taille en fuseau pratiquée par l’industrie produit les meilleurs rendements », ne constituerait pas une motivation telle que l’exige l’article 75 du règlement de base, mais une observation non étayée, une pure allégation, qui non seulement se trouverait en totale contradiction avec les observations rapportées dans la littérature scientifique, mais constituerait aussi l’avis manifestement subjectif de l’OCVV, non étayé par la motivation et les preuves l’ayant conduit ainsi que sa chambre de recours à cette conclusion.

39      L’OCVV conteste l’argumentation de la requérante.

40      Le Tribunal constate à cet égard que l’examen technique a été réalisé conformément au protocole applicable, qui prévoit que la variété candidate et la ou les variétés de référence doivent être examinées dans les mêmes conditions, mais n’apporte pas de précision sur les méthodes de taille qui doivent être pratiquées lors des examens techniques. Ainsi, ce protocole n’impose, comme l’a fait valoir à juste titre l’OCVV, aucune méthode de taille particulière des pommiers.

41      C’est ainsi sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la chambre de recours a rejeté les arguments de la requérante selon lesquels l’examen technique aurait dû être réalisé en utilisant une autre méthode de taille que celle appliquée en l’espèce.

42      Quant au prétendu défaut de motivation à cet égard, il ressort des points 26 et 27 de la décision attaquée que les représentants du GEVES, lors de l’audience devant la chambre de recours, ont expliqué que la méthode de taille utilisée en l’espèce était la même que celle qui était toujours appliquée dans tous les vergers du site d’essai d’Angers-Beaucouzé, ce qui aurait garanti l’égalité des conditions d’examen. Le fait que la méthode commerciale de taille en fuseau pût donner de meilleurs résultats en matière de rendement aurait été ainsi, selon ces explications, inopérante.

43      Par ailleurs, la chambre de recours a, au point 62 de la décision attaquée, conclu que la méthode de taille appliquée par le GEVES fournissait une bonne expression du génotype, alors que la méthode commerciale de taille en fuseau donnait les meilleurs résultats en matière de rendement, et que, pour ces motifs et faute d’informations adéquates de la requérante, l’OCVV n’avait ni raison ni obligation d’appliquer une autre méthode de taille.

44      Il ressort de ce qui précède que la motivation fournie par la chambre de recours a permis à la requérante de connaître les justifications de la méthode de taille appliquée afin de défendre ses droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée quant à cette question, ainsi que le requiert la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus.

45      La deuxième branche du premier moyen, portant sur la méthode de taille utilisée par le GEVES, incluant le grief portant sur un défaut de motivation à cet égard, doit ainsi être rejetée comme non fondée et, partant, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, portant sur la détermination du lieu des essais et sur la prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement qui en résulterait

46      La requérante fait valoir que les différences climatiques considérables existant entre le climat de l’Europe continentale et le climat d’Angers, qui est influencé par l’océan Atlantique, ont posé des difficultés considérables pour la réalisation de l’examen technique. Des examens techniques réalisés dans des conditions climatiques différentes auraient une influence sur l’expression de la structure génétique d’une variété dans le phénotype. En conséquence, il était, selon la requérante, logique d’exiger que la variété candidate fût examinée dans les mêmes conditions climatiques que celles dans lesquelles cette nouvelle variété avait été produite avec ses caractères.

47      Selon la requérante, bien que l’OCVV savait depuis des années que le territoire d’Angers-Beaucouzé n’était pas la zone la plus appropriée pour l’examen des variétés de certains groupes mutants des variétés Gala et Red Delicious, il n’aurait pas demandé au conseil d’administration de désigner des offices d’examen dans d’autres zones géographiques en tant que lieux d’examen de remplacement, en particulier lorsque ces variétés provenaient d’un environnement climatique complètement différent de celui qui déterminait la croissance et le développement des végétaux sur le territoire d’Angers-Beaucouzé.

48      En effet, offrir au demandeur la possibilité formelle d’indiquer dans le questionnaire technique un lieu d’examen différent ne constituerait pas une option qui permettrait à l’OCVV d’organiser l’examen technique dans un lieu autre qu’Angers-Beaucouzé, selon la requérante. Ce dernier ne serait pas autorisé à procéder en ce sens tant que le conseil d’administration n’aurait pas accordé cette possibilité.

49      En ce qui concerne le moyen tiré d’une prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement, la requérante fait valoir, en substance, que ce principe oblige l’OCVV à tenir compte de toutes les circonstances qui peuvent conduire à fausser des résultats d’examen, en particulier si celles‑ci sont préjudiciables au demandeur. À cette fin, les variétés candidates doivent être testées dans un environnement climatique comparable à celui dans lequel elles ont été créées. Le fait de tester toutes les variétés dans un même climat, sensiblement différent de celui des autres zones climatiques, favoriserait les sélectionneurs qui créent de nouvelles variétés dans des conditions climatiques qui déterminent le développement des caractères phénotypiques propres à la zone de l’essai, au détriment des autres sélectionneurs.

50      L’OCVV conteste l’argumentation de la requérante.

51      Il y a lieu de relever que, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement de base et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) no 874/2009 de la Commission, du 17 septembre 2009, établissant les modalités d’application du règlement de base en ce qui concerne la procédure devant l’OCVV (JO 2009, L 251, p. 3), le conseil d’administration de l’OCVV est habilité à confier à un ou plusieurs organismes compétents d’un État membre la responsabilité de l’examen technique des variétés de l’espèce concernée.

52      Il ressort de l’avis no 2/2004, du 15 février 2004, publié au Bulletin officiel de l’Office communautaire des variétés végétales (ci-après, « l’avis no 2/2004 »), que le conseil d’administration de l’OCVV a décidé de confier l’examen technique des variétés de mutation du fruit de l’espèce Malus domestica Borkh appartenant, tout comme la variété candidate, au groupe de mutation de la variété Red Delicious exclusivement au GEVES.

53      Or, la Cour a déjà constaté que les conditions climatiques prévalant normalement sur le site d’examen du GEVES avaient dûment été prises en compte aux fins de sa désignation en tant que site d’examen pour les groupes de mutations concernés (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2018, Gala Schnico, T‑445/16, EU:T:2018:95, point 49).

54      En outre, il est constant que l’OCVV n’est pas compétent pour effectuer l’examen technique en un lieu autre que celui déterminé par le conseil d’administration, en l’espèce le site du GEVES. Il s’ensuit que, dans le cas où la requérante aurait, dans sa demande à l’OCVV, demandé que l’examen technique soit réalisé sur un autre site d’examen, une telle demande n’aurait pas pu être accordée, le GEVES étant le seul site autorisé en ce sens par le conseil d’administration de l’OCVV.

55      Selon la jurisprudence, la désignation univoque et préalable de l’office d’examen responsable de l’examen technique de toute espèce ou variété appartenant au même groupe de mutation, telle que celle résultant de l’avis no 2/2004, est conforme à l’économie générale du système de protection communautaire des obtentions végétales instauré par le règlement de base, ainsi qu’aux principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique et de transparence qui sous-tendent ce règlement (arrêt du 23 février 2018, Gala Schnico, T‑445/16, EU:T:2018:95, point 52).

56      En effet, ladite économie générale et lesdits principes exigent que toutes les variétés candidates appartenant au même groupe de mutation végétale d’une espèce donnée soient évaluées dans les mêmes conditions (arrêt du 23 février 2018, Gala Schnico, T‑445/16, EU:T:2018:95, point 53).

57      Il découle de ces considérations que c’est à bon droit que l’OCVV a désigné, en l’espèce, le GEVES comme l’unique office d’examen technique de la variété végétale en question. Partant, les arguments de la requérante selon lesquels l’examen technique aurait dû être réalisé ailleurs ne peuvent qu’être écartés.

58      La première branche du deuxième moyen, portant sur la détermination du lieu des essais, doit en conséquence être rejetée.

59      La même conclusion vaut, pour les mêmes raisons, pour la seconde branche du deuxième moyen. En effet, pour que la désignation du GEVES comme l’unique office d’examen technique de la variété végétale en question puisse constituer une violation du principe d’égalité de traitement, l’OCVV aurait dû avoir la possibilité de désigner un autre lieu pour les essais, ce qui n’était pas le cas.

60      Par ailleurs, en ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel l’OCVV aurait violé l’article 57, paragraphe 3, du règlement de base en ne tenant pas compte de sa demande de voir la variété candidate faire l’objet d’un examen dans un environnement climatique plus approprié que celui conditionnant la croissance des végétaux dans la région d’Angers-Beaucouzé, il y a lieu de constater, comme l’a fait valoir à juste titre l’OCVV, que cet article se limite à prévoir un « examen complémentaire » et ne peut être invoqué devant la chambre de recours au titre d’une mesure d’instruction pour demander que l’examen technique soit complété en un lieu totalement différent, simplement parce que le demandeur estime que l’office d’examen compétent n’est pas adapté pour des raisons climatiques.

61      Partant, le deuxième moyen, portant sur la détermination du lieu des essais et sur la prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement qui en résulterait, doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, portant sur une prétendue méconnaissance du droit d’être entendu

62      La requérante fait valoir, en substance, que le fait de ne pas communiquer les preuves scientifiques fondant l’affirmation selon laquelle les différences génétiques entre la variété candidate et la variété Jeromine, en tant que variétés dérivées de la variété initiale Red Delicious, étaient très faibles constitue une violation de son droit à être entendue et du principe de transparence.

63      L’OCVV conteste cette argumentation.

64      Le droit d’être entendu est aujourd’hui consacré non seulement par les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle, mais également par l’article 41 de celle-ci, qui assure le droit à une bonne administration. L’article 41, paragraphe 2, de la Charte prévoit que ce droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 29 et jurisprudence citée).

65      En vertu de ce principe, qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 30 et jurisprudence citée).

66      Enfin, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la violation du principe du respect du droit d’être entendu n’entraîne l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 76 et jurisprudence citée).

67      Or, il a déjà été constaté, au point 33 ci-dessus, que des arguments portant sur la proximité génétique étaient inopérants par rapport à l’appréciation de la question de savoir si la variété candidate présentait un caractère distinct, seule question juridique déterminante, en l’espèce, pour accorder la protection communautaire des obtentions végétales. En d’autres termes, ni l’OCVV dans sa décision du 2 juillet 2018 ni la chambre de recours dans la décision attaquée n’ont fondé leur conclusion d’absence de caractère distinct de la variété candidate par rapport à la variété Jeromine sur une proximité génétique.

68      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OCVV.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Griba Baumschulgenossenschaft landwirtschaftliche Gesellschaft est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.