Language of document : ECLI:EU:T:2021:429

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative QUILAPAYÚN – Motif relatif de refus – Absence de marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris – Article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑197/20,

JT, représenté par Me A. Mena Valenzuela, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Eduardo Carrasco Pirard, demeurant à Santiago (Chili), et les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO dont les noms figurent en annexe (1),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 10 février 2020 (affaire R 1518/2019‑4), relative à une procédure d’opposition entre, d’une part, JT et, d’autre part, M. Carrasco Pirard et les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO dont les noms figurent en annexe,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, présidente, P. Škvařilová-Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 août 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 septembre 2010, M. Eduardo Carrasco Pirard et les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dont les noms figurent en annexe ont présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 16 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour certains produits et services relevant des classes 9 et 41, à la description suivante :

–        classe 9 : « Supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques » ;

–        classe 41 : « Divertissement ; activités sportives et culturelles ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 181/2010, du 27 septembre 2010.

5        Le 27 décembre 2010, le requérant, JT, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits et des services couverts par la demande visée au point 1 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur la marque notoirement connue dans l’Union européenne, reproduite ci-après, en ce qu’elle couvrait le service « groupe de musique », relevant de la classe 41 :

Image not found

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement 2017/1001], lu notamment en combinaison avec l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001].

8        Par décision du 2 décembre 2013, la division d’opposition a, sur le fondement de la marque antérieure notoirement connue visée au point 6 ci-dessus, partiellement accueilli l’opposition en rejetant la demande d’enregistrement pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus. Elle a estimé que les pièces produites par le requérant prouvaient que la marque antérieure non enregistrée était notoirement connue comme étant la dénomination d’un groupe de musique et qu’elle avait fait l’objet d’un usage continu dans l’Union européenne et, en particulier, en Espagne. En conséquence, compte tenu de l’identité des signes en conflit, la division d’opposition a conclu à l’existence d’un risque de confusion pour les produits et les services qu’elle a considérés comme étant semblables aux services couverts par la marque antérieure.

9        Le 29 janvier 2014, les demandeurs ont formé un recours auprès de l’EUIPO au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001) contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 13 mars 2015, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté l’opposition dans son intégralité. La deuxième chambre de recours a notamment constaté que non seulement le requérant n’avait pas apporté la preuve qu’il était le « titulaire réel » de la marque antérieure, mais que, de plus, la titularité de cette marque était également réclamée par les demandeurs.

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juillet 2015, le requérant a formé un recours contre la décision de la deuxième chambre de recours.

12      Par arrêt du 11 décembre 2017, JT/EUIPO – Carrasco Pirard e.a. (QUILAPAYÚN) (T‑249/15, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2017:885), le Tribunal a annulé la décision de la deuxième chambre de recours, en considérant que ladite chambre avait commis une erreur de droit en exigeant du requérant qu’il prouvât qu’il était le titulaire exclusif de la marque antérieure, sans examiner s’il ne suffisait pas qu’il en fût cotitulaire. En particulier, il a jugé que l’acquisition de droits par le requérant sur la marque antérieure non enregistrée lui aurait permis de s’opposer à l’enregistrement de la marque demandée, indépendamment de la question de savoir si d’autres, dont les demandeurs, avaient également acquis des droits sur cette marque du fait de l’usage qu’ils avaient également pu en faire.

13      La décision de la deuxième chambre de recours ayant été annulée, le présidium des chambres de recours de l’EUIPO a renvoyé l’affaire devant la quatrième chambre de recours.

14      Par décision du 10 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a accueilli le recours et annulé la décision de la division d’opposition. En substance, elle a considéré que, en l’absence de preuve de la notoriété de la marque antérieure sur le territoire de l’Union, les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001 n’étaient pas réunies et l’opposition ne pouvait être accueillie.

15      En particulier, la chambre de recours a considéré, premièrement, que la détermination du fait de savoir si les preuves présentées par le requérant démontraient la notoriété de la marque antérieure constituait un élément essentiel étroitement lié à l’existence, à la validité et à la portée de la marque antérieure notoirement connue et que, dès lors, elle devait nécessairement déterminer si la division d’opposition s’était livrée à une appréciation correcte desdites preuves, indépendamment de la question de savoir si les parties avaient contesté cette appréciation.

16      Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que le public pertinent, auprès duquel il était nécessaire de démontrer la notoriété de la marque antérieure, n’était pas composé uniquement des personnes qui aimaient et écoutaient la musique traditionnelle et folklorique du Chili, ni de celles qui partageaient les idéologies politiques ou les convictions des membres de Quilapayún ou des paroles de leurs chansons, mais du public en général, sans différenciation en fonction des âges, des goûts musicaux ou du soutien apporté à une classe sociale ou à un mouvement politique déterminé.

17      Troisièmement, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par les parties, appréciés dans leur ensemble, ne pouvaient pas être considérés comme permettant de confirmer que le groupe Quilapayún jouissait d’un degré de connaissance suffisant auprès du grand public en Espagne ou dans une autre partie de l’Union à la date pertinente. Plus particulièrement, elle a relevé que les parties n’avaient pas présenté d’information sur les chiffres de ventes de leurs disques et le nombre de personnes ayant assisté à leurs concerts ou visionné des enregistrements sur des plateformes sur l’internet.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 avril 2020, le requérant a demandé son admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par ordonnance du 31 juillet 2020, le président du Tribunal a admis le requérant au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler ou de révoquer la décision attaquée.

20      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’interprétation du chef de conclusions unique du requérant

21      Par son unique chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal d’annuler ou de révoquer la décision attaquée.

22      À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), le Tribunal peut annuler et réformer les décisions des chambres de recours. La révocation d’une décision prise par l’EUIPO est, quant à elle, prévue par l’article 80 du même règlement (devenu article 103 du règlement 2017/1001), qui dispose que l’instance qui a adopté une décision peut la révoquer dans les six mois de son adoption en cas d’erreur de procédure manifeste [arrêt du 26 juin 2018, Jumbo Africa/EUIPO – ProSiebenSat.1 Licensing (JUMBO), T‑78/17, non publié, EU:T:2018:383, point 13].

23      Si le chef de conclusions unique de la requête tend à la fois à ce que le Tribunal annule ou révoque la décision attaquée, il ressort néanmoins clairement des motifs de la requête que l’objectif du recours est, en substance, d’obtenir la seule annulation de la décision attaquée. De même, force est de constater que les conditions d’application de l’article 80 du règlement no 207/2009 ne sont aucunement mentionnées et que le terme juridique « révoquer » employé dans ce chef de conclusions ne correspond à aucun des termes utilisés à l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009. Partant, il y a lieu de considérer que le présent recours vise uniquement l’annulation de la décision attaquée.

 Sur la recevabilité de certaines annexesde la requête

24      L’EUIPO soutient que les annexes A.3 et A.4, la page 4 de l’annexe A.5 ainsi que les annexes A.7 à A.9 de la requête, présentées pour la première fois devant le Tribunal, sont irrecevables dans la mesure où elles n’ont pas été produites au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO.

25      En effet, il y a lieu de relever que les documents contenus dans les annexes mentionnées au point 24 ci-dessus correspondent à différentes attestations et coupures de presse qui n’ont pas été produites au cours de la procédure administrative. Par ailleurs, force est de constater que les attestations produites en annexes A.3, A.4 et A.9 ainsi qu’à la page 4 de l’annexe A.5 de la requête sont postérieures à la décision attaquée.

26      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée, et du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 17]. Partant, il convient d’écarter comme irrecevables les annexes A.3 et A.4, la page 4 de l’annexe A.5 ainsi que les annexes A.7 à A.9 de la requête sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante.

 Sur le fond

27      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 16 septembre 2010, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de la présente affaire sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

28      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que celles faites par le requérant et par l’EUIPO dans leurs écritures aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

29      Au soutien de ses conclusions, le requérant invoque, en substance, trois griefs, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009, en lien avec l’article 6 bis, paragraphe 1, de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la « convention de Paris »), le deuxième, du caractère suffisant des éléments de preuve présentés afin de démonter la notoriété de la marque antérieure et, le troisième, relatif à la condamnation du requérant aux dépens par la chambre de recours.

30      Dans la mesure où les premier et deuxième griefs portent sur l’existence de la marque antérieure notoirement connue au sens de l’article 6 bis, paragraphe 1, de la convention de Paris, il convient de les examiner ensemble.

 Sur les premier et deuxième griefs, relatifs à l’existence de la marque antérieure notoirement connue

31      Afin de contester les conclusions de la chambre de recours, le requérant soutient, premièrement, que ladite chambre a remis en cause sa qualité de titulaire de la marque antérieure, reconnue dans l’arrêt d’annulation, en ce qu’elle a, en procédant à un nouvel examen complet au fond, constaté que la notoriété de ladite marque n’avait pas été démontrée, alors même que les demandeurs n’auraient pas contesté l’existence de cette dernière. Il souligne que la notoriété de la marque antérieure n’aurait été contestée ni par la deuxième chambre de recours, ni par le Tribunal, ni par les demandeurs.

32      Le requérant ajoute que la recommandation commune concernant les dispositions relatives à la protection des marques notoires, adoptée par l’assemblée de l’Union de Paris et l’assemblée générale de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) à la 34e série de réunions des assemblées des États membres de l’OMPI (ci-après la « recommandation commune »), sur laquelle s’était fondée la chambre de recours pour considérer que les preuves fournies par les parties étaient insuffisantes pour démontrer la notoriété de la marque antérieure, a été adoptée en 2019 et n’était donc pas en vigueur au moment de l’introduction de la demande d’enregistrement de la marque demandée.

33      Deuxièmement, le requérant fait valoir que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les preuves fournies ne sauraient être suffisantes pour démontrer la notoriété de la marque antérieure en l’absence d’informations sur le nombre de spectateurs assistant aux concerts et de chiffres sur les ventes des disques du groupe Quilapayún est erronée. Il estime avoir démontré la notoriété de la marque antérieure en Catalogne, ainsi que l’importance de la formation musicale dans le reste de l’Espagne. Il a également produit des preuves relatives aux concerts du groupe entre 1991 et 2004 en Europe et dans d’autres pays non européens.

34      En particulier, en se référant à la décision de la division d’opposition, le requérant fait valoir que les données chiffrées ne sont pas le seul moyen permettant d’apprécier la renommée ou la notoriété d’une marque non enregistrée. Par conséquent, il estime que, bien qu’aucun chiffre afférent aux ventes et au nombre de spectateurs ayant assisté aux concerts n’ait été fourni, les documents pertinents produits témoignent de la reconnaissance continue dont la formation musicale concernée a bénéficié en Espagne. Il s’agit des éléments de preuve relatifs au contrat avec une maison de disques espagnole, aux relations commerciales avec les agents d’artiste espagnols en vue de différents concerts en Espagne, à la récompense des ventes réalisées en 1999 par un disque de platine, aux enregistrements antérieurs du signe figuratif ayant été valables pendant longtemps en Europe et aux articles de la presse espagnole portant sur les concerts donnés en Espagne depuis 1974. Il ajoute que Quilapayún est considéré, au niveau mondial, comme un groupe historique qui, au stade actuel, après plus de cinquante ans d’histoire dans le domaine culturel et musical, n’aurait plus à démontrer sa renommée.

35      De surcroît, selon le requérant, la notoriété de la marque antérieure est illustrée notamment par le fait que l’Oficina Española de Patentes y Marcas (OEPM, Office espagnol des brevets et des marques) a refusé d’accorder la protection à l’enregistrement international de la marque QUILAPAYÚN, au motif que la dénomination correspondante était connue en Espagne et y était identifiée à un groupe de musique formé par le requérant et plusieurs autres membres. De même, les enregistrements antérieurs du signe figuratif QUILAPAYÚN en tant que marque auprès de l’OMPI et l’Institut national de la propriété industrielle (INPI, France) constitueraient la preuve de la notoriété de la marque antérieure, liée au nom du requérant, dans la mesure où, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque a été enregistrée dans le passé, il convient de lui reconnaître un certain degré de caractère distinctif.

36      Quant à la constatation de la chambre de recours selon laquelle la formation du groupe dirigée par le requérant n’aurait pas eu beaucoup d’activité musicale en Europe en 2010, ce dernier indique qu’il s’était consacré à la création et à la production de son nouveau disque intitulé « Absolumente Quilapayún » et que l’agenda chilien des spectacles à grande affluence avait été très intense entre 2010 et 2015. Ainsi, son activité en Europe et, plus particulièrement, en Espagne avait redémarré en 2019.

37      De même, le requérant insiste sur le fait que, étant la seule personne qui ait conservé des relations commerciales, d’affaires et artistiques continues avec la marque QUILAPAYÚN, c’est lui qui détiendrait la notoriété de la marque antérieure. Il souligne que les autres membres historiques du groupe, avant de se regrouper en 2003, étaient très éloignés du monde de la musique et auraient dû se produire en qualité d’anciens membres de Quilapayún.

38      L’EUIPO conteste les allégations du requérant.

39      Aux termes de l’article 41, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 46, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], dans le cas d’une opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, celle-ci peut être formée dans un délai de trois mois à compter de la publication de la demande de marque de l’Union européenne par les titulaires de marques antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement, au motif que la marque devrait être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 8 de ce règlement.

40      L’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009 inclut dans la notion de marque antérieure les marques notoirement connues au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris.

41      L’article 6 bis, paragraphe 1, de la convention de Paris est libellé comme suit :

« Les pays de l’Union [pour la protection de la propriété industrielle] s’engagent, soit d’office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l’intéressé, à refuser ou à invalider l’enregistrement et à interdire l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d’une marque que l’autorité compétente du pays de l’enregistrement ou de l’usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d’une personne admise à bénéficier de la présente [c]onvention et utilisée pour des produits identiques ou similaires […] »

42      Il résulte de cette disposition que les marques notoirement connues au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris sont des marques qui bénéficient d’une protection contre le risque de confusion, et ce sur le fondement de leur notoriété dans le ressort territorial en cause et indépendamment de la production, ou non, d’une preuve d’enregistrement [arrêt du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, EU:T:2007:214, point 51].

43      Dès lors que l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009 renvoie aux marques « “notoirement connues” dans un État membre au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris », il y a lieu, afin de déterminer comment la preuve de l’existence d’une marque notoirement connue peut être rapportée, de se référer aux directives d’interprétation de cet article [arrêt du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (BoomerangTV), T‑420/03, EU:T:2008:203, point 79].

44      Selon l’article 2 de la recommandation commune, pour déterminer si une marque est notoire au sens de la convention de Paris, l’autorité compétente peut prendre en compte toute circonstance permettant de déduire la notoriété, dont notamment le degré de connaissance ou de reconnaissance de la marque dans le secteur concerné du public ; la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute utilisation de la marque ; la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute promotion de la marque, y compris la publicité et la présentation, lors de foires ou d’expositions, des produits ou des services auxquels la marque s’applique ; la durée et l’aire géographique de tout enregistrement, ou demande d’enregistrement, de la marque dans la mesure où elles reflètent l’utilisation ou la reconnaissance de la marque ; la sanction efficace des droits sur la marque, en particulier la mesure dans laquelle la marque a été reconnue comme notoire par les autorités compétentes ; la valeur associée à la marque (arrêt du 17 juin 2008, BoomerangTV, T‑420/03, EU:T:2008:203, point 80).

45      L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la recommandation commune précise que ces facteurs sont des « indications visant à aider l’autorité compétente à déterminer si la marque est notoire [et] ne sont pas des conditions prédéfinies permettant de parvenir à une conclusion », que « [l]a conclusion dépendra des circonstances de l’espèce », que, « [d]ans certains cas, tous ces facteurs pourront être pertinents », que, « [d]ans d’autres cas encore, aucun des facteurs énumérés ne sera pertinent et la décision pourra être fondée sur d’autres facteurs qui ne sont pas énumérés [au point 44] ci-dessus » et que « [c]es autres facteurs pourront être pertinents en soi ou en association avec un ou plusieurs des facteurs énumérés [au point 44] ci-dessus ».

46      Par ailleurs, la Cour ayant considéré, au point 17 de l’arrêt du 22 novembre 2007, Nieto Nuño (C‑328/06, EU:C:2007:704), que la notoriété était une notion voisine de celle de la renommée, il y a lieu de prendre en considération les critères d’appréciation énoncés par la Cour et qui sont relatifs à la renommée, notion qui figure à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001) [arrêt du 3 mai 2018, J-M.-E.V. e hijos/EUIPO – Masi (MASSI), T‑2/17, non publié, EU:T:2018:243, point 52].

47      À cet égard, il convient de déduire de l’arrêt du 14 septembre 1999, General Motors (C‑375/97, EU:C:1999:408), qu’il ne saurait être exigé d’une marque qu’elle soit connue d’un pourcentage déterminé du public défini. Dans l’examen du degré de connaissance requis d’une marque notoire ou d’une marque ayant acquis une renommée, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir. Par ailleurs, il ne peut être exigé que la renommée ou la notoriété d’une marque existe dans « tout » le territoire de l’État membre. Il suffit qu’elle existe dans une partie substantielle de celui-ci (voir arrêt du 3 mai 2018, MASSI, T‑2/17, non publié, EU:T:2018:243, point 53 et jurisprudence citée).

48      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’apprécier les arguments avancés par le requérant.

49      En premier lieu, en ce qui concerne la définition du public pertinent, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le public parmi lequel une marque antérieure doit avoir acquis une renommée est celui concerné par cette marque, c’est-à-dire, en fonction du produit ou du service commercialisé, soit le grand public, soit un public plus spécialisé, par exemple un milieu professionnel donné (arrêt du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, EU:C:1999:408, point 24). Cette jurisprudence, relative à la notion de renommée, est également applicable à la notion voisine de notoriété (arrêt du 3 mai 2018, MASSI, T‑2/17, non publié, EU:T:2018:243, point 40 ).

50      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 34 de la décision attaquée, que le public pertinent était le grand public. En particulier, elle a estimé, au point 28 de la décision attaquée, que la notion de public pertinent, outre le public qui écoutait et suivait effectivement le groupe musical en question, englobait également celui qui potentiellement aurait pu avoir écouté ledit groupe. Ces considérations, au demeurant non contestées par le requérant, sont exemptes d’erreur et doivent être confirmées.

51      En second lieu, il convient d’examiner si la chambre de recours a conclu à bon droit que le requérant n’avait pas démontré à suffisance de droit que la marque antérieure était notoirement connue sur le territoire de l’Union au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris auprès du public pertinent.

52      À titre liminaire, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que toute argumentation du requérant relative à la question de la propriété de la marque antérieure, développée dans le cadre du premier grief et reproduite notamment au point 37 ci-dessus, est inopérante, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas fondé sa décision sur des considérations en ce sens. En effet, ladite chambre a fondé, en substance, sa décision sur le fait que, dans la mesure où la notoriété de la marque antérieure sur le territoire de l’Union n’avait pas été établie, l’une des conditions exigées pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous a) ou b), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 2, sous c), du même règlement, à savoir l’existence d’une marque notoirement connue au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, n’était pas remplie.

53      Premièrement, il convient d’examiner le grief relatif à la possibilité, pour la chambre de recours, d’apprécier la notoriété de la marque antérieure quand bien même elle n’aurait pas été contestée par les parties.

54      En l’espèce, après avoir rappelé la jurisprudence selon laquelle la présentation d’un recours permet à la chambre de recours de procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition tant en droit qu’en fait, ladite chambre a, au point 18 de la décision attaquée, estimé que la détermination du fait de savoir si les preuves présentées par le requérant pour démontrer la notoriété de la marque antérieure QUILAPAYÚN étaient suffisantes constituait un élément essentiel intimement lié à l’existence, à la validité et à la portée de la marque antérieure notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris. Partant, en relevant que l’établissement du fait de savoir si les preuves présentées suffisaient à démontrer la notoriété de la marque antérieure constituait un facteur nécessaire pour déterminer l’existence ou non d’un risque de confusion, la chambre de recours a estimé, au point 19 de la décision attaquée, que, indépendamment du fait que les parties en conflit aient remis en cause les appréciations de la division d’opposition à cet égard, elle devait nécessairement déterminer si ladite division s’était livrée à une appréciation correcte des preuves présentées pour démontrer le caractère notoirement connu de la marque antérieure.

55      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 63, paragraphe 1, et de l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenus article 70, paragraphe 1, et article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) que la compétence des chambres de recours implique un réexamen des décisions prises par les unités de l’EUIPO statuant en première instance. Dans le cadre de ce réexamen, l’issue du recours dépend de la question de savoir si une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision faisant l’objet du recours peut ou non être légalement adoptée au moment où il est statué sur le recours. Ainsi, par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait [voir arrêt du 13 décembre 2016, Guiral Broto/EUIPO – Gastro & Soul (Café del Sol), T‑548/15, non publié, EU:T:2016:720, point 21 et jurisprudence citée].

56      De même, il est vrai que, aux termes mêmes de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), l’examen de l’EUIPO est, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties, de sorte que la chambre de recours ne saurait fonder sa décision que sur les motifs relatifs que la partie concernée a invoqués ainsi que sur les faits et les preuves s’y rapportant présentés par les parties. Il n’en demeure pas moins que la chambre de recours est tenue de trancher toutes les questions qui, au regard des moyens et des demandes présentés par les parties, sont nécessaires pour assurer une application correcte de ce règlement et à l’égard desquelles elle dispose de tous les éléments nécessaires pour pouvoir statuer, même si aucun élément de droit se rapportant à ces questions n’a été invoqué par les parties devant elle [arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 41 ; voir également, en ce sens, arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 21].

57      En particulier, dans une procédure d’opposition, l’existence de motifs relatifs de refus au sens de l’article 8 du règlement nº 207/2009 présuppose que la marque sur laquelle l’opposition est fondée existe et soit antérieure à la marque demandée. Il s’agit donc d’éléments devant être examinés d’office par l’EUIPO et ne pouvant être laissés à la disposition des parties [voir arrêt du 25 juin 2015, Copernicus-Trademarks/OHMI – Maquet (LUCEA LED), T‑186/12, EU:T:2015:436, point 39 et jurisprudence citée].

58      En l’espèce, le requérant a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009.

59      Or, d’une part, l’existence d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris au moment de la demande d’enregistrement est une condition découlant directement de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009.

60      D’autre part, en vertu de la règle 19, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 7, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], applicable aux faits du présent litige, l’opposant produit également la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure, ainsi que des éléments de preuve de son habilitation à former opposition. Conformément à la règle 19, paragraphe 2, sous b), du règlement no 2868/95 [devenue article 7, paragraphe 2, sous b), du règlement 2018/625], si l’opposition est fondée sur l’existence d’une marque notoirement connue au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009, l’opposant produit notamment la preuve que cette marque est notoirement connue sur le territoire correspondant.

61      Il s’ensuit que l’établissement du caractère notoirement connu de la marque antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009 constitue une question de droit nécessaire pour assurer une application correcte du règlement no 207/2009, de sorte que la chambre de recours était tenue d’examiner les preuves démontrant l’existence de la marque antérieure notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris sur laquelle était fondée l’opposition, y compris dans l’hypothèse où les demandeurs n’auraient pas contesté le caractère notoire de cette marque. Par conséquent, le requérant ne saurait utilement reprocher à ladite chambre d’avoir procédé d’office à l’examen de la preuve de la notoriété de la marque antérieure.

62      Pour autant que l’argument du requérant devrait être compris comme tiré de la violation de l’autorité de la force jugée, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par une décision juridictionnelle (voir arrêt du 29 novembre 2018, National Iranian Tanker Company/Conseil, C‑600/16 P, EU:C:2018:966, point 43 et jurisprudence citée).

63      En l’espèce, il suffit de relever que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal ne s’est aucunement prononcé sur le caractère suffisant des éléments de preuve visant à démontrer la notoriété de la marque antérieure, pas plus qu’il n’a affirmé que le requérant était le titulaire de ladite marque.

64      En effet, d’une part, il ressort notamment du point 40 de l’arrêt d’annulation que, s’agissant de la condition portant sur le caractère notoirement connu de la marque antérieure, le Tribunal s’est limité à relever que la deuxième chambre de recours avait rappelé l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle la marque antérieure était notoire dans l’Union et en particulier en Espagne et que la notoriété de ladite marque n’était pas contestée par les demandeurs. De même, au point 44 dudit arrêt, le Tribunal a constaté que la chambre de recours n’avait pas examiné les preuves d’utilisation ou d’usage de la marque antérieure par le requérant.

65      D’autre part, quant à la question de savoir si le Tribunal a reconnu au requérant la qualité de titulaire de la marque antérieure, il convient de souligner qu’il a certes considéré que la deuxième chambre de recours avait commis une erreur de droit en exigeant que le requérant prouvât qu’il était le titulaire exclusif de la marque antérieure, sans examiner s’il ne suffisait pas qu’il en fût cotitulaire. Il n’en demeure pas moins que le Tribunal a constaté l’erreur de droit dans les critères appliqués par la deuxième chambre de recours, sans se prononcer sur la question de la titularité de la marque antérieure. Ainsi qu’il ressort, en particulier, du point 52 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal n’a pas procédé à l’examen de l’argumentation relative à l’acquisition de droits par le requérant sur la marque antérieure non enregistrée.

66      De surcroît, dans la mesure où le requérant a fondé son opposition sur l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 2, sous c), de ce règlement, il a pu présenter, au cours de la procédure administrative, l’ensemble des arguments et faits relatifs au caractère notoire de la marque antérieure qu’il estimait pertinents au soutien de son opposition, de sorte qu’aucune violation de son droit d’être entendu ou de ses droits de la défense énoncés à l’article 75 du même règlement (devenu article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) ne saurait, en tout état de cause, être constatée en l’espèce.

67      En outre, le requérant ne saurait valablement contester, en l’espèce, la pertinence de la recommandation commune, prétendument adoptée en 2019. En effet, ainsi que le remarque l’EUIPO et qu’il ressort notamment du point 25 de la décision attaquée, la recommandation commune a été adoptée au cours de la session commune de l’assemblée de l’Union de Paris et de l’assemblée de l’OMPI qui s’est tenue du 20 au 29 septembre 1999 (conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Nieto Nuño, C‑328/06, EU:C:2007:517, point 6). Elle ne date, par conséquent, pas de 2019 comme le soutient le requérant. Quant à la date du 22 octobre 2019, figurant également au point 25 de la décision attaquée, elle est relative au lien vers la version électronique de ladite recommandation, qui a sans doute été consultée à cette date par la chambre de recours.

68      Deuxièmement, s’agissant du caractère suffisant des éléments de preuve apportés pour établir la notoriété de la marque antérieure, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a considéré que les preuves présentées par les parties, appréciées dans leur ensemble, ne pouvaient pas être considérées comme permettant de confirmer que le groupe Quilapayún jouissait du degré de notoriété requis dans l’Union à la date de la demande d’enregistrement de la marque demandée.

69      En particulier, la chambre de recours a relevé, tout d’abord, que les éléments de preuve relatifs aux activités musicales du groupe Quilapayún au Chili ne fournissaient pas d’informations sur la connaissance du signe dans l’Union.

70      Ensuite, elle a constaté que les documents présentés, relatifs aux concerts et aux performances musicales de Quilapayún donnés entre 1974 et 2008 en Espagne, ne fournissaient pas d’informations sur le nombre exact de concerts annuels ou de spectateurs qui se sont rendus à chacun de ces derniers.

71      En outre, la chambre de recours a observé que le nombre de concerts donnés par le groupe dirigé par le requérant était restreint entre 2002 et 2007, que ceux-ci étaient encore plus rares avant le 16 septembre 2010 et que les performances les plus proches de cette date étaient assurées par la formation du groupe dirigée par les demandeurs. À cet égard, elle a considéré que la plupart des éléments soumis par les parties, visant à démontrer que le groupe avait donné des concerts en Espagne, concernent des évènements musicaux remontant au milieu des années 1970.

72      Par ailleurs, la chambre de recours a estimé qu’il n’avait pas été fait référence à une quelconque décision ou déclaration judiciaire ou administrative reconnaissant le caractère notoirement connu de la marque QUILAPAYÚN par les autorités compétentes.

73      Dans ces conditions, elle a considéré, enfin, que, sans autre information à l’appui, les informations contenues dans certains articles de presse présentés par le requérant ne sauraient être considérées que comme étant de simples recours littéraires hyperboliques utilisés habituellement dans le journalisme pour la promotion d’un évènement déterminé.

74      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que les parties ont présenté un grand nombre d’articles de presse portant sur l’histoire du groupe Quilapayún et les concerts donnés par les différentes formations de celui-ci. Une grande partie desdits articles ont été publiés au Chili et, par conséquent, comme l’a relevé à bon droit la chambre de recours, ne sont pas directement pertinents pour établir le degré de connaissance de la marque dans l’Union. Tel est le cas de l’ensemble des éléments de preuve relatifs au Chili ou à d’autres pays non membres de l’Union, en particulier des informations relatives aux ventes réalisées en 1999 de l’album intitulé « Antología », récompensées par un disque de platine au Chili.

75      S’agissant des articles de presse publiés en Espagne et dans d’autres États membres de l’Union, ils donnent certes une certaine indication de la reconnaissance du groupe Quilapayún sur le territoire pertinent, notamment lorsque sont employées des formules comme « [le groupe Quilapayún] fait partie intégrante de la mémoire collective historique d’une génération donnée » ou « [ce groupe] est devenu quasiment un groupe étranger aux fluctuations commerciales du marché ». Il n’en demeure pas moins que ces formules, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours, sont tirées d’articles visant à promouvoir les concerts du groupe et ne sont pas étayées par d’autres informations objectives. Or, en l’absence de données objectives à l’appui, telles que le nombre de spectateurs s’étant rendus aux concerts donnés, les recettes générées par les concerts donnés ou les disques vendus ou encore les enquêtes d’opinion démontrant la reconnaissance de la marque antérieure, les articles de presse présentés tant par le requérant que par les demandeurs sont insuffisants pour démontrer la notoriété de la marque antérieure.

76      S’il est vrai, comme le soutient le requérant, que les données chiffrées ne sont pas le seul moyen de démontrer la notoriété de la marque antérieure, le titulaire d’une marque antérieure notoirement connue doit néanmoins démontrer son caractère notoire, conformément à la règle 19, paragraphe 2, sous b), du règlement no 2868/95 (voir point 59 ci-dessus). Or, à cet égard, il importe de rappeler que le caractère notoire d’une marque antérieure, au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris, ne saurait être présumé sur la base d’éléments fragmentaires et insuffisants (voir arrêt du 3 mai 2018, MASSI, T‑2/17, non publié, EU:T:2018:243, point 58 et jurisprudence citée).

77      Ensuite, il y a lieu de relever que le contrat que le requérant a conclu avec une maison de disques espagnole portant sur la commercialisation de quinze albums du groupe en Espagne prouve certes des relations commerciales entretenues avec des gestionnaires espagnols, mais ne contient aucune information concernant le degré de reconnaissance de la marque antérieure en Espagne, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 37 de la décision attaquée.

78      Enfin, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel la notoriété de la marque antérieure serait illustrée par la décision de l’OEPM du 19 octobre 2005 refusant la protection à l’enregistrement international no 801761 au motif que la dénomination Quilapayún était connue en Espagne et y était identifiée à un groupe de musique formé par le requérant et plusieurs autres membres, il suffit de relever que l’OEPM a refusé la protection audit enregistrement en se fondant sur l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la Ley 17/2001 de Marcas (loi 17/2001 sur les marques), du 7 décembre 2001. Or, en vertu de cette disposition, ne peuvent pas être enregistrés comme marque, à moins d’en avoir l’autorisation, le nom, le prénom, le pseudonyme ou un autre moyen qui pour l’ensemble du public identifie une personne différente du demandeur. Si l’OEPM a pu relever que la dénomination Quilapayún était connue en l’Espagne et était identifiée à un groupe de musique, elle n’a cependant pas conclu qu’elle y était notoirement connue ou constituait une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris.

79      De même, ne serait pas non plus pertinente, pour la démonstration du caractère notoirement connu de la marque antérieure, la circonstance selon laquelle des marques identiques à cette dernière ont été enregistrées par le passé. À cet égard, il suffit de constater que, même s’il ressort de la jurisprudence qu’un certain degré de caractère distinctif doit être reconnu à une marque nationale invoquée à l’appui d’une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne (arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI, C‑196/11 P, EU:C:2012:314, point 47), cette circonstance est, en tout état de cause, insuffisante pour démontrer la notoriété d’une marque antérieure.

80      Il convient de garder à l’esprit que le degré de connaissance du public pour une marque notoire est plus élevé que pour une marque jouissant d’une renommée, de sorte que le niveau de preuve requis pour établir qu’une marque est « notoire » au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris est plus élevé que celui applicable aux marques jouissant d’une renommée, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. En effet, l’idée de cette disposition est de conférer aux marques notoirement connues une protection spéciale contre leur exploitation dans des pays où elles ne sont pas encore enregistrées. Il n’est dès lors pas surprenant que la condition voulant que la marque soit notoirement connue place la barre relativement haut pour faire bénéficier la marque d’une telle protection exceptionnelle (voir arrêt du 3 mai 2018, MASSI, T‑2/17, non publié, EU:T:2018:243, point 75 et jurisprudence citée).

81      En outre, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la notoriété du groupe Quilapayún a été acquise de longue date et ne devrait plus être démontrée, il y a lieu de considérer que, certes, il ne saurait être exclu qu’une marque « historique » puisse garder une certaine notoriété résiduelle [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Simca Europe/OHMI – PSA Peugeot Citroën (Simca), T‑327/12, EU:T:2014:240, points 46, 49 et 52]. Toutefois, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 76 ci-dessus, le caractère notoire d’une marque antérieure, au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris, ne saurait être présumé sur la base d’éléments fragmentaires et insuffisants.

82      En somme, il convient de considérer que, même si les éléments de preuve présentés en l’espèce pourraient s’avérer suffisants pour démontrer un certain usage de la marque antérieure, ils contiennent peu d’indications sur le degré de connaissance et de reconnaissance de la marque antérieure, de sorte qu’ils sont insuffisants pour démontrer la notoriété de cette marque en Espagne ou dans d’autres parties de l’Union.

83      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la notoriété du signe QUILAPAYÚN n’avait pas été démontrée et que, par conséquent, les conditions d’application prévues par l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009, n’étaient pas réunies et l’opposition ne pouvait être accueillie.

 Sur le troisième grief, relatif à la répartition des dépens devant la chambre de recours

84      Par son troisième grief, le requérant soutient, en substance, que, dans la mesure où la décision de la division d’opposition a été annulée pour un motif que les demandeurs n’ont pas fait valoir, il ne devrait pas supporter les dépens, d’autant moins que l’affaire aurait été complexe et qu’il aurait bénéficié de l’aide juridictionnelle gratuite.

85      L’EUIPO conteste les allégations du requérant.

86      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 85, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (article 109, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), la partie perdante dans une procédure de recours supporte les taxes exposées par l’autre partie, ainsi que, sans préjudice des dispositions de l’article 119, paragraphe 6, du même règlement (devenu article 146, paragraphe 7, du règlement 2017/1001), tous les frais exposés par celle-ci indispensables aux fins des procédures, y compris les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat, dans la limite des tarifs fixés pour chaque catégorie de frais dans les conditions prévues par le règlement d’exécution.

87      Dans la mesure où, en l’espèce, la chambre de recours a accueilli le recours formé par les demandeurs, c’est à bon droit que, au point 61 de la décision attaquée, ladite chambre a condamné le requérant à supporter tous les frais indispensables aux fins des procédures d’opposition et de recours exposés par les demandeurs et a fixé, au point 63 de ladite décision, leur montant à 850 euros. Par ailleurs, au titre de la taxe de recours, le requérant a été condamné à payer 800 euros.

88      Il convient d’ajouter que le fait que la chambre de recours ait annulé la décision de la division d’opposition en se fondant sur un motif non soulevé par les demandeurs, que l’affaire ait été complexe et que le requérant ait bénéficié de l’aide juridictionnelle est sans incidence sur l’application de l’article 85, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief.

89      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

91      Le requérant ayant succombé en l’espèce, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      JT est condamné aux dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.


1      La liste des autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.