Language of document : ECLI:EU:T:2024:24

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 janvier 2024  (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative labkable Solutions for cables – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures LAPP KABEL STUTTGART et LAPP KABEL et verbale antérieure LAPP – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑636/22,

U. I. Lapp GmbH, établie à Stuttgart (Allemagne), représentée par Me M. Ringer, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Stoyanova-Valchanova et M. D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Labkable Asia Ltd, établie à Kowloon (Chine), représentée par Me R. Ciullo, avocat,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović et M. W. Valasidis (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 4 juillet 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, U. I. Lapp GmbH, demande l’annulation et la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 juillet 2022 (affaire R 1894/2021-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 septembre 2019, l’intervenante, Labkable Asia Ltd, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

Image not found

3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Câbles électriques ; connecteurs [électricité] ; fils de cuivre isolés ; prises de courant ».

4        Le 3 janvier 2020, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, enregistrée le 14 novembre 2000 sous le numéro 988204 désignant des produits relevant des classes 9, 16, et 17 (ci-après la « marque antérieure no 1 ») :

Image not found

–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, enregistrée le 15 février 1999 sous le numéro 123158 désignant des produits relevant des classes 6, 7, 8, 9, 16, et 20 (ci-après la « marque antérieure no 2 ») :

Image not found

–        la marque de l’Union européenne verbale LAPP, enregistrée le 13 octobre 1999 sous le numéro 124222 désignant des produits relevant des classes 6, 7, 8, 9, 16, 17 et 20.

6        L’opposition était également fondée sur la raison sociale U. I. Lapp GmbH et les dénominations commerciales allemandes Lapp et Lapp Kabel utilisées dans la vie des affaires en Allemagne.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

8        À la suite de la demande formulée par l’intervenante, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        La division d’opposition a conclu que les éléments de preuve produits par la requérante établissaient l’usage sérieux des marques antérieures nos 1 et 2 au cours de la période pertinente sur le territoire pertinent pour les produits suivants compris dans la classe 9 : « câbles électriques ; câbles à fibre optique ; fils pour la transmission de données ; éléments de connexion pour câbles et fils et leurs pièces, à savoir glandes de câble ». Cette appréciation n’a pas été remise en cause par les parties au cours de la procédure.

10      Le 20 octobre 2021, la division d’opposition, procédant à la comparaison de la marque demandée avec les marques antérieures nos 1 et 2, a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

11      Le 10 novembre 2021, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

12      Par la décision attaquée, la chambre de recours a estimé qu’il n’existait pas de risque de confusion. Elle a considéré que, nonobstant l’identité ou la similitude élevée des produits désignés par les marques en conflit, et compte tenu du niveau d’attention du public pertinent au moins moyen, sinon élevé pour certains des produits en cause, les différences visuelles et conceptuelles entre ces marques étaient suffisantes pour compenser leurs similitudes visuelles ou phonétiques. Elle a ajouté que la dénomination commerciale de la requérante ne lui conférait pas le droit d’interdire l’usage de la marque demandée, étant donné que les différences entre ces signes en conflit seraient également suffisantes pour exclure le risque de confusion requis par le droit national.

 Conclusions des parties 

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, réformer la décision attaquée « afin que le recours introduit par l’autre partie [à la procédure] devant la chambre de recours soit rejeté » ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit 

 Sur l’interprétation du chef de conclusions présenté à titre principal

16      À titre liminaire, il convient de relever que la demande en réformation présentée à titre principal par la requérante implique nécessairement l’annulation de la décision attaquée, demandée à titre subsidiaire, puisque l’annulation de tout ou partie d’une décision constitue une condition préalable à sa réformation [arrêt du 30 novembre 2006, Camper/OHMI – JC (BROTHERS by CAMPER), T‑43/05, non publié, EU:T:2006:370, point 99].

17      Dans ces conditions, il convient de comprendre que la requérante entend obtenir, à titre principal, tant l’annulation que la réformation de la décision attaquée, la seconde étant conditionnée par la première [voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2022, Estetica Group Iwona Michalak/EUIPO (PURE BEAUTY), T‑270/21, non publié, EU:T:2022:12, point 14 et jurisprudence citée].

 Sur les conclusions en annulation

18      La requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement, et, le troisième, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du même règlement.

19      À l’appui du premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en concluant à l’absence de risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures nos 1 et 2.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

21      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

22      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

23      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14 , point 42 et jurisprudence citée].

24      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits/services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent et son niveau d’attention

25      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

26      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits en cause étaient destinés tant au grand public qu’aux professionnels et précisé que le niveau d’attention à l’égard desdits produits devait être considéré comme variant de moyen à élevé, en fonction de la nature spécialisée des produits, de leur fréquence d’achat et de leur prix.

27      La chambre de recours a spécifiquement relevé que certains types de câbles, tels que les câbles à fibre optique et les fils pour la transmission de données, désignés par les marques antérieures, ne s’adressaient toutefois qu’aux seuls professionnels, lesquels feraient preuve d’un niveau d’attention élevé.

28      La chambre de recours a ajouté que, dès lors que les marques antérieures étaient des marques de l’Union européenne, le territoire pertinent devait être considéré comme l’ensemble du territoire de l’Union.

29      La requérante soutient, en substance, que les câbles à fibre optique ne sont pas pertinents aux fins de la comparaison des produits et que les produits qui, selon la chambre de recours, ne seraient achetés que par des professionnels, s’adressent également au grand public. Le niveau d’attention du grand public à l’égard de l’ensemble des produits en cause serait cependant moyen. Or, le risque de confusion devrait être apprécié par rapport à la perception qu’en a la partie du public qui manifesterait le niveau d’attention le moins élevé, à savoir, en l’espèce, le grand public. En tout état de cause, même le public professionnel manifesterait un niveau d’attention seulement moyen à l’égard des câbles à fibre optique et les fils pour la transmission des données.

30      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante. L’EUIPO souligne, en particulier, que, en tout état de cause, la chambre de recours a tenu également compte du public ayant le niveau d’attention le moins élevé dans son appréciation du risque de confusion.

31      À titre liminaire, il convient de relever que, les marques antérieures étant des marques de l’Union européenne, le public pertinent est celui de l’ensemble du territoire de l’Union, ainsi qu’a conclu à juste titre la chambre de recours, ce qui n’est pas contesté.

32      Il y a lieu, ensuite, de rappeler que le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est constitué des utilisateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services visés par la marque antérieure que ceux visés par la marque demandée [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 25 et jurisprudence citée].

33      En l’espèce, il convient de constater que les « câbles à fibre optique » relevant de la classe 9 sont couverts par les marques antérieures. Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, dans la mesure où lesdits produits sont susceptibles d’être utilisés par les utilisateurs des produits visés par la marque demandée, ils doivent être pris en compte aux fins de l’appréciation du public pertinent et de son niveau d’attention.

34      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, nonobstant le caractère technique des produits désignés par les marques en conflit, ils constituent des équipements plutôt basiques qui peuvent également être achetés par le grand public, notamment à des fins domestiques, à des prix relativement bon marché, dans des magasins de bricolage, chez des détaillants généralistes fournissant des équipements pour la maison, ou encore sur des plateformes de e-commerce, contrairement à des appareils et des produits de nature hautement spécialisée, ainsi qu’avait souligné à juste titre la division d’opposition.

35      Dans ces conditions, le public pertinent, qui est composé, en l’espèce, tant du grand public que de professionnels, tels que des électriciens ou des techniciens dans le domaine des télécommunications, fera preuve d’un niveau d’attention moyen à l’égard de l’ensemble des produits désignés par les marques en conflit. Il en va d’autant plus ainsi, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, pour la partie de ce public composé de professionnels, que ces derniers sont susceptibles d’utiliser fréquemment, voire quotidiennement, les produits en cause.

36      La requérante est donc fondée à soutenir que la chambre de recours a erronément tenu compte d’un niveau d’attention élevé du public au regard de certains types de câbles, dont « les câbles à fibre optique », désignés par les marques antérieures.

 Sur la comparaison des produits

37      La chambre de recours a estimé que les produits couverts par les marques antérieures, pour lesquels la preuve de l’usage sérieux avait été apportée, étaient identiques ou très similaires aux produits désignés par la marque demandée.

38      Aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause l’appréciation opérée par la chambre de recours, au demeurant non contestée par la requérante.

  Sur la comparaison des signes

39      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

40      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

–       Sur l’appréciation des éléments distinctifs et dominants des signes

41      S’agissant de la marque demandée, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « labkable », écrit dans une police de caractères stylisée soulignée en rouge, pouvait être perçu comme la combinaison des termes « lab » et « kable ». Le premier terme serait distinctif, car il ferait référence, dans l’esprit du public pertinent, à un « laboratoire ». Le second terme serait soit distinctif, soit faiblement distinctif, selon que le consommateur l’associera ou non au mot « cable » qui serait, en substance, descriptif des produits désignés par les marques en conflit.

42      La chambre de recours a également relevé que, dans l’ensemble, l’élément verbal « labkable » de la marque demandée était distinctif pour la totalité du public pertinent et qu’il constituait l’élément dominant et le plus distinctif de ladite marque en raison de sa taille et de sa position proéminente.

43      S’agissant des marques antérieures nos 1 et 2, la chambre de recours a estimé que le terme « lapp » était distinctif pour l’ensemble du public pertinent et que le terme « kabel », s’il pouvait être descriptif des produits que ces marques désignent pour une partie du public pertinent, était distinctif pour les consommateurs anglophones, pour lesquels cet élément n’avait aucune signification.

44      La chambre de recours a précisé, s’agissant de la marque antérieure no 1, que l’élément verbal « stuttgart » était dépourvu de caractère distinctif, sans pour autant être négligeable, en raison de l’élément graphique placé au-dessus du double « t ». S’agissant de la marque antérieure no 2, elle a estimé que l’élément graphique, qui était assez original et plus que seulement décoratif, était, en raison de sa taille et de sa position, visuellement codominant avec l’élément verbal « lapp kabel ».

45      S’agissant de la marque demandée, la requérante soutient que le public pertinent ne décomposera pas en deux termes distincts l’élément verbal « labkable », car il constituerait un « mot-valise fantaisiste », facilement reconnaissable dans son ensemble.

46      En outre, l’expression verbale « solutions for cables » de la marque demandée, serait négligeable, en raison de sa taille et de sa position secondaire sous l’élément verbal « labkable ». Elle serait dépourvue de caractère distinctif au motif qu’elle serait perçue comme un simple slogan publicitaire.

47      S’agissant des marques antérieures nos 1 et 2, la requérante soutient que l’élément verbal « stuttgart » de la marque antérieure no 1 est dépourvu de caractère distinctif et doit être regardé comme négligeable, nonobstant l’élément graphique placé au-dessus du double « t ». Elle fait également valoir que l’élément graphique de la marque antérieure no 2 illustre seulement la section transversale d’un câble, de sorte qu’il serait purement décoratif et, par suite, négligeable dans la perception d’ensemble de cette marque.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante et confirment l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle aucun élément des marques en conflit ne peut être regardé comme négligeable. La requérante ne saurait donc soutenir que la comparaison devrait se limiter, dans l’impression d’ensemble produite par lesdites marques, aux éléments verbaux « labkable » et « lapp kabel ».

49      Pour apprécier le caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

50      Par ailleurs, s’il est vrai que, en règle générale, le public ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque comme l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, il n’en demeure pas moins que le faible caractère distinctif d’un élément d’une marque n’implique pas nécessairement, compte tenu notamment de sa dimension ou de sa position dans la marque, que ledit élément soit négligeable dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2011, Lan Airlines/OHMI – Air Nostrum (LINEAS AEREAS DEL MEDITERRANEO LAM), T‑194/09, EU:T:2011:34, point 30].

51      En premier lieu, c’est à juste titre que la chambre de recours, sans être contestée sur ce point, a considéré, en l’espèce, que la marque demandée était dominée par l’élément verbal « labkable », lequel est écrit en caractère gras, dans une police stylisée et souligné en rouge. S’agissant de l’expression « solutions for cables » de ladite marque, si elle peut être distinctive pour la partie du public non anglophone qui ne comprendrait pas sa signification, elle revêt toutefois, pour l’ensemble du public pertinent, et indépendamment de la compréhension que celui-ci peut en avoir, une importance secondaire en raison, d’une part, de son écriture en lettres cursives de taille plus petite que la police utilisée pour la représentation de l’autre élément de cette marque et, d’autre part, de sa position en-dessous de ce même élément.

52      Contrairement à ce que prétend la requérante, l’expression « solutions for cables » de la marque demandée n’est cependant pas négligeable dans la perception d’ensemble, dès lors que, écrit dans une police de caractère standard, elle reste perceptible à première vue. La circonstance que, pour une partie du public pertinent, à savoir le public anglophone, hispanophone et francophone, cet élément, ainsi que l’a observé à juste titre la chambre de recours, puisse être interprété comme un slogan promotionnel, et ne soit que faiblement distinctif, n’est pas de nature à modifier cette appréciation, au vu notamment de sa longueur par rapport à ladite marque considérée dans son ensemble.

53      Si la chambre de recours a considéré, à bon droit, que la marque demandée était, dans son ensemble, dominée par l’élément verbal « labkable », elle a pu également considérer, à juste titre, que le public pertinent percevra cet élément comme comportant deux composants, à savoir les termes « lab » et « kable ». En effet, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 4 juin 2013, i-content/OHMI – Decathlon (BETWIN), T‑514/11, non publié, EU:T:2013:291, point 60 et jurisprudence citée] et il en va de même pour un élément verbal au sein d’un signe.

54      S’agissant du terme « lab », il est doté, en l’espèce, d’un caractère distinctif, car il fait référence à un « laboratoire », tant pour la partie anglophone du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2017, Ecolab USA/EUIPO (ECOLAB), T‑150/16, non publié, EU:T:2017:490, points 30 à 33] que pour sa partie non anglophone [voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2022, G-Core Innovations/EUIPO – Coretransform (G CORELABS),T‑454/21, non publié, EU:T:2022:591, points 39 et 58).

55      S’agissant du terme « kable », bien que, en l’espèce, il soit dépourvu de signification pour une partie du public pertinent, il est descriptif des produits désignés par les marques en conflit pour certains consommateurs, qui pourront l’identifier comme une version mal orthographiée, soit du mot « kabel », s’agissant du public germanophone, soit du mot « cable », s’agissant du public anglophone, et ce d’autant plus qu’il pourra immédiatement percevoir l’explication promotionnelle exprimée en langue anglaise, « solutions for cables ». Il est en effet suffisant à cet égard que le consommateur comprenne un mot, même s’il est mal orthographié, dans le même sens que le mot correctement orthographié [voir arrêt du 22 mai 2014, Walcher Meßtechnik/OHMI (HIPERDRIVE), T‑95/13, non publié, EU:T:2014:270, point 32 et jurisprudence citée]. Il en va d’autant plus ainsi en raison de l’existence, ainsi que le souligne la chambre de recours, de mots équivalents très similaires pour désigner le même terme dans un grand nombre de langues de l’Union.

56      À cet égard, il peut toutefois être observé que le caractère faiblement distinctif du terme « kable » n’affectera pas le caractère dominant de l’élément verbal « labkable », compte tenu de la position et de la dimension d’un tel élément au sein de la marque demandée.

57      En second lieu, s’agissant des marques antérieures nos 1 et 2, il n’est, tout d’abord, pas contesté que le composant « lapp » présent dans leur élément verbal commun « lapp kabel » est distinctif pour l’ensemble du public pertinent. Il n’est pas non plus contesté que le terme « kabel » est descriptif des produits désignés par ces marques pour une partie du public pertinent, comprenant ce terme, mais distinctif pour les consommateurs anglophones, pour lesquels ledit terme n’a aucune signification. Rien au dossier ne permet de remettre en cause ces appréciations, lesquelles doivent être confirmées.

58      Ensuite, s’agissant de la marque antérieure no 1, il convient de relever que l’élément verbal « stuttgart » ne saurait être regardé comme dépourvu de caractère distinctif pour l’ensemble du public pertinent, contrairement à l’appréciation de la chambre de recours. En effet, il n’est dépourvu de caractère distinctif que pour la partie du public pertinent qui comprend cet élément comme désignant le lieu d’établissement de l’entreprise titulaire de cette marque, car il est susceptible de le percevoir alors comme descriptif de l’origine géographique des produits désignés par celle-ci.

59      L’élément verbal « stuttgart » de la marque antérieure no 1 n’est pas pour autant négligeable dans l’impression d’ensemble produite par cette marque dans l’esprit de ce même public. Il en va ainsi en raison, d’une part, de l’écriture en majuscule de ce terme et de sa dimension au sein de la marque en cause, qui contient le même nombre de lettres que les deux termes réunis qui le précèdent et, d’autre part, de la présence d’un élément graphique au-dessus de la double lettre « tt », lequel, contrairement à ce que prétend la requérante, ne passera pas inaperçu aux yeux du public pertinent.

60      Par ailleurs, s’agissant de la marque antérieure no 2, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’élément figuratif ne sera pas perçu immédiatement par le public pertinent comme un simple élément décoratif. À cet égard, il ne ressort pas des éléments de preuve présentés au point 33 de la requête, qu’un tel élément puisse immédiatement être compris, contrairement à ce que prétend la requérante, comme la représentation graphique de la section transversale d’un câble. En effet, les conducteurs, présentés dans les images d’illustration de la requérante, sont d’un diamètre nettement plus petit que les cercles reproduits à l’intérieur du disque de couleur noir censé représenter l’isolant du câble dont la section aurait été sectionnée. Par ailleurs, contrairement à ce qui est le cas dans les images d’illustration présentées par la requérante, les cercles à l’intérieur dudit élément figuratif ne sont pas tous présentés à l’identique, puisque que quatre d’entre eux délimitent des disques de couleur blanche, alors que le cinquième délimite un disque de couleur noire cerclé de blanc.

61      En outre, l’élément figuratif de la marque antérieure no 2 excède, par sa taille, significativement celle de l’élément verbal. Enfin, il est placé au-dessus de cet élément verbal.

62      Dans ces conditions, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, en substance, que la marque antérieure no 2 ne comportait pas d’élément dominant.

63      En ce qui concerne les éléments distinctifs et dominants des signes, compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de retenir que l’appréciation globale visant à établir l’existence d’une similitude des signes en cause devra être effectuée en tenant compte :

–        premièrement, de l’ensemble des éléments des marques en conflit dans l’impression globale que celles-ci produisent dans l’esprit du public pertinent, aucun de ces éléments n’apparaissant comme négligeable aux fins de la comparaison ;

–        deuxièmement, s’agissant de la marque demandée, du caractère dominant et distinctif de l’élément verbal « labkable », étant précisé que ce public le décomposera en deux termes, à savoir « lab » et « kable », le premier étant distinctif pour l’ensemble de ce public ;

–        troisièmement, s’agissant de la marque antérieure no 1, du caractère dominant de l’élément verbal « lapp kabel » et du caractère distinctif pour l’ensemble dudit public du composant « lapp » de cet élément ;

–        quatrièmement, de l’absence d’élément dominant dans la marque antérieure no 2 et du caractère distinctif pour l’ensemble dudit public du composant « lapp » de l’élément verbal « lapp kabel ».

–       Sur la comparaison visuelle

64      La chambre de recours a relevé que la marque demandée et les marques antérieures nos 1 et 2 coïncidaient, sur le plan visuel, par les séquences de lettres « la » et « kab », ainsi que par les lettres « e » et « l », nonobstant leur inversion dans lesdites marques. Elle a cependant considéré que ces marques différaient par la disposition de leurs différents éléments et présentaient, au final, un degré faible de similitude sur le plan visuel, compte tenu, en substance, d’une part, des différences entre les marques en question s’agissant de leurs éléments verbaux « solutions for cables », présent dans la marque demandée, et « stuttgart » dans la marque antérieure no 1, les éléments verbaux empruntant au surplus des polices de caractère différent et, d’autre part, de la présence d’un élément figuratif visuellement frappant dans la marque antérieure no 2.

65      La requérante soutient, pour l’essentiel, que la chambre de recours a négligé dans le cadre de son appréciation de l’impression d’ensemble produite par les marques en conflit la similitude visuelle existant dans l’esprit du public pertinent entre l’élément verbal « labkable » de la marque demandée et l’élément verbal commun « lapp kabel » des marques antérieures nos 1 et 2. Leur comparaison conduirait à reconnaître l’existence d’un degré moyen de similitude visuelle entre les signes en cause.

66      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

67      En l’espèce, il convient de relever que l’élément verbal « labkable » de la marque demandée et l’élément verbal commun « lapp kabel » des marques antérieures nos 1 et 2 présentent une structure orthographique assez proche sur le plan visuel, puisqu’ils sont composés sensiblement du même nombre de lettres, respectivement, huit et neuf lettres, et qu’ils en partagent sept.

68      Toutefois, l’attention de la partie du public qui associera les termes « kable » ou « kabel » aux produits désignés par les marques en conflit se portera, en priorité, ainsi que l’observe, en substance, la chambre de recours, sur les termes les plus distinctifs aux yeux de ce public, à savoir « lab » et « lapp ». Ces termes diffèrent, sur le plan visuel, par l’emploi de la double lettre « pp » dans les marques antérieures nos 1 et 2. S’il ne saurait être considéré que cette double lettre est visuellement frappante, il n’en demeure pas moins qu’elle introduit une différence visuellement claire avec la lettre « b » de la marque demandée.

69      En outre, si les marques en conflit coïncident par les deux premières lettres « la » de leurs éléments verbaux « labkable » et « lapp kabel », cette circonstance ne saurait, aux yeux de ce public, suffire à compenser les différences visuelles relevées à bon droit par la chambre de recours dans la comparaison de ces marques, telles qu’elles sont reprises au point 64 ci-dessus. Le caractère distinctif faible de l’élément verbal « stuttgart » pour une partie de ce public ne saurait invalider cette appréciation, compte tenu de la taille de cet élément au sein de la marque antérieure no 1.

70      L’attention de la partie du public qui n’associera ni le terme « kable » ni le terme « kabel » aux produits désignés par les marques en conflit, concentrera son attention sur les éléments verbaux « labkable » et « lapp kabel ». S’agissant de la marque antérieure n° 2, il en ira ainsi dans la mesure où, d’une part, l’élément graphique ne domine pas l’impression d’ensemble de ladite marque et, d’autre part, le composant « lapp » de l’élément verbal « lapp kabel » est distinctif pour l’ensemble dudit public.

71      Toutefois, nonobstant une structure orthographique partiellement comparable de ces éléments verbaux, cette circonstance ne saurait compenser, aux yeux de ce public, les nombreuses différences verbales et figuratives entre ces marques.

72      Dans ces conditions, et alors qu’il y a lieu d’opérer la comparaison en considérant chacune des marques en conflit dans son ensemble, il convient de conclure que celles-ci, nonobstant la présence de sept lettres communes dans leurs éléments verbaux présentent, ainsi qu’a estimé tant la division d’opposition que la chambre de recours, un degré faible de similitude visuelle.

–       Sur la comparaison phonétique

73      La chambre de recours a estimé que les marques en conflit coïncidaient par le son des lettres « k », « a », « b », « e », et « l » et que les composants « lab » et « lapp » seraient prononcés de manière similaire. Elle a précisé que l’expression « solutions for cables » de la marque demandée ne serait vraisemblablement pas prononcée par les consommateurs lorsqu’ils feraient référence à ladite marque. Elle a considéré que les termes « kable » et « kabel » ne seraient pas non plus prononcés par ceux de ces consommateurs qui comprendraient leur signification.

74      Dans ces conditions, la chambre de recours a conclu, en substance, que les marques en conflit étaient similaires à un degré moyen sur le plan phonétique pour la partie du public qui n’associerait pas les termes « kable » ou « kabel » aux produits désignés par elles, et que ces dernières présentaient un degré élevé de similitude phonétique pour la partie du public qui comprendrait ces termes comme renvoyant aux produits en cause.

75      La requérante soutient que, dans la mesure où l’ensemble du public pertinent limitera la comparaison des marques en conflit aux seuls éléments verbaux « labkable » et « lapp kabel », celles-ci présentent, pour l’ensemble de ce public, un degré élevé de similitude phonétique.

76      L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet de l’argumentation de la requérante.

77      En l’espèce, il peut être admis, ainsi qu’en conviennent les parties, que les consommateurs ne prononceront vraisemblablement pas l’expression « solutions for cables » qui occupe une place secondaire dans la marque demandée. Il en va notamment ainsi dans la mesure où les consommateurs pourraient avoir tendance à ne pas prononcer cette expression, par simple économie de langage, cette dernière étant longue à prononcer et aisément séparable de l’élément le plus visible et qui se détache nettement de la marque demandée.

78      En revanche, l’élément verbal « stuttgart », qui n’occupe pas une place secondaire au sein de la marque antérieure no 1, ne sera pas totalement ignoré par le public pertinent lorsque celui-ci prononcera cette marque, un tel élément verbal, placé dans le prolongement des autres éléments verbaux, étant susceptible d’être prononcé à la suite de ces derniers.

79      Le public pertinent ne tiendra donc pas uniquement compte des seuls éléments verbaux « labkable » et « lapp kabel » dans sa comparaison phonétique des marques en conflit.

80      Toutefois, il convient de constater que les éléments « labkable » et « lapp kabel », sans être phonétiquement identiques, présentent, pour l’ensemble du public pertinent, une similitude élevée sur le plan phonétique. Il en est ainsi, et indépendamment de la signification pour le public pertinent des termes « kable » ou « kabel », en raison de la proximité phonétique des lettres « b » et « p », qui sont toutes deux des consonnes bilabiales, ainsi que de la présence des séquences de lettres communes « la » et « kab » et des lettres « e » et « l ». Le nombre identique de syllabes contribue également à renforcer l’impression de similitude phonétique globale entre ces deux éléments.

81      Dans ces conditions, contrairement aux conclusions de la chambre de recours, il convient de tenir compte, dans l’appréciation du risque de confusion, de l’existence, pour l’ensemble du public pertinent, d’une part, d’un degré de similitude phonétique élevé entre la marque demandée et la marque antérieure no 2, d’autre part, d’un degré seulement moyen de similitude phonétique entre la marque demandée et la marque antérieure no 1, compte tenu, dans ce dernier cas, de la prononciation de l’élément verbal « stuttgart ».

–       Sur la comparaison conceptuelle

82      La chambre de recours a estimé, au point 59 de la décision attaquée, que les marques en conflit différaient sur le plan conceptuel par l’idée de « laboratoire » évoquée par le terme « lab » présent dans la marque demandée. Dès lors que l’une de ces marques revêtirait une signification, celles-ci seraient différentes sur le plan conceptuel.

83      La requérante fait valoir qu’il n’est pas possible de procéder à une comparaison conceptuelle lorsque seul l’un des signes évoque un concept. Or la chambre de recours aurait procédé à la comparaison conceptuelle des marques en conflit tout en estimant que seule la marque demandée était pourvue d’une signification. Ladite chambre aurait donc commis une erreur de droit.

84      La requérante fait également valoir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que le terme « lab » évoquerait l’idée de « laboratoire » dans la marque demandée. Au surplus, il existerait un degré faible de similitude conceptuelle entre les marques en conflit pour la partie du public pertinent qui associerait les termes « kable » ou « kabel » aux câbles que ces marques désignent.

85      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. Ils soulignent, en substance, que le terme « lab » est significatif et distinctif du point de vue de l’ensemble du public pertinent, de sorte que la chambre de recours aurait conclu, à bon droit, qu’il existait une différence conceptuelle entre les signes en cause.

86      À titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsque l’une des marques en conflit présente une signification aux yeux du public pertinent et que l’autre marque en est dépourvue, il doit être constaté que les marques en cause présentent des différences sur le plan conceptuel [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2017, RP Technik/EUIPO – Tecnomarmi (RP ROYAL PALLADIUM), T‑768/15, non publié, EU:T:2017:630, points 88 et 89]. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit au motif qu’elle a indiqué dans la décision attaquée que « l’une des marques comparées revêt[ant] une signification, les signes [en cause étaient] différents sur le plan conceptuel ».

87      À cet égard, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le terme « lab » contenu dans la marque demandée sera compris par le public pertinent comme évoquant l’idée de « laboratoire ». Ensuite, l’élément verbal « stuttgart » contenu dans la marque antérieure no 1, surmonté d’un signe figuratif sans signification particulière, sera compris par le public pertinent comme une référence à la ville de Stuttgart en Allemagne. Par ailleurs, le terme « lapp » des marques antérieures nos 1 et 2 n’aura aucune signification pour la majeure partie du public pertinent. La requérante ne conteste pas l’appréciation complémentaire de ladite chambre selon laquelle ce terme sera toutefois revêtu d’une signification particulière pour une partie minoritaire du public pertinent comme une référence à « un membre d’un peuple autochtone de l’extrême nord de la Scandinavie, traditionnellement associé à l’élevage de rennes ».

88      Les marques en conflit se distinguent ainsi, sur le plan conceptuel, par les éléments « lab », « lapp » et « stuttgart ». Dans ces conditions, et alors que l’élément graphique de la marque antérieure n° 2, ainsi qu’il a été relevé au point 60 ci-dessus, ne sera pas immédiatement compris, contrairement à ce que prétend la requérante, comme la représentation graphique de la section transversale d’un câble, la marque demandée est, pour la partie du public qui n’associera aucune signification ni concept aux mots « kable » et « kabel », conceptuellement différente des marques antérieures nos 1 et 2.

89      En revanche, pour la partie du public pertinent qui comprendra les éléments « kable » ou « kabel » comme exprimant l’idée de câble, les marques en conflit présenteront un degré faible de similitude sur le plan conceptuel, ainsi que le soutiennent la requérante et la division d’opposition. À cet égard, la différence graphique de l’élément « kable » avec le terme anglais « cable » n’étant pas perceptible phonétiquement, elle sera sans incidence sur la perception que le public pertinent se fera de cet élément comme renvoyant à l’idée de « câble » [voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2008, Avon Products/OHMI (ANEW ALTERNATIVE), T‑184/07, non publié, EU:T:2008:532, point 26, et du 13 février 2019, Nemius Group/EUIPO (DENTALDISK), T-278/18, non publié, EU:T:2019:86, point 51].

90      La circonstance qu’une partie du public pertinent puisse percevoir l’élément figuratif de la marque antérieure n° 2 comme exprimant l’idée de « câble » ou l’expression « solutions for cable » comme véhiculant un message selon lequel les produits en cause, ainsi que l’observe à juste titre, la chambre de recours, fournissent des solutions dans des circonstances où l’utilisation de câbles est nécessaire, ne saurait avoir d’incidence sur cette conclusion.

91      Dans ces conditions, il convient de tenir compte, dans l’appréciation du risque de confusion, de l’absence de similitude conceptuelle entre les marques en conflit, pour une partie du public pertinent, et de l’existence d’un degré faible de similitude conceptuelle entre ces marques, pour l’autre partie.

 Sur le risque de confusion

92      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

93      La chambre de recours a considéré que les marques antérieures nos 1 et 2 possédaient un caractère intrinsèque distinctif normal, nonobstant la présence d’éléments faibles ou non distinctifs. Dans ces conditions, et nonobstant l’identité ou le degré élevé de similitude des produits en cause, et compte tenu du niveau d’attention moyen, sinon élevé, du public pertinent, la chambre de recours, a considéré, en substance, que les différences visuelles et conceptuelles entre la marque demandée et lesdites marques antérieures étaient suffisantes pour compenser leurs similitudes visuelles ou phonétiques, écartant ainsi tout risque de confusion.

94      En outre, la chambre de recours a considéré qu’il en allait de même, a fortiori, entre la marque demandée et la marque verbale antérieure LAPP, qui n’avait pas été examinée par la division d’opposition, les différences entre ces marques étant encore plus importantes qu’entre la marque demandée et les marques antérieures nos 1 et 2.

95      La requérante soutient, tout d’abord, que la chambre de recours a, en substance, commis une erreur de droit en concluant que la différence conceptuelle entre les marques en conflit était de nature à neutraliser tout risque de confusion.

96      Ensuite, la requérante fait valoir, pour l’essentiel, que les différences visuelles et conceptuelles retenues par la chambre de recours au soutien de son appréciation ne sauraient, en tout état de cause, suffire pour neutraliser le degré élevé de similitude phonétique entre les marques en conflit.

97      Dans ces conditions, la requérante conclut que, compte tenu de l’identité ou du degré élevé de similitude des produits en cause, du niveau seulement moyen d’attention du public pertinent et des similitudes significatives des éléments verbaux « labkable » et « lapp kabel » des signes en cause, la chambre de recours a entaché d’erreur d’appréciation la décision attaquée en écartant l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

98      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

99      L’EUIPO fait valoir que la chambre de recours n’a pas déduit des différences conceptuelles entre les marques en conflit l’absence de toute similitude entre ces dernières. Elle soutient que ladite chambre a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion après avoir pris en compte l’ensemble des facteurs pertinents, à savoir non seulement l’existence d’une différence conceptuelle entre les signes en raison de l’élément significatif et distinctif « lab » dans la marque demandée, mais également l’existence d’un faible degré de similitude visuelle ou le caractère distinctif normal des marques antérieures nos 1 et 2.

100    L’intervenante souligne que la similitude phonétique entre les signes ne saurait jouer qu’un rôle très réduit dans l’appréciation du risque de confusion. Selon elle, compte tenu de l’ensemble des différences verbales et graphiques entre les signes en cause, aucun risque de confusion n’existe entre la marque demandée et les marques antérieures nos 1 et 2.

101    À titre liminaire, s’agissant de l’argument de la requérante fondé sur la jurisprudence relative à la neutralisation des similitudes visuelle et phonétique par les différences conceptuelles entre les signes, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas fait application de cette jurisprudence. Il ressort en effet du point 69 de la décision attaquée que l’exclusion du risque de confusion résulte d’une appréciation globale des similitudes et des différences entre les signes en conflit au terme de laquelle, en substance, la chambre de recours a considéré que les différences l’emportaient sur les similitudes.

102    Cela étant précisé, il convient, en premier lieu, de confirmer l’appréciation de la chambre de recours, non contestée par la requérante, selon laquelle les marques antérieures nos 1 et 2 sont dotées d’un caractère distinctif normal.

103    En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que, si les signes en cause ne sont similaires qu’à un faible degré tant sur le plan visuel que sur le plan conceptuel, et sont même différents pour une partie du public sur ce plan, la marque demandée présente, en revanche, et pour l’ensemble du public pertinent, un degré élevé de similitude phonétique avec la marque antérieure no 2, et un degré moyen de similitude phonétique avec la marque antérieure no 1.

104    En troisième lieu, contrairement à l’appréciation de la chambre de recours, le niveau d’attention du public pertinent est, ainsi qu’il a été précisé au point 35 ci-dessus, seulement moyen pour l’ensemble des produits désignés par les marques en conflit. À cet égard, le consommateur moyen n’ayant que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, il devra se fier à l’image imparfaite de celles‑ci qu’il a gardée en mémoire [arrêts du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, EU:T:2002:262, point 28, et du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T‑186/02, EU:T:2004:197, point 38].

105    Dans ces conditions, compte tenu de l’identité ou du degré élevé de similitude des produits en cause, et nonobstant le faible degré de similitude des signes en cause tant sur le plan visuel que sur le plan conceptuel, leurs similitudes sur le plan phonétique sont suffisantes pour entrainer un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

106    Il en est en particulier ainsi s’agissant de la comparaison entre la marque demandée et la marque antérieure no 2 compte tenu de l’existence d’un degré de similitude phonétique élevé entre ces marques dans l’esprit du public pertinent.

107    À cet égard, il y a lieu d’ajouter que si, lors de l’audience, l’EUIPO et l’intervenant ont soutenu que les produits en cause étaient majoritairement vendus en ligne, ils n’ont pas contesté le fait qu’ils pouvaient également être commandés oralement.

108    Compte tenu de tout ce qui précède, la décision attaquée est illégale en ce qu’elle a écarté tout risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 entre la marque demandée et les marques antérieures nos 1 et 2.

109    Cette illégalité est de nature à entraîner, d’une part, l’annulation de l’article 1er du dispositif de la décision attaquée, par lequel la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition, qui accueillait l’opposition en raison d’un risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures nos 1 et 2, d’autre part, et par voie de conséquence, l’annulation de l’article 2 de ce même dispositif, par lequel la chambre de recours a rejeté l’opposition dans son intégralité.

110    Dès lors, la décision attaquée doit être annulée dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur les deuxième et troisième moyens du recours.

 Sur les conclusions visant à la réformation de la décision attaquée

111    Concernant le chef de conclusions par lequel la requérante demande la réformation de la décision attaquée « afin que le recours introduit par l’autre partie devant la chambre de recours soit rejeté », il doit être compris comme visant à ce que le Tribunal adopte la décision que la chambre de recours aurait dû prendre, conformément aux dispositions du règlement 2017/1001, à savoir, en l’espèce, que le Tribunal fasse droit à la demande d’opposition contre la marque demandée.

112    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui‑ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice d’un tel pouvoir doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

113    En l’espèce, il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours était tenue de constater que, conformément à ce qu’avait considéré la division d’opposition, un risque de confusion existait pour l’ensemble des produits en cause.

114    Dans ces conditions, l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle a écarté tout risque de confusion implique nécessairement la reconnaissance par le Tribunal d’un tel risque. Il y a donc lieu de réformer la décision attaquée en accueillant la demande d’opposition.

115    En conséquence, il y a lieu, par réformation de la décision attaquée, de rejeter le recours formé contre la décision de la division d’opposition et d’accueillir l’opposition en ce qui concerne l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

 Sur les dépens

116    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

117    L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

118    L’intervenante ayant succombé en ses conclusions, celle-ci supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 juillet 2022, (affaire R 1894/2021-2), est annulée.

2)      L’opposition formée à l’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative LABKABLE SOLUTIONS FOR CABLES présentée le 3 janvier 2020 est accueillie.

3)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par U. I. Lapp GmbH.

4)      Labkable Asia Ltd supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Tomljenović

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.