Language of document : ECLI:EU:T:2024:107

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 février 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale DESIGNERS TRUST – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑92/23,

Timothy Jacob Jensen Studios A/S, établie à Højslev (Danemark), représentée par Me J. Løje, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. E. Markakis et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Timothy Jacob Jensen Studios A/S, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 novembre 2022 (affaire R 1149/2022-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 17 août 2021, la requérante a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1626949 du signe verbal DESIGNERS TRUST. Cet enregistrement international a été notifié le 18 novembre 2021 à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        Les services pour lesquels la protection de l’enregistrement international a été demandée relèvent des classes 35 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Services de publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; services de tâches bureautiques ; fourniture d’un site web interactif en ligne promouvant des solutions de conception et des services de conception pour le compte de tiers et organisant des contacts entre les concepteurs et les acheteurs de services de conception ; fourniture d’informations, à savoir compilations, placements, évaluations, examens, renvois et recommandations concernant des organisations commerciales, des prestataires de services et d’autres ressources commerciales par l’intermédiaire d’un réseau informatique mondial ; services de publicité et de promotion des ventes et conseils connexes en rapport avec des services de conception, préparation de services de conception sur mesure ou de publicité non adaptée pour les entreprises en vue de les transmettre via l’internet ; fourniture de publicité pour le compte de tiers par l’intermédiaire d’un réseau de communication mondial ; services de publicité en ligne pour le compte de tiers, à savoir fourniture d’espaces publicitaires par l’intermédiaire de sites web sur l’internet ; commercialisation des produits et services de tiers en ligne ; fourniture de registres de données informatiques en ligne et de registres de données consultables en ligne avec des services de conception d’entreprise ; organisation de transactions commerciales et de transactions en ligne avec des services de conception et des solutions de conception de tiers » ;

–        classe 42 : « Hébergement de données, fichiers, applications et informations électroniques ; mise à disposition temporaire de logiciels non téléchargeables en ligne pour le commerce électronique, permettant aux utilisateurs d’effectuer des transactions commerciales électroniques sur un marché en ligne via un réseau informatique mondial en rapport avec des services de conception ; conseils et assistance en matière de conception industrielle ; services de conception, y compris planification de la conception, services de conception commerciale, conception graphique ; services de conception visuelle, conception industrielle, conception de montres, conception d’instruments, services de conception de meubles, conception de machines industrielles, conception de systèmes d’éclairage, services de conception de bijoux, conception de systèmes de mesure, conception de produits de consommation, conception de systèmes de communication ; services de conseils en matière de conception industrielle ».

4        Par décision du 3 mai 2022, l’examinateur a rejeté la demande de protection de l’enregistrement international dans l’Union européenne, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement.

5        Le 30 juin 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens « en cas de convocation à une audience ».

 En droit

9        À l’appui du recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En particulier, la requérante soutient, premièrement, que la chambre de recours a estimé à tort que le terme « trust » serait compris uniquement dans sa signification simple et courante, à savoir confiance dans une personne ou une chose, alors que ce terme aurait de multiples significations, deuxièmement, que la chambre de recours a estimé à tort que la marque demandée serait perçue comme étant un slogan et, troisièmement, que la chambre de recours a estimé à tort que l’expression « designers trust » serait uniquement comprise comme étant une déclaration ou un message purement élogieux.

10      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

11      L’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 énonce, pour sa part, que le paragraphe 1 de ce même article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

12      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, signifie que cette marque permet d’identifier les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces services de ceux issus d’autres entreprises (voir arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 42 et jurisprudence citée).

13      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêt du 27 février 2002, REWE-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, EU:T:2002:42, point 26 ; voir, également, arrêt du 3 septembre 2015, iNET24 Holding/OHMI (IDIRECT24), T‑225/14, non publié, EU:T:2015:585, point 43 et jurisprudence citée]. Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des services concernés [arrêts du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, EU:T:2003:183, point 20, et du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, EU:T:2004:198, point 24].

14      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 43 et jurisprudence citée).

15      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’enregistrement d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les services visés par cette marque n’est pas exclu en tant que tel en raison d’une telle utilisation. Toutefois, une marque qui, tel un slogan publicitaire, remplit d’autres fonctions que celle d’une marque au sens classique n’est distinctive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, que si elle peut être perçue d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des services visés afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale [arrêts du 3 juillet 2003, BEST BUY, T‑122/01, EU:T:2003:183, point 21, et du 22 mars 2018, Dometic Sweden/EUIPO (MOBILE LIVING MADE EASY), T‑235/17, non publié, EU:T:2018:162, point 46].

16      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.

17      En premier lieu, en ce qui concerne le public et le territoire pertinents, la chambre de recours a considéré que les services concernés relevant, respectivement, des classes 35 et 42 s’adressaient à des professionnels, notamment des concepteurs, faisant preuve d’un niveau d’attention élevé. La chambre de recours a, toutefois, relevé que le public pertinent pouvait avoir un niveau d’attention relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel. Par ailleurs, la chambre de recours a précisé que l’examen des motifs absolus de refus couvrait l’ensemble du territoire de l’Union. Étant donné que la marque demandée était composée de mots anglais, elle a pris en considération le public anglophone de l’Union, notamment celui des États membres dans lesquels l’anglais était une langue officielle.

18      À cet égard, d’une part, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas admis que le public pertinent était composé « à la fois de concepteurs et de clients [ou] acheteurs des concepteurs[,] principalement des entreprises qui recherchent des professionnels du design pour le développement d’un produit ou d’un concept ».

19      Cependant, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a concédé à la requérante que les services concernés ciblaient les concepteurs et les titulaires de marques hautement qualifiés qui souhaitent être mis en relation les uns avec les autres en ce qui concerne la conception de produits. Dès lors, l’argument de la requérante manque en fait et, partant, doit être écarté.

20      D’autre part, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le niveau d’attention du public pertinent était faible au motif qu’il percevrait la marque demandée comme étant un slogan. Elle relève, à cet égard, que ce public est composé de professionnels et que la marque demandée ne constitue pas un slogan.

21      Toutefois, il convient de relever que, après avoir défini le niveau d’attention du public pertinent, la chambre de recours n’a pas concrètement tenu compte de celui-ci dans le cadre de son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, en ce qu’elle n’a pas indiqué quelle incidence ce niveau d’attention aurait sur la perception de cette marque par le public pertinent en tant que message promotionnel et, par conséquent, si celui-ci affaiblissait ou renforçait le caractère distinctif de cette marque. En outre, la requérante n’explique pas dans quelle mesure le fait, pour la chambre de recours, d’avoir considéré que ce niveau d’attention était faible, était susceptible d’avoir eu une incidence sur cette appréciation.

22      Dans ces conditions, la requérante ne peut, en l’espèce, utilement faire valoir que la chambre de recours n’a pas correctement défini le niveau d’attention du public pertinent.

23      En deuxième lieu, comme l’a rappelé la chambre de recours, afin d’apprécier si la marque demandée est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit, ce qui implique toutefois, le cas échéant, de procéder, dans un premier temps, lors de cette appréciation globale, à un examen successif des différents éléments constitutifs de cette marque (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82).

24      En l’espèce, la chambre de recours s’est ralliée aux constatations de l’examinateur quant aux significations respectives des termes « designers » et « trust » tirées d’un dictionnaire de langue anglaise. La chambre de recours a ainsi retenu que le terme « designer » désignait une personne qui concevait et exécutait des dessins ou modèles, « comme pour des œuvres d’art, des vêtements, des machines, etc ». Elle a, ensuite, relevé que le terme « trust » signifiait « confiance dans la vérité, la valeur, la fiabilité, etc. d’une personne ou d’une chose ; foi ». Elle en a conclu que l’expression « designers trust » serait comprise, dans son ensemble, comme informant le public pertinent que les concepteurs peuvent être assurés et avoir confiance dans les services proposés. Compte tenu de cette signification, d’une part, et des services concernés, à savoir des services de publicité et de promotion des ventes, des services de gestion et d’administration d’entreprise et divers services de conception industrielle, d’autre part, la chambre de recours a considéré que le public pertinent ne percevrait la marque demandée à première vue que comme un message purement élogieux l’invitant à choisir les services concernés car il pouvait leur faire confiance.

25      La requérante reconnaît que le mot « trust » peut avoir la signification mentionnée ci-dessus, mais souligne que ce mot en a d’autres. S’appuyant sur deux dictionnaires de langue anglaise, la requérante fait valoir que le mot « trust » a, à tout le moins, une autre signification, à savoir celle d’« [a]rrangement financier dans lequel un groupe de personnes ou une organisation conserve et investit de l’argent pour quelqu’un » ou de « [d]roit de propriété détenu par une personne au profit d’une autre ». La requérante en déduit que l’expression « designers trust » peut être perçue de plusieurs manières. Le mot « trust » étant placé en seconde position, il serait raisonnable de conclure que le public pertinent envisagera plus d’une signification en relation avec la marque demandée et que ce public sera probablement enclin à percevoir cette marque comme ayant la signification « entité juridique (trust) pour concepteurs ». La requérante estime que la chambre de recours n’a pas suffisamment étayé sa conclusion selon laquelle le public pertinent ne percevra la marque demandée que comme une expression l’informant que les concepteurs peuvent avoir confiance dans les services concernés.

26      À cet égard, il importe de rappeler que la pluralité de significations de la marque demandée est un élément pertinent qu’il y a lieu de prendre en considération dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 [arrêt du 16 juin 2021, Magnetec/EUIPO (CoolTUBE), T‑481/20, non publié, EU:T:2021:373, point 37].

27      En l’espèce, il est constant que le mot « trust » a plusieurs significations. Cela étant, dans son sens le plus courant, le mot « trust », qu’il soit perçu comme un verbe ou comme un nom, renvoie à la notion de confiance dans une personne ou une chose, ainsi que le démontre les huit premières définitions correspondant à son entrée dans le dictionnaire de langue anglaise en ligne Collins. Ainsi, dans le contexte de la promotion et de la commercialisation des services concernés, le public pertinent, qui n’est ni un professionnel de la finance ni un professionnel du droit, comme le relève à juste titre l’EUIPO, comprendra le mot « trust », associé au mot « designers » renvoyant directement à des fournisseurs de services de conception, dans son sens le plus courant. Dès lors, la chambre de recours a constaté à juste titre que le public pertinent percevrait l’expression « designers trust » comme étant un message élogieux lui indiquant que les services concernés étaient fiables et dignes de confiance pour les concepteurs ou que ces derniers leur faisaient déjà confiance. En outre, la lecture de la décision attaquée permet de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, cette décision est suffisamment étayée sur ce point, ce message élogieux mettant en exergue les qualités positives de tous les services concernés.

28      En outre, quand bien même une partie du public pertinent percevrait immédiatement la marque demandée comme signifiant « entité juridique (trust) pour concepteurs », ainsi que le fait valoir la requérante, cette dernière n’établit pas que cette signification est susceptible de doter la marque demandée d’un caractère distinctif suffisant pour en permettre l’enregistrement. En effet, l’expression « designers trust », si elle était comprise ainsi, véhiculerait le message « entité juridique (trust) pour concepteurs » sans, cependant, indiquer au public pertinent l’origine commerciale des services concernés.

29      Par ailleurs, même en admettant que l’expression « designers trust » ait, pour le public pertinent, deux significations, il ne suffit pas, contrairement à ce que soutient la requérante, que ces deux significations diffèrent sensiblement l’une de l’autre pour que ladite expression soit regardée comme un jeu de mots qui permettra au public pertinent d’identifier l’origine commerciale des services concernés. En l’espèce, la requérante ne parvient pas à expliquer en quoi l’une ou l’autre de ces significations, ou encore le fait que ces significations diffèrent l’une de l’autre, rendent le message véhiculé par la marque demandée ambivalent, surprenant et inattendu à l’égard des services concernés et, ainsi, rendraient cette marque facilement mémorisable.

30      Dès lors, il y a lieu de constater que, malgré la pluralité des significations que peut revêtir le mot « trust » dans l’abstrait, dans le contexte concret de la commercialisation et la promotion des services concernés, la marque demandée sera perçue immédiatement et uniquement comme transmettant un message élogieux concernant tous les services concernés et non pas comme une indication de l’origine commerciale des services qu’elle vise. Dans ces conditions, la requérante ne saurait invoquer les multiples significations du mot « trust » pour remettre en cause les conclusions de la chambre de recours quant au caractère distinctif de la marque demandée.

31      Au demeurant, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que, dans l’hypothèse où l’expression « designers trust » serait comprise comme désignant une chose à laquelle les concepteurs peuvent faire confiance, il s’agirait alors d’une phrase ouverte et inachevée, laquelle ne serait pas susceptible d’être considérée comme un slogan. À cet égard, il suffit de relever que la chambre de recours a constaté à juste titre que cette expression se composait de mots anglais courants, qui se comprenaient d’eux-mêmes et étaient facilement reconnaissables sans autre réflexion. Dans ces circonstances, rien ne permet de considérer que cette expression déclenchera un processus cognitif auprès du public pertinent qui le mènera à penser « designers trust…what ? » (« les concepteurs ont confiance…en quoi ? »), comme l’allègue la requérante. Dès lors, cet argument de la requérante n’est pas susceptible de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent percevra la marque demandée comme étant rien de plus qu’un message purement élogieux les appelant à faire confiance aux services concernés.

32      En troisième lieu, la requérante remet en cause les appréciations de la chambre de recours quant à la signification en l’espèce du mot « trust » combiné au mot « designers » et à la manière dont la marque demandée sera perçue par le public pertinent compte tenu des services concernés, en ce qu’elles reposeraient uniquement sur des points de vue subjectifs et des hypothèses non étayées.

33      À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lors de l’examen des motifs absolus de refus, les examinateurs et les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque dont l’enregistrement est demandé relève ou non d’un des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 du même règlement.

34      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, indépendamment des règles grammaticales anglaises, la combinaison des mots « designers » et « trust » dans la marque demandée véhiculerait au public pertinent un message clair, à savoir que les services concernés sont fiables et dignes de confiance pour les concepteurs. La chambre de recours en a déduit que le public pertinent percevrait à première vue la combinaison de ces deux mots comme une formule promotionnelle ou un message publicitaire, mais ne la mémoriserait pas facilement et immédiatement en tant que marque distinctive pour ces services.

35      Afin de contester l’exactitude de cette conclusion, la requérante invoque, premièrement, la définition donnée par un dictionnaire pour l’expression « brain trust », deuxièmement, un élément de preuve concernant l’utilisation du mot « trust », troisièmement, le fait que la marque demandée a été enregistrée au Danemark et au Royaume-Uni, quatrièmement, un extrait d’un manuel de droit des marques de l’Union européenne et, cinquièmement, une décision rendue par l’EUIPO dans une procédure concernant la marque NATURE’S BEAUTY.

36      À cet égard, s’agissant de la définition invoquée par la requérante pour l’expression « brain trust », force est de constater que le fait que cette expression figure dans un dictionnaire et la définition que ce dictionnaire en donne, à savoir « groupe d’experts qui conseille des personnes importantes au sein d’un gouvernement ou d’une organisation », ne permettent pas d’établir que, dans le cas d’espèce, le mot « trust » sera compris par le public pertinent autrement que dans son sens le plus courant, ainsi qu’il ressort du point 27 ci-dessus. Cet argument n’est donc pas susceptible de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours en cause.

37      En outre, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, rien dans le dossier n’indique que le public pertinent serait susceptible de faire un parallèle entre l’expression « brain trust » et l’expression « designers trust », de sorte qu’il percevrait cette dernière comme étant un jeu de mots surprenant et inattendu compte tenu du secteur concerné.

38      S’agissant de l’élément de preuve produit par la requérante, en annexe à la requête, concernant l’utilisation du mot « trust » dans le sens « entité juridique », il y a lieu de relever qu’il ne concerne pas l’utilisation de l’expression « designers trust » en rapport avec les services concernés, mais concerne l’utilisation de l’expression « builders trust » en rapport avec des services d’assurance, celle de l’expression « nature trust » en rapport avec la promotion des questions environnementales, celle de l’expression « peoples trust » en rapport avec des services financiers, celle de l’expression « brain trust » en rapport avec un réseau professionnel, celle de l’expression « idea trust » en rapport avec des services de conseil, celle de l’expression « art trust » en rapport avec des services d’autocertification pour les artistes, celle de l’expression « nurse trust » en rapport avec une organisation à but non lucratif ainsi que celle de l’expression « traders trust » en rapport avec des services de courtage en ligne.

39      Dans ces conditions, cet élément de preuve n’est pas susceptible d’établir que, dans le secteur dont relèvent les services visés par la marque demandée, le public pertinent ne comprendrait pas immédiatement le premier mot de cette marque comme signifiant « concepteurs », le second mot de ladite marque comme signifiant « confiance dans une personne ou une chose », et la combinaison de ces deux mots comme signifiant que les concepteurs peuvent avoir confiance dans lesdits services.

40      Cet élément de preuve n’est donc pas susceptible de remettre en cause les appréciations en cause de la chambre de recours.

41      S’agissant du fait que la marque demandée a été enregistrée au Danemark et au Royaume-Uni, il y a lieu de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée).

42      Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47].

43      En outre, bien que la requérante ait produit, en annexe à la requête, la preuve que la marque demandée était enregistrée au Danemark et au Royaume-Uni, le seul fait que les autorités compétentes de ces pays aient accepté l’enregistrement de la marque demandée ne permet pas de conclure que la marque demandée est pourvue d’un caractère distinctif pour le public pertinent. En effet, en raison des différences linguistiques, culturelles, sociales ou économiques entre les États, il est possible qu’un signe qui est dépourvu de caractère distinctif dans un État ne le soit pas dans un autre (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 58).

44      Dès lors, le fait que la marque demandée ait été enregistrée au Danemark et au Royaume-Uni n’est pas susceptible de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours en cause.

45      S’agissant de l’extrait du manuel de droit des marques de l’Union européenne cité par la requérante, il y a lieu d’observer que cet extrait est sans rapport direct avec la marque demandée et se limite à une réflexion, à la fois générale et personnelle, de son auteur quant aux critères au regard desquels la capacité d’une marque à être enregistrée devrait être examinée.

46      Dans ces conditions, cet élément de preuve n’est pas susceptible de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours en cause.

47      S’agissant de la décision rendue par l’EUIPO dans une procédure concernant la marque NATURE’S BEAUTY, il y a lieu de rappeler que les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement 2017/1001 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique administrative antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

48      En l’espèce, il résulte de ce qui précède que la marque demandée ne permet au public pertinent ni d’identifier l’origine des services concernés, ni de les distinguer de ceux d’autres entreprises et que, partant, elle ne présente pas de caractère distinctif. Par conséquent, la chambre de recours a considéré à juste titre que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, eu égard à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, la requérante ne peut utilement invoquer une décision antérieure de l’EUIPO.

49      Il résulte de ce qui précède, le moyen unique de la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être écarté. En conséquence, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé et une audience ayant été tenue, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Timothy Jacob Jensen Studios A/S est condamnée aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.