Language of document : ECLI:EU:T:2002:167

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

25 juin 2002 (1)

«Décision 94/90/CECA, CE, Euratom - Accès du public aux documents de la Commission - Existence des documents - Non-lieu à statuer - Frais frustratoires»

Dans l'affaire T-311/00,

British American Tobacco (Investments) Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. S. Crosby, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. U. Wölker, X. Lewis et M. Shotter, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 7 septembre 2000 portant refus d'accorder l'accès à certains documents concernant les travaux préparatoires de la proposition de directive COM(1999) 594 final du Parlement européen et du Conseil, présentée par la Commission le 7 janvier 2000, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac (JO C 150 E, p. 43),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, M. Vilaras et N. J. Forwood, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite des audiences du 20 juin 2001, du 25 octobre 2001 et du 5 mars 2002,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    La requérante, British American Tobacco (Investments) Ltd, est une société établie au Royaume-Uni faisant partie du groupe British American Tobacco, dont la principale activité est la fabrication, la distribution et la vente de produits du tabac.

2.
    Le 7 janvier 2000, la Commission a présenté la proposition de directive COM(1999) 594 final du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac (JO C 150 E, p. 43, ci-après la «proposition de directive»).

3.
    Par lettre du 6 juin 2000 adressée à la Commission, la requérante a demandé, pour le compte du groupe British American Tobacco, sur la base de la décision 94/90/CECA, CE, Euratom, de la Commission, du 8 février 1994, relative à l'accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58), la communication, d'une part, de l'ensemble des travaux de la recherche scientifique internationale pris en compte par la Commission ainsi que les comptes rendus d'examen de ces travaux par cette dernière sur lesquels elle a fondé sa proposition de directive et, d'autre part, des procès-verbaux afférents aux réunions des comités des experts cancérologues (à savoir le comité de cancérologues de haut niveau, le Haut comité d'experts cancérologues et le comité consultatif pour la prévention du cancer, ci-après, pris ensemble, le «comité des experts cancérologues») portant évaluation de la totalité desdits travaux.

4.
    Par lettre du 12 juillet 2000, le directeur général de la direction générale «Santé et protection des consommateurs» a transmis à la requérante les recommandations du comité d'experts cancérologues concernant le tabac, adoptées à Helsinki le 2 octobre 1996 (ci-après les «recommandations de 1996»), annexées à la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, du 18 décembre 1996, sur le rôle actuel et projeté de la Communauté dans la lutte contre la consommation de tabac, ainsi qu'une liste des publications scientifiques consultées par les services de la Commission lors de l'élaboration de la proposition de directive.

5.
    Le directeur général a, par ailleurs, souligné que les recommandations de 1996 avaient fait l'objet de discussions préparatoires approfondies sous les auspices du Haut comité d'experts cancérologues, hors de la présence des services de la Commission, mais que, hormis ce texte, aucun procès-verbal officiel n'avait été adopté. En conséquence, pour de plus amples renseignements concernant les travaux scientifiques ayant servi de base à ces recommandations, il a invité la requérante à s'adresser à l'expert désigné par le président du Haut comité d'experts cancérologues pour préparer ce dossier.

6.
    Par lettre du 26 juillet 2000, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 28 juillet suivant, la requérante a introduit une demande confirmative, au sens de la décision 94/90, en faisant valoir que la réponse du directeur général comportait un refus de lui donner accès aux documents demandés.

7.
    Par lettre du 30 août 2000, la requérante a indiqué au secrétaire général de la Commission que le délai de réponse à la demande confirmative avait expiré la veille et que, à défaut de décision expresse le 7 septembre suivant, elle introduirait un recours en annulation devant le Tribunal.

8.
    Par lettre du 7 septembre 2000, le secrétaire général de la Commission a répondu que, s'agissant tout d'abord des travaux de la recherche scientifique internationale auxquels la requérante se référait, et des comptes rendus de la Commission portant sur leur évaluation, les travaux en question avaient été analysés par les experts scientifiques ayant préparé les recommandations de 1996 sur la base desquelles la Commission avait ensuite élaboré la proposition de directive. Toutefois, il était souligné que la totalité des documents relatifs à ces travaux n'avait été transmise ni au comité des experts cancérologues ni aux services de la Commission et n'avait pas, non plus, été analysée par eux. S'agissant, par ailleurs, de la demande d'accès aux procès-verbaux des réunions du comité des experts cancérologues relatifs à l'évaluation des travaux de la recherche scientifique internationale, le secrétaire général a indiqué qu'aucun de ces procès-verbaux n'avait un tel objet. En conclusion, le secrétaire général invitait, à nouveau, la requérante à s'adresser à l'expert ayant préparé le dossier relatif aux recommandations de 1996 si elle désirait obtenir plus de détails sur les travaux scientifiques effectués.

9.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2000, la requérante a introduit le présent recours.

10.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

11.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 20 juin 2001. Lors de l'audience, le Tribunal a décidé que la citation de plusieurs témoins serait ordonnée dans le but de vérifier si, aux fins de l'élaboration des recommandations de 1996, des documents relatifs aux travaux de la recherche scientifique internationale ont préalablement été transmis au Haut comité d'experts cancérologues et/ou au groupe de travail institué à cet effet et si les réunions dudit comité relatives à l'élaboration des recommandations de 1996 ont fait l'objet de procès-verbaux. En conséquence, la procédure orale a été suspendue.

12.
    Par ordonnance du 13 juillet 2001, le Tribunal a, conformément à l'article 68 de son règlement de procédure, ordonné d'office la citation de quatre témoins et une avance des fonds nécessaires à l'audition de ces derniers par la caisse du Tribunal.

13.
    La veille de l'audience prévue pour l'audition des témoins, soit le 24 octobre 2001, le Tribunal a reçu un courrier émanant de l'un des témoins cités, le professeur Veronesi. Ce dernier, dans l'impossibilité de se présenter devant la juridiction pour des raisons professionnelles, a répondu par écrit aux questions du Tribunal figurant dans l'ordonnance du 13 juillet 2001 et a, notamment, indiqué que les réunions du Haut comité d'experts cancérologues faisaient l'objet de procès-verbaux.

14.
    Le même jour, la Commission a communiqué à la requérante les procès-verbaux des 22e et 23e réunions du comité des experts cancérologues, ayant eu lieu, respectivement, le 23 novembre 1995 à Luxembourg et les 23 et 24 mai 1996 à Milan ainsi que le procès-verbal de la réunion dudit comité qui s'est tenue à Dublin les 7 et 8 novembre 1996.

15.
    Dans la lettre accompagnant les documents en cause, la Commission a informé la requérante qu'elle allait lui adresser, dès l'obtention de l'accord de leurs auteurs, deux autres documents.

16.
    Dans ces circonstances, le Tribunal a, lors de l'audience du 25 octobre 2001, estimé qu'il n'était pas nécessaire de procéder à l'audition des témoins et a fixé un délai de trois semaines afin de permettre la communication de nouveaux documents à la requérante, les parties devant également faire connaître, dans ce délai, leur position sur la suite à donner à la présente affaire. En conséquence, la procédure orale a été une nouvelle fois suspendue.

17.
    Les 14 novembre et 5 décembre 2001, la Commission a transmis à la requérante de nouveaux documents, à savoir:

-    le rapport final du ministère des Affaires sociales et de la Santé finlandais concernant la conférence de «consensus» sur le tabagisme qui s'est tenue, sous les auspices du comité des experts cancérologues, à Helsinki, le 2 octobre 1996 et une étude intitulée «Cancer, tabagisme et décès prématuré en Europe», rédigée par le professeur Boyle pour le comité et la conférence susvisés (transmission du 14 novembre 2001);

-    une recherche bibliographique préparée en juillet 1996 par le «Health Promotion Wales» dans le cadre d'un contrat conclu avec la Commission.

18.
    Par lettre datée du 10 décembre 2001, la requérante a fait parvenir au Tribunal ses observations à la suite de la communication de ces documents. Elle a demandé au Tribunal de rendre un arrêt pour trancher le litige et de condamner la Commission à supporter tous les dépens, y compris ceux afférents à l'audience du 25 octobre 2001.

19.
    Les observations de la Commission sur cette lettre datées du 21 janvier 2002 sont parvenues au greffe du Tribunal le lendemain.

20.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé de poursuivre la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, a invité la Commission à répondre à une question écrite. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

21.
    Par courrier daté du 5 février 2002, la requérante a formulé une demande de mesures d'organisation de la procédure ayant pour objet d'interroger la Commission sur la question de l'existence d'une évaluation écrite interne des travaux de la recherche scientifique internationale. La Commission s'est opposée à cette demande par lettre du 19 février 2002.

22.
    Immédiatement avant le début de l'audience qui s'est tenue le 5 mars 2002, la Commission a communiqué à la requérante et au Tribunal un nouveau document. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de cette audience.

23.
    Par télécopie datée du 6 juin 2002, la requérante a formulé une demande de mesure d'organisation de la procédure ayant pour objet la prise en compte par le Tribunal de faits nouveaux.

Conclusions des parties

24.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision du 7 septembre 2000;

-    condamner la Commission aux dépens.

25.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable;

-    à titre subsidiaire, rejeter le recours comme dénué de fondement;

-    condamner la requérante aux dépens.

26.
    Ces conclusions ont été partiellement modifiées en cours de procédure compte tenu de l'évolution des données initiales du litige résultant de la communication par la Commission de plusieurs documents à la requérante (voir point 34 ci-dessous).

Sur la recevabilité

Arguments des parties

27.
    La Commission soutient que le recours est irrecevable au motif que la lettre du secrétaire général du 7 septembre 2000, contre laquelle il est dirigé, n'affecte pas la position juridique de la requérante et ne constitue donc pas un acte attaquable.

28.
    À cet égard, la Commission fait valoir que, par la lettre du 12 juillet 2000 du directeur général de la direction générale «Santé et protection des consommateurs», elle avait déjà donné accès aux documents qu'elle possédait et qui se trouvaient dans le champ d'application du code de conduite. Dès lors, la lettre subséquente du 7 septembre 2000 du secrétaire général ne comporterait aucun refus de donner accès à des documents relevant du champ d'application du code de conduite, tel qu'adopté par la décision 94/90.

29.
    La requérante rétorque que, par sa lettre du 7 septembre 2000, la Commission a refusé de communiquer des documents qu'elle détient ou dont elle a le contrôle, et en déduit qu'il s'agit donc d'une décision affectant sa situation juridique contre laquelle un recours en annulation est recevable.

Appréciation du Tribunal

30.
    Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants (voir, notamment, arrêt de la Cour du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C-147/96, Rec. p. I-4723, point 25 et la jurisprudence citée).

31.
    En l'espèce, la lettre du secrétaire général de la Commission, du 7 septembre 2000, par laquelle il a été indiqué, en substance, que les documents demandés n'étaient pas détenus par la Commission, ou n'existaient pas, a pour effet d'en refuser l'accès et affecte donc les intérêts de la requérante.

32.
    L'argument selon lequel la Commission n'aurait pas refusé de donner l'accès aux «documents se trouvant dans le champ d'application du code de conduite», tel qu'adopté par la décision 94/90, n'est pas de nature à infirmer cette conclusion. Indépendamment de la question de savoir si la Commission était tenue ou non de donner l'accès auxdits documents, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une décision négative susceptible de recours.

33.
    En conséquence, le présent recours doit être considéré comme recevable.

Sur le fond

34.
    Lors du déroulement de la présente procédure, la Commission a communiqué à la requérante, à plusieurs reprises, différents documents, ce qui a entraîné une modification des données initiales du litige. Le Tribunal estime nécessaire d'examiner l'incidence de ces transmissions au regard des trois catégories de documents visées dans la demande d'accès du 6 juin 2000.

Procès-verbaux relatifs aux réunions du comité des experts cancérologues portant évaluation des travaux de la recherche scientifique internationale

35.
    Le Tribunal rappelle que la décision 94/90 est un acte qui confère aux citoyens un droit d'accès aux documents détenus par la Commission. Toutefois, la possibilité pour cette dernière de faire droit à une demande d'accès suppose, à l'évidence, que ces documents existent. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, conformément à la présomption de légalité qui s'attache aux actes communautaires, l'inexistence d'un document auquel l'accès a été demandé est présumée lorsqu'une affirmation en ce sens est faite par l'institution concernée. Il s'agit néanmoins d'une présomption simple que le requérant peut renverser par tous moyens, sur la base d'indices pertinents et concordants (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 octobre 2000, JT's Corporation/Commission, T-123/99, Rec. p. II-3269, point 58).

36.
    En l'espèce, la Commission a communiqué à la requérante, le 24 octobre 2001, les procès-verbaux des 22e et 23e réunions du comité des experts cancérologues, ayant eu lieu, respectivement, le 23 novembre 1995 à Luxembourg et les 23 et 24 mai 1996 à Milan ainsi que le procès-verbal de la réunion dudit comité qui s'est tenue à Dublin les 7 et 8 novembre 1996.

37.
    Dans le cadre de ses observations datées du 10 décembre 2001, la requérante a fait observer que les procès-verbaux relatifs aux réunions du comité des experts cancérologues, transmis par la Commission le 24 octobre 2001, ne comportent aucune évaluation des travaux de la recherche scientifique internationale. Elle a également indiqué que, à la condition qu'elle soit désormais en possession de tous les procès-verbaux dudit comité, ce qu'elle demande à la Commission de lui confirmer, elle admet que son recours n'est pas fondé en ce qu'il porte sur cette catégorie de document.

38.
    Dans ses observations du 21 janvier 2002, la Commission a confirmé que la requérante est en possession de tous les procès-verbaux des réunions du comité des experts cancérologues pertinents et soutenu que le recours est, à cet égard, non fondé.

39.
    Le Tribunal relève que la requérante n'a pas avancé d'indices pertinents ni, a fortiori, concordants, au sens de l'arrêt JT's Corporation/Commission, précité, permettant de douter de l'affirmation de la Commission selon laquelle ni cette dernière ni le comité des experts cancérologues ne détiennent des procès-verbaux afférents aux réunions dudit comité et portant évaluation des travaux de la recherche scientifique internationale, objet de la demande d'accès.

40.
    Dans ces conditions, le Tribunal constate que la requérante est en possession de tous les procès-verbaux des réunions du comité des experts cancérologues pertinents et que ces procès-verbaux ne comportent pas d'évaluation des travaux de la recherche scientifique internationale, telle que visée dans la demande d'accès. Il y a lieu, dès lors, de rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne la catégorie de documents présentement examinée.

Documents afférents à la recherche scientifique internationale pris en compte par la Commission

41.
    Le Tribunal constate que la Commission a communiqué à la requérante la liste des publications scientifiques consultées par ses services, une étude intitulée «Cancer, tabagisme et décès prématuré en Europe», rédigée par le professeur Boyle pour le comité des experts cancérologues en vue de la conférence d'Helsinki, et une recherche bibliographique établie en juillet 1996 par le Health Promotion Wales dans le cadre d'un contrat conclu avec la Commission, un exemplaire de ladite recherche ayant été directement adressé à M. J. Ryan, chef d'unité au sein de la direction générale «Santé et protection des consommateurs» de la Commission.

42.
    Dans ses observations du 10 décembre 2001, la requérante a indiqué, en substance, que, sous réserve d'une confirmation par la Commission de l'absence de possession d'autres écrits susceptibles d'appartenir à la catégorie susvisée, son recours n'avait plus d'objet en ce qui concerne cette catégorie de documents.

43.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a précisé que, en dehors de ceux déjà communiqués à la requérante, il n'existe pas d'autres documents, en sa possession ou celle du comité des experts cancérologues, relevant de la catégorie des documents afférents à la recherche scientifique internationale sur la base desquels elle a établi la proposition de directive.

44.
    À l'audience du 5 mars 2002, la requérante a confirmé qu'il n'y avait plus de difficultés concernant cette catégorie de documents.

45.
    En conséquence, le Tribunal estime que le recours est devenu sans objet en ce qui concerne la catégorie de documents présentement examinée et qu'il n'y a plus lieu de statuer sur ce point.

Comptes rendus de la Commission portant évaluation des travaux de la recherche scientifique internationale et sur lesquels est basée la proposition de directive

46.
    Lors de l'audience du 5 mars 2002, la Commission a précisé que le document communiqué à la requérante, immédiatement avant le début de l'audience, a été établi et transmis à ses services, antérieurement à l'élaboration de la proposition de directive, par un consultant agissant pour le compte de l'institution et constitue le seul document susceptible de correspondre à la demande de la requérante. Elle a également confirmé que ce document doit être considéré comme étant sien.

47.
    La requérante fait valoir, pour sa part, que le document en cause ne constitue pas ou ne contient pas l'évaluation par la Commission des travaux précités, telle que visée dans sa demande d'accès, tout en admettant ne pas pouvoir fournir davantage de preuve à l'appui de son affirmation selon laquelle cette évaluation interne existe.

48.
    Le Tribunal constate que le document en cause, établi pour le compte de la Commission et qui constitue un document détenu par celle-ci, comporte une appréciation des travaux de la recherche scientifique internationale auxquels il est fait référence dans de nombreuses notes de bas de page. Cette appréciation porte, notamment, sur les questions touchant à la teneur maximale en goudron et en nicotine par cigarette ainsi qu'à l'utilisation des termes «light» et «mild» pour qualifier certaines cigarettes et l'impact de ces termes sur la consommation tabagique.

49.
    Dans ces circonstances, et en l'absence d'indices pertinents et concordants permettant de conclure à l'existence d'un autre document contenant une évaluation écrite par la Commission des travaux de la recherche scientifique internationale (voir, en ce sens, arrêt JT's Corporation/Commission, précité, point 58), le Tribunal estime que la requérante a vu sa demande d'accès satisfaite sur ce point. Dès lors, le recours doit être considéré comme étant sans objet dans la mesure où il concerne cette dernière catégorie de documents.

Sur les demandes de mesures d'organisation de la procédure

50.
    Le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de mesures d'organisation de la procédure formulée par la requérante par courrier du 5 février 2002, ladite demande étant, en l'état, dépourvue d'intérêt pour la solution du litige (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 22 février 2000, ACAV e.a./Conseil, T-138/98, Rec. p. II-341, point 72).

51.
    Pour ce qui est de la demande du 6 juin 2002, il convient de relever que, par celle-ci, la requérante sollicite du Tribunal la prise en considération de faits nouveaux apparus à la suite d'une demande d'accès à des documents qu'elle a adressée à la Commission le 22 avril 2002 et de la réponse de l'institution fournie par lettre du 6 juin 2002.

52.
    Dans ces circonstances, il convient d'interpréter la demande de la requérante comme visant à obtenir, en réalité, une réouverture de la procédure orale aux fins de prise en compte des faits nouveaux allégués.

53.
    À cet égard, selon la jurisprudence, le Tribunal n'est tenu de faire droit à une telle demande que si la partie intéressée se fonde sur des faits de nature à exercer une influence décisive sur la solution du litige qu'elle n'avait pu faire valoir avant la fin de la procédure orale (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, ICI/Commission, C-200/92 P, Rec. p. I-4399, points 60 et 61).

54.
    Les faits nouveaux avancés par la requérante recouvrent deux prétendues contradictions entre les déclarations du représentant de la Commission lors de l'audience du 5 mars 2002 et les réponses fournies par l'institution à sa demande d'accès datée du 22 avril 2002 et concernent, l'une, la date à laquelle a été établi le document communiqué par la Commission immédiatement avant le début de l'audience susmentionnée, l'autre, la destination dudit document.

55.
    Ainsi, contrairement aux déclarations du représentant de la Commission, le document en cause n'aurait pas été, d'une part, établi après 1998, dans la mesure où il a été remis par son auteur à la Commission en automne 1998 et, d'autre part, transmis au cabinet du Commissaire chargé de la santé et de la protection des consommateurs mais seulement aux services de la Commission.

56.
    La requérante en déduit que, jusqu'à l'audience du 5 mars 2002, le document en cause était ignoré par la Commission, qu'il ne relève pas de la catégorie de documents visée dans sa demande d'accès initiale du 6 juin 2000 sous la qualification de comptes rendus internes d'examen des travaux de la recherche scientifique internationale sur le tabagisme, sur lesquels est basée la proposition de directive COM (1999) 594 final, et qu'il ne peut être reconnu comme tel par le Tribunal dans son arrêt.

57.
    Force est de constater qu'aucun de ces faits n'est susceptible d'avoir une influence décisive sur la solution du litige au sens de la jurisprudence précitée.

58.
    La contradiction quant à la date d'établissement et de transmission à la Commission du document en cause est, en effet, dépourvue de toute pertinence, dans la mesure où, quelle que soit la date retenue, automne 1998 ou après 1998, le document est antérieur à la proposition de directive du 7 janvier 2000, seul élément temporel pertinent par rapport à la problématique de la qualification du document en cause et à l'objet de la demande d'accès aux documents de la requérante, tel que rappelé au point 3 ci-dessus, sur lequel le Tribunal est exclusivement appelé à se prononcer dans le cadre du présent litige.

59.
    La contradiction alléguée quant à la destination de ce dernier est également dépourvue de tout intérêt, dans la mesure où il demeure certain que le document en cause, établi pour le compte de la Commission, a bien été transmis à celle-ci et qu'il constitue un document détenu par cette institution.

60.
    Quant aux conclusions de la requérante mentionnées au point 56 ci-dessus, elles ne contiennent aucun fait nouveau, à proprement parler, et relèvent de l'appréciation de la requérante, étant précisé qu'il appartient au seul Tribunal de donner l'exacte qualification au document en cause.

61.
    En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de réouverture de la procédure orale formulée par la requérante le 6 juin 2002.

Sur les dépens

62.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires. En outre, l'article 87, paragraphe 6, dudit règlement prévoit que, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

63.
    Ainsi que le Tribunal l'a constaté ci-dessus, si le recours est devenu sans objet en ce qu'il porte sur les documents afférents aux travaux de la recherche scientifique internationale pris en compte par la Commission et l'évaluation écrite desdits travaux réalisée par cette dernière, il doit être rejeté comme non fondé dans la mesure où il concerne la catégorie de documents constituée par les procès-verbaux relatifs aux réunions du comité des experts cancérologues portant évaluation des travaux de la recherche scientifique internationale.

64.
    Dans ses observations du 21 janvier 2002, la Commission indique expressément que les procès-verbaux du comité des experts cancérologues transmis à la requérante le 24 octobre 2001 auraient dû l'être à la première demande de la requérante et reconnaît que cette dernière a dû, pour introduire son recours, supporter des coûts qui n'étaient normalement pas nécessaires. Ce faisant, la Commission admet que son comportement a favorisé la naissance du litige et amené la requérante à exposer des frais inutiles.

65.
    Le Tribunal observe également que ce n'est qu'à la suite de l'ordonnance de citation des témoins et après le témoignage écrit de l'un d'entre eux que la Commission a retrouvé et communiqué à la requérante, la veille de l'audience prévue pour l'audition des témoins, les procès-verbaux pertinents du comité des experts cancérologues. En outre, près de 21 mois après la demande d'accès initiale et après avoir régulièrement nié son existence, la Commission a encore retrouvé un document qu'elle a communiqué à la requérante quelques minutes seulement avant le début de l'audience du 5 mars 2002.

66.
    Eu égard au comportement particulièrement regrettable de la Commission dans le cadre de cette affaire, celle-ci devra supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, à l'exception des dépens liés à la demande de réouverture de la procédure orale et ce compte tenu de son caractère inopportun.

67.
    Dans ces circonstances, la Commission devra également rembourser au Tribunal les sommes avancées par la caisse de la juridiction au titre de la convocation des témoins cités d'office.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)     Le recours est rejeté dans la mesure où il concerne la catégorie de documents constituée par les procès-verbaux relatifs aux réunions du comité des experts cancérologues portant évaluation des travaux de la recherche scientifique internationale.

2)    Il n'y a plus lieu de statuer pour le surplus.

3)    La Commission est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, à l'exception des dépens liés à la demande de réouverture de la procédure orale. La Commission est également condamnée à supporter les dépens afférents à la convocation des témoins.

Vesterdorf
Vilaras
Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, 25 juin 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'anglais.