Language of document : ECLI:EU:T:2015:242

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 avril 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale SHADOW COMPLEX – Marque communautaire verbale antérieure BusinessShadow – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑717/13,

Chair Entertainment Group LLC, établie à Provo, Utah (États-Unis), représentée par Me E. Armijo Chávarri, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme M. Rajh, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Libelle AG, établie à Stuttgart (Allemagne), représentée par Me E. Strauß, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 1er octobre 2013 (affaire R 776/2011‑2), relative à une procédure d’opposition entre Libelle AG et Chair Entertainment Group LLC,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 15 avril 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 avril 2009, la requérante, Chair Entertainment Group LLC, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SHADOW COMPLEX.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Logiciels de jeux pour ordinateurs personnels et consoles de jeux vidéo personnelles ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 26/2009, du 13 juillet 2009.

5        Le 9 octobre 2009, l’intervenante, Libelle AG (anciennement Libelle Informatik GmbH), a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009 à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci‑dessus.

6        L’opposition était, notamment, fondée sur la marque communautaire verbale antérieure BusinessShadow, enregistrée le 13 septembre 2005 sous le numéro 3749439, désignant, notamment, les produits relevant de la classe 9 correspondant à la description suivante : « Programmes informatiques enregistrés (logiciels) ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

8        Le 14 février 2011, la division d’opposition a accueilli l’opposition pour tous les produits contestés.

9        Le 8 avril 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 1er octobre 2013 (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit. En particulier, la chambre de recours a considéré que :

–        les consommateurs intéressés tant par les produits couverts par la marque demandée, relevant de la classe 9, que par ceux couverts par la marque antérieure, relevant également de la classe 9, étaient des membres du grand public de l’Union européenne normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés ;

–        il existait une identité entre les produits relevant de la classe 9 couverts par les deux marques ;

–        le terme « shadow », signifiant « obscurité comparative » en anglais, pouvait être utilisé, dans le secteur du marché concerné, dans un sens précis afin de désigner une copie d’un original, les « clichés instantanés » ;

–        les éléments « business » et « complex » étaient susceptibles d’être perçus comme des éléments descriptifs pour les produits en cause. Ils ont une importance secondaire au sein des marques ;

–        bien que le public anglophone ait compris la signification de l’ensemble des termes composant les marques en conflit, il n’attribuera probablement pas de signification particulière aux deux marques dans leur ensemble ;

–        les signes étaient semblables à un faible degré sur les plans visuel et phonétique en raison de la présence du terme « shadow ». Pour la partie du public comprenant la signification du terme « shadow », les signes seront similaires sur le plan conceptuel ;

–        il existait un risque de confusion entre les marques en conflit, à tout le moins pour la partie anglophone du grand public de l’Union. La marque demandée pourrait également être perçue comme une variante de la marque antérieure ;

–        dans la mesure où il était conclu à l’existence d’un risque de confusion avec une des marques antérieures, il n’était pas nécessaire d’examiner les autres droits antérieurs invoqués à l’appui de l’opposition.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

15      Elle estime qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit et conteste, en particulier, les conclusions de la chambre de recours relatives à la composition et au niveau d’attention du public pertinent, ainsi qu’à la similitude des produits et des signes.

16      L’OHMI et l’intervenante estiment, quant à eux, que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

20      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe dans une partie de la Communauté [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

21      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur le public pertinent

22      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

23      Le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est constitué par les utilisateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services visés par la marque antérieure que ceux visés par la marque demandée [arrêt du 1er juillet 2008, Apple Computer/OHMI – TKS-Teknosoft (QUARTZ), T‑328/05, EU:T:2008:238, point 23].

24      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, au point 21 de la décision attaquée, que le public pertinent commun des « programmes informatiques enregistrés (logiciels) » couverts par la marque antérieure et de « logiciels pour jeux pour ordinateurs personnels et consoles de jeux vidéo personnelles » était composé des consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.

25      La requérante conteste la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours et soutient que le public pertinent en l’espèce est composé de consommateurs de la jeune génération, intéressés par les jeux pour ordinateurs et les jeux vidéo ainsi que de professionnels des technologies de l’information spécialisés dans ce domaine, l’ensemble de ce public ayant un degré d’attention supérieur à la moyenne. Elle se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 9 septembre 2010, adp Gauselmann/OHMI – Maclean (Archer Maclean's Mercury) (T‑106/09, EU:T:2010:380).

26      En l’espèce, il convient de considérer que, même si les produits « logiciels pour jeux pour ordinateurs personnels et consoles de jeux vidéo personnelles » couverts par la marque demandée s’adressent également au jeune public, ce public ne saurait être considéré comme étant le seul destinataire des produits en question. De même, ainsi qu’il a été rappelé au point 23 ci-dessus, le public pertinent doit être défini en prenant en compte les utilisateurs susceptibles d’utiliser l’ensemble des produits en cause. Or, ainsi qu’il ressort du dossier, les produits couverts par la marque antérieure, à savoir les programmes informatiques enregistrés (logiciels) s’adressent à l’ensemble des consommateurs. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a retenu que les produits en cause s’adressaient au grand public de l’Union.

27      S’agissant du niveau d’attention du public pertinent, il convient d’observer que, ainsi que le fait valoir l’OHMI, selon la jurisprudence, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [voir arrêt du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI – Société de développement et de recherche industrielle (ERGO), T‑220/09, EU:T:2011:392, point 21 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que, nonobstant la possibilité qu’une partie du public pertinent puisse avoir un degré d’attention plus élevé, c’est à bon droit que la chambre de recours a retenu que le degré d’attention du public pertinent à prendre en compte était normal. Les arguments de la requérante sont, dès lors, inopérants.

 Sur la comparaison des produits

28      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

29      Il convient de rappeler également que, lorsque les produits visés par la marque antérieure incluent les produits visés par la demande de marque, ces produits sont considérés comme identiques [voir arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 34 et jurisprudence citée].

30      La chambre de recours a considéré, au point 27 de la décision attaquée, que les produits couverts par la marque antérieure incluaient ceux couverts par la marque demandée et a confirmé les conclusions de la division d’opposition relatives à l’identité des produits en cause.

31      La requérante soutient que la position de la chambre de recours d’accorder la protection de la marque antérieure à l’ensemble des produits couverts par l’indication générale utilisée, certes conforme aux points V et VII de la communication n° 2/12 du président de l’OHMI, du 20 juin 2012, serait contraire aux principes énoncés par la Cour dans son arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, Rec, EU:C:2012:361), notamment aux points 49, 61 et 62 de cet arrêt. Selon la requérante, l’application de cet arrêt au cas d’espèce aurait dû amener la chambre de recours à examiner l’existence d’une identité ou d’une similitude entre les produits en cause en se référant à la liste des produits couverts par la marque antérieure au sens littéral uniquement. Elle estime que l’application du point V de la communication n° 2/12 accorderait aux marques communautaires antérieures une protection étendue et inappropriée et estime que devraient être considérés comme les produits couverts par la marque antérieure uniquement les « logiciels complexes pour la protection de bases de données et systèmes de fichiers » qui ne seraient pas semblables aux produits couverts par la marque demandée.

32      Dans le domaine d’application de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25), la question de l’interprétation de la référence aux indications générales des intitulés de classes de la classification selon l’arrangement de Nice a fait l’objet de l’arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, point 31 supra (EU:C:2012:361). Au point 56 de cet arrêt, la Cour a constaté que de telles indications générales pouvaient être utilisées afin d’identifier les produits et les services désignés par la demande de marque, pour autant qu’une telle identification fût suffisamment claire et précise.

33      Or, en l’espèce l’intitulé des produits de la classe 9 couverts par la marque antérieure, à savoir les « programmes informatiques enregistrés (logiciels) » est suffisamment clair et précis. L’argument de la requérante selon lequel 108 produits relèveraient de cette catégorie est, à cet égard, dénué de pertinence. Dans la mesure où l’intitulé même de la classe 9 contient le terme « logiciels », les produits couverts par la marque antérieure sont nécessairement identiques aux logiciels de jeux pour ordinateurs personnels et consoles de jeux vidéo personnelles couverts par la marque demandée.

34      La Cour a par ailleurs jugé que le demandeur d’une marque nationale qui utilisait toutes les indications générales de l’intitulé d’une classe particulière de la classification de Nice pour identifier les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque était demandée devait préciser si la demande visait l’ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe ou seulement certains de ces produits ou services et que, au cas où la demande porterait uniquement sur certains desdits produits ou services, le demandeur était obligé de préciser quels produits ou services relevant de ladite classe étaient visés (arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, point 31 supra, EU:C:2012:361, point 61).

35      Dans ces circonstances, au regard de l’incidence de l’arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, point 31 supra (EU:C:2012:361) sur les demandes de marque présentées antérieurement à son prononcé, le président de l’OHMI a publié, au lendemain du prononcé dudit arrêt, la communication n° 2/12 concernant l’utilisation des intitulés de classe dans des listes de produits et services pour les demandes et les enregistrements de marque communautaire. Il ressort du point V de cette communication que l’OHMI a considéré que, en ce qui concernait les marques communautaires enregistrées avant la date du 21 juin 2012, l’utilisation de toutes les indications générales, énumérées dans l’intitulé d’une classe particulière, traduisait l’intention du demandeur de couvrir, par sa demande, la totalité des produits ou services répertoriés dans la liste alphabétique relative à cette classe [voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2014, Scooters India/OHMI – Brandconcern (LAMBRETTA), T‑51/12, EU:T:2014:844, point 25 et jurisprudence citée].

36      Or, en l’espèce, la marque communautaire antérieure a été enregistrée le 13 septembre 2005.

37      À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà reconnu que le principe de sécurité juridique commandait de considérer que, en utilisant toutes les indications générales énumérées dans l’intitulé d’une classe, le titulaire d’une marque communautaire enregistrée avant l’entrée en vigueur de la communication n° 2/12 avait l’intention de couvrir tous les produits ou services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe (voir arrêt LAMBRETTA, point 35 supra, EU:T:2014:844, point 34 et jurisprudence citée). Il en découle que l’approche retenue dans la communication n° 2/12 vise précisément à tirer les conclusions de l’arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, point 31 supra (EU:C:2012:361). La requérante ne saurait dès lors soutenir que ladite communication est contraire aux principes énoncés par la Cour dans son arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, point 31 supra (EU:C:2012:361).

38      Il s’ensuit que c’est à bon droit que les instances de l’OHMI ont opéré une comparaison entre les « programmes informatiques enregistrés (logiciels) » couverts par la marque antérieure et les « logiciels de jeux pour ordinateurs personnels et consoles de jeux vidéo personnelles ». De même, ainsi que l’ont considéré les instances de l’OHMI, les produits en cause sont identiques dans la mesure où, conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, les produits couverts par la marque antérieure incluent ceux couverts par la marque demandée.

 Sur la comparaison des signes

39      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

40      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 39 supra, EU:C:2007:333, point 41 et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, point 39 supra, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, EU:C:2007:539, point 43).

41      En l’espèce il y a lieu de comparer le signe demandé shadow complex avec le signe antérieur BusinessShadow.

42      La requérante soutient que le signe antérieur doit être appréhendé comme étant un seul mot.

43      Il convient de rappeler, ainsi que le fait également valoir l’OHMI, que, s’il est vrai que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt OHMI/Shaker, point 39 supra, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée), il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui‑ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 10 juillet 2012, Clorox/OHMI – Industrias Alen (CLORALEX), T‑135/11, EU:T:2012:356, point 27 et jurisprudence citée]. En l’espèce, il y a lieu de considérer que le grand public reconnaîtra, dans le signe antérieur, au moins le terme « business » signifiant notamment « activité économique » et couramment utilisé dans les affaires. L’argument de la requérante selon lequel il convient d’apprécier le signe antérieur comme étant un seul mot ne saurait, dès lors, prospérer.

44      De même, la requérante conteste les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles l’élément « shadow » serait l’élément dominant des signes en cause. Elle fait valoir qu’un élément descriptif, tel que « shadow » pour les programmes informatiques, ne peut pas dominer l’impression produite par les signes en cause et estime qu’aucun des deux signes ne comporte d’élément dominant.

45      À cet égard, il convient de noter que la chambre de recours a apprécié, dans un premier temps, le caractère distinctif de l’ensemble des éléments composant les signes en cause. Elle a estimé que l’élément « business » était compris par une majorité du public pertinent comme signifiant « entreprise commerciale » ou « activité économique ». Quant à l’élément « complex », inclus dans le signe demandé, il est susceptible d’être compris par les consommateurs anglais, français, italiens et roumains comme signifiant « constitué de/comprenant diverses parties » ou « compliqué ». Ce raisonnement de la chambre de recours doit être approuvé dans la mesure où ces deux éléments, très courants, sont susceptibles d’être perçus comme ayant un caractère distinctif faible pour les produits en cause par une grande partie du public pertinent.

46      S’agissant de l’élément « shadow », un mot anglais signifiant « obscurité comparative, notamment celle résultant de l’interception de la lumière », ainsi qu’il ressort du point 30 de la décision attaquée, il peut désigner, dans le secteur ou marché concerné, une copie d’un original ou « cliché instantané ». Cependant, comme l’a estimé la chambre de recours, cet élément, combiné aux éléments « business » ou « complex » n’a pas un sens descriptif. Par ailleurs, il est peu probable que le grand public comprenne la signification particulière de l’élément « shadow » dans le domaine informatique, notamment lorsqu’il sera confronté aux logiciels de jeux pour ordinateurs personnels, les produits couverts par la marque demandée.

47      Il s’ensuit que l’élément « shadow » est l’élément le plus distinctif de chacun des signes en cause. La chambre de recours n’a donc commis aucune erreur.

48      S’agissant de la comparaison des signes sur le plan visuel, la requérante estime que les signes en cause sont différents quant à la position qu’occupe l’élément commun « shadow » et la présence d’éléments additionnels.

49      À cet égard, il convient de considérer qu’il existe une similitude entre les signes en cause sur le plan visuel en raison de la présence, au sein de deux signes, de l’élément « shadow ». Contrairement aux conclusions de la chambre de recours, il convient de qualifier cette similitude comme étant moyenne. Certes, les deux signes comportent, chacun, un élément verbal additionnel, à savoir « business » et « complex » et l’élément commun « shadow » occupe une position différente dans chacun des signes, toutefois, ainsi qu’il a été considéré au point 47 ci‑dessus, l’élément « shadow » est l’élément le plus distinctif dans les deux signes en cause.

50      En outre, il convient de réfuter l’argument de la requérante relatif à la dissemblance des signes en cause en raison de l’utilisation des caractères minuscules et majuscules dans chacun des signes. Cette circonstance est sans incidence dès lors que la protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir [voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008, Radio Regenbogen Hörfunk in Baden/OHMI (RadioCom), T‑254/06, EU:T:2008:165, point 43].

51      S’agissant de la comparaison des signes sur le plan phonétique, la requérante admet que les signes coïncident quant à la prononciation de l’élément « shadow », mais se différencient en raison des éléments additionnels « business » et « complex ».

52      À cet égard, il convient de relever que la requérante approuve, de manière implicite, les conclusions de la chambre de recours qui, au point 36 de la décision attaquée, a affirmé qu’il existait une faible similitude des signes sur le plan phonétique dans la mesure où l’élément commun « shadow » occupait une position différente dans chacun des signes.

53      Le Tribunal estime toutefois que la similitude phonétique des signes en cause doit être qualifiée de moyenne, notamment, en raison du caractère plus distinctif de l’élément « shadow » (voir point 47 ci‑dessus).

54      S’agissant de la comparaison des signes sur le plan conceptuel, la requérante fait valoir que le signe antérieur possède au moins une signification claire que le public pertinent serait capable de saisir, à savoir « copies d’originaux ou clichés instantanés pour les affaires ou pour faire des affaires ». Le signe demandé, quant à lui, n’aurait pas de signification claire.

55      La chambre de recours a considéré, en substance, que les signes étaient similaires sur le plan conceptuel, mais uniquement pour la partie du public pertinent comprenant le sens du terme « shadow ».

56      Ainsi qu’il ressort du point 45 ci‑dessus, les éléments « business » et « complex » seront compris par une partie considérable du public pertinent. De même, le terme « shadow » sera compris, au moins par le public anglophone de l’Union, au sens littéral, comme se référant à l’ombre. Quant à la compréhension de l’élément « shadow » au sens du « cliché instantané », le grand public, ainsi qu’il a été déjà relevé au point 46 ci‑dessus, ne sera pas en mesure de le comprendre ainsi. En effet, il s’agit d’une signification très spécifique et technique connue des professionnels et des personnes passionnées par l’informatique, mais pas par le grand public qui constitue le public pertinent en l’espèce. Cela vaut également pour la partie anglophone du grand public. Il en va de même en ce qui concerne le signe antérieur BusinessShadow dans son ensemble qui, contrairement aux affirmations de la requérante, ne véhicule pas de message clair et ne peut non plus être considéré comme étant descriptif pour les produits qu’il couvre. L’argument de la requérante relatif à la signification du signe antérieur n’est, dès lors, pas fondé.

57      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré qu’une similitude conceptuelle existera pour le public anglophone.

 Sur le risque de confusion

58      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et VENADO avec cadre e.a., point 20 supra, EU:T:2006:397, point 74).

59      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que les produits couverts par les marques en conflit étaient identiques, que l’élément « shadow » était l’élément le plus distinctif de chacune des marques, qu’il existait une faible similitude des signes sur les plans visuel et phonétique et qu’il existait une similitude conceptuelle de ces signes pour le public anglophone. Elle en a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, à tout le moins pour le public anglophone de l’Union.

60      La requérante tente, en vain, de remettre en cause cette conclusion. Il convient de relever qu’elle n’avance pas d’arguments spécifiques relatifs à l’existence de risque de confusion, mais soutient, en fait, que la chambre de recours est parvenue à une conclusion erronée après l’analyse de l’ensemble des éléments.

61      Or, au vu de tous les éléments analysés ci‑dessus, il convient de conclure à l’existence, en l’espèce, d’un risque de confusion entre les marques en conflit. Les produits en cause sont identiques, les signes, quant à eux, présentent une similitude moyenne sur les plans visuel et phonétique ainsi qu’une similitude sur le plan conceptuel pour le public anglophone. En outre, il convient de souligner que les signes coïncident en leur élément le plus distinctif. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur en considérant qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit, à tout le moins pour la partie anglophone du grand public de l’Union.

62      En outre, il convient de relever que c’est à bon droit que, ayant constaté l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque communautaire verbale antérieure BusinessShadow , la chambre de recours n’avait pas besoin d’analyser l’existence d’un tel risque entre la marque demandée et les autres droits antérieurs invoqués à l’appui de l’opposition. À cet égard, il convient de rejeter comme étant inopérants l’ensemble des arguments que l’intervenante tire de l’existence de ses autres droits.

63      Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le moyen unique ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

65      L’intervenante supportera ses propres dépens dès lors qu’elle n’a pas conclu à la condamnation de la requérante aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chair Entertainment Group LLC supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

3)      Libelle AG supportera ses propres dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2015.

Signatures



* Langue de procédure : lʼanglais.