Language of document : ECLI:EU:T:2013:67

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre) 

7 février 2013 (*)

« Dumping – Importations de solutions d’urée et de nitrate d’ammonium originaires de Russie – Demande de réexamen au titre de nouvel exportateur – Valeur normale – Prix à l’exportation – Articles 1er, 2 et article 11, paragraphes 4 et 9, du règlement (CE) n° 384/96 [devenus articles 1er, 2 et article 11, paragraphes 4 et 9, du règlement (CE) n° 1225/2009] »

Dans l’affaire T‑118/10,

Acron OAO, établie à Veliky Novgorod (Russie), représentée par Me B. Evtimov, avocat, et M. D. O’Keeffe, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de MG. Berrisch, avocat, et de Mme N. Chesaites, barrister,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et C. Clyne, en qualité d’agents,

et par

Fertilizers Europe, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par M. B. O’Connor, solicitor,

parties intervenantes,

ayant pour objet un recours en annulation formé contre le règlement d’exécution (UE) n° 1251/2009 du Conseil, du 18 décembre 2009, modifiant le règlement (CE) n° 1911/2006 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de solutions d’urée et de nitrate d’ammonium originaires, entre autres, de Russie (JO L 338, p. 5),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, H. Kanninen (rapporteur) et Mme M. E. Martins Ribeiro, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La réglementation de base antidumping est constituée par le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996 L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22)].

2        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement de base (devenu article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1225/2009) dispose :

« 1.      Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

2.      Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur. »

3        Aux termes de l’article 2 du règlement de base (devenu article 2 du règlement n° 1225/2009) :

« 1.      La valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur.

Lorsque l’exportateur dans le pays exportateur ne produit pas ou bien ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs.

Les prix pratiqués entre des parties paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d’opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s’il est établi que ces prix ne sont pas affectés par cette relation.

[…]

2. Les ventes du produit similaire destiné à la consommation sur le marché intérieur du pays exportateur sont normalement utilisées pour déterminer la valeur normale si le volume de ces ventes représente 5 % ou plus du volume des ventes du produit considéré dans la Communauté.

Toutefois, un volume des ventes inférieur peut être utilisé, par exemple, lorsque les prix pratiqués sont considérés comme représentatifs du marché concerné.

3. Lorsqu’aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale du produit similaire est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Il peut être considéré qu’il existe une situation particulière du marché pour le produit concerné au sens de la phrase précédente, notamment lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.

[…]

5.      Les frais sont normalement calculés, sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré. Si les frais liés à la production et à la vente du produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la partie concernée, ils sont ajustés ou déterminés sur la base d’autres producteurs ou exportateurs du même pays, ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs.

Il est tenu compte d’éléments de preuve soumis concernant la juste répartition des frais, à condition qu’il soit démontré que ce type de répartition a été utilisé de manière constante dans le passé. En l’absence d’une méthode plus appropriée, la préférence est accordée à un système de répartition des frais fondé sur le chiffre d’affaires. À moins qu’il n’en ait déjà été tenu compte dans la répartition des frais visée au présent alinéa, les frais sont ajustés de manière appropriée en fonction des éléments non renouvelables des frais dont bénéficie la production future et/ou courante.

Lorsque, pendant une partie de la période nécessaire à la couverture des coûts, ces derniers sont affectés par l’utilisation d’installations de production nouvelles requérant des investissements supplémentaires substantiels et par de faibles taux d’utilisation des capacités en raison d’opérations de démarrage ayant lieu pendant tout ou partie de la période d’enquête, les frais moyens de la période de démarrage sont ceux applicables, en vertu des règles de répartition susmentionnées, à la fin de cette phase et sont inclus à ce niveau, pour la période concernée, dans les frais moyens pondérés visés au paragraphe 4, deuxième alinéa. La durée de la phase de démarrage est déterminée en fonction des circonstances propres au producteur ou à l’exportateur concerné, mais n’excède pas une partie initiale appropriée de la période nécessaire à la couverture des coûts. Pour cet ajustement des frais applicables au cours de la période d’enquête, les informations relatives à une phase de démarrage s’étendant au-delà de cette période sont prises en compte dans la mesure où elles sont fournies avant les visites de vérification et dans les trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête.

6.      Les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, du produit similaire par l’exportateur ou le producteur faisant l’objet de l’enquête. Lorsque ces montants ne peuvent être ainsi déterminés, ils peuvent l’être sur la base :

a)       de la moyenne pondérée des montants réels établis pour les autres exportateurs ou producteurs faisant l’objet de l’enquête à l’égard de la production et des ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays d’origine ;

b)       des montants réels que l’exportateur ou le producteur en question a engagés ou obtenus à l’égard de la production et des ventes, au cours d’opérations commerciales normales, de la même catégorie générale de produits sur le marché intérieur du pays d’origine ;

c)       de toute autre méthode raisonnable, à condition que le montant correspondant au bénéfice ainsi établi n’excède pas le bénéfice normalement réalisé par d’autres exportateurs ou producteurs lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d’origine.

7.      a)       Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.

[…] »

4        L’article 11, paragraphes 1 à 3 et 5, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 1 à 3 et 5, du règlement n° 1225/2009) prévoit ce qui suit :

« 1.      Une mesure antidumping ne reste en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer un dumping qui cause un préjudice.

2.      Une mesure antidumping expire cinq ans après son institution ou cinq ans après la date de la conclusion du réexamen le plus récent ayant couvert à la fois le dumping et le préjudice, à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice […]

3.      La nécessité du maintien des mesures peut aussi être réexaminée, si cela se justifie, à la demande de la Commission ou d’un État membre ou, sous réserve qu’une période raisonnable d’au moins un an se soit écoulée depuis l’institution de la mesure définitive, à la demande d’un exportateur, d’un importateur ou des producteurs de la Communauté contenant des éléments de preuve suffisants établissant la nécessité d’un réexamen intermédiaire.

Il est procédé à un réexamen intermédiaire lorsque la demande contient des éléments de preuve suffisants que le maintien de la mesure n’est plus nécessaire pour contrebalancer le dumping et/ou que la continuation ou la réapparition du préjudice serait improbable au cas où la mesure serait supprimée ou modifiée ou que la mesure existante n’est pas ou n’est plus suffisante pour contrebalancer le dumping à l’origine du préjudice […]

4.      Un examen est aussi effectué afin de déterminer les marges de dumping individuelles pour de nouveaux exportateurs dans le pays d’exportation en question qui n’ont pas exporté le produit au cours de la période d’enquête sur laquelle les mesures ont été fondées.

Il est procédé à un réexamen lorsqu’un nouvel exportateur ou un nouveau producteur est en mesure de démontrer qu’il n’est pas lié aux exportateurs ou producteurs du pays d’exportation soumis aux mesures antidumping sur le produit et qu’il a effectivement exporté dans la Communauté à la suite de la période d’enquête susmentionnée ou qu’il est en mesure de démontrer qu’il a souscrit une obligation contractuelle et irrévocable d’exportation d’une quantité importante de produits dans la Communauté.

[…]

5.      Les dispositions pertinentes du présent règlement concernant les procédures et la conduite des enquêtes, à l’exclusion de celles qui concernent les délais, s’appliquent à tout réexamen effectué en vertu des paragraphes 2, 3 et 4. Ces réexamens sont effectués avec diligence et normalement menés à leur terme dans les douze mois à compter de la date de leur ouverture […] »

5        Les considérants 3 et 4 du règlement (CE) n° 1972/2002 du Conseil, du 5 novembre 2002, modifiant le règlement de base (JO L 305, p. 1), énoncent :

« (3) L’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 384/96 dispose, entre autres, que lorsque les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable, du fait d’une situation particulière du marché, la valeur normale doit être calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Il y a lieu de mieux définir les circonstances pouvant être considérées comme constituant une situation particulière du marché dans laquelle les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. Ces circonstances peuvent, par exemple, être liées à la pratique du troc et à l’existence d’autres régimes de transformation non commerciaux, ou à d’autres entraves au marché. En conséquence, les signaux du marché peuvent ne pas refléter correctement l’offre et la demande, ce qui peut avoir une incidence sur les coûts et prix correspondants et peut aussi entraîner un décalage des prix nationaux par rapport aux prix du marché mondial et aux prix d’autres marchés représentatifs. Il est évident que toutes les précisions données dans ce contexte ne peuvent pas être exhaustives compte tenu de la grande variété des éventuelles situations particulières du marché ne permettant pas une comparaison valable.

(4)       Il convient de fournir des indications sur la marche à suivre si, conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 384/96, les registres ne tiennent pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans des cas où, du fait d’une situation particulière du marché, les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. Dans ces circonstances, les données pertinentes doivent être obtenues de sources qui ne sont pas affectées par de telles distorsions. Il peut s’agir des coûts d’autres producteurs ou exportateurs établis dans le même pays ou, si ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, de toute autre source raisonnable, notamment les informations émanant d’autres marchés représentatifs. Les données pertinentes peuvent être utilisées soit pour l’ajustement de certains éléments des registres de la partie concernée, soit, si ce n’est pas possible, pour la détermination des coûts de cette partie. »

6        L’article 2.2.1.1 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping de 1994 »), qui figure à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), dispose :

« Aux fins du paragraphe 2, les frais seront normalement calculés sur la base des registres de l’exportateur ou du producteur faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur et tiennent compte raisonnablement des frais associés à la production et à la vente du produit considéré. Les autorités prendront en compte tous les éléments de preuve disponibles concernant la juste répartition des frais, y compris ceux qui seront mis à disposition par l’exportateur ou le producteur au cours de l’enquête, à condition que ce type de répartition ait été traditionnellement utilisé par l’exportateur ou le producteur, en particulier pour établir les périodes appropriées d’amortissement et de dépréciation et procéder à des ajustements concernant les dépenses en capital et autres frais de développement. À moins qu’il n’en ait déjà été tenu compte dans la répartition visée au présent alinéa, les frais seront ajustés de manière appropriée en fonction des éléments non renouvelables des frais dont bénéficie la production future et/ou courante, ou des circonstances dans lesquelles les frais ont été affectés, pendant la période couverte par l’enquête, par des opérations de démarrage d’une production. »

 Antécédents du litige

7        Le 19 décembre 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 1911/2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de solutions d’urée et de nitrate d’ammonium originaires d’Algérie, du Belarus, de Russie et d’Ukraine, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, effectué conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (JO L 365, p. 26).

8        La Commission des Communautés européennes a reçu une demande de réexamen de la part de la requérante, Acron OAO, producteur-exportateur établi en Russie, au titre de nouvel exportateur, en application de l’article 11, paragraphe 4, du règlement de base. La requérante a fait valoir qu’elle n’avait pas exporté de solutions d’urée et de nitrate d’ammonium (ci-après les « SUNA » ou le « produit concerné ») vers l’Union pendant la période d’enquête sur laquelle sont fondées les mesures antidumping, comprise entre le 1er juin 1998 et le 31 mai 1999, et qu’elle n’était liée à aucun des producteurs-exportateurs du produit concerné soumis aux mesures en vigueur. La requérante a également indiqué qu’elle n’avait commencé à exporter des SUNA vers l’Union qu’après la fin de la période d’enquête initiale.

9        Ayant déterminé, après avoir consulté le comité consultatif, qu’il existait des éléments de preuve suffisants pour justifier un réexamen conformément aux dispositions de l’article 11, paragraphe 4, du règlement de base, la Commission a ouvert, par le règlement (CE) n° 241/2009, du 20 mars 2009 (JO L 75, p. 5), un réexamen au titre de nouvel exportateur du règlement n° 1911/2006, en ce qui concerne la requérante.

10      Les parties intéressées ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues dans le délai fixé dans l’avis d’ouverture. Toutes les parties intéressées qui l’ont demandé et ont démontré qu’il existait des raisons particulières de les entendre ont été entendues.

11      La durée de l’enquête de réexamen au titre de nouvel exportateur a couvert la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2008.

12      Le 18 décembre 2009, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1251/2009 modifiant le règlement n° 1911/2006 (JO L 338, p. 5, ci-après le « règlement attaqué »). Aux termes du règlement attaqué, le Conseil a décidé d’instituer un droit antidumping à l’encontre de la requérante.

13      Les considérants 14 à 18 du règlement attaqué sont ainsi rédigés :

« (14) Le demandeur n’a pas vendu le produit concerné sur le marché intérieur russe. Lorsque le prix des ventes intérieures ne peut être utilisé pour établir la valeur normale, une autre méthode doit être appliquée. Conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission a calculé, en lieu et place, une valeur normale construite selon les modalités suivantes.

(15)      La valeur normale a été construite sur la base des coûts de fabrication exposés par le demandeur, majorés d’un montant raisonnable correspondant aux frais de vente, aux dépenses administratives et aux autres frais généraux ainsi qu’à la marge bénéficiaire, conformément à l’article 2, paragraphes 3 à 6, du règlement de base.

[…]

(16)       En ce qui concerne le coût de fabrication, il convient de noter que les coûts du gaz représentent une proportion majeure du coût de fabrication et une proportion significative du coût de production total. Conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, il a été vérifié si les frais liés à la production et à la vente du produit concerné ont été raisonnablement reflétés dans les registres comptables du demandeur.

(17)       Il a été établi que les prix du gaz payés par le demandeur sur le marché intérieur étaient anormalement bas. À titre d’exemple, ils représentaient d’un quart à un cinquième du prix à l’exportation du gaz naturel russe. À cet égard, toutes les données disponibles indiquent que les prix du gaz pratiqués sur le marché intérieur russe étaient des prix réglementés, nettement inférieurs aux prix pratiqués sur les marchés non réglementés du gaz naturel. Les coûts du gaz n’étant pas raisonnablement reflétés dans les registres du demandeur, ils ont dû être ajustés en conséquence. Faute de prix du gaz non faussés sur le marché intérieur russe et conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, les prix du gaz ont dû être calculés sur une ‘autre base raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs’.

(18)       Le prix ajusté était basé sur le prix moyen du gaz russe vendu à l’exportation à la frontière germano-tchèque (‘Waidhaus’), net des coûts de transport, et corrigé pour tenir compte du coût de distribution locale. Principal terminal pour les ventes de gaz russe à l’Union, qui est le premier débouché du gaz russe et qui applique des tarifs reflétant raisonnablement les coûts, Waidhaus peut être considéré comme un marché représentatif au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base. »

14      Les considérants 20 à 34 du règlement attaqué exposent le fondement juridique de l’ajustement du prix du gaz et la méthode d’ajustement appliquée pour le gaz.

15      Les considérants 35, 36 et 40 du règlement attaqué énoncent :

« (35) Les frais de vente, les dépenses administratives, les autres frais généraux et la marge bénéficiaire n’ont pas pu être établis sur la base de la première phrase introductive de l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base, étant donné que le demandeur n’avait pas réalisé de ventes intérieures du produit similaire en Russie. L’article 2, paragraphe 6, [sous] a), du règlement de base n’a pas pu être appliqué, puisque seul le demandeur fait l’objet de l’enquête. L’article 2, paragraphe 6, [sous] b), n’était pas non plus applicable étant donné que, pour les produits relevant de la même catégorie générale de biens, le gaz naturel est également, et de loin, la principale matière première et que, par conséquent, les coûts de fabrication devraient aussi, selon toute probabilité, être ajustés, pour les raisons indiquées au considérant 17 ci-dessus. Dans le cadre du présent réexamen, l’on ne disposait d’aucune information permettant de quantifier avec précision cet ajustement et d’établir les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux ainsi qu’aux marges bénéficiaires résultant de la vente de ces produits après un tel ajustement. C’est pourquoi les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été établis à l’aide d’une méthode raisonnable, conformément à l’article 2, paragraphe 6, [sous] c), du règlement de base.

(36) Le marché intérieur russe des produits de la même catégorie générale étant extrêmement restreint, les informations ont dû être obtenues sur d’autres marchés représentatifs. À cet égard, il a été tenu compte des informations publiquement disponibles relatives aux grandes sociétés opérant dans le secteur économique des engrais azotés. Il a été constaté que les données correspondantes des producteurs nord-américains (à savoir aux États-Unis) étaient les plus appropriées aux fins de l’enquête compte tenu de la grande disponibilité d’informations financières publiques fiables et complètes provenant de sociétés cotées dans cette région du monde. En outre, le marché nord-américain est caractérisé par un volume significatif de ventes intérieures et un niveau considérable de concurrence de la part des sociétés tant nationales qu’étrangères. C’est pourquoi les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été établis sur la base de la moyenne pondérée de ces mêmes montants provenant de trois producteurs nord-américains dont il a été constaté qu’ils faisaient partie des plus grandes sociétés du secteur des engrais, eu égard à leurs ventes de la même catégorie générale de produits (engrais azotés) en Amérique du Nord. Ces trois producteurs ont été jugés représentatifs du secteur des engrais azotés et, partant, leurs frais de vente, leurs dépenses administratives, leurs autres frais généraux et leur marge bénéficiaire ont été jugés représentatifs du même type de coûts normalement exposés par des entreprises qui réussissent dans ce secteur économique. En outre, rien n’indique que le montant du bénéfice ainsi établi excède le bénéfice normalement réalisé par les producteurs russes lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché russe.

[…]

(40)       Le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de son argument. Le présent réexamen étant limité à la détermination du dumping en ce qui concerne le demandeur, la Commission ne disposait pas d’informations concernant d’autres producteurs en Russie. Tout en faisant observer que les coûts du gaz exposés par le demandeur ont dû être rejetés pour les raisons exposées plus haut, le taux de rentabilité au niveau de l’entreprise, déclaré par le demandeur, correspondant aux ventes de produits sur le marché intérieur, après avoir tenu compte des profits et pertes exceptionnels liés aux activités financières, est du même ordre de grandeur que celui des producteurs américains. De ce fait, il n’y a pas lieu de considérer que la marge bénéficiaire employée est supérieure au bénéfice normalement réalisé par d’autres exportateurs ou producteurs lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d’origine, au sens de l’article 2, paragraphe 6, [sous] c), du règlement de base. »

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 mars 2010, la requérante a introduit le présent recours.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, en ce qu’il la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

18      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      À la suite d’une demande d’intervention présentée par Fertilizers Europe le 15 mai 2010, cette dernière a été, par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal en date du 30 septembre 2010, autorisée à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Elle a déposé au greffe du Tribunal, le 22 novembre 2010, un mémoire en intervention, auquel ont répondu la requérante et le Conseil par mémoires déposés, respectivement, les 18 et 17 janvier 2011.

20      À la suite d’une demande d’intervention présentée par la Commission le 25 mai 2010, cette dernière a été, par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal en date du 30 septembre 2010, autorisée à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Elle a déposé au greffe du Tribunal, le 22 novembre 2010, un mémoire en intervention, auquel ont répondu la requérante et le Conseil par mémoires déposés, respectivement, les 18 et 17 janvier 2011.

21      Dans ses observations formulées en réponse au mémoire en intervention de Fertilizers Europe, déposées au greffe du Tribunal le 18 janvier 2011, la requérante estime que la demande de Fertilizers Europe, présentée dans la demande d’intervention, de la voir condamnée aux dépens de Fertilizers Europe est irrecevable, dès lors que l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que les conclusions de l’une des parties. En tout état de cause, la requérante demande que Fertilizers Europe soit condamnée à supporter ses propres dépens exposés dans le cadre de cette intervention, conformément à l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal. Elle demande également que Fertilizers Europe soit condamnée à supporter ses dépens dans le cadre de cette même intervention.

 En droit

22      Au soutien de son recours, la requérante invoque un moyen qu’il est possible de présenter, en substance, sous la forme de deux, tirés, d’une part, de la violation des articles 1er et 2 du règlement de base et, d’autre part, de la violation de l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base ainsi que de l’article 11, paragraphe 9, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 1er et 2 du règlement de base

23      Par son premier moyen, la requérante invoque la violation des articles 1er et 2 du règlement de base. Elle articule ce moyen en deux branches, aux termes desquelles, en substance, elle soutient, en premier lieu, que, pour le calcul de la valeur normale, il a été considéré à tort que les frais liés à la production et à la vente du produit concerné n’étaient pas raisonnablement reflétés dans ses registres comptables et qu’il convenait, en conséquence, de procéder à un ajustement. En second lieu, elle indique que l’ajustement opéré pour le prix du gaz russe a été, à tort, calculé à partir du prix à Waidhaus (Allemagne), que n’ont pas été déduites du montant de cet ajustement les taxes à l’exportation de 30 % applicables au gaz russe et qu’il a été procédé, à tort, à un ajustement de 15 % pour refléter les coûts locaux de distribution.

24      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, lorsque le Conseil et la Commission (ci-après les « institutions » adoptent, en vertu du règlement de base, des actions de protection antidumping concrètes, elles disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (arrêts de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. I‑2069, point 86, et du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, Rec. p. I‑2817, point 10 ; arrêts du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil, T‑164/94, Rec. p. II‑2681, point 131 ; du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, Rec. p. II‑427, point 72 ; du 18 septembre 1996, Climax Paper/Conseil, T‑155/94, Rec. p. II‑873, point 98 ; du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, Rec. p. II-1383, point 63, et du 17 juillet 1998, Thai Bicycle/Conseil, T‑118/96, Rec. p. II‑2991, point 32).

25      Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur ces appréciations doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence d’un détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 240/84, Rec. p. 1809, point 19 ; Nippon Seiko/Conseil, 258/84, Rec. p. 1923, point 21 ; du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec. p. I‑781, point 63 ; Rotexchemie, point 24 supra, point 11 ; arrêts Climax Paper/Conseil, point 24 supra, point 98 ; Shanghai Bicycle/Conseil, point 24 supra, point 64, et Thai Bicycle/Conseil, point 24 supra, point 33).

 Sur la première branche du premier moyen

26      Dans le cadre de cette première branche, la requérante entend démontrer que, pour le calcul de la valeur normale, les institutions ont à tort retenu le principe de l’ajustement ainsi qu’une méthode destinée aux pays dépourvus d’une économie de marché, ce qui serait contraire non seulement au libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, mais aussi à cette disposition lue en combinaison avec les autres dispositions des articles 1er et 2 du règlement de base (premier grief), ainsi qu’aux dispositions de l’accord antidumping de 1994 (second grief).

–       Sur le premier grief

27      Selon la requérante, le libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base permet aux institutions de vérifier que les principaux frais de production et de vente sont dûment enregistrés et comptabilisés dans les registres des producteurs. En revanche, il ne prévoirait pas que ces institutions puissent vérifier si ces frais sont raisonnables par rapport au niveau des prix sur un autre marché. Le libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base n’impliquerait pas qu’il convienne de vérifier la « fiabilité » des principaux éléments des frais de production et de vente du produit concerné à la lumière des prix ou valeurs d’intrants similaires exportés vers l’Union européenne ou que l’on trouve sur les marchés non réglementés de pays tiers.

28      La requérante soutient, en outre, que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, lu en combinaison avec les autres dispositions de l’article 1er et de l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement, ne permet pas de confirmer le recours à l’ajustement du prix du gaz par les institutions en l’espèce.

29      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas en tant que tel le choix du Conseil d’avoir eu recours aux dispositions de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base pour calculer la valeur normale du produit concerné.

30      Cette disposition indique, d’une part, les critères de la mise à l’écart de la méthode d’établissement de la valeur normale, fondée sur les prix sur le marché intérieur du pays exportateur, et, d’autre part, les méthodes subsidiaires de calcul de cette valeur.

31      En l’espèce, les institutions ont eu recours à la méthode prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, selon laquelle la valeur normale du produit est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable (ci-après la « valeur normale construite »).

32      Les parties s’opposent en ce qui concerne la détermination du coût de production du produit concerné en application de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base. Plus précisément, le litige porte sur le calcul du coût que représente le gaz dans la production du produit concerné.

33      Il est constant que le gaz constitue le principal intrant du produit concerné et que le prix du gaz dont la requérante a bénéficié pour la production dudit produit était réglementé en Russie. Le coût du gaz en tant que tel supporté par la requérante n’est pas litigieux, le Conseil ne soutenant pas que ce coût aurait été autre que celui chiffré dans les registres comptables de la requérante. La requérante reproche au Conseil de ne pas avoir calculé la valeur normale du produit concerné sur la base de ce coût et d’avoir utilisé pour ce calcul un autre prix du gaz, plus élevé, tiré d’un autre marché que le marché intérieur russe.

34      Il ressort de la lecture combinée de l’article 2, paragraphe 3, première phrase, et paragraphe 5, premier alinéa, première phrase, du règlement de base que, pour le calcul de la valeur normale sur la base du coût de production, les frais sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête.

35      Les institutions soutiennent que la seconde de ces deux dispositions apporte deux précisions, pouvant se présenter comme deux conditions, à savoir, d’une part, que les registres doivent être tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et, d’autre part, que les registres doivent tenir compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré. La seconde condition permettrait aux institutions de vérifier le caractère « raisonnable » de la prise en compte des frais dans les registres même si les principes comptables généralement acceptés du pays concerné sont respectés et, le cas échéant, d’opérer des ajustements, en se fondant sur d’autres sources d’informations que les registres, conformément à la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base.

36      Il n’est pas soutenu par le Conseil que la première condition ne soit pas remplie en l’espèce. En revanche, il estime que les registres de la requérante ne tiennent pas compte raisonnablement des frais liés à la production du produit concerné, étant donné que le prix du gaz serait artificiellement bas, nettement inférieur aux prix du gaz pratiqués sur les marchés non réglementés. De ce fait, le Conseil aurait été en droit, conformément à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, d’ajuster le prix du gaz sur la base d’informations provenant d’autres marchés représentatifs.

37      Il importe donc d’examiner si le Conseil pouvait écarter le coût du gaz effectivement supporté par la requérante, indiqué dans la comptabilité de celle-ci, pour la production du produit concerné, au motif que ce coût était, selon le Conseil, artificiellement bas en raison de la réglementation du prix du gaz en Russie, et s’il pouvait, en conséquence, ajuster ce coût à la hausse en prenant en considération le prix du gaz sur un marché que le Conseil a considéré comme représentatif.

38      À cet égard, il convient tout d’abord de relever que l’article 2, paragraphe 3, première phrase, du règlement de base prévoit la méthode de calcul de la valeur normale lorsqu’aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable.

39      La seconde phrase de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, qui définit les cas de situation particulière du marché, a été insérée par le règlement n° 1972/2002. Selon cette phrase, il existe une situation particulière du marché, notamment, lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.

40      Il ressort du considérant 3 du règlement n° 1972/2002 que l’insertion de l’article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement de base vise à mieux définir les circonstances pouvant être considérées comme constituant une situation particulière du marché dans laquelle les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. Selon ce considérant, ces circonstances peuvent, par exemple, être liées à la pratique du troc et à l’existence d’autres régimes de transformation non commerciaux, ou à d’autres entraves au marché. En conséquence, les signaux du marché peuvent ne pas refléter correctement l’offre et la demande, ce qui peut avoir une incidence sur les coûts et prix correspondants et peut entraîner un décalage des prix nationaux par rapport aux prix du marché mondial ou aux prix d’autres marchés représentatifs.

41      L’article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement de base prévoit qu’il existe une situation particulière du marché notamment lorsque les prix sur le marché du pays exportateur sont artificiellement bas.

42      Au considérant 14 du règlement attaqué, le recours à la valeur normale construite a été motivé par l’absence de vente du produit concerné sur le marché intérieur russe. Au cours de la procédure devant le Tribunal, le Conseil a ajouté, au surplus, que le recours à la méthode de la valeur normale construite pouvait être motivé dès lors que le coût du gaz, l’intrant principal du produit concerné, était réglementé et que le prix du gaz naturel était fixé de manière artificiellement basse sur le marché intérieur.

43      Il convient de relever que l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base indique seulement les critères de la mise à l’écart des méthodes d’établissement de la valeur normale, calculée sur le prix du produit sur le marché intérieur du pays exportateur. Cette disposition ne fixe pas les modalités du calcul des coûts de production pour l’établissement de la valeur normale construite, ce calcul étant régi par le paragraphe 5 de ce même article.

44      L’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base prévoit que les frais de production sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête. Ainsi, le calcul de la valeur normale construite s’effectue normalement en utilisant des informations tirées desdits registres.

45      L’article 2, paragraphe 5, deuxième et troisième alinéas, du règlement de base contient des dispositions spécifiques concernant la répartition des frais et les frais de démarrage. Ces dispositions prévoient des possibilités d’ajustement des frais retranscrits dans les registres comptables, ces frais pouvant être adaptés et répartis de manière différente sous certaines conditions.

46      Il ressort également de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que les registres comptables de la partie concernée ne sont pas pris comme base pour le calcul de la valeur normale si les frais liés à la production d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans ces registres. Dans ce cas, selon la seconde phrase dudit alinéa, les frais sont ajustés ou déterminés sur la base d’autres sources d’information que ces registres. Ces informations peuvent être tirées des frais exposés par d’autres producteurs ou exportateurs ou, lorsque ces dernières informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, toute autre source d’information raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs.

47      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, relative à la méthode de calcul de ladite valeur, a été insérée par le règlement n° 1972/2002.

48      Il ressort du considérant 4 de ce dernier règlement que l’insertion de ladite seconde phrase visait à fournir des indications sur la marche à suivre si les registres ne tiennent pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans des situations particulières du marché où les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. En pareil cas, les données doivent, selon le même considérant, provenir de sources qui ne sont pas affectées par de telles distorsions.

49      Au même considérant 4 du règlement n° 1972/2002, il est précisé qu’il est possible de recourir aux coûts d’autres producteurs ou exportateurs établis dans le même pays ou, si ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, à toute autre source raisonnable, notamment les informations émanant d’autres marchés représentatifs. Il ressort également de ce considérant que les données pertinentes peuvent être utilisées soit pour l’ajustement de certains éléments des registres de la partie concernée, soit, si ce n’est pas possible, pour la détermination des coûts de cette partie.

50      En l’espèce, le Conseil a soutenu devant le Tribunal qu’il n’y avait pas de vente du produit concerné sur le marché intérieur russe et que le prix du gaz, l’intrant principal du produit concerné, était réglementé de sorte que ce prix était artificiellement bas sur le marché intérieur. La requérante n’a pas contesté le fait que le prix du gaz sur le marché russe était réglementé et qu’il représentait une part importante du coût du produit concerné.

51      Le prix du gaz en Russie étant réglementé, il y a effectivement lieu de considérer que le coût de production du produit concerné était affecté par une distorsion du marché intérieur russe en ce qui concerne le prix du gaz, ce prix ne résultant pas des forces du marché.

52      Par ailleurs, l’interprétation de la première phrase de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, avancée par la requérante, tendant à calculer les frais de production sur la base des seuls registres comptables de la partie concernée reviendrait à empêcher en définitive le recours à la valeur normale construite dans un cas, notamment, où les frais de production sont affectés par une situation particulière de marché, bien qu’un tel recours soit expressément prévu à l’article 2, paragraphe 3, du même règlement.

53      Les institutions ont donc pu conclure à bon droit que l’un des éléments des registres de la requérante ne pouvait être considéré comme raisonnable et qu’il convenait, par conséquent, de procéder à son ajustement, en recourant à d’autres sources émanant de marchés qu’elles considéraient comme plus représentatifs et, partant, d’effectuer l’ajustement du prix du gaz.

54      S’agissant de l’argument selon lequel seul l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base permet aux institutions d’établir la valeur normale par référence non pas aux données relatives aux prix et aux coûts dans le pays exportateur ou d’origine, mais aux données relatives aux prix et aux coûts dans un pays tiers ayant une économie de marché, la requérante soutient que le champ d’application de ladite disposition est limité à une liste exhaustive de pays, dépourvus d’économie de marché. Or, la requérante relève que, à la date d’ouverture de l’enquête relative au réexamen au titre de nouvel exportateur dans la présente affaire, la Fédération de Russie ne figurait pas dans la liste des pays visés. La Fédération de Russie avait obtenu le statut d’économie de marché au niveau national en 2002 et un tel statut constituerait une présomption irréfutable que les coûts des producteurs établis dans ce pays et faisant l’objet d’une enquête seraient suffisamment fiables pour que la valeur normale puisse être calculée sur la base, notamment, de l’article 2, paragraphes 3 à 6, du règlement de base.

55      En l’espèce, la valeur normale n’a pas été établie en se fondant sur l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dès lors que la Fédération de Russie n’était pas, au moment des faits de l’espèce, un pays visé par l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base et que l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement était applicable pour lesdits faits. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 ci-dessus, l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base permet, sous certaines conditions, de prendre en considération des informations émanant d’autres marchés que le marché du pays exportateur ou d’origine.

56      Par ailleurs, la requérante ajoute que les coûts afférents à la production d’un produit dans un pays doté du statut d’économie de marché pourraient être considérés comme trop bas par rapport aux coûts d’un produit équivalent constatés dans l’Union ou sur d’autres marchés étrangers. L’enquête antidumping menée en l’espèce par les institutions se serait substituée, de façon injustifiée, à la réglementation en matière d’aides d’État et, plus particulièrement, au règlement (CE) n° 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288, p. 1).

57      À cet égard, il importe de rappeler que le règlement de base et le règlement n° 2026/97 visent, ainsi qu’il ressort du cinquième considérant de ce dernier règlement, à fixer, sous une forme suffisamment détaillée, les dispositions d’application de ces deux instruments de défense commerciale.

58      Toutefois, rien n’indique que la question en l’espèce, qui porte sur une réglementation qui oblige Gazprom à fournir, en Russie, le gaz naturel à un prix bas, aurait dû être traitée uniquement sous l’angle des aides d’État. Il importe de relever que la requérante n’a apporté aucun élément en ce sens.

59      En outre, rien n’indique non plus que le seul fait que la question puisse, éventuellement, être examinée sous l’angle des aides d’État ait été de nature à empêcher les institutions d’analyser la présente affaire également sous l’angle des dispositions du règlement de base.

60      Tout au plus, comme le prévoient l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base et l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 2026/97, aucun produit ne peut être soumis à la fois à des droits antidumping et à des droits compensateurs en vue de remédier à une situation résultant d’un dumping ou de l’octroi d’une subvention à l’exportation.

61      Il résulte de ce qui précède que le premier grief n’est pas fondé.

–       Sur le second grief

62      La requérante considère que les dispositions du règlement de base ont pour objet de mettre en œuvre les règles de l’accord antidumping de 1994 et que les institutions doivent interpréter et appliquer les dispositions du règlement de base conformément à un tel accord.

63      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des institutions en vertu de l’article 230, premier alinéa, CE (arrêts de la Cour du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 53, et du Tribunal du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission, T‑45/06, Rec. p. II‑2399, point 87).

64      Toutefois, dans l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’occurrence où l’acte de l’Union renvoie expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (arrêts de la Cour Petrotub et Republica/Conseil, point 63 supra, point 54, et du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, Rec. p. I‑7723, point 30 ; arrêt Reliance Industries/Conseil et Commission, point 63 supra, point 88).

65      Il ressort du considérant 5 du règlement de base que ce dernier a notamment pour objet de transposer dans le droit de l’Union, dans toute la mesure du possible, les règles nouvelles et détaillées contenues dans l’accord antidumping de 1994, au rang desquelles figurent, en particulier, celles relatives au calcul de la marge de dumping, et ce afin d’assurer une application appropriée et transparente desdites règles (arrêt Petrotub et Republica/Conseil, point 63 supra, point 55).

66      La Communauté a, dès lors, adopté le règlement de base pour satisfaire à ses obligations internationales découlant de l’accord antidumping de 1994 et, par l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, elle a entendu donner exécution aux obligations particulières que comporte l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 (voir, en ce sens, arrêt Petrotub et Republica/Conseil, point 63 supra, point 56).

67      Il s’ensuit que l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété, dans la mesure du possible, à la lumière de l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 (voir, en ce sens, arrêts Petrotub et Republica/Conseil, point 63 supra, point 57, et Reliance Industries/Conseil et Commission, point 63 supra, point 91, et la jurisprudence citée).

68      Pour cela, en premier lieu, il importe de relever que la requérante fait référence à l’un des derniers projets avant l’adoption de l’accord antidumping de 1994 qui prévoyait, en ce qui concerne les dispositions qui deviendraient l’article 2.2.1.1 dudit accord, que « les frais ser[aie]nt normalement calculés conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur, dans la mesure où lesdits principes reflètent raisonnablement les frais associés à la production et à la vente du produit considéré ». Il ressortirait d’un tel libellé que l’objet initial de l’article 2.2.1.1 dudit accord, et par voie de conséquence de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, était de s’assurer que le producteur faisant l’objet de l’enquête applique de bonnes règles comptables, reflétant objectivement les frais réels supportés par le producteur faisant l’objet de l’enquête, et non de vérifier si les prix des intrants payés par le producteur correspondent aux prix des marchés non réglementés.

69      Toutefois, le fait d’invoquer la version d’une disposition sous forme de projet ne suffit pas à démontrer que l’intention des rédacteurs de ladite disposition est restée inchangée, surtout s’il apparaît que le libellé de la disposition, dans sa version finale, se révèle différent de celui de la disposition correspondante, dans sa version au stade de projet, ainsi que le souligne à juste titre, en substance, le Conseil.

70      En second lieu, il apparaît que le libellé de la disposition de l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 ne présente pas de différences significatives avec le texte de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, première phrase, du règlement de base, visant à ce que les registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur et qu’ils tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit concerné.

71      Toutefois, comme l’a souligné à juste titre le Conseil à l’audience, les dispositions visées à la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base ne sont pas indiquées dans l’accord antidumping de 1994. Le recours à une interprétation à la lumière de l’accord antidumping de 1994 ne paraît donc pas pouvoir s’exercer pleinement en ce qui concerne ces dispositions visant la situation où les frais du produit concerné ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres.

72      Il importe d’ajouter que les règles de l’OMC ne définissent pas l’expression « une situation particulière du marché », telle que définie à l’article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement de base et qui peut servir de base aux institutions pour évaluer si les registres tiennent compte raisonnablement des frais, conformément à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, seconde phrase, du règlement de base, ainsi qu’il a été constaté aux points 44 à 51 ci-dessus.

73      Le second grief n’est donc pas fondé.

74      Il ressort de tout ce qui précède que la première branche du premier moyen n’est pas fondée.

 Sur la seconde branche du premier moyen

75      La requérante invoque une violation de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, seconde phrase, du règlement de base, une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’un défaut de motivation, en ce que, par le règlement attaqué, le Conseil aurait retenu l’ajustement du prix du gaz payé sur la base du prix à Waidhaus, n’aurait pas déduit du montant de l’ajustement les taxes à l’exportation de 30 % applicables au gaz russe et aurait procédé à un ajustement vers le haut de 15 % pour les coûts locaux de distribution. La requérante conteste, à cet égard, le considérant 18 du règlement attaqué.

76      Celui-ci est rédigé de la sorte :

« Le prix ajusté était basé sur le prix moyen du gaz russe vendu à l’exportation à la frontière germano-tchèque (‘Waidhaus’), net des coûts de transport, et corrigé pour tenir compte du coût de distribution locale. Principal terminal pour les ventes de gaz russe à l’Union, qui est le premier débouché du gaz russe et qui applique des tarifs reflétant raisonnablement les coûts, Waidhaus peut être considéré comme un marché représentatif au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base. »

77      D’une part, la requérante considère que, si les institutions avaient choisi une base différente, telle que le prix à l’exportation du gaz russe vers les États baltes ou tout marché représentatif connaissant les niveaux de prix du gaz les plus proches de ses niveaux de prix du gaz, la marge de dumping aurait été négative ou différente. Les institutions auraient dû choisir une « base raisonnable » au sens de l’article 2, paragraphe 5, deuxième phrase, du règlement de base, plutôt que le prix à Waidhaus.

78      La violation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base et l’erreur manifeste d’appréciation résulteraient de ce que les institutions n’ont pas examiné l’existence passée d’une entente de répartition du marché qui aurait affecté les conditions d’importation du gaz russe provenant de Waidhaus. La requérante fait référence à une décision de la Commission du 8 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (Affaire COMP/39.401 – E.ON/GDF) (résumé au JO C 248, p. 5), qui démontrerait une infraction aux dispositions de l’article 81 CE entre E.ON AG, conjointement et solidairement avec sa filiale à 100 % E.ON Ruhrgas AG, et GDF Suez SA dans le secteur du gaz naturel. La requérante explique que les entreprises en question agissaient comme acheteurs directs, importateurs et grossistes du gaz russe à Waidhaus, et que leur entente était de nature à augmenter ou fausser les prix d’achat négocié avec les fournisseurs de gaz russe à Waidhaus.

79      La requérante renvoie aussi à l’arrêt de la Cour du 11 juin 1992, Extramet Industrie/Conseil (C‑358/89, Rec. p. I‑3813), et à l’arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Mukand e.a./Conseil (T‑58/99, Rec. p. II‑2521), pour justifier l’impact que pourrait avoir un comportement anticoncurrentiel sur des appréciations en matière de dumping.

80      D’autre part, le Conseil aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation et entaché le règlement attaqué d’un défaut de motivation en ce que, pour le calcul du coût du gaz naturel, il aurait refusé de déduire les taxes à l’exportation de 30 % de ce gaz, tout en déduisant les frais de transport et en procédant à un ajustement vers le haut pour tenir compte des coûts locaux de distribution, ainsi qu’il résulte des termes du considérant 18 du règlement attaqué.

81      Le raisonnement suivi serait incohérent et contradictoire, car, selon la requérante, de la même manière que les consommateurs russes n’ont pas à payer le transport du gaz de Russie à Waidhaus, ce qui a conduit à déduire les frais de transport du gaz, auraient dû être déduites aussi les taxes de 30 % prélevées à l’exportation du gaz russe, taxes que la requérante ne supporte jamais pour la production du produit concerné en Russie. Les institutions auraient, en outre, procédé, sans la moindre base raisonnable, à un ajustement vers le haut de 15 % pour tenir compte des coûts locaux de distribution.

82      Dans la réplique, la requérante ajoute que le simple fait de cumuler le prix du gaz à Waidhaus, les taxes à l’exportation de 30 % et l’ajustement de 15 % pour les coûts locaux de distribution constituerait une violation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base et une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où cela conduirait à la somme des coûts et bénéfices de la vente à l’exportation avec les coûts et bénéfices de la vente du gaz sur le plan national.

83      À cet égard, s’agissant, en premier lieu, du choix du prix de Waidhaus comme prix de référence, il importe de relever que les institutions ne sont pas tenues de prendre en considération tous les prix de référence possibles dans le cadre d’une procédure antidumping, mais doivent être amenées à examiner de façon approfondie les éventuelles propositions formulées par les parties, en cas de doute sur le choix du prix de référence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, Rec. p. I‑5163, point 32).

84      En l’espèce, il n’apparaît pas que, dans le règlement attaqué, le Conseil ait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant le choix du prix à Waidhaus, qui apparaît raisonnable à plusieurs titres.

85      Comme il est relevé au considérant 18 du règlement attaqué, Waidhaus est le principal point d’arrivée des livraisons de gaz russe dans l’Union. Il ressort du dossier que Waidhaus est une ville allemande située sur la voie des principaux gazoducs russes entre la Russie et l’Union et se trouve être, en termes de nombre de contrats négociés d’approvisionnement en gaz ainsi que de volume de gaz concerné, le premier point d’arrivée du gaz exporté par les producteurs russes dans l’Union.

86      Le prix du gaz négocié en ce lieu est donc celui facturé par les vendeurs russes à leurs clients européens et non un prix intracommunautaire, contrairement à ce que tente de soutenir la requérante dans la requête.

87      Compte tenu du volume de gaz concerné et du nombre de contrats négociés, rien n’indique que le prix du gaz russe à Waidhaus ne soit pas le résultat de forces du marché exemptes de distorsions.

88      S’agissant de la décision E.ON/GDF (voir point 78 ci-dessus), il suffit de constater que, si elle porte bien sur des ventes de gaz en provenance de Russie, elle concerne seulement l’examen d’un accord de répartition des marchés en Allemagne et en France entre E.ON et GDF pour les ventes de gaz à leurs clients. Elle ne vise pas l’examen du marché d’exportation du gaz russe en gros à destination de l’ensemble de l’Union, ni l’examen des relations de E.ON et GDF avec leur fournisseur de gaz russe.

89      De même, s’agissant des arrêts Extramet Industrie/Conseil et Mukand e.a./Conseil, point 79 supra, il convient de relever qu’ils ne portent pas sur la question de savoir si la base utilisée par les institutions pour déterminer les coûts du gaz était raisonnable. En particulier, le premier arrêt porte sur l’obligation pour les institutions d’examiner si le préjudice qu’elles entendent retenir pour instituer un droit antidumping découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping ou s’il découle d’autres facteurs (arrêt Extrament Industrie/Conseil, point 79 supra, point 16). Le second arrêt porte également sur la question de savoir si, lors de la détermination du préjudice et du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet de subventions, d’autres facteurs sont de nature à être à l’origine du préjudice causé à l’industrie communautaire (arrêt Mukand e.a./Conseil, point 79 supra, point 41). Ces arrêts ne permettent pas de conclure que les institutions auraient commis une erreur manifeste d’appréciation dans le choix de la base utilisée pour déterminer les coûts du gaz à prendre en compte en l’espèce.

90      Enfin, si la requérante conteste que le prix de Waidhaus soit bien plus élevé que celui du gaz vendu sur le marché intérieur russe, il n’apparaît pas non plus que ce prix soit bien supérieur au prix du gaz négocié au Royaume-Uni, aux États-Unis ou au Canada. Les institutions n’ont donc pas choisi le prix de référence le plus élevé du marché. Il n’est, en outre, pas certain que le prix du gaz à l’exportation vers les États baltes ne soit pas comparable à celui du gaz qui transite par Waidhaus.

91      S’agissant, en second lieu, de l’absence de déduction des taxes à l’exportation de 30 % et de l’ajustement de 15 % pour les coûts de distribution locaux, il importe, tout d’abord, d’indiquer que, si, au stade de la réplique, la requérante a soutenu que leur cumul violait l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base et était constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation, cet argument n’est qu’une ampliation du moyen développé par la requérante dans la requête, tendant à démontrer que ce cumul serait incohérent.

92      Il convient donc de considérer ledit argument comme recevable, contrairement à ce qu’a soutenu le Conseil à l’audience. En effet, un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêt du Tribunal du 22 mars 2011, Altstoff Recycling Austria/Commission, T‑419/03, Rec. p. II-975, point 44).

93      Ensuite, pour démontrer le caractère, selon elle, incohérent de l’ajustement, la requérante invoque une affaire ayant donné lieu au règlement (CE) n° 954/2006 du Conseil, du 24 juin 2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine, abrogeant les règlements (CE) n° 2320/97 et (CE) n° 348/2000, clôturant le réexamen intermédiaire et le réexamen au titre de l’expiration des mesures des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et clôturant les réexamens intermédiaires des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et de Croatie et d’Ukraine (JO L 175, p. 4).

94      Or, il ressort du considérant 97 du règlement n° 954/2006 que les coûts du gaz russe ont été ajustés en prenant pour base le prix du gaz exporté vers les pays d’Europe occidentale, hors frais de transport et droits d’accises. Il n’est pas fait référence aux taxes à l’exportation, contrairement à ce que la requérante prétend.

95      En outre, le Conseil a justifié l’absence de déduction des taxes à l’exportation par le fait que la tarification opérée par Gazprom n’était pas influencée par le montant des taxes à l’exportation. Il a également ajouté que ce prix était seulement influencé par celui que les clients de Gazprom étaient disposés à payer. À l’audience, le Conseil a réitéré son analyse selon laquelle c’est le prix payé à Waidhaus qui importe, sans qu’il soit pertinent de savoir ce que ce prix comprend.

96      Or, il apparaît que la requérante n’a pas été en mesure d’expliquer ni de démontrer en quoi la tarification opérée par Gazprom à Waidhaus aurait pu être influencée par le montant des taxes à l’exportation. Elle s’est contentée de contester par une simple affirmation que les taxes à l’exportation de 30 % ne constituaient pas une base raisonnable.

97      Il convient donc de considérer que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne déduisant pas lesdites taxes du prix payé à Waidhaus.

98      La requérante se bornant également à contester, sans plus d’éléments, le caractère raisonnable des coûts locaux de distribution retenus pour le calcul de la valeur normale construite, il convient aussi de considérer que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

99      Au demeurant, il importe de relever que, dans la mesure où avaient été déduits les frais de transport pour le calcul du prix du gaz, il apparaît logique d’ajuster par ailleurs ce calcul en prenant en compte les coûts locaux de distribution.

100    Enfin, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante tirée d’un défaut de motivation concernant le refus de déduire les taxes à l’exportation du gaz russe et l’ajustement opéré pour les coûts locaux de distribution. En effet, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte notamment des informations qui ont été communiquées à la requérante et des observations qu’elle a soumises durant la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil, T‑410/06, Rec. p. II‑879, point 127).

101    En l’occurrence, il ressort du considérant 37 du règlement attaqué, non contesté à cet égard par la requérante, que cette dernière a été informée des conclusions relatives aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux qui seraient pris en compte ou non pour le calcul de la valeur normale construite et que la requérante a été en mesure de présenter ses observations sur de telles conclusions, ce qui dispensait le Conseil de réitérer ces explications dans le corps du règlement attaqué, pour s’en tenir aux motifs de fait et de droit constituant le fondement dudit règlement. L’argumentation tirée d’un prétendu défaut de motivation ne peut donc pas être retenue.

102    La seconde branche du premier moyen n’est donc pas fondée.

103    Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être considéré comme non fondé et doit, en conséquence, être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base ainsi que de l’article 11, paragraphe 9, du même règlement

104    La requérante articule le second moyen en deux branches. Elle soutient que la prise en compte, en l’espèce, d’une marge bénéficiaire, ajoutée au coût de fabrication pour établir la valeur normale, ne serait pas raisonnable. Cette prise en compte violerait l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base (première branche du second moyen) et l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base (seconde branche du second moyen).

 Sur la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base

105    La requérante soutient que toutes les conclusions du règlement initial au titre de l’expiration des mesures, qui n’ont pas trait spécifiquement à elle, doivent demeurer valides. Elle ajoute qu’un réexamen au titre de nouvel exportateur, conformément à l’article 11, paragraphe 4, du règlement de base, est une réouverture partielle de l’enquête initiale en ce qui concerne les données relatives au nouvel exportateur pris individuellement. Cela conduirait à ce que toutes les données du règlement initial qui ne sont pas fondées sur des données spécifiques aux sociétés russes, et qui ne sont donc pas spécifiques à la requérante, devraient être maintenues, car ayant trait à la méthode utilisée pour le réexamen au titre de l’expiration des mesures. En outre, le choix d’une nouvelle période d’enquête ne devrait affecter que les données ayant trait spécifiquement à la requérante.

106    Or, la marge bénéficiaire utilisée dans le règlement attaqué excéderait de manière disproportionnée celle qui avait été retenue comme réalisée en principe sur des ventes dans la même catégorie de produits en Russie. Ce caractère disproportionné témoignerait du recours à une autre méthode que celle utilisée pour le règlement n° 1911/2006, en violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base. Il serait peu probable que, entre la période 2005-2006, prise en compte dans le règlement n° 1911/2006, et l’année 2008, prise en compte dans le règlement attaqué, la marge bénéficiaire normalement réalisée en Russie sur la même catégorie générale de produits puisse avoir triplé, quand bien même il y aurait eu des fluctuations du prix du gaz.

107    À cet égard, selon l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, la Commission applique, dans les enquêtes de réexamen et dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit antidumping.

108    Il convient donc de vérifier si la différence méthodologique dont la requérante fait état existe et, dans l’affirmative, de l’examiner à la lumière de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base afin de déterminer si son existence constitue une violation de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec. p. II‑565, point 163).

109    Lors de l’enquête initiale, comme lors de l’enquête de réexamen au titre de nouvel exportateur, les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été établis conformément à l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base.

110    Aux considérants 60 et 61 du règlement n° 1911/2006, le Conseil avait exposé ce qui suit :

« (60) Comme pour l’Algérie, les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ne pouvaient pas être établis sur la base du chapeau de l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base étant donné que les producteurs liés n’avaient pas réalisé de ventes intérieures représentatives du produit concerné au cours de leurs opérations commerciales normales. L’article 2, paragraphe 6, [sous] a), du règlement de base ne pouvait pas être appliqué puisqu’il n’existe que ces deux producteurs faisant l’objet de l’enquête. L’article 2, paragraphe 6, [sous] b), n’était pas non plus applicable étant donné que le coût de production de la même catégorie générale de produits devait lui aussi être ajusté au regard du prix du gaz, pour les raisons indiquées au considérant 58 ci-dessus. Comme il a été jugé impossible d’établir l’importance de l’ajustement nécessaire pour tous les produits de la même catégorie générale des produits vendus sur le marché intérieur, il a également été impossible d’établir les marges bénéficiaires après un tel ajustement. C’est pourquoi les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été établis conformément à l’article 2, paragraphe 6, [sous] c), du règlement de base.

(61) [L]es montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été déterminés sur la base de ces montants moyens pondérés des trois mêmes producteurs nord-américains. Il convient également de noter que le montant pour le bénéfice ainsi établi n’excédait pas le bénéfice réalisé par les producteurs russes sur les ventes de produits de la même catégorie générale sur leur marché intérieur. »

111    Ainsi qu’il est indiqué aux considérants 35 et 36 du règlement attaqué et comme le Conseil l’expose dans le mémoire en défense, pour la détermination des montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, dans le cadre du réexamen au titre de nouvel exportateur, il a également été fait application de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base. Il justifie une telle application également par l’argument selon lequel, selon lui, les dispositions du paragraphe 6, sous a) et b), paraissaient difficilement applicables, dès lors que, d’une part, aucun autre exportateur n’avait été examiné au cours du réexamen au titre de nouvel exportateur et que, d’autre part, les coûts de fabrication étaient, selon toute probabilité, faussés, compte tenu des coûts du gaz anormalement bas.

112    Il apparaît donc que les institutions ont bien appliqué la même méthode que celle utilisée dans l’enquête initiale.

113    Il importe d’ajouter que, en l’espèce, la requérante ne critique pas le recours à l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base.

114    La requérante soutient, en revanche, que le réexamen opéré aurait dû uniquement conduire à une réouverture partielle de l’enquête initiale en ce qui concerne les seules données concernant le nouvel exportateur et que la marge bénéficiaire retenue dans le règlement attaqué est déraisonnable et trop élevée.

115    Or, l’emploi de la même méthode ne signifie pas qu’il faille reprendre les mêmes données recueillies au cours d’une enquête antérieure, ni les mêmes conclusions factuelles ou chiffrées obtenues à partir desdites données.

116    En effet, si les données retenues pour l’enquête initiale étaient retenues, comme telles, concernant l’enquête relative au nouvel exportateur, cela signifierait notamment que des données identiques sont prises en compte alors que les périodes d’enquête sont différentes.

117    La première branche du second moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

 Sur la violation de l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base

118    La requérante soutient que n’est pas exposée, dans le règlement attaqué, la raison pour laquelle les institutions n’ont pas utilisé la marge bénéficiaire retenue dans le règlement initial et qu’il est seulement indiqué, au considérant 40 du règlement attaqué, qu’« aucun renseignement n’était disponible concernant d’autres producteurs en Russie ». La requérante considère que les institutions ne pouvaient procéder à un ajustement pour le prix du gaz tout en faisant référence au taux de rentabilité comptabilisé par elle. Un tel taux ne pouvait être valable que conjointement avec le coût du gaz et le coût de fabrication comptabilisés par la requérante elle-même.

119    La requérante soutient également que, s’il a pu être établi qu’elle avait réalisé un bénéfice de 42,6 %, selon sa propre déclaration, les institutions auraient dû appliquer l’article 2, paragraphe 6, sous b), du règlement de base.

120    Les institutions auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant la marge bénéficiaire, à partir de données provenant de producteurs américains, alors que le bénéfice pour ces derniers était, au cours de la période prise en compte, historiquement élevé et sans précédent. Cela serait contraire aux dispositions de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base, qui renvoie à un bénéfice « normalement réalisé ».

121    À cet égard, il n’apparaît pas de manière manifeste que la détermination de la marge bénéficiaire établie sur la base de données disponibles, résultant d’opérations commerciales normales et dont il a été vérifié qu’elle n’était pas supérieure au bénéfice normalement réalisé par d’autres exportateurs ou producteurs lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d’origine, au sens de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base, puisse constituer une erreur dans l’application de cette disposition. Au demeurant, le grief de contradiction de motifs qu’il y aurait, selon la requérante, entre les considérants 35 et 40 du règlement attaqué ne peut être retenu.

122    En effet, les coûts liés au gaz sur le marché russe ne résultant pas des forces du marché, il était justifié, comme il a été vu précédemment, de déterminer la marge bénéficiaire de la requérante sur une base raisonnable, en recourant à d’autres valeurs, tout en s’assurant néanmoins que ces valeurs ne soient pas supérieures à celles résultant d’opérations équivalentes sur le marché intérieur russe.

123    C’est donc à bon droit que les institutions ont conclu que la prise en compte des informations émanant d’autres producteurs, en l’occurrence des producteurs américains, serait la méthode la plus appropriée et la plus raisonnable, compte tenu de la grande disponibilité, de la fiabilité et du caractère complet des informations financières publiques, provenant de sociétés cotées, ainsi que du volume significatif des ventes intérieures et du niveau considérable de concurrence entre sociétés nationales et sociétés étrangères.

124    Il convient de rejeter la seconde branche du second moyen comme étant non fondée et, par suite, ledit moyen dans son ensemble.

125    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

126    S’agissant tout d’abord de l’argument de la requérante selon lequel Fertilizers Europe ne serait pas recevable à demander que ses dépens soient mis à la charge de la requérante, il suffit de constater que les dépens constituent une question accessoire à la procédure principale et que, normalement, seule la partie intervenante a intérêt à demander que ses dépens soient supportés par une autre partie.

127    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil et Fertilizers Europe, conformément aux conclusions de ces derniers.

128    La Commission supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Acron OAO est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux supportés par le Conseil de l’Union européenne et Fertilizers Europe.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Truchot

Kanninen

Martins Ribeiro

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.