Language of document : ECLI:EU:T:2004:95

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
31 mars 2004 (1)

«Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative et verbale HAPPY DOG – Marque nationale antérieure verbale HAPPIDOG – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94»

Dans l'affaire T-20/02,

Interquell GmbH, établie à Wehringen (Allemagne), représentée par Me G. J. Hodapp, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. G. Schneider et U. Pfleghar, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Provimi Ltd, établie à Staffordshire (Royaume-Uni), représentée par Me M. Kinkeldey, avocat,

partie intervenante,

partie intervenante,

partie intervenante,

l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l'OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

SCA Nutrition Ltd, établie à Staffordshire, représentée par Me M. Kinkeldey, avocat,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l'OHMI du 27 novembre 2001 (affaire R 264/2000-2), relative à une procédure d'opposition entre Interquell GmbH et SCA Nutrition Ltd,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),



composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili et M. M. Vilaras, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 17 décembre 2003,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 4 juillet 1996, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2
La marque dont l’enregistrement a été demandé est un signe mixte, verbal et figuratif, reproduit ci-dessous :

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3
Les produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 31 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : «aliments pour chiens».

4
La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 29/98 du 20 avril 1998.

5
Le 20 juillet 1998, SCA Nutrition Ltd a formé une opposition en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94. Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était, notamment, le risque de confusion visé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 entre la marque demandée et les deux marques antérieures suivantes :

la marque verbale, telle que représentée ci-dessous, enregistrée au Royaume-Uni sous le n° 1 573 085

HAPPIDOG

la marque figurative et verbale, telle que représentée ci-dessous, enregistrée au Royaume-Uni sous le n° B 1 128 306

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6
Les produits pour lesquels les marques antérieures sont enregistrées relèvent de la classe 31 au sens de l’arrangement de Nice et correspondent également à des aliments pour chiens.

7
Dans sa décision du 9 février 2000, la division d’opposition de l’OHMI a accueilli l’opposition et a, par conséquent, refusé l’enregistrement de la marque demandée, en raison de sa similitude avec la marque antérieure verbale n° 1 573 085 et de l’identité des produits que les deux marques désignent, qui risquent de créer une confusion dans l’esprit du public au Royaume-Uni où la marque antérieure est protégée.

8
Le 13 mars 2000, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

9
Ce recours a été rejeté par décision du 27 novembre 2001 (ci-après la «décision attaquée») de la deuxième chambre de recours, qui a été notifiée à la requérante le 30 novembre 2001.

10
La chambre de recours a estimé que la décision de la division d’opposition était bien fondée. En substance, la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public concerné au Royaume-Uni, en raison de l’identité des produits désignés par le signe déposé et la marque verbale antérieure n° 1 573 085 et du fait que ces deux signes en conflit présentaient des similitudes conceptuelles et visuelles très fortes.


Procédure et conclusions des parties

11
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2002, la requérante a introduit le présent recours.

12
Dans une lettre du 21 juin 2002, l’OHMI a indiqué que la marque verbale antérieure n° 1 573 085 avait été radiée du registre des marques britannique comme étant expirée et a sollicité la suspension de la procédure jusqu’à la décision de l’office compétent sur la demande de réinscription formulée par SCA Nutrition. À la suite de l’opposition exprimée par la requérante, la demande de suspension de la procédure a été rejetée.

13
Par acte déposé au greffe le 19 août 2002, la société Provimi Ltd, cessionnaire de la marque verbale antérieure HAPPIDOG depuis le 8 juillet 2002, a demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’OHMI. Par ordonnance du président de la quatrième chambre du 16 octobre 2002, il a été fait droit à la demande de Provimi, laquelle a été admise, conformément à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, à présenter ses observations lors de l’audience.

14
SCA Nutrition et l’OHMI ont déposé leur mémoire en réponse au greffe du Tribunal les 28 et 29 août 2002. Dans son mémoire, SCA Nutrition a précisé que l’enregistrement national de la marque verbale antérieure n° 1 573 085 avait été renouvelé le 10 juin 2002, avant que ladite marque ne soit cédée à Provimi le 8 juillet de la même année.

15
Par lettre datée du 4 décembre 2003, SCA Nutrition et Provimi ont informé le Tribunal qu’elles ne seraient pas présentes à l’audience fixée au 17 décembre 2003.

16
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’OHMI aux dépens.

17
L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

18
SCA Nutrition conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

19
La requérante invoque, en substance, deux moyens à l’appui de son recours, tirés de la violation, premièrement, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, deuxièmement, de l’article 12 dudit règlement.

20
Il convient, en outre, de relever que, pour autant qu’il y est procédé à un renvoi global aux arguments contenus dans les écritures déposées dans le cadre de la procédure administrative, la requête ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et ne saurait donc être prise en considération (arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 33).

Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

21
La requérante fait valoir, tout d’abord, que, appliquée à des aliments pour chiens, l’expression «happy dog» est descriptive en ce qu’elle désigne la qualité et la destination desdits aliments. En effet, cette combinaison exprimerait de façon compréhensible pour le public, en particulier au Royaume-Uni, que la composition de l’aliment est tellement saine et savoureuse que, après l’avoir consommé, le chien est en bonne santé et donc heureux.

22
Cette analyse, qui n’a pas été effectuée par la chambre de recours, serait nécessaire pour déterminer l’étendue de la protection de la marque verbale antérieure et vérifier si la marque demandée entre ou non dans le domaine de ladite protection.

23
Selon la requérante, le caractère descriptif de l’expression «happy dog» explique que SCA Nutrition n’a pu obtenir l’enregistrement de sa marque verbale au Royaume-Uni qu’en modifiant l’un des termes susvisés et en les accolant pour créer une expression grammaticalement incorrecte. Or, la protection d’une telle marque serait limitée aux seuls cas de risque de confusion avec des signes identiques. Admettre une solution contraire reviendrait à empêcher les opérateurs économiques d’utiliser dans leurs signes, à côté d’autres éléments conférant un caractère distinctif auxdits signes, des termes grammaticalement corrects mais descriptifs, et ce en raison de la similarité phonétique avec une marque constituée, comme en l’espèce, par la variante grammaticalement incorrecte desdits termes.

24
S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la requérante prétend que ces derniers ne sont pas similaires sur le plan visuel. À cet égard, la chambre de recours n’aurait pas examiné les éléments figuratifs de la marque demandée qui seraient les seuls à permettre l’enregistrement de ladite marque. En outre, la chambre aurait également violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en considérant que, d’un point de vue typographique, les signes en conflit présentaient une importante similitude, alors que la présentation typographique de la marque demandée avait été, à l’évidence, travaillée.

25
Par ailleurs, la requérante soutient que, la portée de la protection de la marque verbale antérieure étant très limitée, la conclusion d’un risque de confusion entre les signes en cause ne peut être fondée sur une similitude phonétique entre ces derniers.

26
L’OHMI fait observer que le raisonnement de la requérante consiste à soustraire de chaque marque en cause l’élément constitutif «happy dog», ce qui laisse subsister, dans le cas de la marque demandée, un seul élément figuratif et, dans le cas de la marque antérieure, le fait même de la juxtaposition des termes «happy» et «dog» ainsi que l’emploi de la lettre «i» au lieu et place du «y» pour le premier terme précité. Selon l’OHMI, ce raisonnement amène la requérante à affirmer, de manière erronée, que la comparaison des éléments constitutifs «restants» fait apparaître les signes en cause trop différents pour pouvoir conclure à l’existence d’un risque de confusion.

27
Le défendeur conteste cette argumentation dans la mesure où elle ne tient pas compte de l’impression d’ensemble produite par chacune des marques et où elle est fondée sur la prémisse erronée selon laquelle l’élément constitutif «happy dog» serait descriptif au regard des produits concernés.

28
Or, d’une part, une appréciation globale des signes en cause permettrait de conclure que ces derniers sont identiques tant sur le plan conceptuel que sur le plan auditif, les seules différences d’ordre visuel n’étant pas suffisantes pour exclure un risque de confusion eu égard à l’identité des produits visés.

29
D’autre part, un syntagme ne pourrait être qualifié de descriptif qu’à condition d’être spontanément compris, par le public concerné, comme une indication de l’espèce du produit, de son contenu, de sa destination, ce qui ne serait pas le cas du syntagme «happy dog», lequel, appliqué aux aliments pour chiens, constituerait tout au plus une marque suggestive. En effet, parler d’un chien «heureux» ou «content» n’aurait pas de rapport immédiat avec les produits en cause.

30
Après avoir rappelé que le rôle du Tribunal est d’opérer un contrôle de légalité sur les décisions des chambres de recours, lesquelles ne pourraient être censurées que dans les hypothèses où elles se sont clairement trompées dans l’appréciation juridique des faits constatés, SCA Nutrition affirme que c’est à juste titre que la deuxième chambre de recours a, en l’espèce, conclu à l’existence d’un risque de confusion.

31
Elle soutient que, en affirmant que la protection de la marque HAPPIDOG est limitée aux seuls cas de risque de confusion avec des signes identiques, la requérante interprète de manière erronée l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, lequel n’opère pas de distinction entre les marques verbales, en traitant de manière particulière les marques constituées à partir de mots connus. En outre, le syntagme «happy dog» ne pourrait être considéré comme descriptif au regard des termes de l’arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251). Cette argumentation de la requérante sur le caractère descriptif de l’expression «happy dog» serait, au demeurant, contradictoire avec sa propre demande d’enregistrement de marque communautaire.

32
SCA Nutrition prétend également que, à supposer même que le domaine de protection de la marque verbale antérieure soit très limité, il y a bien, en l’espèce, un risque de confusion entre les signes en conflit. Ces derniers seraient identiques d’un point de vue auditif et extrêmement similaires sur le plan visuel. À cet égard, l’élément figuratif de la marque demandée, qui correspond à un graphisme publicitaire courant, n’a pas, selon SCA Nutrition, de signification autonome et sera ainsi perçu par les consommateurs comme une variation de la marque antérieure. En outre, la similitude conceptuelle créerait nécessairement, eu égard à l’identité des produits en cause, un risque de confusion entre les signes en conflit.

Appréciation du Tribunal

33
Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement «lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure». Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, on entend par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

34
Il convient de relever, tout d’abord, que la formulation générale de la disposition susvisée contredit l’argumentation de la requérante limitant la protection de certaines marques verbales, comme la marque antérieure HAPPIDOG, aux seuls cas de risque de confusion avec des marques identiques. Il ressort de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 que toutes les marques valablement enregistrées sont protégées non seulement en cas d’identité, mais aussi de similitude entre la marque antérieure et le signe revendiqué et entre les produits ou services désignés.

35
Il importe, ensuite, de souligner que le risque de confusion dans l’esprit du public, qui conditionne l’application de l’article précité et qui se définit comme le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17 ; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI − Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 25], doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts Canon, précité, point 16 ; Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 18, et Fifties, précité, point 26).

36
Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, précité, point 17 ; Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19, et Fifties, précité, point 27).

37
En outre, la perception des marques qu’a le consommateur des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. En l’espèce, étant donné la nature des produits concernés (aliments pour chiens), qui sont des articles de consommation courante, et le fait que la marque verbale antérieure est enregistrée et protégée au Royaume-Uni, le public concerné par rapport auquel l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer est constitué par le consommateur moyen de cet État membre. Or, le consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23 ; Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25, et arrêt Fifties, précité, point 28). Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

38
À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de procéder à la comparaison, d’une part, des produits concernés et, d’autre part, des signes en conflit.

39
Il est constant entre les parties que les produits visés par les signes en conflit sont identiques.

40
S’agissant de la comparaison des signes, il ressort de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, en particulier, de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25).

41
À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé qu’une évaluation détaillée n’était pas nécessaire pour conclure que les acheteurs d’aliments pour chiens allaient confondre les deux signes en cause, les similitudes conceptuelles et visuelles étant très fortes. Elle a ajouté que les différences entre les deux signes, lorsqu’ils sont apposés sur des boîtes d’aliments pour chiens, même mises côte à côte, sont à peine visibles (point 17 de la décision attaquée).

42
Force est, en effet, de constater que les signes en conflit concordent dans leur contenu conceptuel, en ce sens qu’ils suggèrent au public pertinent que la consommation des produits visés par le chien rendra ce dernier heureux.

43
S’agissant de la comparaison visuelle, il y a lieu d’observer que l’élément verbal «happy dog» détient une place prépondérante dans le signe revendiqué. Or, la comparaison entre l’élément verbal dominant dudit signe et la marque verbale antérieure fait apparaître une certaine similitude visuelle (arrêt Fifties, précité, point 37). En effet, la différenciation provoquée par la juxtaposition des termes «happy» et «dog» et le remplacement de la lettre «y» par la lettre «i» n’est pas suffisamment importante pour écarter toute similitude, étant rappelé que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci. Néanmoins, dans le cadre de l’appréciation visuelle d’ensemble des signes en conflit, la présence d’éléments figuratifs dans la marque demandée, même peu importants comme le sont l’encadrement et la typographie particulière du syntagme «happy dog», ne permet pas d’affirmer qu’on est en présence d’une très forte similitude visuelle.

44
À supposer même qu’il puisse être conclu que les signes en conflit ne présentent pas de similitude visuelle, c’est à bon droit que la chambre de recours a retenu, en l’espèce, l’existence d’un risque de confusion. Compte tenu de l’identité des produits visés et de la similitude conceptuelle des signes en cause, à laquelle il convient d’ajouter, au regard du public pertinent, une évidente identité phonétique entre ces mêmes signes, les éventuelles différences visuelles entre les signes ne seraient pas de nature à écarter l’existence d’un risque de confusion dans la perception dudit public (voir, en ce sens, arrêt Fifties, précité, point 46).

45
L’existence du risque de confusion ainsi constaté entre les signes en conflit n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante sur le caractère descriptif du syntagme «happy dog». Pour autant que la requérante ait voulu se référer à la corrélation établie par la jurisprudence entre le degré de distinctivité de la marque antérieure et l’étendue de la protection de celle-ci (arrêts SABEL, précité, point 24 ; Canon, précité, point 18, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 20) et arguer ainsi de l’absence, en l’espèce, de risque de confusion en raison du faible caractère distinctif de la marque verbale antérieure, il y a lieu de considérer que cette argumentation est inopérante.

46
En effet, à supposer même que le syntagme «happy dog» puisse être considéré comme descriptif appliqué à des aliments pour chiens, d’une part, et que, conséquemment, la marque verbale antérieure soit elle-même considérée comme faiblement distinctive, d’autre part, il convient de relever que, en raison de l’interdépendance des facteurs pertinents pour l’appréciation du risque de confusion, une identité des produits désignés associée à une grande similitude des signes en conflit, telle que constatée en l’espèce, est suffisante pour conclure à l’existence d’un tel risque (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI ─- Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, Rec. p. II‑43, point 36).

47
Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen invoqué par la requérante doit être rejeté comme non fondé.

Sur la non-application de l’article 12 du règlement n° 40/94

Arguments des parties

48
La requérante indique qu’il résulte de l’article 12 du règlement n° 40/94 que les droits du titulaire de la marque communautaire sont limités lorsqu’un tiers utilise, pour désigner ses produits, des indications relatives, notamment, à l’espèce, à la qualité ou à la valeur desdits produits. Conformément à cette disposition, la protection dont bénéficierait la marque verbale antérieure ne permettrait pas d’interdire l’utilisation, comme en l’espèce, de termes descriptifs comme «happy dog».

49
Elle prétend avoir exposé cette argumentation dans le cadre de la procédure devant l’OHMI mais que ce dernier ne l’a pas examinée «ni non plus pris en considération l’article 12 du règlement n° 40/94». L’OHMI aurait ainsi violé ledit règlement en ne respectant pas les dispositions applicables.

50
L’OHMI fait valoir que l’article 12 du règlement n° 40/94 ne trouve pas à s’appliquer dans le cadre d’une procédure d’enregistrement, ce que la Cour a d’ailleurs indiqué dans le cadre d’une application des motifs absolus de refus (arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779) et sur la base de considérations également valables dans le cadre d’une procédure d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

51
SCA Nutrition soutient également que l’article 12 du règlement n° 40/94 n’est pas applicable dans une procédure d’enregistrement d’une marque communautaire et que la requérante ne peut pas invoquer cette disposition, car elle a manifestement l’intention d’utiliser le signe déposé comme indication de l’origine commerciale, c’est-à-dire comme une marque, ce qui ne correspond pas à la notion d’usage loyal, telle que définie à l’article 12 du règlement n° 40/94.

Appréciation du Tribunal

52
La requérante soutient que, conformément à l’article 12 du règlement n° 40/94, la protection dont bénéficie la marque verbale antérieure ne peut entraîner l’interdiction pour un concurrent d’utiliser, pour ses produits, des termes descriptifs comme «happy dog».

53
Force est, toutefois, de constater qu’il résulte de l’examen de l’ensemble des écritures déposées par la requérante lors de la procédure administrative que celle-ci n’a jamais expressément mentionné l’article 12 du règlement n° 40/94 ni a fortiori développé une argumentation fondée sur cette disposition spécifique dudit règlement.

54
Dans ces circonstances, le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours a omis de statuer sur l’application au cas d’espèce de l’article 12 du règlement n° 40/94 est fondé sur une prémisse erronée et doit être rejeté.

55
En outre, à supposer même que l’argument figurant dans l’exposé des motifs du recours contre la décision de la division d’opposition, selon lequel les concurrents doivent pouvoir utiliser librement l’expression descriptive «happy dog», eût dû être compris par la chambre de recours comme une référence implicite mais nécessaire à l’article 12 du règlement n° 40/94, il convient de relever que cet article n’est pas applicable dans le cadre de la procédure d’enregistrement d’une marque communautaire.

56
En effet, l’article 12 du règlement n° 40/94 vise les limitations du droit conféré par une marque communautaire à son titulaire, dans la vie des affaires. Ainsi, un présumé contrefacteur peut, à titre de moyen de défense, invoquer cette disposition pour, le cas échéant, s’exonérer de toute atteinte aux droits du titulaire d’une marque communautaire composé, notamment, de termes désignant la qualité ou d’autres caractéristiques du produit visé. L’article 12 du règlement n° 40/94 ne saurait donc être pris en compte lors de la procédure d’enregistrement d’une marque, car il ne confère pas aux tiers l’usage de tels termes en tant que marque, comme le revendique la requérante, mais se borne à assurer qu’ils peuvent les utiliser de manière descriptive, à savoir en tant qu’indications relatives à la qualité ou à d’autres caractéristiques du produit, à condition que l’utilisation en soit faite conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale [voir, par analogie, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 28, et arrêt du Tribunal du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, non encore publié au Recueil, points 55 à 57].

57
Il s’ensuit que le second moyen invoqué par la requérante doit être écarté.

58
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté.


Sur les dépens

59
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par SCA Nutrition, conformément aux conclusions de ceux-ci. En revanche, Provimi n’ayant pas formulé de conclusions concernant la charge des dépens, elle supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) et SCA Nutrition Ltd.

3)
Provimi Ltd est condamnée à supporter ses propres dépens.

Legal

Tiili

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 mars 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

H. Legal


1
Langue de procédure: l'allemand.