Language of document : ECLI:EU:T:2023:69

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 février 2023 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs au plan de relance et de résilience présenté par un État membre à la Commission – Documents émanant d’un État membre – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre »

Dans l’affaire T‑77/22,

Asesores Comunitarios, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. Monrabà Bagan, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Spina, T. Adamopoulos et M. Burón Pérez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis et M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Asesores Comunitarios, SL, demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 3 décembre 2021 lui refusant l’accès à certains documents émanant du Royaume d’Espagne, demandé au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société espagnole qui effectue des missions de conseil auprès des autorités publiques ou des entreprises en ce qui concerne les affaires politiques et réglementaires de l’Union européenne et qui assure notamment, dans ce cadre, un suivi du processus décisionnel de ses institutions.

3        En l’espèce, les documents auxquels l’accès a été refusé par la décision attaquée concernent le plan pour la reprise et la résilience (ci-après le « PRR ») présenté par le Royaume d’Espagne à la Commission, avec l’ébauche de ses différents volets, afin de pouvoir bénéficier d’une mesure de soutien financier décidée par l’Union pour accélérer la mise en œuvre de réformes durables et des investissements publics connexes dans les États membres.

 Sur la facilité pour la reprise et la résilience et le PRR présenté par le Royaume d’Espagne

4        Le 12 février 2021, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) 2021/241, établissant la facilité pour la reprise et la résilience (JO 2021, L 57, p. 17). Cette facilité est un instrument de relance temporaire qui permet à la Commission de lever des fonds pour aider les États membres à mettre en œuvre des réformes et des investissements qui sont conformes aux priorités de l’Union. À cette fin, la facilité met à disposition des États membres 723,8 milliards d’euros en prix courants sous la forme de prêts et de subventions. L’objectif général de la facilité est d’atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19 et de rendre les économies et les sociétés européennes plus durables, plus résilientes et mieux préparées aux défis posés par les transitions écologique et numérique.

5        Dans ce cadre, les États membres préparent des PRR. Ces plans énoncent le programme de réforme et d’investissements de l’État membre concerné. Les plans qui sont éligibles à un financement au titre de la facilité comprennent des mesures en vue de la mise en œuvre de réformes et d’investissements publics, qui peuvent également inclure des programmes publics destinés à encourager l’investissement privé.

6        Le 30 avril 2021, le Royaume d’Espagne a présenté son PRR à la Commission.

7        Ce PRR a été évalué par la Commission conformément à la procédure prévue par le règlement 2021/241 afin de pouvoir faire l’objet d’une proposition de décision d’exécution transmise au Conseil pour approbation. À ce titre, le 16 juin 2021, la Commission a évalué positivement le PRR du Royaume d’Espagne et proposé au Conseil une décision d’exécution. Cette proposition et son annexe étaient accompagnées d’un document de travail de la Commission analysant le contenu du PRR et présentant davantage de détails sur son évaluation. En juillet 2021, le Conseil a adopté la décision d’exécution relative à l’approbation de l’évaluation positive par la Commission du PRR du Royaume d’Espagne.

8        La proposition de décision d’exécution du 16 juin 2021, son annexe, la décision d’exécution de juillet 2021 ainsi que des documents complémentaires, tels que les arrangements opérationnels convenus par la suite avec le Royaume d’Espagne en ce qui concerne la mise en œuvre du PRR, ont été rendus disponibles pour le public sur les sites Internet de la Commission et du Conseil.

9        En outre, le PRR du Royaume d’Espagne, tel qu’évalué positivement par la Commission, a été rendu accessible au public sur le site Internet du gouvernement espagnol ou, au moyen d’un renvoi à ce site, sur le site Internet de la Commission.

10      Le PRR du Royaume d’Espagne, tel qu’évalué par la Commission et approuvé par le Conseil, décrit les mesures nationales en matière de politique économique, sous la forme de réformes et d’investissements visant, en particulier, à relever les défis recensés dans les recommandations par pays établies dans le cadre du Semestre européen pour la coordination des politiques économiques et sociales. La mise en œuvre réussie de ces mesures nationales doit permettre au Royaume d’Espagne de bénéficier d’un soutien non remboursable d’environ 70 milliards d’euros.

 Sur la demande d’accès aux documents 

11      Les 3 et 12 mai 2021, la requérante a demandé, conformément au règlement no 1049/2001, l’accès au « plan national pour la reprise et la résilience [du Royaume d]’Espagne soumis à la Commission, ainsi qu’aux documents échangés entre le gouvernement espagnol et la Commission », et cela « à partir de la date à laquelle le gouvernement espagnol a[vait] présenté ce plan à la Commission ».

12      Par lettre du 7 juin 2021, le groupe de travail pour la reprise et la résilience (Recovery and Resilience Task Force) de la Commission (ci-après le « groupe de travail ») a indiqué à la requérante que quatre documents étaient visés par sa demande, à savoir :  

–        le PRR du Royaume d’Espagne officiellement soumis par les autorités espagnoles à la Commission le 30 avril 2021 (ci-après le « document 1 ») ;

–        la lettre des autorités espagnoles annonçant la soumission officielle du PRR le 30 avril 2021, enregistrée sous la référence Ares(2021)2902451 (ci-après le « document 2 ») ;

–        l’accusé de réception envoyé par la Commission aux autorités espagnoles le 30 avril 2021, enregistré sous la référence Ares(2021)2934013 (ci-après le « document 3 ») ;

–        la lettre des autorités espagnoles à la Commission du 3 mai 2021, enregistrée sous la référence Ares(2021)2961363, incluant des informations sur les composants 23 et 30 du PRR (ci-après le « document 4 »).

13      Dans sa lettre 7 juin 2021, le groupe de travail a indiqué joindre en annexe une copie du document 3 qui émanait de la Commission. En revanche, s’agissant des documents 1, 2 et 4, qui émanaient des autorités espagnoles, le groupe de travail a relevé que l’accès du public à ces documents ne pouvait pas être accordé en raison des exceptions prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous a), quatrième tiret (protection de l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre), et par l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa (protection du processus décisionnel en cours), du règlement no 1049/2001. Le groupe de travail a également indiqué qu’il n’était pas possible d’octroyer un accès partiel à ces documents.

14      Le 25 juin 2021, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, la requérante a adressé à la Commission une demande confirmative tendant à la révision de la position adoptée dans la lettre du 7 juin 2021. En substance, la requérante contestait l’application des exceptions invoquées par le groupe de travail.

15      Le 3 décembre 2021, la secrétaire générale de la Commission a adopté la décision attaquée. Elle a indiqué tout d’abord qu’elle considérait que les raisons invoquées par les autorités espagnoles pour justifier la décision de ne pas divulguer les documents 1, 2 et 4 étaient à première vue suffisantes pour justifier l’application des exceptions précédemment évoquées par le groupe de travail. La secrétaire générale a également indiqué que le refus d’accès à certaines parties des documents 2 et 4 était justifié par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 (protection des données à caractère personnel). Elle a aussi relevé, d’une part, que la demande confirmative n’exposait pas d’intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés susceptible de primer les intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, que sa propre analyse ne la conduisait pas à relever en tout état de cause l’existence d’un tel intérêt. Sur ce point, la secrétaire générale a rappelé que la publication des plans élaborés par les États membres relevait de leur responsabilité. En dernier lieu, la secrétaire générale a exposé qu’il n’était pas possible en l’espèce d’accorder un accès partiel aux documents demandés.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et accorder l’accès aux documents demandés ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter comme irrecevable la demande visant à ce qu’il soit ordonné à la Commission d’accorder à la requérante l’accès aux documents demandés ;

–        pour le surplus, rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande visant à accorder l’accès aux documents demandés

18      En ce qui concerne le premier chef de conclusions, il y a lieu de relever que celui-ci tend à ce que le Tribunal accorde l’accès aux documents demandés. Une telle demande s’interprète comme une demande d’injonction adressée à la Commission quant aux conséquences à tirer d’une éventuelle annulation de la décision attaquée.

19      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union (voir ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée, et arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 104 et jurisprudence citée).

20      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter pour cause d’incompétence la demande visant à accorder l’accès aux documents demandés, présentée au titre du premier chef de conclusions.

 Sur la demande visant à annuler la décision attaquée

21      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée, la requérante soulève quatre moyens, tirés de diverses violations de l’article 4 du règlement no 1049/2001, à savoir :

–        le premier, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), quatrième tiret, dudit règlement en ce que la Commission aurait incorrectement appliqué l’exception à la divulgation fondée sur l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre ;

–        le deuxième, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), dudit règlement en ce que la Commission aurait incorrectement appliqué l’exception à la divulgation fondée sur la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu ;

–        le troisième, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, premier membre de phrase, dudit règlement en ce que la Commission aurait incorrectement appliqué l’exception à la divulgation fondée sur la protection d’un processus décisionnel en cours ;

–        le quatrième, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, dernier membre de phrase, dudit règlement en ce qu’il serait établi qu’il existerait un intérêt public supérieur primant la nécessité de protéger le processus décisionnel en cours.

22      Il importe à cet égard de relever que le premier moyen, d’une part, et les troisième et quatrième moyens, d’autre part, concernent les exceptions qui ont été invoquées pour refuser l’accès au contenu intégral des documents demandés, alors que le deuxième moyen porte, pour sa part, sur la raison invoquée pour refuser l’accès à certaines informations nominatives mentionnées dans les documents 1 et 2.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), quatrième tiret, du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre

23      La requérante conteste l’application en l’espèce de l’exception, relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne notamment la politique financière ou économique d’un État membre, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), quatrième tiret, du règlement no 1049/2001. En premier lieu, les autorités espagnoles n’auraient pas dûment motivé leur position, notamment parce que la nécessité alléguée « de garantir un climat adéquat et une stabilité financière dans la perspective des réformes structurelles » ne serait qu’un « écran de fumée ». En deuxième lieu, la Commission n’aurait pas fait état des motifs invoqués par les autorités espagnoles et ne se serait pas assurée de l’existence d’une motivation suffisante pour fonder l’application de l’exception invoquée. En troisième lieu, la Commission aurait dû vérifier si la divulgation des documents demandés était de nature à mettre effectivement et non hypothétiquement en péril le climat et la stabilité financière du Royaume d’Espagne.

24      À ce dernier égard, la requérante critique certaines affirmations faites par la Commission dans la décision attaquée.

25      Premièrement, l’affirmation suivant laquelle « la divulgation des documents à ce stade pourrait avoir une incidence négative sur la politique économique [du Royaume d]’Espagne, étant donné l’importance du plan par rapport au produit intérieur brut », serait dénuée de pertinence, dès lors que d’autres documents relatifs à des programmes de financement en cours ou à des fonds reçus par le Royaume d’Espagne feraient l’objet d’un accès du public.

26      Deuxièmement, l’affirmation suivant laquelle « la divulgation des informations détaillées retenues aurait de vastes implications politiques qui pourraient avoir un impact négatif sur les décaissements de 69,5 milliards d’euros » serait abstraite et ne reflèterait pas une menace tangible. Même en admettant le caractère politiquement sensible de certaines parties des documents demandés, leur divulgation ne pourrait être dissimulée aux citoyens, étant donné que les réformes et les décaissements envisagés seraient de nature publique. D’autres documents politiquement sensibles, y compris le PRR d’autres États membres, seraient publics et leur caractère sensible n’aurait pas empêché leur divulgation. Par ailleurs, les fonds octroyés au Royaume d’Espagne auraient déjà été décidés et le décaissement ne serait qu’une question administrative qui interviendrait après la satisfaction des jalons et cibles fixés dans le PRR du Royaume d’Espagne.

27      Troisièmement, l’affirmation suivant laquelle « l’accès public à ces documents [serait] susceptible d’engendrer des interférences et des spéculations à chaque étape du processus de négociation et, en fin de compte, de mettre en péril la stabilité financière » concernerait, en réalité, un document qui, à la date d’adoption de la décision attaquée, aurait déjà été évalué et validé par la Commission et approuvé par le Conseil. Des interférences et spéculations ne pourraient donc pas entraver la publication du PRR initialement approuvé par le Royaume d’Espagne.

28      Quatrièmement, l’affirmation suivant laquelle la divulgation des documents demandés « entraînerait des spéculations injustifiées sur la politique financière de l’État membre reposant sur des comparaisons textuelles » ne serait pas fondée. Au contraire, ce serait l’absence de transparence qui entraînerait des spéculations sur les motifs de la non-divulgation de ces documents. La procédure de négociation ayant pris fin, cette motivation ne tiendrait plus en tout état de cause.

29      La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, considère que ce moyen est non fondé pour les raisons exposées dans la décision attaquée.

–       Observations liminaires

30      Il convient de rappeler que le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 33, et du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 40). En vertu de l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement, ce droit couvre non seulement les documents établis par une institution, mais également ceux reçus par elle de tiers, au nombre desquels figurent les États membres, ainsi que le précise expressément l’article 3, sous b), du même règlement.

31      Toutefois, ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 62, et 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 41). En particulier, l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 énonce qu’un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui sans son accord préalable.

32      En l’espèce, le Royaume d’Espagne a exercé la faculté qui lui était ouverte par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 et a demandé à la Commission de ne pas divulguer les documents demandés qu’elle lui avait adressés en avril et en mai 2021. Cet État membre a fondé son opposition notamment sur l’exception relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne sa politique économique, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), quatrième tiret, dudit règlement. En conséquence, dans la décision attaquée, la Commission a fondé son refus de donner accès aux documents demandés sur l’opposition manifestée par les autorités espagnoles en application de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001.

33      À cet égard, s’agissant de la portée de l’opposition formée par un État membre en vertu de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001, il ressort de la jurisprudence que ladite disposition n’autorise l’État membre concerné à s’opposer à la divulgation de documents qui émanent de lui que sur le fondement des exceptions matérielles prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, de ce règlement et en motivant dûment sa position à cet égard (arrêts du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 59, et du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 50).

34      S’agissant de la portée de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 à l’égard de l’institution saisie d’une demande d’accès à un document, il y a lieu de rappeler que le juge de l’Union a déjà jugé que l’intervention de l’État membre concerné n’affectait pas, au regard du demandeur, le caractère d’acte de l’Union de la décision lui étant adressée ultérieurement par l’institution en réponse à sa demande d’accès à un document détenu par cette dernière (arrêts du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 60, et du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 51).

35      L’institution saisie d’une demande d’accès à un document, en tant qu’auteur d’une décision de refus d’accès à des documents, est donc responsable de la légalité de celle-ci. Ainsi, il a été jugé que cette institution ne saurait donner suite à l’opposition manifestée par un État membre à la divulgation d’un document qui émanait de lui si cette opposition était dénuée de toute motivation ou si les motifs sur lesquels se fondait cet État membre pour refuser l’accès au document en cause ne se référaient pas aux exceptions énumérées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001 (arrêts du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 61, et du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 52).

36      Il s’ensuit que, avant de refuser l’accès à un document émanant d’un État membre, il incombe à l’institution concernée d’examiner si ce dernier a fondé son opposition sur les exceptions matérielles prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001 et s’il a dûment motivé sa position à cet égard. Dès lors, dans le cadre du processus d’adoption d’une décision de refus d’accès, ladite institution doit s’assurer de l’existence d’une telle motivation et en faire état dans la décision adoptée par elle au terme de la procédure (arrêts du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 62 ; du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 53, et du 8 février 2018, POA/Commission, T‑74/16, non publié, EU:T:2018:75, point 55).

37      En effet, ainsi qu’il ressort notamment des articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001, l’institution est elle-même tenue de motiver la décision de refus qu’elle oppose à l’auteur de la demande d’accès. Une telle obligation implique que l’institution fasse état, dans sa décision, non seulement de l’opposition manifestée par l’État membre concerné à la divulgation du document demandé, mais également des raisons invoquées par cet État membre aux fins de conclure à l’application de l’une des exceptions au droit d’accès prévues par l’article 4, paragraphes 1 à 3, du même règlement. De telles indications sont en effet de nature à permettre au demandeur de comprendre l’origine et les raisons du refus qui lui est opposé et à la juridiction compétente d’exercer, le cas échéant, le contrôle qui lui est dévolu (voir arrêt du 8 février 2018, POA/Commission, T‑74/16, non publié, EU:T:2018:75, point 56 et jurisprudence citée).

38      En revanche, selon la jurisprudence rendue dans le cadre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001, il n’appartient pas à l’institution saisie d’une demande d’accès à un document de procéder à une appréciation exhaustive de la décision d’opposition de l’État membre concerné en effectuant un contrôle qui irait au-delà de la vérification de la simple existence d’une motivation faisant référence aux exceptions visées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001 (arrêts du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 63, et du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 54). L’institution saisie doit, cependant, vérifier si les explications données par l’État membre lui paraissent prima facie fondées (arrêts du 5 avril 2017, France/Commission, T‑344/15, EU:T:2017:250, point 54, et du 8 février 2018, POA/Commission, T‑74/16, non publié, EU:T:2018:75, point 57).

39      Exiger une telle appréciation exhaustive pourrait aboutir à ce que, celle-ci une fois effectuée, l’institution saisie d’une demande d’accès à un document puisse, à tort, procéder à la communication au demandeur du document en cause nonobstant l’opposition, dûment motivée au sens des points 35 et 36 ci-dessus, de l’État membre dont émane ce document (arrêts du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 64 ; du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 55, et du 8 février 2018, POA/Commission, T‑74/16, non publié, EU:T:2018:75, point 58).

40      Il ressort également de la jurisprudence du Tribunal que l’obligation d’examen concret et individuel qui découle du principe de transparence tel qu’énoncé dans la jurisprudence n’est pas d’application lorsque la demande d’accès concerne un document émanant d’un État membre au titre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêts du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, points 80 à 84, et du 8 février 2018, POA/Commission, T‑74/16, non publié, EU:T:2018:75, points 60 et 61).

41      S’agissant de l’étendue du contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision d’une institution refusant l’accès du public à un document au titre de l’une des exceptions relatives à l’intérêt public visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001, il y a lieu de relever qu’il convient de reconnaître à cette dernière institution une large marge d’appréciation aux fins de déterminer si la divulgation de documents relevant des domaines couverts par lesdites exceptions est susceptible de porter atteinte à l’intérêt public. Le contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union à l’égard d’une telle décision doit, partant, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 63 et jurisprudence citée).

42      Par ailleurs, lorsque la partie requérante met en cause la légalité d’une décision lui refusant l’accès à un document en application de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, en alléguant que l’exception invoquée par l’institution concernée n’était pas applicable au document sollicité, le Tribunal est tenu d’ordonner la production de ce document et d’examiner celui-ci, dans le respect de la protection juridictionnelle de ladite partie. En revanche, il ne saurait être soutenu que, pour apprécier la légalité des motifs de refus d’accès à un document, invoqués par une institution sur le fondement d’une exception dont l’applicabilité n’est pas contestée, le Tribunal soit obligé d’ordonner systématiquement la production de l’intégralité du document dont l’accès est demandé. En effet, c’est dans l’exercice de la marge d’appréciation dont le Tribunal jouit en matière d’évaluation des éléments de preuve que celui-ci peut décider s’il est nécessaire que les documents demandés soient produits devant lui, et ce afin d’examiner le bien-fondé des motifs sur le fondement desquels une institution a refusé l’accès à ces documents (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Jurašinović/Conseil, C‑576/12 P, EU:C:2013:777, points 26 à 30 et jurisprudence citée).

43      Or, en l’espèce, il s’avère que la requérante ne fait pas valoir devant le Tribunal que l’exception invoquée par l’institution en cause n’est pas applicable en tant que telle aux documents demandés, mais se limite à contester le bien-fondé des arguments avancés par celle-ci dans la décision attaquée visant à établir que la divulgation de ces documents aurait porté atteinte à l’intérêt protégé par cette exception. Partant, compte tenu de l’argumentation de la requérante au titre du premier moyen, laquelle conteste le bien-fondé des arguments avancés dans la décision attaquée visant à établir que la divulgation des documents demandés aurait porté atteinte à l’intérêt protégé par l’exception ici en cause, et dans la mesure où la nature et le contenu des documents demandés peuvent être appréciés en considération des différents documents disponibles pour le public en ce qui concerne le PRR du Royaume d’Espagne (voir points 8 et 9 ci‑dessus), il n’apparaît pas nécessaire que le Tribunal consulte lui-même, in camera, les documents en cause en faisant application de l’article 91, sous c), de l’article 92 et de l’article 104 de son règlement de procédure.

44      C’est à la lumière de ces observations liminaires qu’il convient d’examiner les arguments relatifs au refus d’accès à trois documents émanant des autorités espagnoles, au motif que leur divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière ou économique du Royaume d’Espagne.

–       Sur l’obligation pour l’institution saisie de s’assurer de l’existence de la motivation relative à l’opposition et d’en faire état dans la décision attaquée

45      En l’espèce, contrairement à ce qu’allègue la requérante, il ressort du point 2.1 de la décision attaquée que la Commission lui a indiqué non seulement que le Royaume d’Espagne s’opposait à la divulgation des documents demandés en invoquant, notamment, l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), quatrième tiret, du règlement no 1049/2001, aux termes duquel l’accès à un document est refusé dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre, mais aussi quelles étaient les différentes raisons avancées par les autorités espagnoles pour motiver ce refus.

46      Les trois raisons exposées à cet égard par les autorités espagnoles et reprises dans la décision attaquée permettent à la requérante de connaître la motivation avancée par le Royaume d’Espagne aux fins de s’opposer à la divulgation des documents demandés. La Commission s’est donc assurée de l’existence de la motivation relative à l’opposition et en a fait état dans la décision attaquée.

47      Il s’ensuit qu’il ne peut être allégué que les autorités espagnoles n’ont pas motivé leur position et que la Commission n’aurait pas fait état des motifs invoqués à cet égard dans la décision attaquée.

48      À cet égard, la requérante ne peut prétendre que l’une des raisons avancées par le Royaume d’Espagne dans son opposition, à savoir la nécessité alléguée de « garantir un climat adéquat et une stabilité financière dans la perspective des réformes structurelles » serait un « écran de fumée ». Il ressort en effet suffisamment des différents documents disponibles pour le public en ce qui concerne le PRR du Royaume d’Espagne (voir points 8 et 9 ci‑dessus), tout comme des explications fournies sur ce point par ce dernier dans son intervention, que la mise en œuvre de ce PRR implique d’importantes et significatives réformes pour l’économie espagnole, le Royaume d’Espagne indiquant à cet effet, sans être contredit par la requérante, que ledit plan porte sur 110 réformes et sur 102 investissements, pour lesquels la contribution financière totale versée au Royaume d’Espagne sera de 69,5 milliards d’euros.

–       Sur l’obligation pour l’institution saisie de vérifier si les explications données par l’État membre lui paraissent prima facie fondées

49      En l’espèce, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort non seulement du point 2.1 de la décision attaquée, mais aussi de son point 2.2.1 que la Commission lui a indiqué avoir vérifié les explications données par l’État membre pour justifier l’application de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 au droit d’accès aux documents reçus d’un État membre. La Commission a également indiqué à la requérante que, pour les raisons exposées au point 2.2.1 de la décision attaquée, ces explications lui paraissaient, au terme de cette vérification, prima facie fondées.

50      Le raisonnement exposé à cet égard dans la décision attaquée permet à la requérante de connaître le contenu et le résultat de la vérification effectuée par l’institution saisie.

51      Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas s’être assurée de l’existence d’une motivation permettant de fonder l’application de l’exception invoquée.

–       Sur le caractère suffisant de la motivation exposée au titre de la vérification prima facie des explications données pour fonder l’application de l’exception invoquée

52      En l’espèce, au terme de la vérification des explications données par l’État membre pour fonder l’application de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001, la Commission a considéré que :

–        « [l]es documents demandés [avaie]nt été rédigés par les autorités nationales espagnoles[ ; qu’i]ls compren[ai]ent la proposition de PRR [du Royaume d]’Espagne avec [l]es projets de composants [qui lui avaient été ] soumis […] en avril 2021[ ; que c]es documents […] précis[ai]ent en détail un vaste ensemble de réformes de renforcement et de projets d’investissement cruciaux, un calendrier concret des décaissements de l’aide non remboursable et d’autres détails spécifiques sur la planification financière et la politique [du Royaume d]’Espagne » ;

–        « la divulgation des documents à ce stade [le 3 décembre 2021] [aurait pu] avoir une incidence négative sur la politique économique [du Royaume d]’Espagne, étant donné l’importance du plan par rapport au produit intérieur brut » ;

–        « la divulgation des informations détaillées retenues aurait [eu] de vastes implications politiques qui pourraient avoir un impact négatif sur les décaissements de 69,5 milliards d’euros » ;

–        « l’accès public à ces documents [était] susceptible d’engendrer des interférences et des spéculations à chaque étape du processus de négociation et, en fin de compte, de mettre en péril la stabilité financière » ;

–        pour illustrer ces propos, dans le cadre de la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience, il lui appartenait notamment d’évaluer si les investissements et les réformes prévus dans le PRR contribuaient à relever efficacement les défis identifiés dans le cadre du Semestre européen pour la coordination des politiques économiques et sociales, contenaient des mesures qui soutenaient efficacement les transitions verte et numérique et contribuaient à renforcer le potentiel de croissance, la création d’emplois et la résilience sociale de l’État membre concerné ;

–        « [c]ompte tenu de leur caractère préliminaire, il [était] probable que l’accès aux documents [aurait entraîné] des spéculations injustifiées sur la politique financière de l’État membre reposant sur des comparaisons textuelles » ;

–        « [la] divulgation [des documents] [aurait généré] également des pressions injustifiées sur [elle] et les autres institutions lors de la définition des modalités opérationnelles qui [auraient précisé] davantage les éléments, notamment, de suivi et de mise en œuvre du plan[ ; que, c]ompte tenu de la nature préliminaire et du contenu des documents demandés, [elle] consid[érait] ce risque comme étant raisonnablement prévisible et non purement hypothétique ».

53      En conséquence, la Commission a conclu que « la divulgation des documents demandés [aurait porté] atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concern[ait] les politiques financières et économiques [du Royaume d]’Espagne ».

54      C’est au regard de l’ensemble de ces appréciations qu’il convient d’examiner les différentes critiques faites par la requérante sur certaines d’entre elles.

55      À titre liminaire, il convient de relever que l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 s’apprécie au regard des documents demandés dans le contexte du processus de mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience en ce qui concerne le Royaume d’Espagne. C’est en effet dans ce contexte matériel et temporel que l’institution saisie était tenue de vérifier prima facie les explications données pour fonder l’application de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001.

56      À cet égard, il s’avère que les documents demandés consistent en la proposition de PRR présentée par le Royaume d’Espagne en avril 2021, la lettre accompagnant la transmission dudit PRR ainsi qu’une autre lettre de mai 2021 incluant de nouvelles informations sur certains composants du PRR.

57      Il s’avère également que ces documents ne constituent qu’une étape initiale, de « nature préliminaire » selon les termes utilisés par la Commission dans la décision attaquée, d’un processus en plusieurs étapes destinées à permettre les décaissements des 69,5 milliards d’euros susceptibles de bénéficier au Royaume d’Espagne au terme de ce processus. La Commission fait état à plusieurs reprises dans la décision attaquée des différentes modalités et particularités qui concernaient la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience.

58      Les documents demandés précèdent donc le résultat de l’évaluation du PRR effectuée par la Commission en application du règlement 2021/241 et l’adoption par le Conseil de la proposition de décision d’exécution relative à l’approbation de l’évaluation positive par la Commission du PRR du Royaume d’Espagne. Il importe également de relever, comme l’exposent le Royaume d’Espagne dans son opposition et la Commission dans la décision attaquée, que la décision d’exécution du Conseil du 13 juillet 2021, qui selon la requérante pourrait être considérée comme ayant clos le processus décisionnel engagé par la proposition de PRR présentée par le Royaume d’Espagne en avril 2021 et visant à l’adoption dudit PRR, ne constitue qu’une étape du processus plus général de mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience en ce qui concerne le Royaume d’Espagne.

59      En effet, les incidences financières et économiques de la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience en ce qui concerne le Royaume d’Espagne sur celui-ci ne prennent pas fin à la date d’adoption de la décision d’exécution du Conseil du 13 juillet 2021. La Commission précise à ce propos que le PRR qui a fait l’objet de cette décision peut encore faire l’objet d’une mise à jour, afin de tenir compte de la contribution maximale actualisée, ou d’une modification lorsque les jalons et cibles convenus ne peuvent plus être respectés. La Commission indique également que, au moment du dépôt du mémoire en défense, outre le versement d’un préfinancement de 13 % non subordonné à la réalisation de jalons et de cibles, elle n’a adopté qu’une seule décision de paiement.

60      Ainsi, il ressort du dossier que seuls 27 % de la contribution financière accordée au Royaume d’Espagne ont été versés. Les décaissements restants, qui doivent être effectués le 31 décembre 2026 au plus tard, restent soumis aux règles en matière de paiement, de suspension et de résiliation des accords concernant les contributions financières et les prêts, énoncées par le règlement 2021/241. Pour recevoir ces décaissements, l’État membre concerné devra soumettre à la Commission une demande motivée de paiement, qui rendra compte de la réalisation des jalons et cibles indiqués dans le PRR. Cette demande fera ensuite l’objet d’une évaluation de la Commission, qui tiendra compte de l’avis du comité économique et financier avant de se prononcer.

61      Dans ce contexte, premièrement, la Commission pouvait valablement tenir compte des indications, mises en exergue par le Royaume d’Espagne dans son opposition, selon lesquelles, d’une part, les conséquences du PRR sur la politique financière et économique de cet État membre ne prenaient pas fin à la date d’adoption de la décision d’exécution du 13 juillet 2021 et, d’autre part, lesdites conséquences, liées à la mise en œuvre du PRR adopté à l’issue du processus décisionnel défini par le règlement 2021/241, faisaient l’objet d’une négociation permanente entre elle et le Royaume d’Espagne, notamment quant au point de savoir si les jalons et cibles indiqués dans le PRR étaient réalisés, dans le cadre du processus général de mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience en ce qui concernait cet État membre.

62      En outre, il ne saurait être contesté, comme le fait valoir à juste titre le Royaume d’Espagne devant le Tribunal, que le PRR de cet État membre porte sur un vaste ensemble de réformes et d’investissements, qui concernent des aspects significatifs et sensibles du développement de l’économie espagnole, dont la mise en œuvre nécessitera plusieurs années et d’importantes discussions avec les différentes parties intéressées.

63      Dans ces conditions, deuxièmement, la Commission était en droit de considérer qu’il était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique que la divulgation des documents demandés porterait atteinte, en raison de leur nature préliminaire et de leur contenu, à la protection de l’intérêt public invoqué par le Royaume d’Espagne.

64      En effet, ainsi que l’expose la Commission dans la décision attaquée, la divulgation de tels documents risquait de saper le déroulement des négociations encore à venir sur les différentes étapes de la mise en œuvre du PRR, qu’il se soit agi de l’adoption de réformes nécessaires ou du point de savoir si les jalons et cibles indiqués dans le PRR étaient réalisés.

65      À titre d’exemples, d’une part, il était raisonnablement prévisible, comme l’indique le Royaume d’Espagne devant le Tribunal, qu’une comparaison textuelle entre la version des composants 23 (nouvelles politiques publiques pour un marché du travail dynamique, résilient et inclusif) et 30 (pensions) du PRR proposée par le Royaume d’Espagne en avril 2021 et en mai 2021 et la version de ces composantes qui avait fait l’objet de l’évaluation positive de la part de la Commission aurait entraîné des spéculations sur la politique financière du Royaume d’Espagne ou aurait été susceptible d’engendrer des interférences et des spéculations à chaque étape du processus de négociation relatif à la mise en œuvre du PRR.

66      De même, d’autre part, comme le font valoir la Commission et le Royaume d’Espagne pour illustrer le contenu de la décision attaquée, il était également raisonnablement prévisible que la divulgation des échanges passés entre l’État membre concerné et la Commission aurait pu être utilisée pour analyser la réalisation des jalons et cibles convenus. La divulgation des documents demandés aurait alors compromis la position de négociation du Royaume d’Espagne dans ses futures demandes de paiement pour le versement de la contribution financière restante, en risquant de le soumettre à des pressions extérieures.

67      En outre, comme cela ressort également de la décision attaquée, l’importance économique du PRR pour le Royaume d’Espagne et ses implications politiques étaient à prendre en considération quand il s’agissait d’apprécier la portée de l’intérêt public que représentait la bonne tenue des négociations encore à venir à cet égard.

68      Dans une telle situation, il était raisonnablement prévisible, à l’instar de ce qu’indique la Commission dans la décision attaquée en considération des explications avancées par le Royaume d’Espagne, que la divulgation des documents demandés était susceptible d’ouvrir la voie à des spéculations ou à des interférences au regard de la mise en œuvre du PRR, risquant ainsi de créer pour lui des difficultés injustifiées au titre des négociations qui devaient encore intervenir.

69      À cet égard, la requérante ne convainc pas quand elle fait observer que d’autres documents que ceux demandés ont été divulgués au public. En effet, les documents qu’elle évoque sur ce point ne concernent pas des documents de nature préliminaire, mais des documents qui se rapprochent du PRR du Royaume d’Espagne, qui est disponible pour le public.

70      Il ressort de ce qui précède qu’il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir pas vérifié si la divulgation des documents demandés était prima facie de nature à porter atteinte, de manière raisonnablement prévisible et non purement hypothétique, à l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière et économique du Royaume d’Espagne, qui fait l’objet de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001.

71      Le premier moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

72      Au vu de cette conclusion, il ne s’avère donc pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du troisième moyen et du quatrième moyen, qui portent sur l’autre exception invoquée pour refuser l’accès à l’intégralité des documents demandés, la première exception invoquée étant suffisante pour justifier un tel refus.

73      En effet, si, selon la jurisprudence, un même document peut effectivement entrer dans le champ d’application d’une ou de plusieurs exceptions prévues par le règlement no 1049/2001 (arrêts du 10 septembre 2008, Williams/Commission, T‑42/05, non publié, EU:T:2008:325, point 126, et du 28 mai 2020, ViaSat/Commission, T‑649/17, non publié, EU:T:2020:235, point 125), il ressort de l’examen du présent moyen que c’est à juste titre que la Commission a considéré, au vu des explications avancées dans l’opposition du Royaume d’Espagne, que la divulgation des documents demandés porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concernait la politique financière ou économique d’un État membre au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), quatrième tiret, du règlement no 1049/2001.

74      Cette exception justifiant ainsi à elle seule la non-divulgation des documents demandés, la requérante ne soulevant à cet égard aucun grief quant à l’étendue intégrale ou partielle d’un tel refus, il n’y a pas lieu, pour des raisons d’économie de procédure, d’examiner le bien-fondé des griefs de la requérante concernant l’exception relative à la protection du processus décisionnel en cours qui font l’objet du troisième et du quatrième moyens (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2020, ViaSat/Commission, T‑649/17, non publié, EU:T:2020:235, point 127 et jurisprudence citée).

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu

75      Au titre de ce moyen, la requérante fait valoir que, s’il s’avère que les exceptions invoquées pour refuser l’accès au contenu intégral des documents demandés ne s’appliquaient pas, la Commission serait alors en mesure d’accorder l’accès partiel aux documents 2 et 4 demandés en supprimant les références aux informations personnelles à caractère sensible contenues dans ces documents.

76      Dans la mesure où, comme il a été conclu ci-dessus à l’issue du premier moyen, la décision attaquée est fondée au regard de l’application de l’exception relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière et économique d’un État membre, il n’y a donc pas lieu d’examiner une telle hypothèse et de se prononcer sur le bien-fondé du deuxième moyen.

77      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, comme l’exposent la requérante et la Commission, le point 2.3 de la décision attaquée fait état de l’appréciation de cette dernière selon laquelle les informations personnelles à caractère sensible figurant dans les documents 2 et 4 demandés, dont les « noms, noms de famille, fonctions, numéros de téléphone et adresses électroniques des représentants des autorités nationales espagnoles ainsi que [de ses] fonctionnaires de la Commission n’occupant pas un poste d’encadrement supérieur », étaient protégées au titre de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001.

78      Il ressort également de la décision attaquée, comme la requérante le reconnaît dans son argumentation à cet égard, que l’appréciation susmentionnée ne concerne que les informations personnelles à caractère sensible ici en cause et non le reste des documents 2 et 4 demandés.

79      Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir indiqué à toutes fins utiles dans la décision attaquée que, si les autres exceptions énoncées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne s’appliquaient pas, elle serait tout de même en droit de supprimer les références aux informations personnelles à caractère sensible.

80      Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme non fondé en tout état de cause.

81      Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, dès lors que, comme cela ressort de l’examen du premier moyen, la décision attaquée s’avère fondée au regard de l’exception relative à la protection de la politique financière et économique d’un État membre.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

83      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, un État membre qui est intervenu au litige supporte ses propres dépens. Par conséquent, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Asesores Comunitarios, SL supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 février 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.